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Document 62001CJ0014

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 6 mars 2003.
Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG contre Bezirksregierung Hannover.
Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Hannover - Allemagne.
Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Régime d'aides au lait écrémé - Validité du règlement (CE) nº 2799/1999 - Compétence de la Commission [article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1255/1999] - Principe de non-discrimination (article 34, paragraphe 2, CE) - Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Affaire C-14/01.

Recueil de jurisprudence 2003 I-02279

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2003:128

62001J0014

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 6 mars 2003. - Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG contre Bezirksregierung Hannover. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Hannover - Allemagne. - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Régime d'aides au lait écrémé - Validité du règlement (CE) nº 2799/1999 - Compétence de la Commission [article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1255/1999] - Principe de non-discrimination (article 34, paragraphe 2, CE) - Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. - Affaire C-14/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-02279


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties


Dans l'affaire C-14/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Verwaltungsgericht Hannover (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG

et

Bezirksregierung Hannover,

une décision à titre préjudiciel sur la validité du règlement (CE) n_ 2799/1999 de la Commission, du 17 décembre 1999, portant modalités d'application du règlement (CE) n_ 1255/1999 en ce qui concerne l'octroi d'une aide au lait écrémé et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux et la vente dudit lait écrémé en poudre (JO L 340, p. 3),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de M. R. Schintgen, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, M. V. Skouris (rapporteur), Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG, par Mes U. Schrömbges et L. Harings, Rechtsanwälte,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Braun et M. Niejahr, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG et de la Commission à l'audience du 21 mars 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 juin 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 6 décembre 2000, parvenue au greffe de la Cour le 12 janvier 2001, le Verwaltungsgericht Hannover a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur la validité du règlement n_ 2799/1999 de la Commission, du 17 décembre 1999, portant modalités d'application du règlement (CE) n_ 1255/1999 en ce qui concerne l'octroi d'une aide au lait écrémé et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux et la vente dudit lait écrémé en poudre (JO L 340, p. 3).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Molkerei Wagenfeld Karl Niemann GmbH & Co. KG (ci-après «Niemann») à la Bezirksregierung Hannover (gouvernement régional du Hanovre) au sujet d'une demande formée par Niemann en vue de l'octroi d'une aide au lait écrémé pour l'alimentation des animaux.

Le cadre juridique

3 L'article 34, paragraphe 1, CE prévoit:

«En vue d'atteindre les objectifs prévus à l'article 33, il est établi une organisation commune des marchés agricoles.

Suivant les produits, cette organisation prend l'une des formes ci-après:

a) des règles communes en matière de concurrence,

b) une coordination obligatoire des diverses organisations nationales de marché,

c) une organisation européenne du marché.»

4 Aux termes de l'article 34, paragraphe 2, CE:

«L'organisation commune sous une des formes prévues au paragraphe 1 peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l'article 33, notamment des réglementations des prix, des subventions tant à la production qu'à la commercialisation des différents produits, des systèmes de stockage et de report, des mécanismes communs de stabilisation à l'importation ou à l'exportation.

Elle doit se limiter à poursuivre les objectifs énoncés à l'article 33 et doit exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté.

[$]»

5 L'article 10 du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p.13), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n_ 1587/96 du Conseil, du 30 juillet 1996 (JO L 206, p. 21, ci-après le «règlement n_ 804/68»), disposait:

«1. Des aides sont accordées au lait écrémé et au lait écrémé en poudre utilisés pour l'alimentation des animaux, si ces produits répondent à certaines conditions. Sont assimilés au lait écrémé et au lait en poudre, au sens du présent article, le babeurre et le babeurre en poudre.

2. Les règles générales régissant les aides visées au présent article, et notamment les conditions de mise en application de ces aides, sont déterminées par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission selon la procédure de vote prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité.

3. Les modalités d'application du présent article, et notamment le montant des aides, sont déterminées selon la procédure prévue à l'article 30.»

6 Sur le fondement de l'article 10, paragraphe 2, du règlement n_ 804/68, le Conseil a, par la suite, adopté le règlement (CEE) n_ 986/68, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales relatives à l'octroi des aides pour le lait écrémé et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux (JO L 169, p. 4).

7 Afin de fixer les modalités d'application desdites règles générales, la Commission a procédé à l'adoption de trois règlements distincts. Parmi ceux-ci, figurait le règlement (CEE) n_ 1105/68 de la Commission, du 27 juillet 1968, relatif aux modalités d'octroi des aides pour le lait écrémé destiné à l'alimentation des animaux (JO L 184, p. 24), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n_ 1802/95 de la Commission, du 25 juillet 1995, ajustant et modifiant les règlements du secteur du lait et des produits laitiers qui ont fixé avant le 1er février 1995 certains prix et montants dont les valeurs en écus ont été adaptées en raison de la suppression du facteur de correction des taux de conversion agricoles (JO L 174, p. 27, ci-après le «règlement n_ 1105/68»). Ce règlement précisait les modalités d'octroi des aides pour le lait écrémé à l'état liquide destiné à l'alimentation des animaux.

8 Le règlement n_ 804/68 a été remplacé, avec effet au 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n_ 1255/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 160, p. 48). Le règlement n_ 1255/1999 a également abrogé le règlement n_ 986/68.

9 Aux termes de l'article 10 du règlement n_ 1255/1999:

«Sont arrêtés, selon la procédure prévue à l'article 42:

a) les modalités d'application du présent chapitre et, en particulier, les modalités de détermination des prix de marché du beurre;

b) les montants de l'aide pour le stockage privé visé au présent chapitre;

c) les autres décisions et mesures pouvant être adoptées par la Commission en vertu du présent titre.»

10 L'article 11 du règlement n_ 1255/1999 dispose:

«1. Des aides sont accordées au lait écrémé et au lait écrémé en poudre utilisés pour l'alimentation des animaux, si ces produits satisfont à certaines conditions.

Sont assimilés au lait écrémé et au lait écrémé en poudre, au sens du présent article, le babeurre et le babeurre en poudre.

2. Le montant des aides est fixé compte tenu des facteurs suivants:

- le prix d'intervention du lait écrémé en poudre,

- l'évolution de la situation en matière d'approvisionnement de lait écrémé et de lait écrémé en poudre et l'évolution de l'utilisation de ces produits dans l'alimentation animale,

- le cours des prix du veau,

- le cours des prix de marché des protéines concurrentes par comparaison avec ceux du lait écrémé en poudre.»

11 L'article 15 du règlement n_ 1255/1999 prévoit:

«Sont arrêtés, selon la procédure prévue à l'article 42:

a) les modalités d'application du présent chapitre et, en particulier, les conditions auxquelles peuvent être accordées les aides qui y sont prévues;

b) le montant des aides visées au présent chapitre;

c) la liste des produits visés à l'article 13, point d), et à l'article 14, paragraphe 1;

d) les autres décisions et mesures pouvant être adoptées par la Commission en vertu du présent chapitre.»

12 Aux termes de l'article 42 du règlement n_ 1255/1999:

«1. Dans le cas où il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité est saisi par son président, soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre.

2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 205, paragraphe 2, du traité pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants des États membres sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3. La Commission arrête des mesures qui sont immédiatement applicables. Toutefois, si elles ne sont pas conformes à l'avis émis par le comité, ces mesures sont aussitôt communiquées par la Commission au Conseil. Dans ce cas, la Commission peut différer d'une période de un mois au plus à compter de la date de cette communication l'application des mesures décidées par elle.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre une décision différente dans le délai de un mois.»

13 Le règlement n_ 2799/1999 a été adopté sur le fondement des articles 10 et 15 du règlement n_ 1255/1999.

14 Le règlement n_ 1105/68 a été abrogé par le règlement n_ 2799/1999. À cet égard, le onzième considérant de celui-ci énonce que «l'expérience acquise montre que le régime d'aide prévu par le règlement [...] n_ 1105/68 [...] pose de nombreux problèmes en ce qui concerne sa mise en oeuvre et le contrôle des bénéficiaires. En outre, les quantités de lait écrémé bénéficiant de cette mesure ont fortement diminué ces dernières années, à tel point que l'impact de ce régime d'aide sur l'équilibre du marché laitier est devenu marginal. Par ailleurs, le soutien du marché du lait écrémé restera assuré grâce à l'aide octroyée pour sa transformation en aliments composés pour animaux. Il est dès lors opportun de supprimer la mesure d'aide prévue par le règlement [...] n_ 1105/68 et d'abroger ledit règlement».

15 L'article 8 du règlement n_ 2799/1999 dispose:

«Pour bénéficier de l'aide, le lait écrémé et le lait écrémé en poudre doivent respecter les conditions suivantes:

a) être utilisés dans une entreprise agréée conformément à l'article 9:

i) en l'état ou après incorporation préalable dans un mélange pour la fabrication d'aliments composés

ou

ii) en l'état pour la fabrication de lait écrémé en poudre dénaturé;

b) ne pas bénéficier d'une aide ou d'une réduction de prix en vertu d'autres mesures communautaires.»

16 L'article 9, paragraphe 1, du règlement n_ 2799/1999 prévoit:

«Une entreprise qui produit des mélanges, des aliments composés ou du lait écrémé en poudre dénaturé doit être agréée à cette fin par l'organisme compétent de l'État membre sur le territoire duquel la production a lieu.»

17 Conformément à son article 38, premier alinéa, le règlement n_ 2799/1999 est entré en vigueur le 1er janvier 2000.

Le litige au principal et la question préjudicielle

18 Le 8 janvier 2000, Niemann a présenté une demande à la Bezirksregierung Hannover en vue de l'octroi d'une aide relative à une quantité de lait écrémé à l'état liquide pour le mois de janvier 2000.

19 Par décision du 13 janvier 2000, la Bezirksregierung Hannover a rejeté cette demande au motif que, à la suite de l'adoption du règlement n_ 2799/1999, il n'existait plus de base légale pour l'octroi de l'aide sollicitée au titre de la période postérieure au 31 décembre 1999.

20 Niemann a introduit un recours administratif contre cette décision de rejet, dans lequel elle contestait la validité du règlement n_ 2799/1999.

21 Par décision du 22 février 2000, la Bezirksregierung Hannover a rejeté ce recours au motif, notamment, qu'elle était tenue d'appliquer la nouvelle réglementation et qu'il n'y avait pas d'autre texte susceptible de justifier l'octroi de l'aide sollicitée.

22 Par la suite, Niemann a introduit un recours devant la juridiction de renvoi tendant à l'annulation de la décision de rejet de son recours administratif ainsi que de la décision refusant l'octroi de l'aide en cause. À l'appui de ce recours, elle contestait la validité du règlement n_ 2799/1999 en soutenant notamment qu'il avait été adopté en violation, d'une part, de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999 et, d'autre part, du principe de non-discrimination.

23 Selon la juridiction de renvoi, pour apprécier la validité du règlement n_ 2799/1999, il convient d'interpréter l'article 11, paragraphes 1 et 2, du règlement n_ 1255/99, afin de déterminer si le Conseil de l'Union européenne a voulu maintenir les aides pour l'utilisation du lait écrémé à l'état liquide dans l'alimentation des animaux en toutes circonstances ou si, au contraire, il a souhaité laisser une certaine marge d'appréciation à la Commission, dans le cadre de laquelle, en raison notamment de la modification des conditions du marché, elle pourrait mettre fin à cette mesure dès lors que, selon elle, l'objectif poursuivi ne peut pas (ou ne peut plus) être atteint.

24 S'agissant de l'argumentation de Niemann selon laquelle le règlement n_ 2799/1999 viole le principe de non-discrimination, le Verwaltungsgericht Hannover considère que, s'il devait s'avérer que l'utilisation de lait écrémé à l'état liquide dans l'alimentation des animaux n'a plus aucune importance pour le marché communautaire et si le contrôle de cette utilisation entraîne des difficultés pratiques et économiques intolérables, l'abrogation du règlement n_ 1105/68 pourrait, éventuellement, être compatible avec l'obligation d'égalité de traitement.

25 Enfin, quant à la question de savoir si le règlement n_ 2799/1999 a été adopté en violation du principe de protection de la confiance légitime, la juridiction de renvoi estime que, en principe, la Commission était autorisée, en application de l'article 42, paragraphe 3, première phrase, du règlement n_ 1255/99, à adopter des mesures entrant immédiatement en vigueur. Se poserait cependant la question de la «rétroactivité véritable ou non véritable» d'une loi. La juridiction de renvoi considère certes que, en l'espèce, il ne s'agit pas d'une véritable rétroactivité, étant donné que - du moins en ce qui concerne Niemann - seule la commercialisation future du babeurre est en cause. Cependant, même en présence d'une rétroactivité dite «non véritable», une nouvelle réglementation pourrait se heurter à des droits bénéficiant de la protection de la Constitution, droits qui, à leur tour, pourraient avoir des effets pour l'avenir. Selon la juridiction de renvoi, afin de résoudre ce problème, il convient de procéder à une comparaison entre, d'une part, les exigences de l'intérêt général et, d'autre part, le préjudice causé par la modification légale au regard de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

26 C'est dans ces circonstances que le Verwaltungsgericht Hannover a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Faut-il considérer que le règlement (CE) n_ 2799/99, combiné avec ses annexes, est contraire

a) à l'article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n_ 1255/1999,

b) à l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, et

c) aux principes généraux du droit de la Communauté européenne et au principe de protection de la confiance légitime, dans la mesure où il exclut, sans délai transitoire, l'octroi d'aides au lait écrémé et au babeurre à l'état liquide destinés à l'alimentation animale, lorsque ceux-ci ne sont pas, au préalable, transformés en aliments composés ou en lait écrémé en poudre, et faut-il en déduire que ce règlement est (partiellement) nul?»

Sur la question préjudicielle

27 Par sa question, qui s'articule en trois branches, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans la mesure où il supprime, sans prévoir de période transitoire, l'octroi des aides au lait écrémé et au babeurre à l'état liquide destinés à l'alimentation des animaux lorsque ces produits ne sont pas transformés en aliments composés ou en lait écrémé en poudre, le règlement n_ 2799/1999 est valide au regard:

- des limites de la compétence d'exécution de la Commission telles que définies à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999,

- du principe de non-discrimination énoncé à l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, et

- du principe de protection de la confiance légitime.

Sur la compétence d'exécution de la Commission au regard de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999

Observations soumises à la Cour

28 Niemann fait valoir que le règlement n_ 2799/1999 a été adopté en violation de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999. Selon elle, l'article 15 de ce dernier règlement a uniquement habilité la Commission pour arrêter les modalités d'application du régime de l'octroi des aides au lait écrémé à l'état liquide et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux et non pas pour supprimer les aides au premier de ces deux produits.

29 En effet, lors de l'adoption du règlement n_ 1255/1999, le législateur communautaire aurait tenu compte de la situation qui existait, à l'époque, sur le marché du lait et des produits laitiers. Cette situation aurait été marquée par l'existence d'un marché tant pour le lait écrémé à l'état liquide que pour le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux.

30 Niemann fait valoir, à cet égard, que, si le Conseil avait voulu, par la nouvelle organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, obtenir une modification de la situation existante, il aurait été nécessaire d'exprimer cette volonté clairement. Or, le Conseil n'aurait pas agi de la sorte, mais aurait décidé qu'il convenait d'accorder des aides tant pour le lait écrémé à l'état liquide que pour le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux.

31 Niemann rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C-48/98, Rec. p. I-7877, point 36), les limites des compétences de la Commission devraient être appréciées en fonction des objectifs principaux de l'organisation commune des marchés concernés, qui habilite la Commission à adopter des règlements d'application. Selon elle, si l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers est destinée à soutenir les marchés tant dans le secteur du lait à l'état liquide que dans celui du lait en poudre, la Commission n'est pas autorisée à modifier le champ d'application de cette organisation des marchés et, de cette manière, à changer unilatéralement la décision de base du Conseil.

32 En revanche, la Commission soutient que, en adoptant le règlement n_ 2799/1999, elle a déterminé les modalités d'application du règlement n_ 1255/1999 tout en restant dans les limites des compétences qui lui ont été attribuées par ce dernier. La Commission se fonde sur la prémisse selon laquelle la notion de compétences d'exécution, que le Conseil peut lui conférer en vertu de l'article 202 CE, doit être interprétée largement (arrêts du 30 octobre 1975, Rey Soda e.a., 23/75, Rec. p. 1279, points 10 à 14, et du 19 novembre 1998, Portugal/Commission, C-159/96, Rec. p. I-7379, point 40).

33 En effet, seuls les éléments essentiels de la matière à régler relèveraient de la compétence exclusive du Conseil (arrêt du 17 décembre 1970, Köster, 25/70, Rec. p. 1161, point 6). En outre, seraient qualifiées d'essentielles uniquement les dispositions qui ont pour objet de traduire les orientations fondamentales de la politique communautaire (arrêt du 27 octobre 1992, Allemagne/Commission, C-240/90, Rec. p. I-5383, point 37).

34 Selon la Commission, étant donné que le libellé de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999 ne laisse en aucune manière supposer que le Conseil voulait absolument continuer à subventionner l'utilisation directe du lait écrémé à l'état liquide pour l'alimentation des animaux, il lui était loisible d'opter pour un modèle qui subventionne le lait écrémé destiné à ladite alimentation, à condition qu'il se présente sous la forme de poudre ou qu'il entre dans la composition de mélanges ou d'aliments composés.

Réponse de la Cour

35 Il y a lieu de rappeler que, selon l'article 211, quatrième tiret, CE, en vue d'assurer le fonctionnement et le développement du marché commun, la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l'exécution des règles qu'il établit.

36 En l'occurrence, ainsi qu'il ressort clairement d'une lecture combinée des articles 11, 15 et 42, paragraphe 3, première phrase, du règlement n_ 1255/1999, celui-ci, d'une part, prévoit que des aides sont accordées au lait écrémé à l'état liquide et au lait écrémé en poudre, si ces produits satisfont à certaines conditions, et, d'autre part, habilite la Commission à fixer ces conditions.

37 Il s'ensuit que, pour répondre à la première branche de la question préjudicielle, il convient d'examiner si, en adoptant les articles 8 et 9 du règlement n_ 2799/1999, la Commission a fixé les conditions de l'octroi des aides au lait écrémé à l'état liquide et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux en restant dans les limites de sa compétence, telles que définies à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999.

38 À cet égard, il convient de rappeler, d'une part, que, s'agissant du domaine de la politique agricole commune, la Commission est seule à même de suivre de manière constante et attentive l'évolution des marchés agricoles et d'agir avec l'urgence que requiert la situation. Dès lors, en vertu d'une jurisprudence bien établie de la Cour, le Conseil peut être amené, dans ce contexte, à lui conférer de larges pouvoirs d'appréciation et d'action. Dans cette hypothèse, les limites de cette compétence doivent être appréciées, notamment, au regard des objectifs généraux essentiels de l'organisation du marché (voir, en ce sens, notamment arrêts du 21 mai 1987, Rau e.a., 133/85 à 136/85, Rec. p. 2289, point 31, et du 21 mars 1991, SAFA, C-359/89, Rec. p. I-1677, point 16).

39 D'autre part, selon une jurisprudence constante, les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation en matière de politique agricole commune, compte tenu des responsabilités qui leur sont conférées par le traité CE (voir, notamment, arrêt du 16 mai 2002, Schilling et Nehring, C-63/00, Rec. p. I-4483, point 39). En présence d'un tel pouvoir, il incombe au juge communautaire de se limiter à examiner si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n'ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d'appréciation (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189/01, Rec. p. I-5689, point 80).

40 En l'occurrence, en exerçant la compétence d'exécution qui lui est conférée par l'article 11 du règlement n_ 1255/1999, la Commission a fixé les conditions dans lesquelles le lait écrémé à l'état liquide et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux peuvent donner lieu à l'octroi d'aides. Ainsi, selon l'article 8 du règlement n_ 2799/1999, pour pouvoir bénéficier de celles-ci, le lait écrémé et le lait écrémé en poudre, d'une part, doivent être utilisés dans une entreprise agréée conformément à l'article 9 de ce dernier règlement et, d'autre part, ne doivent pas bénéficier d'une aide ou d'une réduction de prix en vertu d'autres mesures communautaires. En outre, l'article 9 du règlement n_ 2799/1999 dispose que l'agrément prévu concerne uniquement les entreprises produisant des mélanges, des aliments composés ou du lait en poudre dénaturé.

41 Il est certes exact qu'il ressort de ces dispositions que le lait écrémé à l'état liquide ne peut, à compter de l'entrée en vigueur du règlement n_ 2799/1999, bénéficier des aides que dans la mesure où il est préalablement incorporé dans un mélange pour la fabrication d'aliments composés ou transformé en lait écrémé en poudre.

42 Néanmoins, force est de constater, en premier lieu, que, s'il est vrai que cette condition est incontestablement restrictive, il n'en demeure pas moins qu'elle n'équivaut pas à une suppression complète des aides au lait écrémé à l'état liquide destiné à l'alimentation des animaux, mesure qui serait contraire à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n_ 1255/1999. En effet, le marché relatif à ce type de lait écrémé continue à bénéficier du soutien prévu à cette disposition au moyen des aides aux entreprises produisant des mélanges pour la fabrication d'aliments composés.

43 En deuxième lieu, il importe de rappeler que la Commission a justifié l'introduction de cette condition restrictive en soulignant, au troisième considérant du règlement n_ 2799/1999, la nécessité d'assurer que le lait écrémé et le lait écrémé en poudre bénéficiant des aides sont effectivement utilisés pour l'alimentation des animaux.

44 En troisième lieu, la Commission a précisé, au onzième considérant dudit règlement, d'une part, que l'expérience acquise a montré que le régime d'aide institué par le règlement n_ 1105/68 posait de nombreux problèmes en ce qui concerne sa mise en oeuvre et le contrôle des bénéficiaires et, d'autre part, que les quantités de lait écrémé bénéficiant de cette mesure avaient fortement diminué au cours des dernières années, à tel point que l'impact de ce régime d'aide sur l'équilibre du marché laitier est devenu marginal.

45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il n'apparaît pas que la Commission ait commis une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir ou qu'elle ait excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en subordonnant l'octroi des aides à la condition que le lait écrémé à l'état liquide destiné à l'alimentation des animaux soit préalablement transformé en aliments composés ou en lait en poudre.

46 Dès lors, en adoptant le règlement n_ 2799/1999, la Commission n'a pas outrepassé les limites de sa compétence d'exécution.

Sur le principe de non-discrimination

Observations soumises à la Cour

47 Niemann fait valoir que le règlement n_ 2799/1999 viole le principe de non-discrimination énoncé à l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE. Se référant à la jurisprudence selon laquelle cette disposition exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'un tel traitement différent ne soit objectivement justifié, elle relève, en premier lieu, que le lait écrémé à l'état liquide et le lait écrémé en poudre sont des produits identiques. En effet, le lait écrémé en poudre serait obtenu en procédant à la dessiccation du lait écrémé à l'état liquide, c'est-à-dire en le déshydratant. En second lieu, Niemann prétend que celui-ci et le lait écrémé en poudre sont similaires quant à l'usage auquel ils sont destinés et que, dès lors, ils peuvent se substituer l'un à l'autre. En effet, tous deux seraient utilisés pour l'engraissement des veaux.

48 La Commission rétorque que le règlement n_ 2799/1999 n'instaure pas une discrimination interdite en application de l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE. Elle fait valoir que les producteurs de lait écrémé à l'état liquide et les producteurs de lait écrémé en poudre ne se trouvent pas dans des situations comparables puisque les seconds soumettent leurs produits à des étapes de transformation supplémentaires. Le simple fait que les deux produits sont utilisés dans l'alimentation des animaux et qu'ils contribuent ainsi à la valorisation souhaitée des protéines du lait n'imposerait pas pour autant que le même traitement leur soit réservé en ce qui concerne l'octroi des aides. La Commission invoque également les propriétés différentes des deux produits en question et les conséquences de celles-ci. Selon elle, ces différences se répercuteraient sur les contrôles qu'il lui appartient d'effectuer dans le cadre de la mise en oeuvre du régime d'aides.

Réponse de la Cour

49 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, qui énonce l'interdiction de toute discrimination dans le cadre de la politique agricole commune, n'est que l'expression spécifique du principe général d'égalité, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86, Rec. p. 4563, point 25; du 17 avril 1997, EARL de Kerlast, C-15/95, Rec. p. I-1961, point 35, et du 13 avril 2000, Karlsson e.a., C-292/97, Rec. p. I-2737, point 39).

50 En l'occurrence, il ne saurait être contesté que, en principe, le lait écrémé à l'état liquide et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux sont deux produits comparables.

51 Néanmoins, il existe des différences entre ces deux produits qui justifient objectivement leur traitement différent au regard du droit au bénéfice des aides. En premier lieu, le lait écrémé à l'état liquide est plus facilement altérable que le lait écrémé en poudre. À ce titre, le lait écrémé liquide ne peut pas être conservé aussi longtemps et de la même manière que le lait écrémé en poudre.

52 En deuxième lieu, le lait écrémé en poudre et le lait écrémé à l'état liquide ne font pas l'objet des mêmes contrôles. Eu égard au caractère altérable de celui-ci, il est indispensable de procéder à des contrôles à des intervalles relativement rapprochés, aussi bien dans les laiteries que chez les éleveurs de veaux utilisant ce type de lait. Ce faisant, le coût financier de ces contrôles est bien plus élevé que le coût des contrôles effectués sur le lait en poudre.

53 Ainsi que la Commission l'a précisé au onzième considérant du règlement n_ 2799/1999, les quantités de lait écrémé bénéficiant des mesures d'aides ont fortement diminué au cours des dernières années, à tel point que l'impact de ce régime d'aide sur l'équilibre du marché laitier est devenu marginal. Or, cette évolution des conditions du marché est susceptible de justifier la suppression des mesures les plus inefficaces et les plus onéreuses dudit régime.

54 Eu égard à ces considérations, il convient de conclure que, en adoptant le règlement n_ 2799/1999, la Commission n'a pas violé le principe de non-discrimination énoncé à l'article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE.

Sur le principe de la protection de la confiance légitime

55 Niemann se réfère à la jurisprudence relative au principe de protection de la confiance légitime (arrêts du 4 juillet 1973, Westzucker, 1/73, Rec. p. 723; du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533; du 8 juin 1977, Merkur/Commission, 97/76, Rec. p. 1063; du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, Rec. p. 1801, et du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C-368/89, Rec. p. I-3695, point 21) pour soutenir que la suppression, à compter du 1er janvier 2000, des aides pour le lait écrémé à l'état liquide destiné à l'alimentation des animaux, par un règlement adopté par la Commission le 17 décembre 1999 et publié au Journalofficiel des Communautés européennes du 31 décembre 1999, viole les droits qu'elle tire dudit principe. En effet, il ne serait plus possible d'honorer des contrats conclus antérieurement et, à cette dernière date, les planifications pour l'année 2000 auraient été achevées depuis longtemps. Une telle modification fondamentale de la situation du marché, comportant des effets importants pour les intéressés, ne devrait pas entrer en vigueur «d'un jour à l'autre», mais elle devrait être mise en oeuvre après une période transitoire suffisante.

56 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine des organisations communes de marchés, dont l'objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le fait qu'ils ne seront pas soumis à des restrictions résultant d'éventuelles règles de la politique des marchés ou de la politique de structure. En outre, le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l'encontre d'une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. p. I-569, point 20).

57 Dans l'affaire au principal, il ne ressort d'aucun élément du dossier que les institutions communautaires compétentes auraient créé une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime dans le chef des producteurs concernés quant au maintien du régime d'aide au lait écrémé à l'état liquide destiné à l'alimentation des animaux tel que prévu par le règlement n_ 1105/68.

58 Au contraire, ainsi qu'il ressort du Rapport spécial n_ 1/99 de la Cour des comptes, du 25 mars 1999, relatif à l'aide au lait écrémé et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation animale, accompagné des réponses de la Commission (JO C 147, p. 1), la Commission avait annoncé qu'elle entendait modifier la réglementation existante en matière d'aides dans le domaine du lait écrémé destiné à l'alimentation des animaux. En effet, dans ses réponses audit rapport, la Commission a remis clairement en question le maintien des aides apportées au lait écrémé à l'état liquide étant donné l'importance limitée de ce produit pour l'équilibre du marché des protéines du lait, ledit produit ne représentant que 3 % du volume total subventionné de lait écrémé sur le marché intérieur.

59 En outre, il ressort du dossier que la Commission avait, dès le mois d'août 1999, informé la Fédération allemande des paysans et la Fédération nationale des éleveurs de veaux de son intention de procéder à l'adoption des mesures en question.

60 Dès lors, en adoptant le règlement n_ 2799/1999, la Commission n'a pas violé le principe de protection de la confiance légitime.

61 Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la juridiction de renvoi que l'examen de la question posée n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement n_ 2799/1999.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

62 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Verwaltungsgericht Hannover, par ordonnance du 6 décembre 2000, dit pour droit:

1) L'examen de la question posée n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (CE) n_ 2799/1999 de la Commission, du 17 décembre 1999, portant modalités d'application du règlement (CE) n_ 1255/1999 en ce qui concerne l'octroi d'une aide au lait écrémé et au lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux et la vente dudit lait écrémé en poudre.

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