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Document 62002CJ0417

Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2004.
Commission des Communautés européennes contre République hellénique.
Manquement d'État - Directive 85/384/CEE - Reconnaissance de diplômes d'architecte - Procédure d'inscription auprès de la chambre technique de Grèce (Technico Epimelitirio Elladas) - Obligation de présenter un document attestant que le titre concerné relève du régime de reconnaissance mutuelle.
Affaire C-417/02.

Recueil de jurisprudence 2004 I-07973

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:503

Arrêt de la Cour

Affaire C-417/02


Commission des Communautés européennes
contre
République hellénique


«Manquement d'État – Directive 85/384/CEE – Reconnaissance de diplômes d'architecte – Procédure d'inscription auprès de la chambre technique de Grèce (Technico Epimelitirio Elladas) – Obligation de présenter un document attestant que le titre concerné relève du régime de reconnaissance mutuelle»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 30 mars 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Recours en manquement – Objet du litige – Détermination au cours de la procédure précontentieuse – Adaptation purement formelle des griefs postérieurement à l'avis motivé, en raison d'une modification de la législation nationale – Admissibilité

(Art. 226 CE)

2.
Libre circulation des personnes – Liberté d'établissement – Libre prestation des services – Architectes – Reconnaissance des diplômes et des titres – Obligation de présenter un document attestant de la conformité du titre avec les dispositions nationales en cause – Traitement tardif par la chambre technique nationale des demandes d'inscription des ressortissants communautaires ne possédant pas un diplôme national – Inadmissibilité

(Directive du Conseil 85/384)

1.
Dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, l’avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l’avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu’un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de la procédure, il suffit, en effet, que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l’État membre postérieurement à l’avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours.

(cf. point 17)

2.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 85/384, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l’architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services, un État membre qui, d’une part, adopte et maintient en vigueur des dispositions qui prévoient, parmi les conditions d’obtention de l’autorisation d’exercer la profession d’architecte, l’obligation de présenter un certificat délivré par les autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance attestant que les titres présentés sont ceux prévus par les dispositions nationales en cause et, d’autre part, accepte que la chambre technique nationale, auprès de laquelle il faut obligatoirement s’inscrire pour exercer la profession d’architecte, effectue le traitement des dossiers et l’inscription des ressortissants communautaires titulaires de diplômes étrangers qui devraient être reconnus en vertu de la directive précitée avec d’importants retards.

(cf. point 18 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
9 septembre 2004(1)

«Manquement d'État – Directive 85/384/CEE – Reconnaissance de diplômes d'architecte – Procédure d'inscription auprès de la chambre technique de Grèce (Technico Epimelitirio Elladas) – Obligation de présenter un document attestant que le titre concerné relève du régime de reconnaissance mutuelle»

Dans l'affaire C-417/02,ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,



LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Rosas, S. von Bahr, K. Lenaerts et K. Schiemann (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 mars 2004,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 mars 2004,

rend le présent



Arrêt



1
Par sa requête, la Commission des Communautés européennes a demandé à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur les dispositions de l’article 3, paragraphes 1, sous c), et 2, du décret présidentiel n° 107/1993, du 22 mars 1993 (ci‑après le «décret n° 107/1993»), et en acceptant que la Technico Epimelitirio Elladas (chambre technique de Grèce, ci‑après «la chambre technique»), auprès de laquelle il faut obligatoirement être inscrit pour pouvoir exercer en Grèce la profession d’architecte, refuse systématiquement l’inscription de ressortissants communautaires, titulaires de diplômes qui n’ont pas été délivrés en Grèce et qui devraient être reconnus en vertu de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l’architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services (JO L 223, p. 15), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.


Le cadre juridique et la procédure précontentieuse

2
Les articles 2 à 9 de la directive 85/384 établissent des règles générales en ce qui concerne l’accès aux activités du domaine de l’architecture. Aux fins de faciliter le fonctionnement du système de reconnaissance mutuelle, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 85/384 dispose que chaque État membre communique, dans les meilleurs délais, simultanément aux autres États membres et à la Commission, la liste des diplômes, certificats et autres titres de formation qui sont délivrés sur son territoire et qui satisfont aux critères visés aux articles 3 et 4, ainsi que les établissements qui les délivrent. En vertu du paragraphe 2 de ce même article 7, ces listes sont publiées par la Commission pour information au Journal officiel des Communautés européennes (ci‑après le «Journal officiel»), à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de leur communication.

3
L’article 10 de la directive 85/384 est relatif à la reconnaissance, en vertu de droits acquis, des titres de formation donnant accès aux activités du domaine de l’architecture. Selon ledit article, chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres énumérés à l’article 11 de ladite directive, délivrés par les autres États membres aux ressortissants des États membres qui sont déjà en possession de ces qualifications à la date de la notification de cette même directive ou ayant commencé leurs études sanctionnées par ces diplômes, certificats et autres titres au plus tard au cours de la troisième année académique suivant ladite notification, même s’ils ne répondent pas aux exigences minimales des titres visés au chapitre II de ladite directive, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités du domaine de l’architecture et l’exercice de celles‑ci, le même effet sur son territoire qu’aux diplômes, certificats et autres titres qu’il délivre.

4
L’article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384 dispose que la procédure d’admission du bénéficiaire à l’accès à une des activités du domaine de l’architecture doit être achevée dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du dossier complet de l’intéressé, sans préjudice des délais pouvant résulter d’un éventuel recours à l’issue de cette procédure.

5
En Grèce, le décret n° 107/1993 a été adopté afin de transposer, entre autres, la directive 85/384.

6
L’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 prévoyait, parmi les conditions d’obtention de la chambre technique de l’autorisation d’exercer la profession d’architecte, l’obligation de produire le certificat délivré par les autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance attestant que les diplômes ou autres titres présentés étaient ceux prévus par les dispositions dudit décret. Le décret n° 107/1993 a été modifié par le décret n° 272/2000, du 17 octobre 2000 (ci‑après le «décret n° 107/1993 modifié»). L’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié exige dorénavant que le même certificat soit délivré par les autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance dans les cas où les titres et les écoles qui les délivrent ne sont pas mentionnés expressément aux annexes de l’article 13 du décret n° 107/1993 modifié. Ces annexes incluent tous les diplômes, certificats et autres titres figurant sur la liste publiée par la Commission au Journal officiel, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 85/384.

7
L’article 3, paragraphe 2, du décret n° 107/1993 imposait aux personnes demandant à être inscrites auprès de la chambre technique l’obligation de fournir la traduction officielle en grec des justificatifs prévus à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993. Quant à l’article 3, paragraphe 2, du décret n° 107/1993 modifié, il ajoute que les justificatifs doivent être officiellement traduits en grec ou par les autorités compétentes du pays d’origine ou de provenance.

8
À la suite de l’examen des textes notifiés et des nombreuses plaintes concernant la pratique de la chambre technique qui, depuis 1996, aurait refusé, de façon systématique, l’inscription de ressortissants communautaires titulaires de diplômes reconnus aux termes de la directive 85/384, la Commission a reproché au gouvernement hellénique la transposition et l’application incorrectes de la directive 85/384. Après avoir mis la République hellénique en demeure de présenter ses observations, la Commission a, conformément à la procédure prévue à l’article 226, premier alinéa, CE, adressé, le 24 février 2000, un avis motivé à cet État membre, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de la directive 85/384 dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis.

9
Après avoir examiné les réponses du gouvernement hellénique, la Commission a estimé que l’infraction constatée dans l’avis motivé se poursuivait et a décidé d’introduire le présent recours.


Sur le recours

10
À l’appui de son recours, la Commission a soulevé trois griefs. Au stade de la réplique, la Commission a toutefois décidé de renoncer à son grief relatif à l’article 3, paragraphe 2, du décret n° 107/1993 modifié.

En ce qui concerne le premier grief, relatif à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié

Argumentation des parties

11
Par son premier grief, la Commission reproche au gouvernement hellénique d’avoir prévu à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié une obligation qui n’est pas conforme aux dispositions de la directive 85/384. En effet, l’article 27 de la directive 85/384 prévoirait qu’un tel certificat ne peut être exigé que dans des cas exceptionnels, lorsqu’il existe des doutes justifiés. Ce ne serait cependant pas le cas pour l’obligation en cause qui viserait principalement à pallier les retards importants constatés dans la mise à jour des annexes du décret n° 107/1993 modifié. Ainsi, la dernière mise à jour n’aurait concerné, avec un retard de plus de dix mois, que la communication de la Commission du 4 décembre 1999.

12
Dans son mémoire en défense, le gouvernement hellénique a soutenu que l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié avait pour but, dans l’intérêt des demandeurs, de faciliter la mise en œuvre de la procédure d’inscription par l’autorité compétente dans le cas où un décalage existe entre l’annexe mise à jour de cette directive et celle dudit décret. Ce décalage résulterait des délais habituels nécessaires à la mise à jour des annexes de l’article 13 du décret n° 107/1993 modifié.

13
Ce gouvernement s’est en outre fondé sur le quinzième considérant de la directive 85/384, selon lequel les États membres peuvent prescrire que les bénéficiaires présentent, conjointement à leur titre de formation, un certificat des autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance, attestant que ces titres sont bien ceux visés par cette directive.

14
En revanche, dans son mémoire en duplique, le gouvernement hellénique a annoncé que, afin de répondre au grief de la Commission, l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié serait révisé. Dès lors, l’obligation de présenter le certificat en cause serait supprimée et, si l’arrêté ministériel hellénique correspondant n’était pas encore publié, le bénéficiaire pourrait se contenter d’indiquer les références de la publication de ses titres au Journal officiel. Ultérieurement, ledit gouvernement a informé la Cour de la publication, le 17 février 2004, du décret présidentiel abrogeant le décret n° 107/1993 modifié et apportant la modification décrite ci‑dessus.

Appréciation de la Cour

15
Il ressort de l’argumentation juridique invoquée par la Commission que le premier grief vise l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié. Il y a toutefois lieu de noter que l’avis motivé émis par la Commission porte sur cette disposition dans sa version précédant la modification. Il convient, par conséquent, de traiter d’office la question de la recevabilité du premier grief, question non soulevée par le gouvernement hellénique.

16
En effet, en vertu de sa jurisprudence, la Cour peut examiner d’office si les conditions prévues à l’article 226 CE pour l’introduction d’un recours en manquement sont remplies (arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie, C‑362/90, Rec. p. I‑2353, point 8).

17
Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que l’avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l’avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu’un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de la procédure, il suffit, en effet, que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l’État membre postérieurement à l’avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours (arrêt du 17 novembre 1992, Commission/Grèce, C‑105/91, Rec. p. I‑5871, point 13).

18
En l’espèce, il y a lieu de constater que l’obligation essentielle contenue à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993, à savoir, l’obligation de présenter un certificat attestant que les titres présentés sont ceux prévus par les dispositions de ce décret, a été également reprise à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 modifié. Il s’ensuit que, dans le cadre du présent recours, c’est le texte original du décret n° 107/1993 qui fera l’objet de l’examen au fond. Il s’ensuit également que le grief est recevable.

19
Quant au fond, il convient de relever que l’obligation prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret n° 107/1993 imposait aux intéressés de produire un élément de preuve supplémentaire non prévu par la directive 85/384. L’effet dissuasif produit par ladite obligation allait à l’encontre de l’objectif consistant à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement que visent à atteindre et à assurer la directive 85/384 et l’article 43 CE.

20
Les délais habituels de mise à jour des annexes du décret n° 107/1993, invoqués par le gouvernement hellénique, ne sauraient justifier les obstacles entravant l’accès à l’exercice de la profession d’architecte en Grèce. Selon la jurisprudence de la Cour, les difficultés d’ordre interne liées aux conditions d’élaboration des textes législatifs et réglementaires ne peuvent exonérer les États de leurs obligations communautaires (voir, notamment, arrêt du 7 décembre 2000, Commission/France, C‑374/98, Rec. p. I‑10799, point 13).

21
Quant à l’argument du gouvernement hellénique tiré du quinzième considérant de la directive 85/384, il convient de constater que les termes de ce considérant ne sauraient, en eux‑mêmes, servir de fondement juridique pour exiger la présentation d’un certificat délivré par les autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance.

22
Concernant l’adoption, par le gouvernement hellénique, de la législation supprimant l’obligation imposée aux bénéficiaires de présenter le certificat des autorités compétentes de l’État membre d’origine ou de provenance, il y a lieu de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 25 mai 2000, Commission/Grèce, C‑384/97, Rec. p. I‑3823, point 35).

23
En l’espèce, l’avis motivé invitant la République hellénique à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois lui a été envoyé le 24 février 2000. Or, ce n’est qu’en février 2004 que le gouvernement hellénique a publié un décret présidentiel supprimant cette obligation de présenter le certificat en cause.

24
Le premier grief invoqué par la Commission est donc fondé.

En ce qui concerne le deuxième grief, relatif à la pratique de la chambre technique

Argumentation des parties

25
Par son deuxième grief, la Commission fait valoir que la pratique administrative de la chambre technique témoigne d’une application non conforme de la directive 85/384 en ce que ladite chambre n’examine pas les demandes d’inscription dans les délais prévus par la directive 85/384 ou n’informe même pas les demandeurs des motifs du refus qui leur est opposé. La Commission indique avoir demandé des éléments, par lettre du 5 novembre 2001, sur la suite donnée aux demandes d’inscription auprès de la chambre technique présentées par certains architectes sept à dix mois auparavant, et qui n’avaient pas fait l’objet de réponses. À la date du 1er avril 2002, les demandeurs concernés n’auraient encore reçu aucune réponse.

26
Le gouvernement hellénique ne conteste pas l’éventualité de dysfonctionnements administratifs au sein de la chambre technique pouvant avoir des conséquences sur les délais de traitement des demandes présentées par les candidats à la profession d’architecte, mais fait valoir que, étant donné la fréquence des tremblements de terre en Grèce, la chambre technique doit procéder à un examen attentif des dossiers afin de vérifier les compétences des intéressés en matière de prévention des risques liés aux séismes.

27
La Cour a invité le gouvernement hellénique à fournir, par écrit, les données précises relatives au traitement des demandes d’inscription présentées à la chambre technique et à indiquer, pour chacune d’elles, la date de la demande, celle de l’inscription au registre et, le cas échéant, la date à laquelle ladite chambre a réclamé des justificatifs supplémentaires au demandeur.

28
Dans sa réponse du 21 janvier 2004, le gouvernement hellénique a indiqué que 41 demandes d’inscription avaient été déposées à cette date. De l’examen de celles‑ci, il ressort que:

9 architectes avaient été inscrits,

2 architectes avaient déclaré renoncer à leur inscription,

14 architectes, ayant présenté une demande entre 1988 et 2002 et complété leurs dossiers, avaient été inscrits par décision du 8 janvier 2004,

12 dossiers, correspondant à des demandes introduites entre 1992 et 2002, étaient restés incomplets,

4 demandes dépourvues de justificatifs avaient été introduites en 2003.

Appréciation de la Cour

29
Compte tenu des informations que le gouvernement hellénique a fournies dans sa réponse du 21 janvier 2004, la Cour constate que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, la procédure d’inscription de 8 architectes parmi les 14 précités, qui avait été achevée le 8 janvier 2004, avait duré plus de trois mois puisque les demandes correspondantes avaient été introduites en 1989, 1995, 1996, 1997 et 1998.

30
En ce qui concerne les 12 autres dossiers mentionnés ci‑dessus, la lettre officielle invitant les intéressés à compléter leur dossier n’a été envoyée que le 30 décembre 2002, alors que 6 d’entre eux avaient déposé leur demande respectivement en 1992, 1995, 1997, 1998, 1999 et 2000. Ainsi, il y a lieu de conclure que, à la date pertinente aux fins de la constatation du manquement, à savoir, deux mois après la notification de l’avis motivé du 24 février 2000, ces 6 personnes qui avaient déposé leur demande, pour certains, plusieurs années auparavant, n’avaient reçu aucune communication officielle de la chambre technique les invitant à compléter leur dossier et leur indiquant les justificatifs manquants.

31
À cet égard, il convient d’observer que l’article 20 de la directive 85/384 exige que la procédure d’admission du bénéficiaire à l’accès à l’une des activités du domaine d’architecture soit achevée dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du dossier complet de l’intéressé. Les seules exceptions à cette exigence sont envisagées soit lorsqu’un recours est formé, soit dans les cas prévus aux articles 17, paragraphe 4, et 18, paragraphe 2, de la directive 85/384, lorsqu’il est nécessaire de procéder à un réexamen du dossier si l’État membre d’accueil a connaissance de faits graves et précis survenus précédemment à l’établissement de l’intéressé dans cet État ou d’informations incorrectes contenues dans la déclaration visée à l’article 17, paragraphe 3, de ladite directive. Dans ce cas, l’État membre d’origine ou de provenance peut en être informé et procède à l’examen de la véracité de ces faits. L’État membre consulté doit faire parvenir sa réponse dans un délai de trois mois.

32
Aucune des dérogations mentionnées ci‑dessus n’a été invoquée par le gouvernement hellénique.

33
En ce qui concerne la nécessité de vérifier les compétences des demandeurs en matière de prévention des risques liés aux séismes avancée par le gouvernement hellénique pour justifier les retards dans le traitement des dossiers, cette considération ne saurait justifier, d’une part, une inscription des architectes dans des délais aussi longs et, d’autre part, le retard observé dans l’envoi aux intéressés des demandes tendant à la production des justificatifs manquants.

34
Le déroulement effectif et rapide de la procédure d’inscription est un des objectifs visés par la directive 85/384. Ainsi, la nécessité de procéder à l’inscription des bénéficiaires dans les plus brefs délais s’étend à l’ensemble de la procédure de traitement des demandes et exige également d’inviter les intéressés à compléter leur demande, par la production des justificatifs manquants, dans les plus brefs délais. Cette obligation est également au nombre de celles qui découlent de l’article 43 CE qui vise à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement.

35
Le gouvernement hellénique n’a invoqué aucune raison susceptible de justifier les retards pris par les autorités compétentes dans le traitement des dossiers et n’a apporté aucun élément établissant que ces retards auraient été imputables à une négligence de la part des intéressés.

36
Le deuxième grief invoqué par la Commission est par conséquent fondé.


Sur les dépens

37
En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle‑ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)
En adoptant et en maintenant en vigueur les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du décret présidentiel n° 107/1993, du 22 mars 1993, et en acceptant que la Technico Epimelitirio Elladas (chambre technique de Grèce), auprès de laquelle il faut obligatoirement s’inscrire pour exercer la profession d’architecte en Grèce, effectue, avec d’importants retards, le traitement des dossiers et l’inscription des ressortissants communautaires, titulaires de diplômes étrangers qui devraient être reconnus en vertu de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l’architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures.


1
Langue de procédure: le grec.

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