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Document 62001CC0316

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 5 décembre 2002.
Eva Glawischnig contre Bundesminister für soziale Sicherheit und Generationen.
Demande de décision préjudicielle: Unabhängiger Verwaltungssenat Wien - Autriche.
Liberté d'accès à l'information - Information en matière d'environnement - Directive 90/313/CEE - Infractions aux règles d'étiquetage des denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés.
Affaire C-316/01.

Recueil de jurisprudence 2003 I-05995

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:728

62001C0316

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 5 décembre 2002. - Eva Glawischnig contre Bundesminister für soziale Sicherheit und Generationen. - Demande de décision préjudicielle: Unabhängiger Verwaltungssenat Wien - Autriche. - Liberté d'accès à l'information - Information en matière d'environnement - Directive 90/313/CEE - Infractions aux règles d'étiquetage des denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés. - Affaire C-316/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-05995


Conclusions de l'avocat général


1. Par ordonnance du 25 juillet 2001, l'Unabhängiger Verwaltungssenat Wien (Autriche) a saisi la Cour de justice à titre préjudiciel de trois questions ayant pour objet l'interprétation de la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement (ci-après la «directive») . Le juge autrichien demande en substance si peuvent être considérées comme des «informations en matière d'environnement» aux termes de la directive, les données relatives aux contrôles administratifs effectués par les autorités nationales en vue de vérifier le respect des règles sur l'étiquetage de certaines denrées alimentaires concernant des organismes génétiquement modifiés prévues par le règlement (CE) n° 1139/98 du Conseil, du 26 mai 1998 (ci-après le «règlement») .

I - Le cadre normatif

Le cadre juridique communautaire

2. La directive, adoptée sur la base de l'article 130 S du traité (devenu après modification, article 175 CE), considérant que l'accès à l'information en matière d'environnement détenue par les autorités publiques améliorera la protection de l'environnement (quatrième considérant), vise à «assurer la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement détenue par les autorités publiques, ainsi que sa diffusion, et à fixer les conditions de base dans lesquelles cette information devrait être rendue accessible» (article 1er).

3. En application de l'article 2, sous a), de la directive, on entend par:

«a) information relative à l'environnement: toute information disponible sous forme écrite, visuelle et sonore ou contenue dans des banques de données, qui concerne l'état des eaux, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des espaces naturels, ainsi que les activités (y compris celles qui sont à l'origine de nuisances telles que le bruit) ou les mesures les affectant ou susceptibles de les affecter et les activités ou les mesures destinées à les protéger, y compris les mesures administratives et les programmes de gestion de l'environnement».

4. Le règlement introduit, pour sa part, des conditions harmonisées pour l'étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir de graines de soja et de maïs génétiquement modifiées et prévoit, notamment, l'obligation d'apposer sur les aliments la mention «produit à partir de soja génétiquement modifié» ou «produit à partir de maïs génétiquement modifié» (article 2, paragraphe 3).

5. Le règlement met en oeuvre les dispositions de la directive de base, la directive 79/112, concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final . Selon son préambule, ledit règlement a en effet été adopté en raison des disparités existant dans les réglementations nationales et en vue d'éviter que ces disparités puissent entraver la libre circulation de ces denrées (quatrième considérant) et cela, en dépit du fait que «aucun motif de sécurité ne justifie que l'étiquetage [des produits en cause] indique que ces produits ont été obtenus par des techniques de modification génétique» (deuxième considérant). Cela étant, le règlement vise à «assurer que le consommateur final soit informé de toute caractéristique ou propriété d'un aliment, [...] faisant que cet aliment ou ingrédient alimentaire n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient alimentaire existant» (neuvième considérant).

Le cadre juridique autrichien

6. Dans l'ordre juridique autrichien, l'accès aux informations qui sont en possession de l'administration publique est réglementé de manière générale par le Bundesgesetz über die Auskunftpflicht der Verwaltung des Bundes (loi sur l'obligation de l'administration fédérale de fournir des informations) et dans le domaine pertinent pour la présente affaire, par l'Umweltinformationsgesetz (loi sur l'accès à l'information en matière d'environnement, BGBl. n° 495, 1993, dans la version publiée au BGBl. n° 137/1999, ci-après: «l'UIG») qui a mis en oeuvre en Autriche la directive.

7. En application de l'article 2 de l'UIG:

«Les données relatives à l'environnement sont des informations figurant sur tous supports de données et qui concernent:

- l'état des eaux, de l'air, du sol, de la faune, de la flore et des espaces naturels ainsi que ses modifications ou les pollutions sonores;

- les projets ou activités qui comportent ou peuvent comporter des risques pour l'homme ou affectent ou peuvent affecter l'environnement, en particulier par des émissions, l'apport ou le rejet de produits chimiques, de déchets, d'organismes dangereux ou d'énergie, y compris de rayons ionisants, dans l'environnement ou par le bruit;

- les propriétés, les quantités et les effets polluants de produits chimiques, de déchets, d'organismes dangereux, de l'énergie libérée, y compris les rayons ionisants, ou du bruit;

- les mesures existantes ou prévues visant à préserver, à protéger ou à améliorer la qualité des eaux, de l'air, du sol, de la faune et de la flore et des espaces naturels, à réduire les pollutions sonores, ainsi que les mesures visant à prévenir les dommages et à réparer les dommages survenus, en particulier sous la forme d'actes administratifs et de programmes.»

II - Les faits et la procédure

8. Le litige au principal résulte d'une initiative de Mme Eva Glawischnig, membre de la Chambre des députés. En se fondant sur l'Auskunftpflichtgesetz et l'UIG, Mme Glawischnig avait en effet demandé à son gouvernement et notamment, au Chancelier fédéral qui était alors compétent dans ce domaine de lui fournir certaines données relatives à des contrôles administratifs effectués pour vérifier le respect des règles fixées par le règlement n° 1139/98. Elle lui avait notamment posé cinq questions relatives aux vérifications effectuées pendant la période comprise entre le 1er août et le 31 décembre 1999 et libellées comme suit.

«1) Combien de produits fabriqués à partir de soja transgénique et de maïs transgénique ont-ils été contrôlés, au cours de la période susmentionnée, pour vérifier s'ils étaient correctement étiquetés au regard du règlement communautaire n° 1139/98?

2) Dans combien de cas cela a-t-il donné lieu à des poursuites?

3) De quels produits s'agissait-il dans ces cas? Prière d'indiquer le nom du produit et le producteur.

4) Dans combien de cas une sanction administrative a-t-elle été infligée? Quels producteurs ont été condamnés pour quels produits?

5) Quel a été le montant de la sanction maximale et de la sanction minimale pour défaut d'étiquetage a) du 1er août au 31 décembre 1999, et b) auparavant?»

9. Par décision du 10 février 2000, le Chancelier fédéral a refusé de fournir les informations demandées dans les trois dernières questions, en considérant que celles-ci ne constituaient pas des «données relatives à l'environnement». Il a notamment fait valoir que la notion d'«activités qui comportent ou peuvent comporter des risques pour l'homme ou affectent ou peuvent affecter l'environnement», prévue à l'article 2, paragraphe 2, de l'UIG vise uniquement les risques qui en portant atteinte à différents milieux (eau, air, sol, bruit) ont des répercussions sur l'homme, mais ne couvre pas les activités comme la commercialisation des produits contenant du maïs ou soja transgéniques étiquetés de manière incorrecte qui, tout en affectant l'environnement, ne lui portent pas atteinte et ne mettent pas en péril la santé humaine. Les informations concernant toute activité susceptible en théorie de mettre en péril la santé humaine doivent au contraire être considérées comme des «données relatives à l'environnement».

10. Mme Glaswischnig a formé un recours devant l'Unabhängiger Verwaltungssenat, Wien, contre la décision de rejet en concluant à ce que la décision soit modifiée ou éventuellement renvoyée à l'administration compétente. Au cours de la procédure, le ministre pour la sécurité sociale a succédé au Chancelier fédéral, qui était le défendeur au départ, à la suite d'un transfert de compétences intervenu entre-temps. Selon la demanderesse, contrairement à ce qui a été soutenu par le Chancelier fédéral, la mise sur le marché des produits en cause relève de la catégorie définie par l'article 2, point 2, de l'UIG, puisqu'elle peut provoquer des réactions allergiques du corps humain et avoir des répercussions négatives sur l'environnement.

11. L'Unabhängiger Verwaltungssenat Wien est d'avis que les informations sollicitées par la demanderesse ne sont ni «des données relatives à l'environnement» au sens de l'article 2 de l'UIG ni des «informations relatives à l'environnement» au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313. Selon le juge autrichien, en effet, le simple défaut d'étiquetage des produits en cause, dont la mise sur le marché a déjà été autorisée par la Commission ne permet pas de conclure qu'ils sont potentiellement de nature à affecter l'environnement. Nonobstant cela, l'Unabhängiger Verwaltungssenat qui a des doutes sur la portée de la notion communautaire d'«informations relatives à l'environnement» a décidé de suspendre la procédure et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes.

«1) Le nom du producteur et la dénomination de denrées alimentaires qui ont été mises en cause dans le cadre d'un contrôle administratif pour non-respect du règlement (CE) n° 1139/98 du Conseil, du 26 mai 1998, concernant la mention obligatoire, dans l'étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés, d'informations autres que celles prévues par la directive 79/112/CEE, peuvent-ils être considérés comme des informations relatives à l'environnement au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement?

2) Les documents administratifs faisant apparaître combien de sanctions administratives pour infraction au règlement (CE) n° 1139/98 ont été infligées constituent-ils des informations relatives à l'environnement au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement?

3) Les documents administratifs faisant apparaître quels producteurs et quels produits ont été frappés de sanctions administratives pour infraction au règlement (CE) n° 1139/98 constituent-ils des informations relatives à l'environnement au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement?».

12. Dans la procédure devant la Cour sont intervenus, outre la demanderesse au principal, le gouvernement italien et la Commission.

III - Analyse juridique

13. Comme nous l'avons vu, le juge de renvoi soumet à la Cour trois questions par lesquelles il demande, en substance, si peuvent être considérées comme des informations relatives à l'environnement au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313, les documents administratifs concernant les contrôles qui ont eu lieu pour vérifier que les règles relatives à l'étiquetage prévues par le règlement n° 1139/98 ont été respectées, et notamment, celles dont résultent le nom des producteurs et la dénomination des denrées alimentaires qui ont été mises en cause; le nom des producteurs et la dénomination des produits à l'encontre desquels des sanctions administratives ont été prises; la fréquence avec laquelle ces sanctions ont été prises.

14. Pour répondre à ces questions, il nous paraît nécessaire d'analyser, au regard de la définition fournie par l'article 2, sous a), précitée, si les données demandées par Mme Glawischnig peuvent être considérées comme des informations sur «l'état» de l'environnement (première catégorie), ou comme des informations sur les «activités ou mesures» de nature à «affecter» l'environnement (deuxième catégorie) ou enfin, comme des informations sur les «activités ou mesures destinées à protéger l'environnement» (troisième catégorie).

15. Nous indiquons d'emblée que les parties sont en substance d'accord pour considérer que les informations dont il s'agit en l'espèce ne relèvent pas de la première des catégories précitées, au motif que, comme l'a souligné notamment la Commission, les données demandées ne concernent pas «l'état des eaux, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des espaces naturels» . Il nous semble en effet qu'un document dont il résulte qu'un fabriquant a été mis en cause ou s'est vu infliger des sanctions administratives avec une certaine fréquence, au motif qu'il a commercialisé des produits étiquetés de manière non conforme aux dispositions communautaires, ne décrit, ni ne fournit en soi, aucune indication sur la situation actuelle des domaines de l'environnement énumérés dans la directive précitée.

16. Il est moins évident d'apprécier si les données demandées relèvent de la deuxième catégorie. Pour Mme Glaswischnig, la réponse devrait être positive, puisque l'on est en présence d'informations concernant des activités qui représentent un risque pour l'environnement. Elle en voit la preuve dans le fait qu'une autorisation et un étiquetage spécifiques sont requis pour la commercialisation des produits résultant de manipulations génétiques, précisément en vue de protéger l'environnement.

17. De manière plus générale, Mme Glaswischnig souligne que la notion d'environnement admise par la directive englobe également l'homme qui en est un élément essentiel. Cette interprétation résulte en premier lieu de l'article 130 R, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 174 CE) lui-même, lequel cite la protection de la santé des personnes parmi les objectifs de la politique de l'environnement de la Communauté; selon la demanderesse, elle est cependant également confirmée par la directive 90/313 qui énumère parmi les activités susceptibles d'affecter l'environnement «celles qui sont à l'origine de nuisances telles que le bruit», auquel seul l'homme est exposé. Or, selon Mme Glaswischnig, les produits contenant des organismes génétiquement modifiés dont on ne connaît pas les effets sur l'homme doivent être considérés comme dangereux jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, la demanderesse au principal souligne que l'étiquetage des produits en cause a une importance particulière pour certaines catégories de personnes, telles que les allergiques dont la santé dépend directement des indications fournies sur les caractéristiques des produits qu'elles consomment. Par conséquent, les produits qui peuvent se révéler nocifs pour la santé humaine doivent également être considérés comme dangereux pour l'environnement et les données relatives à leur commercialisation devraient donc être accessibles en application de la directive.

18. Le gouvernement autrichien souligne cependant que la notion d'environnement visée à la directive se limite aux domaines de l'environnement qui y sont explicitement énumérés, notamment, l'état des eaux, de l'air, du sol, de la faune et de la flore et n'inclut par conséquent pas la santé humaine, sauf indirectement, dans la mesure où celle-ci est affectée par les effets négatifs d'une activité donnée sur les secteurs de l'environnement visés par la directive. Par ailleurs, si la deuxième catégorie incluait toute activité de nature à mettre en danger la santé humaine, le champ d'application de la directive finirait par s'étendre de manière inusitée, bien au-delà des intentions du législateur communautaire.

19. En ce qui concerne enfin spécifiquement le danger lié à la mise sur le marché d'aliments génétiquement modifiés, tant le gouvernement autrichien que la Commission reconnaissent que l'on ne saurait exclure a priori qu'une telle commercialisation puisse affecter l'environnement, mais ils rappellent que, pour les produits visés par le règlement n° 1139/98, un tel risque a fait l'objet d'une évaluation spécifique dans le cadre de la procédure qui a abouti à la mise dans le commerce de ces organismes, conformément à la directive 90/220/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement . En effet, par les décisions 96/281/CE et 97/98/CE , la Commission a autorisé la mise sur le marché desdits produits en se fondant sur l'idée que «rien ne permet de supposer [...] des effets indésirables sur la santé et sur l'environnement» (septième et cinquième considérants des décisions 96/281 et 97/98). Il y a lieu, par conséquent, d'exclure qu'il s'agisse d'une activité qui met en péril l'environnement.

20. Il nous semble, à nous aussi, en effet que les données en cause ne concernent pas des activités ou des mesures susceptibles d'affecter l'environnement et elles ne relèvent par conséquent pas non plus de la deuxième catégorie d'informations relatives à l'environnement prévue par la directive. Sans qu'il soit nécessaire de prendre position sur la question de savoir si l'activité de commercialisation de produits alimentaires comportant des organismes génétiquement modifiés est de nature à affecter l'environnement, il est suffisant d'observer que les informations demandées par Mme Glaswischnig ne concernent pas directement cette activité mais les contrôles y relatifs. Ces informations concernent notamment l'activité de contrôle exercée par les autorités autrichiennes en vue de vérifier si le règlement a été respecté, activité qui n'est évidemment pas en elle-même de nature à affecter négativement l'environnement.

21. Il ne nous reste par conséquent plus qu'à évaluer si les informations relatives à ces activités de contrôle peuvent relever de la troisième catégorie d'informations relatives à l'environnement, celle qui comprend les informations sur les activités ou les mesures destinées à protéger l'environnement. Sur ce point, les parties ont des opinions divergentes.

22. Comme nous l'avons vu ci-dessus, Mme Glaswischnig est d'avis que la notion d'environnement retenue par la directive comprend également l'homme et sa santé; par conséquent, les informations relatives aux activités qui protègent la santé humaine devraient, selon elle, également relever de celles auxquelles la directive reconnaît la liberté d'accès. Il en résulterait que même les activités administratives de contrôle et de sanction du non-respect d'une autorisation spécifique de commercialisation d'un produit dangereux (en l'espèce, d'un aliment contenant des organismes génétiquement modifiés) ou d'un étiquetage particulier imposé aux fins de protéger la santé humaine (en l'espèce, la protection des sujets allergiques) viseraient, à leur tour, la protection de la santé humaine et de l'environnement.

23. Selon la Commission et le gouvernement autrichien, par contre, les données relatives aux mesures adoptées par une autorité publique en vue de garantir le respect du règlement ne relèveraient pas de la troisième catégorie d'informations relatives à l'environnement. La Commission souligne, notamment, que les contrôles administratifs destinés à garantir le respect des dispositions en vigueur ne relèvent de cette dernière catégorie d'informations relatives à l'environnement que si les dispositions dont elles cherchent à assurer le respect sont destinées à protéger un des secteurs de l'environnement indiqués à l'article 2 de la directive. Tel n'est pas le cas dans l'affaire en cause, puisque le règlement ne vise pas à protéger l'environnement, mais à informer le consommateur de manière adéquate, comme cela résulte de sa base juridique et de son préambule.

24. Nous sommes, nous aussi, d'avis que les données en cause ne sauraient relever des informations concernant des activités ou des mesures destinées à protéger l'environnement et, par conséquent, de la troisième catégorie d'informations relatives à l'environnement dont il est question dans la directive.

25. Il est clair que nous ne contestons pas que des contrôles, tels que ceux en cause dans la présente affaire, exercés par une administration publique en vue de vérifier l'application de dispositions en vigueur, peuvent en principe constituer des activités pertinentes conformément à l'article 2, sous a), de la directive. Comme la Cour a déjà eu l'occasion de l'indiquer dans l'arrêt Mecklenburg , rappelé par le juge de renvoi et les parties, «le législateur communautaire s'est abstenu de donner une définition de la notion d'information relative à l'environnement susceptible d'exclure une quelconque des activités qu'exerce l'autorité publique» ; on peut par conséquent estimer que sont en principe pertinentes, au sens de l'article 2 de la directive, toutes les formes d'exercice de l'activité administrative, y compris celles destinées à garantir le respect des règles communautaires en matière d'étiquetage de certains produits alimentaires résultant d'organismes génétiquement modifiés.

26. Cependant, comme la Cour l'a précisé par la même occasion, pour constituer une «information relative à l'environnement au sens de la directive», l'activité de l'autorité publique doit constituer «un acte susceptible de protéger l'état d'un des secteurs de l'environnement visés par la directive» . En l'espèce, par conséquent, comme l'a justement fait observer la Commission, les informations concernant les contrôles sur le respect du règlement ne peuvent être qualifiées d'informations relatives à l'environnement que si l'on démontre que le règlement lui-même est destiné à protéger l'environnement. Il y a lieu, par conséquent, de déterminer quelle est la finalité du règlement.

27. Nous devons indiquer à cet égard que l'argument avancé par Mme Glaswischnig, selon lequel, par le seul fait qu'il réglemente l'étiquetage de produits contenant des organismes génétiquement modifiés dont on ne connaît pas les effets sur l'homme, le règlement en cause aurait visé la protection de la santé humaine et par conséquent de l'environnement, ne nous convainc pas.

28. Il est vrai en effet que, dans son rapport sur l'application de la directive , la Commission a indiqué en substance que l'information relative à la santé humaine, dont la protection relève des objectifs de la politique de l'environnement de la Communauté, figure en principe parmi celles auxquelles la directive reconnaît la liberté d'accès. Sans toutefois nous attarder à discuter si tel est le cas en l'espèce et quelles sont les informations relatives à la santé humaine spécifiquement pertinentes en vertu de la directive, nous nous bornons à relever que, comme l'explique bien la Commission, le règlement n° 1139/98 n'a pas réellement pour objectif la protection de l'environnement, même si l'on fait de cette notion une interprétation large, englobant également la protection de la santé humaine.

29. En effet, le règlement en cause indique expressément qu'«aucun motif de sécurité ne justifiait que l'étiquetage des fèves de soja [...] ou du maïs génétiquement modifié [...] indique que ces produits ont été obtenus par des techniques de modification génétique» , en parfaite cohérence, du reste, avec les décisions d'autorisation de mise sur le marché des produits en cause, approuvées au motif que «rien ne permet de supposer [...] des effets indésirables sur la santé et sur l'environnement» . Il nous semble par conséquent évident que les exigences d'étiquetage imposées par le règlement en cause ne visent pas, du moins d'un point de vue général, la protection de la santé humaine.

30. La thèse selon laquelle le règlement serait destiné à protéger la santé de certains groupes de personnes auxquels les substances présentes dans le soja ou le maïs pourraient causer des réactions allergiques en raison de la manipulation génétique intervenue ne nous semble pas non plus convaincante. Nous devons noter à cet égard que les indications générales que le règlement prescrit pour l'étiquetage des produits dérivés du soja ou du maïs génétiquement modifiés ne sont nullement de nature à faire apparaître la présence dans le produit acheté d'agents allergisants.

31. En effet, à la différence de ce qui était prévu par les règles communautaires applicables précédemment , le règlement ne requiert pas que l'étiquetage précise «la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire de matières qui ne sont pas présentes dans une denrée alimentaire équivalente existante et qui peuvent avoir des incidences sur la santé de certaines catégories de la population» , parmi lesquelles, précisément, les personnes souffrant d'allergies. Il se borne au contraire à prévoir l'apposition de la seule mention générique «produit à partir de soja génétiquement modifié» ou «produit à partir de maïs génétiquement modifié» (article 2, paragraphe 3, du règlement). Il nous semble, par conséquent, qu'un consommateur allergique ne peut tirer des informations prescrites par le règlement aucune indication utile pour prévenir des risques pour sa santé dans la mesure où les indications fournies ne lui permettent pas de savoir quelles sont les substances présentes dans l'aliment en cause, du fait de la modification du patrimoine génétique de l'un des ingrédients qui le composent, et il ne peut par conséquent se rendre compte en lisant l'étiquette si de telles substances relèvent de celles auxquelles il est allergique.

32. Il nous semble en réalité que le règlement en cause a pour objectif, d'une part, de favoriser la libre circulation de ces produits à travers des règles uniformes qui ont remplacé les différentes mesures adoptées par les États membres pour leur étiquetage (quatrième considérant); et, d'autre part, de veiller à ce que le consommateur final soit informé «de toute caractéristique ou propriété d'un aliment, telle que sa composition, sa valeur nutritive ou ses effets nutritionnels, ou l'usage auquel il est destiné, faisant que cet aliment ou ingrédient alimentaire n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient alimentaire existant» (neuvième considérant). Conformément à sa base juridique, son objectif est par conséquent d'éliminer les obstacles potentiels à la circulation des produits contenant du soja et du mais génétiquement modifiés, en informant en même temps le consommateur final, afin de lui permettre un choix raisonné lors de son achat, que ces aliments, tout en paraissant identiques aux produits équivalents qui existent déjà dans la nature, ne coïncident pas avec ledits produits, en raison de la modification de certaines de leurs caractéristiques.

33. Nous en concluons par conséquent que le règlement ne poursuit pas des fins de protection de la santé humaine, ni de manière générale ni encore moins du point de vue spécifique considéré, et que par conséquent, il n'a pas pour objectif la protection de l'environnement, même si cette protection est entendue dans une acception large comprenant également la protection de la santé humaine. Par conséquent, les contrôles destinés à garantir que le règlement en cause a été respecté ne poursuivent pas non plus cet objectif, de sorte que les données requises par Mme Glaswischnig ne constituent pas des informations relatives à des activités ou à des mesures destinées à protéger l'environnement au sens de la directive.

Observations en conclusion

34. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, nous retenons par conséquent, en conclusion, qu'il convient de répondre à la question posée par l'Unabhängiger Verwaltungssenat Wien en ce sens que ne peuvent être considérés comme des «informations relatives à l'environnement» au sens de l'article 2, sous a), de la directive 90/313 les documents administratifs concernant les contrôles qui ont eu lieu pour vérifier que les règles relatives à l'étiquetage prévues par le règlement ont été respectées, notamment celles dont résulte le nom des producteurs et la dénomination des denrées alimentaires mises en cause, le nom des producteurs et la dénomination des denrées alimentaires à l'encontre desquelles des sanctions administratives ont été prises, la fréquence avec laquelle ces sanctions ont été prises.

35. Cela étant, il nous faut encore rappeler que la directive ne fait pas obstacle en elle-même à la reconnaissance de la part des États membres d'un droit d'accès à l'information plus large que ce qu'elle prévoit. Les conclusions auxquelles nous venons de parvenir ne font par conséquent pas obstacle à une interprétation du droit national plus favorable à la demanderesse au principal, si l'on peut interpréter en ce sens l'acception très large de «données relatives à l'environnement» qui a été retenue dans la législation autrichienne. En effet, l'interprétation donnée par le Chancelier fédéral dans la procédure administrative qui a conduit au litige au principal est assurément une interprétation large, puisque l'administration a, en tout état de cause, consenti à Mme Glaswischnig l'accès à une partie des informations qu'elle a demandées, nonobstant le fait que, pour les raisons déjà exposées, ces données ne peuvent être qualifiées d'informations relatives à l'environnement au sens de la directive. Nous ne pouvons ici que nous borner à signaler cette possibilité, puisqu'il appartient évidemment au juge de renvoi d'interpréter le droit national pertinent et d'apprécier si ce droit garantit ou non également la liberté d'accès aux autres données demandées par Mme Glaswischnig qui font l'objet de la demande de décision préjudicielle soumise à la Cour.

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