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Document 62002CJ0037

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 juillet 2004.
    Di Lenardo Adriano Srl (C-37/02) et Dilexport Srl (C-38/02) contre Ministero del Commercio con l'Estero.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per il Veneto - Italie.
    Bananes - Organisation commune des marchés - Règlement (CE) nº 896/2001 - Régime commun des échanges avec les pays tiers - Importations primaires - Validité - Protection de la confiance légitime - Rétroactivité - Compétence d'exécution.
    Affaires jointes C-37/02 et C-38/02.

    Recueil de jurisprudence 2004 I-06911

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:443

    Arrêt de la Cour

    Affaires jointes C-37/02 et C-38/02


    Di Lenardo Adriano Srl et Dilexport Srl
    contre
    Ministero del Commercio con l'Estero



    (demandes de décision préjudicielle, formées par le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto)

    «Bananes – Organisation commune des marchés – Règlement (CE) nº 896/2001 – Régime commun des échanges avec les pays tiers – Importations primaires – Validité – Protection de la confiance légitime – Rétroactivité – Compétence d'exécution»

    Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 20 janvier 2004
        
    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 juillet 2004
        

    Sommaire de l'arrêt

    1.
    Agriculture – Organisation commune des marchés – Banane – Régime des importations – Règlement nº 404/93 – Opérateurs admis à la répartition des contingents tarifaires – Absence de définition – Délégation de la compétence d'exécution à la Commission impliquant un large pouvoir d'appréciation de celle-ci – Règlement nº 896/2001 portant définition desdits opérateurs

    (Art. 211 CE; règlement du Conseil nº 404/93, art. 18 et 19; règlement de la Commission nº 896/2001, art. 3)

    2.
    Droit communautaire – Principes – Protection de la confiance légitime – Limites – Modification de la réglementation relative aux contingents tarifaires pour les importations de bananes – Pouvoir d'appréciation des institutions – Adaptation de la réglementation aux variations de la situation économique – Impossibilité d'invoquer la protection de la confiance légitime

    (Règlement du Conseil nº 404/93)

    3.
    Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Libre exercice des activités professionnelles – Restrictions – Règlement nº 896/2001 en matière de contingents tarifaires pour les importations de bananes – Disposition excluant de la catégorie des «opérateurs non traditionnels» les personnes liées à un opérateur traditionnel – Restriction justifiée par l'intérêt général – Admissibilité

    (Règlement du Conseil nº 404/93; règlements de la Commission nº 896/2001, art. 6, c), et nº 2454/93, art. 143)

    1.
    Il résulte de l’économie du traité dans laquelle l’article 211 CE doit être placé ainsi que des exigences de la pratique que la notion d’exécution doit être interprétée largement. En particulier, dans le domaine de la politique agricole, la Commission étant seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés et d’agir avec l’urgence que requiert la situation, le Conseil peut être amené à lui conférer de larges pouvoirs. Par conséquent, les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché en cause, la Commission étant autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en oeuvre de la réglementation de base, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celle-ci ou à la réglementation d’application du Conseil.
    S’agissant notamment de la gestion des contingents tarifaires pour les importations de bananes dans la Communauté, le règlement nº 404/93, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, dont l’article 20 confère à la Commission le pouvoir d’arrêter les modalités d’application et, notamment, les modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18 du même règlement, ne comporte pas de définition des opérateurs admis à la répartition des contingents tarifaires, laissant ainsi assurément un large pouvoir d’appréciation à la Commission. Dès lors, une mesure adoptée par la Commission, qui conduit à réserver une part importante dans la répartition des contingents tarifaires aux opérateurs économiques assumant le risque commercial lié à la production ou à l’acquisition auprès des producteurs et au transport des produits frais, entre dans le cadre du pouvoir d’appréciation reconnu à cette institution pour la mise en oeuvre de la réglementation de base, dans la mesure où elle est susceptible de contribuer au bon fonctionnement du régime d’importation et n’est pas de nature à perturber l’approvisionnement équilibré du marché communautaire que la réglementation de base vise à garantir.

    (cf. points 54-57, 59)

    2.
    Si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires, et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique.
    Ainsi, les milieux économiques intéressés par les importations de bananes dans la Communauté ne peuvent nourrir aucune espérance dans le maintien de la réglementation applicable dès lors que celle-ci non seulement a connu dans le temps de nombreuses modifications, notamment en raison des engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, mais requiert une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique, laissant place à un large pouvoir d’appréciation dans le chef des institutions communautaires.

    (cf. points 70-71)

    3.
    Le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie, tout comme d’ailleurs le droit de propriété, des principes généraux du droit communautaire. Ces principes n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis.
    Tel est le cas de l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001, portant modalités d’application du règlement nº 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté, qui restreint le libre exercice d’une activité professionnelle en ne permettant pas aux personnes liées à un opérateur traditionnel, conformément à l’article 143 du règlement nº 2454/93, de participer aux contingents tarifaires en qualité d’opérateur non traditionnel. En effet, cette restriction répond à un objectif d’intérêt général, qui est de lutter contre les pratiques spéculatives ou artificielles en matière de délivrance de certificats d’importation, et ne constitue pas, au regard de cet objectif, une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit au libre exercice d’une activité professionnelle.

    (cf. points 82-85)




    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
    15 juillet 2004(1)


    «Bananes – Organisation commune des marchés – Règlement (CE) nº 896/2001 – Régime commun des échanges avec les pays tiers – Importations primaires – Validité – Protection de la confiance légitime – Rétroactivité – Compétence d'exécution»

    Dans les affaires jointes C-37/02 et C-38/02,

    ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto (Italie) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

    Di Lenardo Adriano Srl (C-37/02),Dilexport Srl (C-38/02)

    et

    Ministero del Commercio con l'Estero,

    une décision à titre préjudiciel sur la validité des articles 1er, 3, 4, 5, 6 et 31 du règlement (CE) nº 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d'application du règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6),

    LA COUR (deuxième chambre),,



    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet et R. Schintgen (rapporteur), Mmes F. Macken et N. Colneric, juges,

    avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    pour Di Lenardo Adriano Srl et Dilexport Srl, par Mes A. Bozzi, C. Gatti, B. Telchini et S. Sacchetto, avvocati,

    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Niejahr et A. Aresu, en qualité d'agents,

    ayant entendu les observations orales de Di Lenardo Adriano Srl et de Dilexport Srl, représentées par Mes A. Bozzi, C. Gatti et B. Telchini, et de la Commission, représentée par M. L. Visaggio, en qualité d'agent, à l'audience du 20 novembre 2003,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 janvier 2004,

    rend le présent



    Arrêt



    1
    Par ordonnances du 16 janvier 2002, parvenues au greffe de la Cour le 13 février suivant, le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto a posé, en application de l’article 234 CE, quatre questions préjudicielles sur la validité des articles 1er, 3, 4, 5, 6 et 31 du règlement (CE) nº 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6).

    2
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant respectivement Di Lenardo Adriano Srl et Dilexport Srl (ci-après les «sociétés importatrices») au Ministero del Commercio con l’Estero (ministère du Commerce extérieur, ci-après le «ministère») au sujet du refus de ce dernier de les admettre à la répartition de contingents tarifaires dans le secteur de la banane.


    Le cadre juridique

    Le règlement nº 404/93 dans sa version initiale

    3
    Le règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), a, sous son titre IV, mis en place, à partir du 1er  juillet 1993, un régime commun d’importation de bananes qui s’est substitué aux différents régimes nationaux. Une distinction a été opérée entre les «bananes communautaires», produites dans la Communauté, les «bananes pays tiers», en provenance de pays tiers autres que les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «pays ACP»), et les bananes originaires des pays ACP. En ce qui concerne ces dernières, une distinction supplémentaire a été faite entre les «bananes non traditionnelles ACP» et les «bananes traditionnelles ACP», selon qu’elles excédaient ou non les quantités exportées traditionnellement par chaque pays ACP, telles que fixées en annexe au règlement n° 404/93.

    4
    L’article 18 du règlement nº 404/93 prévoyait l’ouverture d’un contingent tarifaire annuel pour les importations de bananes, lequel était réparti, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, à concurrence respectivement de 66,5 %, de 30 % et de 3,5 %, entre les opérateurs qui avaient commercialisé des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP (catégorie A), ceux qui avaient commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP (catégorie B) et ceux qui avaient commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 (catégorie C).

    5
    L’article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 404/93 était libellé comme suit:

    «Sur la base de calculs séparés pour chacune des catégories d’opérateurs visés au paragraphe 1 [...], chaque opérateur obtient des certificats d’importation en fonction des quantités moyennes de bananes qu’il a vendues dans les trois dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles».

    6
    Les treizième, quatorzième, quinzième et seizième considérants du règlement nº 404/93 indiquent:

    «considérant que, pour respecter les objectifs rappelés ci-dessus, tout en prenant en compte les particularités de la commercialisation des bananes, la gestion du contingent tarifaire doit être opérée en distinguant, d’une part, les opérateurs qui ont antérieurement commercialisé des bananes pays tiers et des bananes non traditionnelles ACP, d’autre part, les opérateurs qui ont commercialisé antérieurement des bananes produites dans la Communauté et des bananes traditionnelles ACP tout en réservant une quantité disponible pour les nouveaux opérateurs qui ont récemment entrepris une activité commerciale ou vont entreprendre une activité commerciale dans ce secteur;

    considérant que, afin de ne pas perturber les liens commerciaux actuels tout en permettant une certaine évolution des structures de commercialisation, la délivrance des certificats d’importation pour chaque opérateur, distincte pour chacune des catégories définies ci-dessus, doit être opérée sur la base de la quantité moyenne de bananes qu’il a commercialisée au cours des trois années précédentes pour lesquelles des données statistiques sont disponibles;

    considérant que, en adoptant les critères supplémentaires que devront respecter les opérateurs, la Commission est guidée par le principe selon lequel les certificats doivent être octroyés à des personnes physiques ou morales qui ont assumé le risque commercial de la commercialisation des bananes et par la nécessité d’éviter de perturber les relations commerciales normales entre les personnes qui se situent à différents points de la chaîne commerciale;

    considérant que, compte tenu des structures de commercialisation, le recensement des opérateurs et l’établissement des quantités commercialisées à retenir comme référence pour la délivrance des certificats doivent être effectués par les États membres sur la base de modalités et de critères arrêtés par la Commission».

    7
    Le règlement (CEE) n° 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d’application du régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6), adopté sur le fondement notamment de l’article 20 du règlement nº 404/93, définissait les critères de détermination des types d’opérateurs des catégories A et B qui pouvaient présenter des demandes de certificats d’importation, selon l’activité que ces opérateurs avaient exercée au cours de la période de référence.

    Le règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 1637/98

    8
    Le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1637/98, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28), qui, conformément à son article 2, second alinéa, a été applicable à partir du 1er janvier 1999. Par la suite, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2362/98, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32), qui, aux termes de son article 31, a abrogé le règlement nº 1442/93 à partir du 1er janvier 1999.

    9
    Le régime d’importation de bananes, tel que modifié par ces règlements, maintenait la distinction entre les bananes traditionnelles et non traditionnelles ACP et les bananes pays tiers. L’article 16, alinéa 2, du règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 1637/98, disposait:

    «[…]

    Aux fins du présent titre, on entend par:

    1)
    ‘importations traditionnelles des États ACP’: les importations dans la Communauté de bananes originaires des États fournisseurs visés en annexe, dans la limite de 857 700 tonnes (poids net) par an; ces bananes sont dénommées ‘bananes traditionnelles ACP’;

    2)
    ‘importations non traditionnelles des États ACP’: les importations dans la Communauté de bananes originaires d’États ACP qui ne rentrent pas dans la définition visée au point 1; ces bananes sont dénommées ‘bananes non traditionnelles ACP’;

    3)
    ‘importations d’États tiers non ACP’: les importations dans la Communauté de bananes originaires d’États tiers autres que les États ACP; ces bananes sont dénommées ‘bananes États tiers’.»

    10
    Toutefois, dans le cadre du régime d’importation de bananes, tel que modifié par ces règlements, la répartition du contingent entre trois catégories différentes d’opérateurs a été supprimée, le règlement n° 2362/98 prévoyant une simple répartition entre «opérateurs traditionnels» et «opérateurs nouveaux arrivés», tels que définis aux articles 3 et 7 dudit règlement. La subdivision des opérateurs des catégories A, B et C selon les types d’activités qu’ils exerçaient sur le marché a également été supprimée.

    11
    En ce qui concerne les «opérateurs traditionnels», les articles 3 et 4 du règlement n° 2362/98 prévoyaient:

    «Article 3

    Aux fins du présent règlement, on entend par ‘opérateur traditionnel’ l’agent économique, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence, ainsi que lors de son enregistrement en application de l’article 5, qui, pour son propre compte, a importé effectivement pendant une période de référence, une quantité minimale de bananes originaires des États tiers et/ou des États ACP en vue d’une mise en vente ultérieure sur le marché communautaire.

    La quantité minimale visée au premier alinéa est de 100 tonnes pendant l’une des années de la période de référence. La quantité minimale est de 20 tonnes lorsque l’importation porte exclusivement sur des bananes d’une longueur inférieure ou égale à 10 centimètres.

    Article 4

    1.       Chaque opérateur traditionnel, enregistré dans un État membre conformément à l’article 5, obtient, pour chaque année, pour l’ensemble des origines mentionnées à l’annexe I, une quantité de référence unique déterminée en fonction des quantités de bananes qu’il a effectivement importées pendant la période de référence.

    2.       Pour des importations à réaliser en 1999, dans le cadre des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP, la période de référence est constituée par les années 1994, 1995 et 1996.»

    12
    L’article 7 du règlement nº 2362/98 définissait les «opérateurs nouveaux arrivés» dans les termes suivants:

    «Aux fins du présent règlement, on entend par opérateur ‘nouvel arrivé’, en vue de l’importation dans le cadre des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP, l’agent économique, établi dans la Communauté, lors de son enregistrement qui

    a)
    a exercé une activité commerciale comme importateur dans le secteur des fruits et légumes frais des chapitres 7 et 8 et aussi des produits du chapitre 9 de la nomenclature tarifaire et statistique et du tarif douanier commun au cas où il aurait réalisé aussi des importations des produits précités des chapitres 7 et 8, pour son propre compte et à titre autonome, pendant l’une des trois années qui précèdent immédiatement l’année au titre de laquelle l’enregistrement est demandé et

    b)
    a réalisé, au titre de cette activité, des importations d’une valeur déclarée en douane égale ou supérieure à 400 000 écus pendant la période déterminée au point a).»

    13
    À leur demande et moyennant constitution d’une caution, les «opérateurs nouveaux arrivés» recevaient une allocation annuelle pour une quantité déterminée de bananes à importer, fixée par la Commission sur la base de l’ensemble des demandes individuelles introduites et compte tenu de la quantité globale allouée annuellement aux «opérateurs nouveaux arrivés».

    14
    L’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 2362/98, applicable aux «opérateurs nouveaux arrivés», disposait:

    «Les États membres contrôlent le respect des dispositions prévues dans la présente section [intitulée ‘Les opérateurs nouveaux arrivés’].

    Ils s’assurent en particulier que les opérateurs concernés poursuivent une activité d’importation dans la Communauté dans le secteur indiqué à l’article 7, pour leur propre compte, comme entité économique autonome, du point de vue de leur direction, de leur personnel et de leur fonctionnement. Lorsque des indices indiquent que ces conditions peuvent ne pas être respectées, la recevabilité des demandes d’enregistrement et d’allocation annuelle est subordonnée à la présentation par l’opérateur concerné de preuves jugées satisfaisantes par l’autorité nationale compétente.»

    Le règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001

    15
    L’article 1er du règlement (CE) nº 216/2001, du 29 janvier 2001, modifiant le règlement nº 404/93 (JO L 31, p. 2), a procédé au remplacement des articles 16 à 20 du règlement nº 404/93. En vertu des dispositions combinées de l’article 2, second alinéa, du règlement nº 216/2001 et de l’article 1er du règlement (CE) nº 395/2001 de la Commission, du 27 février 2001, portant fixation de certaines quantités indicatives et de plafonds individuels pour la délivrance de certificats à l’importation de bananes dans la Communauté pour le deuxième trimestre de l’année 2001 dans le cadre des contingents tarifaires et de la quantité de bananes traditionnelles ACP (JO L 58, p. 11), l’article 1er du règlement nº 216/2001 est applicable à partir du 1er juillet 2001.

    16
    L’article 18, paragraphe 1, du règlement nº 404/93, ainsi modifié par le règlement nº 216/2001, prévoit l’ouverture de contingents tarifaires annuels (contingents A, B et C). Selon son troisième alinéa:

    «La Commission est autorisée, sur la base d’un accord avec les parties contractantes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes, à répartir les contingents tarifaires ‘A’ et ‘B’ entre les pays fournisseurs.»

    17
    L’article 19 du règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, dispose:

    «1.     La gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes.

    2.       La méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire.»

    18
    En vertu de l’article 20, sous a), du même règlement modifié, la Commission a le pouvoir d’arrêter, selon la procédure prévue à l’article 27 dudit règlement, les «modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18».

    19
    Ces modalités de gestion sont définies par le règlement nº 896/2001. Conformément à son article 32, ce règlement est entré en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 9 mai 2001, mais n'a été applicable qu’à partir du 1er juillet 2001.

    20
    Aux termes de l’article 1er dudit règlement:

    «[Ce dernier] établit les modalités du régime d’importation de bananes applicables, d’une part, dans le cadre des contingents tarifaires prévus à l’article 18, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 404/93 et, d’autre part, en dehors de ce cadre.»

    21
    L’article 2 du règlement nº 896/2001 dispose que 83 % des contingents tarifaires prévus à l’article 1er sont ouverts aux «opérateurs traditionnels définis à l’article 3, paragraphe 1», les 17 % restants étant ouverts aux «opérateurs non traditionnels définis à l’article 6».

    22
    Le titre II du même règlement, comportant les articles 3 à 21 de ce dernier, porte sur la «gestion des contingents tarifaires».

    23
    Les articles 3 à 6 du règlement nº 896/2001 disposent:

    «Article 3

    Aux fins du présent règlement, on entend par:

    1)
    ‘opérateur traditionnel’: l’agent économique, personne physique ou morale, agent individuel ou groupement, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence, qui, pour son propre compte, a réalisé l’achat d’une quantité minimale de bananes originaires des pays tiers auprès des producteurs, ou le cas échéant la production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté.

    L’opération définie à l’alinéa précédent est ci-après dénommée ‘importation primaire’.

    La quantité minimale visée au premier alinéa est de 250 tonnes réalisée pendant l’une des années de la période de référence. La quantité minimale est de 20 tonnes lorsque la commercialisation ou l’importation porte exclusivement sur des bananes d’une longueur inférieure ou égale à 10 centimètres;

    2)
    ‘opérateur traditionnel A/B’: l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes États tiers’ et/ou de bananes ‘non traditionnelles ACP’ selon les définitions données par l’article 16 du règlement (CEE) n° 404/93, dans la version modifiée par le règlement (CE) n° 1637/98 […];

    3)
    ‘opérateur traditionnel C’: l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes traditionnelles ACP’ selon la définition donnée par l’article 16 précité, dans la version modifiée par le règlement (CE) n° 1637/98.

    Article 4

    1.       La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel A/B est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996, prises en compte au titre de l’année 1998 pour la gestion du contingent tarifaire d’importation de bananes originaires des pays tiers et des quantités non traditionnelles ACP, conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 404/93, applicables en 1998 pour la catégorie d’opérateurs visée au paragraphe 1, point a), du même article.

    2.       La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel C est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996 réalisées dans le cadre des quantités traditionnelles de bananes des États ACP, au titre de l’année 1998.

    3.       Les opérateurs issus de la fusion d’opérateurs traditionnels ayant chacun des droits en vertu du présent règlement bénéficient des mêmes droits que les opérateurs dont ils sont issus.

    Article 5

    1.       Les États membres communiquent, au plus tard le 15 mai 2001, à la Commission le total des quantités de référence mentionnées à l’article 4, paragraphes 1 et 2.

    2.       Compte tenu des communications effectuées en application du paragraphe 1, et en fonction des quantités disponibles des contingents tarifaires A/B et C, la Commission fixe, s’il y a lieu, un coefficient d’adaptation à appliquer à la quantité de référence de chaque opérateur.

    3.       En cas d’application du paragraphe 2, les autorités compétentes notifient à chaque opérateur sa quantité de référence ajustée du coefficient d’adaptation, au plus tard le 7 juin 2001.

    4.       La liste des autorités compétentes dans chaque État membre figure en annexe. Cette liste est modifiée par la Commission, sur demande des États membres intéressés.

    […]

    Article 6

    Aux fins du présent règlement, on entend par ‘opérateur non traditionnel’, l’agent économique, établi dans la Communauté, lors de son enregistrement qui:

    a)
    a exercé une activité commerciale à l’importation dans la Communauté de bananes fraîches du code NC 0803 00 19, pour son propre compte et à titre autonome, pendant l’une des deux années qui précèdent immédiatement l’année au titre de laquelle l’enregistrement est demandé;

    b)
    a réalisé, au titre de cette activité, des importations d’une valeur déclarée en douane, égale ou supérieure à 1 200 000 euros pendant la période déterminée au point a), et

    c)
    n’a pas de quantité de référence comme opérateur traditionnel dans le cadre du contingent tarifaire au titre duquel il demande son enregistrement en application de l’article 7, et n’est pas une personne physique ou morale liée à un opérateur traditionnel conformément à l’article 143 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission [du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 253, p. 1)].»

    24
    Sur ce dernier point, l’article 143 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement (CE) nº 46/1999 de la Commission, du 8 janvier 1999 (JO L 10, p 1), dispose:

    «1.      Aux fins de l’application des dispositions du titre II, chapitre 3, du code et des dispositions du présent titre, des personnes ne sont réputées être liées que:

    a)
    si l’une fait partie de la direction ou du conseil d’administration de l’entreprise de l’autre, et réciproquement;

    b)
    si elles ont juridiquement la qualité d’associés;

    [...]

    d)
    si une personne quelconque possède, contrôle ou détient directement ou indirectement 5 % ou plus des actions ou parts émises avec droit de vote de l’une et de l’autre;

    e)
    si l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement;

    f)
    si toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne;

    g)
    si, ensemble, elles contrôlent directement ou indirectement une tierce personne;

    [...]

    2.        Aux fins du présent titre, les personnes qui sont associées en affaires entre elles, du fait que l’une est l’agent, le distributeur ou le concessionnaire exclusif, quelle que soit la désignation employée, de l’autre, ne seront réputées être liées que si elles répondent à l’un des critères énoncés au paragraphe 1.»

    25
    L’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 896/2001 précise:

    «Un opérateur peut être enregistré, dans un seul État membre de son choix, comme opérateur non traditionnel au titre du contingent tarifaire A/B ou/et du contingent tarifaire C.

    Un opérateur traditionnel au titre d’un contingent tarifaire peut être enregistré comme opérateur non traditionnel dans le contingent tarifaire au titre duquel il n’a pas de quantité de référence.

    Toutefois, un opérateur traditionnel C ne peut être enregistré comme opérateur non traditionnel au titre du contingent tarifaire A/B que s’il apporte la preuve qu’il a réalisé une activité d’importation de bananes États tiers ou/et de bananes non traditionnelles ACP pour la valeur déclarée en douane mentionnée à l’article 6, point b) pendant la période indiquée.»

    26
    Les troisième, quatrième, sixième et septième considérants du règlement nº 896/2001 motivent les modifications intervenues par rapport à la réglementation antérieure comme suit:

    «(3)
    L’article 19 du règlement (CEE) n° 404/93 prévoit que la gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes. Pour la mise en oeuvre du nouveau régime à partir du deuxième semestre 2001, il s’avère indiqué d’attribuer un accès aux contingents tarifaires aux opérateurs traditionnels qui ont assumé pour leur propre compte l’achat de produits frais auprès des producteurs des pays tiers, voire leur production, ainsi que leur expédition et leur déchargement sur le territoire douanier de la Communauté, pendant une période de référence. Ces activités sont dénommées ‘importations primaires’ dans le cadre du présent règlement.

    (4)
    Il est indiqué d’adopter une définition identique des opérateurs traditionnels pour l’ensemble des contingents tarifaires, et de déterminer leur quantité de référence selon les mêmes conditions, mais de manière distincte selon que ces opérateurs ont approvisionné le marché communautaire de bananes originaires des États tiers non ACP ou de bananes des quantités non traditionnelles ACP, ou qu’ils l’ont approvisionné en bananes des quantités traditionnelles ACP, pendant la période de référence, au sens des définitions de l’article 16 du règlement (CEE) n° 404/93 applicables antérieurement à la modification introduite par le règlement (CE) n° 216/2001.

    […]

    (6)
    Une part des contingents tarifaires doit être réservée aux opérateurs non traditionnels. Cette part doit permettre aux opérateurs qui nルont pas réalisé antérieurement d’importations primaires pendant la période de référence de poursuivre une activité commerciale et de s’adapter aux nouvelles dispositions, et permettre à des opérateurs de s’engager dans ce commerce d’importation et favoriser ainsi une saine concurrence.

    (7)
    L’expérience de plusieurs années d’application du régime communautaire à l’importation de bananes conduit à renforcer les critères fixés pour les opérateurs non traditionnels et l’admissibilité de nouveaux opérateurs pour éviter l’enregistrement de simples agents prête-noms et l’octroi d’allocations à des demandes artificielles ou spéculatives. En particulier, il est justifié d’exiger une expérience minimale dans le commerce d’importation de bananes fraîches. [...]»

    27
    Quant au cinquième considérant du règlement nº 896/2001, il justifie le maintien des années 1994, 1995 et 1996 comme «période de référence» dans les termes suivants:

    «Il convient de retenir comme période de référence, pour la définition des catégories d’opérateurs et la détermination des quantités de référence des opérateurs traditionnels, la période triennale 1994-1996. La période triennale 1994-1996 est la dernière période triennale pour laquelle la Commission dispose de données suffisamment vérifiées sur les importations primaires. Cette période est susceptible également de résoudre un conflit ouvert depuis plusieurs années avec certains partenaires commerciaux de la Communauté. Compte tenu des données disponibles, établies pour la gestion des contingents ouverts en 1998, il n’est pas nécessaire de prévoir un enregistrement des opérateurs traditionnels.»

    28
    L’article 31 du règlement nº 896/2001 précise:

    «Le règlement (CE) n° 2362/98 est abrogé à partir du 1er juillet 2001.

    Il reste toutefois applicable aux certificats d’importation délivrés au titre de l’année 2001.»


    Les litiges au principal et les questions préjudicielles

    29
    Dès 1993, les sociétés importatrices, deux sociétés de droit italien actives dans l’importation et le négoce de bananes fraîches en provenance de pays tiers, ont été enregistrées et reconnues en Italie en tant qu’opérateurs admis à la répartition des contingents tarifaires au titre du règlement nº 404/93 et de ses modalités d’application arrêtées par la Commission. Elles ont ainsi été admises à la répartition des contingents tarifaires A/B jusqu’au 30 juin 2001.

    30
    Il ressort des dossiers que les sociétés importatrices sont toutes deux liées, conformément à l’article 143 du règlement nº 2454/93, à Di Lenardo SpA, société qui a la qualité d’«opérateur traditionnel A/B» au sens de l’article 3 du règlement nº 896/2001.

    31
    En application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 896/2001, les sociétés importatrices ont demandé au ministère, par lettres du 11 mai 2001, à participer à la répartition des contingents tarifaires A/B, fixée pour le second semestre 2001.

    32
    Par décision du 17 mai 2001, le ministère a rejeté lesdites demandes au motif que les conditions requises par l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 896/2001 n’étaient pas remplies, les entreprises demanderesses n’ayant «aucune quantité relative à des importations primaires de bananes [...] réalisées pendant les années 1994, 1995 et 1996».

    33
    Les sociétés importatrices ont alors chacune saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto d’un recours visant, d’une part, à obtenir l’annulation de ladite décision et, d’autre part, à faire constater que le ministère est obligé de les admettre, en tant qu’opérateurs traditionnels dans le secteur de la banane, à la répartition des contingents tarifaires A/B fixés pour le second semestre 2001. À l’appui de leurs recours, elles ont notamment fait valoir que le règlement nº 896/2001 était invalide pour violation du règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, des articles 5, premier et deuxième alinéas, CE et 7 CE, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, ainsi que de l’article 6, paragraphes 1 et 2, UE.

    34
    Le ministère a demandé que les recours soient rejetés au motif que les sociétés importatrices auraient toujours opéré non pas comme «importateurs primaires», mais comme «importateurs secondaires» ou «mûrisseurs» de bananes, de telle sorte que, à la suite de l’adoption du règlement nº 896/2001, elles ne pouvaient plus être admises à la répartition des contingents tarifaires.

    35
    La juridiction de renvoi estime qu’il y a lieu d’interroger la Cour sur la validité du règlement nº 896/2001, dans la mesure où il introduirait une nouvelle classification des opérateurs dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, retiendrait la notion d’«importation primaire» aux fins de l’admission à la répartition du contingent tarifaire comme «opérateurs traditionnels A/B», au sens de l’article 3 dudit règlement, et fixerait de nouvelles limites d’accès aux importateurs admis à la répartition du contingent tarifaire en qualité d’«opérateurs non traditionnels», conformément à l’article 6 du même règlement.

    36
    C’est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont rédigées dans des termes identiques dans les deux affaires:

    «1)
    Les dispositions des articles 1er, 3, 4, 5 et 31 du règlement (CE) nº 896/2001 sont-elles contraires, en premier lieu, au traité, notamment à l’article 7 (ex-article 4), et aux autres normes ou principes inhérents audit traité, eu égard au principe de séparation des fonctions et compétences entre les institutions communautaires (en particulier le Conseil et la Commission)?

    2)
    Ces mêmes articles du règlement (CE) nº 896/2001 méconnaissent-ils le principe de non-rétroactivité des lois et les principes connexes de la confiance légitime et de sécurité juridique?

    3)
    Lesdites dispositions du règlement (CE) nº 896/2001 violent-elles le règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil du 13 février 1993 (tel que modifié et complété), en particulier l’article 20 de ce règlement?

    4)
    En cas de réponse négative aux questions précédentes, la Cour est invitée à établir si l’article 6 dudit règlement de la Commission, en particulier la disposition prévue sous c), en empêchant les personnes qui sont liées à des opérateurs traditionnels d’être admises à la répartition du contingent tarifaire même en qualité d’‘opérateurs non traditionnels’, méconnaît le droit fondamental à l’exercice de l’activité professionnelle, sous la forme de la liberté d’entreprise?»

    37
    Par ordonnance du président de la Cour du 15 avril 2002, les affaires C‑37/02 et C‑38/02 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.


    Sur les questions préjudicielles

    Sur les trois premières questions

    38
    Par ses trois premières questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’apprécier la validité des articles 1er, 3, 4, 5 et 31 du règlement nº 896/2001 au regard, d’une part, des principes d’attribution des pouvoirs et de répartition des compétences entre les institutions communautaires, tels qu’énoncés à l’article 7 CE, ainsi que de la disposition d’habilitation prévue à l’article 20 du règlement nº 404/93, et, d’autre part, des principes de non-rétroactivité des lois, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

    39
    À titre liminaire, la Commission fait valoir qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur la validité des articles 1er et 31 du règlement nº 896/2001 au motif que ces articles, de portée générale, ne seraient pas pertinents pour la solution des litiges au principal.

    40
    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er du règlement nº 896/2001 se borne à préciser l’objet dudit règlement, lequel est destiné à établir «les modalités du régime d’importation de bananes applicables, d’une part, dans le cadre des contingents tarifaires prévus à l’article 18, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 404/93 et, d’autre part, en dehors de ce cadre», sans arrêter des prescriptions proprement normatives.

    41
    Il y a lieu de constater qu’aucun argument n’a été présenté dans les ordonnances de renvoi, ni même dans les observations des sociétés importatrices, au soutien de la non-validité de l’article 1er du règlement nº 896/2001 au regard des différents principes et dispositions invoqués dans les trois premières questions.

    42
    Il y a lieu, dans ces conditions, de considérer, dès à présent, que l’examen des trois premières questions n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité de l’article 1er du règlement nº 896/2001.

    43
    Quant à l’article 31 du règlement nº 896/2001, il prévoit l'abrogation du règlement nº 2362/98, ancien règlement d’application de la Commission, à compter du 1er juillet 2001, tout en maintenant les effets de ce règlement pour les certificats d’importation délivrés au titre de l’année 2001.

    44
    Dans la mesure où l’un des griefs soulevés par les trois premières questions est tiré de la violation des principes de non-rétroactivité, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, la pertinence de l’article 31 du règlement nº 896/2001 pour la solution des litiges au principal ne saurait, à ce stade, être mise en doute. Il y a donc lieu de procéder à l’examen des arguments invoqués à l’encontre de la validité de cet article.

    Sur les limites du pouvoir d'exécution conféré à la Commission

    – Observations soumises à la Cour

    45
    Les sociétés importatrices observent que, d’une part, en vertu de l’article 7 CE, chaque institution de la Communauté ne peut agir que dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité et, d’autre part, l’article 20 du règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, habilite la Commission à arrêter uniquement des modalités d’application. Or, en adoptant le règlement nº 896/2001, la Commission se serait substituée au Conseil en sa qualité de législateur.

    46
    L’introduction du concept d’importateur primaire, au sens de l’article 3 du règlement nº 896/2001, et la condition selon laquelle seuls les importateurs primaires sont considérés comme des opérateurs traditionnels iraient au-delà du pouvoir d’exécution conféré à la Commission. Celle-ci aurait, de façon arbitraire, exclu du marché de la banane tous les opérateurs qui, sans avoir acheté auprès des producteurs ou sans être eux-mêmes producteurs, ont toujours été reconnus comme des opérateurs traditionnels en vertu de la réglementation applicable du Conseil. La Commission serait ainsi allée à l'encontre de l’objectif du règlement nº 404/93 consistant à ne pas perturber les relations commerciales entre les personnes se situant aux différents stades de la commercialisation du secteur concerné.

    47
    Les sociétés importatrices en concluent que l’article 3 du règlement nº 896/2001 et, par voie de conséquence, les articles 4, 5 et 31 de ce même règlement qui lui seraient liés, sont contraires à l’article 7 CE.

    48
    La Commission observe que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la notion d’exécution, dans le domaine agricole, et l’habilitation prévue à l’article 20 du règlement nº 404/93 doivent être interprétées largement.

    49
    Elle fait valoir que le règlement nº 404/93 ne contient pas de définition précise des termes «opérateur» ou «importateur», mais définit simplement les diverses catégories d’importations de bananes de manière objective. Ce ne serait que dans le treizième considérant du règlement nº 404/93 qu’une distinction est opérée entre, «d’une part, les opérateurs qui ont antérieurement commercialisé des bananes pays tiers et des bananes non traditionnelles ACP» et, «d’autre part, les opérateurs qui ont commercialisé antérieurement des bananes produites dans la Communauté et des bananes traditionnelles ACP» et qu’une référence est faite aux «nouveaux opérateurs qui ont récemment entrepris une activité commerciale ou vont entreprendre une activité commerciale dans ce secteur». Selon la Commission, il en découle que le Conseil n’a pas voulu définir des critères subjectifs et rigides pour la délivrance des licences d’importation.

    50
    Aussi la Commission aurait-elle été tenue de mettre en œuvre la réglementation de base du Conseil, tout en veillant à ne pas perturber les relations commerciales normales entre les divers opérateurs du secteur et à permettre une évolution progressive des structures de commercialisation, ainsi que l’exigeraient les quatorzième, quinzième et seizième considérants du règlement nº 404/93.

    51
    Selon la Commission, la relation étroite établie à l’article 3 du règlement nº 896/2001 entre l’«opérateur traditionnel» et l’«importation primaire» viserait à responsabiliser davantage les importateurs qui suivent les courants traditionnels, en garantissant une meilleure évolution des structures de commercialisation des bananes provenant des États tiers ainsi que la transparence dans les relations commerciales entre les opérateurs du secteur. De cette façon, la Commission se serait conformée, ainsi que le précise le quinzième considérant du règlement nº 404/93, au «principe selon lequel les certificats doivent être octroyés à des personnes physiques ou morales qui ont assumé le risque commercial de la commercialisation des bananes», en respectant «la nécessité d’éviter de perturber les relations commerciales normales entre les personnes qui se situent à différents points de la chaîne commerciale».

    52
    La Commission ajoute que la notion d’«importation primaire» n’est pas nouvelle dans la réglementation communautaire relative aux bananes et figurait déjà à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1442/93. À vrai dire, le recours au critère de l’importation effective, utilisé à l’article 3 du règlement nº 2362/98, aurait montré certaines limites et aurait pu déboucher sur des abus. En outre, à partir de 1993, les opérateurs traditionnels qui ne procédaient pas à des importations primaires, à savoir les «mûrisseurs», se seraient vu octroyer une longue période transitoire de huit ans, jusqu’au premier semestre 2001, pour s’adapter progressivement aux nouveaux critères de participation aux contingents tarifaires.

    53
    En conclusion, la Commission estime qu’il n’existe aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 3 du règlement nº 896/2001.

    – Appréciation de la Cour

    54
    Il convient de relever que l’article 20 du règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, confère à la Commission le pouvoir d’arrêter les modalités d’application et, notamment, les modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18 du même règlement.

    55
    Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’économie du traité dans laquelle l’article 211 CE doit être placé ainsi que des exigences de la pratique que la notion d’exécution doit être interprétée largement. La Commission étant seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation, le Conseil peut être amené, dans ce domaine, à lui conférer de larges pouvoirs. Par conséquent, les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché en cause (arrêts du 29 juin 1989, Vreugdenhil et Van der Kolk, 22/88, Rec. p. 2049, point 16, et du 4 février 1997, Belgique et Allemagne/Commission, C‑9/95, C-23/95 et C-156/95, Rec. p. I‑645, point 36).

    56
    Ainsi, la Cour a jugé qu’en matière agricole la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre de la réglementation de base, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celle-ci ou à la réglementation d’application du Conseil (arrêts du 15 mai 1984, Zuckerfabrik Franken, 121/83, Rec. p. 2039, point 13, et Belgique et Allemagne/Commission, précité, point 37).

    57
    S’agissant de la gestion des contingents tarifaires, le règlement nº 404/93, tel que modifié par le règlement nº 216/2001, ne comporte pas de définition des opérateurs admis à la répartition des contingents tarifaires. L’article 19 dudit règlement se borne à prévoir, à son paragraphe 1, que cette gestion «peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges […] et/ou sur d'autres méthodes» et, à son paragraphe 2, que la méthode ainsi arrêtée «tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire». De telles dispositions d’ordre général laissent assurément une large marge d’appréciation à la Commission.

    58
    À cet égard, il ressort de l’article 3 du règlement nº 896/2001 que seuls les importateurs primaires, c’est-à-dire ceux ayant, pour leur «propre compte [...] réalisé l’achat d’une quantité minimale de bananes [...] auprès des producteurs ou le cas échéant la production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté», sont susceptibles d’être considérés comme des «opérateurs traditionnels».

    59
    Une telle mesure, qui conduit à réserver une part importante dans la répartition des contingents tarifaires aux opérateurs économiques assumant le risque commercial lié à la production ou à l’acquisition auprès des producteurs et au transport des produits frais, entre dans le cadre du pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission pour la mise en œuvre de la réglementation de base, dans la mesure où elle est susceptible de contribuer au bon fonctionnement du régime d’importation. Par ailleurs, il n’a pas été établi qu’elle serait de nature à perturber l’approvisionnement équilibré du marché communautaire que la réglementation de base vise à garantir.

    60
    Les considérations qui précèdent permettent également de rejeter le grief tiré de la violation des limites du pouvoir d’exécution conféré à la Commission à l’encontre des articles 4 et 5 du règlement nº 896/2001. Ces articles concernent l’établissement des quantités de référence des opérateurs traditionnels A/B et C, ce qui constitue une question propre à la gestion de contingents tarifaires et indépendante de la prise en compte litigieuse des importations primaires qui est au cœur des première et troisième questions.

    61
    Enfin, aucun argument n’a été avancé pour établir que l’article 31 du règlement nº 896/2001, en ce qu’il prévoit l'abrogation de l’ancien règlement d’application de la Commission, à savoir le règlement nº 2362/98, à compter du 1er juillet 2001, méconnaît les limites du pouvoir d'exécution de la Commission.

    62
    Il convient de répondre, en conséquence, que l’examen des première et troisième questions posées n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 3, 4, 5 et 31 du règlement nº 896/2001.

    Sur les principes de non-rétroactivité, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

    – Observations soumises à la Cour

    63
    Les sociétés importatrices observent que la Commission a introduit des notions nouvelles et totalement différentes de celles utilisées auparavant dans le secteur de la banane. Ce serait de nature à révolutionner le système prévu par le règlement nº 404/93 et à exclure du marché en cause des importateurs ayant une expérience de plus de vingt ans. Dans la mesure où la nouvelle notion d’«opérateur traditionnel», définie et visée aux articles 3 et 4 du règlement nº 896/2001, serait utilisée pour qualifier un opérateur au cours des années 1994, 1995 et 1996, ces dispositions seraient appliquées avec effet rétroactif, en violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

    64
    La Commission observe que le recours à une période de référence, qui, par nature, ne peut pas être située dans l’avenir, est indispensable pour opérer une distinction entre opérateurs traditionnels et opérateurs non traditionnels dans le cadre de la gestion de contingents tarifaires. À cet égard, elle relève que, selon le quatorzième considérant du règlement nº 404/93, la délivrance des certificats d’importation pour chaque opérateur doit être effectuée «sur la base de la quantité moyenne de bananes qu’il a commercialisée au cours des trois années précédentes pour lesquelles des données statistiques sont disponibles». La Commission ajoute que le choix des années 1994, 1995 et 1996 s’inscrit parfaitement dans la ligne des choix faits précédemment ainsi que des critères définis par le règlement nº 404/93, ladite période de référence étant identique à celle établie par le règlement nº 2362/98 et, ainsi qu’il ressort du cinquième considérant du règlement nº 896/2001, constituant «la dernière période triennale pour laquelle la Commission dispose de données suffisamment vérifiées sur les importations primaires».

    65
    La Commission rappelle également que, en vertu de son article 32, le règlement nº 896/2001 est entré en vigueur le 9 mai 2001 mais n’est applicable que depuis le 1er juillet 2001. De plus, elle souligne que, selon l’article 4 de ce règlement, les opérateurs traditionnels intéressés devaient présenter leur demande d’établissement de la quantité de référence au plus tard le 11 mai 2001.

    66
    Dans ces conditions, aucune des dispositions des articles 4 et 5 du règlement nº 896/2001 n’aurait un effet rétroactif. Étant donné que les opérateurs concernés étaient en mesure de connaître leurs droits et leurs obligations en vertu d’un cadre légal précis et exhaustif, établissant un calendrier de nature à concilier le respect des situations individuelles des opérateurs et la nécessité de garantir une transition adéquate entre les ancien et nouveau régimes, les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’auraient pas été méconnus.

    – Appréciation de la Cour

    67
    Il convient de constater, à titre liminaire, que, en vertu de son article 32, le règlement nº 896/2001 est entré en vigueur le 9 mai 2001, le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, et qu'il est applicable depuis le 1er  juillet 2001, soit à une date postérieure à sa publication. Dans ces conditions, il ne saurait, en principe, être considéré comme ayant un effet rétroactif.

    68
    La circonstance que des importations effectuées pendant les années 1994, 1995 et 1996 soient prises en compte pour déterminer les quantités de référence servant à la qualification de l’importateur en tant qu’opérateur traditionnel A/B ou C n’est pas en soi de nature à établir la rétroactivité du règlement nº 896/2001 dans la mesure où ces importations ne font nullement l’objet de la répartition des contingents tarifaires applicables depuis le 1er juillet 2001.

    69
    En conséquence, il ne saurait être question, en l’occurrence, d’une violation du principe de non-rétroactivité des lois.

    70
    Quant à la possibilité de se prévaloir de la protection de la confiance légitime, elle est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (arrêts du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22/94, Rec. p. I‑1809, point 25). De plus, si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires, et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir, notamment, arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52).

    71
    En l’occurrence, il suffit de constater que les milieux économiques intéressés n’ont pas pu nourrir quelque espérance fondée que la Commission aurait pu faire naître dans le maintien de la réglementation applicable aux importations de bananes en provenance des pays tiers, laquelle réglementation non seulement a connu, depuis l’adoption du règlement nº 404/93, de nombreuses modifications, notamment en raison des engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, mais requiert une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique laissant place à un large pouvoir d’appréciation dans le chef des institutions communautaires.

    72
    Il convient de répondre, en conséquence, que l’examen de la deuxième question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 3, 4, 5 et 31 du règlement nº 896/2001.

    Sur la quatrième question

    73
    Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’apprécier la validité de l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 au regard du droit fondamental à l’exercice de l’activité professionnelle.

    Observations soumises à la Cour

    74
    Les sociétés importatrices observent que l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 introduit une limitation radicale à la reconnaissance en tant qu’opérateurs non traditionnels dans la mesure où ces derniers ne peuvent être liés à un opérateur traditionnel selon les termes de l’article 143 du règlement nº 2454/93.

    75
    Or, ce dernier article aurait pour fonction spécifique et exclusive de préciser les cas dans lesquels la valeur de la marchandise déclarée en douane n’est pas fiable, en établissant une présomption simple qui peut être renversée en apportant la preuve que «la valeur transactionnelle [est] acceptable à des fins douanières [...]», selon les termes de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1).

    76
    En renvoyant à l’article 143 du règlement nº 2454/93, la Commission aurait non seulement utilisé les cas de personnes liées, visés par cet article, dans un but autre que celui pour lequel ledit article aurait été conçu, mais également établi une présomption absolue d’existence de prête-noms ou de demandes artificielles ou spéculatives pour le cas où la société en cause se trouverait liée à un opérateur traditionnel selon les termes dudit article, sans qu’elle ait la possibilité de démontrer son autonomie effective et son indépendance de gestion.

    77
    Ainsi, des entreprises, telles que les sociétés importatrices, qui sont liées à des opérateurs traditionnels, ne pourraient participer aux contingents tarifaires ni en tant qu’opérateurs traditionnels ni en tant qu’opérateurs non traditionnels et seraient donc totalement exclues du marché de la banane, sans avoir la possibilité de démontrer leur indépendance, ce qui serait contraire au règlement nº 216/2001 et aux principes fondamentaux de la liberté d’entreprise et du libre exercice de l’activité professionnelle.

    78
    La Commission souligne que l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 a pour objectif, selon le septième considérant dudit règlement, d’«éviter l’enregistrement de simples agents prête-noms et l’octroi d’allocations à des demandes artificielles ou spéculatives». La nouvelle réglementation ferait suite au changement d’attitude des institutions communautaires à l’égard des «mûrisseurs» et constituerait une réaction au commerce de certificats d’importation auquel s’adonnaient notamment des entreprises liées.

    79
    S’agissant des sociétés importatrices, la Commission relève qu’elles sont toutes deux liées à une société, à savoir Di Lenardo SpA, qui s’avérerait être un «opérateur traditionnel», de sorte que lesdites sociétés pourraient continuer à exercer leur activité professionnelle à l’intérieur du groupe, sans subir le moindre préjudice, et que le seul contrecoup négatif qu’elles auraient à subir du fait de l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 serait la cessation des bénéfices résultant du trafic spéculatif de certificats d’importation à des tiers.

    80
    La Commission rappelle en outre que, en vertu d’une jurisprudence constante, des restrictions peuvent être apportées au libre exercice d’une activité professionnelle, notamment dans le cadre d’une organisation commune de marché, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêts du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 15, et du 10 janvier 1992, Kühn, C‑ 177/90, Rec. p. I‑35, point 16). Or, en l’espèce, il serait indéniable que les restrictions à l’activité des opérateurs non traditionnels, qui ne se conforment pas aux critères énoncés à l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001, obéissent à une exigence d’intérêt général. Au demeurant, aucun opérateur économique ne pourrait faire valoir un droit acquis dans le maintien d’une situation avantageuse, telle que celle liée à la participation aux contingents tarifaires, en particulier lorsque cette situation s’avère, à un moment donné, contraire aux règles du marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 80).

    81
    La Commission conclut qu’il n’existe pas d’élément de nature à affecter la validité de l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001.

    Appréciation de la Cour

    82
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie, tout comme d’ailleurs le droit de propriété, des principes généraux du droit communautaire. Ces principes n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté européenne et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, notamment, arrêts du 17 octobre 1995, Fishermen’s Organisations e.a., C-44/94, Rec. p. I‑3115, point 55; du 28 avril 1998, Metronome Musik, C‑200/96, Rec. p. I‑1953, point 21, et du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C-20/00 et C-64/00, Rec. p. I‑7411, point 68).

    83
    À cet égard, force est de constater que l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 restreint le libre exercice d’une activité professionnelle dans la mesure où toute personne qui ne répondrait pas à la définition d’«opérateur non traditionnel» au sens de cet article, au motif qu’elle serait liée à un opérateur traditionnel conformément à l’article 143 du règlement nº 2454/93, n’aurait pas le droit de participer aux contingents tarifaires en qualité d’opérateur non traditionnel.

    84
    Toutefois, comme la Commission l’a souligné à juste titre, une telle restriction répond, ainsi qu’il ressort du septième considérant du règlement nº 896/2001, à un objectif d’intérêt général, qui est de lutter contre les pratiques spéculatives ou artificielles en matière de délivrance de certificats d’importation, en excluant ainsi la possibilité pour un opérateur traditionnel, qui participe déjà à un contingent tarifaire, de participer à nouveau, en tant qu’opérateur non traditionnel, à ce même contingent par l’intermédiaire d’un autre opérateur auquel il est lié. La réalisation d’un tel objectif contribue elle-même à l’approvisionnement régulier du marché communautaire, que tend à garantir la réglementation communautaire.

    85
    De plus, l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 ne constitue pas, au regard de cet objectif, une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit au libre exercice d’une activité professionnelle.

    86
    En effet, sans être sérieusement contredite par les sociétés importatrices, la Commission a fait état de l’absence d’efficacité, à cet égard, de l'article 11, paragraphe 1, du règlement nº 2362/98. En vertu de cette disposition, les États membres devaient s’assurer que les «opérateurs nouveaux arrivés» poursuivaient une activité d’importation dans la Communauté pour leur propre compte, comme entité économique autonome, et, en cas de doute quant au respect de cette condition, l’opérateur concerné devait, pour voir sa demande jugée recevable et pour établir son autonomie de gestion, présenter à l’autorité nationale compétente des preuves considérées comme «satisfaisantes» par cette dernière. À cet égard, l'article 6, sous c), du règlement nº 896/2001 est assurément de nature à empêcher plus efficacement que la réglementation communautaire soit détournée par des pratiques spéculatives ou artificielles, sans pour autant mettre à néant toute possibilité d’importer des bananes dans la Communauté. Tout au plus cette possibilité est-elle restreinte en fonction de la nature des liens existant entre les opérateurs économiques concernés.

    87
    De surcroît, la lutte contre les pratiques spéculatives ou artificielles augmentant, grâce à l’intervention de prête-noms, la participation des opérateurs traditionnels aux contingents tarifaires, pourtant destinés aux opérateurs non traditionnels, est susceptible, si elle s’avère efficace, de permettre à de véritables nouveaux opérateurs d’intervenir sur le marché et, partant, de déployer pleinement leurs activités économiques.

    88
    En conclusion, il convient de répondre que l’examen de la quatrième question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 6, sous c), du règlement nº 896/2001.


    Sur les dépens

    89
    Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre),

    statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto, par ordonnances du 16 janvier 2002, dit pour droit:

    L’examen des questions préjudicielles n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 1er, 3, 4, 5, 6, sous c), et 31 du règlement (CE) nº 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté.

    Timmermans

    Puissochet

    Schintgen

    Macken

    Colneric

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

    Le greffier

    Le président de la deuxième chambre

    R. Grass

    C. W. A. Timmermans


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    Langue de procédure: l'italien.

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