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Document 62000CO0264

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 21 mars 2002.
    Gründerzentrum-Betrieb-GmbH contre Land Baden-Württemberg.
    Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Müllheim/Baden - Allemagne.
    Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure - Rassemblement de capitaux - Directive 69/335/CEE - Droits exigés pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux.
    Affaire C-264/00.

    Recueil de jurisprudence 2002 I-03333

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:201

    62000O0264

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 21 mars 2002. - Gründerzentrum-Betrieb-GmbH contre Land Baden-Württemberg. - Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Müllheim/Baden - Allemagne. - Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure - Rassemblement de capitaux - Directive 69/335/CEE - Droits exigés pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux. - Affaire C-264/00.

    Recueil de jurisprudence 2002 page I-03333


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1. Questions préjudicielles - Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence - Application de l'article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure

    (Règlement de procédure de la Cour, art. 104, § 3)

    2. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Imposition au sens de la directive 69/335 - Notion - Droits perçus par un notaire fonctionnaire à l'occasion d'une opération relevant de la directive et alimentant le budget de l'État - Inclusion

    (Directive du Conseil 69/335)

    3. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux - Formalité essentielle - Perception de droits - Inadmissibilité

    (Directive du Conseil 69/335, art. 10, c))

    4. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux - Droits ayant un caractère rémunératoire - Notion - Droits directement proportionnels au capital souscrit - Exclusion - Droits plafonnés - Incidence

    (Directive du Conseil 69/335, art. 12, § 1, e))

    Parties


    Dans l'affaire C-264/00,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par l'Amtsgericht Müllheim/Baden (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Gründerzentrum-Betriebs-GmbH

    et

    Land Baden-Württemberg

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23),

    LA COUR,

    composée de Mme F. Macken, président de chambre, Mme N. Colneric, MM. R. Schintgen (rapporteur), V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

    avocat général: M. L. A. Geelhoed,

    greffier: M. R. Grass,

    la juridiction de renvoi ayant été informée que la Cour se propose de statuer par voie d'ordonnance motivée conformément à l'article 104, paragraphe 3, de son règlement de procédure,

    les intéressés visés à l'article 20 du statut CE de la Cour de justice ayant été invités à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet,

    l'avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 20 juin 2000, parvenue à le Cour le 29 juin suivant, l'Amtsgericht Müllheim/Baden a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»).

    2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Gründerzentrum-Betriebs-GmbH (ci-après «Gründerzentrum») au Land Baden-Württemberg (ci-après le «Land») à propos de la liquidation de droits exigés pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux.

    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    3 Ainsi qu'il ressort de son premier considérant, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme essentielle à la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur.

    4 Selon le sixième considérant de la directive 69/335, la poursuite d'une telle finalité suppose, en ce qui concerne la taxation frappant les rassemblements de capitaux, la suppression des impôts indirects jusqu'alors en vigueur dans les États membres et l'application, à leur place, d'un impôt perçu une seule fois dans le marché commun et d'un niveau égal dans tous les États membres.

    5 Aux termes de l'article 4 de la directive 69/335:

    «1. Sont soumises au droit d'apport les opérations suivantes:

    a) la constitution d'une société de capitaux;

    [...]

    c) l'augmentation du capital social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature;

    [...]

    3. N'est pas une constitution au sens du paragraphe 1 sous a) une quelconque modification de l'acte constitutif ou des statuts d'une société de capitaux et notamment:

    a) la transformation d'une société de capitaux en une société de capitaux d'un type différent;

    b) le transfert d'un État membre dans un autre État membre du siège de direction effective ou du siège statutaire d'une société, association ou personne morale qui est considérée, pour la perception du droit d'apport, comme société de capitaux dans chacun de ces États membres;

    c) le changement de l'objet social d'une société de capitaux;

    d) la prorogation de la durée d'une société de capitaux.»

    6 L'article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335 dispose:

    «1. Les États membres exonèrent du droit d'apport les opérations [...] qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

    L'exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l'octroi de l'exonération ou, le cas échéant, pour l'imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.

    [...]

    2. Les États membres peuvent soit exonérer du droit d'apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.»

    7 La directive 69/335 prévoit également, conformément à son dernier considérant, la suppression d'autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport. Ces impôts, dont la perception est interdite, sont notamment énumérés à l'article 10 de la directive 69/335, aux termes duquel:

    «En dehors du droit d'apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

    a) pour les opérations visées à l'article 4;

    b) pour les apports, prêts ou prestations, effectués dans le cadre des opérations visées à l'article 4;

    c) pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.»

    8 L'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 précise:

    «Par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11, les États membres peuvent percevoir:

    [...]

    e) des droits ayant un caractère rémunératoire».

    La réglementation nationale

    9 L'article 2, paragraphe 1, première phrase, du Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung (loi relative aux sociétés à responsabilité limitée), du 20 avril 1892 (RGBl. 1898, p. 846), tel que modifié par le Gesetz zur Neuregelung des Kaufmanns- und Firmenrechts und zur Änderung anderer handels- und gesellschaftsrechtlicher Vorschriften (loi réaménageant le droit commercial et le droit des affaires et modifiant diverses dispositions du droit commercial et du droit des sociétés), du 22 juin 1998 (BGBl. 1998 I, p. 1474), prévoit que les contrats instituant une société à responsabilité limitée doivent être passés sous forme d'acte notarié.

    10 Conformément au Beurkundungsgesetz (loi sur la passation des actes authentiques), du 28 août 1969 (BGBl. 1969 I, p. 1513), tel que modifié par le drittes Gesetz zur Änderung der Bundesnotarordnung und anderer Gesetze (troisième loi révisant le code fédéral du notariat et diverses dispositions légales), du 31 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2585, ci-après le «BeurkG»), l'acte notarié doit, notamment, être lu en présence du notaire aux cocontractants, qui doivent donner leur acquiescement et apposer leur signature en même temps que le notaire.

    11 Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, du BeurkG, le notaire doit s'enquérir de la volonté des parties, clarifier les faits, instruire les parties de la portée juridique de l'opération et reprendre leurs déclarations en termes clairs et sans équivoque dans l'acte. Il doit s'assurer qu'il n'y a pas de malentendu et que les parties inexpérimentées ne sont pas désavantagées. L'article 17, paragraphe 2, du BeurkG prévoit que, en cas de doute sur la légalité de l'opération ou sur la volonté réelle d'une des parties au contrat, le notaire doit en discuter avec les parties.

    12 L'article 115 de la Bundesnotarordnung (code fédéral du notariat), du 24 février 1961 (BGBl. 1961 I, p. 98), telle que modifiée par le Gesetz zur Änderung des Einführungsgesetzes zur Insolvenzordnung und anderer Gesetze (loi modifiant la loi d'application réglementant le régime d'insolvabilité et aménageant diverses autres dispositions légales), du 19 décembre 1998 (BGBl. 1998 I, p. 3836, ci-après la «BNotO»), prévoit que ledit code n'est pas applicable dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe (Allemagne). Il y est remplacé par le Landesgesetz über die freiwillige Gerichtsbarkeit (loi régionale sur la juridiction gracieuse), du 12 février 1975 (GBl. für Baden-Württemberg 1975, p. 116), tel que modifié par le Rechtsbereinigungsgesetz (loi de toilettage de la législation), du 18 décembre 1995 (GBl. für Baden-Württemberg, p. 29), en application duquel seuls des notaires fonctionnaires au service du Land sont admis à exercer dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe. Dans le reste du Land, correspondant au ressort de l'Oberlandesgericht Stuttgart (Allemagne), sont admis à exercer à la fois des notaires fonctionnaires du Land et des notaires exerçant leur activité à titre de profession libérale.

    13 Toutefois, il y a lieu de préciser qu'il découle de l'article 20 de la BNotO que l'établissement d'un acte authentique peut être demandé à tout notaire, fonctionnaire ou libéral, instrumentant sur le territoire allemand et l'acte ainsi établi doit être reconnu sur tout le territoire allemand.

    14 Les montants des droits pouvant être perçus par les notaires sont fixés par le Gesetz über die Kosten in Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit (Kostenordnung) (loi fédérale sur la taxation des actes), du 26 juillet 1957 (BGBl. 1957 I, p. 960), tel que modifié par le drittes Gesetz zur Änderung der Bundesnotarordnung und anderer Gesetze, du 31 août 1998 (ci-après la «KostO»). Ces montants s'appliquent uniformément sur tout le territoire allemand et sont valables à la fois pour les notaires libéraux et pour les notaires fonctionnaires.

    15 En vertu de la KostO, les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié sont calculés en tenant compte de trois facteurs différents.

    16 Le premier de ces facteurs est la valeur de l'opération. Conformément à l'article 39, paragraphe 1, de la KostO, cette valeur est fonction de la valeur du rapport de droit visé par l'authentification. L'article 39, paragraphe 4, de la KostO précise toutefois que, pour la passation d'écritures relatives à des contrats, à des statuts et à des règlements de sociétés, tel un contrat instituant une société, la valeur de l'opération est plafonnée à 10 millions de DEM.

    17 Le deuxième facteur est constitué par le barème du droit de base fixé par l'article 32 de la KostO. Ce droit s'élève à 20 DEM pour les opérations dont la valeur est inférieure à 2 000 DEM. Il est majoré de 15 DEM par tranche supplémentaire de 2 000 DEM entre 2 000 et 10 000 DEM, de 10 DEM par tranche supplémentaire de 5 000 DEM entre 10 000 et 100 000 DEM, de 30 DEM par tranche supplémentaire de 20 000 DEM entre 100 000 et 10 millions de DEM, de 33 DEM par tranche supplémentaire de 50 000 DEM entre 10 millions et 50 millions de DEM, de 20 DEM par tranche supplémentaire de 100 000 DEM entre 50 millions et 100 millions de DEM, de 15 DEM par tranche supplémentaire de 500 000 DEM entre 100 millions et 500 millions de DEM et de 15 DEM par tranche supplémentaire de 1 million de DEM au-delà de 500 millions de DEM. La valeur de l'opération étant, pour la passation d'écritures relatives à des contrats de société, limitée à 10 millions de DEM, les droits pouvant être perçus pour ce type d'actes, en application de cette disposition, ne peuvent donc dépasser 15 110 DEM.

    18 Le troisième facteur qui est pris en considération lors du calcul du montant des droits dus est le coefficient de taxation. En vertu de l'article 36, paragraphe 2, de la KostO, le double du droit de base est perçu pour l'authentification de contrats de société. Ce facteur est censé tenir compte de la complexité de l'opération en cause et de la charge de travail qu'elle représente. Les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux ne peuvent dès lors dépasser le montant de 30 220 DEM.

    19 Il ressort du dossier que les notaires fonctionnaires au service du Land ne sont pas les créanciers directs des droits dus pour l'établissement d'un acte notarié. En effet, ces droits reviennent directement au Land et alimentent le budget général de celui-ci. Les notaires fonctionnaires bénéficient d'une rémunération fixe, déterminée selon les mêmes critères que pour les autres fonctionnaires du Land, à laquelle s'ajoute un montant variable, correspondant à une fraction des droits qu'ils génèrent. À travers son budget, le Land finance, notamment, les dépenses relatives à la formation des notaires, à leur assurance sociale, à l'acquisition des locaux et à leur aménagement, les notaires fonctionnaires n'ayant aucun pouvoir de décision quant à l'affectation de ces ressources. En dehors des cas de négligence grave ou de faute intentionnelle, les notaires fonctionnaires ne sont pas personnellement responsables des fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions, le Land assumant cette responsabilité.

    Le litige au principal

    20 Gründerzentrum est une société à responsabilité limitée dont la constitution a fait l'objet d'un acte authentique dressé le 27 octobre 1999 par le Bureau notarial n° 1 de Müllheim. Le capital social de Gründerzentrum s'élevant à 285 000 euros, les droits dus pour l'établissement de cet acte notarié ont été fixés à 1 900 DEM. À ces droits se sont ajoutés des frais d'écriture de 60 DEM ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 313,60 DEM. Au total, Gründerzentrum s'est donc vu réclamer un montant de 2 273,60 DEM.

    21 Le 15 novembre 1999, Gründerzentrum a introduit un recours à l'encontre de l'avis de liquidation des droits dus pour l'établissement de l'acte notarié devant l'Amtsgericht Müllheim/Baden. Se référant à l'arrêt de la Cour du 29 septembre 1999, Modelo (C-56/98, Rec. p. I-6427), Gründerzentrum a plus particulièrement fait valoir que ces droits constituaient en réalité une imposition, que leur montant était disproportionné par rapport au service fourni et que leur perception était contraire à la directive 69/335.

    22 Devant la juridiction de renvoi, le Bezirksrevisor II beim Landgericht Freiburg (Allemagne), représentant le Trésor public, a notamment soutenu que:

    - eu égard aux obligations étendues qui incombent au notaire en vertu de l'article 17, paragraphe 1, du BeurkG, son intervention ne constituerait pas une formalité au sens de l'article 10, sous c), de la directive 69/335 et, partant, les droits prélevés ne sauraient être considérés comme une imposition au sens de cette dernière disposition;

    - le système juridique national en cause dans l'affaire Modelo, précitée, se distinguerait nettement de celui en vigueur en Allemagne puisque ce dernier connaîtrait, en dehors des notaires fonctionnaires, deux autres types de notaires, exerçant leur profession à titre libéral. Dans la mesure où les justiciables auraient la possibilité de s'adresser à ces notaires libéraux, les droits dus pour l'établissement de l'acte notarié ne seraient pas obligatoirement perçus par l'État et, partant, ne constitueraient pas une imposition au sens de la directive 69/335;

    - le montant des droits perçus en application de la KostO pour l'établissement d'actes notariés constatant des opérations relevant du champ d'application de la directive 69/335 serait, d'une part, plafonné et, d'autre part, sensiblement inférieur au montant en cause dans l'affaire Modelo, précitée;

    - lesdits droits auraient un lien avec les coûts du service fourni et ne seraient dès lors pas contraires à la directive 69/335.

    23 Partageant l'analyse de Gründerzentrum et, dès lors, doutant de la compatibilité, dans un système tel que celui en vigueur dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe, de la KostO avec le droit communautaire, l'Amtsgericht Müllheim/Baden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Les droits dus pour les actes authentiques de constatation ou de certification dressés par les notaires fonctionnaires du Land de Bade-Wurtemberg, dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe, à l'occasion d'opérations visées à l'article 4, paragraphe 3, de la directive 69/335/CEE, relèvent-ils de l'interdiction énoncée à l'article 10 de cette directive, de sorte que ne peuvent être perçus que des droits calculés sur la base des frais concrètement exposés par les notaires pour fournir la prestation spécifique?»

    Sur la question préjudicielle

    24 En vue de répondre utilement à cette question, il convient d'examiner, d'abord, si la perception de droits dus pour l'établissement par un notaire fonctionnaire d'un acte authentique constatant la constitution d'une société de capitaux peut être considérée comme une imposition au sens de la directive 69/335. Si tel est le cas, il importe de vérifier ensuite si ces droits sont frappés par l'interdiction édictée à l'article 10, sous c), de la directive 69/335. Enfin, il y a lieu de déterminer si le fait que des droits dont le montant augmente directement en proportion de la valeur du capital social souscrit ne peuvent pas dépasser une limite maximale est de nature à avoir un effet sur le caractère rémunératoire, au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335, de ces droits.

    25 Considérant que les réponses à ces trois aspects de la question peuvaient être clairement déduites de la jurisprudence, la Cour a, conformément à l'article 104, paragraphe 3, de son règlement de procédure, informé la juridiction de renvoi qu'elle se proposait de statuer par voie d'ordonnance motivée et invité les intéressés visés à l'article 20 du statut CE de la Cour de justice à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet.

    26 Gründerzentrum, le gouvernement espagnol et la Commission n'ont émis aucune objection quant à l'intention de la Cour de statuer par voie d'ordonnance motivée; en revanche, le Land et le gouvernement allemand ont exprimé un avis contraire.

    27 En ce qui concerne le premier aspect de la question, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé, au point 23 de l'arrêt Modelo, précité, que la directive 69/335 doit être interprétée en ce sens que les émoluments perçus pour l'établissement d'un acte notarié constatant une opération relevant de cette directive, dans le cadre d'un système caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires de l'État et que les émoluments sont en partie versés à l'État pour financer des missions de celui-ci, constituent une imposition au sens de ladite directive.

    28 Or, la même solution vaut pour un système tel que celui en vigueur dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe, qui est également caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires et que les droits perçus pour l'établissement d'un acte notarié constatant une opération relevant de la directive 69/335 sont en partie versés à l'autorité publique qui les emploie et utilisés pour financer des missions qui lui incombent.

    29 S'agissant du deuxième aspect de la question, la Cour a jugé, au point 26 de l'arrêt Modelo, précité, que, l'augmentation du capital social d'une société de capitaux devant, en droit portugais, obligatoirement faire l'objet d'un acte notarié, cet acte constitue une formalité essentielle liée à la forme juridique de la société et conditionne l'exercice et la poursuite de l'activité de celle-ci. La Cour en a conclu, au point 28 du même arrêt, que les émoluments dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant l'augmentation du capital social ainsi que la modification de la dénomination sociale et du siège d'une société de capitaux sont, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive 69/335, en principe, prohibés en vertu de l'article 10, sous c), de la même directive.

    30 Ce raisonnement s'applique également dans un cas tel que celui en cause au principal dans la mesure où, d'une part, la directive 69/335 réserve le même traitement à la constitution d'une société de capitaux et à l'augmentation du capital social d'une telle société et, d'autre part, à l'instar des opérations en cause dans l'affaire Modelo, précitée, la constitution d'une société de capitaux doit, en droit allemand, obligatoirement faire l'objet d'un acte notarié.

    31 En ce qui concerne le troisième aspect de la question, il ressort, en premier lieu, d'une jurisprudence constante que la distinction entre les impositions interdites par l'article 10 de la directive 69/335 et les droits ayant un caractère rémunératoire dont la perception est autorisée implique que ces derniers comprennent les seules rétributions dont le montant est calculé sur la base du coût du service rendu. Une rétribution dont le montant serait dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant serait calculé non en fonction du coût de l'opération dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement du service chargé de cette opération, devrait être regardée comme une imposition relevant de la seule interdiction instituée par l'article 10 de la directive 69/335 (voir, notamment, arrêts du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni, C-71/91 et C-178/91, Rec. p. I-1915, points 41 et 42; Modelo, précité, point 29, et du 21 juin 2001, SONAE, C-206/99, Rec. p. I-4679, point 32).

    32 En deuxième lieu, la Cour a itérativement jugé qu'un droit dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit ne saurait, par sa nature même, constituer un droit à caractère rémunératoire au sens de la directive 69/335. En effet, même s'il peut exister, dans certains cas, un lien entre la complexité d'un service rendu et l'importance des capitaux souscrits, le montant d'un tel droit sera généralement sans rapport avec les frais concrètement exposés par l'administration ayant rendu le service (voir, notamment, arrêt Modelo, précité, point 30).

    33 En dernier lieu, la Cour a précisé, au point 36 de l'arrêt SONAE, précité, que, si l'absence d'une limite maximale constitue certes un indice qu'un droit calculé en fonction de la valeur de l'acte enregistré ne revêt pas un caractère rémunératoire au sens de la directive 69/335, l'existence d'une telle limite, d'ailleurs ni prescrite ni prohibée par ladite directive, n'est pas, à elle seule, de nature à conférer un caractère rémunératoire audit droit. Elle a ajouté, au point 37 du même arrêt, qu'une limite maximale qui ne peut pas être considérée comme étant raisonnable par rapport au coût de l'opération en cause ne peut modifier l'éventuel caractère non rémunératoire du droit perçu en contrepartie de ladite opération.

    34 Dans ces conditions, il convient de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle:

    - La directive 69/335 doit être interprétée en ce sens que les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant une opération relevant de la directive 69/335, dans un système caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires et que les droits sont en partie versés à l'autorité publique qui les emploie et utilisés pour financer des missions qui lui incombent, tel le système en vigueur dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe, constituent une imposition au sens de la directive 69/335.

    - Les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux sont, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive 69/335, en principe, prohibés en vertu de l'article 10, sous c), de la même directive.

    - Le fait que des droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux et dont le montant augmente directement en proportion du capital social souscrit ne peuvent pas dépasser une limite maximale n'est pas, à lui seul, de nature à conférer à ces droits un caractère rémunératoire, au sens de la directive 69/335, si ladite limite n'est pas établie de manière raisonnable par rapport au coût du service dont les droits constituent la contrepartie.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    35 Les frais exposés par les gouvernements allemand et espagnol, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR,

    ordonne:

    La directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprétée en ce sens que les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant une opération relevant de la directive 69/335, modifiée, dans un système caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires et que les droits sont en partie versés à l'autorité publique qui les emploie et utilisés pour financer des missions qui lui incombent, tel le système en vigueur dans le ressort de l'Oberlandesgericht Karlsruhe, constituent une imposition au sens de la directive 69/335, modifiée.

    Les droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux sont, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive 69/335, modifiée, en principe, prohibés en vertu de l'article 10, sous c), de la même directive.

    Le fait que des droits dus pour l'établissement d'un acte notarié constatant la constitution d'une société de capitaux et dont le montant augmente directement en proportion du capital social souscrit ne peuvent pas dépasser une limite maximale n'est pas, à lui seul, de nature à conférer à ces droits un caractère rémunératoire, au sens de la directive 69/335, modifiée, si ladite limite n'est pas établie de manière raisonnable par rapport au coût du service dont les droits constituent la contrepartie.

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