Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62002TO0308

Ordonnance du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 29 avril 2004.
SGL Carbon AG contre Commission des Communautés européennes.
Ententes - Amende - Rejet d'une demande de facilités de paiement - Recours en annulation - Irrecevabilité.
Affaire T-308/02.

Recueil de jurisprudence 2004 II-01363

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2004:119

Ordonnance du Tribunal

Affaire T-308/02


SGL Carbon AG
contre
Commission des Communautés européennes


« Ententes – Amende – Rejet d'une demande de facilités de paiement – Recours en annulation – Irrecevabilité »

Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 29 avril 2004
    

Sommaire de l'ordonnance

1.
Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Actes produisant des effets juridiques obligatoires – Lettre émanant d’une institution

(Art. 230 CE)

2.
Recours en annulation – Recours dirigé contre une décision confirmative d’une décision antérieure non attaquée dans les délais – Irrecevabilité – Notion de décision confirmative – Décision adoptée à la suite d’un réexamen de la décision antérieure et sur la base d’éléments nouveaux – Exclusion

(Art. 230 CE)

3.
Concurrence – Amendes – Facilités de paiement – Substitution d’une procédure administrative de réexamen des modalités de paiement d’une amende à la procédure en référé – Inadmissibilité

1.
Seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE ; pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance. À cet égard, il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 230 CE, ouvrant ainsi la voie du recours en annulation.

(cf. points 39-40)

2.
Un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision.

Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte répond. En particulier, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure. En effet, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive.

L’institution concernée est tenue de procéder au réexamen d’une décision devenue définitive si la demande qui y est relative est effectivement fondée sur des faits nouveaux et substantiels, et le recours introduit contre une décision refusant, dans de telles conditions, de procéder à un réexamen doit être déclaré recevable. En revanche, si la demande de réexamen n’est pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité sera déclaré irrecevable.

Ce raisonnement recouvre également l’hypothèse dans laquelle l’institution a, au lieu de refuser le réexamen sollicité, répondu à la demande du requérant par l’acte attaqué, mais a fait valoir que cette réponse était dépourvue de caractère décisionnel étant donné qu’elle se limitait à confirmer une décision antérieure devenue définitive.

(cf. points 51-55)

3.
Une procédure administrative de réexamen d’une décision de la Commission concernant les modalités de paiement d’une amende n’a ni caractère semblable ni valeur équivalente à celle d’une procédure en référé. En effet, alors que le juge des référés examinerait tant l’urgence que le fumus boni juris au regard du recours principal dirigé contre la décision fixant l’amende, la Commission, dans le cadre de la procédure administrative de réexamen, devrait limiter son appréciation à la question de l’urgence et à la situation financière du requérant. Vouloir admettre la substitution d’une telle procédure administrative à la procédure en référé reviendrait à permettre le contournement des dispositions régissant la procédure juridictionnelle en référé, qui ne visent précisément pas l’appréciation des seuls aspects financiers de l’affaire.

Quant à l’article 7 des « dispositions de procédure interne relatives au recouvrement des amendes et astreintes de la Commission au titre du traité CEE », selon lequel le membre compétent de la Commission est autorisé à accorder des délais supplémentaires de paiement, le cas échéant fractionnés, sur demande écrite dûment motivée du destinataire, si cette disposition instaure une procédure administrative autonome, celle-ci trouve sa place dans le cadre du recouvrement proprement dit des amendes fixées par la Commission. La protection juridictionnelle appropriée concernant le refus d’accorder les facilités de paiement prévues audit article 7 aura donc lieu dans le cadre d’une procédure en référé (article 242 CE) ou d’une procédure visant à obtenir la suspension de l’exécution forcée (article 256, quatrième alinéa, CE) de la décision ayant imposé l’amende.

(cf. points 65, 67)




ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
29 avril 2004(1)

« Ententes – Amende – Rejet d'une demande de facilités de paiement – Recours en annulation – Irrecevabilité »

Dans l'affaire T-308/02,

SGL Carbon AG, établie à Wiesbaden (Allemagne), représentée par Me M. Klusmann, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Wilms et W. Mölls, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 24 juillet 2002, en ce qu'elle a rejeté la demande de la requérante visant à obtenir des facilités de paiement de l'amende qui lui avait été infligée dans le cadre d'une procédure d'application de l'article 81 CE (COMP/E-1/36.490 – Électrodes de graphite) et fixe des intérêts moratoires supérieurs à 6,04 %,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Faits à l’origine du litige

1
La requérante, un producteur allemand d’électrodes de graphite, s’est vu infliger, par la décision 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E – 1/36. 490 – Électrodes de graphite) (JO 2002 L 100, p. 1, ci‑après la « décision fixant l’amende »), une amende de 80,2 millions d’euros pour avoir commis une infraction à l’article 81 CE.

2
Conformément à l’article 4 de la décision fixant l’amende, la requérante était obligée de s’acquitter du montant de l’amende dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de ladite décision, à savoir le 24 juillet 2001. À l’expiration dudit délai, c’est-à-dire à partir du 24 octobre 2001, des intérêts devaient être payés au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE), majoré de 3,5 points de pourcentage, soit à un taux de 8,04 %.

3
La décision fixant l’amende a été transmise à la requérante par une lettre datée du 23 juillet 2001, qui rappelait le montant de l’amende infligée et les conditions de paiement, notamment le taux d’intérêt de 8,04 % fixé en cas de dépassement du délai de paiement. La lettre poursuivait en précisant que, à l’expiration du délai de paiement, la Commission procéderait au recouvrement du montant en question ; toutefois, il y était également précisé que, dans l’hypothèse d’une saisine du Tribunal, aucune mesure d’exécution forcée ne serait entreprise, à condition que la requérante s’engage à payer des intérêts au taux de 6,04 % et qu’une garantie bancaire soit constituée.

4
Le 2 octobre 2001, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours visant à l’annulation de la décision fixant l’amende (affaire T‑239/01). Par ce recours, elle a, notamment, contesté la légalité du taux d’intérêt de 8,04 % fixé par l’article 4 de cette décision et celle du taux de faveur de 6,04 % fixé par la lettre de transmission du 23 juillet 2001.

5
Par lettre du 24 octobre 2001, la requérante a adressé à la Commission une demande visant à obtenir des facilités de paiement. À cet effet, elle a fait valoir que, eu égard à sa situation économique et financière désastreuse, l’exécution de la décision fixant l’amende menacerait l’existence même de l’entreprise. Elle a ajouté que, même si elle était en mesure de se procurer plusieurs garanties bancaires, la mise à effet, c’est-à-dire l’exécution, de ces garanties priverait l’entreprise des lignes de crédit nécessaires au maintien de ses activités courantes. Or, elle ne serait économiquement pas en mesure de supporter une perte de liquidités à concurrence du montant des garanties bancaires exigées. La requérante a donc formellement et explicitement demandé à la Commission de renoncer complètement ou, à titre subsidiaire, partiellement à la constitution de sûretés jusqu’à ce qu’un arrêt ayant force de chose jugée soit rendu dans le cadre du litige au principal pendant devant le Tribunal. La requérante a indiqué que, dans l’hypothèse d’un refus de la part de la Commission, elle saisirait le Tribunal d’une demande en référé afin d’obtenir les facilités de paiement en cause, en ajoutant qu’elle espérait que la Commission s’abstiendrait entre-temps de procéder à l’exécution forcée de la décision fixant l’amende.

6
Dans sa réponse du 26 octobre 2001, la Commission a informé la requérante qu’elle poursuivrait l’examen de sa demande le 15 novembre suivant. Le 5 novembre 2001, la requérante a rappelé son attente de ne faire l’objet d’aucune mesure d’exécution forcée avant le 15 novembre, en précisant qu’elle n’entreprendrait aucune démarche judiciaire avant que sa demande ne soit tranchée.

7
Par lettre du 20 février 2002, compte tenu de ce que la Commission ne s’était pas encore prononcée sur sa demande, la requérante l’a informée que sa situation financière s’était aggravée entre-temps. Elle lui a demandé d’organiser une réunion afin de lui exposer oralement cette situation.

8
Le 15 mars 2002, à la suite d’une demande en ce sens présentée par la Commission, la requérante lui a transmis plusieurs documents concernant sa situation économique, notamment la version la plus récente du rapport de gestion concernant l’exercice 2001, en langue allemande.

9
En raison d’un communiqué publié dans un journal allemand le 14 mars 2002, selon lequel la requérante avait surmonté sa crise économique et financière, la Commission s’est, à nouveau, adressée à la requérante pour lui demander des informations en la matière. En réponse, la requérante lui a envoyé le 30 avril 2002 la version anglaise du rapport de gestion concernant l’exercice 2001 et, à la suite d’autres contacts téléphoniques, elle lui a fait parvenir le 3 juillet 2002 le formulaire 20-F qu’elle avait déposé le 1er juillet aux États-Unis auprès de la United States Securities and Exchange Commission (l’autorité fédérale de régulation boursière).

10
Par la suite, le comptable de la Commission, M. Taverne, par lettre du 24 juillet 2002, réceptionnée par la requérante le 5 août suivant (ci-après la « lettre attaquée »), s’est prononcé contre l’octroi de facilités de paiement. Après avoir rappelé les différentes étapes des contacts intervenus entre la requérante et la Commission, il a indiqué que le bilan de la requérante au 31 décembre 2001 et son rapport figurant sur le formulaire 20-F, bien que contenant certains éléments préoccupants, ne donnaient pas lieu de penser que la société – en combinant ses efforts avec ceux de ses notoires actionnaires de référence et de ses banquiers – ne serait pas en mesure de fournir des garanties bancaires sans effets dommageables pour son activité future. Il estimait donc qu’il n’y avait pas lieu de déroger aux règles en vigueur. Par conséquent, poursuivait-il, la requérante était tenue de se conformer aux conditions de paiement indiquées dans la lettre du 23 juillet 2001 et de payer des intérêts au taux de 8,04 % par an sur le montant de l’amende à compter du 24 octobre 2001, jusqu’à la date de réception par la Commission d’une garantie bancaire, le taux d’intérêt de 6,04 % n’étant applicable qu’à partir de cette dernière date.

11
En ce qui concerne la fixation du taux de ces intérêts, la Commission s’est prévalue, dans le cadre de la présente procédure devant le Tribunal, des « dispositions de procédure interne relatives au recouvrement des amendes et astreintes de la Commission au titre du traité CEE » [SEC (86) 1748] du 29 octobre 1986 (ci-après les « dispositions de recouvrement »).

12
Aux termes de l’article 6 des dispositions de recouvrement, tant que l’affaire est pendante devant la Cour, il n’est procédé à aucune mesure de recouvrement, à la double condition toutefois que le destinataire de la décision ait accepté que sa dette produise des intérêts à partir de la date d’expiration du délai de paiement et qu’il ait fourni à la Commission une garantie bancaire. À défaut de paiement à l’expiration du délai de paiement ou de constitution d’une garantie bancaire, le montant de l’amende est, de plein droit, productif d’intérêts. Cet intérêt correspond au taux d’intérêt appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire, majoré de 3,5 points.

13
Selon l’article 7 des dispositions de recouvrement, sur demande écrite dûment motivée du destinataire, le membre de la Commission compétent en la matière, en liaison avec le membre de la Commission en charge du budget, est autorisé à accorder des délais supplémentaires de paiement, le cas échéant fractionnés, à condition que le destinataire de la décision ait accepté que sa dette produise intérêt, à partir de la date d’expiration du délai de paiement jusqu’à son apurement intégral, à un taux d’intérêt semblable à celui appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire, majoré de 1,5 point, et qu’il ait fourni une garantie bancaire.

14
L’article 8 des dispositions de recouvrement, relatif à la procédure d’exécution forcée, prévoit que toute demande de modalités de paiement dont le bénéfice est sollicité au cours de la procédure d’exécution forcée est examinée conformément aux dispositions de l’article 7.

15
Après avoir reçu la lettre attaquée, la requérante a, par lettre du 29 août 2002, fourni à la Commission trois garanties bancaires destinées à couvrir l’amende de 80,2 millions d’euros, augmentée des intérêts au taux de 6,04 % à compter du 24 octobre 2001 et jusqu’au paiement effectif de l’amende. Les garanties portent la date, respectivement, du 11, du 12 et du 22 octobre 2001. À cet égard, la requérante a déclaré qu’il s’agissait là de garanties bancaires qu’elle s’était procurées, par précaution, avant l’écoulement du délai de paiement indiqué dans la décision fixant l’amende, mais qui n’avaient pas encore été validées à l’époque, leur validation n’étant intervenue qu’en août 2002.


Procédure et conclusions des parties

16
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

17
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du 24 juillet 2002 en ce qu’elle refuse l’octroi de facilités de paiement ;

annuler cette décision en ce que les intérêts de retard qui y sont exigés pour la période allant du 24 octobre 2001 jusqu’à la date de réception de la déclaration de garantie sont fixés à un taux supérieur à 6,04 % ;

à titre subsidiaire, diminuer de façon appropriée les intérêts de retard fixés par la décision ;

condamner la Commission aux dépens.

18
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

19
À l’appui de son recours, la requérante soulève plusieurs griefs. Elle reproche à la Commission d’avoir insuffisamment motivé la lettre attaquée, d’avoir commis des erreurs d’appréciation dans l’évaluation de sa capacité de paiement et de lui avoir fait subir une discrimination par rapport à la société américaine UCAR, également sanctionnée par la décision fixant l’amende, étant donné que les demandes de cette société visant à obtenir des facilités de paiement n’auraient pas été rejetées, bien qu’UCAR n’ait pas fourni de garantie bancaire permettant de couvrir son amende.

20
La requérante reproche à la Commission, en outre, d’avoir fixé des intérêts de retard illégaux, en ce que tant le taux de 8,04 % que celui de 6,04 % seraient excessifs, et d’avoir méconnu son propre comportement lors de leurs longues négociations sur la question des facilités de paiement, comportement par lequel elle lui aurait, de facto, accordé un sursis de paiement. Enfin, elle soutient, à titre subsidiaire, que les intérêts de retard devraient, au moins, être nettement réduits en raison de la durée exceptionnellement longue de la procédure ayant précédé l’envoi de la lettre attaquée.


Sur la recevabilité

21
Aux termes de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment examiner, même d’office, les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours fixées par l’article 230, quatrième alinéa, CE (ordonnance du Tribunal du 15 octobre 2003, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑372/02, non encore publiée au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée).

22
En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et, en conséquence, décide de statuer sans ouvrir la procédure orale.

Arguments des parties

23
Selon la requérante, la lettre attaquée n’est pas une simple confirmation de la décision fixant l’amende du 18 juillet 2001 et de la lettre de transmission du 23 juillet 2001, mais contient des éléments matériels et juridiques susceptibles de produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

24
En effet, la lettre attaquée contiendrait deux éléments normatifs distincts, qui iraient au-delà du contenu de la décision fixant l’amende. D’une part, elle refuserait, à une date qui se situe bien après le 18 juillet 2001, une nouvelle fois et sur la base d’un examen des faits distinct du précédent, l’octroi de toute facilité de paiement. D’autre part, les exigences en matière d’intérêts auraient été renforcées et dépasseraient les exigences de base de la décision fixant l’amende.

25
À cet égard, elle précise que la Commission a désormais retenu, malgré la constitution de garanties bancaires, un taux d’intérêt de 8,04 % au lieu du taux d’intérêt de 6,04 % initialement prévu en cas de constitution de garanties bancaires. Étant donné que ce nouveau taux a été fixé au terme d’un processus décisionnel distinct et lui-même nouveau, près d’un an après l’adoption de la décision fixant l’amende, il constituerait donc un élément normatif distinct. La Commission aurait ainsi procédé à un nouvel examen au fond dans son intégralité. La dégradation continue de la santé financière et de la capacité de paiement de la requérante constituerait également un fait nouveau par rapport à la situation qui avait prévalu lors de l’adoption de la décision fixant l’amende.

26
Par comparaison avec la décision fixant l’amende, la lettre attaquée porterait donc atteinte à la requérante, en ce qu’elle exigerait le paiement d’intérêts de retard à un taux de 8,04 % pour la période allant du 24 octobre 2001 jusqu’à la date de réception de la déclaration de garantie en août 2002, et ce bien que la Commission soit convenue avec la requérante, selon cette dernière, qu’elle renoncerait à toute mesure de recouvrement de l’amende ou de sûretés équivalentes durant le processus d’adoption de la décision relative à la demande visant à obtenir des facilités de paiement.

27
S’agissant du rejet de sa demande de dispense de constitution d’une garantie bancaire, la requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel celle-ci ne serait pas tenue d’examiner la question de l’octroi éventuel de facilités de paiement après avoir adopté la décision fixant l’amende. Elle souligne que la Commission a effectivement considéré qu’il convenait d’étudier avec attention sa solvabilité ainsi que sa capacité de paiement. La compétence de la Commission pour octroyer des facilités de paiement impliquerait en soi sa faculté d’examiner l’octroi de telles facilités dans le cadre d’une procédure administrative organisée.

28
Selon la requérante, l’objet du présent litige n’est pas de déterminer si la Commission était ou non tenue de procéder à un examen de la capacité de paiement de la requérante ainsi que de se prononcer sur l’octroi de facilités de paiement, mais uniquement de vérifier si, du fait qu’elle a effectivement mis en œuvre un tel examen, la décision adoptée était légale ou non. En effet, lorsque la Commission agit, elle serait tenue de respecter, pendant la procédure mise en œuvre comme lors de l’adoption de la décision, les règles juridiques qui s’appliquent à son action. Tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

29
La requérante s’étonne de voir la Commission affirmer qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un examen du niveau des taux d’intérêt au motif que la requérante ne les aurait pas contestés. Elle rappelle avoir introduit, dès le 2 octobre 2001, un recours dirigé, notamment, contre la légalité du niveau des taux retenus. De plus, sa demande d’octroi de facilités de paiement, qui tendait à obtenir la suspension de l’exécution forcée de la décision fixant l’amende ainsi que l’annulation de la demande de constitution de garanties, ferait également état d’une demande d’examen de la légalité des constatations de base. Enfin, la légalité de la fixation des taux d’intérêt par la Commission ne dépendrait pas du point de savoir si cette fixation est contestée par les destinataires de la décision. La Commission serait plutôt tenue de contrôler d’office la légalité de ses mesures qui font grief et d’en écarter à tout instant les éléments illégaux.

30
La requérante réfute la thèse selon laquelle elle aurait pu et dû introduire une demande en référé. Cette thèse apparaîtrait cynique étant donné que, en vertu des strictes exigences posées par la jurisprudence du Tribunal, seule la démonstration de ce que l’entreprise se trouve dans un état proche de la faillite permettrait d’obtenir une suspension judiciaire de l’exécution d’une décision de la Commission. La coûteuse préparation d’une telle procédure judiciaire ne serait pas raisonnable pour une entreprise qui se trouve dans une situation économique difficile. De plus, la requérante fait valoir que la publicité négative qui ne manquerait pas de résulter de l’introduction d’une action judiciaire par une entreprise qui se trouve au bord de la faillite serait impossible à supporter par ladite entreprise, une telle annonce produisant inévitablement des conséquences néfastes sur le marché financier, et ce surtout pour des sociétés anonymes cotées en bourse telles que la requérante.

31
Enfin, contrairement aux affirmations de la Commission, le juge des référés ne serait pas l’unique instance compétente pour statuer sur les facultés de survie économique d’une entreprise au regard des sanctions adoptées contre elle par la Commission. Ce juge ne serait en aucun cas compétent pour se prononcer sur la mise en œuvre des décisions administratives. Il serait contraire au « principe de l’État de droit », s’agissant de décisions relevant du pouvoir d’appréciation de l’administration, de procéder au transfert de la compétence s’y rapportant à une instance judiciaire.

32
La Commission estime que les conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables dans la mesure où elles visent la partie de la lettre attaquée qui refuse de dispenser la requérante de l’obligation de constituer une garantie bancaire. La déclaration de la Commission dans ce passage de la lettre attaquée n’affecterait pas la situation juridique de la requérante. En effet, les dispositions applicables ne conféreraient pas aux débiteurs de la Commission une position juridiquement protégée en ce qui concerne leur intérêt à se voir dispenser de l’obligation de fournir une garantie, aucune procédure devant la Commission n’étant prévue par le droit communautaire pour que les intéressés puissent demander une telle dispense.

33
Il n’en resterait pas moins que la Commission peut, selon elle, dans certains cas particuliers, renoncer à exiger une garantie bancaire, car elle bénéficierait d’une certaine marge de manœuvre afin de tenir compte d’un éventuel intérêt public prépondérant, qui la conduirait, le cas échéant, à admettre une telle exception. Cet intérêt public prépondérant pourrait, par exemple, se trouver constitué lorsque les perspectives de recouvrement effectif de l’amende sont plus grandes, dans les circonstances particulières d’une affaire donnée, en cas d’octroi d’une dispense de l’obligation de fournir une garantie bancaire qu’en cas de maintien d’une telle exigence. Cependant, le pouvoir de la Commission d’octroyer une telle dispense ne conférerait nullement aux entreprises débitrices un droit subjectif qu’elles pourraient faire valoir en justice, obligeant la Commission à agir dans leur intérêt. De plus, le simple fait que la Commission ait examiné la présente affaire, comme elle en avait le pouvoir, ne pourrait en aucun cas être interprété comme une reconnaissance d’un quelconque droit subjectif en ce sens.

34
La situation de la requérante serait comparable à celle d’un particulier demandant à la Commission d’intervenir contre un État membre conformément à l’article 226 CE. Dans ce cas aussi, la Commission exercerait son pouvoir uniquement dans l’intérêt public, les particuliers n’ayant pas d’intérêt juridiquement protégé à son intervention. Leur situation juridique ne serait donc pas affectée lorsque la Commission rejette leur demande.

35
Cela ne signifierait nullement que la requérante est privée de tout droit. Elle pourrait, en effet, demander au juge des référés de la dispenser de l’obligation de fournir une garantie bancaire. Dans cette hypothèse, le juge vérifierait de manière approfondie si son intérêt à bénéficier de cette dispense l’emporte exceptionnellement sur l’intérêt public tenant à la constitution d’une garantie bancaire. Lors de cet examen, il tiendrait notamment compte des perspectives de succès du recours au principal (fumus boni juris).

36
Selon la Commission, l’équilibre entre les intérêts particuliers des débiteurs d’une amende et l’intérêt de la Commission à faire appliquer sa politique de concurrence et à obtenir l’exécution de ses créances financières exige que la protection juridique afférente à la décision infligeant une amende soit assurée par le recours en annulation, tandis que la protection juridique relative à son exécution durant le déroulement de la procédure au principal est confiée au juge des référés.

37
S’agissant de la demande concernant le taux des intérêts de retard dus par la requérante, la Commission la considère comme irrecevable au motif que la lettre attaquée rappelle uniquement les règles arrêtées à l’article 4 de la décision fixant l’amende et figurant également dans la lettre de transmission du 23 juillet 2001. La lettre attaquée n’aurait donc aucun contenu normatif à ce propos. Le taux d’intérêt n’ayant, fait-elle valoir, jamais été contesté par la requérante lors de la procédure en cause, la Commission n’aurait eu aucune raison de le vérifier.

38
Contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission ne serait pas tenue de procéder à un examen global de la légalité des décisions infligeant une amende lorsqu’elle reçoit une demande qui se réfère expressément au seul octroi de facilités de paiement. Or, dans sa demande du 24 octobre 2001, la requérante se serait explicitement contentée de demander une dispense de garanties bancaires. La Commission soutient que, si elle était tenue de procéder d’office et systématiquement à l’examen suggéré par la requérante, cela aurait pour effet de remettre de facto en cause le caractère définitif de décisions administratives non attaquées dans les délais, puisque la Commission devrait constamment réexaminer toutes ses décisions.

Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne le caractère décisionnel de la lettre attaquée au regard du taux des intérêts de retard

39
Dans la mesure où la requérante demande l’annulation de la lettre attaquée en ce que la Commission y refuserait d’abaisser le niveau excessivement élevé des intérêts de retard, il y a lieu de rappeler que seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE ; pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9).

40
En outre, il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 230 CE, ouvrant ainsi la voie du recours en annulation (arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T-277/94, Rec. p. II-351, point 50 ; ordonnance du Tribunal du 4 octobre 1996, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, T-5/96, Rec. p. II-1299, point 26).

41
En l’espèce, la demande initiale de la requérante du 24 octobre 2001 et sa correspondance ultérieure avec la Commission ne visent en aucune façon à contester le taux des intérêts de retard arrêté par la décision fixant l’amende (8,04 %) et par la lettre de transmission du 23 juillet 2001 (6,04 % sous certaines conditions). Quant aux documents à caractère économique et financier produits par la requérante, ils ont été communiqués à la Commission dans le seul but d’obtenir d’elle la renonciation à l’exigence de constituer une garantie bancaire. Par ailleurs, la question de la légalité des intérêts de retard, à savoir celle du taux normal de 8,04 % et celle du taux de faveur de 6,04 %, fait déjà l’objet du litige enregistré sous le numéro T-239/01, pendant entre les mêmes parties.

42
Dans ces circonstances, la lettre attaquée ne saurait être interprétée en ce sens que la Commission, sur la base d’éléments nouveaux, a procédé au rejet d’une demande visant à réduire le taux des intérêts de retard. La Commission, dans la lettre attaquée, s’est bornée à déclarer qu’il n’y avait pas lieu de déroger aux règles en vigueur, la requérante étant en mesure de fournir des garanties bancaires sans effets dommageables pour son activité économique future. Si la Commission a mentionné les taux de 8,04 % et de 6,04 %, c’est en rappelant que la requérante était tenue de se conformer aux conditions de paiement indiquées dans la lettre de transmission du 23 juillet 2001, notifiant la décision fixant l’amende à la requérante. Rien ne permet de déduire, notamment au vu du texte de la lettre attaquée, que la Commission a, ce faisant, fait porter d’office son examen sur la légalité de ces taux.

43
Par conséquent, la lettre attaquée ne comporte pas de caractère décisionnel au regard de la fixation du taux des intérêts de retard.

44
S’agissant de la période d’application du taux de faveur de 6,04 %, la requérante reproche à la Commission d’avoir substitué à ce taux le taux d’intérêt normal de 8,04 % pour la période allant du 24 octobre 2001, date d’expiration du délai de paiement, jusqu’à la transmission, à la fin du mois d’août 2002, des trois garanties bancaires (voir point 15 ci-dessus), bien qu’elle ait disposé ainsi de sûretés produisant le même effet que si elle les avait obtenues dès le mois d’octobre 2001. La requérante réclame, dès lors, l’application du taux de faveur de 6,04 % à partir du 24 octobre 2001.

45
À cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler que les garanties bancaires invoquées par la requérante n’ont été transmises à la Commission qu’à la fin du mois d’août 2002, c’est-à-dire après la date d’envoi de la lettre attaquée. Il est donc exclu que, par cette dernière, la Commission ait pu se prononcer sur la transmission des garanties en cause et donc sur les conséquences juridiques d’une telle transmission quant au montant des intérêts de retard. La lettre attaquée ne pouvait donc pas faire grief à la requérante sur ce point.

46
Si la lettre attaquée indique à la requérante son obligation de payer des intérêts au taux de 8,04 % sur le montant de l’amende à compter du 24 octobre 2001 et jusqu’à la date de réception par la Commission d’une garantie bancaire, le taux d’intérêt étant de 6,04 % à partir de cette dernière date, ce texte ne fait que répéter, de manière générale et abstraite, les conditions de paiement établies par l’article 4 de la décision fixant l’amende et par la lettre de transmission du 23 juillet 2001. Il s’abstient, notamment, de se prononcer sur le point de savoir si la transmission, postérieure à l’expiration du délai de paiement, de garanties bancaires est susceptible d’avoir des effets rétroactifs sur le taux des intérêts de retard. La lettre attaquée ne présentait donc pas non plus de caractère décisionnel à cet égard.

47
Quant au chef de conclusions présenté à titre subsidiaire, invitant le Tribunal à réduire les intérêts de retard fixés par la Commission, il suffit de relever qu’il ne vise qu’une des modalités de mise en œuvre de la décision fixant l’amende. La réduction sollicitée n’aurait donc pu être obtenue que dans le cadre d’une procédure en référé au titre de l’article 243 CE et de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal. Or, la requérante s’est abstenue d’introduire une telle demande. Dans le cadre du présent recours en annulation, ce chef de conclusions doit, en tout état de cause, être déclaré irrecevable.

48
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il porte sur les intérêts de retard arrêtés par la décision fixant l’amende et par la lettre de transmission du 23 juillet 2001.

En ce qui concerne le caractère décisionnel de la lettre attaquée au regard de l’absence d’octroi de facilités de paiement

49
Dans la mesure où la requérante conteste le refus de la Commission, exprimé dans la lettre attaquée, de renoncer à la constitution d’une garantie bancaire, il y a lieu de rappeler que l’exigence d’une telle garantie ainsi que les modalités de paiement liées à sa constitution ont déjà été exposées dans la lettre de transmission du 23 juillet 2001, et ce bien que la requérante ait, lors de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision fixant l’amende, attiré l’attention de la Commission sur sa situation financière très difficile. Dans ces circonstances, le fait pour la Commission d’avoir exigé de la requérante qu’elle constitue une garantie bancaire si elle voulait éviter le recouvrement de l’amende doit être considéré comme produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêt IBM/Commission, précité, point 9).

50
À défaut d’avoir été attaquée dans le délai prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE, l’exigence de constituer une garantie bancaire, contenue dans la lettre du 23 juillet 2001, est devenue définitive à l’égard de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T-186/98, Rec. p. II‑557, ci-après l’« arrêt Inpesca », point 40, et la jurisprudence citée).

51
Or, selon une jurisprudence bien établie, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (arrêt Inpesca, point 44, et la jurisprudence citée).

52
Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte répond (arrêt Inpesca, point 45, et la jurisprudence citée).

53
En particulier, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (arrêt Inpesca, point 46). En effet, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive (voir, notamment, arrêts de la Cour du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité, 42/59 et 49/59, Rec. p. 99, 146 ; du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10 ; arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Williams/Cour des comptes, T-58/89, Rec. p. II-77, point 24, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I-A-237 et II-681, point 37).

54
C’est sur la base de cette jurisprudence que le Tribunal a jugé, dans son arrêt Inpesca (points 48 et 49, et la jurisprudence citée), que l’institution concernée est tenue de procéder au réexamen d’une décision devenue définitive, si la demande qui y est relative est effectivement fondée sur des faits nouveaux et substantiels, et que le recours introduit contre une décision refusant, dans de telles conditions, de procéder à un réexamen doit être déclaré recevable. En revanche, si la demande de réexamen n’est pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité sera déclaré irrecevable.

55
Ce raisonnement recouvre également la présente hypothèse, dans laquelle la Commission a, au lieu de refuser le réexamen sollicité, certes répondu à la demande de la requérante par la lettre attaquée, mais a fait valoir que cette réponse était dépourvue de caractère décisionnel étant donné qu’elle se limitait à confirmer une décision antérieure, devenue définitive, à savoir la lettre de transmission du 23 juillet 2001.

56
Aux fins de la recevabilité de cette partie du recours, il y a donc lieu d’examiner si les éléments invoqués par la requérante à l’appui de sa demande de réexamen constituent effectivement des faits « nouveaux et substantiels ».

57
À cet égard, il est de fait que les informations fournies par la requérante sur la détérioration continuelle de sa situation financière présentaient un caractère nouveau, puisque cette détérioration est apparue après l’envoi de la lettre de transmission du 23 juillet 2001 et que ni la requérante ni la Commission n’étaient en mesure d’en avoir auparavant connaissance (voir, en ce sens, arrêt Inpesca, point 50, et la jurisprudence citée).

58
Pour revêtir un caractère substantiel, il est nécessaire que les informations en cause soient susceptibles de modifier de façon substantielle la situation juridique de la requérante, telle qu’elle était caractérisée à la date d’adoption de la décision antérieure devenue définitive, à savoir, en l’espèce, le 23 juillet 2001 (voir, en ce sens, arrêt Inpesca, point 51, et la jurisprudence citée).

59
À cet effet, il convient de rappeler, tout d’abord, que la requérante s’est expressément abstenue d’introduire, dans le cadre de l’affaire T-239/01, une demande de référé, au titre de l’article 104 du règlement de procédure, à propos de la décision fixant l’amende. Dans sa demande de réexamen du 24 octobre 2001, elle a, d’une part, annoncé l’ouverture d’une procédure en référé dans l’hypothèse où cette demande serait rejetée et, d’autre part, invité la Commission à ne pas exécuter la décision fixant l’amende avant de statuer sur sa demande de réexamen. Dans sa lettre du 5 novembre 2001, la requérante a réitéré ces deux points. Devant le Tribunal, elle a explicitement déclaré que la coûteuse préparation d’une procédure en référé n’était pas raisonnable pour une entreprise se trouvant dans une situation économique difficile, telle que la sienne.

60
Ensuite, il est constant que, à la date de l’introduction de la demande de réexamen, puis à celle de l’envoi de la lettre attaquée et même à celle de l’introduction du présent recours, la Commission n’avait pas encore procédé au recouvrement de l’amende infligée à la requérante ni à l’exécution forcée de la décision fixant l’amende en vertu de l’article 256 CE et des articles 104 à 110 du règlement de procédure.

61
Dans ces circonstances, la demande présentée par la requérante en dehors d’une procédure en référé, invitant la Commission à tenir compte de la détérioration de sa situation financière en vue de lui accorder des facilités de paiement, doit être considérée comme prématurée, étant donné que la Commission ne pouvait pas savoir, aux différentes dates susmentionnées, quelle serait la situation financière de la requérante dans l’hypothèse et au moment où il serait procédé à des mesures de recouvrement ou d’exécution forcée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 135). En particulier, la requérante n’ayant pas, sous la menace d’un recouvrement imminent, introduit de demande de référé, le Tribunal ne saurait être appelé, dans le cadre d’une procédure autre, à se prononcer sur le point de savoir si la mise en balance des intérêts en présence s’oppose à l’application des modalités de paiement contestées par la requérante avant le prononcé de l’arrêt au principal statuant sur la légalité de l’amende infligée à la requérante, au motif que cette application mettrait en péril l’existence de l’entreprise.

62
Il y a lieu d’ajouter que la Commission a déjà refusé, dans la décision fixant l’amende (voir considérants 184 et 185), de tenir compte de l’argument selon lequel l’imposition d’une amende risquerait d’acculer la requérante à la faillite. Cette approche est conforme à une jurisprudence constante selon laquelle la Commission n’est pas obligée de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise lorsqu’elle détermine le montant de l’amende qu’elle envisage de lui infliger (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 55 ; arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II-347, point 630, et du 19 mai 1999, BASF/Commission, T-175/95, Rec. p. II-1581, point 158). Par ailleurs, le fait qu’une mesure prise par une autorité communautaire provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit communautaire, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause ne signifiant pas que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 14, et du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C-499/99, Rec. p. I-6031, point 38).

63
Il s’ensuit que les informations de nature financière présentées par la requérante à l’appui de sa demande de réexamen n’étaient pas susceptibles d’affecter sa situation juridique, telle qu’elle était caractérisée le 23 juillet 2001. Aucune disposition de droit communautaire n’obligeant la Commission à vérifier constamment et d’office la situation financière de ses débiteurs, ces informations ne sauraient donc être qualifiées de substantielles dans le présent contexte procédural.

64
Aucun des arguments avancés par la requérante dans ce contexte ne saurait être retenu.

65
Dans la mesure où la requérante entend remplacer la procédure juridictionnelle du référé par la procédure administrative de réexamen, qu’elle a choisie en l’espèce, il suffit de relever qu’une telle procédure administrative n’a ni caractère semblable ni valeur équivalente à celle d’une procédure en référé. En effet, alors que le juge des référés examinerait, dans le présent contexte, tant l’urgence que le fumus boni juris au regard du recours principal dirigé contre la décision fixant l’amende, la Commission, dans le cadre de la procédure administrative préconisée par la requérante, devrait limiter son appréciation à la question de l’urgence et à la situation financière de la requérante. Vouloir admettre la substitution d’une telle procédure administrative à la procédure en référé reviendrait à permettre le contournement des dispositions régissant la procédure juridictionnelle en référé, qui ne visent précisément pas l’appréciation des seuls aspects financiers de l’affaire.

66
Si la requérante a, par ailleurs, fait état de ses craintes quant aux conséquences des mesures de publicité concernant sa mauvaise situation financière, lesquelles étaient, selon elle, inévitables en cas de saisine du juge des référés, il suffit de rappeler que l’article 17, paragraphe 4, des instructions au greffier du Tribunal permet d’occulter des données confidentielles dans les publications relatives aux affaires pendantes devant le Tribunal. Par ailleurs, cette crainte n’a pas empêché la requérante d’introduire le présent recours, et ce malgré les publications liées à cette action.

67
Quant à l’article 7 des dispositions de recouvrement, selon lequel le membre compétent de la Commission « est autorisé à accorder des délais supplémentaires de paiement, le cas échéant fractionnés », « sur demande écrite dûment motivée du destinataire » (voir points 11 à 14 ci-dessus), il y a lieu de relever que, si cette disposition instaure une procédure administrative autonome, celle-ci trouve sa place dans le cadre du recouvrement proprement dit des amendes fixées par la Commission. La protection juridictionnelle appropriée concernant le refus d’accorder les facilités de paiement prévues audit article 7 aura donc lieu dans le cadre d’une procédure en référé (article 242 CE) ou d’une procédure visant à obtenir la suspension de l’exécution forcée (article 256, quatrième alinéa, CE) de la décision ayant imposé l’amende.

68
Si la requérante dénonce encore une violation du principe d’égalité de traitement en ce que la société américaine UCAR aurait bénéficié de facilités de paiement, alors qu’elle-même s’est vu refuser ce bénéfice, il convient d’observer que cette prétendue discrimination au détriment de la requérante n’aurait pu produire d’effet avant l’envoi de la lettre attaquée, étant donné que la Commission n’avait pas encore procédé au recouvrement ou à l’exécution forcée de l’amende infligée à la requérante. Il suffit donc que cette dernière, si elle s’y croit fondée, puisse invoquer cette prétendue discrimination par rapport à UCAR dans le cadre de la procédure ultérieure qu’elle engagera, le cas échéant et le moment venu, contre les mesures de recouvrement ou d’exécution forcée effectivement prises contre elle.

69
En tout état de cause, ce grief manque en fait. En effet, la Commission avait déjà rejeté, en août 2001, une demande d’UCAR visant à obtenir une dispense de l’obligation de fournir une garantie bancaire. Par ailleurs, UCAR, sous sa nouvelle dénomination GrafTech International Ltd, a introduit, le 26 septembre 2003, une demande de sursis à l’exécution de la décision par laquelle la Commission lui avait infligé une amende et visant à obtenir des facilités de paiement (affaire T‑246/01 R).

70
Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas établi l’existence de faits substantiels qui auraient dû amener la Commission à procéder au réexamen de sa lettre de transmission du 23 juillet 2001 et à adopter une nouvelle décision susceptible d’être attaquée par un recours en annulation autonome.

71
Il s’ensuit que le recours doit également être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il porte sur le refus, exprimé dans la lettre attaquée, d’accorder les facilités de paiement sollicitées par la requérante.

72
Cette conclusion n’est pas contredite par le fait que la Commission a, dans la lettre attaquée, répondu sur le fond à propos des éléments nouveaux, mais non substantiels, présentés dans la demande visant à obtenir des facilités de paiement. En effet, si cette manière de traiter la demande de la requérante peut s’expliquer par un effort de courtoisie, elle ne saurait aucunement avoir pour effet de déroger aux conditions impératives de recevabilité d’un recours ni de priver la Commission de la faculté de dénoncer, au stade de la procédure juridictionnelle, l’irrecevabilité du recours et encore moins de dispenser le Tribunal de l’obligation qui lui incombe de vérifier lesdites conditions de recevabilité (voir, par analogie, jurisprudence constante en matière de fonction publique et notamment arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec. p. 3133, point 13, et du Tribunal du 11 mars 1999, Herold/Commission, T-257/97, RecFP p. I-A-49 et II-251, point 43).

73
Par conséquent, le recours doit, dans son ensemble, être rejeté comme irrecevable.


Sur les dépens

74
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)
Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)
La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 29 avril 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'allemand.

Top