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Document 62001CJ0304

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 septembre 2004.
Royaume d'Espagne contre Commission des Communautés européennes.
Politique commune de la pêche - Règlement (CE) nº 1162/2001 - Reconstitution du stock de merlu - Contrôle des activités des navires de pêche - Choix de la base juridique - Principe de non-discrimination - Obligation de motivation.
Affaire C-304/01.

Recueil de jurisprudence 2004 I-07655

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:495

Arrêt de la Cour

Affaire C-304/01


Royaume d'Espagne
contre
Commission des Communautés européennes


«Politique commune de la pêche – Règlement (CE) nº 1162/2001 – Reconstitution du stock de merlu – Contrôle des activités des navires de pêche – Choix de la base juridique – Principe de non-discrimination – Obligation de motivation»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 18 novembre 2003
    
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 septembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Pêche – Conservation des ressources de la mer – Règlement nº 3760/92 – Compétence de la Commission – Portée

(Règlement du Conseil nº 3760/92, art. 15, § 1)

2.
Pêche – Conservation des ressources de la mer – Mesures visant à reconstituer le stock de merlu – Contrôle juridictionnel – Limites

(Règlement de la Commission nº 1162/2001)

3.
Pêche – Conservation des ressources de la mer – Mesures visant à reconstituer le stock de merlu – Dérogation limitée aux navires de petite taille – Violation du principe de non-discrimination – Absence

(Règlement de la Commission nº 1162/2001, art. 2, § 2)

4.
Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée

(Art. 253 CE)

1.
Eu égard aux finalités du règlement nº 3760/92, instituant un régime communautaire de la pêche et de l’aquaculture, qui, aux termes mêmes de son deuxième considérant, vise à garantir une exploitation rationnelle et responsable des ressources aquatiques vivantes ainsi que de l’aquaculture, tout en reconnaissant, par ailleurs, tant l’intérêt du secteur de la pêche à assurer son développement à long terme ainsi que ses conditions économiques et sociales que l’intérêt des consommateurs, il n’y a aucune raison d’interpréter de manière restrictive l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, en vertu duquel le Conseil a délégué à la Commission la compétence pour prendre les mesures nécessaires en cas de perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources.
En effet, si les conditions auxquelles le Conseil a subordonné l’exercice de cette compétence par la Commission, ainsi, par ailleurs, que les termes mêmes du dix-huitième considérant du règlement nº 3760/92, font apparaître que la Commission doit adopter les mesures nécessaires dans les meilleurs délais, l’article 15 de ce règlement ne soumet toutefois pas l’exercice de cette compétence à une condition spécifique d’urgence. Il ne prévoit pas davantage, lorsque la Commission n’a pas été saisie d’une demande d’un État membre, un délai précis dans lequel la Commission devrait agir sous peine de perdre sa compétence. Par ailleurs, il ne ressort aucunement dudit règlement que le législateur communautaire ait entendu limiter cette délégation de compétence à la Commission en ce sens que cette dernière ne pourrait plus agir si le Conseil lui-même était en mesure de prendre les mesures nécessaires.

(cf. points 19-20)

2.
La Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans des situations impliquant la nécessité d’évaluer tant une situation complexe que la nature ou la portée des mesures à prendre. Dès lors, en contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner s’il n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.
En décidant d’arrêter des mesures tendant non pas à interdire la capture du merlu ou à prohiber l’accès des navires de pêche à certaines zones géographiques déterminées, mais seulement à limiter le nombre de captures autorisées et à augmenter le maillage des filets utilisés à cette fin, la Commission a pleinement pris en compte tant la nécessité de protéger de manière appropriée les ressources aquatiques vivantes et de l’aquaculture que l’intérêt du secteur de la pêche à assurer son développement à long terme. En effet, une interdiction totale de capture aurait été susceptible d’entraîner des conséquences préjudiciables beaucoup plus importantes non seulement pour les pêcheurs de merlu, mais également pour les pêcheurs d’autres espèces, la pêche au merlu relevant traditionnellement de pêcheries mixtes.

(cf. points 23-24)

3.
Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.
La dérogation prévue, en faveur des navires de petite taille, à l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 1162/2001, instituant des mesures visant à reconstituer le stock de merlu dans les sous-zones CIEM III, IV, V, VI et VII et les divisions CIEM VIII a, b, d et e ainsi que les conditions associées pour le contrôle des activités des navires de pêche, selon laquelle les conditions fixées au paragraphe 1 dudit article, concernant la proportion de merlu capturé et détenu à bord de tout navire équipé de tout type d’engin remorqué d’un maillage compris entre 55 et 99 mm, ne s’appliquent pas aux navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 m, pour autant qu’ils rentrent au port dans les 24 heures suivant leur plus récente sortie du port, ne saurait être considérée comme constitutive d’une discrimination entre ces navires et les navires excédant cette longueur. En effet, les navires de petite taille se trouvent, objectivement, dans une situation différente de celle des autres navires. D’une part, en effet, leurs possibilités de pêche sont, par la force des choses, limitées aux zones côtières puisque, à la différence des navires de dimension ou de tonnage plus élevés, les navires de petite taille ne sont normalement pas en mesure d’accéder aux zones de pêche situées en haute mer. D’autre part, l’activité de ces derniers navires se caractérise également par son caractère «opportuniste» dans la mesure où ils capturent les espèces de poissons présentes dans les zones qu’ils parcourent et, en règle générale, leur activité de pêche n’est pas ciblée sur une seule espèce de poissons.

(cf. points 31, 33-34)

4.
Si la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, il n’est pas exigé, en revanche, que cette motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Il en est d’autant plus ainsi lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte.
Par ailleurs, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et, s’agissant d’actes de portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution.

(cf. points 50-51)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
9 septembre 2004(1)


«Politique commune de la pêche – Règlement (CE) n° 1162/2001 – Reconstitution du stock de merlu – Contrôle des activités des navires de pêche – Choix de la base juridique – Principe de non-discrimination – Obligation de motivation»

Dans l'affaire C-304/01, ayant pour objet un recours en annulation au titre de l'article 230 CE,

Royaume d'Espagne, représenté initialement par Mme R. Silva de Lapuerta, puis par Mme N. Díaz Abad, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn et Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,



LA COUR (deuxième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 novembre 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par sa requête, le royaume d’Espagne demande l’annulation du règlement (CE) n° 1162/2001 de la Commission, du 14 juin 2001, instituant des mesures visant à reconstituer le stock de merlu dans les sous-zones CIEM III, IV, V, VI et VII et les divisions CIEM VIII a, b, d et e ainsi que les conditions associées pour le contrôle des activités des navires de pêche (JO L 159, p. 4, ci-après le «règlement attaqué»).


Le cadre juridique

Le règlement (CEE) n° 3760/92

2
L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3760/92 du Conseil, du 20 décembre 1992, instituant un régime communautaire de la pêche et de l’aquaculture (JO L 389, p. 1), en vigueur à la date d’introduction du présent recours, énonçait:

«En ce qui concerne les activités d’exploitation, les objectifs généraux de la politique commune de la pêche sont de protéger et de conserver les ressources aquatiques marines vivantes, disponibles et accessibles, et de prévoir une exploitation rationnelle et responsable sur une base durable, dans des conditions économiques et sociales appropriées pour le secteur, compte tenu de ses conséquences pour l’écosystème marin et compte tenu notamment des besoins à la fois des producteurs et des consommateurs.

À cet effet, un régime communautaire de gestion des activités d’exploitation est établi, qui doit permettre d’atteindre de façon durable un équilibre entre les ressources et l’exploitation dans les différentes zones de pêche.»

3
Ainsi qu’il ressort des termes mêmes du règlement n° 3760/92, les modalités essentielles de ce régime sont arrêtées par le Conseil de l’Union européenne statuant, sauf dispositions contraires, selon la procédure prévue à l’article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE). Dans certaines hypothèses, toutefois, la Commission est également habilitée à prendre des mesures d’urgence.

4
Il ressort ainsi du dix-huitième considérant dudit règlement «qu’il convient de prévoir l’adoption de mesures d’urgence en cas de perturbation grave susceptible de mettre en péril les objectifs de la conservation des ressources».

5
À cet égard, l’article 15 du règlement n° 3760/92 dispose:

«1.     En cas de perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources, la Commission, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, arrête les mesures nécessaires, qui ne peuvent durer plus de six mois. Les mesures sont communiquées aux États membres et au Parlement européen et sont immédiatement applicables.

2.       Si la Commission a été saisie d’une demande par un État membre, elle statue à son sujet dans un délai de dix jours ouvrables.

3.       Les États membres peuvent saisir le Conseil de la décision prise par la Commission conformément au paragraphe 1 dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de la décision.

4.        Le Conseil peut, à la majorité qualifiée, prendre une décision différente dans le délai d’un mois.»

Le règlement attaqué

6
Le règlement attaqué a été adopté sur le fondement de l’article 15 du règlement n° 3760/92. Cette adoption est consécutive aux avertissements lancés, en novembre 2000, par le Conseil international pour l’exploration de la mer (ci-après le «CIEM»), concernant les risques d’effondrement du stock septentrional de merlu, ainsi qu’à une réunion du Conseil «Pêche» des 14 et 15 décembre 2000, au cours de laquelle le Conseil et la Commission ont estimé qu’il était urgent de mettre en place un plan de reconstitution dudit stock.

7
Ainsi qu’il ressort de son quatrième considérant, le règlement attaqué a pour objectif de «réduire immédiatement les prises de merlu juvénile en imposant un accroissement général du maillage des filets remorqués utilisés pour la capture du merlu […], [en] délimitant des zones géographiques abritant un grand nombre de merlus juvéniles, dans lesquelles la pêche au filet remorqué ne sera autorisée qu’au moyen d’engins à larges mailles, [et en] définissant des conditions supplémentaires visant à réduire les captures de merlu juvénile effectuées par les chalutiers à perche.»

8
Dans cette perspective, l’article 2 du règlement attaqué dispose:

«1.     Nonobstant les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 15 du règlement (CE) n° 850/98, la proportion de merlu (Merluccius merluccius) capturé et détenu à bord de tout navire équipé de tout type d’engin remorqué d’un maillage compris entre 55 et 99 mm ne peut excéder 20 %, en poids, du total des captures d’organismes marins détenues à bord.

2.       Les conditions fixées au paragraphe 1 ne s’appliquent pas aux navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 m, pour autant qu’ils rentrent au port dans les vingt-quatre heures suivant leur plus récente sortie du port.»

9
Les articles 3 à 5 du règlement attaqué énoncent un ensemble de règles additionnelles relatives à la constitution du maillage des chaluts et des filets utilisés dans les zones couvertes par ce règlement et à la délimitation des zones géographiques bénéficiant d’une protection particulière en raison de l’abondance de merlus juvéniles, tandis que les articles 6 à 13 dudit règlement comportent certaines règles destinées à garantir, d’une part, l’obtention de données fiables relatives aux captures ainsi qu’aux débarquements de merlu et, d’autre part, le respect des mesures de conservation ainsi édictées. Parmi ces dernières règles figure, notamment, celle relative à la présence d’observateurs à bord des navires de pêche communautaires battant pavillon d’un État membre et celle relative à l’obligation de débarquer les captures de merlu dans des ports désignés à cet effet.


Les faits à l’origine du recours et les moyens invoqués à l’appui de celui-ci

10
Faisant usage de la faculté qui lui était reconnue par l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 3760/92, le royaume d’Espagne a, par lettre du 21 juin 2001, saisi le Conseil d’une proposition de modification du règlement attaqué. Fondée sur le caractère prétendument discriminatoire de la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, dudit règlement, cette proposition visait à la suppression pure et simple de cette disposition en vue d’offrir les mêmes conditions de pêche à tous les chalutiers, indépendamment de leur longueur et de la durée de leurs sorties.

11
La proposition espagnole a été examinée, dans un premier temps, par le groupe «Politique intérieure de la pêche» du Conseil, lors de sa réunion du 28 juin 2001, puis par le Comité des représentants permanents, lors de sa réunion du 11 juillet suivant, mais elle a finalement été rejetée par le Conseil le 20 juillet 2001, aucun autre État membre ne l’ayant appuyée.

12
Estimant qu’un tel rejet était de nature à léser ses intérêts, le royaume d’Espagne a introduit le présent recours dans le cadre duquel il soulève trois moyens tirés, respectivement, du caractère erroné de la base juridique retenue et d’un défaut de compétence de la Commission pour l’adoption du règlement attaqué, d’une violation du principe de non-discrimination ainsi que d’un défaut de motivation de ce règlement.


Sur le recours

Sur le premier moyen

13
Par son premier moyen, le royaume d’Espagne conteste, en substance, la compétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué. Selon le gouvernement espagnol, en effet, l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 3760/92 – qui constitue l’unique base juridique du règlement attaqué – attribue à la Commission une compétence normative limitée que cette institution ne peut exercer que dans les cas et aux conditions prévus par cette disposition, à savoir, essentiellement, lorsqu’il existe des perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources, que les mesures adoptées par la Commission présentent un caractère nécessaire et que la durée de validité desdites mesures soit limitée à six mois. Or, en l’espèce, deux de ces conditions feraient défaut. Si le gouvernement espagnol ne conteste pas la situation critique du stock de merlu, il soutient néanmoins que les mesures d’urgence édictées par le règlement attaqué (ci-après les «mesures litigieuses») ne présentent pas le caractère nécessaire exigé par l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 3760/92 et ne s’appliquent pas de manière limitée dans le temps.

14
S’agissant, en premier lieu, du caractère nécessaire des mesures adoptées au titre de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 3760/92, le gouvernement espagnol relève que cette condition doit être interprétée en ce sens qu’elle implique l’adoption de mesures urgentes et exceptionnelles pour pallier les difficultés du secteur de pêche concerné. Or, en l’espèce, les mesures litigieuses ne satisferaient nullement à ces exigences puisque le règlement attaqué a été adopté six mois après que le Conseil et la Commission eurent décrété l’urgence de la mise en œuvre d’un plan de reconstitution du stock de merlu. Il s’ensuit que, au cours de cette période de six mois, le Conseil aurait eu tout loisir d’arrêter les mesures de conservation nécessaires conformément aux règles ordinaires et, notamment, en suivant la procédure prévue à l’article 4 du règlement n° 3760/92, sans qu’il soit indispensable de recourir à la procédure dérogatoire prévue à l’article 15 de celui-ci.

15
Le gouvernement espagnol émet par ailleurs des doutes quant à l’efficacité même des mesures litigieuses. Il soutient, à cet égard, que l’interdiction d’accès à certaines zones de pêche ou l’interdiction de pêcher une espèce de poissons déterminée auraient été des mesures beaucoup plus aptes à éviter des dommages irréversibles au stock de merlu que des mesures – de surcroît coûteuses pour les pêcheurs comme pour les États membres – telles que l’augmentation du maillage des filets ou la désignation expresse des ports de débarquement.

16
S’agissant, en second lieu, de la condition relative à la limitation dans le temps de la mise en œuvre des mesures adoptées par la Commission, le gouvernement espagnol relève qu’elle fait également défaut en l’espèce puisque le règlement attaqué ne contiendrait aucune disposition limitant la durée de son application dans le temps.

17
À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, s’il ressort de la lecture du règlement n° 3760/92 que le Conseil est, en principe, l’institution compétente pour adopter les mesures nécessaires aux fins d’instituer un régime communautaire de la pêche et de l’aquaculture et, notamment, en application de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, aux fins d’arrêter les mesures communautaires fixant les conditions d’accès aux zones et aux ressources ainsi que les conditions d’exercice des activités d’exploitation, la Commission est néanmoins compétente, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, pour arrêter les mesures qui s’imposent «[e]n cas de perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources». Cette compétence, qui peut être exercée à la demande d’un État membre ou à l’initiative même de la Commission, répond aux préoccupations exprimées dans le dix-huitième considérant du règlement susmentionné, aux termes duquel il convient de prévoir l’adoption de mesures d’urgence «en cas de perturbation grave susceptible de mettre en péril les objectifs de la conservation des ressources».

18
En l’espèce, le gouvernement espagnol ne conteste pas l’existence même d’une telle perturbation, la situation critique du stock septentrional de merlu ayant été confirmée tant au niveau communautaire, par le Conseil et la Commission, que sur le plan international, par le CIEM. Ses critiques portent sur la lenteur de la procédure ayant conduit à l’adoption des mesures litigieuses et le caractère inapproprié de celles-ci ainsi que sur l’insécurité juridique liée à l’absence, dans le règlement attaqué, de précisions concernant la durée de validité de ces mesures.

19
En ce qui concerne la première branche de ce moyen, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort notamment des termes mêmes de son deuxième considérant, le règlement n° 3760/92 vise à garantir une exploitation rationnelle et responsable des ressources aquatiques vivantes ainsi que de l’aquaculture, tout en reconnaissant, par ailleurs, tant l’intérêt du secteur de la pêche à assurer son développement à long terme ainsi que ses conditions économiques et sociales que l’intérêt des consommateurs. Eu égard à ces finalités, il n’y a aucune raison d’interpréter de manière restrictive l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, en vertu duquel le Conseil a délégué à la Commission la compétence pour prendre les mesures nécessaires en cas de perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources.

20
Si les conditions auxquelles le Conseil a subordonné l’exercice de cette compétence par la Commission, ainsi, par ailleurs, que les termes mêmes du dix-huitième considérant du règlement n° 3760/92, font apparaître que la Commission doit adopter les mesures nécessaires dans les meilleurs délais, l’article 15 de ce règlement ne soumet toutefois pas l’exercice de cette compétence à une condition spécifique d’urgence. Il ne prévoit pas davantage, dans un cas tel que celui de l’espèce où la Commission n’a pas été saisie d’une demande d’un État membre, un délai précis dans lequel la Commission devrait agir sous peine de perdre sa compétence. Par ailleurs, il ne ressort aucunement dudit règlement que le législateur communautaire ait entendu limiter cette délégation de compétence à la Commission en ce sens que cette dernière ne pourrait plus agir si le Conseil lui-même était en mesure de prendre les mesures nécessaires.

21
En l’espèce, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir retardé inutilement l’adoption des mesures litigieuses. En effet, il est constant que la Commission a engagé, dès le mois de janvier 2001 − soit quelques semaines à peine après que le Conseil et la Commission eurent décrété l’urgence qu’il y avait à établir un plan de reconstitution du stock de merlu −, les discussions nécessaires en vue de parvenir à un accord sur la nature des mesures à prendre et que ces discussions, auxquelles le gouvernement espagnol a d’ailleurs été étroitement associé, se sont poursuivies jusqu’à l’adoption du règlement attaqué. En outre, il est constant que, à la date à laquelle lesdites mesures ont été adoptées, les conditions de perturbations graves et imprévues susceptibles de mettre en péril la conservation des ressources étaient toujours réunies, le stock septentrional de merlu se situant encore à un niveau critique.

22
Pour ces motifs, la thèse du gouvernement espagnol selon laquelle la Commission, au vu du retard pris par l’adoption des mesures en cause, aurait perdu la compétence qui lui est conférée par l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 3760/92, ne saurait être accueillie.

23
Par ailleurs, dans la mesure où, par la première branche du premier moyen, le gouvernement espagnol entend contester la nécessité des mesures litigieuses, en mettant en cause l’efficacité de celles-ci, il y a lieu de constater que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans des situations telles que celle de l’espèce, impliquant la nécessité d’évaluer tant une situation complexe que la nature ou la portée des mesures à prendre. Dès lors, en contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner s’il n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir en ce sens, notamment, arrêts du 19 février 1998, NIFPO et Northern Ireland Fishermen’s Federation, C-4/96, Rec. p. I-681, points 41 et 42; du 5 octobre 1999, Espagne/Conseil, C-179/95, Rec. p. I-6475, point 29, et du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C-120/99, Rec. p. I-7997, point 44).

24
En l’espèce, le gouvernement espagnol n’a pas établi que la Commission aurait commis une telle erreur ou un tel détournement dans l’exercice de sa compétence ou encore qu’elle aurait outrepassé, de manière manifeste, les limites de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, en décidant d’arrêter des mesures tendant non pas à interdire la capture du merlu ou à prohiber l’accès des navires de pêche à certaines zones géographiques déterminées, mais seulement à limiter le nombre de captures autorisées et à augmenter le maillage des filets utilisés à cette fin, la Commission a, au contraire, pleinement pris en compte tant la nécessité de protéger de manière appropriée les ressources aquatiques vivantes et de l’aquaculture que l’intérêt du secteur de la pêche à assurer son développement à long terme. En effet, une interdiction totale de capture aurait été susceptible d’entraîner des conséquences préjudiciables beaucoup plus importantes non seulement pour les pêcheurs de merlu, mais également pour les pêcheurs d’autres espèces, la pêche au merlu relevant traditionnellement, ainsi que le fait valoir la Commission sans être contredite sur ce point par le gouvernement espagnol, de pêcheries mixtes.

25
Il découle de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

26
En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, selon laquelle la Commission aurait outrepassé ses pouvoirs et méconnu le principe de sécurité juridique dans la mesure où aucune des dispositions du règlement attaqué ne préciserait la durée de validité des mesures litigieuses, il y a lieu de constater que rien, dans ledit règlement, ne permet d’accréditer la thèse selon laquelle ces mesures auraient une durée de validité supérieure à six mois.

27
Le règlement attaqué est en effet fondé expressément sur l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 3760/92, lequel énonce clairement que les mesures adoptées par la Commission «ne peuvent durer plus de six mois». En l’absence d’une disposition expresse en sens contraire – et alors même que la Commission aurait dû préciser de manière expresse la durée de validité du règlement attaqué – une telle durée correspond nécessairement, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 35 de ses conclusions, à une période de six mois calculée à compter de l’entrée en vigueur des mesures litigieuses, ce délai étant le délai maximal autorisé par ladite disposition du règlement n° 3760/92, laquelle constitue l’unique fondement du règlement attaqué.

28
Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que la Commission était compétente pour adopter le règlement attaqué.

29
En conséquence, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen

30
Par son deuxième moyen, le royaume d’Espagne conteste la distinction opérée par la Commission, à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué, entre les navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres – pour autant qu’ils rentrent au port dans les 24 heures suivant leur plus récente sortie du port – et les navires excédant cette longueur. Selon le gouvernement espagnol, cette distinction revêt un caractère discriminatoire dans la mesure où elle lèse plus fortement la flotte de pêche espagnole que les flottes des autres États membres. En raison de la distance importante entre les côtes espagnoles et les zones de pêche au merlu concernées par le règlement attaqué, les pêcheurs espagnols ne pourraient en effet utiliser que des navires d’une longueur hors tout supérieure à 12 mètres, réalisant des sorties de plus de 24 heures, tandis que les pêcheurs des autres États membres, dont les côtes sont plus proches desdites zones de pêche, pourraient exercer leur activité avec des navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres et bénéficier, de ce fait, de la dérogation prévue audit article 2, paragraphe 2.

31
À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

32
En l’espèce, le traitement réservé aux navires d’une longueur hors tout supérieure à 12 mètres diffère de celui dont bénéficient les navires d’une longueur hors tout inférieure à ce chiffre pour autant que ces derniers rentrent au port dans les 24 heures suivant leur plus récente sortie. Les parties au litige s’opposent tant sur la comparabilité des situations auxquelles ledit traitement s’applique que, surtout, sur la question de savoir si ce traitement différencié peut être justifié par des facteurs objectifs.

33
En ce qui concerne la comparabilité des situations visées par le règlement attaqué, ainsi que la Commission l’a fait valoir, les navires de petite taille se trouvent, objectivement, dans une situation différente de celle des autres navires. D’une part, en effet, leurs possibilités de pêche sont, par la force des choses, limitées aux zones côtières puisque, à la différence des navires de dimension ou de tonnage plus élevés, les navires de petite taille ne sont normalement pas en mesure d’accéder aux zones de pêche situées en haute mer. D’autre part, l’activité de ces derniers navires se caractérise également par son caractère «opportuniste» dans la mesure où ils capturent les espèces de poissons présentes dans les zones qu’ils parcourent et, en règle générale, leur activité de pêche n’est pas ciblée sur une seule espèce de poissons.

34
Il s’ensuit que, dans cette mesure, la situation des navires de petite taille ne saurait être considérée comme comparable à celle des navires de taille plus élevée.

35
En ce qui concerne la justification de la différence de traitement que le règlement attaqué réserve aux deux catégories de navires, la Commission fait valoir que l’application du régime prévu par le règlement attaqué aux navires de petite taille aurait contraint les entreprises concernées à équiper leurs navires de filets de pêche d’un maillage égal ou supérieur à 100 mm, ce qui aurait entraîné non seulement des investissements économiques considérables pour les propriétaires de ces petits navires, mais aurait également pu provoquer des captures inférieures d’autres espèces de poissons, mettant ainsi en cause la survie même des entreprises concernées. Imposer, dans ces circonstances, un tel régime aux navires de petite taille eût dès lors été disproportionné eu égard, également, au caractère provisoire des mesures litigieuses, la durée d’application de celles-ci étant limitée à six mois.

36
Au vu de tels facteurs d’ordre socio-économique, la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué en faveur des navires de petite taille était donc objectivement justifiée selon la Commission, et ce d’autant plus que le niveau total des captures de merlu réalisées par cette catégorie de navires est peu élevé. La Commission soutient, à cet égard, que celles-ci s’élèvent au maximum à 4 % du total des captures de cette espèce.

37
Le gouvernement espagnol conteste pour sa part la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué en invoquant son absence de fondement technique, le maillage des filets n’ayant, selon lui, aucun rapport avec la longueur des navires et les captures réalisées par les navires de petite taille étant par ailleurs davantage susceptibles de nuire à la conservation du stock de merlu que celles réalisées par les navires d’une longueur hors tout supérieure à 12 mètres.

38
Le premier argument du gouvernement espagnol ne saurait être retenu. En effet, ainsi qu’il découle des observations de la Commission, les arguments qu’elle a invoqués pour justifier ladite dérogation ne sont pas fondés sur une quelconque relation entre la longueur des navires et le maillage de leurs filets, mais se rapportent aux conséquences néfastes que l’application intégrale du régime prévu par le règlement attaqué était susceptible d’entraîner pour les navires de petite taille au regard de la nature spécifique de la pêche qu’ils pratiquent.

39
En ce qui concerne le second argument invoqué par le gouvernement espagnol, celui-ci n’a fourni aucune preuve convaincante à l’appui de son affirmation selon laquelle les captures réalisées par les navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres mettraient davantage en péril l’objectif de conservation du stock de merlu que les captures effectuées par les navires d’une longueur supérieure à ce chiffre.

40
En effet, si la Commission a précisé, lors de l’audience, qu’elle partageait le point de vue du gouvernement espagnol selon lequel il y aurait une plus forte concentration de merlu juvénile dans les zones côtières, fréquentées par les navires de petite taille, que dans les zones plus éloignées de ces côtes, elle a également réitéré la thèse soutenue dans ses écrits selon laquelle les captures de merlu effectuées par les navires visés par la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué ne représenteraient qu’une part très faible, soit au maximum 4 %, du total des captures de cette espèce.

41
Or, interrogé expressément à ce sujet lors de l’audience, le gouvernement espagnol, tout en contestant le pourcentage avancé par la Commission, n’a pas été en mesure de produire d’autres données chiffrées relatives aux captures de merlu. Il s’est contenté, à cet égard, de déclarer que, en Espagne, il n’existait pas de navires de moins de 12 mètres susceptibles de bénéficier de ladite dérogation et que, en conséquence, l’évaluation des captures effectuées par ce type de navires devait être faite par l’État de pavillon de ceux-ci.

42
Dans ces conditions, il convient de rejeter l’affirmation selon laquelle les captures effectuées par les navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres mettraient davantage en péril la conservation du stock de merlu que celles réalisées par les navires de plus grande dimension.

43
Il découle de ce qui précède que le gouvernement espagnol n’a pu infirmer ni la thèse de la Commission selon laquelle la situation des navires de petite taille n’est pas comparable à celle des navires de taille plus élevée, ni les arguments que la Commission a invoqués pour démontrer que le traitement différent de ces deux catégories de navires était justifié par des facteurs objectifs. Dans ces conditions, le gouvernement espagnol n’a pas été en mesure d’établir la nature discriminatoire de la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué.

44
Cette constatation, au demeurant, est corroborée par un ensemble d’éléments complémentaires résultant du dossier soumis à l’examen de la Cour.

45
Il convient tout d’abord de relever que, en limitant le champ d’application de la dérogation aux navires de petite taille qui rentrent au port dans les 24 heures suivant leur plus récente sortie du port, la Commission a pris une mesure de nature à garantir que le bénéfice de la dérogation adoptée reste limité aux seuls navires auxquels s’appliquent effectivement les motifs qui la justifient, à savoir les navires dont les activités de pêche restent nécessairement limitées aux zones côtières et qui pratiquent une pêche de nature «opportuniste».

46
Contrairement aux allégations du gouvernement espagnol selon lesquelles la flotte espagnole serait spécifiquement pénalisée par le règlement attaqué, il convient ensuite de constater que les flottes d’autres États membres se trouvent dans une situation comparable à celle de la flotte espagnole dans la mesure où la distance à parcourir pour accéder aux zones concernées par le règlement attaqué est également trop importante pour que les navires de petite taille battant pavillon de ces États puissent bénéficier de la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué. Il s’agit notamment, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, des flottes belge et néerlandaise.

47
Enfin, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, les pêcheurs espagnols propriétaires de navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres ne pourraient pas être visés par les mesures litigieuses puisqu’il résulte tant de l’intitulé du règlement attaqué que de l’article 1er de celui-ci, relatif à son champ d’application territorial, qu’il n’est pas applicable aux divisions CIEM VIII c et IX a et b, lesquelles correspondent, en pratique, aux zones situées au large des côtes espagnoles et portugaises. Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 48 et 50 de ses conclusions, les navires espagnols de petite taille pourraient dès lors opérer normalement dans lesdites zones, dans la limite des quotas alloués au royaume d’Espagne.

48
Au regard des motifs qui précèdent, il convient donc de rejeter, dans son ensemble, le moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination.

Sur le troisième moyen

49
Par son troisième moyen, le royaume d’Espagne invoque une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE. Il fait valoir, à cet égard, que le règlement attaqué ne comporte, dans ses considérants, aucune explication en ce qui concerne les raisons ayant conduit la Commission à faire une différence entre les navires de moins de 12 mètres de longueur et ceux d’une longueur hors tout supérieure à 12 mètres, alors qu’il n’y aurait, en l’espèce, aucun rapport direct entre le maillage des filets ou des chaluts et la longueur hors tout des navires de pêche et que la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement ne serait pas une mesure favorisant, de manière spécifique, la conservation des stocks de merlu.

50
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si, en vertu d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts Italie/Conseil, précité, point 28, et du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil, C-445/00, non encore publié au Recueil, point 49), il n’est pas exigé, en revanche, que cette motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Il en est d’autant plus ainsi lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte (voir, notamment, arrêts précités Italie/Conseil, point 29, et Autriche/Conseil, point 99, ainsi que du 6 novembre 2003, Pays-Bas/Commission, C-293/00, non encore publié au Recueil, points 55 et 56).

51
Il ressort par ailleurs également d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dans ce contexte, la Cour a précisé, notamment, qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution (voir, notamment, arrêts du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil, C-168/98, Rec. p. I-9131, point 62, et du 9 septembre 2003, Kik, C-361/01 P, non encore publié au Recueil, point 102).

52
Or, il ne saurait être contesté que tel est précisément le cas en l’espèce. D’une part, en effet, la Commission a clairement exposé, dans le quatrième considérant du règlement attaqué, l’objectif poursuivi par ce dernier et les moyens envisagés pour mettre en œuvre cet objectif.

53
D’autre part, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 21 du présent arrêt, le gouvernement espagnol a été associé de manière étroite aux discussions et aux consultations ayant précédé l’adoption du règlement attaqué, de sorte qu’il connaissait, de manière précise, tant les raisons ayant conduit à l’adoption de celui-ci que les mesures envisagées par la Commission pour enrayer l’effondrement du stock de merlu, cette dernière ayant au demeurant tenu compte des difficultés particulières que ces mesures pouvaient causer à certains groupes de pêcheurs.

54
Dans ces conditions, la Commission n’était pas tenue d’expliciter, dans les considérants du règlement attaqué, les motifs de nature à justifier la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, de celui-ci en faveur des navires d’une longueur hors tout inférieure à 12 mètres.

55
Au regard des considérations qui précèdent, il convient donc de rejeter également le troisième moyen comme non fondé.

56
Aucun des trois moyens invoqués par le royaume d’Espagne au soutien de son recours n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son ensemble.


Sur les dépens

57
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume d’Espagne et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
Le royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Signatures


1
Langue de procédure: l'espagnol.

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