Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62002CC0171

    Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 16 septembre 2003.
    Commission des Communautés européennes contre République portugaise.
    Articles 39 CE, 43 CE et 49 CE - Directive 92/51/CEE - Système général de reconnaissance des formations professionnelles - Activité de sécurité privée - Mesures d'un État membre exigeant comme condition pour pouvoir exercer une activité de sécurité privée d'avoir le siège de la société ou un établissement sur le territoire portugais, d'avoir la forme d'une personne morale, d'avoir un capital social spécifique et de fournir des justifications et des garanties déjà présentées dans l'État membre d'origine - Défaut d'avoir prévu la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le secteur des services de sécurité privée.
    Affaire C-171/02.

    Recueil de jurisprudence 2004 I-05645

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2003:465

    Conclusions

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
    M. SIEGBERT ALBER
    présentées le 16 septembre 2003(1)



    Affaire C-171/02



    Commission des Communautés européennes
    contre
    République portugaise


    «Libre circulation des travailleurs – Liberté d'établissement – Libre prestation des services – Activité de services de sécurité privée – Exigence d'un établissement permanent – Prise en considération des pièces justificatives produites dans un autre État membre – Exigence d'un capital minimum – Exigenc de la personnalité juridique – Exigence d'une carte professionnelle nationale – Reconnaissance d'attestations de compétence»






    I –   Introduction

    1.        La procédure d’infraction que la Commission a engagée à l’encontre de la République portugaise porte sur la réglementation des services de sécurité privée qui proposent au Portugal des activités de surveillance des personnes et des biens. La Commission reproche à la législation portugaise d’être incompatible avec les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services.

    II –  Le cadre juridique

    A –   La directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE  (2)

    2.        La directive 92/51 définit en son article 1er, sous c), premier tiret, l’«attestation de compétence» comme «tout titre: ‑ qui sanctionne une formation ne faisant pas partie d’un ensemble constituant un diplôme au sens de la directive 89/48/CEE ou un diplôme ou un certificat au sens de la présente directive [...]».

    3.        Au même article, sous f), l’«activité professionnelle réglementée» est définie comme «une activité professionnelle dont l’accès ou l’exercice, ou l’une des modalités d’exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d’un titre de formation ou d’une attestation de compétence [...]».

    B –   La réglementation nationale

    1.        Le décret-loi n° 231/98, du 22 juin 1998  (3) (ci-après le «décret-loi»)

    4.        L’article 1er, paragraphe 3, sous a), du décret-loi définit les activités de sécurité privées comme «la prestation de services par des entités privées, légalement constituées à cet effet, en vue de la protection de personnes et de biens ainsi que de la prévention de la commission de crimes».

    5.        L’article 3 dispose que «l’activité de services de sécurité privée ne peut être exercée que par des entités régulièrement fondées et agréées à cette fin selon les dispositions du présent décret-loi».

    6.        L’article 7 fixe les conditions auxquelles des services de sécurité privée peuvent être proposés. D’après l’article 7, paragraphe 2, sous b), en fait partie, «à la suite d’un cursus professionnel fondamental, conforme aux exigences de l’article 8, paragraphe 2, le passage avec succès d’examens des connaissances et de l’aptitude physique dont le contenu et la durée sont fixés par décret du ministre de l’Intérieur», auquel s’ajoute, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, la participation à un cursus d’introduction à la profession.

    7.        L’article 9, paragraphes 1 et 2, régit l’émission de la carte professionnelle

    «1.      Les membres du personnel de surveillance, d’accompagnement, de défense et de protection des personnes doivent être en possession d’une carte professionnelle émise par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, valable pour une durée de deux ans et susceptible d’être prolongée de la même durée.

    2.       L’émission de la carte professionnelle est subordonnée à la présentation au secrétaire général du ministère de l’Intérieur de pièces attestant que les conditions fixées à l’article 7 sont remplies.»

    8.        L’article 21, paragraphe 1, soumet l’exercice de l’activité de dirigeant d’un service de sécurité privée à l’obtention d’un agrément préalable.

    9.        L’article 22, paragraphes 1 et 2, dispose ce qui suit:

    «1.     Les entités qui exercent l’activité de sécurité privée prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), doivent être constituées conformément à la législation d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, posséder un siège ou un établissement au Portugal et se conformer aux dispositions de l’article 4 du code des sociétés commerciales.

    2.       Le capital social des entités au sens du paragraphe 1 doit s’élever au moins

    a)
    à 10 000 000 PTE, lorsqu’elles fournissent l’une des prestations visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b);

    b)
    à 25 000 000 PTE, lorsqu’elles fournissent l’une des prestations visées à l’article 2, paragraphe 1, sous c) et d);

    c)
    à 50 000 000 PTE, lorsqu’elles fournissent l’une des prestations visées à l’article 2, paragraphe 1, sous e).»

    10.      L’article 24, paragraphe 1, énumère les documents qui doivent être produits à l’appui d’une demande d’autorisation d’exercer l’activité de services de sécurité privée et dont font partie, selon le point d), des justificatifs attestant que les conditions énoncées à l’article 22 sont remplies.

    2.        Le code des sociétés commerciales

    11.      D’après l’article 4, paragraphe 1: «La société qui n’a pas de siège effectif au Portugal mais désire y exercer son activité pendant plus d’un an doit y établir un établissement permanent et se conformer aux dispositions de la loi portugaise sur le registre du commerce».

    III –  La procédure précontentieuse

    12.      Par lettre du 6 mai 1999, la Commission a fait savoir aux autorités portugaises qu’elle considérait que les dispositions du décret-loi étaient incompatibles avec celles du traité sur la libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation de services. Elle invitait la République portugaise à lui communiquer à ce sujet des informations établissant la compatibilité du décret-loi avec le droit communautaire. Par lettre du 10 septembre 1999, la République portugaise a communiqué une série de documents à la Commission.

    13.      L’examen de ces documents ne l’ayant pas convaincue de la légalité de la législation portugaise, la Commission a adressé à la République portugaise, le 1er février 2000, une lettre de mise en demeure dans laquelle elle réitérait ses griefs. La République portugaise y a répondu le 23 mai 2000.

    14.      Ces explications de la République portugaise n’ont pas davantage convaincu la Commission de la légalité de la législation portugaise. Partant, la Commission a adressé le 29 décembre 2000 un avis motivé à la République portugaise. Celle-ci lui a répondu le 20 mars 2001.

    15.     Étant parvenue, après examen de ces dernières explications, à la conclusion que la législation portugaise était incompatible avec les règles du traité, la Commission a engagé le présent recours le 8 mai 2002.

    IV –  Observations et conclusions des parties

    16.      Dans sa requête, la Commission énonce en tout six griefs. Elle critique le fait que, dans le cadre du régime d’agrément à délivrer par le ministre de l’Intérieur, les entreprises étrangères qui désirent exercer au Portugal, dans le secteur des services de sécurité privée, des activités de surveillance des personnes et des biens

    doivent avoir leur siège ou un établissement permanent sur le territoire portugais,

    ne puissent pas faire valoir les justifications et garanties déjà présentées dans leur État membre d’établissement,

    doivent revêtir la forme d’une personne morale,

    doivent avoir un capital social spécifique,

    Elle critique en outre le fait que:

    les membres du personnel de ces entreprises étrangères doivent posséder une carte professionnelle émise par les autorités portugaises

    et, enfin, que:

    les professions du secteur de la sécurité privée ne soient pas soumises au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles.

    17.      En ce qui concerne la condition, imposée par l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi, d’avoir son siège ou un établissement permanent au Portugal, la Commission considère qu’elle s’applique aussi aux entités qui ne désirent exercer qu’à titre temporaire (en vertu de l’article 49 CE), dans le secteur des services de sécurité privée, des activités de surveillance des personnes et des biens au Portugal. Cette exigence rend de fait impossible la prestation de services, car la création d’un siège ou d’un établissement au Portugal impliquerait qu’il soit fait usage de la liberté d’établissement et non plus de la libre prestation de services, qui a pour caractéristique la nature temporaire de la prestation. D’après la jurisprudence Gebhard  (4) , cette nature temporaire n’exclut certes pas la création d’une certaine infrastructure, mais l’existence de cette infrastructure ne saurait être posée en condition de l’exercice de la libre prestation de services.

    18.      La Commission n’est pas convaincue par l’argument de la République portugaise selon lequel l’article 4 du code des sociétés commerciales limite le champ d’application de l’article 22 du décret-loi aux entités qui proposent des services de sécurité pendant plus d’un an. D’après elle, la référence à l’article 4 du code des sociétés commerciales que comporte l’article 22 du décret-loi ne peut se comprendre que comme une invitation à respecter les dispositions relatives au registre du commerce. En effet, l’obligation faite aux prestataires de posséder un siège ou un établissement permanent au Portugal résulte déjà du texte de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi.

    19.      Pour la Commission, la seule interprétation plausible de l’article 22 du décret-loi est qu’il exige au moins un établissement au Portugal, même lorsqu’il ne s’agit que de la prestation temporaire de services de sécurité. Du reste, c’était l’interprétation de la République portugaise dans sa réponse du 23 mai 2000 à la mise en demeure.

    20.      De plus, la Commission considère que son point de vue est étayé par l’emploi de la conjonction «et» entre l’obligation de posséder un établissement au Portugal et celle de se conformer aux dispositions de l’article 4 du code des sociétés commerciales. Sans un établissement sur place, certaines prestations de sécurité telles que la gestion d’une centrale pour la réception des alarmes ne pourraient même pas être proposées.

    21.      En tout état de cause, la Commission considère que la législation portugaise manque de clarté et, partant, qu’elle viole le principe de sécurité juridique. D’après la jurisprudence, dans les domaines couverts par le droit communautaire, les règles du droit des États membres doivent être formulées de manière non équivoque et répondre aux exigences de la sécurité juridique  (5) .

    22.      La restriction critiquée n’est pas non plus, d’après la Commission, justifiée au sens de l’article 46 CE. Il convient de distinguer les services de sécurité privée des forces de l’ordre publiques. Les premiers n’ont pas pour vocation de maintenir la sécurité publique au sens de l’article 46 CE.

    23.      De plus, la jurisprudence  (6) n’admet pas en principe que des considérations d’ordre administratif, telles que la possibilité, ouverte par l’existence d’un établissement local, de mieux contrôler les entreprises et leurs employés, justifient des restrictions à une liberté fondamentale garantie par le traité. S’il s’agit de mieux mettre en action les responsabilités, la constitution d’une garantie représente un moyen suffisant et moins contraignant  (7) .

    24.      Pour ce qui est des justifications et garanties déjà présentées par les entreprises étrangères dans leur État membre d’établissement, la Commission estime que l’article 24 du décret-loi ne permet en aucun cas de conclure que les autorités portugaises en tiennent compte lorsqu’elles examinent les demandes d’agrément. D’après son libellé, cette disposition ne vise pas seulement les entreprises qui ont déjà fondé leur établissement principal au Portugal, mais aussi celles qui sont déjà établies régulièrement dans un autre État membre et qui ne souhaitent proposer au Portugal que des services de sécurité temporaires. Ainsi que la Cour l’a dit pour droit dans l’affaire Commission/Belgique  (8) , la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et incombant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi. Or, en exigeant de toutes les entreprises qu’elles remplissent les mêmes conditions pour l’obtention d’une autorisation ou d’un agrément préalables, la législation d’un État membre exclut de fait qu’il soit tenu compte des obligations auxquelles le prestataire est déjà soumis dans l’État membre dans lequel il est établi. La Commission en déduit que la législation portugaise va au-delà de ce qu’exige la réalisation du but poursuivi et qu’elle est disproportionnée en ce qu’elle impose la production de pièces justificatives déjà présentées dans l’État membre du premier établissement  (9) .

    25.      Pour ce qui est de l’obligation faite aux entreprises étrangères de revêtir la forme d’une personne morale, la Commission souligne qu’elle désavantage les travailleurs ou entrepreneurs indépendants et les entités établies dans un autre État membre. La Cour a reconnu le droit de chaque travailleur d’exercer temporairement une activité dans un État membre autre que celui où il a sa résidence normale  (10) . Cette jurisprudence n’est pas affectée par la répartition des compétences au titre IV du traité CE. La Cour a déjà dit pour droit que les services de sécurité privée relevaient des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE  (11) et ne devaient pas être confondus avec les services de sécurité publique, visés aux articles 64 CE et 68 CE.

    26.      Quant à l’obligation faite aux entreprises étrangères de posséder un capital social minimal spécifique, la Commission relève que le droit portugais oblige une société mère qui veut fonder une filiale ou un établissement permanent au Portugal à démontrer qu’elle possède un capital au moins égal à la somme mentionnée à l’article 22, paragraphe 2, du décret-loi. Cette condition aboutit à ce que la législation nationale applique indirectement, à l’acte par lequel une personne fait usage de son droit d’ouvrir un établissement secondaire, les modalités prévues pour l’établissement principal. Selon la Commission, une telle condition dissuade les opérateurs économiques dont le capital social est conforme aux exigences du droit de leur État membre d’origine, mais inférieur à la somme prescrite au Portugal, d’exercer leurs activités sur tout le territoire de la Communauté. Se référant à l’arrêt Centros  (12) , la Commission considère que la condition imposée par la législation portugaise sur le capital social minimal est contraire à la libre prestation de services, en ce qu’elle limite cette liberté au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. La constitution d’une garantie, par exemple, représenterait un moyen moins radical. Le renvoi qui figure à l’article 55 CE permet de transposer à la libre prestation de services les principes développés par la jurisprudence dans le cadre de la liberté d’établissement.

    27.      La Commission rejette les arguments de la République portugaise sur la nécessité d’éviter une discrimination à rebours. Elle ne voit pas la pertinence ici de la jurisprudence Alpine Investments et Peralta  (13) . L’activité des sociétés de droit portugais dans les autres États membres ne serait pas affectée.

    28.      La Commission critique en outre l’obligation faite aux membres du personnel des entreprises étrangères d’être en possession d’une carte professionnelle délivrée par les autorités portugaises. Cette obligation constitue d’après elle tant une entrave à la libre circulation de ces travailleurs (article 39 CE) qu’une entrave à la libre prestation de services de leur employeur, qui voit se réduire la possibilité d’envoyer dans un autre État membre des salariés agréés dans son État membre d’établissement (article 49 CE).

    29.      Le droit portugais exige que tout membre du personnel d’une entreprise privée de sécurité soit titulaire, pour exercer au Portugal, d’un agrément matérialisé par une «carte professionnelle» émise par le ministre de l’Intérieur. La réglementation litigieuse ne prévoit pas de prendre en considération le fait que l’intéressé satisfasse déjà à des conditions légales équivalentes dans l’État membre où l’entreprise a son établissement principal, ni les contrôles et vérifications qui y ont déjà été effectués. La Commission voit de nouveau dans ces circonstances une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales précitées  (14) .

    30.      La Commission estime aussi que la limitation dans le temps de la validité de l’agrément constitue une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales. La législation portugaise soumettant déjà à un contrôle permanent les entreprises qui proposent des services de sécurité, la Commission ne voit pas la nécessité de soumettre les titulaires d’un agrément à un contrôle périodique.

    31.      La Commission déplore enfin que les professions du secteur de la sécurité privée ne soient pas soumises au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles. Les activités de sécurité privée ne peuvent être exercées au Portugal que par des membres du personnel de surveillance, d’accompagnement, de défense et de protection des personnes, qui ont suivi la formation obligatoire prévue par la réglementation portugaise [article 7, paragraphe 2, sous b), du décret-loi]. L’accès à ces activités professionnelles et leur exercice sont réservés aux personnes qui possèdent une carte professionnelle. Cette carte garantit que son titulaire remplit toutes les conditions légales d’exercice de la profession dont font partie, aussi, des examens des connaissances et de l’aptitude physique dont le contenu et la durée sont fixés par la loi. Elle permet en outre à son titulaire d’exercer une activité de services de sécurité privée. Il s’ensuit que, d’un point de vue matériel, l’autorisation d’exercer constitue une «attestation de compétence» au sens de l’article 1er, sous c), premier tiret, de la directive 92/51. La Commission considère donc que les services de sécurité sont, au Portugal, une profession réglementée au sens des dispositions combinées de l’article 1er, sous e), sous c), premier tiret, et sous f), de ladite directive. Or, la législation portugaise adoptée pour transposer la directive 92/51 n’inclut pas les professions de sécurité privée. Celles-ci ne sont donc pas soumises au Portugal aux dispositions relatives à la reconnaissance des attestations de compétence professionnelle visées dans la directive précitée. Dans la jurisprudence Vlassopoulou  (15) , la Cour a dit pour droit que, lors du contrôle des conditions d’octroi de l’autorisation d’exercer certaines professions, les autorités nationales sont tenues de reconnaître des titres équivalents exigés pour l’exercice de la même profession dans l’État d’origine de l’intéressé. Or, aux yeux de la Commission, la législation portugaise litigieuse ne le permet pas.

    32.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    I.
    constater que:

    1)
    compte tenu de ce que, dans le cadre du régime d’agrément à délivrer par le ministre de l’Intérieur, les entreprises étrangères qui désirent exercer au Portugal, dans le secteur des services de sécurité privée, des activités de surveillance des personnes et des biens

    a)
    doivent avoir leur siège ou un établissement au Portugal,

    b)
    ne peuvent pas faire valoir les justifications et garanties déjà présentées dans leur État membre d’établissement,

    c)
    doivent revêtir la forme d’une personne morale,

    d)
    doivent avoir un capital social spécifique,

    2)
    compte tenu de ce que les membres du personnel des entreprises étrangères qui désirent exercer au Portugal, dans le secteur des services de sécurité privée, des activités de surveillance des personnes et des biens doivent posséder une carte professionnelle émise par les autorités portugaises,

    3)
    compte tenu de ce que les professions du secteur de la sécurité privée ne sont pas soumises au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles,

    la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE ainsi que de la directive 92/51.

    II.
    condamner la République portugaise aux dépens.

    33.      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    1)
    rejeter le recours;

    2)
    condamner la Commission aux dépens.

    34.      La République portugaise estime que le champ d’application des dispositions combinées de l’article 22 du décret-loi et de l’article 4 du code des sociétés commerciales se limite aux sociétés qui n’ont pas de siège au Portugal et souhaitent y exercer leur activité pendant plus d’un an. En raison de ce seuil temporel d’un an, cette disposition ne concerne pas, selon elle, la libre prestation de services, mais la liberté d’établissement. Seule la prestation de services à titre temporaire relève selon elle de la libre prestation de services garantie par le traité. Il s’agit d’événements sporadiques, limités dans le temps. En revanche, des prestations qui s’étendent sur un certain laps de temps et qui se caractérisent par leur fréquence, leur périodicité et leur continuité relèvent de la liberté d’établissement. Par voie de conséquence, la réglementation litigieuse ne saurait, d’après la République portugaise, restreindre la libre prestation de services.

    35.      Pour la République portugaise, sa législation nationale est aussi conforme aux exigences de la sécurité juridique. Il ne fait pas de doute, ni pour les opérateurs économiques ni pour la République portugaise, que l’article 22 du décret-loi n’est pas applicable aux prestataires potentiels de services temporaires. Du reste, il existe des entreprises, établies dans d’autres États membres, qui proposent des services de sécurité au Portugal sans y avoir d’établissement. Pour la République portugaise, le fait qu’elle ait pu donner à la Commission, lors de la procédure précontentieuse, l’impression qu’elle se contredisait dans son interprétation de cette disposition ne signifie pas que la sécurité juridique ait été lésée.

    36.      Pour ce qui est aussi du grief de l’absence de prise en considération de documents déjà produits dans l’État d’origine, la République portugaise estime que la Commission fait une fausse lecture du champ d’application de l’article 24 du décret-loi. Seules sont concernées, ici aussi, les entreprises qui entendent proposer des services de sécurité au Portugal pendant plus d’un an. L’article 24 du décret-loi ne saurait donc lui aussi concerner, tout au plus, que la liberté d’établissement, mais pas la libre prestation de services.

    37.      Cela vaut aussi, selon la République portugaise, pour l’obligation de revêtir la forme d’une personne morale. Seules les entreprises qui entendent proposer des services de sécurité au Portugal pendant plus d’un an sont tenues d’installer leur établissement principal ou de créer un établissement permanent au Portugal. Cette disposition ne porte pas atteinte au droit de proposer des services de sécurité à titre temporaire au Portugal. Elle ne constitue donc pas une restriction à la libre prestation de services. Du reste, remarque la République portugaise, la Commission reconnaît elle-même qu’il est tout à fait possible de subordonner l’exercice d’une activité dans des secteurs sensibles à un agrément préalable.

    38.      L’exigence d’un capital minimal ne concerne pas non plus, pour la République portugaise, la libre prestation de services, mais la liberté d’établissement et plus précisément la liberté de créer un établissement secondaire. Lorsque la libre prestation de services est seule en cause, la disposition relative au capital minimal, qui ne s’applique qu’aux établissements secondaires, ne trouve pas à s’appliquer. Partant, si une entreprise établie dans un autre État membre ouvre un établissement au Portugal, pour y proposer des services de sécurité pendant plus d’un an, les règles portugaises sur le capital minimal s’appliquent.

    39.      La République portugaise estime que la restriction apportée à la liberté de créer un établissement secondaire est justifiée. Le secteur des services de sécurité n’est pas harmonisé au niveau communautaire. Cette mesure est proportionnée, car toute interprétation différente aboutirait, à son avis, à une discrimination à rebours. Certes, le droit communautaire n’interdit pas en principe de telles discriminations puisqu’elles ne concernent normalement que des situations purement internes. Mais, observe-t-elle, si le respect des règles sur le capital minimal n’était pas strictement exigé, des entreprises pourraient s’installer dans un autre État membre qui exige un capital minimal moindre et contourner la législation portugaise y afférente par le biais de la fondation d’un établissement secondaire au Portugal. Il se produirait alors une harmonisation de fait au niveau le plus bas. Se référant aux conclusions de l’avocat général Vilaça dans l’affaire Commission/Italie  (16) , la République portugaise fait valoir que le droit de libre établissement signifie seulement la possibilité de s’établir dans les mêmes conditions que les ressortissants de l’État membre concerné et que, à défaut d’une harmonisation au niveau communautaire, l’État membre est libre de réglementer les conditions d’établissement sur son territoire, sous réserve de respecter le principe de l’égalité de traitement.

    40.      Pour ce qui est du grief de non-reconnaissance de documents qui avaient déjà dû être présentés dans d’autres États membres, la République portugaise estime qu’il s’agit moins du fait qu’une carte professionnelle doive être émise que de la légalité des conditions de la délivrance de cette carte, énoncées à l’article 7 du décret-loi, et de la justification qu’elles sont remplies. Ainsi que le concède la Commission elle-même, rien ne s’oppose à l’exigence d’un agrément préalable. D’après la République portugaise, la question de savoir dans quelle mesure les conditions fixées sont cause de discrimination indirecte n’a pas été soulevée dans l’avis motivé et, partant, elle ne peut l’être dans le cadre de la présente procédure. Du reste, elle ne voit pas de discrimination en l’occurrence, puisque les conditions sont plutôt plus strictes pour les ressortissants portugais que pour les citoyens des autres États membres.

    41.      La République portugaise estime que, en l’absence d’une harmonisation, la Commission ne peut la contraindre à donner effet automatique à la constatation, effectuée dans un autre État membre, qu’une entreprise est en situation régulière. Plusieurs des conditions énoncées à l’article 7 ne sont même pas exigées dans certains autres États membres. En l’absence d’une harmonisation, la République portugaise ne saurait être privée du droit de fixer de telles conditions. Du reste, certaines de ces conditions doivent faire l’objet selon elle de vérifications périodiques. C’est pourquoi l’autorisation est délivrée pour deux ans au Portugal. De l’avis de la République portugaise, les conditions fixées sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général, la sécurité des destinataires des prestations.

    42.     À propos du grief de violation de la directive 92/51, la République portugaise fait valoir que cette directive n’est pas applicable aux prestations de services de sécurité. Ni l’accès à la profession ni son exercice ne sont subordonnés à la présentation d’une attestation de compétence. Il n’existe même pas d’après elle, pour ces activités, d’attestation de compétence au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 92/51.

    43.      La durée de validité de l’agrément nécessaire n’est que de deux ans. Pour la République portugaise, il ne saurait donc s’agir d’une attestation de compétence. Quant à la formation légalement requise, il faut observer que la question ne se pose qu’après le recrutement par un employeur. En raison de ce délai, elle ne saurait être considérée comme une formation, ni l’attestation établie ensuite comme une attestation de compétence au sens de la directive 92/51.

    44.      La République portugaise ne considère pas non plus que la limitation dans le temps soit une mesure disproportionnée. Les conditions réunies au départ peuvent disparaître par la suite et c’est pourquoi une vérification régulière est nécessaire. À ses yeux, le contrôle permanent des entités qui proposent des services de sécurité, auquel la Commission a fait allusion, ne présente pas les mêmes garanties.

    45.      Plus largement, la République portugaise fait aussi remarquer que la sécurité n’est pas seulement l’affaire de l’État. Les prestations de services de sécurité privée viennent en complément des services de sécurité d’État, auxquels ils sont étroitement liés. Il est donc nécessaire à son avis de consacrer un soin particulier à la fixation des conditions d’accès aux professions de sécurité privée et de leur exercice, qui doivent être définies strictement.

    46.      L’article 27 de la Constitution portugaise reconnaît le droit de tous les citoyens à la sécurité. La République portugaise attribue aux prestataires de services de sécurité privée un rôle décisif pour atteindre cet objectif.

    47.      C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les restrictions fixées par le décret-loi. L’appréciation juridique doit tenir compte des objectifs poursuivis. Pour la République portugaise, il s’agit, d’une part, de l’intérêt et des attentes des citoyens, qui ont obtenu la garantie que les prestations de services de sécurité privée ne leur soient proposées que par des entités compétentes, soumises à des contrôles stricts et à des normes de qualité ambitieuses. D’autre part, de l’intérêt pour l’État de disposer d’un instrument qui lui permette de concevoir sa politique de sécurité d’une manière plus efficace. Enfin, de l’intérêt et des attentes des entreprises qui proposent de tels services, et aussi des membres de leur personnel, qui sont aussi concernés par l’instauration d’un cadre juridique qui régisse l’accès à la profession et son exercice.

    48.      La définition des exigences en matière de sécurité est, pour la République portugaise, une prérogative nationale des plus fondamentales, dans le cadre de laquelle il appartient à chaque État membre de disposer librement. Dans ces conditions, elle considère que l’instauration d’un agrément préalable obligatoire n’est pas critiquable, notamment en l’absence de mesures d’harmonisation.

    49.      La République portugaise se réfère à la jurisprudence qui a admis la légalité de restrictions à la libre prestation de services dans des cas qui lui paraissent moins lourds de conséquences  (17) . À son avis, cela justifie d’autant plus les exigences en cause ici.

    50.      La République portugaise ne voit pas la pertinence de la jurisprudence citée par la Commission dans le cas des prestations de services de sécurité  (18) . D’après elle, les restrictions dont il était question dans ces affaires n’existent pas dans la législation portugaise.

    V –  Appréciation

    51.      La présente affaire s’inscrit dans une série de recours en manquement de la Commission concernant des entraves à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services dans le domaine des services de sécurité privée. La Cour a déjà statué sur des cas similaires dans des procédures qui visaient le royaume d’Espagne  (19) , le royaume de Belgique  (20) et la République italienne  (21) .

    A –   L’exigence d’ouverture d’un établissement permanent

    52.      Pour les quatre premiers griefs, les parties s’opposent sur la délimitation des domaines de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Pour la République portugaise, un prestataire qui propose des services pour une durée de plus d’un an fait usage de la liberté d’établissement et non pas de la libre prestation de services. La Commission estime au contraire que, même au-delà d’un an, il s’agit toujours de l’exercice de la libre prestation de services. Pour ce qui est d’éventuelles restrictions à la liberté d’établissement, la République portugaise les tient pour justifiées.

    53.      Quant au grief de l’incompatibilité de l’obligation d’ouvrir au Portugal un établissement permanent (dénommé «delegação» à l’article 22 du décret-loi et «representação permanente» à l’article 4 du code des sociétés commerciales) avec la libre prestation de services, la République portugaise est d’avis que l’article 22, paragraphe 1, qui instaure cette exigence, ne s’applique qu’à des entités («entidades») qui proposent des services de sécurité au Portugal pendant plus d’un an. On ne saurait, à son avis, parler dans ce cas de prestation temporaire, ce qui exclut une infraction à la libre prestation de services. Il s’agit bien plutôt d’une prestation durable, qui relève du champ d’application de la liberté d’établissement.

    54.      Une éventuelle restriction du champ d’application de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi aux prestataires qui proposent leurs services de sécurité pour plus d’un an au Portugal ne découle pas, du moins pas directement, du libellé de cette disposition. Tout au plus peut-elle être la conséquence du renvoi à l’article 4 du code des sociétés commerciales.

    55.      Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si l’article 22 comporte réellement un tel renvoi. Dans le but de vérifier la légalité de l’exigence d’ouverture d’un établissement, il a été posé comme prᄅmisse que ce renvoi existait et qu’il suffisait à satisfaire les exigences de sécurité juridique et de clarté juridique. En effet, même si le renvoi satisfait ces exigences, la question se pose de savoir si la législation nationale peut légitimement limiter l’exercice de la libre prestation de services à un an.

    56.      La jurisprudence de la Cour voit dans la durée pendant laquelle une prestation est effectuée un indice de la distinction entre l’exercice du droit d’établissement et celui de la libre prestation de services. Ainsi le fait qu’un ressortissant communautaire participe, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine constitue-t-il un indice de ce qu’il exerce ses droits à la liberté d’établissement. En revanche, le fait de n’exercer une activité dans un autre État membre qu’à titre temporaire est en principe un indice de l’exercice de la libre prestation de services  (22) .

    57.      Cependant, dans sa jurisprudence actuelle, la Cour ne voit dans la durée de la prestation que l’un des nombreux indices qui permettent de qualifier une certaine activité. Dans l’appréciation de cette activité, la jurisprudence procède toujours à une analyse globale de toutes les circonstances entourant la prestation. À côté de la durée de celle-ci, la Cour s’est fondée aussi sur sa fréquence, sa périodicité ou sa continuité  (23) . Elle a constaté en outre que même la création d’une certaine infrastructure, telle l’ouverture d’un bureau ou d’une étude, en soi, n’excluait pas qu’il s’agît de la libre prestation de services  (24) . L’avocat général Léger a suggéré, dans ses conclusions dans l’affaire Gebhard, de tenir compte, outre de la durée, aussi de l’endroit où le prestataire a le centre de ses activités. Si cet endroit se trouve dans un autre État membre que celui de la prestation, on est en présence de la libre prestation de services  (25) .

    58.      Il ressort de la jurisprudence précitée qu’une délimitation fondée sur la seule durée de la prestation ne suffit pas pour dire avec certitude si l’on est dans le domaine de la liberté d’établissement ou dans celui de la libre prestation de services. Partant, si le champ d’application de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi ne concerne que les prestataires qui proposent leurs services pour une durée d’un an tout au plus, sans tenir compte des autres circonstances qui entourent la prestation et sans qu’il soit possible d’apporter la preuve que des services qui excèdent cette durée ne présentent pas de caractère permanent et continu, cette réglementation restreint la libre prestation de services de tous ceux qui souhaitent proposer des services de sécurité au Portugal pendant plus d’un an, sans avoir l’intention d’y participer, de façon stable et continue, à la vie économique, ni d’y établir le centre de leur activité.

    59.      De même que la réglementation italienne qui était en cause dans l’affaire Gebhard, les dispositions combinées de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi et de l’article 4 du code des sociétés commerciales reposent sur la présomption irréfragable que la prestation de services de sécurité pendant plus d’un an relève de l’exercice de la liberté d’établissement  (26) . Or, il n’y a aucune raison de soumettre l’exercice de la liberté d’établissement à une contrainte de cet ordre.

    60.      Ce type de contrainte pesant sur l’exercice d’une liberté fondamentale ne doit pas, notamment, modifier les restrictions licites à l’exercice des autres libertés fondamentales. Or, c’est précisément ce que fait l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi, éventuellement combiné à l’article 4 du code des sociétés commerciales. La contrainte que constitue l’ouverture d’un établissement permanent au Portugal rend non seulement plus délicat, mais aussi plus onéreux, l’exercice de la libre prestation de services. Qui plus est, la jurisprudence voit dans une telle exigence une négation pure et simple de la libre prestation de services et, partant, une violation de l’article 49 CE  (27) . Force est donc de constater que l’exigence d’ouverture d’un établissement permanent au Portugal, qui s’impose à celui qui souhaiterait y proposer des services de sécurité pendant plus d’un an, est incompatible avec l’article 49 CE.

    61.      Il n’est pas nécessaire, dans ces conditions, de rechercher si cette réglementation est contraire à la sécurité juridique. En effet, même si l’on considérait ─ comme ici ─ que le renvoi à l’article 4 du code des sociétés commerciales était suffisamment clair et non ambigu, la négation de la libre prestation de services que nous avons constatée et, par voie de conséquence, l’illégalité de cette réglementation au regard du droit communautaire n’en subsisteraient pas moins.

    62.      De même, la question d’une éventuelle justification de cette restriction ne se pose plus, à strictement parler, dans ces conditions. Dès lors que l’exigence d’ouverture d’un établissement permanent nie totalement la libre prestation de services, cette restriction constitue en tout état de cause une mesure disproportionnée.

    63.      Au cas où la Cour ne partagerait pas notre point de vue, il convient d’examiner brièvement les motifs justificatifs avancés par la République portugaise.

    64.      Pour justifier les restrictions qui découlent du décret-loi, la République portugaise fait valoir surtout qu’il est d’une importance toute particulière de garantir que les prestations des services de sécurité privée soient organisées de façon régulière. Ces services viennent à l’appui des forces de sécurité publiques et permettent à l’État de concevoir une politique de sécurité efficace.

    65.      Dans les procédures d’infraction contre le royaume d’Espagne, le royaume de Belgique et la République italienne dont elle a déjà eu à connaître, la Cour a dit clairement que les motifs des articles 55 CE et 46 CE ne pouvaient servir à justifier des entraves apportées à des prestations de services de sécurité privée  (28) puisque l’exercice de la force publique n’était pas en cause. De plus, on ne saurait trouver appui dans l’article 55 CE parce que la faculté pour les États membres de limiter la libre circulation des personnes et des services pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique n’a pas pour objet de mettre des secteurs économiques tels que celui de la sécurité privée à l’abri de l’application de ce principe  (29) .

    66.      La mise en exergue de raisons impérieuses d’intérêt général, en particulier la garantie pour les citoyens que les entreprises qui leur proposent des services de sécurité sont aptes à le faire et qu’elles ont été soumises à des contrôles sévères et à des normes de qualité élevées, la faculté pour l’État de garder un instrument qui lui permette de concevoir sa politique de sécurité d’une façon plus efficace, et enfin l’instauration, pour les entreprises et leurs employés, d’un cadre juridique régissant l’accès à la profession et son exercice, ne permet pas davantage de justifier l’entrave que représente l’exigence d’ouverture d’un établissement permanent. Il résulte d’une jurisprudence constante que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: s’appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d’intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre  (30) .

    67.      Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, exiger l’ouverture d’un établissement revient à nier purement et simplement la libre prestation de services. Cette restriction va donc en tout état de cause au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus. Il existe à cette fin des moyens moins radicaux, tels que la constitution de garanties, la conclusion de certaines assurances ou l’exigence de la preuve que l’on possède une certaine qualification professionnelle. Il s’ensuit que la restriction ne saurait non plus être justifiée par des intérêts généraux impérieux.

    68.      Il ressort donc de l’analyse de l’exigence d’un établissement permanent que cette règle n’est pas compatible avec la libre prestation de services garantie à l’article 49 CE.

    B –   La prise en compte des justifications présentées dans l’État membre d’origine

    69.      Dans le cadre de l’examen de la légalité de l’article 24 du décret-loi, qui énumère les pièces à produire à l’appui d’une demande d’autorisation d’exercer une activité de services de sécurité, la République portugaise se borne à remarquer que l’article 24, lui aussi, ne s’applique qu’à des entreprises qui souhaitent proposer leurs services pendant plus d’un an. Compte tenu de ce que nous avons dit de l’exigence d’ouverture d’un établissement, il convient de rejeter le point de vue de la République portugaise. L’article 24 du décret-loi concerne fondamentalement lui aussi la libre prestation de services.

    70.      Ainsi que la Commission le relève à juste titre, la Cour a déjà dit pour droit, dans son arrêt Commission/Belgique  (31) , que la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et incombant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi. Une législation nationale qui exige de toutes les entreprises qu’elles remplissent les mêmes conditions pour l’obtention d’une autorisation ou d’un agrément préalables exclut qu’il soit tenu compte des obligations auxquelles le prestataire est déjà soumis dans l’État membre dans lequel il est établi.

    71.      L’article 24 du décret-loi exige de tous les demandeurs qu’ils produisent, à l’appui de leur demande d’autorisation à exercer des services de sécurité, les pièces énumérées au paragraphe 1, sous a) à g). Le texte de cette disposition ne prévoit pas la possibilité de prendre en considération des pièces analogues que le demandeur a déjà produites dans l’État membre dans lequel il est établi. La République portugaise ne soutient pas non plus que des mesures aient été prises par ailleurs, qui permettent de prendre en considération les documents présentés dans d’autres États membres. Force est donc de constater que l’article 24 du décret-loi est lui aussi incompatible avec l’article 49 CE.

    C –   L’exigence de constitution d’une personne morale

    72.      La République portugaise soutient aussi, dans le cadre de l’analyse de l’exigence de la fondation d’une personne morale, que la libre prestation de services n’est pas en cause, puisqu’il ne s’agit que des activités d’une durée supérieure à un an. Or, cette argumentation est indéfendable, pour les raisons que nous avons déjà exposées.

    73.      L’obligation de revêtir la forme d’une personne morale ne découle pas d’emblée du texte de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi, où il n’est question que d’entités («entidades»). Cette appellation neutre est en principe susceptible de recouvrir tant des personnes morales que des personnes physiques ou des communautés de personnes.

    74.      Il convient cependant de relever que l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi exige de ces entités qu’elles soient constituées («devem ser constituídas») conformément à la législation portugaise ou à la législation d’un des États membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Or, seules des personnes morales, à l’exclusion des personnes physiques, peuvent être fondées ou constituées. Il y a lieu d’en déduire que l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi soumet en fait l’exercice d’activités de services de sécurité à la condition que le prestataire potentiel revête la forme d’une personne morale. Il est donc en principe exclu d’exercer cette activité sous la forme d’une profession indépendante.

    75.      L’article 22, paragraphe 2, du décret-loi, qui exige l’apport d’un capital minimal, vient conforter lui aussi cette interprétation. Cette disposition fera l’objet d’une étude approfondie au titre suivant. Il suffit de constater ici que l’apport d’un capital social ne concerne que les personnes morales. Cette circonstance donne elle aussi à penser que, au Portugal, l’exercice d’activités de services de sécurité est réservée aux personnes morales.

    76.      Enfin, on se reportera à l’article 3 du décret-loi. Ce texte réserve l’exercice des activités de services de sécurité aux entités légalement constituées («[...] só pode ser exercida por entidades legalmente constituídas»). Or, seules des personnes morales sont légalement ou régulièrement constituées.

    77.      La République portugaise a également confirmé cette interprétation des dispositions du décret-loi lors de la phase précontentieuse. Dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, elle a expliqué que la préférence du législateur pour la forme de la personne morale reposait sur la prémisse que c’était la structure qui offrait le plus de sécurité et de sérieux. L’expérience avait montré, selon elle, que les sociétés présentent une sécurité et une solvabilité bien plus grandes que les commerçants individuels, qui engagent leur responsabilité personnelle  (32) . Or, la République portugaise n’a abordé ce thème ni dans son mémoire en défense ni dans sa duplique. On ne trouvera, dans ces pièces, aucune explication plausible du texte de l’article 3, combiné à celui de l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi. La République portugaise se contente au contraire de dire que l’article 22 ne concerne pas les prestations de services. Or, cette position est indéfendable, ainsi qu’on l’a déjà vu plus haut.

    78.      En résumé, il y a lieu de conclure que les prestataires qui désirent proposer des services de sécurité au Portugal doivent revêtir la forme d’une personne morale. Ainsi est-il exclu que des personnes physiques, donc des indépendants, fournissent des services de cette nature. On est donc en présence d’une entrave à la libre prestation de services.

    79.      Il y a lieu de constater, puisque la République portugaise n’a produit aucune justification à l’appui de cette restriction, que l’article 22, paragraphe 1, du décret-loi viole l’article 49 CE dans la mesure où il subordonne le droit de fournir des services de sécurité à la constitution d’une personne morale.

    D –   Le respect de la réglementation portugaise sur le capital minimal

    80.      La Commission critique en outre la condition, prévue à l’article 22, paragraphe 2, du décret-loi, relative à l’apport d’un capital minimal spécifique. Cette disposition exige des entreprises qui souhaitent proposer des services de sécurité au sens de l’article 2 du décret-loi qu’elles possèdent un capital social au moins égal à un certain montant.

    81.      Des dispositions relatives à un capital minimal concernent uniquement les prestataires potentiels qui revêtent la forme juridique d’une société de capitaux. Il n’existe en principe aucune règle qui prévoie l’obligation d’apporter un capital minimal pour les travailleurs indépendants. En excluant implicitement les travailleurs indépendants, cette disposition viole d’emblée la libre prestation de services.

    82.      En ce qui concerne les prestations de services fournies par des sociétés de capitaux, il y a lieu de relever en outre que les dispositions qui prévoient l’obligation d’apporter un capital minimal représentent une entrave injustifiée à la libre prestation de services. S’agissant de l’exercice de la liberté d’établissement, la Cour a expliqué, dans l’arrêt Centros  (33) , que les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent précisément à permettre aux sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, d’exercer par l’intermédiaire d’une agence, d’une succursale ou d’une filiale, des activités dans d’autres États membres. Dans ces conditions, le fait, pour un ressortissant d’un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l’État membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d’autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d’établissement. En effet, le droit de constituer une société en conformité avec la législation d’un État membre et de créer des succursales dans d’autres États membres est inhérent à l’exercice, dans un marché unique, de la liberté d’établissement garantie par le traité.

    83.      Dans nos conclusions dans l’affaire Inspire Art  (34) , nous avons exprimé l’opinion que l’exigence de respect des dispositions de l’État d’accueil qui prévoient l’apport d’un capital minimal constitue une entrave à la liberté d’établissement, parce qu’elle revient à refuser, en violation du droit communautaire, de reconnaître une société régulièrement constituée en vertu du droit d’un autre État membre. Cette jurisprudence peut être transposée à la libre prestation de services. Si un travailleur indépendant ou une entreprise est établi régulièrement dans un État membre où il effectue des prestations de services de sécurité, l’exigence de respect des dispositions qui prévoient l’apport d’un capital minimal entraîne le refus de reconnaître une société régulièrement fondée dans l’État d’origine. Cela revient encore une fois, en définitive, à nier le droit à la libre prestation de services des entreprises régulièrement établies dans un autre État membre.

    84.      C’est donc en vain que la République portugaise cherche à invoquer une justification fondée sur une éventuelle discrimination à rebours. Sous la notion de discrimination à rebours qui, en principe, est dépourvue d’effets en droit communautaire, mais dont les deux parties s’accordent à faire état, il ne s’agit en fait de rien d’autre que de combattre le risque de contournement des dispositions portugaises sur le capital minimal. La République portugaise cite expressément le risque qu’une entreprise ne s’établisse dans un autre État membre qui exige un capital minimal moindre, dans le but de contourner la réglementation portugaise sur le capital minimal par le biais de la création d’un établissement au Portugal. Or, comme le montre la jurisprudence Centros, précitée, le risque dans l’absolu qu’une réglementation soit contournée ne suffit pas à justifier une restriction aux droits fondamentaux garantis par le traité. Du reste, il existe des mesures moins radicales, qui permettent d’assurer une protection tout aussi efficace des créanciers, telles que la constitution de garanties ou la conclusion d’assurances. Par ailleurs, il est tout à fait loisible de se demander si l’apport d’un certain capital minimal au moment de la fondation de la société ou, dans le présent cas, à l’occasion de l’accès à l’activité de services au Portugal est vraiment de nature à réaliser l’objectif visé, la protection des créanciers  (35) .

    85.      Il convient donc de constater que la règle de l’article 22, paragraphe 2, du décret-loi sur le capital minimal est, elle aussi, incompatible avec l’article 49 CE.

    E –   L’exigence d’une autorisation professionnelle

    86.      La Commission voit dans l’obligation d’être en possession d’une carte professionnelle une entrave tant à la libre circulation des travailleurs (article 39 CE) qu’à la libre prestation de services de leur employeur, en ce sens qu’il lui est plus difficile d’envoyer au Portugal des salariés agréés dans son État membre d’établissement (article 49 CE). La République portugaise fait valoir pour sa défense qu’il est en principe permis de soumettre l’exercice de certaines activités sensibles à un agrément préalable et que, dans le cadre de la procédure de délivrance de la carte, les conditions, énoncées à l’article 7 du décret-loi, dont le respect est contrôlé ont été fixées pour des raisons impérieuses d’intérêt général.

    87.      Dans son arrêt Commission/Belgique  (36) , la Cour a dit pour droit que l’exigence d’une carte d’identification constituait une restriction à la libre prestation des services. En effet, les formalités qu’impliquait l’obtention d’une telle carte d’identification étaient susceptibles de rendre plus onéreuse la prestation de services transfrontaliers. De plus, cette restriction a été jugée disproportionnée dans la mesure où cette carte était censée servir à établir l’identité du prestataire, ce qui pouvait tout aussi bien se faire au moyen d’une carte d’identité ou d’un passeport. Il y a donc lieu de considérer, en application de cette jurisprudence, que l’article 9 du décret-loi limite la libre prestation de services et la libre circulation des travailleurs.

    88.      Les circonstances de la présente affaire diffèrent cependant de celles de l’affaire Commission/Belgique en ce que l’objectif de la réglementation portugaise n’est pas de permettre d’établir l’identité du prestataire, mais de vérifier la réunion des conditions d’exercice de l’activité fixées à l’article 7 du décret-loi. Il s’agit donc ici des qualités et compétences personnelles du prestataire. On pourrait donc considérer en principe que cette vérification est une mesure propre à garantir la qualité du service de sécurité proposé.

    89.      La question se pose cependant de savoir si cette mesure ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire dès lors qu’elle exclut la prise en considération de pièces similaires que le prestataire potentiel a déjà produites dans son État d’origine. De même que l’article 22, paragraphe 1, que nous avons examiné plus haut, l’article 9, paragraphe 2, du décret-loi ne prévoit pas la possibilité de prendre en considération, dans le cadre de la vérification des conditions d’exercice énoncées à l’article 7, de pièces similaires déjà exigées dans l’État d’origine pour l’exercice de l’activité de services de sécurité. D’après la jurisprudence, il incombe à un État membre, saisi d’une demande d’autorisation d’exercer une profession dont l’accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, de prendre en considération les diplômes, certificats et autres titres que l’intéressé a acquis dans le but d’exercer cette même profession dans un autre État membre en procédant à une comparaison entre les compétences attestées par ces diplômes et les connaissances et qualifications exigées par les règles nationales  (37) . Ce principe, dégagé dans une affaire qui concernait la liberté d’établissement, peut être transposé à la libre circulation des travailleurs et à la libre prestation de services, les intérêts en jeu étant comparables. Force est de constater alors que l’article 9 du décret-loi restreint la libre circulation des travailleurs et la libre prestation de services au delà de ce qui est nécessaire.

    F –   L’applicabilité de la directive 92/51

    90.      Enfin, la Commission critique le défaut d’application de la directive 92/51 aux salariés du secteur des services de sécurité. À ce propos, les parties sont en litige notamment sur le point de savoir si la carte professionnelle déjà mentionnée au point précédent s’entend, d’un point de vue matériel, comme une «attestation de compétence» au sens de l’article 1er, sous c), premier tiret, de la directive 92/51.

    91.      D’après l’article 1er, sous f), de la directive 92/51, une profession réglementée est une activité professionnelle qui, quant à ses conditions d’accès ou d’exercice, est directement ou indirectement régie par des dispositions de nature juridique, à savoir des dispositions législatives, réglementaires ou administratives. Il faut donc considérer l’accès à une profession ou son exercice comme directement régi par des dispositions juridiques lorsque des dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’État membre concerné établissent un régime qui a pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions et d’en interdire l’accès à celles qui ne les remplissent pas  (38) . Les articles 7 et 9 du décret-loi subordonnent l’exercice d’une activité de services de sécurité à certaines conditions personnelles. Il s’agit donc de l’exercice d’une profession réglementée au sens de la directive 92/51.

    92.      La notion d’«attestation de compétence» est définie, à l’article 1er, sous c), premier tiret, comme tout titre «qui sanctionne une formation ne faisant pas partie d’un ensemble constituant un diplôme au sens de la directive 89/48/CEE ou un diplôme ou un certificat» au sens de la directive 92/51. Or, il n’existe pas de diplôme pour les services de sécurité et, partant, il ne peut s’agir ici que d’un titre qui sanctionne une formation.

    93.      La Commission considère la carte professionnelle traitée dans la section précédente comme une telle attestation de compétence. Elle indique entre autres que les examens de vérification des connaissances et de l’aptitude physique, dont le contenu et la durée sont fixés à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du décret-loi, ont été effectués, et autorise son titulaire à exercer l’activité de services de sécurité privée.

    94.      Il faut toutefois relever que la validité de la carte professionnelle est limitée à deux ans, point sur lequel la République portugaise attire l’attention. Or, un titre qui sanctionne une certaine formation est acquis une fois pour toutes et sa validité n’est pas limitée dans le temps. Il convient d’en distinguer l’autorisation d’exercer une profession déterminée, pour laquelle une certaine formation est requise, qui peut tout à fait être limitée dans le temps, afin de permettre certains contrôles. Ne serait-ce qu’en raison de la limitation de sa validité dans le temps, la carte professionnelle ne saurait être considérée comme un titre permanent sanctionnant une formation.

    95.      Il convient par ailleurs de constater que la carte professionnelle ne se limite pas à certifier qu’un certain cursus a été effectué et que l’examen y afférent a été passé. Bien plus, la carte professionnelle est émise, en vertu de l’article 9 du décret-loi, dès lors que la réunion de toutes les conditions énoncées dans l’article 7 du décret-loi a été vérifiée. L’attestation qui sanctionne une formation déterminée ne représente qu’un aspect partiel de l’autorisation. À côté, il est procédé aussi à une vérification de la nationalité ou à la recherche de condamnations éventuelles. Cette circonstance tend elle aussi à démontrer que la carte professionnelle n’est pas une attestation de compétence au sens de la directive 92/51.

    96.      Dans ces conditions, il n’y a pas à constater d’infraction à la directive 92/51.

    VI –  Les dépens

    97.      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, si chacune a gain de cause pour partie ou succombe pour partie, ou pour un motif particulier. En l’occurrence, seule la violation de la directive 92/51 n’a pu être établie. Cette circonstance ne milite cependant pas, au regard des autres manquements qui ont été établis, en faveur d’une répartition des dépens. La République portugaise ayant succombé sur tous les autres points dans ses conclusions tendant au rejet du recours, il convient de la condamner à la totalité des dépens, la Commission ayant conclu en ce sens.

    VII – Conclusions

    98.      Pour les raisons exposées ci‑dessus, nous proposons à la Cour de statuer ce comme suit:

    «1)
    Compte tenu de ce que, dans le cadre du régime d’agrément à délivrer par le ministre de l’Intérieur portugais,

    a)
    les entreprises étrangères qui désirent exercer au Portugal, dans le secteur des services de sécurité privée, des activités de surveillance des personnes et des biens

    doivent avoir leur siège ou un établissement sur le territoire portugais,

    ne peuvent pas faire valoir les justifications et garanties déjà présentées dans leur État membre d’établissement,

    doivent revêtir la forme d’une personne morale,

    doivent avoir un capital social spécifique, et

    b)
    les membres du personnel des entreprises étrangères qui désirent exercer au Portugal dans le secteur des services de sécurité privée, de surveillance des personnes et des biens doivent posséder une carte professionnelle délivrée par les autorités portugaises,

    la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent, en application des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE.

    2)
    Le recours est rejeté pour le surplus.

    3)
    La République portugaise est condamnée aux dépens.


    1
    Langue originale: l'allemand.


    2
    JO L 209, p. 25.


    3
    .Diário da República I, série A, n° 167, du 22 juillet 1998, p. 3515.


    4
    Arrêt du 30 novembre 1995 (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 27).


    5
    La Commission se réfère à cet égard à l'arrêt du 21 juin 1988, Commission/Italie (257/86, Rec. p. 3249, point 12).


    6
    La Commission se réfère à l'arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755, point 54).


    7
    La Commission s'appuie ici sur l'arrêt du 6 juin 1996, Commission/Italie (C-101/94, Rec. p. I-2691, point 23).


    8
    Arrêt du 9 mars 2000 (C-355/98, Rec. p. I-1221, points 37 et suiv.).


    9
    La Commission invoque ici l'arrêt du 17 décembre 1981, Webb (279/80, Rec. p. 3305, point 20).


    10
    La Commission se réfère à l'arrêt du 7 juillet 1988, Stanton (143/87, Rec. p. 3877, points 11 à 13), ainsi qu'à l'arrêt du 15 février 1996, Kemmler (C-53/95, Rec. p. I‑703, points 10 et suiv.).


    11
    La Commission invoque l'arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Espagne (C-114/97, Rec. p I‑6717, points 42 et 48).


    12
    Arrêt du 9 mars 1999 (C-212/97, Rec. p. I-1459, notamment les points 36 à 38).


    13
    Arrêts du 10 mai 1995, Alpine Investments (C-384/93, Rec. p. I-1141), et du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec. p. I-3453).


    14
    À nouveau, la Commission appuie son analyse juridique sur les arrêts Commission/Allemagne (précité note 6, point 47) et Commission/Belgique (précité note 8, point 40).


    15
    Arrêt du 7 mai 1991 (C-340/89, Rec. p. I-2357, points 16 et 23).


    16
    Arrêt du 14 janvier 1988 (63/86, Rec. p. 29), conclusions présentées le 22 octobre 1987.


    17
    Elle se réfère aux arrêts du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede (C-3/95, Rec. p. I‑6511); du 18 décembre 1997, Landboden-Agrardienste (C-384/95, Rec. p. I‑7387), et du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039).


    18
    Elle cite les arrêts Commission/Espagne (précité note 11); Commission/Belgique (précité note 8), et du 31 mai 2001, Commission/Italie (C-283/99, Rec. p. I-4363).


    19
    Précitée note 11.


    20
    Précitée note 8.


    21
    Arrêt du 31 mai 2001, précité note 18.


    22
    Voir arrêt Gebhard (précité note 4, points 25 et suiv.).


    23
    Ibidem, point 27.


    24
    Ibidem, point 27.


    25
    Conclusions prononcées le 20 juin 1995 dans l'affaire Gebhard (précitée note 4, point 37).


    26
    Voir, à ce propos, les conclusions de l'avocat général Léger (précitées note 25, point 84).


    27
    Arrêts du 4 décembre 1986, Commission/France (220/83, Rec. p. 3663, point 20); Commission/Allemagne (précité note 6, point 52), et Commission/Belgique (précité note 8, point 27).


    28
    Arrêts Commission/Espagne (précité note 11, points 35 à 39); Commission/Belgique (précité note 8, points 24 à 26), et du 31 mai 2001, Commission/Italie (précité note 18, points 20 et 22).


    29
    Arrêt Commission/Belgique (précité note 8, point 29). Voir aussi dans le même sens les conclusions de l'avocat général Jacobs prononcées le 15 février 2001 dans l'affaire Commission/Italie (arrêt du 31 mai 2001), point 47.


    30
    Arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32), et Gebhard (précité note 4, point 37).


    31
    Arrêt précité note 8, points 37 et suiv.


    32
    «[...] a opção do legislador pela forma sociétaria resulta do facto de aquela ser, no seu entender, a que se reveste de uma maior segurança e credibilidade. Os ensinamentos da história recente demostram que a credibilidade das sociedades, no nosso ordenamento interno, é muito superior à que goza por exemplo, o estabelecimento individual de responsabilidade limitada [...]» (p. 17 de la réponse du 23 mai 2000 à la lettre de mise en demeure du 1er février 2000).


    33
    Arrêt précité note 12, points 26 et suiv.


    34
    Conclusions du 30 janvier 2003 (C-167/01, affaire pendante devant la Cour), points 97 à 100.


    35
    Voir, à ce propos, les considérations de principe de nos conclusions dans l'affaire Inspire Art (précitée note 34, points 141 à 146).


    36
    Arrêt précité note 8, points 39 et suiv.


    37
    Arrêt Vlassopoulou (précité note 15, point 16).


    38
    Arrêts du 1er février 1996, Aranitis (C-164/94, Rec. p. I-135, points 18 et suiv.), et du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla (C-234/97, Rec. p. I-4773, points 16 et suiv.).

    Top