Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62003CJ0301

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 1er décembre 2005.
    République italienne contre Commission des Communautés européennes.
    Fonds structurels - Éligibilité des dépenses - Modifications de compléments de programmation - Irrecevabilité.
    Affaire C-301/03.

    Recueil de jurisprudence 2005 I-10217

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:727

    Affaire C-301/03

    République italienne

    contre

    Commission des Communautés européennes

    «Fonds structurels — Éligibilité des dépenses — Modifications de compléments de programmation — Irrecevabilité»

    Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 15 septembre 2005 

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 1er décembre 2005 

    Sommaire de l'arrêt

    Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes destinés à produire des effets juridiques — Actes relatifs à la date d'éligibilité des nouvelles dépenses lors de la modification des documents de programmation pour les interventions structurelles communautaires — Exclusion

    (Art. 230 CE)

    Le recours en annulation est ouvert à l'égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu'en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit. Tel n'est pas le cas d'un acte de la Commission établi dans le cadre des interventions prévues au titre des Fonds à finalité structurelle et relatif à la date d'éligibilité des nouvelles dépenses lors de la modification des documents de programmation, qui utilise les termes «il est proposé de retenir les règles suivantes», la notion de proposition constituant précisément une indication claire de ce que ledit acte n'est pas destiné à produire des effets de droit. Par ailleurs, la distribution aux États membres dudit acte a été précédée de l'avertissement explicite de la Commission qu'un pareil document était interne, qu'il n'était pas toujours définitif et qu'il traduisait simplement l'opinion des services de la Commission.

    Il en est de même s'agissant de trois notes de la Commission à ce sujet communiquées aux autorités nationales. En effet, d'une part, lesdites notes ne font rien d'autre que de se référer à ce même acte qui, lui, n'est pas destiné à produire des effets de droit. D'autre part, lesdites notes ont été envoyées par la Commission dans le cadre de la procédure de consultation écrite pour la modification des compléments de programmation, entamée par les comités de suivi concernés. Or, il résulte des dispositions combinées des articles 15, paragraphe 6, 34, paragraphe 3, et 35 du règlement nº 1260/1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels, que, dans le cadre d'une telle procédure, la Commission a un simple rôle consultatif et n'est pas habilitée à adopter des actes juridiquement contraignants, sauf si les éventuelles modifications portent sur les éléments contenus dans la décision de participation des Fonds structurels au sens de l'article 34, paragraphe 3, dudit règlement, ce qui n'est cependant pas allégué en l'espèce.

    (cf. points 19, 21-28)




    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    1er décembre 2005 (*)

    «Fonds structurels – Éligibilité des dépenses – Modifications de compléments de programmation – Irrecevabilité»

    Dans l’affaire C-301/03,

    ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 2 juillet 2003,

    République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de MM. G. Aiello et A. Cingolo, avvocati dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. de March et L. Flynn, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avvocato, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann, R. Schintgen, G. Arestis et J. Klučka, juges,

    avocat général: M. F. G. Jacobs,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2005,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 septembre 2005,

    rend le présent

    Arrêt

    1       Par sa requête, la République italienne demande à la Cour d’annuler:

    –       l’acte n° CDRR-03-0013-00-IT de la Commission, relatif à la date d’éligibilité des nouvelles dépenses lors de la modification des documents de programmation (ci-après l’«acte attaqué»),

    –       la note n° 106387 de la Commission, du 14 mai 2003, communiquée aux autorités italiennes et relative au programme opérationnel régional Sardegna 2000-2006,

    –       la note n° 107051 de la Commission, du 28 mai 2003, communiquée aux autorités italiennes et relative au programme opérationnel régional Sicilia 2000-2006,

    –       la note n° 107135 de la Commission, du 2 juin 2003, communiquée aux autorités italiennes et relative au document unique de programmation Lazio 2000-2006 (ci-après, ensemble, les «notes attaquées»), et

    –       tous les actes connexes, préalables et ultérieurs.

     Le cadre juridique

    2       L’article 15 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1, ci-après le «règlement»), intitulé «Préparation et approbation», prévoit à son paragraphe 6:

    «L’État membre, ou l’autorité de gestion, arrête le complément de programmation défini à l’article 9, point m), après accord du comité de suivi si le complément de programmation est établi après la décision de participation des Fonds de la Commission, ou après consultation des partenaires concernés s’il est établi avant la décision de participation des Fonds. Dans ce dernier cas, le comité de suivi soit confirme le complément de programmation, soit demande une adaptation conformément à l’article 34, paragraphe 3.

    L’État membre le transmet à la Commission dans un document unique pour information au plus tard trois mois après la décision de la Commission approuvant un programme opérationnel ou un document unique de programmation.»

    3       L’article 30 du règlement, intitulé «Éligibilité», dispose à son paragraphe 2:

    «Une dépense ne peut pas être considérée comme éligible à la participation des Fonds si elle a été effectivement payée par le bénéficiaire final avant la date à laquelle la Commission a reçu la demande d’intervention. Cette date constitue le point de départ de l’éligibilité des dépenses.

    La date finale d’éligibilité des dépenses est fixée dans la décision de participation des Fonds. Elle se réfère aux paiements effectués par les bénéficiaires finals. Elle peut être prorogée par la Commission sur demande dûment justifiée de l’État membre, suivant les dispositions des articles 14 et 15.»

    4       L’article 34 du règlement, intitulé «Gestion par l’autorité de gestion», énonce à son paragraphe 3:

    «L’autorité de gestion adapte, à la demande du comité de suivi ou de sa propre initiative, le complément de programmation, sans modifier le montant total de la participation des Fonds octroyé à l’axe prioritaire concerné ni les objectifs spécifiques de celui-ci. Après approbation par le comité de suivi, elle informe la Commission de cette adaptation dans un délai d’un mois.

    Les éventuelles modifications portant sur les éléments contenus dans la décision de participation des Fonds sont décidées par la Commission, en accord avec l’État membre concerné, dans un délai de quatre mois à compter de l’approbation du comité de suivi.»

    5       Aux termes de l’article 35 du règlement, intitulé «Comités de suivi»:

    «1.      Chaque cadre communautaire d’appui ou document unique de programmation et chaque programme opérationnel est accompagné par un comité de suivi.

    Les comités de suivi sont créés par l’État membre, en accord avec l’autorité de gestion après consultation des partenaires. Ceux-ci veillent à une participation équilibrée des femmes et des hommes.

    Les comités de suivi sont constitués dans un délai maximal de trois mois après la décision relative à la participation des Fonds. Les comités de suivi relèvent de la compétence, y compris juridictionnelle, de l’État membre.

    2.      Un représentant de la Commission et, le cas échéant, un représentant de la BEI participent aux travaux du comité de suivi avec voix consultative.

    Le comité de suivi établit son règlement intérieur dans le cadre institutionnel, juridique et financier de l’État membre concerné et l’arrête en accord avec l’autorité de gestion.

    En principe, le comité de suivi est présidé par un représentant de l’État membre ou de l’autorité de gestion.

    3.      Le comité de suivi s’assure de l’efficacité et de la qualité de la mise en œuvre de l’intervention. À cet effet:

    a)      conformément à l’article 15, il confirme ou adapte le complément de programmation, y compris les indicateurs physiques et financiers à utiliser dans le suivi de l’intervention. Son approbation est requise avant toute adaptation ultérieure;

    […]»

     Les faits à l’origine du litige et la procédure

    6       En 2002, la Commission, en partenariat avec les États membres, a entamé un exercice visant à la simplification des procédures pour l’utilisation des Fonds structurels. À cet égard, elle a présenté aux délégués des États membres, le 24 juillet 2002, à l’occasion de la 67e réunion du comité pour le développement et la reconversion des régions (ci-après le «comité»), institué par l’article 47 du règlement, puis, le 7 octobre 2002, à la réunion ministérielle réunissant les ministres des États membres et le commissaire compétents pour la politique régionale un projet de document intitulé «Note sur la simplification, l’éclaircissement, la coordination et la flexibilité de la gestion des politiques structurelles 2000-2006». Un des thèmes traités dans ledit document concernait la modification des programmes en cours.

    7       Il ressort du procès-verbal de la 67e réunion du comité que, au début de celle-ci, le président, directeur à la direction générale «Politique régionale» de la Commission, a déclaré que les notes d’information transmises au comité par cette dernière «visent à donner connaissance aux États membres de la manière dont les services de la Commission interprètent et appliquent les règles de mise en œuvre des Fonds structurels. Par nature, ces notes sont internes, et elles ne sont pas toujours définitives».

    8       Il ressort également dudit procès-verbal que, en réponse à une question du délégué de la République italienne, le représentant de la Commission a déclaré que, «en cas de modification des programmes, la date initiale de l’éligibilité des nouvelles mesures (ou mesures modifiées) est identique à celle du programme, c’est-à-dire dans la plupart des cas la date de la réception d’un programme admissible».

    9       Le problème particulier de la rétroactivité des dépenses en cas de modification des programmes a été soulevé et discuté lors de réunions ultérieures du comité, à la suite desquelles la Commission a informé les États membres qu’elle avait soumis la question à son service juridique.

    10     Le 23 avril 2003, à l’occasion de la 75e réunion du comité, la Commission a présenté l’acte attaqué.

    11     Dans cet acte, il est d’abord rappelé que, à l’exception des décisions relatives à des aides d’État notifiées, «[l]es décisions initiales qui approuvent les documents de programmation stipulent la date de début d’éligibilité des opérations couvertes par la forme d’intervention, en application des dispositions des articles 30 et 52 du règlement […]».

    12     Ensuite, ledit acte énonce:

    «[…]

    Devant la nécessité de maintenir une programmation qui ne soit pas détournée de son objectif de développement ou de reconversion des régions éligibles au profit de la seule nécessité de l’absorption financière, voire du détournement du dégagement d’office et au vu des pratiques appliquées actuellement par les États membres, il est proposé de retenir les règles suivantes:

    1.      L’éligibilité d’une nouvelle dépense introduite lors de la modification d’un programme opérationnel [(ci-après le «PO»)] ou d’un [document unique de programmation (ci-après le «Docup»)] débute à partir de la date de réception par la Commission de la demande de modification de l’intervention. La date d’éligibilité doit alors apparaître dans la décision d’approbation de la modification du Docup ou du PO.

    2.      En ce qui concerne les modifications des compléments de programmation, il faut faire la distinction entre deux situations. Si les modifications nécessitent une modification du Docup ou du PO, alors c’est la date d’éligibilité figurant dans la décision d’approbation de la modification du Docup ou du PO qui est d’application. S’il s’agit par contre d’une modification autonome du complément de programmation, la date de début d’éligibilité sera déterminée par le comité de suivi mais, pour des raisons de bonne gestion financière, ne peut pas précéder la date d’approbation par le même comité de la modification proposée.

    […]

    5.      Pour les décisions de modification déjà prises sans mention explicite d’une date, la date de début d’éligibilité est la date retenue initialement dans la décision, dans sa version non modifiée».

    13     Par lettre du 29 avril 2003 transmise à la Commission, le gouvernement italien a contesté l’acte attaqué.

    14     Par la suite, au cours de la procédure de consultation écrite pour la modification des compléments de programmation, entamée par les comités de suivi des Régions Sardaigne, Sicile et Latium, la Commission a envoyé à ces Régions les notes attaquées, dans lesquelles, outre différents commentaires et remarques sur les modifications communiquées, elle faisait référence à l’acte attaqué et en confirmait le contenu.

     Sur la recevabilité du recours

    15     La Commission conteste la recevabilité du recours. Selon elle, l’acte et les notes attaqués ne constituent pas des actes attaquables au sens de l’article 230 CE. Il résulterait, en effet, d’une jurisprudence constante qu’un acte ne peut faire l’objet d’un recours en annulation que s’il est objectivement destiné à produire des effets juridiques à l’égard de tiers et peut donc affecter directement les intérêts de ces derniers en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique.

    16     Or, selon la Commission, ces conditions ne sont pas réalisées dans le cas de l’acte et des notes attaqués. Elle se serait, en effet, limitée à communiquer aux États membres l’interprétation qu’elle a l’intention de retenir dans l’application de l’article 30 du règlement. Les intérêts des tiers ne pourraient être concrètement affectés que par les mesures qui seront effectivement adoptées en application de la ligne de conduite communiquée.

    17     Le gouvernement italien estime que le recours est recevable.

    18     Il soutient que l’acte attaqué, même s’il ne contient qu’une proposition d’adoption de règles de procédure d’ordre général, est susceptible, comme le montrent les notes attaquées, de produire des effets immédiats et préjudiciables pour les États membres, lesquels se trouveront dans la situation de devoir adopter immédiatement des réglementations différentes en matière de modification des compléments de programmation, ces États ne pouvant pas courir le risque de l’inéligibilité des dépenses au cofinancement communautaire, s’agissant des opérations déjà effectuées.

    19     À cet égard, il convient de rappeler que le recours en annulation est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (voir, notamment, arrêt du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, Rec. p. I-2415, point 27 et jurisprudence citée).

    20     Il importe donc d’examiner si l’acte et les notes attaqués constituent de telles dispositions.

    21     S’agissant de l’acte attaqué, il y a lieu de relever que celui-ci utilise les termes «il est proposé de retenir les règles suivantes».

    22     Or, la référence à la notion de proposition constitue précisément une indication claire de ce que le contenu dudit acte n’est pas destiné à produire des effets de droit.

    23     Par ailleurs, la distribution aux États membres de l’acte attaqué a été précédée de l’avertissement explicite de la Commission durant la 67e réunion du comité qu’un pareil document était interne, qu’il n’était pas toujours définitif et qu’il traduisait simplement l’opinion des services de la Commission.

    24     Dès lors, compte tenu du libellé de l’acte attaqué ainsi que du contexte dans lequel celui-ci a été présenté, il convient de constater que ledit acte n’est pas destiné à produire des effets de droit.

    25     La même constatation s’impose s’agissant des notes attaquées.

    26     En effet, d’une part, lesdites notes ne font rien d’autre que de se référer à l’acte attaqué qui, lui, n’est pas destiné à produire des effets de droit.

    27     D’autre part, il ressort du dossier que lesdites notes ont été envoyées par la Commission dans le cadre de la procédure de consultation écrite pour la modification des compléments de programmation, entamée par les comités de suivi des Régions Sardaigne, Sicile et Latium.

    28     Or, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, il résulte des dispositions combinées des articles 15, paragraphe 6, 34, paragraphe 3, et 35 du règlement que, dans le cadre d’une telle procédure, la Commission a un simple rôle consultatif et n’est pas habilitée à adopter des actes juridiquement contraignants, sauf si les éventuelles modifications portent sur les éléments contenus dans la décision de participation des Fonds structurels au sens de l’article 34, paragraphe 3, du règlement. Il n’est cependant pas allégué que tel soit le cas en l’espèce.

    29     La constatation que l’acte et les notes attaqués ne sont pas destinés à produire des effets de droit n’est pas remise en cause par l’argument du gouvernement italien selon lequel, sous peine d’être confrontés à l’inéligibilité de certaines dépenses au cofinancement communautaire, les États membres doivent adopter immédiatement des réglementations différentes en matière de modification des compléments de programmation.

    30     En effet, si lesdits acte et notes peuvent avoir pour effet de révéler aux États membres qu’ils courent un risque de voir refusées au financement communautaire certaines dépenses effectuées en application d’une autre interprétation de cette même disposition réglementaire, ceci constitue toutefois une simple conséquence de fait et non pas un effet juridique que lesdits acte et notes attaqués sont destinés à produire (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 19).

    31     L’argument du gouvernement italien selon lequel l’acte et les notes attaqués visent à produire des effets de droit au motif que la Commission y retient une interprétation erronée des obligations découlant de l’article 30 du règlement ne saurait pas davantage être retenu.

    32     En effet, à supposer même que ces acte et notes contiennent une interprétation erronée de ladite disposition, cette circonstance n’est pas en soi de nature à remettre en cause la constatation, fondée sur le libellé et le contexte desdits acte et notes, que ceux-ci ne sont pas destinés à produire des effets de droit.

    33     Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

     Sur les dépens

    34     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

    1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

    2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’italien.

    Top