This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62003CC0046
Opinion of Advocate General Stix-Hackl delivered on 9 June 2005. # United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v Commission of the European Communities. # Structural funds - Decommitment of amounts - Conditions - Manchester/Salford/Trafford 2 ('MST 2') Programme. # Case C-46//03.
Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 9 juin 2005.
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Commission des Communautés européennes.
Fonds structurels - Dégagement de sommes - Conditions - Programme Manchester/Salford/Trafford 2 ('MST 2').
Affaire C-46//03.
Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 9 juin 2005.
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Commission des Communautés européennes.
Fonds structurels - Dégagement de sommes - Conditions - Programme Manchester/Salford/Trafford 2 ('MST 2').
Affaire C-46//03.
Recueil de jurisprudence 2005 I-10167
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:369
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
Mme CHRISTINE Stix-Hackl
présentées le 9 juin 2005 (1)
Affaire C-46/03
Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
contre
Commission des Communautés européennes
«Fonds européen de développement régional – Programme Manchester‑Salford‑Trafford 2 (‘MST 2’) – Engagement budgétaire – Délai fixé par l’article 52, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 1260/1999 du Conseil – Décision de dégagement de la Commission»
Table des matières
I – Introduction
II – Le cadre juridique
III – Les faits
IV – La procédure
V – Appréciation
A – Recevabilité du recours en vertu des articles 230 CE et 231 CE
B – Le bien-fondé
1. Premier moyen: les erreurs de droit, d’interprétation et d’appréciation figurant dans la décision attaquée
a) Arguments du Royaume‑Uni
b) Arguments de la Commission
c) Appréciation juridique
i) Sur le rapport entre les règlements
ii) Sur l’argument tiré de la présentation dans les délais requis d’une demande au sens de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999
Le rapport final
La déclaration relative aux dépenses
Conclusion intermédiaire
iii) Sur le non-usage allégué du pouvoir d’appréciation
iv) Sur la violation alléguée du principe de proportionnalité
v) Sur la violation alléguée du principe de sécurité juridique
vi) Sur la violation alléguée des principes de bonne administration, de solidarité communautaire, de partenariat régional et du principe de loyauté communautaire visé à l’article 10 CE
2. Deuxième moyen: le comportement de la Commission
a) Arguments principaux
b) Appréciation juridique
i) Sur le caractère opérant du moyen
ii) Sur l’obligation d’information de la Commission selon l’article 31, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement nº 1260/1999
iii) Sur le comportement de la Commission en particulier
3. Troisième moyen: défaut de motivation de la décision C(92) 1358/8
a) Arguments du Royaume‑Uni
b) Arguments de la Commission
c) Analyse juridique
VI – Conclusion
I – Introduction
1. Par le présent recours, le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sollicite de la Cour, d’une part, l’annulation, en application des articles 230 CE et 231 CE, de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 22 novembre 2002, de dégager le solde de 11 632 600 euros, engagé en faveur du programme opérationnel Manchester-Salford-Trafford 2 (ci-après le «MST 2») dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER). Le Royaume‑Uni fait valoir en substance que cette décision repose sur une interprétation erronée de l’article 52, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 1260/1999 (2) et de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8, de la Commission, du 6 juillet 1992, relative à l’intervention du FEDER et du Fonds social européen (FSE) en faveur d’un programme opérationnel intégré pour Manchester, Salford, Trafford dans le contexte du cadre communautaire d’appui pour le nord-ouest du Royaume‑Uni, du 18 décembre 1991, adopté aux fins de l’objectif nº 2 [ci-après la «décision C(92) 1358/8»].
2. Dans l’hypothèse où l’interprétation que la Commission a donnée de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 et/ou de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 devrait être exacte, le Royaume‑Uni demande à la Cour, d’autre part, de constater en vertu de l’article 241 CE l’inapplicabilité à son territoire des actes juridiques susmentionnés. Par courrier du 23 mars 2005, le Royaume‑Uni a toutefois renoncé à cette dernière demande.
II – Le cadre juridique
3. L’article 21 du règlement (CEE) nº 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) nº 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (3), est intitulé «Paiements». Aux termes de son paragraphe 4:
«Le paiement du solde de chaque engagement est effectué si:
– l’autorité désignée, visée au paragraphe 1, soumet à la Commission une demande de paiement dans les six mois suivant la fin de l’année concernée ou l’achèvement matériel de l’action,
– les rapports visés à l’article 25, paragraphe 4, sont soumis à la Commission,
– l’État membre envoie à la Commission une attestation confirmant les informations fournies dans la demande de paiement et les rapports.»
4. Le règlement nº 4253/88 a été abrogé par le règlement n° 1260/1999, entré en vigueur le 1er janvier 2000 (4).
5. L’article 52 du règlement nº 1260/1999 s’intitule «Dispositions transitoires». Aux termes de son paragraphe 5:
«Les parties des sommes engagées pour les opérations ou les programmes décidés par la Commission avant le 1er janvier 1994 et qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de paiement définitif à la Commission au plus tard le 31 mars 2001 sont dégagées d’office par celle-ci au plus tard le 30 septembre 2001 et donnent lieu au remboursement des sommes indues, sans préjudice des opérations ou des programmes qui font l’objet de suspension pour raison judiciaire.»
III – Les faits
6. À la demande du Royaume‑Uni, notifiée par courrier du 20 septembre 1991, la Commission a adopté la décision C(92) 1358/8.
7. Dans cette décision, la Commission a approuvé le MST 2 pour la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1993 et a fixé, conformément au plan de financement, l’étendue du cofinancement par le FEDER à 56,51 millions d’écus. Elle a en outre arrêté au 31 décembre 1995 le délai imparti au Royaume‑Uni pour verser les paiements aux bénéficiaires finaux chargés, à l’échelle nationale, de la mise en œuvre des actions, étant entendu que le Royaume‑Uni pouvait obtenir de la Commission une prorogation de ce délai en en faisant la demande motivée et en temps utile.
8. Il a été expressément indiqué à l’article 6 de cette même décision que, pour bénéficier du concours des Fonds structurels, l’État membre concerné doit remplir les conditions particulières énoncées à l’article 10 de l’annexe de cette même décision, dont elle fait partie intégrante. Selon cet article 6, une violation de ces conditions peut entraîner la suspension du concours.
9. Aux termes de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8:
«Le paiement du solde pour chaque engagement sera soumis aux conditions cumulatives suivantes:
– soumission à la Commission, par l’autorité désignée, de la demande de paiement, dans les six mois suivant la fin de l’année concernée ou de l’achèvement en pratique de l’opération concernée; cette demande sera formulée sur la base de dépenses effectivement exposées par les bénéficiaires finaux et pour lesquelles des documents justificatifs existent;
– soumission à la Commission des rapports pertinents mentionnés à l’article 25, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 4253/88, sous une forme standard à convenir;
– transmission par l’État membre à la Commission d’un certificat confirmant les renseignements contenus dans la demande de paiement et dans les rapports.»
10. Par décision C(93) 3804, du 17 décembre 1993 [ci-après la «décision C(93)3804»], la Commission a augmenté la contribution du FEDER à 58,163 millions d’écus et a, sur ce point, modifié sa décision C(92) 1358/8 en conséquence.
11. Le 22 décembre 1993, une fonctionnaire du Government Office for the North West (autorité régionale compétente, ci-après le «GONW») a écrit aux membres du comité directeur ainsi qu’à la Commission et a, conformément à la nouvelle décision de cette dernière, joint les tableaux financiers révisés. Dans ce courrier, cette fonctionnaire est partie, par erreur, d’un montant de 58,76 millions d’écus comme total de la contribution du FEDER.
12. Ensuite, la Commission a, par télécopie du 14 février 1994, fait parvenir au GONW une copie du tableau, accompagnée d’une correction manuscrite portant le total à 58,163 millions d’écus, et a demandé à cette autorité de le confirmer. Le 21 février 1994, cette dernière a adressé à la Commission une télécopie confirmant l’exactitude des chiffres figurant dans les tableaux financiers que la Commission avait faxés le 14 février 1994.
13. Par décision C(96) 461, du 4 mars 1996 [ci-après la «décision C(96) 461»], la Commission a prolongé du 31 décembre 1995 au 31 décembre 1996 la date limite des paiements effectués par le Royaume‑Uni aux destinataires finaux; elle a à nouveau modifié en conséquence la décision C(92) 1358/8.
14. Le 11 juin 1999, le GONW a fait parvenir à la Commission le projet de rapport final sur le MST 2. Le 31 juillet 2000, le GONW a de nouveau envoyé à la Commission une copie des projets mis à jour du rapport final.
15. Par courrier du 26 février 2001, le GONW a déclaré à la Commission que les tableaux financiers définitifs pour le MST 2 étaient en cours d’élaboration. D’après ce courrier, ceux-ci seraient envoyés par voie électronique à la Commission dès qu’ils seraient achevés, mais en tout état de cause avant le 31 mars 2001, délai à l’expiration duquel les engagements seraient dégagés d’office.
16. Le GONW a ensuite envoyé à la Commission par courrier du 15 mars 2001 le rapport final sur le MST 2 en indiquant que les justificatifs des dépenses effectivement réalisées seraient immédiatement envoyés par courrier électronique dès que les questions en suspens avec le Manchester City Council seraient résolues, et ce également avant l’expiration du délai de dégagement.
17. Par courrier électronique du 21 mars 2001, le GONW a envoyé quatre tableaux financiers à la Commission en indiquant que celle-ci serait ainsi en mesure de clôturer le MST 2. Le fonctionnaire compétent l’y a en même temps invitée à le rappeler en cas de questions éventuelles puisqu’il était conscient de la brièveté des délais.
Les tableaux financiers présentés sous format Excel sont les suivants:
Projets approuvés par le Royaume‑Uni (annexe 3)
Projets approuvés, classés par priorité (annexe 4)
Plafonds de financement par action (annexe 5, tableaux 1A à 1C ainsi que 3A et 3B, sachant que le contenu des tableaux 1C et 3A est identique)
Dépenses éligibles par priorité, par année civile (annexe 5, tableaux 2A et 2B)
Aperçu, par action, des subventions autorisées, engagées et octroyées (annexe 3 également)
Aperçu des tranches annuelles engagées (annexe 5 tableau 4).
18. Les tableaux figurant aux annexes 3 (projets approuvés par le Royaume‑Uni) et 4 chiffrent à un total de 111 735 335 GBP les dépenses éligibles pour l’ensemble des projets. Par contre, le total inscrit à l’annexe 5, tableau 2A, est de 107 746 599 GBP; il est ventilé par priorité, étant entendu que manquent dans ce tableau les données relatives aux priorités 3 et 5 de l’année 1996.
19. L’annexe 5, tableaux 1A et 1B, chiffre la participation financière du FEDER à 56,51 millions d’écus, tandis que les tableaux 1C et 3A de la même annexe chiffrent celle-ci à 58,76 millions d’écus.
20. D’après l’annexe 3, la somme totale s’élève également à 58,76 millions d’écus. À cet égard, cette annexe renvoie expressément à la décision C(93) 3804.
21. La présence, dans les tableaux, de données contradictoires sur la somme totale du financement par le FEDER a par la suite entraîné des incertitudes de part et d’autre sur le montant des ressources consenties en fin de compte par le FEDER. À cet égard, le GONW a néanmoins visiblement toujours estimé que le plan de financement annexé à la décision C(93) 3804 était celui obligatoire.
22. Par courrier électronique du 8 mai 2001, la Commission a exigé les annexes révisées du MST 2. S’en est alors suivi un échange de courriers électroniques entre les parties durant les mois de juillet et d’août 2001, dans lequel le GONW a, à plusieurs reprises, transmis à la Commission des chiffres corrigés, et ce les 14 juin, 19 juillet, 6 et 13 août 2001. Durant cet échange, la Commission n’a pas invoqué l’expiration du délai fixé au 31 mars 2001. Au contraire, elle a, le 5 septembre 2001, encore sollicité par courrier électronique la transmission de deux documents, dont «une copie de la déclaration définitive de dépenses relative au MST 2» qui, d’après l’estimation du service concerné de la Commission, avait déjà été transmise en 1997.
23. La Commission a réitéré sa demande dans un courrier électronique du 24 octobre 2001, à la suite duquel la correspondance électronique entre celle-ci et le GONW s’est poursuivie le 20 décembre 2001 et le 15 janvier 2002.
24. Par courrier électronique du 18 janvier 2002, la Commission a finalement déclaré au GONW qu’il fallait avant tout déterminer si une déclaration de dépenses signée lui était parvenue avant le 31 mars 2001. La Commission a indiqué qu’elle se procurerait un exemplaire du dernier plan de financement, dont elle ne disposait pas jusqu’alors. D’après les enregistrements de celle-ci, le dernier plan de financement est celui qui était joint à la décision C(93) 3804. Le GONW a répondu par courrier électronique du 25 janvier 2002 qu’il n’avait produit à cette date aucune déclaration définitive relative au MST 2 en expliquant qu’il attendait encore la communication de la décision de la Commission devant servir de base à cette déclaration.
25. Indépendamment de cela, le directeur général de la DG «Politique régionale» a demandé confirmation, par courrier du 24 janvier 2002 adressé au représentant permanent du Royaume‑Uni auprès de l’Union européenne, de ce qu’avant le 31 mars 2001 ni certificat d’attestation définitive des dépenses indiquées ni demande de paiement définitif n’avaient été soumis, et il a fixé au 7 février 2002 le délai pour permettre au GONW de présenter ses observations.
26. Le 4 février 2002, le GONW a, par référence au courrier du 24 janvier 2002, informé la Commission par voie électronique de ce qu’il attendait confirmation des chiffres figurant dans les tableaux financiers, transmis le 13 août 2001. À la suite de cela, il entendait produire le certificat d’attestation définitive des dépenses indiquées, et présenter la demande de paiement définitif.
27. Après que la Commission eut indiqué que cela ne constituait pas une réponse à la question du 24 janvier 2002, le GONW a répliqué le jour même ainsi que dans un courrier du 6 février 2002 que l’inconvénient des anciens programmes tenait aux difficultés à retrouver les documents originaux, et qu’il y avait donc eu normalement une coopération étroite avec la Commission. Tant que la Commission ne s’était pas déclarée d’accord avec les chiffres, il était impossible au GONW de produire l’attestation définitive des dépenses indiquées.
28. La Commission a signalé dans un courrier électronique du 6 février 2002 qu’elle ne pouvait donner aucun chiffre sans connaître le montant des dépenses réalisées. En conséquence, elle a demandé que les formulaires originaux signés lui soient communiqués dans les plus brefs délais.
29. Le même jour, le GONW a signé le formulaire de la Commission dans lequel figuraient les justificatifs des dépenses exposées dont le paiement est demandé à la Commission, et a fait parvenir ce formulaire à celle-ci. Il en ressortait que les dépenses s’élevaient à un total de 111 735 335 GBP. Le tableau des dépenses joint au formulaire contenait pour les années 1992 à 1995 les mêmes chiffres par priorité que ceux figurant à l’annexe 5, tableau 2A, du message électronique du 21 mars 2001. Toutefois, les dépenses de l’année 1996 sont à présent déclarées par priorité d’une autre façon, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas seulement complétées par les informations sur les priorités 3 et 5 (5).
30. Par courrier du 18 avril 2002 adressé au représentant permanent du Royaume‑Uni auprès de l’Union européenne, le directeur général de la DG «Politique régionale» a notamment fait savoir que le document du 6 février 2002 ne pouvait pas être accepté comme demande de paiement puisque l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 prévoyait la date du 31 mars 2001 comme délai de dépôt d’un tel document. D’après cette même disposition, le solde devait, selon lui, être dégagé d’office. De plus, la Commission avait fixé un délai de deux mois à compter de la réception du courrier pour permettre au GONW de présenter ses observations, et avait suspendu la procédure de paiement jusqu’à cette date. À défaut de présentation ponctuelle des observations, la Commission clôturerait le programme comme elle l’avait indiqué au début, et agirait en conséquence.
31. Le représentant permanent du Royaume‑Uni auprès de l’Union européenne a répondu par courrier du 12 juin 2002 que les informations pertinentes avaient été transmises avant le 31 mars 2001 et qu’il avait été considéré que les tableaux financiers transmis le 21 mars 2001 suffiraient comme déclaration de dépenses tant que n’était pas réglé l’examen avec la Commission de la question de la détermination du dernier plan de financement. Le GONW a toujours insisté sur le fait que la décision C(93) 3804 était la décision définitive, mais que la Commission ne l’avait confirmé que le 18 janvier 2002. Le retard dans la demande était par conséquent inévitable. De surcroît, cela n’avait aucun sens de déposer une telle demande basée sur des chiffres que la Commission n’avait pas approuvés pour autoriser le paiement du solde.
32. Par courrier du 22 novembre 2002 qui est en même temps l’objet du litige dans la présente procédure (ci-après la «décision attaquée»), la Commission conteste le caractère prétendument inévitable de la présentation tardive de la demande. La demande définitive et la déclaration de dépenses dépendent, selon elle, des obligations contractées à l’échelle nationale. Ces obligations ne peuvent pas non plus être ultérieurement modifiées. L’argumentation relative au plan de financement ne saurait être retenue. En persistant à affirmer que la décision C(93) 3804 était la décision définitive, le GONW a lui‑même contredit la position qu’il avait adoptée dans l’annexe 5, tableau 3A, du rapport final. En conséquence, aucun des arguments avancés ne saurait empêcher la réalisation de la conséquence prévue à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 en cas d’introduction hors délai de la demande. L’unité compétente au sein de la direction générale concernée avait reçu pour instruction de dégager le solde de 11 632 600 euros. Elle était en outre obligée d’exiger le remboursement de 9 272 767,82 euros.
33. Par courrier du 6 décembre 2002, le GONW a signalé à la Commission notamment le fait que, selon l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, cette dernière aurait alors dû néanmoins procéder au dégagement avant le 30 septembre 2001. Selon le GONW, la Commission elle-même a adopté ici un comportement contradictoire.
IV – La procédure
34. Le recours a été inscrit le 31 janvier 2003 au registre de la Cour. Par ordonnance du président de la Cour, du 25 mars 2003, le Conseil a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
35. Le Royaume‑Uni conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
1) annuler, en vertu des articles 230 CE et 231 CE, les actes juridiques suivants:
a) une décision de la Commission, contenue dans une lettre du 22 novembre 2002, de dégager la somme de 11 632 600 euros;
b) une décision ultérieure, adoptée à une date que le Royaume‑Uni ignore, en décembre 2002 ou en janvier 2003, de dégager cette somme;
c) tous les actes adoptés à la suite de cette décision ainsi que le dégagement lui-même;
d) une décision de la Commission, contenue dans la lettre du 22 novembre 2002, portant recouvrement de la somme de 9 272 767 euros qui avait déjà été payée au Royaume‑Uni pour le programme MST 2, et
e) tous les actes adoptés à la suite de cette décision;
2) déclarer en vertu de l’article 231 CE l’invalidité de tous ces actes;
3) dans l’hypothèse où l’interprétation de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 et/ou de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 de la Commission est légale, déclarer en vertu de l’article 241 CE que ces actes ne sauraient s’appliquer à l’encontre du Royaume‑Uni;
4) condamner la Commission aux dépens.
36. Après que la Commission eut déclaré le 13 mars 2003 qu’elle n’exigerait plus le remboursement de 9 272 767,82 euros, le Royaume‑Uni s’est désisté sur ce point [conclusions nº 1, sous d) et e)]. Par courrier du 23 mars 2005, qui porte par erreur la date du 23 mars 2004, le Royaume‑Uni s’est désisté de sa conclusion nº 3.
37. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– rejeter le recours comme étant irrecevable pour partie, et dénué de fondement pour le surplus;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant dénué de tout fondement;
– condamner le requérant aux dépens.
38. Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– déclarer irrecevable la demande faite par le Royaume‑Uni en application de l’article 241 CE; à titre subsidiaire, la déclarer dénuée de tout fondement;
– condamner le requérant aux dépens.
39. Le Royaume‑Uni ayant renoncé, par courrier du 23 mars 2005, à sa conclusion fondée sur l’article 241 CE, il est inutile, en tout état de cause, de s’interroger sur la recevabilité de cette conclusion. En conséquence, nous n’aborderons pas davantage les développements y afférents du Conseil et de la Commission. Leurs conclusions à cet égard doivent être considérées comme étant sans objet.
V – Appréciation
A – Recevabilité du recours en vertu des articles 230 CE et 231 CE
40. La Commission conteste la recevabilité des chefs de conclusions du Royaume‑Uni par lesquels ce dernier revendique la constatation de la nullité de tous les décisions et actes, y compris du dégagement, qui ont été adoptés après le courrier du 22 novembre 2002. Elle motive son objection par le fait qu’il ne s’agit à cet égard que de conséquences inévitables engendrées par le courrier du 22 novembre 2002.
41. S’agissant de la recevabilité des chefs de conclusions, il convient donc de clarifier en premier lieu l’objet du litige. Selon l’article 230 CE, est envisageable à titre d’objet du recours en annulation tout acte de la Commission autre que les recommandations et les avis. Il s’ensuit qu’un acte ne peut être l’objet d’un recours que s’il est destiné à produire des effets juridiques, c’est-à-dire s’il tend de par son contenu à régler de manière contraignante des situations concrètes (6).
42. On peut se demander en l’espèce si – outre la communication adressée à l’État membre selon laquelle ne sont pas réunies les conditions pour ne pas procéder à un dégagement d’office en application de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 – le dégagement lui-même sous forme d’instruction interne peut être envisagé à titre d’objet recevable du recours.
43. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le dégagement constitue le «revers» d’un engagement budgétaire. Doit être considérée comme engagement budgétaire une décision de financer un programme ou un projet déterminé. Cette décision sert à l’exécution du budget, étant entendu qu’il convient de distinguer l’engagement budgétaire – interne (7) – de la décision – dirigée vers les tiers – relative à une demande de paiement. Un dégagement supprime la possibilité de verser les ressources sans nouvel engagement budgétaire. Dans ce cadre, il est constant qu’une décision de la Commission selon laquelle les conditions d’un dégagement d’office sont réunies constitue un acte dirigé vers les tiers alors que le dégagement même est une procédure interne – et est en tant que telle insusceptible de recours.
44. Pour la première fois par courrier du 18 avril 2002, la Commission a indiqué que le solde de l’intervention autorisée du FEDER devait être dégagé. En accordant au Royaume‑Uni un délai de deux mois pour présenter ses observations, délai pendant lequel la procédure devait être suspendue, elle a toutefois fait clairement comprendre qu’elle était censée n’avoir encore adopté aucune réglementation contraignante.
45. La Commission a ensuite confirmé, par courrier du 22 novembre 2002, qu’elle avait, le 18 avril 2002, envisagé de procéder à un dégagement et a fait savoir que le service compétent en son sein avait entre-temps déjà reçu pour instruction de dégager le solde.
46. En conséquence, cette décision produit des effets juridiques vis‑à-vis des tiers, car le Royaume‑Uni s’est vu notifier de manière contraignante que le solde de 11 632 600 euros ne lui serait plus payé.
47. Cette décision de la Commission est donc l’objet du litige. En conséquence, tous les actes juridiques et décisions ultérieurs qui confirment cette décision n’en sont que la conséquence factuelle et ne revêtent pas eux-mêmes une utilité propre (8).
48. Les chefs de conclusions énoncés au point 1, sous b) et c), sont par conséquent irrecevables.
49. Le recours est recevable pour le surplus.
B – Le bien-fondé
50. Le Royaume‑Uni fonde son recours en annulation de la décision attaquée sur trois moyens. Par le premier moyen, il fait grief à la Commission d’avoir commis des erreurs de droit, d’interprétation et d’appréciation dans cette décision. Par le deuxième moyen, le Royaume‑Uni conteste le comportement de la Commission. Par son inaction, cette dernière aurait fait naître dans le chef du requérant la confiance que la demande avait été présentée correctement. Par le troisième moyen, le Royaume‑Uni dénonce le défaut de motivation de ladite décision.
1. Premier moyen: les erreurs de droit, d’interprétation et d’appréciation figurant dans la décision attaquée
a) Arguments du Royaume‑Uni
51. Par le premier moyen, le Royaume‑Uni soutient que la constatation par la Commission que le Royaume‑Uni a violé les conditions posées à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 est illégale en raison d’erreurs de droit, d’interprétation et d’appréciation.
52. Il motive sa thèse en alléguant que l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 ne pose pas à titre de condition préalable que la demande soit présentée sous une forme déterminée. En particulier, cette disposition ne prévoit pas l’obligation pour les États membres de confirmer les informations. Les conditions découlant de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 ne sont pas applicables dans ce cas, puisque seules les dispositions du règlement nº 1260/1999 sont pertinentes, selon lui, de sorte qu’il n’est pas non plus exigé de faire usage du formulaire type du FEDER.
53. Selon le Royaume‑Uni, l’article 54 du règlement nº 1260/1999 a abrogé le règlement nº 4253/88 avec effet au 1er janvier 2000 de sorte que ce dernier n’était plus en vigueur à la période ici pertinente. Ce faisant, l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 avait en même temps été abrogé. Selon le Royaume‑Uni, le règlement nº 1260/1999 a créé un tout nouveau régime juridique.
Le gouvernement du Royaume‑Uni a relevé à l’audience une prétendue contradiction entre les thèses respectives de la Commission et du Conseil. Tandis que la Commission se fonde notamment sur l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88, le Conseil propose, selon le gouvernement du Royaume‑Uni, de lire conjointement les dispositions des articles 52, paragraphe 5, et 32, paragraphe 4, du règlement nº 1260/1999.
54. Selon le Royaume‑Uni, son intention de présenter une demande de paiement du solde même sans faire usage du formulaire type peut clairement se déduire de la correspondance épistolaire échangée entre le GONW et la Commission. Enfin, les informations, qui sont également exigées dans le formulaire type, ont toutes été communiquées.
55. La Commission a reçu une demande avant le 31 mars 2001. Elle figurait dans les documents qui lui avaient été communiqués les 26 février, 15 et 21 mars 2001, lesquels contenaient en même temps toutes les informations dont la Commission avait besoin pour arrêter une décision définitive sur le MST 2. Le rapport final a été transmis le 15 mars 2001 et ne nécessitait plus le consentement de l’État, puisque l’autorité régionale était habilitée à fournir elle-même des données engageant le Royaume‑Uni. La déclaration de dépenses a été transmise en temps utile, le 21 mars 2001, par courrier électronique.
56. L’indication erronée de 107 766 705 GBP de dépenses totales au lieu de la somme de 111 735 335 GBP n’a eu aucun effet selon le Royaume‑Uni, puisque la somme exacte ressortait de l’annexe 4. Toutefois, même en prenant pour base ce nombre erroné, le Royaume‑Uni prétend avoir droit au solde, puisque le solde aurait pu être versé même sur le fondement du premier montant indiqué.
57. De surcroît, l’interprétation de la Commission viole le principe de sécurité juridique puisque l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 ne pose, d’après son libellé, aucune exigence quant à la forme de la demande requise. La sanction drastique prévue par ledit article ne peut être appliquée que lorsqu’il existe une violation incontestable d’une exigence claire et non équivoque.
58. Enfin, compte tenu du caractère drastique de la sanction, le principe de proportionnalité découlant de l’article 5 CE est lui aussi violé. Selon le Royaume‑Uni, le bon fonctionnement du FEDER n’a en effet jamais été mis en péril.
59. En tout état de cause, les conditions posées par l’article 10 de l’annexe ne sont pas obligatoires. La Commission dispose ici d’un large pouvoir d’appréciation, ce dont témoigne également l’article 6 de la décision C(92) 1358/8. D’après cela, l’inobservation des conditions de présentation de la demande ne conduisent pas automatiquement à une sanction déterminée.
60. De même, l’article 10 de l’annexe dispose que la forme des rapports à produire doit être convenue. Il s’ensuit qu’il s’agit de dispositions procédurales flexibles. La Commission a par conséquent commis une erreur de droit en déclarant dans le courrier du 22 novembre 2002 n’avoir aucun pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la violation alléguée des conditions énoncées à l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8.
61. La Commission a en outre enfreint les principes de bonne administration, de solidarité communautaire, de partenariat régional et le principe de loyauté communautaire visé à l’article 10 CE.
b) Arguments de la Commission
62. La Commission estime par contre que le sens et la finalité de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 étaient qu’elle disposât avant le 31 mars 2001 de tous les documents pour pouvoir décider de la clôture d’un programme. La Commission devait donc disposer avant cette date de tous les documents nécessaires dans un format utilisable. Selon elle, un état non certifié de dépenses, envoyé par courrier électronique sous format Excel, est un document qui ne saurait en aucun cas être reconnu comme une demande recevable de paiement et ce non seulement parce qu’il n’a pas été fait usage du formulaire habituel, mais aussi parce qu’un tel document doit être signé et certifié conformément à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88.
63. Si la Commission devait reconnaître de tels documents comme étant revêtus d’un caractère obligatoire, elle enfreindrait l’article 274 CE selon lequel elle est tenue d’assurer une gestion responsable des finances communautaires.
64. Quand bien même le règlement nº 4253/88 a-t-il été abrogé par l’article 54 du règlement nº 1260/1999, il en va ainsi sous réserve des dispositions de l’article 52, paragraphe 1, du règlement nº 1260/1999 d’après lequel les dispositions qui s’appliquaient également au 31 décembre 1999 continuent de s’appliquer aux programmes issus des périodes de programmation 1989 à 1993 et 1994 à 1999. En conséquence, l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 demeure applicable au MST 2.
65. L’interprétation retenue par la Commission ne viole pas non plus, selon elle, le principe de sécurité juridique. L’article 10 de l’annexe de la décision de la Commission C(92) 1358/8 énonce clairement les conditions de versement du solde. L’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 fixe le délai à l’expiration duquel doit avoir été déposée une demande de paiement pour les programmes décidés avant le 1er janvier 1994. En outre, cette disposition définit aussi précisément la conséquence juridique que constitue le dégagement d’office.
66. Selon la Commission, il n’y a pas non plus de violation du principe de proportionnalité. La présentation des demandes dans le délai requis est une obligation essentielle pour assurer le bon fonctionnement des Fonds structurels. Sa violation est contraire à l’obligation qui incombe à la Commission en vertu de l’article 274 CE. L’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 ne lui octroie pas non plus de marge d’appréciation puisqu’il prescrit une conséquence juridique impérative.
67. D’après l’article 6 de la décision C(92) 1358/8, la Commission avait certes le pouvoir d’appréciation de modifier les dispositions de cette décision, mais, ce faisant, elle n’a pas en même temps le pouvoir discrétionnaire de modifier une règle supérieure de droit.
68. Le grief fait à la Commission d’avoir, par l’interprétation effectuée, enfreint les principes de bonne administration, de solidarité communautaire, de partenariat régional et le principe de loyauté communautaire visé à l’article 10 CE ne satisfait pas aux conditions énoncées à l’article 21 du statut de la Cour de justice ainsi qu’à l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, puisque le Royaume‑Uni se borne à énoncer des principes sans motiver de quelle manière ils pourraient avoir été violés.
c) Appréciation juridique
69. La question de droit qu’il convient de trancher au préalable est de savoir si, et dans quelle mesure, l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 doit être interprété en ce sens qu’il s’est substitué aux dispositions de l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 ainsi qu’à la décision C(92) 1358/8 adoptée sur le fondement de ce règlement, y compris à son annexe applicable au MST 2, au regard de la forme ici contestée et de la teneur d’une demande de paiement du solde d’une aide financière communautaire.
70. Si pareille interprétation devait être rejetée, il conviendrait d’examiner dans quelle mesure les documents communiqués par le Royaume‑Uni pouvaient empêcher qu’intervînt le dégagement d’office prévu à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, même si l’on faisait abstraction d’un respect éventuel des exigences de forme et de fond posées par les dispositions – qui demeurent applicables dans une telle hypothèse – de l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 et de l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8.
i) Sur le rapport entre les règlements
71. Selon l’article 54 du règlement nº 1260/1999, ce dernier a abrogé, à son entrée en vigueur, le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), et le règlement nº 4253/88. Toutefois, il s’applique expressément sans préjudice de l’article 52, paragraphe 1, du règlement nº 1260/1999.
72. Conformément à son intitulé, l’article 52 comporte des «dispositions transitoires» et dispose à son paragraphe 1 que, en particulier, la poursuite d’interventions approuvées sur la base des règlements désormais abrogés n’est pas affectée par le règlement nº 1260/1999. L’article 52, paragraphe 2, du règlement nº 1260/1999 permet par exemple d’approuver de nouvelles interventions sur la base des règlements abrogés si les demandes ont été introduites sur ce fondement.
73. Par ces dispositions transitoires, le législateur communautaire a disposé que des interventions déjà approuvées seraient poursuivies en vertu de leur base juridique initiale et que, dans certains cas, de nouvelles interventions pourraient être examinées et approuvées selon l’ancienne réglementation. S’agissant du MST 2, ici en cause, le règlement nº 2052/88 et le règlement d’exécution nº 4253/88 ainsi que la décision C(92) 1358/8, modifiée par les décisions C(93) 3804 et C(96) 461, constituent la base juridique pertinente.
74. En conséquence, il apparaît que la thèse du Royaume‑Uni, d’après laquelle le règlement nº 1260/1999 s’est substitué à ces dispositions, est inexacte. Il reste toutefois à examiner la question du rapport entre le règlement nº 1260/1999 et la base juridique initiale du MST 2. En effet, la poursuite des interventions déjà approuvées en vertu de cette base juridique initiale ne s’oppose en principe pas à un dégagement d’office selon l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, qui est aussi incontestablement applicable au MST 2. Il y a donc lieu de s’interroger sur les conditions auxquelles la conséquence prescrite par cette disposition doit être soumise en particulier.
75. L’institution juridique du dégagement d’office prévu à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 est une nouveauté dudit règlement par rapport au règlement nº 4253/88. Ce dernier connaissait exclusivement la réduction, la suspension ou la suppression d’un concours une fois que la Commission avait procédé à l’examen et constaté une irrégularité ou une modification importante ayant affecté la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure que la Commission n’avait pas approuvée (9). En tout état de cause, il est constant que ces conséquences sanctionnent en fin de compte le comportement du destinataire final de la participation financière de la Communauté européenne (10), tandis que le dégagement ici en cause concerne le (seul) comportement de l’État membre concerné.
76. En introduisant ce dégagement d’office, le législateur entend garantir la bonne gestion des ressources communautaires en améliorant les prévisions et l’exécution des dépenses (11).
77. D’une part, l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 prolonge jusqu’au 31 mars 2001 le délai de dépôt d’une demande de paiement définitif, en plus du délai de six mois prévu à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 – à la fin de l’année concernée ou à la clôture de l’action. D’autre part, la conséquence juridique que constitue le dégagement d’office est introduite pour la première fois en cas d’inobservation du délai.
78. Il reste maintenant à savoir si la conséquence juridique introduite par l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, combinée au délai de dépôt d’une «demande de paiement définitif», peut être subordonnée, à titre de sanction, à l’inobservation des exigences posées à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 et à l’article 10, identique sur ce point, de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 (12).
79. Pareille opinion est incontestablement démentie par l’absence de référence expresse, à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, aux exigences posées à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88. Dans ce contexte, le Royaume‑Uni invoque l’arrêt de la Cour du 26 mai 1982, Allemagne/Commission (13) d’après lequel «le principe de sécurité juridique exige, cependant, qu’une disposition fixant un délai de forclusion, tout spécialement lorsqu’elle peut aboutir à priver un État membre du versement d’une aide financière dont la demande avait été agréée et sur base de laquelle il a déjà exposé des dépenses considérables, soit fixée de manière claire et précise afin que les États membres puissent apprécier en toute connaissance de cause l’importance qu’il y a pour eux à respecter ce délai». Cette jurisprudence apparaît pertinente dans la mesure où le délai fixé par l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 est conçu comme un délai de forclusion au regard de la conséquence juridique du dégagement d’office, délai dont le dépassement s’accompagne de la perte de ressources pour l’État membre concerné.
80. En effet, le dégagement d’office prévu à l’article 52, paragraphe 5, constitue un renforcement non négligeable de la sanction par rapport à l’état de droit antérieur (14) de sorte que, à la lumière de la jurisprudence citée, il faut vraisemblablement exclure une interprétation de l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 en ce sens qu’il aurait été modifié par le biais de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 – par l’insertion d’un nouvel instrument sanctionnant l’inobservation d’un délai impératif.
81. On ne peut toutefois pas en conclure qu’il ne faudrait poser aucune exigence quant aux informations que l’État membre doit communiquer aux fins de dépôt de la demande de paiement définitif en application de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999. Cela ressort ne serait-ce que de l’objectif susmentionné de cette disposition transitoire (15). Même si la Commission ne pouvait pas, dans le cadre de cet article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, exiger le respect des différentes conditions définies à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 et à l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8, on ne saurait toutefois lui interdire de poser des exigences quant à l’exactitude et à la fiabilité des informations communiquées par le Royaume‑Uni avant l’expiration du délai le 31 mars 2001 (16). La Commission doit à plus forte raison se voir reconnaître cette légitimité si l’on pense, par exemple, que l’objectif visiblement poursuivi par le mécanisme du dégagement d’office transpose en définitive en droit secondaire le principe d’une bonne gestion, consacré par le droit primaire à l’article 274 CE.
La reprise, à l’article 32, paragraphe 4, du règlement nº 1260/1999, de l’essentiel du contenu normatif de l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 s’oppose, elle aussi, à ce qu’on interprète la notion de «demande de paiement définitif», visée à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, en la détachant des autres dispositions des règlements nos 1260/1999 et 4253/88. Indépendamment de la question du champ d’application ratione temporis des deux dispositions, il résulte clairement de cette reprise que le règlement nº 1260/1999 n’a pas affecté la forme, la teneur et la fonction de la demande de paiement définitif de sorte que, contrairement à l’opinion exprimée à l’audience par l’agent du gouvernement du Royaume‑Uni, on ne saurait en tout état de cause interpréter l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 sans dûment tenir compte d’autres dispositions, que ce soit celles du règlement nº 4253/88 ou celles du règlement nº 1260/1999.
Dans ce contexte, il est inutile d’examiner si la thèse du Conseil, selon laquelle il convient d’interpréter conjointement les dispositions des articles 52, paragraphe 5, et 32, paragraphe 4, du règlement nº 1260/1999 est éventuellement compatible avec celle de la Commission.
82. Il résulte donc de tout ce qui précède que l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 doit être interprété en ce sens que l’inobservation des exigences posées à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 n’entraîne pas en soi le dégagement d’office, mais que, au regard d’informations produites de manière informelle quant aux dépenses effectuées, la Commission jouit vraisemblablement du droit d’examiner si pareilles informations peuvent être considérées comme une demande de paiement définitif aux fins de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999.
83. La Commission a donc pris pour base de sa décision attaquée une interprétation erronée de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 dans la mesure où elle a subordonné la sanction du dégagement d’office qu’il prévoit à la simple inobservation des conditions énoncées à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88 et à l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8.
84. Au regard de la présente espèce, il apparaît donc sans importance, contrairement à la thèse de la Commission, que le Royaume‑Uni n’ait pas fait usage du formulaire délivré par celle-ci, et employé habituellement pour le dépôt de la demande de concours du FEDER ainsi que pour l’établissement de la déclaration de certification des informations relatives aux dépenses.
85. Cette interprétation erronée de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 pourrait toutefois être sans conséquence si, d’après les circonstances de l’espèce, la Commission était, à juste titre, en droit d’admettre que le Royaume‑Uni avait omis de présenter dans les délais requis une demande en application de cet article 52, paragraphe 5.
ii) Sur l’argument tiré de la présentation dans les délais requis d’une demande au sens de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999
Le rapport final
86. Le 15 mars 2001, le GONW a adressé par courrier électronique à la Commission le rapport final sur le MST 2 au format Excel. Ces informations n’ont toutefois pas été confirmées avant le 31 mars 2001 par le Royaume‑Uni.
87. Nous ne saurions retenir la thèse du Royaume‑Uni, selon laquelle ces informations n’avaient pas besoin d’être confirmées par l’État membre concerné, puisque le GONW avait été habilité à l’échelle nationale à fournir de manière autonome des informations à la Commission.
88. Tant la disposition de l’article 21, paragraphe 4, troisième tiret, du règlement nº 4253/88 que celle correspondante de l’article 10, troisième tiret, de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 exigent expressément une attestation de la part de l’État membre en cause en vue de la certification des informations. Par contre, les conditions énoncées aux premier et deuxième tirets doivent être remplies par l’autorité nationale désignée (17).
89. Cette distinction correspond également au sens et à la finalité de ces dispositions. L’État membre concerné et la Commission agissent lors de la phase de planification, tandis que, à l’issue de cette phase, c’est‑à‑dire dès l’adoption d’un cadre communautaire d’appui, cet État confie la mise en œuvre des programmes à une autorité nationale (18). L’avantage tient à la possibilité pour les autorités nationales de gérer les programmes bien plus facilement sur place. Toutefois ledit État demeure responsable de la surveillance de leur déroulement (19).
90. Même si, d’après la thèse ici défendue, l’inobservation des exigences posées à l’article 21, paragraphe 4, troisième tiret, du règlement nº 4253/88 et à l’article 10, troisième tiret, de l’annexe de la décision C(92) 1358/8 ne saurait en elle-même produire la conséquence prévue à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, il est toutefois constant que la transmission par une autorité locale d’un rapport final non certifié n’offre pas une garantie de fiabilité suffisante. En particulier, il ne ressort pas d’un tel rapport que l’État membre en question assume la responsabilité de l’exactitude – matérielle et comptable – des informations fournies. De ce point de vue, fait défaut une attestation de cet État le liant juridiquement, laquelle apparaît vraisemblablement comme étant impérative dans ce contexte en dépit des exigences susmentionnées non directement applicables (20).
91. L’habilitation alléguée de l’autorité concernée par l’État membre ne conduit pas à une autre conclusion. Une disposition de droit interne ne peut modifier unilatéralement ou même annuler une obligation de droit communautaire.
La déclaration relative aux dépenses
92. Le GONW a également transmis dans le délai requis, et ce le 21 mars 2001, une déclaration, sous forme de tableau, relative aux dépenses. Or, au vu des éléments du dossier, les informations relatives aux dépenses effectuées étaient en soi incohérentes et inexactes.
93. L’ensemble des dépenses s’élève tantôt à 111 735 335 GBP, tantôt à 107 746 599 GBP. La somme vraisemblablement correcte de 111 735 335 GBP figurait certes à l’annexe 4 du courrier électronique du GONW, du 21 mars 2001. Cette somme contredisait toutefois l’information figurant à l’annexe 5, tableau 2A, du même courrier électronique créant ainsi autant d’incertitudes.
94. Quand bien même les deux sommes justifieraient un paiement – ainsi que le requérant l’a objecté –, l’incertitude demeure quant au caractère contraignant de chiffres contradictoires. La déclaration selon laquelle les dépenses s’inscrivent au moins dans un cadre déterminé ne suffit pas pour vérifier les informations, le cas échéant au moyen des éléments de preuve à communiquer.
95. Du reste, la Commission est tenue en vertu de l’article 274 CE de veiller à une bonne gestion financière. Cela lui impose de vérifier les informations aussi précisément que possible lorsqu’elle statue sur le paiement d’aides provenant des Fonds structurels pour éviter tout abus. Elle n’est toutefois pas en mesure de ce faire tant qu’elle ne dispose que de chiffres incertains relatifs aux dépenses qui, en définitive, ne peuvent pas non plus être précisément attribuées à une intervention.
96. En fin de compte, il est constant que les informations en cause n’ont été corrigées qu’après l’expiration du délai en question, soit les 14 juin, 19 juillet, 6 et 13 août 2001, et donc, en tout état de cause, avec retard. Le sens et la finalité du délai de forclusion prévu à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 commandent que toutes les informations pertinentes pour la décision de la Commission soient produites d’ici l’expiration de ce délai. La possibilité d’apporter une correction ultérieure, comme le préconise le Royaume‑Uni, apparaît incompatible avec l’objectif poursuivi par la disposition de cet article.
Conclusion intermédiaire
97. Il y a lieu de conclure de l’ensemble des développements qui précèdent que la Commission n’a pas fait un usage manifestement erroné du droit dont elle jouit de vérification des informations, exercé dans le cadre de la demande de paiement prévue à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999.
98. Quand bien même devrait-on accorder au Royaume‑Uni que la transmission de chiffres et de déclarations pour partie inexacts ne puisse à elle seule produire la conséquence juridique de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 – et ce avant tout parce que, aux fins d’une clôture rapide et saine de l’intervention par le paiement de soldes éventuels, il suffit de ne plus prendre en considération des montants différents – corrects – après l’expiration du délai dans la mesure où cela se ferait aux dépens du budget communautaire, force est ici de constater que, en l’espèce, la communication de telles informations inexactes a en outre impliqué le défaut d’attestation du rapport définitif. Avec une telle multiplication des sources de risques, la Commission ne pouvait pas en rester là.
99. Dans ce contexte, la Commission pouvait conclure à juste titre qu’un État membre ne produit pas dans le délai requis une demande de paiement définitif au sens de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 si les informations y figurant ne satisfont pas aux exigences – implicites mais impératives – tenant à la fiabilité des informations figurant dans cette demande et qu’elles ne sont pas confirmées d’ici l’expiration du délai imparti. En conséquence, la décision attaquée apparaît en tout état de cause juridiquement fondée à cet égard (21).
iii) Sur le non-usage allégué du pouvoir d’appréciation
100. L’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 est une disposition impérative et n’octroie à la Commission aucun pouvoir d’appréciation. Il régit le dégagement d’office lorsqu’aucune demande de paiement définitif n’a été soumise avant le 31 mars 2001. La décision de la Commission qui concrétise cette conséquence juridique n’est par conséquent pas illégale en raison d’une erreur d’appréciation (22).
101. Le Royaume‑Uni fait certes remarquer, non à tort, que la Commission se voit conférer sur ce point un pouvoir d’appréciation à l’article 6 de la décision C(92) 1358/8, selon lequel l’inobservation des conditions de présentation d’une demande de paiement peut avoir pour effet de suspendre le soutien.
102. Ainsi que nous l’avons déjà exposé (23), le mécanisme du dégagement d’office est une nouveauté introduite par l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999. Compte tenu du caractère drastique de cette conséquence juridique, il convient de procéder à une interprétation autonome de ladite disposition. Il est donc ici sans incidence de savoir si des marges d’appréciation lui étaient ou non conférées dans un autre contexte en vertu du règlement nº 4253/88 ou de la décision C(92) 1358/8 fondée sur ce règlement.
103. Il est donc constant que l’application du dégagement d’office selon l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 ne relevait pas du pouvoir d’appréciation de la Commission dans la mesure où cette dernière avait constaté le défaut d’une demande de paiement définitif après avoir examiné les documents produits.
iv) Sur la violation alléguée du principe de proportionnalité
104. La décision de la Commission n’a pas enfreint le principe de proportionnalité qui découle de l’article 5 CE lequel exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les mesures imposées par les actes des institutions communautaires soient aptes à réaliser l’objectif visé et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à cet effet (24).
105. Le strict respect du délai prévu à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 s’impose afin de maintenir le fonctionnement et la bonne gestion des Fonds structurels, conformément à l’article 274 CE. En raison de l’exercice décentralisé de l’activité de ces Fonds par les États membres, la Commission ne peut retracer les dépenses exposées, qui justifient en fin de compte les paiements effectués dans le cadre des ressources engagées, que pour les demandes de paiement présentées en temps utile.
106. Le bon fonctionnement desdits Fonds exige également que les compléments ou corrections matériels tardivement apportés, relatifs aux demandes de paiement au sens de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999, ne puissent plus empêcher le dégagement d'office, puisque, s’il en était autrement, la gestion des ressources serait paralysée par des demandes qui ne pourraient être que difficilement retracées.
v) Sur la violation alléguée du principe de sécurité juridique
107. L’allégation du Royaume‑Uni, selon laquelle l’interprétation que la Commission donne de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 viole le principe de sécurité juridique, n’est pas fondée.
108. Ladite disposition fixe sans équivoque au 31 mars 2001 la fin du délai de dépôt d’une demande de paiement définitif et pose le dégagement d’office des ressources comme conséquence juridique de l’inobservation de ce délai.
109. Au vu des éléments du dossier, le Royaume‑Uni – même à l’échelle du GONW – avait connaissance des informations à fournir dans le cadre d’une demande de paiement définitif. Le GONW lui-même a publiquement déclaré à plusieurs reprises qu’il avait conscience du délai. De plus, il a visiblement tenté d’établir dans le délai un rapport final accompagné des déclarations. À cet égard, il convient de renvoyer aux courriers des 26 février, 15 et 21 mars 2001 dans lesquels le GONW cite explicitement la fin dudit délai, le 31 mars 2001, et déclare être conscient de l’obligation de respecter des délais très brefs.
vi) Sur la violation alléguée des principes de bonne administration, de solidarité communautaire, de partenariat régional et du principe de loyauté communautaire visé à l’article 10 CE
110. Il y a lieu de rejeter comme n’étant pas motivé l’argument du Royaume‑Uni selon lequel l’interprétation et l’application desdites dispositions par la Commission enfreint les principes de bonne administration, de solidarité communautaire, de partenariat régional et le principe de loyauté communautaire visé à l’article 10 CE. Le Royaume‑Uni omet d’exposer les principales violations. L’article 21 du statut de la Cour de justice ainsi que l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour exigent toutefois un exposé sommaire des moyens invoqués. À cette fin, il est nécessaire que les violations alléguées soient elles aussi exposées clairement et de manière probante.
111. En conclusion, le premier moyen doit donc être rejeté comme n’étant pas fondé.
2. Deuxième moyen: le comportement de la Commission
a) Arguments principaux
112. Par son deuxième moyen, le Royaume‑Uni soutient en substance que la Commission ne pouvait plus formuler de griefs tirés du mode de présentation de la demande, parce qu’elle n’avait pas, avant l’expiration du délai en cause, fait savoir au Royaume‑Uni que la demande ne remplissait pas les conditions posées à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999.
113. De plus, la Commission était tenue, selon le Royaume‑Uni, de lui faire savoir que la forme de la demande ne satisfaisait pas, selon elle, aux conditions exigées.
114. Du fait que la Commission n’a pas réagi jusqu’à l’été 2001 aux documents transmis les 15 et 21 mars 2001, le requérant pouvait nourrir l’espoir fondé qu’étaient remplies toutes les conditions que devait respecter la demande de paiement du solde.
115. La Commission fait en revanche valoir sur le plan factuel que ses services n’ont à aucun moment laissé entendre que les documents produits avant l’expiration du délai concerné suffisaient pour clôturer le MST 2. Du reste, elle constate que son propre comportement était en tout état de cause dénué de toute pertinence au regard du dégagement d’office.
b) Appréciation juridique
i) Sur le caractère opérant du moyen
116. Ce moyen doit être rejeté comme étant inopérant. Quand bien même serait‑il fondé, il ne peut en effet entraîner la nullité de la décision attaquée.
117. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans son arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil (25), dans le cadre d’un recours en annulation, le caractère inopérant d’un moyen soulevé renvoie à son aptitude, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation que poursuit le requérant.
118. Même s’il y avait eu obligation d’information et que la Commission l’eût violée, il n’en résulte pas nécessairement que le Royaume‑Uni a produit dans les délais requis une demande de paiement définitif.
ii) Sur l’obligation d’information de la Commission selon l’article 31, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement nº 1260/1999
119. Par souci d’exhaustivité, il convient encore d’aborder l’obligation d’information incombant à la Commission, obligation explicitement introduite à l’article 31, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement nº 1260/1999 d’après lequel, en tout état de cause, la Commission informe en temps utile l’État membre et l’autorité de paiement concernés lorsqu’il existe un risque que soit appliqué le dégagement d’office prévu au deuxième alinéa du même article.
120. Cette disposition ne s’applique pas au programme ici en cause. D’après les dispositions transitoires de l’article 52 du règlement nº 1260/1999, les interventions encore approuvées sur la base du règlement nº 2052/88 et de son règlement d’exécution nº 4253/88 ne sont pas affectées par le règlement nº 1260/1999. L’obligation imposée à la Commission par l’article 31, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement nº 1260/1999 de signaler le risque d’un dégagement imminent ne s’applique donc qu’aux programmes futurs.
121. Mais le Royaume‑Uni n’est pas pour autant traité moins favorablement par la règle transitoire énoncée à l’article 52 du règlement nº 1260/1999, puisque le paragraphe 5 de ce même article a finalement considérablement prorogé le délai de dépôt de demandes de paiement définitif par rapport au délai initial prévu à l’article 21, paragraphe 4, du règlement nº 4253/88.
iii) Sur le comportement de la Commission en particulier
122. Par souci d’exhaustivité, il convient ci-après d’aborder également les griefs relatifs au comportement de la Commission.
123. Même si le comportement de la Commission ne constitue pas un modèle de clarté, puisque, en particulier après l’expiration du délai, elle a encore posé des questions relatives aux informations contradictoires communiquées par le Royaume‑Uni et le GONW, et qu’elle-même n’avait visiblement plus une idée précise du plan de financement définitif, cela ne modifie en rien la circonstance que cet État membre était en principe responsable de ce que la Commission disposât le jour dit de toutes les informations fiables sur les dépenses pour lui permettre d’arrêter sa décision définitive.
124. La Commission n’a en outre jamais minimisé ou occulté frauduleusement la conséquence du dégagement d’office. Elle a au contraire fait savoir dès le 31 juillet 2000 son intention de clôturer le MST 2. Ce faisant, elle a pour la première fois indirectement enjoint au Royaume‑Uni d’agir.
125. Enfin, une éventuelle obligation de la Commission de confirmer individuellement l’expiration du délai en cause ne ressort pas des bases juridiques. Il ne découle rien d’autre non plus de l’article 10 CE selon lequel il incombe également aux institutions communautaires une obligation de coopération loyale avec les États membres (26). N’est pas constitutive d’un comportement contraire à la bonne foi l’omission par la Commission de signaler l’expiration d’un délai si, visiblement, l’État membre connaissait précisément l’obligation de respecter ce délai (27).
126. S’agissant de la création d’une éventuelle situation de confiance légitime, il convient en outre de tenir compte de ce que la décision attaquée de la Commission est fondée sur un règlement du Conseil, de sorte que le comportement de celle-ci ne saurait donc être, en tout état de cause, considéré comme une renonciation à des conditions de forme qu’elle aurait elle-même définies.
3. Troisième moyen: défaut de motivation de la décision C(92) 1358/8
a) Arguments du Royaume‑Uni
127. Par le troisième moyen, le Royaume‑Uni fait grief à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation qu’impose l’article 253 CE, puisque les motifs de droit et de fait nécessaires pour pouvoir comprendre la motivation ne figurent pas, selon lui, dans la décision attaquée.
128. Fait défaut, en particulier, toute explication de la raison pour laquelle les informations communiquées en février et en mars 2001 en vue d’une demande au sens de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 ne suffisaient pas. Selon le Royaume‑Uni, la Commission n’a en outre pas expliqué la raison pour laquelle il était impossible de clôturer le programme du fait de l’inobservation alléguée des conditions à remplir d’ici l’expiration du délai en cause. L’allégation de la Commission, selon laquelle «les fonctionnaires compétents n’approuvent pas l’argument relatif au plan de financement définitif», est, selon le Royaume‑Uni, totalement insuffisante et incompréhensible.
b) Arguments de la Commission
129. La Commission en revanche estime que la décision attaquée est dûment motivée, puisqu’elle satisfait aux conditions de l’article 253 CE. Le courrier du 22 novembre 2002 doit être lu, selon elle, dans le contexte de la correspondance échangée avec le Royaume‑Uni, en particulier avec les courriers des 24 janvier, 18 avril et 12 juin 2002. La Commission y a toujours exprimé son opinion selon laquelle aucune demande de paiement du solde n’avait été présentée avant le 31 mars 2001.
130. Selon la Commission, le Royaume‑Uni a, lui aussi, finalement reconnu dans son courrier du 12 juin 2002 ne pas avoir déposé de demande formelle avant le 31 mars 2001. Il connaissait par conséquent les motifs de la décision attaquée même s’il ne les approuvait pas.
c) Analyse juridique
131. Selon une jurisprudence constante, la motivation d’un acte juridique en application de l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire qui en est l’auteur, de façon à ce que les intéressés puissent identifier les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à ce que le juge communautaire puisse exercer son contrôle. La portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et des circonstances de son adoption ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (28).
132. En particulier, la motivation d’une décision relative à la suppression d’un concours communautaire doit faire clairement apparaître, au vu du fait que cette décision entraîne des conséquences graves pour le bénéficiaire du concours, les motifs qui la justifient (29).
133. Si, en l’espèce, il ne s’agit pas de la suppression d’un concours communautaire, il s’agit néanmoins, ici aussi, du refus a posteriori d’une aide initialement promise, à savoir du paiement du solde des ressources engagées au sein du FEDER et destinées au MST 2.
134. Dans le courrier litigieux du 22 novembre 2002, la Commission a déclaré en substance que la décision attaquée avait été adoptée de façon contraignante, puisqu’une demande de paiement conforme aux conditions de l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 n’avait pas été produite avant le 31 mars 2001.
135. Les circonstances dans lesquelles la décision attaquée a été adoptée confirment que cette motivation est suffisante. L’obligation de motivation exige toujours des développements moins circonstanciés lorsque le destinataire de cette décision connaît déjà précisément les bases juridiques et leurs conditions (30). Ainsi que nous l’avons déjà exposé (31), le Royaume‑Uni a, avant même l’expiration du délai concerné, au moins clairement précisé qu’il était conscient des délais serrés prévus à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999. En conséquence, il y a lieu de supposer que, indépendamment du maintien litigieux entre les parties des conditions énoncées à l’article 10 de l’annexe de la décision C(92) 1358/8, le Royaume‑Uni savait qu’un non-respect du délai prévu à l’article 52, paragraphe 5, du règlement nº 1260/1999 entraînerait un dégagement.
136. Enfin, les thèses divergentes ont été développées dans le cadre de la longue correspondance échangée entre les parties, notamment dans les courriers des 24 janvier, 18 avril et 12 juin 2002, et le Royaume‑Uni s’est vu exposer les motifs du dégagement d’office.
137. Il ressort de tous les développements qui précèdent que, dans les circonstances concrètes de l’espèce, la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée.
138. Le troisième moyen doit par conséquent être rejeté comme n’étant pas fondé.
VI – Conclusion
139. Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de:
– rejeter l’intégralité du recours formé par le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord;
– condamner aux dépens le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
1 – Langue originale:l’allemand.
2 – Règlement du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1).
3 – JO L 374, p. 1.
4 – Voir article 54 du règlement nº 1260/1999.
5 – Voir point 18 ci-dessus.
6 – Voir également arrêt de la Cour du 9 décembre 2004, Commission/Greencore (C‑123/03 P, Rec. P. I‑11647, point 44):
«[C]onstituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci».
7 – Voir arrêt du 25 février 1988, «Les Verts/Parlement» (190/84, Rec. p. 1017, points 7 et suiv.):
«[…] Le présent recours […] est dirigé contre des actes d’engagement […]. De tels actes ne produisant d’effets juridiques que dans la sphère interne de l’administration, ils ne créent pas de droits ou d’obligations dans le chef de tiers. Ils ne constituent donc pas des décisions faisant grief».
8 – Arrêts du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission (23/80, Rec. p. 3709), et Commission/Greencore (cité note 6, point 39).
9 – Voir article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88.
10 – Sur les problèmes liés à la protection des garanties procédurales que cette question implique le cas échéant, voir Nehl, H.-P., Europäisches Verwaltungsverfahren und Gemeinschaftsverfassung, Berlin, 2002.
11 – D’après le quarante-quatrième considérant, il convient dans ce but que les retards d’exécution financière donnent lieu à des dégagements d’office.
12 – Dépôt dans les délais requis d’une demande de paiement des soldes, production d’un rapport plus amplement décrit, production d’une attestation confirmant les informations figurant dans ces documents.
13 – 44/81, Rec. p. 1855 (point 16).
14 – Voir point 75 ci-dessus.
15 – Voir point 76 ci-dessus.
16 – Il convient ici de rappeler que, dans son arrêt du 5 octobre 1999, Pays‑Bas/Commission (C‑84/96, Rec. p. I-6547, point 57), la Cour a déjà interprété la notion de demande «de paiement définitif» – certes dans le cadre d’une autre base juridique – et qu’elle a constaté sur ce point que, indépendamment de la question d’une éventuelle confirmation des données en cause, «les demandes de paiement définitif, adressées par les États membres, doivent au moins contenir les informations devant permettre à la Commission de procéder à la clôture définitive de ces projets et au paiement des sommes réclamées».
17 – La disposition procède donc à une distinction entre les conditions qui doivent être remplies par cette autorité et celles qui doivent être remplies par l’État membre.
18 – Articles 10 et 14 du règlement nº 4253/88.
19 – Article 23 du règlement nº 4253/88.
20 – Voir également le quarante-troisième considérant du règlement nº 1260/1999:
«considérant qu’il est nécessaire d’établir des garanties de bonne gestion financière en s’assurant que les dépenses sont justifiées et certifiées […]».
21 – Il convient ici de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C‑86/89, Rec. p. I-3891, point 20), il suffit pour qu’une décision existe juridiquement que son motif essentiel soit fondé. Les vices dont pourrait être entaché l’autre motif de la décision […] sont […] sans influence sur la légalité de cette décision.
22 – Sur le défaut de pouvoir d’appréciation en matière de dégagements d’office, voir également, ex multis, arrêt Pays-Bas/Commission (cité note 16).
23 – Voir point 75 ci-dessus.
24 – Voir, ex multis, arrêt du 18 septembre 1986, Commission/Allemagne (116/82, Rec. p. 2519, point 21).
25 – C‑46/98 P, Rec. p. I-7079 (point 38).
26 – Voir arrêt du 10 février 1983, Luxembourg/Parlement (230/81, Rec. p. 255), et ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88 IMM, Rec. p. I-3365).
27 – Voir, à cet égard, point 109 ci-dessus.
28 – Voir, notamment, arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C‑350/88, Rec. p. I-395, points 15 et suiv.).
29 – Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 février 2000, CCRE/Commission (T‑46/98 et T‑151/98, Rec. p. II-167, point 48).
30 – Il y a lieu de renvoyer en ce sens à la jurisprudence de la Cour relative aux apurements des comptes du FEOGA, selon laquelle la coopération d’un État membre à l’élaboration d’une décision est importante au regard de l’étendue de l’obligation de motivation. Voir, par exemple, arrêt du 14 janvier 1981, Allemagne/Commission (819/79, Rec. p. 21, points 19 à 21).
31 – Voir point 109 ci-dessus.