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Document 62002TO0334

Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 2 décembre 2003.
Viomichania Syskevasias Typopoiisis Kai Syntirisis Agrotikon Proïonton AE contre Commission des Communautés européennes.
FEOGA - Amélioration des conditions de transformation et de commercialisation de produits agricoles - Demande de suppression du concours financier communautaire - Inactivité de la Commission - Recours en carence.
Affaire T-334/02.

Recueil de jurisprudence 2003 II-05121

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2003:323

Ordonnance du Tribunal

Affaire T-334/02


Viomichania Syskevasias Typopoiisis kai Syntirisis Agrotikon Proïonton AE
contre
Commission des Communautés européennes


«FEOGA – Amélioration des conditions de transformationet de commercialisation de produits agricoles – Demande de suppressiondu concours financier communautaire – Inactivité de la Commission – Recours en carence»

Ordonnance du Tribunal (troisième chambre) du 2 décembre 2003
    

Sommaire de l'ordonnance

1.
Procédure – Délais de recours – Forclusion – Erreur excusable – Notion

2.
Recours en carence – Personnes physiques ou morales – Omissions susceptibles de recours – Omission d'engager une procédure en manquement – Irrecevabilité

(Art. 226 CE et 232, alinéa 3, CE)

1.
S’agissant des délais de recours, une erreur est excusable lorsqu’elle résulte d’une confusion provoquée par le comportement même de l’institution concernée et que le requérant est de bonne foi et a fait preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti.

(voir point 35)

2.
Est irrecevable le recours en carence intenté par une personne physique ou morale et visant à faire constater que, en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement, la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité. En effet, les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir de l’article 232, troisième alinéa, CE qu’en vue de faire constater qu’une institution s’est abstenue d’adopter, en violation du traité, des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont elles sont les destinataires potentiels ou qui concerneraient lesdites personnes de manière directe et individuelle. Or, dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 226 CE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres. En outre, il résulte du système prévu par l’article 226 CE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

(voir point 44)




ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)
2 décembre 2003(1)

«FEOGA – Amélioration des conditions de transformation et de commercialisation de produits agricoles – Demande de suppression du concours financier communautaire – Inactivité de la Commission – Recours en carence»

Dans l'affaire T-334/02,

Viomichania Syskevasias Typopoiisis kai Syntirisis Agrotikon Proïonton AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me I. Stamoulis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Condou-Durande, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à faire constater, en vertu de l'article 232 CE, la carence de la Commission en ce que, d'une part, elle n'a pas engagé une procédure en constatation de manquement à l'égard de la République hellénique pour violation du droit communautaire ayant porté atteinte aux intérêts économiques de la requérante et, d'autre part, elle n'a pas supprimé ex tunc le concours financier du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) qui a été octroyé aux fins du cofinancement du projet d'investissement de la requérante tel qu'approuvé par la décision n° 324986/505 des autorités grecques, du 17 février 1994,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Contexte factuel et procédural

1
La société anonyme Viomichania Syskevasias Typopoiisis kai Syntirisis Agrotikon Proïonton AE est une entreprise grecque ayant pour objet la production, le conditionnement, la normalisation, la conservation et la commercialisation de légumes et de fruits. Elle a été créée sur la base d’un plan d’amélioration élaboré en vertu du règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1), afin de bénéficier d’un cofinancement de la Communauté européenne et de l’État grec.

2
Par la suite, la requérante a présenté aux autorités grecques un projet d’investissement en vertu du règlement (CEE) n° 866/90 du Conseil, du 29 mars 1990, concernant l’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 91, p. 1), dans le but d’améliorer les installations et l’équipement de transformation des fruits et légumes. Ce projet a été joint aux projets d’investissement présentés par la République hellénique dans le cadre de sa demande d’octroi d’un concours du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) en faveur du programme opérationnel de transformation et de commercialisation des produits agricoles en Grèce (92.CT.EL.03). La Commission a approuvé la demande des autorités grecques par décision du 24 novembre 1992.

3
Le projet de la société a été finalisé en septembre 1993 et a été approuvé par les autorités grecques par décision n° 324986/505/17-2-94 du secrétaire général du ministère de l’Agriculture. Ledit projet, d’un coût de 243 738 000 drachmes grecques (GRD) a été cofinancé par la Communauté européenne et l’État grec selon les modalités suivantes: 85 308 000 GRD à la charge du FEOGA, 24 373 000 GRD à la charge de l’État grec et 134 057 000 GRD à la charge du bénéficiaire.

4
Dans le courant du mois de novembre 1994, alors que la requérante commençait à développer ses activités, les autorités helléniques ont adopté l’arrêté ministériel n° 10/94 relatif à la police des marchés et l’arrêté n° A2-2330/26-6-95 relatif notamment aux conditions de location d’un magasin au marché central d’Athènes. Ces arrêtés ont fortement compliqué, voire réduit à néant, les activités commerciales de la requérante.

5
Cette situation a duré jusqu’à ce que, à la suite de nombreuses plaintes auprès du ministère de l’Agriculture grec, une commission nommée par ce ministère conclue que les arrêtés ministériels en cause portaient préjudice à de nombreuses sociétés. En conséquence, les autorités grecques ont adopté des décisions visant à faciliter l’accès au marché central d’Athènes et portant révocation des décrets en cause. À partir du mois d’août 1998, la requérante a finalement eu accès au marché central d’Athènes.

6
Sur la base de ces éléments, la requérante a saisi le Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes) afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi à la suite des illégalités commises par l’État grec. Cette juridiction a accueilli le recours en concluant à la responsabilité de l’État grec.

7
Parallèlement, la requérante a adressé de multiples pétitions, plaintes et demandes d’aide aux institutions communautaires, qui ont suscité diverses interventions et réponses de la part de ces institutions.

8
Elle a, notamment, adressé, durant les années 2001 et 2002, diverses pétitions au Parlement européen.

9
Elle a également introduit, respectivement le 23 novembre 2001, le 18 février et le 30 mars 2002, des plaintes officielles auprès du membre de la Commission en charge des questions d’agriculture.

10
N’obtenant pas de réponse – à ses yeux – satisfaisante, par une lettre datée du 20 mai 2002, la requérante a mis en demeure la Commission. Cette lettre était également adressée à la Cour des comptes et à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Dans cette lettre, elle reprochait, en substance, à la Commission de ne pas avoir engagé de recours en constatation de manquement contre la République hellénique et d’avoir déclaré dans ses lettres de réponse que l’affaire relevait de la compétence des tribunaux grecs.

11
Par courrier du 14 juin 2002, M. Silva Rodriguez, directeur général de la direction générale «Agriculture» de la Commission, y a répondu comme suit:

«M. le Commissaire Fischler m’a demandé de vous remercier pour votre lettre du 24 mai 2002, par laquelle vous exprimez votre intention d’intenter un recours en carence contre la Commission, dans le but de l’engagement par celle-ci d’une procédure en constatation de manquement contre les autorités grecques, dans le cadre de votre litige avec celles-ci. Je dois vous rappeler qu’en vertu d’une jurisprudence constante, la Cour de justice a dit pour droit (voir par exemple, arrêt Star Fruit Company/Commission, affaire 247/87) que la Commission n’est pas tenue d’engager contre un État membre une procédure de constatation de manquement et qu’elle dispose en la matière d’un ‘pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger de cette institution qu’elle prenne position dans un sens déterminé’. Dans ces conditions, je ne peux que réitérer l’appréciation déjà formulée par les services de la Commission selon laquelle il appartient aux autorités judiciaires grecques qui ont été saisies de l’affaire de décider souverainement du montant des dommages-intérêts à verser le cas échéant à votre client par les autorités grecques.»

12
Par ailleurs, par lettre du 12 septembre 2002, l’OLAF a répondu aux différents courriers de la requérante. Il a souligné, d’une part, qu’il n’était pas compétent pour connaître de cette affaire et, d’autre part, que, au vu du délai écoulé, la requérante pouvait s’adresser au Médiateur européen.

13
Enfin, par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 octobre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

14
Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2003, la défenderesse a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 13 mars 2003.


Conclusions

15
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

constater la carence de la défenderesse en ce qu’elle n’a pas supprimé le concours qui a été octroyé par le FEOGA aux fins du cofinancement de son projet d’investissement;

constater la carence de la défenderesse en ce qu’elle n’a pas engagé la procédure en constatation de manquement à l’égard de la République hellénique;

condamner la défenderesse aux dépens.

16
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

17
En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au même article, paragraphe 3, la suite de la procédure est orale sauf décision contraire du Tribunal.

18
En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

Arguments des parties

19
La défenderesse fait valoir, en premier lieu, que le recours en carence est irrecevable dans la mesure où, par la lettre du 14 juin 2002, elle a répondu à l’invitation à agir qui lui a été adressée par la requérante dans la lettre datée du 20 mai 2002.

20
En deuxième lieu, elle estime que le recours est tardif. Elle fait observer, en effet, que le recours a été formé le 28 octobre 2002 alors que la lettre de la requérante du 20 mai 2002, qui constituait une invitation à agir, a été adressée le 22 mai 2002.

21
En dernier lieu, elle rappelle que, selon une jurisprudence constante, les personnes physiques et morales ne peuvent saisir la Cour de justice, au titre de l’article 232, troisième alinéa, CE, qu’en vue de faire constater que l’une des institutions s’est abstenue, en violation du traité, d’adopter un acte autre qu’une recommandation ou un avis dont elles sont les destinataires potentiels ou qu’elles pourraient attaquer par la voie d’un recours en annulation (voir, notamment, ordonnance du Tribunal du 4 juillet 1994, Century Oil Hellas/Commission, T‑13/94, Rec. p. II‑431). Or, elle estime que cette condition n’est pas satisfaite en l’espèce, puisque la requérante lui reproche en fait de s’être abstenue d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre de la République hellénique. De même, elle estime que cette condition n’est pas satisfaite en ce qui concerne l’invitation à engager la procédure de l’article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1). Elle relève en effet, d’abord, que cette disposition concerne exclusivement les relations entre la Commission et l’État membre ainsi que les obligations de ce dernier envers la Commission. Ensuite, elle soutient que cette disposition ne fait naître aucun droit en faveur de la société pouvant être invoqué par cette dernière afin d’obliger la Commission à adopter un acte qui la concerne directement et individuellement. Enfin, elle remarque que la lettre de mise en demeure adressée le 22 mai 2002 ne contenait pas d’invitation à agir en ce sens.

22
La requérante conteste que son recours soit irrecevable.

23
En premier lieu, elle fait valoir que la jurisprudence constante relative à l’irrecevabilité des recours visant à faire constater la carence de la défenderesse en raison du défaut d’engagement de la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE n’est pas applicable en l’espèce. Elle relève, en effet, que, dans le présent cas de figure, le pouvoir discrétionnaire de la défenderesse est limité par trois exigences qui lui imposent d’intervenir et d’agir immédiatement. Premièrement, elle souligne, que, en tant qu’institution communautaire, la défenderesse doit respecter ses droits fondamentaux qui sont garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO 2000, C 364, p. 1) – notamment la liberté professionnelle (article 15), la liberté d’entreprise (article 16), le droit de propriété (article 17), l’égalité devant la loi et les principes de bonne administration et de non-discrimination –, et, partant, doit lui venir en aide, puisqu’elle a reconnu que l’administration grecque lui faisait subir un traitement inhumain. Deuxièmement, elle fait observer que, en vertu de l’article 280 CE, la défenderesse est tenue de protéger les intérêts financiers de la Communauté européenne et ne saurait, dès lors, user de son pouvoir discrétionnaire afin de renoncer à exiger de l’État grec le remboursement des sommes versées dans le cadre du cofinancement d’un projet qu’elle a approuvé. Troisièmement, elle estime que, en vertu du principe d’égalité de traitement, lorsque, comme en l’espèce, la défenderesse est informée que des irrégularités ont été commises dans le cadre d’un projet cofinancé par des fonds communautaires, elle doit adopter une décision de suppression du concours financier (voir, notamment, arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C‑500/99 P, Rec. p. I-867).

24
En deuxième lieu, elle récuse l’argumentation de la défenderesse selon laquelle le présent recours aurait perdu son objet dans la mesure où la lettre du 14 juin 2002 contient une prise de position. Elle relève, d’abord, que l’arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission (C-247/87, Rec. p. 291), n’est pas pertinent dans la mesure où les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt étaient fondamentalement différentes, puisqu’il s’agissait d’une demande de suppression d’un acte réglementaire adopté par la République française qui ne concernait pas la requérante. Ensuite, elle souligne que la recommandation de la défenderesse de s’adresser aux autorités judiciaires grecques contenue dans cette lettre est incompréhensible dans la mesure où ces autorités ne garantissent ni le respect du droit communautaire, ni son interprétation, ni son application. Enfin, elle considère que la lettre du 14 juin 2002 est tout au plus une lettre d’information, mais en aucun cas une décision de refus.

25
En troisième lieu, elle soutient que, en ce que, dans sa lettre du 14 juin 2002, la défenderesse lui a recommandé de s’adresser aux juridictions nationales plutôt qu’aux juridictions communautaires, elle a commis une triple violation du droit communautaire. Premièrement, elle aurait violé l’article 220 CE qui attribue aux juridictions communautaires la compétence exclusive d’assurer le respect du droit communautaire, lequel est applicable en l’espèce, puisque la violation commise concerne l’article 23 du règlement n° 4253/88, l’article 24 du règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993, modifiant le règlement n° 4253/88 (JO L 193, p. 20), les articles 5 CE et 34 CE ainsi que le principe d’application uniforme du droit communautaire. Deuxièmement, elle aurait pris position de manière insuffisante. Troisièmement, elle aurait privé la requérante de la protection de ses droits fondamentaux.

26
En dernier lieu, la requérante récuse l’allégation de la défenderesse selon laquelle son recours serait tardif.

27
Elle estime, d’abord, que les circonstances de l’espèce démontrent qu’elle a commis une erreur excusable qui justifie le dépassement des délais applicables. Elle rappelle, en effet, que, par lettres des 18 février et 30 mars 2002, elle s’est adressée au membre de la Commission en charge des questions d’agriculture afin de dénoncer les manœuvres frauduleuses des autorités grecques. Elle fait observer également que, par lettre du 23 avril 2002, le secrétaire général de la Commission lui a fait savoir que sa lettre du 23 novembre 2001 avait été enregistrée comme une plainte portant le n° 02/4436 SG(2002) A 3934/1. Elle note, ensuite, que, par lettre du 20 mai 2002, elle a invité la Commission à agir au titre de l’article 232 CE et que cette dernière y a répondu par lettre du 14 juin 2002. Elle précise, en outre, que, par lettre du 18 juin 2002, le président de la commission des pétitions du Parlement européen l’a informée que sa pétition était recevable et que, par lettre du 15 juillet 2002, la Cour des comptes, en réponse à ses lettres des 20 mai, 24 juin et 28 juillet 2002, l’a informée que son dossier serait examiné par la section compétente de son administration. Par ailleurs, elle fait état du fait que, le 8 juillet 2002, M. Alavanos, député au Parlement européen, a posé une question écrite à la défenderesse et que, dans sa réponse du 20 septembre 2002, cette dernière a souligné qu’elle n’avait pas reçu de réponse officielle de la part des autorités grecques, que le traitement de la plainte du 18 février 2002 et de la pétition n° 1075/2001 était toujours en cours et que, en tout état de cause, il appartenait aux juridictions grecques de trancher le litige pendant devant elles. Enfin, la requérante expose que, le 12 septembre 2002, l’OLAF a répondu à ses différents courriers en lui recommandant de s’adresser au Médiateur européen.

28
Selon la requérante, il ressort de ces circonstances factuelles qu’elle a commis une erreur excusable quant au contenu réel de la lettre de la Commission du 14 juin 2002 et que cette erreur comporte trois volets. Premièrement, elle estime que la formulation ambiguë de la lettre du 14 juin 2002 ne permettait pas de déceler qu’il s’agissait d’une décision de refus. Deuxièmement, elle relève que la défenderesse avait pleinement connaissance des circonstances factuelles dans lesquelles elle a adopté la prétendue prise de position figurant dans la lettre du 14 juin 2002, de sorte que, si elle avait l’intention de formuler un refus clair à l’invitation à agir présentée par elle, il n’était pas nécessaire de poursuivre le traitement de la plainte du 18 février 2002. Troisièmement, elle fait valoir qu’aucune connexion ne pouvait être établie entre la lettre du 14 juin 2002 et les autres courriers reçus.

29
Elle expose que c’est en raison de cette erreur excusable qu’elle a introduit son recours avec retard. Elle souligne, en effet, que c’est en estimant que la lettre du 14 juin 2002 prenait trop à la légère le traitement de son problème qu’elle a introduit son recours le 28 octobre 2002. Elle soutient que ce délai, qui ne dépasse que de 33 jours le délai applicable, est raisonnable. Elle prétend, en effet, que la lettre de mise en demeure a été envoyée le 24 mai 2002 et que le 25 juillet 2002 était donc la date ultime pour une prise de position de la Commission. Partant, selon elle, le délai de recours a expiré le 25 septembre 2002.

30
Enfin, elle relève que, en réponse à la question écrite du 8 juillet 2002, posée par M. Alavanos, député au Parlement européen, qui a demandé à la Commission ce qu’elle avait l’intention de faire dans ce dossier, la Commission a répondu le 20 septembre 2002 qu’elle n’avait pas reçu de réponse officielle de la part des autorités grecques de sorte qu’elle n’était pas en mesure de confirmer si une procédure visant à assurer la poursuite des activités de la requérante avait été entamée, mais qu’un contact régulier avec le ministère de l’Agriculture grec était maintenu. Elle a ajouté que, en tout état de cause, elle considérait qu’il appartenait aux juridictions grecques de trancher le litige pendant devant elles. Selon la requérante, cette réponse, qui a été donnée 96 jours après la lettre du 14 juin 2002, constitue en réalité une rétractation de cette dernière, puisque la Commission y précise que le traitement de la plainte se poursuit sans faire allusion à la position qu’elle a prise dans la lettre du 14 juin 2002.

Appréciation du Tribunal

31
Dans le cadre de l’examen de la recevabilité de ce recours, le Tribunal décide d’examiner, d’abord, les arguments de la défenderesse quant au caractère tardif du recours et, ensuite, les arguments relatifs à l’absence d’une obligation à agir.

32
Conformément à l’article 232, deuxième alinéa, CE, le recours en carence doit être formé dans un délai de deux mois, qui commence à courir à l’expiration du délai de deux mois dans lequel la défenderesse aurait dû prendre position à la suite de l’invitation à agir.

33
En l’espèce, il est constant entre les parties que, dans la mesure où l’invitation à agir a été envoyée le 22 mai 2002, le présent recours, qui a été introduit par requête déposée au greffe le 28 octobre 2002, ne respecte pas le délai prévu à l’article 232, deuxième alinéa, CE.

34
Toutefois, afin de justifier le caractère tardif de son recours, le requérant invoque l’existence d’une erreur excusable.

35
Selon une jurisprudence constante, une erreur est excusable lorsqu’elle résulte d’une confusion provoquée par le comportement même de l’institution concernée et que le requérant est de bonne foi et a fait preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir, notamment, arrêt de la Cour du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE, C-193/01 P, Rec. p. I‑4837, point 25).

36
Or, contrairement à ce qu’affirme la requérante, ni la lettre du 14 juin 2002, ni la lettre de l’OLAF du 12 septembre 2002 lui recommandant de s’adresser au Médiateur européen, ni la réponse de la défenderesse à la question écrite de M. Alavanos ne justifient la conclusion que le dépôt tardif du recours résulte d’une erreur excusable de sa part.

37
Il convient, d’abord, de souligner que la lettre du 14 juin 2002 constitue une prise de position de la défenderesse. Dans cette lettre, la défenderesse a, en effet, indiqué que, quelle que puisse être son attitude dans la présente affaire, la requérante n’était pas en droit d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé, puisqu’elle dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire en ce qui concerne l’engagement d’une procédure en constatation de manquement. Elle a également souligné que, à son avis, il appartenait aux autorités juridictionnelles grecques de trancher le litige dont elles étaient saisies. En répondant de la sorte, la défenderesse a clairement informé la requérante qu’elle n’entendait pas donner une réponse dans le sens souhaité par la requérante.

38
Ensuite, à supposer même que, ainsi que le fait valoir la requérante, les termes ambigus de la lettre du 14 juin 2002 ne permettaient pas de déceler qu’il s’agissait d’une prise de position de la défenderesse, il n’en demeure pas moins que cette circonstance n’a pas pu être à l’origine de l’erreur commise par la requérante quant au point de départ du délai de recours. En effet, si la requérante avait estimé que cette lettre ne constituait pas une prise de position, elle aurait dû introduire son recours dans le délai de deux mois prévu à l’article 232, deuxième alinéa, CE.

39
De même, c’est à tort que la requérante invoque la lettre de l’OLAF du 12 septembre 2002. En effet, d’après la requérante elle-même, cette lettre ne constitue pas une réponse à sa lettre du 20 mai 2002 et à l’invitation à agir qui y est formulée, mais une réponse à des lettres du 30 mai, du 4 juillet, du 16 juillet, du 31 juillet, du 6 août et du 14 août 2002, qu’elle avait envoyées à l’OLAF (comme cela ressort du point 4.13 des observations et de la référence indiquée dans la lettre de l’OLAF). Il est vrai que, dans cette lettre, l’OLAF précise que «[c]ette plainte sera transmise aux directions compétentes de l’agriculture et de la concurrence, qui sont au courant et effectuent, probablement, une enquête». Toutefois, les termes utilisés indiquent qu’il s’agit d’une simple supposition de l’OLAF (en particulier le terme «probablement») et non d’un constat définitif. En outre, au vu des fonctions de l’OLAF et de son indépendance par rapport à la Commission, l’OLAF n’était, de toute évidence, pas compétent pour déterminer, vis-à-vis d’un tiers, l’état des travaux de la Commission et encore moins pour engager cette dernière sur ce point.

40
Enfin, il y a lieu de considérer que la réponse de la défenderesse, du 20 septembre 2002, à la question écrite E-2108/02 posée par M. Alavanos, député au Parlement européen (JO 2003, C 52, p. 130), ne permet pas non plus de conclure à l’existence d’une erreur excusable de la part de la requérante. Cette réponse ne fait en effet aucunement référence à l’invitation à agir contenue dans la lettre du 20 mai 2002. Le seul fait que, au second paragraphe de cette réponse, il est précisé que «la plainte du 18 février 2002 déposée à la Commission par le responsable de l’entreprise en cause, M. Barakakos, ainsi que sa pétition n° 1075/2001 continuent à être traitées selon les procédures en vigueur» ne saurait justifier une quelconque confusion dans l’esprit de la requérante. En effet, il est précisé dans cette réponse que c’est la plainte du 18 février 2002, et non l’invitation à agir du 20 mai 2002, qui est encore en cours de traitement.

41
Il résulte de ce qui précède que le présent moyen d’irrecevabilité est fondé.

42
À titre surabondant, il y a lieu de relever que le présent recours est également irrecevable en raison de l’absence d’une obligation d’agir incombant à la défenderesse.

43
À cet égard, il y a eu de rappeler que, dans le cadre du présent recours, la requérante reproche à la défenderesse, d’une part, de ne pas avoir engagé la procédure prévue à l’article 226 CE à l’égard de la République hellénique et, d’autre part, de ne pas avoir supprimé le concours financier du FEOGA qui a été octroyé à la demande des autorités grecques.

44
Selon une jurisprudence constante, est irrecevable le recours en carence intenté par une personne physique ou morale et visant à faire constater que, en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement, la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité (voir, par exemple, arrêt Star Fruit/Commission, cité au point 24 ci-dessus). En effet, les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir de l’article 232, troisième alinéa, CE qu’en vue de faire constater qu’une institution s’est abstenue d’adopter, en violation du traité, des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont elles sont les destinataires potentiels ou qui concerneraient lesdites personnes de manière directe et individuelle (arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C‑68/95, Rec. p. I‑6065, points 58 et 59). Or, dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 226 CE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T‑479/93 et T‑559/93, Rec. p. II‑1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T‑117/96, Rec. p. II‑141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 226 CE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

45
Il s’ensuit que la demande de la requérante visant à faire constater que la défenderesse s’est abstenue de statuer en violation du traité en n’engageant pas contre la République hellénique une procédure en constatation de manquement doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

46
Quant à la demande de la requérante visant à faire constater que la défenderesse s’est abstenue de statuer en n’adoptant pas une décision de suppression du concours financier octroyé, il y a lieu de constater que la lettre du 20 mai 2002 ne contenait pas une invitation à agir en ce sens. Il en résulte que cette demande n’est pas recevable.

47
En outre, à titre superfétatoire, à supposer même que la lettre du 20 mai 2002 puisse être interprétée comme une invitation à agir en ce sens, il ne saurait être déduit de l’article 23 du règlement n° 4253/88 une quelconque obligation d’agir incombant à la défenderesse. L’article 23 prévoit en effet que, afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les États membres prennent les mesures nécessaires pour vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté européenne ont été menées correctement, prévenir et poursuivre les irrégularités, récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence. Il prévoit en outre que, sauf si l’État membre et/ou l’intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l’abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l’État membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées. Il en ressort que, à supposer qu’une obligation d’agir puisse être déduite de cette disposition, elle ne pèse pas sur la défenderesse, mais sur les États membres. Quant à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2082/93, auquel le requérant a fait allusion dans ses écrits, il dispose que «la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée». Cette disposition prévoit ainsi que la suppression ou la suspension d’un concours constitue une faculté et non une obligation pour la défenderesse (voir, en ce qui concerne une disposition similaire, arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T‑216/96, Rec. p. II-3139, point 92, confirmé par arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C‑500/99 P, Rec. p. I-867). En tout état de cause, il y a lieu de relever que le règlement n° 4253/88, auquel se réfère le requérant, a été abrogé, avec effet au 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1).

48
Au vu de tout ce qui précède, le présent recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens d’irrecevabilité avancés par la défenderesse.


Sur les dépens

49
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne:

1)
Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)
La requérante supportera ses propres dépens et ceux de la Commission.

Fait à Luxembourg, le 2 décembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1
Langue de procédure: le grec.

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