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Document 62002CJ0422

Arrêt de la Cour (première chambre) du 27 janvier 2005.
Europe Chemi-Con (Deutschland) GmbH contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Mesures antidumping - Règlement clôturant des procédures antidumping - Rétroactivité - Égalité de traitement - Non-discrimination - Importations de certains grands condensateurs électrolytiques à l'aluminium originaires du Japon.
Affaire C-422/02 P.

Recueil de jurisprudence 2005 I-00791

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:56

Arrêt de la Cour

Affaire C-422/02 P


Europe Chemi-Con (Deutschland) GmbH
contre
Conseil de l'Union européenne


«Pourvoi – Mesures antidumping – Règlement clôturant des procédures antidumping – Rétroactivité – Égalité de traitement – Non-discrimination – Importations de certains grands condensateurs électrolytiques à l'aluminium originaires du Japon»

Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 29 avril 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 27 janvier 2005
    

Sommaire de l'arrêt

Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Principe d'égalité de traitement à l'égard des importations en provenance de différents pays – Portée s'agissant de produits, provenant de pays différents, faisant tous l'objet d'un dumping mais concernés les uns par une procédure de réexamen d'un droit définitif et les autres par une enquête initiale

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 5, 9, § 5, et 11, § 2)

Il existe une différence objective entre la procédure d’enquête initiale visant à déterminer l’existence d’une pratique de dumping et la procédure de réexamen d’une mesure antidumping parvenant à expiration. En effet, alors que les importations soumises à une procédure de réexamen sont celles ayant déjà fait l’objet de l’institution de mesures antidumping définitives et à l’égard desquelles il a, en principe, été apporté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la suppression de ces mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice, lorsque des importations sont soumises à une enquête initiale, l’objet de celle-ci est précisément de déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué, même si l’ouverture d’une telle enquête suppose l’existence d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’engagement d’une telle procédure.

Il s’ensuit que la perception d’un droit antidumping définitif, jusqu’à la clôture de la procédure de réexamen dont il fait l’objet, alors qu’aucun droit de ce type n’est perçu pendant la même période pour des produits similaires originaires d’un autre pays pour lesquels est conduite une enquête initiale, n’est pas constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement.

En outre, le Conseil n’a pas l’obligation d’écarter l’application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement antidumping de base nº 384/96, prévoyant la poursuite de la perception du droit antidumping définitif en attendant les résultats du réexamen, en vertu du principe de non-discrimination posé par l’article 9, paragraphe 5, du même règlement. En effet, le principe énoncé par cette dernière disposition n’exige pas que, lorsque le Conseil décide de clôturer une procédure de réexamen au motif qu’aucun droit antidumping définitif n’a été imposé sur des importations se trouvant dans une situation comparable à celles soumises au réexamen, mais provenant d’autres sources et ayant fait l’objet d’une enquête initiale, il rétablisse une égalité de traitement absolue en ce qui concerne la perception des droits sur les importations relevant de ces différentes situations.

(cf. points 50-52)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
27 janvier 2005(1)


«Pourvoi – Mesures antidumping – Règlement clôturant des procédures antidumping – Rétroactivité – Égalité de traitement – Non-discrimination – Importations de certains grands condensateurs électrolytiques à l'aluminium originaires du Japon»

Dans l'affaire C-422/02 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, introduit le 21 novembre 2002,

Europe Chemi-Con (Deutschland) GmbH, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par M e K. Adamantopoulos,  dikigoros, M. J. Branton, solicitor, et M e  J. Gutiérrez Gisbert, abogado, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. S. Marquardt, en qualité d'agent, assisté de M e  G. Berrisch, avocat,

partie défenderesse en première instance,

et Commission des Communautés européennes , représentée par M. T. Scharf et M me  S. Meany, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante en première instance,



LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur) et S. von Bahr, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 avril 2004,

rend le présent



Arrêt



1
Par son pourvoi, Europe Chemi-Con (Deutschland) GmbH (ci-après «Chemi-Con») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 septembre 2002, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil (T‑89/00, Rec. p. II-3651, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 3, second alinéa, du règlement (CE) n° 173/2000 du Conseil, du 24 janvier 2000, clôturant les procédures antidumping concernant les importations de certains grands condensateurs électrolytiques à l’aluminium originaires du Japon, de la République de Corée et de Taïwan (JO L 22, p. 1, ci-après le «règlement litigieux»).


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2
Le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998 (JO L 128, p. 18, ci-après le «règlement de base»), régit les procédures antidumping. Conformément à son article 23, deuxième alinéa, le règlement de base a été adopté sans préjudice des procédures antidumping déjà engagées sur le fondement du règlement (CE) n° 3283/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 349, p. 1), qui était applicable avant l’entrée en vigueur dudit règlement de base.

3
L’article 5 du règlement de base régit l’ouverture des procédures d’enquête initiale visant à déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué dans une plainte.

4
L’article 7, paragraphe 1, du règlement de base dispose:

«Des droits provisoires peuvent être imposés si une enquête a été ouverte conformément à l’article 5, si un avis a été publié à cet effet, s’il a été ménagé aux parties intéressées des possibilités adéquates de donner des renseignements et de formuler des observations conformément à l’article 5 paragraphe 10, si un examen préliminaire positif a établi l’existence d’un dumping et d’un préjudice en résultant pour l’industrie communautaire et si l’intérêt de la Communauté nécessite une action en vue d’empêcher un tel préjudice. Les droits provisoires doivent être imposés au plus tôt soixante jours et au plus tard neuf mois à compter de l’ouverture de la procédure.»

5
L’article 7, paragraphe 7, dudit règlement prévoit:

«Des droits provisoires peuvent être imposés pour une période de six mois et prorogés d’une période de trois mois ou ils peuvent être imposés pour une période de neuf mois. Toutefois, ils ne peuvent être prorogés ou imposés pour une période de neuf mois que si les exportateurs représentant un pourcentage significatif des transactions commerciales concernées le demandent ou si, à la suite d’une déclaration d’intention de la Commission, ils ne formulent pas d’objection.»

6
L’article 9, paragraphes 4 et 5, du règlement de base est libellé comme suit:

«4.     Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil, statuant à la majorité simple sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif. Lorsque des droits provisoires sont en vigueur, une proposition d’action définitive est soumise au Conseil au plus tard un mois avant l’expiration de ces droits. Le montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire.

5.       Un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement au titre du présent règlement a été accepté. [...]»

7
Aux termes de l’article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement de base:

«2.     Une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Un réexamen de mesures parvenant à expiration a lieu soit à l’initiative de la Commission, soit sur demande présentée par des producteurs communautaires ou en leur nom et la mesure reste en vigueur en attendant les résultats du réexamen.

Il est procédé à un réexamen de mesures parvenant à expiration lorsque la demande contient suffisamment d’éléments de preuve que la suppression des mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. [...]

[…]

3.       La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d’un État membre ou, sous réserve qu’une période raisonnable d’au moins un an se soit écoulée depuis l’institution de la mesure définitive, à la demande d’un exportateur, d’un importateur ou des producteurs de la Communauté contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n’est pas ou n’est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice.

[…]»

La réglementation internationale

8
L’article 9, point 9.2, de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après le «code antidumping de 1994»), qui figure à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, approuvé par l’article 1 er de la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), est libellé comme suit:

«Lorsqu’un droit antidumping est imposé en ce qui concerne un produit quelconque, ce droit, dont les montants seront appropriés dans chaque cas, sera recouvré sans discrimination sur les importations dudit produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il aura été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et qu’elles causent un dommage, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement en matière de prix au titre du présent accord aura été accepté. Les autorités feront connaître le nom du ou des fournisseurs du produit en cause. Si, toutefois, plusieurs fournisseurs du même pays sont impliqués et qu’il ne soit pas réalisable de les nommer tous, les autorités pourront faire connaître le nom du pays fournisseur en cause. Si plusieurs fournisseurs relevant de plusieurs pays sont impliqués, les autorités pourront faire connaître le nom soit de tous les fournisseurs impliqués, soit, si cela est irréalisable, celui de tous les pays fournisseurs impliqués.»


Les faits à l’origine du litige

9
Chemi-Con est une filiale à 100 % de Nippon Chemi-Con Inc. (ci-après «NCC»), établie à Tokyo (Japon). NCC fabrique certains grands condensateurs électrolytiques à l’aluminium (ci-après les «GCEA»). Chemi-Con est le distributeur et l’importateur exclusif dans la Communauté européenne des GCEA fabriqués par NCC.

10
Avec effet au 4 décembre 1992, le règlement (CEE) n° 3482/92 du Conseil, du 30 novembre 1992 (JO L 353, p. 1), a institué un droit antidumping sur les importations dans la Communauté de GCEA originaires du Japon, ce règlement portant également perception définitive du droit antidumping provisoire. Cette mesure antidumping devait parvenir à expiration cinq ans après son institution, à savoir le 4 décembre 1997, en application de l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base.

11
Le règlement (CE) n° 1384/94 du Conseil, du 13 juin 1994 (JO L 152, p. 1), a également institué, avec effet au 19 juin 1994, un droit antidumping définitif sur les importations de GCEA originaires de Corée et de Taïwan.

12
Par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes du 3 décembre 1997 (JO C 365, p. 5), la Commission a annoncé l’ouverture d’un réexamen des mesures antidumping applicables aux importations de certains GCEA originaires du Japon. Les droits antidumping sur ces importations ont été collectés pendant la durée de l’enquête de réexamen en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

13
Conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission a décidé, de sa propre initiative, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes du 7 avril 1998 (JO C 107, p. 4), d’ouvrir également un réexamen intermédiaire des mesures antidumping applicables aux importations de certains GCEA originaires de Corée et de Taïwan.

14
En outre, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes du 29 novembre 1997 (JO C 363, p. 2), la Commission avait décidé, en application de l’article 5 du règlement de base, d’ouvrir une procédure antidumping et d’entamer une enquête concernant certains GCEA originaires des États-Unis et de Thaïlande. Par le règlement (CE) n° 1845/98 de la Commission, du 27 août 1998 (JO L 240, p. 4), un droit antidumping provisoire a été institué sur les importations de ces GCEA. Par la suite, la Commission a proposé au Conseil d’imposer des mesures antidumping définitives sur ces importations. Ce dernier n’a toutefois pas adopté cette proposition dans le délai de quinze mois prévu à l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base.

15
Il en est résulté que les importations originaires des États-Unis et de Thaïlande n’ont pas fait l’objet de mesures définitives et que les mesures provisoires, entrées en vigueur le 29 août 1998, sont devenues caduques le 28 février 1999. En conséquence, les droits antidumping provisoires n’ont jamais été définitivement recouvrés sur ces importations.

16
Le 21 mai 1999, la Commission a envoyé à Chemi-Con un document d’information, au sens de l’article 20 du règlement de base, exposant les faits essentiels et les considérations sur le fondement desquelles elle envisageait de proposer la clôture du réexamen des mesures antidumping applicables à certains GCEA originaires du Japon, en raison de la non-imposition de droits définitifs sur les importations de certains GCEA originaires des États-Unis et de Thaïlande.

17
Entre le 31 mai et le 2 novembre 1999, Chemi-Con et la Commission ont eu un échange de correspondance et une audition a été tenue le 15 juin 1999. Pendant toute cette procédure, Chemi-Con a insisté pour que la clôture du réexamen et donc de la procédure antidumping ait un effet rétroactif au 4 décembre 1997, date de l’expiration des droits antidumping imposés en 1992 sur les importations de certains GCEA originaires du Japon.

18
Par le règlement litigieux, le Conseil a décidé que, en raison de l’absence de mesures adoptées à l’encontre des GCEA en provenance des États-Unis et de Thaïlande, il serait discriminatoire d’imposer des mesures antidumping quelconques sur les importations de certains GCEA originaires du Japon, de Corée et de Taïwan.

19
Le dispositif du règlement litigieux est libellé comme suit:

«Article premier

La procédure antidumping concernant les importations de certains [GCEA] originaires du Japon est close.

Article 2

La procédure antidumping concernant les importations de certains [GCEA] originaires de la République de Corée et de Taïwan est close.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes .

Il est applicable à partir du 28 février 1999.»

20
Dans les considérants du règlement litigieux, le Conseil a justifié la clôture des procédures antidumping de la manière suivante:

«(132)
Comme mentionné ci-dessus au considérant 6, une autre procédure concernant les GCEA originaires des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande a été ouverte en novembre 1997, conformément à l’article 5 du règlement de base. L’enquête de la Commission a définitivement établi l’existence d’importantes pratiques de dumping et d’un préjudice sérieux en résultant causé à l’industrie communautaire. Il n’a été constaté aucune raison impérieuse de considérer que de nouvelles mesures définitives seraient contraires à l’intérêt de la Communauté. En conséquence, la Commission a proposé au Conseil l’institution de mesures antidumping définitives sur les importations des GCEA originaires des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande. Toutefois, le Conseil n’a pas adopté la proposition dans les délais fixés dans le règlement de base. En conséquence, les mesures définitives n’ont pas été instituées sur les importations en provenance des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande et les mesures provisoires, entrées en vigueur en août 1998, sont devenues caduques le 28 février 1999.

(133)
La nouvelle enquête concernant les États-Unis d’Amérique et la Thaïlande et les deux présents réexamens ont été, dans une large mesure, effectués simultanément. Comme indiqué ci-dessus, les présents réexamens ont fondamentalement abouti aux mêmes conclusions que dans le cadre de la nouvelle procédure concernant le même produit originaire des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande. Ces conclusions justifient en principe de modifier les mesures définitives sur les importations en provenance du Japon, de la République de Corée et de Taïwan.

Toutefois, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base énonce que les droits antidumping sont institués d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice.

(134)
Par conséquent, il est conclu qu’en l’absence de mesures à l’encontre des États-Unis d’Amérique et de la Thaïlande, l’institution de toute mesure sur les importations originaires du Japon, de la République de Corée et de Taïwan à la suite de la présente enquête serait discriminatoire envers ces trois derniers pays.

(135)
Compte tenu de ce qui précède, afin d’assurer une approche cohérente et le respect du principe de non-discrimination figurant à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, il est nécessaire de clôturer les procédures concernant les importations de GCEA originaires du Japon, de la République de Corée et de Taïwan, sans institution de mesures antidumping.

(136)
Un producteur-exportateur japonais a fait valoir que la procédure concernant le Japon devait être clôturée a posteriori à partir de la date d’ouverture du présent réexamen, en l’occurrence le 3 décembre 1997; il a en effet allégué que dans l’attente des résultats du réexamen du Japon, les importations originaires de ce pays étaient toujours soumises aux mesures et ont donc subi une discrimination par rapport aux importations originaires des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande, sur lesquelles aucun droit n’a été perçu.

(137)
Toutefois, comme indiqué ci-dessus au considérant 132, entre le mois de décembre 1997 et le 28 février 1999, les importations originaires des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande étaient soumises à une enquête, au même titre que celles originaires du Japon. L’existence de mesures à l’encontre du Japon et non des États-Unis d’Amérique et de la Thaïlande au cours de cette période résultait uniquement du fait que la procédure concernant les États-Unis d’Amérique et la Thaïlande se trouvait à un stade différent, en l’occurrence au niveau de l’enquête initiale dans le cas de ces deux pays, tandis qu’en ce qui concerne le Japon les mesures en vigueur avaient été instituées par le règlement (CEE) n° 3482/92. Dans ces circonstances, il n’y a pas eu de discrimination, la situation de chaque procédure étant différente.

(138)
Néanmoins, il est admis qu’à partir du 28 février 1999 et après cette date, compte tenu des considérations exposées aux considérants 132 à 135 ci-dessus, les importations originaires du Japon doivent être traitées de la même manière que celles originaires des États-Unis d’Amérique et de Thaïlande. Ceci vaut également pour la République de Corée et Taïwan. L’enquête concernant les États-Unis d’Amérique et la Thaïlande devait se conclure le 28 février 1999, soit par l’institution de mesures, soit par la clôture de la procédure. La présente enquête ayant abouti à des conclusions similaires à celles de l’enquête concernant les États-Unis d’Amérique et la Thaïlande, il convient de réserver la même suite à la présente procédure.»


La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 avril 2000, Chemi-Con a introduit un recours tendant à l’annulation de l’article 3, second alinéa, du règlement litigieux, dans la mesure où l’effet rétroactif de celui-ci n’a pas été fixé au 4 décembre 1997.

22
Par ordonnance du 17 novembre 2000, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la Commission à l’appui des conclusions du Conseil. Ce dernier, soutenu par la Commission, a conclu au rejet du recours, à titre principal, comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé.

23
Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

24
Après avoir déclaré le recours recevable, le Tribunal a rejeté le premier moyen invoqué par Chemi-Con, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Il a constaté que la requérante dénonçait, en substance, une erreur de droit concernant l’application du principe d’égalité de traitement dans le règlement litigieux et non une erreur manifeste d’appréciation des faits de la part du Conseil. Le Tribunal a considéré, aux points 53 à 59 de l’arrêt attaqué, que ledit règlement ne viole pas le principe d’égalité de traitement, énoncé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, en ce qui concerne la période du 4 décembre 1997 au 28 février 1999.

25
Selon le Tribunal, les deux procédures en cause, à savoir le réexamen portant sur les importations en provenance du Japon et l’enquête initiale sur les importations en provenance des États-Unis et de Thaïlande, ont été régies par des dispositions différentes du règlement de base, qui ont conduit à des résultats différents quant à la collecte des droits antidumping (point 53). Le Tribunal considère que, lorsqu’une procédure est close sans que soient instituées des mesures antidumping au stade de l’enquête initiale, régie par l’article 5 dudit règlement, aucun droit définitif n’est perçu et les droits provisoires ne sont pas définitivement recouvrés (point 54). En revanche, l’article 11, paragraphe 2, du même règlement prévoit, s’agissant d’une procédure de réexamen, qu’une mesure antidumping expire cinq ans après son institution et que, en cas de réexamen d’une telle mesure parvenant à expiration, celle-ci reste en vigueur en attendant les résultats de ce réexamen (point 56).

26
Aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé ce qui suit:

«57
En conséquence, même si les enquêtes ont été menées simultanément sur des produits similaires originaires de différents pays pour la même période d’enquête, et si des conclusions similaires quant au dumping, au préjudice et à l’intérêt communautaire ont été tirées, la différence de traitement qui existe entre les importations en provenance du Japon et celles en provenance des États-Unis et de Thaïlande, en ce qui concerne la perception des droits antidumping, a un fondement normatif dans le règlement de base et ne saurait, par conséquent, être considérée comme constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1990, Sermes, C-323/88, Rec. p. I-3027, points 45 à 48).

58
En outre, le Conseil n’a pas l’obligation d’écarter l’application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du même règlement. Cette dernière disposition vise seulement l’imposition des droits antidumping. Or, en l’espèce, les droits antidumping que la requérante a dû payer pendant la période du 4 décembre 1997 au 28 février 1999 ont été imposés par le règlement n° 3482/92 et ont continué à être perçus sur la base de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, qui est une règle spécifique. Ainsi, indépendamment de l’ouverture de l’enquête initiale sur les importations en provenance des États-Unis et de Thaïlande, la requérante devait continuer à payer des droits antidumping sur la base de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base.»

27
En outre, le Tribunal a écarté l’argumentation de Chemi-Con selon laquelle la situation de l’espèce serait comparable à celle ayant donné lieu au règlement (CEE) n° 2553/93 du Conseil, du 13 septembre 1993, modifiant le règlement (CEE) n° 2089/84 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes originaires du Japon et de Singapour (JO L 235, p. 3), lequel avait fixé l’effet rétroactif de l’expiration d’un droit antidumping définitif, institué antérieurement à ce règlement, à la date d’ouverture de la procédure de réexamen. Il a relevé que les circonstances ayant donné lieu audit règlement étaient, à de nombreux égards, différentes de celles qui sont à l’origine du règlement litigieux (point 59 de l’arrêt attaqué).

28
En ce qui concerne le second moyen invoqué par Chemi-Con, tiré d’une insuffisance de motivation du règlement litigieux, le Tribunal a rappelé la jurisprudence constante de la Cour concernant la motivation exigée en vertu de l’article 253 CE et, en particulier, celle relative aux actes de portée générale (points 65 et 66 de l’arrêt attaqué). Il a conclu que la motivation dudit règlement, eu égard à son contenu et au contexte entourant son adoption, est suffisante (points 67 et 68 dudit arrêt).


Les conclusions des parties

29
Chemi-Con conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué;

condamner le Conseil aux dépens des deux instances, et,

à titre principal, déclarer nul et non avenu le second alinéa de l’article 3 du règlement litigieux, dans la mesure où il ne fixe pas au 4 décembre 1997 la date de l’effet rétroactif de ce règlement, ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les conclusions aux fins d’annulation de ladite disposition.

30
Le Conseil et la Commission concluent au rejet du pourvoi et à la condamnation de Chemi-Con aux dépens.


Sur le pourvoi

31
Au soutien de son pourvoi, Chemi-Con fait valoir trois moyens par lesquels elle reproche au Tribunal d’avoir rejeté le premier moyen qu’elle avait soulevé devant lui. Le premier moyen du pourvoi est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal, dans la mesure où, au point 48 de l’arrêt attaqué, il aurait requalifié de manière erronée le moyen invoqué par Chemi-Con, lequel visait la violation par le Conseil du principe de non-discrimination figurant à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base et non pas la violation du principe général d’égalité de traitement. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, au point 58 dudit arrêt, en ce qui concerne l’interprétation de ladite disposition du règlement de base. Quant au troisième moyen, il est tiré d’une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal, au point 57 du même arrêt, s’agissant de l’application du principe d’égalité de traitement. L’application de ce principe reposerait, en outre, sur une motivation insuffisante ou équivoque.

32
Ainsi que le Conseil et la Commission l’ont relevé à juste titre, les trois moyens du pourvoi soulèvent en substance une seule et même question de fond, concernant l’interprétation et l’application du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination énoncé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. Il s’agit essentiellement de savoir si, lorsque des importations dans la Communauté de produits similaires provenant de plusieurs sources font l’objet de procédures antidumping séparées, lesquelles se trouvent à des stades différents régis par des dispositions distinctes dudit règlement, ce principe exige néanmoins que toutes les importations concernées fassent l’objet d’un traitement identique en ce qui concerne la perception de droits antidumping, en ce sens que de tels droits ne pourraient pas être perçus sur les importations provenant de certaines sources lorsqu’ils n’ont pas été perçus sur des importations similaires provenant d’autres sources.

Sur le premier moyen

33
S’agissant du premier moyen du pourvoi, il convient de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 36 à 38 de ses conclusions, qu’il importe peu que le principe énoncé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base soit désigné comme «principe d’égalité de traitement» ou bien comme «principe de non-discrimination». Il s’agit en effet de deux désignations d’un même principe général du droit communautaire, lequel interdit, d’une part, de traiter différemment des situations similaires et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, sauf si des raisons objectives justifient un tel traitement (voir, notamment, arrêt du 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, C‑442/00, Rec. p. I-11915, point 32 et jurisprudence citée). Il ressort clairement des points 50, 51 et 57 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné le traitement accordé aux importations de GCEA en provenance du Japon, des États-Unis et de Thaïlande au regard de ce principe, tel qu’il est énoncé notamment audit article 9, paragraphe 5. Dans ces conditions, Chemi-Con ne saurait reprocher au Tribunal de s’être mépris, au point 48 dudit arrêt, sur le principe dont elle avait invoqué la violation devant lui.

34
Il résulte de ce qui précède que le premier moyen du pourvoi, tiré de l’erreur de qualification du moyen invoqué par Chemi-Com devant le Tribunal, est dépourvu de fondement et doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen

Sur la première branche du deuxième moyen

35
Par la première branche de son deuxième moyen, Chemi-Con critique l’affirmation, contenue au point 58 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base vise seulement l’imposition des droits antidumping. Elle déduit de cette affirmation que le Tribunal a exclu que l’interdiction de discrimination prescrite par cette disposition puisse s’appliquer aux situations dans lesquelles des droits antidumping continuent à être perçus sur le fondement de l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement.

36
Selon Chemi-Con, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base doit s’appliquer à toutes les situations donnant lieu à la perception de droits antidumping. En l’espèce, cette disposition s’opposerait à ce que, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 2, du même règlement, les importateurs de GCEA en provenance du Japon soient tenus de payer un droit antidumping en attendant les résultats d’un réexamen des mesures antidumping parvenant à expiration, alors que des importations de produits similaires provenant des États-Unis et de Thaïlande, ayant fait l’objet d’une enquête initiale menée simultanément et qui a abouti aux mêmes conclusions que celles tirées dudit réexamen, n’ont donné lieu à la perception définitive d’aucun droit de ce type. C’est pour cette raison que Chemi-Con estime que l’effet rétroactif du règlement litigieux aurait dû être fixé au 4 décembre 1997, c’est-à-dire le premier jour à partir duquel elle a été tenue de payer un droit antidumping sur la base dudit article 11, paragraphe 2. En effet, jusqu’au 3 décembre 1997, date mentionnée au cent trente-sixième considérant du règlement litigieux, un tel droit devait être payé sur la base du règlement n° 3482/92.

37
Le Conseil et la Commission soutiennent que le Tribunal, en affirmant que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base vise seulement l’imposition des droits antidumping, n’a commis aucune erreur de droit dans l’interprétation de cette disposition. Ils soulignent que, contrairement à l’article 9, point 9.2, du code antidumping de 1994, invoqué par Chemi-Con, le libellé dudit article 9, paragraphe 5, se réfère explicitement à l’imposition d’un droit antidumping et non pas à la perception d’un tel droit.

38
Selon le Conseil, dans la mesure où l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base interdit un traitement discriminatoire en ce qui concerne l’imposition des droits antidumping, il contient une norme stricte qui va au-delà des obligations découlant pour la Communauté du code antidumping de 1994. L’article 9, point 9.2, de ce code exigerait uniquement que, dès lors que des droits antidumping ont été imposés, leur perception se fasse de manière non discriminatoire. À l’appui de cette interprétation, le Conseil invoque le rapport du 4 juillet 1997 du groupe spécial constitué au sein de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), rapport intitulé «Imposition de droits antidumping CE sur des importations de fils de coton en provenance du Brésil» et qui a été rendu à propos de l’article 8, point 8.2, de l’accord de 1979 relatif à la mise en œuvre de l’article VI du GATT (code antidumping du GATT, JO 1980, L 71, p. 90), disposition qui correspond à l’article 9, point 9.2, du code antidumping de 1994. Il estime toutefois que le fait que ledit article 9, paragraphe 5, vise seulement l’imposition des droits antidumping ne signifie pas que la perception de ces droits ne soit pas elle-même soumise à l’interdiction de discrimination.

39
Bien que Chemi-Con ainsi que le Conseil et la Commission aient consacré une partie substantielle de leur argumentation à la distinction entre l’imposition et la perception de droits antidumping, il convient de constater que leurs différences de point de vue à cet égard sont, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé à juste titre au point 65 de ses conclusions, plus apparentes que réelles. En effet, aucune des parties à la procédure ne conteste le fait que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base s’applique également à une procédure de réexamen telle que celle en cause dans la présente espèce, dans laquelle la perception d’un droit antidumping sur certaines importations s’est poursuivie au-delà de la date d’expiration du droit définitif institué par la décision initiale d’imposition.

40
Il ressort de l’arrêt attaqué, notamment de ses points 50, 51 et 57, que le traitement accordé aux importations de GCEA originaires de différents États pendant la période du 4 décembre 1997 au 28 février 1999 a été examiné au regard du principe énoncé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. Par conséquent, il ne saurait être déduit du point 58 dudit arrêt, et plus particulièrement de l’emploi de l’adverbe «seulement» dans la deuxième phrase de ce point, que le Tribunal aurait ainsi admis que la perception des droits antidumping pouvait se faire de manière discriminatoire et qu’il aurait considéré que cette disposition n’était pas applicable à la situation de l’espèce qui lui était soumise. Le grief soulevé par Chemi-Con n’est donc pas fondé et doit être rejeté.

Sur la seconde branche du deuxième moyen

41
Par la seconde branche de son deuxième moyen, Chemi-Con allègue également que, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré que le Conseil dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de ne pas appliquer l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base aux procédures régies par l’article 11, paragraphe 2, du même règlement.

42
Toutefois, en jugeant que le Conseil n’a pas l’obligation d’écarter l’application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base et que celui-ci constitue une disposition spécifique par rapport à l’article 9, paragraphe 5, du même règlement, le Tribunal n’a nullement considéré que le Conseil peut, de manière discrétionnaire, choisir de ne pas appliquer cette dernière disposition aux procédures de réexamen. Ainsi que l’ont relevé le Conseil et la Commission, l’application dudit article 9, paragraphe 5, à des situations telles que celle de l’espèce ne fait pas de doute pour le Tribunal et le grief soulevé par Chemi-Con est dénué de fondement et doit être écarté.

43
En outre, dans l’hypothèse où ce grief devrait être compris comme une critique du fait que, pour le Tribunal, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne s’opposait pas à l’application en l’espèce de l’article 11, paragraphe 2, du même règlement, il conviendrait de constater qu’un tel grief se confond avec l’argumentation invoquée dans le cadre du troisième moyen, qui est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’application du principe d’égalité de traitement. Dans cette hypothèse, il n’y aurait pas lieu pour la Cour, en tout état de cause, d’approfondir l’examen de ce grief au regard du moyen tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation dudit article 9, paragraphe 5.

44
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du pourvoi, tiré de l’erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

Sur le troisième moyen

45
Par la première branche de son troisième moyen, Chemi-Con fait valoir que la motivation contenue au point 57 de l’arrêt attaqué ne permet pas de comprendre la raison pour laquelle le Tribunal a conclu que la différence de traitement qui existe entre les importations en provenance du Japon et celles originaires des États-Unis et de Thaïlande n’est pas constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement. Selon elle, il ne ressort pas de manière suffisamment claire de la motivation dudit arrêt si le Tribunal a estimé que la situation des importations en provenance du Japon n’était pas comparable à celle des importations originaires des États-Unis ou de Thaïlande ou bien s’il a plutôt considéré que ces situations étaient comparables, mais que la différence de traitement était justifiée par l’existence de «différences objectives d’une certaine importance». Chemi-Con rappelle que ce dernier critère est celui utilisé par la jurisprudence citée au point 52 de l’arrêt attaqué.

46
À cet égard, il suffit de constater, ainsi que Chemi-Con le reconnaît elle-même dans son pourvoi, qu’il découle implicitement du point 57 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, les importations en provenance des trois États susmentionnés relèvent de situations qui sont comparables, mais que le traitement différent de celles-ci est justifié. En effet, bien que le Tribunal n’ait pas expressément indiqué qu’il s’agit de situations comparables, il a énuméré plusieurs circonstances qui sont communes aux situations concernées, telles que la similarité des produits importés, le fait que les importations en cause ont fait l’objet d’enquêtes menées simultanément et concernant la même période, ainsi que la circonstance que ces enquêtes ont conduit à des conclusions similaires quant à l’existence du dumping, du préjudice et de l’intérêt communautaire. Ce n’est qu’après avoir relevé ces éléments communs que le Tribunal a identifié la raison permettant de justifier le fait que ces situations ont fait l’objet d’un traitement différent. La motivation contenue audit point 57 n’est donc ni ambiguë ni insuffisante.

47
Par la seconde branche de son troisième moyen, Chemi-Con soutient que le seul fait que l’enquête initiale sur les importations en provenance des États-Unis et de Thaïlande était régie par une disposition du règlement de base distincte de celle relative au réexamen des mesures parvenant à expiration ne constitue pas une «différence objective d’une certaine importance» justifiant la différence de traitement critiquée. Elle reproche en particulier au Tribunal de s’être fondᄅ sur l’arrêt Sermes, précité, étant donné que la différence de fondement législatif prise en compte dans cet arrêt serait substantiellement plus importante que celle existant entre deux dispositions d’un même règlement du Conseil. Chemi-Con rappelle à cet égard que, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la différence de traitement avait un fondement normatif dans une disposition du droit communautaire primaire. En l’espèce, le fondement normatif de la différence de traitement ne se trouverait que dans l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, lequel ne pourrait pas être considéré comme une norme hiérarchiquement supérieure à l’article 9, paragraphe 5, du même règlement.

48
Il importe de constater d’emblée que l’argumentation développée par Chemi-Con repose sur une lecture trop superficielle de l’arrêt attaqué. Il est vrai que, aux points 57 et 58 de celui-ci, le Tribunal se borne à indiquer, en substance, que la différence de traitement au détriment des importations en provenance du Japon a un fondement normatif dans l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, qui est une règle spécifique prévoyant la perception de droits antidumping en attendant les résultats du réexamen d’une mesure parvenant à expiration. Toutefois, il convient de prendre également en considération les points 54 à 56 du même arrêt, dans lesquels le Tribunal décrit les caractéristiques essentielles de l’enquête initiale et celles du réexamen d’une mesure parvenant à expiration, qui sont deux procédures antidumping soumises à des règles différentes prévues par ledit règlement. En décrivant ces caractéristiques essentielles, le Tribunal a ainsi fait référence non seulement au fait que les deux procédures sont régies par des dispositions distinctes, mais plus largement aux raisons ayant conduit le législateur communautaire à prévoir, dans ce règlement, des règles spécifiques s’appliquant à chacune de ces procédures.

49
Il s’ensuit que la référence faite par le Tribunal à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, en tant que fondement normatif de la différence de traitement qui existe entre les importations qui font l’objet d’un réexamen et celles qui donnent lieu à une enquête initiale, ne saurait être comprise comme étant relative à l’aspect purement formel de l’existence de cette disposition spécifique. En effet, cette référence sous-entend nécessairement que, dans la mesure où ledit règlement prévoit expressément qu’une mesure antidumping parvenant à expiration reste en vigueur en attendant les résultats du réexamen, si celui-ci a lieu, il peut en être inféré qu’une procédure de réexamen est, en principe, objectivement différente de celle de l’enquête initiale, qui est régie par d’autres dispositions du même règlement.

50
La différence objective existant entre ces deux procédures réside dans le fait que les importations soumises à une procédure de réexamen sont celles ayant déjà fait l’objet de l’institution de mesures antidumping définitives et à l’égard desquelles il a, en principe, été apporté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la suppression de ces mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. En revanche, lorsque des importations sont soumises à une enquête initiale, l’objet de celle-ci est précisément de déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué, même si l’ouverture d’une telle enquête suppose l’existence d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’engagement d’une telle procédure. Il convient donc de considérer que, au-delà de l’aspect formel relevé par le Tribunal au point 57 de l’arrêt attaqué, la différence de traitement constatée en l’espèce était justifiée d’un point de vue substantiel puisque, au regard des dispositions pertinentes du règlement de base, les importations qui avaient donné lieu à l’institution d’un droit antidumping définitif par le Conseil, en raison de leur provenance, ne se trouvaient pas dans une situation identique à celle des importations similaires provenant d’autres sources et qui ont seulement fait l’objet d’une enquête initiale.

51
Dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la différence de traitement qui existe entre les importations en provenance du Japon et celles originaires des États-Unis ainsi que de Thaïlande n’est pas constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement.

52
En outre, c’est également à bon droit que, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le Conseil n’a pas l’obligation d’écarter l’application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du même règlement. En effet, le principe énoncé par cette dernière disposition n’exige pas que, lorsque le Conseil décide de clôturer une procédure de réexamen au motif qu’aucun droit antidumping définitif n’a été imposé sur des importations se trouvant dans une situation comparable à celles soumises au réexamen, mais provenant d’autres sources et ayant fait l’objet d’une enquête initiale, il rétablisse une égalité de traitement absolue en ce qui concerne la perception des droits sur les importations relevant de ces différentes situations.

53
En l’espèce, le Conseil a estimé qu’il convenait de fixer au 28 février 1999, date à partir de laquelle il était acquis que des mesures antidumping définitives ne seraient pas instituées à l’égard des importations de GCEA en provenance des États-Unis et de Thaïlande, l’effet rétroactif de la décision clôturant la procédure de réexamen qui portait sur des importations similaires en provenance du Japon. Compte tenu des raisons objectives qui permettent un traitement spécifique des importations soumises à une procédure de réexamen, il convient de considérer que le Conseil n’a pas ainsi excédé la marge d’appréciation dont il dispose en la matière.

54
Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le troisième moyen du pourvoi, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’application du principe d’égalité de traitement.

55
Aucun des moyens soulevés par Chemi-Con n’ayant été accueilli, le pourvoi doit être rejeté.


Sur les dépens

56
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de Chemi-Con et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil dans la présente instance. Conformément au paragraphe 4 dudit article 69, la Commission supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)
Le pourvoi est rejeté.

2)
Europe Chemi-Con (Deutschland) GmbH supporte ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne dans la présente instance.

3)
La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens.

Signatures


1
Langue de procédure: l'anglais.

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