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Document 62000CC0076

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002.
Petrotub SA et Republica SA contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Défense contre les pratiques de dumping - Détermination de la marge de dumping - Choix de la méthode de calcul dite 'asymétrique' - Article 2.4.2 de l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI du GATT - Motivation - Détermination de la valeur normale - Prise en compte de ventes par compensation - Motivation.
Affaire C-76/00 P.

Recueil de jurisprudence 2003 I-00079

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:253

62000C0076

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002. - Petrotub SA et Republica SA contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Défense contre les pratiques de dumping - Détermination de la marge de dumping - Choix de la méthode de calcul dite 'asymétrique' - Article 2.4.2 de l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI du GATT - Motivation - Détermination de la valeur normale - Prise en compte de ventes par compensation - Motivation. - Affaire C-76/00 P.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-00079


Conclusions de l'avocat général


1. Le présent pourvoi résulte du rejet par le Tribunal de première instance des recours formés par deux producteurs roumains de tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, en annulation partielle du règlement du Conseil imposant un droit antidumping définitif sur, entre autres, leurs produits. Les deux actions ont été jointes devant le Tribunal de première instance et les deux producteurs ont introduit un pourvoi conjoint dans lequel ils font tous deux valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de l'exigence de motiver une mesure de manière suffisante. Il est toutefois préférable d'examiner les arguments de chaque requérant de manière séparée, dès lors qu'ils portent sur des parties différentes de l'arrêt attaqué.

Petrotub

Le problème sous-jacent

2. Bien que le pourvoi concerne l'obligation de motivation et qu'il convient donc de statuer sur cette base, il peut être utile d'exposer tout d'abord le problème sous-jacent, à savoir celui du calcul des marges de dumping par la «méthode asymétrique», combiné à la pratique de la «réduction à zéro» - une question qui fait l'objet de controverses au niveau du commerce mondial.

3. En 1995, le Conseil a édicté de nouvelles règles communautaires de base régissant les mesures antidumping dans son règlement (CE) n° 384/96 (ci-après le «règlement de base»). L'essence de ces règles, semblable à celle de toutes les règles antidumping dans le monde, est exprimée à l'article 1er. En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, «peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice» et, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, «un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur».

4. Cette nouvelle promulgation de 1995 a été incitée à la fois par les imperfections de la législation antérieure et, de manière plus importante encore, par la création du «code antidumping de 1994» dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l'Uruguay .

5. L'article 2 de ce code concerne la détermination de l'existence d'un dumping. L'article 2.4 exige qu'une comparaison équitable soit établie entre le prix à l'exportation et la valeur normale (qui est en principe le prix habituellement pratiqué dans les relations commerciales nationales mais qui, lorsqu'un tel prix n'est pas disponible, peut également être déterminée en vertu de méthodes spécifiées). L'article 2.4.2 prévoit que «[...] l'existence de marges de dumping pendant la phase d'enquête sera normalement établie sur la base d'une comparaison entre une valeur normale moyenne pondérée et une moyenne pondérée des prix de toutes les transactions à l'exportation comparables, ou par comparaison entre la valeur normale et les prix à l'exportation transaction par transaction. Une valeur normale établie sur la base d'une moyenne pondérée pourra être comparée aux prix de transactions à l'exportation prises individuellement si les autorités constatent que, d'après leur configuration, les prix à l'exportation diffèrent notablement entre différents acheteurs, régions ou périodes, et si une explication est donnée quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte de telles différences en utilisant les méthodes de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée ou transaction par transaction».

6. L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base renferme la même exigence d'une comparaison équitable et, en vertu de l'article 2, paragraphe 11, «l'existence de marges de dumping au cours de la période d'enquête est normalement établie sur la base d'une comparaison d'une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers la Communauté ou sur une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l'exportation individuels vers la Communauté, transaction par transaction. Toutefois, une valeur normale établie sur une moyenne pondérée peut être comparée aux prix de toutes les exportations individuelles vers la Communauté si la configuration des prix à l'exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et si les méthodes spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué».

7. Ces dispositions sont donc substantiellement identiques, chacune prévoyant les trois mêmes méthodes de calcul, bien que la définition des circonstances dans lesquelles la troisième méthode peut être utilisée diffère - «si une explication est donnée quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte de telles différences en utilisant [les deux premières méthodes]» contrairement à «si les [deux premières méthodes] ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué». Il peut dès lors être opportun d'examiner ce que les trois méthodes impliquent.

8. Dans cette optique, il peut être utile d'examiner certains chiffres concrets (bien que totalement fictifs). Un exemple simple pourrait concerner un producteur dans un pays tiers exportant deux modèles de son produit vers la Communauté, le modèle A et le modèle B:

- Pour le modèle A, le résultat du calcul de la valeur normale moyenne pondérée est de 100, sur la base d'un certain nombre de transactions nationales dont les prix varient entre 95 et 105. Deux transactions à l'exportation sont effectuées à un prix, faisant l'objet d'un dumping , de 80, et dix à un prix de 110, ne résultant pas d'un dumping.

- Pour le modèle B, la valeur normale moyenne pondérée est de 90, sur la base d'un certain nombre de transactions nationales dont les prix varient entre 85 et 95. Dix transactions à l'exportation sont effectuées à un prix, faisant l'objet d'un dumping, de 70, et cinq à un prix de 100, ne résultant pas d'un dumping.

9. Une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers la Communauté (la «première méthode symétrique») donne les résultats suivants:

- Pour le modèle A, la moyenne pondérée des prix à l'exportation est la suivante:

(2 x 80) + (10 x 110) = 160 + 1 100 = 1 260

1 260 divisé par 12 (le nombre total de transactions à l'exportation) = 105

Comparé à la valeur normale moyenne pondérée de 100, ce calcul ne révèle l'existence d'aucun dumping; il existe en fait une «marge de dumping négative» de - 60 pour l'ensemble des douze transactions, avec une moyenne de - 5 par transaction.

- Pour le modèle B, la moyenne pondérée des prix à l'exportation est la suivante:

(10 x 70) + (5 x 100) = 700 + 500 = 1 200

1 200 divisé par 15 (le total des transactions à l'exportation) = 80

Comparé à la valeur normale moyenne pondérée de 90, ce calcul révèle une marge de dumping («positive») de 150 pour l'ensemble des quinze transactions, avec une moyenne de 10 par transaction.

- Si une marge globale est calculée pour les deux modèles, la marge de dumping négative de - 60 est compensée par la marge positive de 150 de sorte à donner une marge de dumping positive de 90, ou 3,33 par transaction.

10. Laissant de côté pour l'instant la méthode rarement utilisée qui consiste à comparer les prix transaction par transaction (la «deuxième méthode symétrique»), nous nous tournons vers la comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et les prix à l'exportation individuels (la «méthode asymétrique»). Si cette méthode est utilisée, le calcul sera le suivant:

- Pour le modèle A (valeur normale = 100), les deux transactions à 80 révèlent une marge positive de 20, les dix transactions à 110 révèlent une marge négative de 10. La marge totale est:

(2 x 20) + (10 x - 10) = 40 + - 100 = 40 - 100 = - 60 (moyenne - 5).

- Pour le modèle B (valeur normale = 90), les dix transactions à 70 révèlent une marge positive de 20, les cinq transactions à 100 révèlent une marge négative de 10. La marge totale est:

(10 x 20) + (5 x - 10) = 200 + - 50 = 200 - 50 = 150 (moyenne 10).

- Si une marge globale est calculée pour les deux modèles:

(12 x 20) + (15 x - 10) = 240 + - 150 = 240 - 150 = 90 (moyenne 3,33).

11. Il ressort de ce qui précède que les deux méthodes aboutissent au même résultat si, ainsi que nous l'avons envisagé, les mêmes transactions à l'exportation, faisant l'objet d'un dumping et ne faisant pas l'objet d'un dumping, sont prises en considération dans leur totalité. Toutefois, il n'est peut-être pas certain que les transactions utilisées soient les mêmes dans les deux cas puisque la première méthode symétrique est censée s'appliquer à «toutes les transactions comparables» alors que la méthode asymétrique opère une comparaison entre les prix moyens normaux et les transactions à l'exportation «prises individuellement», ce qui ne semble pas exclure une sélection par l'autorité chargée de l'enquête. Dans l'éventualité d'une telle sélection, il semblerait plausible que le but et l'effet puissent être d'exclure certaines exportations n'ayant pas fait l'objet de dumping et dès lors augmenter la marge de dumping positive qui en résulte, plutôt que l'inverse.

12. En outre, les calculs pourraient être affectés par une autre technique connue sous le nom de «réduction à zéro». Cette pratique consiste à réduire toutes les marges de dumping négatives à zéro, plutôt que de les compenser avec les marges de dumping positives. Toutes les exportations n'ayant pas fait l'objet d'un dumping sont dès lors traitées comme si elles avaient été effectuées à valeur normale . Lorsque la technique de la réduction à zéro est appliquée, les chiffres résultant des deux méthodes peuvent varier. Nous partirons une fois encore du principe que les calculs s'appliquent à toutes les transactions pour chaque modèle.

13. Si la technique de la «réduction à zéro» est appliquée dans le cadre de la première méthode symétrique:

- Pour le modèle A, la marge totale négative de - 60 devient 0.

- Pour le modèle B, la marge totale de dumping positive de 150 reste de 150.

- Si une marge globale est établie pour les deux modèles sur la base des marges différentes établies pour chacun d'entre eux, elle est maintenant de 0 + 150 = 150, plutôt que de 90 (une moyenne de 5,56 par transaction, au lieu de 3,33).

14. Si la technique de la réduction à zéro est appliquée lorsque la méthode asymétrique est utilisée:

- Pour le modèle A,

(2 x 20) + (10 x - 10) = 40 + - 100 = 40 + 0 = 40 (moyenne 3,33).

- Pour le modèle B,

(10 x 20) + (5 x - 10) = 200 + - 50 = 200 + 0 = 200 (moyenne 13,33).

- Pour les deux modèles utilisés conjointement,

(12 x 20) + (15 x - 10) = 240 + - 150 = 240 + 0 = 240 (moyenne 8,89).

15. Il apparaît dès lors que, lorsque la méthode de la réduction à zéro n'est pas appliquée, les deux méthodes produisent le même résultat si les mêmes transactions sont prises en considération dans leur totalité. Toutefois, lorsqu'elle est appliquée, la méthode asymétrique produira toujours un résultat plus élevé, puisque la première méthode symétrique, en appliquant une moyenne des prix à l'exportation, tiendra compte, dans une certaine mesure, des marges de dumping négatives ce qui ne sera jamais le cas de la méthode asymétrique. (De toute évidence le problème ne surviendra en tout état de cause que lorsqu'il existe un mélange d'exportations faisant l'objet d'un dumping et d'exportations ne faisant pas l'objet d'un dumping; si toutes les exportations font l'objet d'un dumping, il n'y aura pas de marges négatives et donc pas de réduction à zéro.)

16. La pratique de la réduction à zéro n'est mentionnée ni dans le code antidumping de 1994 ni dans le règlement de base, mais est utilisée de manière habituelle par les pays importateurs ou les unions douanières, en ce inclus la Communauté. De manière très peu surprenante, puisqu'elle produit des marges de dumping plus élevées, elle est critiquée par les pays exportateurs. Les pays importateurs défendent pour leur part cette technique en faisant valoir que, sans elle, le dumping pourrait être totalement dissimulé (comme dans le cas du modèle A ci-dessus) ou partiellement masqué (comme dans le cas du modèle B ci-dessus) s'il existe un dumping «ciblé» - c'est-à-dire si un exportateur décide de vendre à perte dans une région particulière ou au cours d'une certaine période de l'année parce qu'il croit pouvoir augmenter de la sorte ses ventes en ce lieu ou durant cette période, sans compromettre ses ventes dans d'autres régions ou durant d'autres périodes .

17. La controverse existant au sujet de la réduction à zéro a été examinée par l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans des affaires qui concernaient la Communauté européenne. En 1995, dans l'affaire «fils de coton», le prédécesseur de cet organe a semblé accepter la validité de la technique utilisée conjointement avec la méthode asymétrique . En 1997 toutefois, dans l'affaire «linge de lit», les rapports du groupe spécial et de l'organe d'appel ont vivement condamné cette pratique dans une affaire impliquant la première méthode symétrique , et il semble que la Communauté ne l'utilise plus de pair avec cette méthode .

18. Il convient de souligner à ce stade que la pratique consistant à réduire à zéro n'est pas elle-même explicitement en cause dans la présente procédure, bien qu'elle puisse toujours faire partie intégrante de la méthode asymétrique telle qu'appliquée par la Communauté, et que ni le Conseil ni la Commission n'ont contesté le fait que cette pratique avait effectivement été utilisée dans cette affaire. Il s'agit en l'espèce de déterminer si le Conseil a suffisamment motivé son choix de la méthode asymétrique dans le règlement attaqué et, plus particulièrement, si c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la motivation était suffisante. Pour permettre un examen plus fiable de ces questions, il importe néanmoins de garder à l'esprit les conséquences qu'entraîne le choix de la méthode.

19. Il nous reste encore à étudier la «seconde méthode asymétrique» - une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l'exportation individuels vers la Communauté, transaction par transaction. Cette méthode est moins facile à illustrer - et, ainsi que le Conseil et la Commission l'ont souligné, à appliquer - parce qu'elle implique l'identification de transactions nationales individuelles qui sont comparables à des transactions à l'exportation individuelles. Ainsi, il est nécessaire de prendre en considération des facteurs tels que la quantité, la date, etc. La marge de dumping révélée pour chaque transaction à l'exportation variera en fonction de la transaction nationale à laquelle elle est comparée; une très forte comparabilité est dès lors extrêmement importante. Si toutefois cette condition peut être remplie; il semblerait probable que la seconde méthode symétrique présente une image plus fidèle du dumping pratiqué que chacune des autres méthodes.

20. Les résultats auxquels aboutissent les comparaisons individuelles seraient sans doute traités substantiellement de la même manière que les résultats individuels obtenus en appliquant la méthode asymétrique et, bien entendu, il serait également possible de pratiquer une réduction à zéro dans cette hypothèse - bien que cela se justifie peut-être dans une moindre mesure puisqu'une comparaison entre des transactions réellement comparables ne devrait pas conduire à la dissimulation d'un quelconque dumping. Il semble toutefois que la Communauté n'utilise jamais cette méthode; les détails doivent dès lors rester conjecturaux à cet égard.

L'affaire en première instance

21. Le 31 août 1996, la Commission a ouvert une procédure antidumping concernant des importations de certains tubes et tuyaux du type visé en l'espèce, originaires de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de Slovaquie. Dans le règlement (CE) n° 981/97 (ci-après le «règlement provisoire») elle a institué des droits antidumping provisoires sur les produits exportés, entre autres, par Petrotub et Republica, dont le taux a été calculé en appliquant la méthode asymétrique. Ses constatations ont été confirmées, et un droit antidumping définitif a été imposé, par le Conseil dans le règlement attaqué.

22. Dans l'affaire T-33/98, Petrotub a demandé l'annulation de l'article 1er du règlement contesté dans la mesure où il la concernait. L'un de ses moyens était pris de la violation par le Conseil de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base en ce qu'il n'aurait, entre autres, pas justifié son choix de la méthode asymétrique pour déterminer la marge de dumping. Le Tribunal de première instance a examiné cet aspect aux points 104 à 115 de l'arrêt attaqué de la manière suivante:

«104 Dans la requête, la requérante fait grief aux institutions communautaires d'avoir omis d'expliquer, notamment en violation du point 2.4.2 du code antidumping de 1994, pourquoi une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix des exportations individuelles reflète mieux que les méthodes symétriques l'ampleur réelle du dumping.

105 Si, selon une jurisprudence bien établie, les dispositions du règlement de base doivent être interprétées à la lumière du code antidumping de 1994 (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, points 30 à 32), il n'en demeure pas moins que le régime relatif à la défense contre les pratiques de dumping est uniquement régi par ce règlement. L'obligation, visée au point 2.4.2 du code antidumping de 1994, de fournir une explication quant à la raison pour laquelle les méthodes symétriques ne permettent pas de refléter l'ampleur réelle du dumping ne constitue donc pas, en tant que telle, une norme applicable. Or, force est de constater que l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne mentionne pas d'obligation spécifique d'explication de ce type.

106 Toutefois, dans la mesure où ce moyen peut être entendu dans le sens que la requérante dénonce l'insuffisance de motivation du règlement attaqué, il convient de rappeler que la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et au juge communautaire d'exercer son contrôle. L'étendue de l'obligation de motivation doit s'apprécier en fonction du contexte et de la procédure dans le cadre desquels le règlement attaqué a été adopté, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Acme Industry/Conseil, T-48/96, Rec. p. II-3089, point 141).

107 En l'espèce, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et de ses observations relatives à la méthode de comparaison applicable en vue de déterminer la marge de dumping, lors de la procédure administrative.

108 Au point 28 du règlement provisoire, la Commission a précisé:

La valeur normale moyenne pondérée pour chaque groupe de produits a été comparée aux prix à l'exportation individuels ajustés conformément à l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base. Ce type de comparaison était nécessaire pour refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué et du fait que la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement entre les différents acquéreurs et régions.

Elle a maintenu ce point de vue dans l'information provisoire du 2 juin 1997.

109 Dans ses conclusions provisoires concernant le dumping, en date du 1er juillet 1997, et lors de l'audition du 9 juillet 1997, la requérante a contesté le point de vue de la Commission, en faisant valoir que celle-ci aurait dû utiliser la méthode symétrique consistant à comparer la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations de Petrotub vers la Communauté. Dans sa lettre du 11 juillet 1997, elle a, en outre, fait valoir qu'une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes ses exportations vers la Communauté conduisait bien à une marge de dumping sensiblement inférieure à celle obtenue par la méthode utilisée par la Commission.

110 Ensuite, la Commission a précisé dans l'information finale du 19 août 1997 que, en ce qui concerne Petrotub, la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement selon les périodes (comprises, respectivement, entre les mois d'août 1995 et d'avril 1996 et entre les mois de mai 1996 et d'août 1996). Elle indiquait que, pour l'ensemble des sociétés roumaines, la différence de marge de dumping obtenue en appliquant les méthodes de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée et moyenne pondérée à transaction individuelle était telle que l'on pouvait en conclure que la première de ces méthodes ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping.

111 Dans ses observations finales sur le dumping du 8 septembre 1997, la requérante a de nouveau fait valoir que la marge de dumping devait être déterminée en appliquant la méthode de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée.

112 Au point 22 du règlement attaqué, le Conseil a constaté:

Une société a fait valoir que la détermination de la marge de dumping ne devait pas être effectuée sur la base d'une comparaison entre les valeurs normales moyennes pondérées et le prix à l'exportation ajusté de chaque groupe correspondant sur une base de transaction par transaction, mais plutôt sur la base d'une comparaison entre les valeurs normales moyennes pondérées et les prix à l'exportation moyens pondérés.

Cette demande a été rejetée après que la méthode utilisée pour toutes les sociétés roumaines a été revue et qu'il s'est avéré que:

- pour une société, il n'y avait aucune différence dans la marge de dumping obtenue par les deux méthodes, toutes les transactions d'exportation ayant été effectuées à des prix de dumping,

- pour trois sociétés, on a constaté une configuration des prix à l'exportation différant sensiblement entre destinations ou périodes.

Compte tenu de ce qui précède et conformément à l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, la méthode de comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée par période et les différents prix à l'exportation ajustés sur une base de transaction par transaction a été maintenue aux fins de la détermination définitive.

113 Le règlement attaqué expose ainsi les raisons pour lesquelles les institutions communautaires ont décidé d'appliquer le critère de comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix des exportations individuelles.

114 Dans ces conditions, et en l'absence de contestation spécifique de la part de la requérante au cours de la procédure administrative qui aurait pu, le cas échéant, rendre nécessaire une motivation plus détaillée (voir l'arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Commission [], T-164/94, Rec. p. II-2681, points 90 et 118), le règlement attaqué ne saurait être considéré comme entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne l'application par les institutions communautaires de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base.

115 Quant au grief de la requérante selon lequel les institutions communautaires se seraient limitées à examiner la première méthode symétrique (à savoir la méthode de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée) et auraient omis de vérifier si la seconde de ces méthodes symétriques visées par l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base (à savoir la méthode qui consiste à comparer des valeurs normales individuelles à des prix à l'exportation individuels) ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué, le Tribunal constate qu'il s'agit d'un moyen de droit distinct qui n'a été soulevé qu'au stade de la réplique. Ce moyen doit dès lors être rejeté comme irrecevable, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.»

Le pourvoi

23. Petrotub demande à la Cour d'annuler l'arrêt et le règlement attaqués, dans la mesure où ils la concernent. Elle fait valoir, à titre principal, que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 114 de son arrêt et, dans la mesure où de tels moyens subsidiaires peuvent soutenir de manière utile le moyen principal invoqué en appel, que le Tribunal a également commis une erreur de droit aux points 105 et 115 de l'arrêt. Avant de développer ses arguments principaux, Petrotub expose deux remarques préliminaires.

24. Premièrement, une motivation suffisante ne doit pas nécessairement reprendre le détail des différents éléments de fait ou de droit pertinents mais doit être appréciée au regard du contexte de l'acte et de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière. Toutefois, il n'est pas suffisant de se limiter à faire référence à une disposition ou à en répéter les termes lorsque ladite disposition ou les termes en cause impliquent un examen des éléments de droit ou de fait essentiel à la décision à intervenir; l'institution doit à tout le moins indiquer le lien logique entre la disposition et l'examen précité, de sorte que le juge communautaire puisse vérifier que cet examen a bien été effectué correctement et que l'institution ne s'est pas bornée à faire référence au texte à la manière d'une autojustification.

25. Deuxièmement, la simple mention, dans le règlement attaqué, de l'existence d'une configuration des prix à l'exportation qui diffère sensiblement entre les différentes régions ou périodes ne pourrait pas, en tant que telle, constituer une motivation suffisante. Avant de recourir à la méthode asymétrique, les institutions sont en effet également tenues de s'assurer que les méthodes symétriques ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping et une motivation suffisante est requise aux fins d'établir le lien logique devant exister entre l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base et la décision de l'institution.

26. Le premier des arguments principaux invoqués par Petrotub est essentiellement que, en jugeant que le Conseil avait motivé de manière suffisante l'acte attaqué, le Tribunal de première instance a commis une erreur de droit en ignorant l'absence de prise en considération de la seconde méthode symétrique.

27. L'article 2, paragraphe 11, autorise le recours à la méthode asymétrique «si les méthodes» - au pluriel - «spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping». Le Conseil aurait dès lors dû préciser les raisons pour lesquelles il a écarté les deux méthodes symétriques avant d'appliquer la méthode asymétrique. Bien que cette question n'a été discutée en détails qu'au stade du mémoire en réplique en première instance, elle ressortait de manière implicite de l'utilisation du pluriel «méthodes» dans la requête et aurait en tout état de cause dû être examinée par le Tribunal de première instance conformément à son obligation d'appliquer l'article 2, paragraphe 11, de manière correcte. Le Tribunal a dès lors commis une erreur en rejetant cet argument comme irrecevable au point 115 de l'arrêt attaqué et en jugeant que la motivation était suffisante.

28. Les deuxième, troisième et quatrième arguments de Petrotub concernent la constatation figurant au point 114 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la décision d'utiliser la méthode asymétrique était motivée de manière suffisante dans la mesure où cette constatation était fondée sur les circonstances énoncées aux points 108 à 113.

29. Le point 108 fait référence à l'affirmation selon laquelle la méthode asymétrique était nécessaire pour refléter l'ampleur du dumping. En l'absence de plus amples explications, il ne s'agit là que d'une autojustification qui ne peut dès lors constituer une motivation suffisante.

30. Le point 110 fait référence à l'argument selon lequel, en ce qui concerne Petrotub, la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement selon les deux périodes considérées et que, pour l'ensemble des sociétés roumaines, la différence entre les résultats obtenus en application de la première méthode symétrique et de la méthode asymétrique était telle que l'on pouvait en conclure que la première de ces méthodes ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping. Au point 22 du règlement attaqué, cité au point 112 de l'arrêt contesté, le Conseil a implicitement fondé son raisonnement sur le fait que la méthode asymétrique produisait un résultat arithmétiquement plus élevé. Il ne s'agissait toutefois pas là d'une motivation suffisante.

31. Étant donné que la réduction à zéro n'est appliquée qu'en vertu de la méthode asymétrique, elle produira toujours un résultat arithmétique égal ou supérieur à la première méthode symétrique. Si le règlement de base avait eu pour seule finalité d'appliquer la méthode donnant le résultat arithmétique le plus élevé, ou bien il l'aurait spécifié, ou bien il se serait abstenu de prévoir la première méthode symétrique.

32. La signification des termes «ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping» n'est pas donnée dans le règlement de base mais implique une évaluation autre qu'une simple comparaison arithmétique. La méthode asymétrique est appropriée pour «certaines manoeuvres qui consistent à dissimuler le dumping grâce à des pratiques de prix différents, tantôt supérieurs et tantôt inférieurs à la valeur normale» - impliquant un comportement poursuivant spécifiquement un objectif de dissimulation du dumping ou ne pouvant à tout le moins raisonnablement s'expliquer que de cette manière. Les différences de prix sont toutefois souvent causées par des changements dans les conditions du marché ou par des différences dans le pouvoir de négociation vis-à-vis de différents clients, ce qui ne justifie pas le recours à la méthode asymétrique. Un dumping ciblé justifierait toutefois l'utilisation de cette méthode, conjointement à la réduction à zéro, afin que les marges de dumping négatives sur d'autres ventes ne servent pas à dissimuler les marges positives sur les ventes ayant fait l'objet d'un dumping.

33. En outre, l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 ne permet l'utilisation de la méthode asymétrique que si «une explication est donnée» quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte les différences de prix par l'une des deux méthodes symétriques. En 1996, les Communautés européennes ont indiqué à l'OMC que toute dérogation aux méthodes susmentionnées «sera expliquée tant aux parties concernées que dans les règlements imposant des mesures antidumping» , impliquant que l'explication en question était visée par l'obligation de fournir les raisons suffisantes prévue à l'article 253 CE. Le Tribunal de première instance a dès lors commis une erreur de droit au paragraphe 105 de l'arrêt attaqué en ne prenant pas en considération l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994.

34. Dans la même communication de 1996 à l'OMC, les Communautés européennes ont indiqué que les termes «ampleur réelle du dumping», utilisés dans le règlement de base mais non pas dans le code antidumping de 1994, ne visaient que le dumping ciblé. La motivation contenue dans les parties du règlement attaqué sur lesquelles le Tribunal de première instance s'est fondé ne fournissent aucune explication sur la manière dont le prétendu dumping était «ciblé».

Recevabilité du pourvoi

35. Avant d'examiner plus avant le fond des arguments développés par Petrotub, il convient d'examiner les objections formulées par le Conseil et la Commission - qui, tout comme en première instance, a été autorisée à intervenir au soutien du Conseil - sur la recevabilité du pourvoi.

36. Les objections énergiques dont les institutions ont truffé leur argumentation peuvent être résumées de la manière suivante. Tout d'abord, Petrotub conteste en réalité le fond du règlement attaqué sous prétexte de contester sa motivation. Ensuite, à différents égards, elle omet de préciser la règle de droit que le Tribunal de première instance a prétendument enfreinte. De plus, Petrotub se contente de reproduire des arguments qu'elle a déjà présentés devant le Tribunal sans contester le bien-fondé de l'appréciation en droit effectuée dans l'arrêt attaqué. En outre, elle soulève à nouveau un argument - sur la nécessité de motiver le fait qu'il n'ait pas été fait usage de la seconde méthode symétrique - qui était déjà irrecevable en première instance du fait qu'il a été invoqué de manière tardive. Enfin, elle fonde un nouvel argument sur un élément - la communication de 1996 faite dans le cadre de l'OMC - qui n'a pas été invoqué en première instance, sans justifier d'une quelconque manière cette omission.

37. Nous ne sommes pas d'accord avec ces arguments.

38. Essentiellement, Petrotub fait valoir deux revendications principales. Elles concernent les décisions prises dans le règlement attaqué i) de ne pas appliquer la seconde méthode symétrique mais plutôt ii) d'appliquer la méthode asymétrique. Sur les deux points, Petrotub allègue qu'une étape essentielle a été omise dans la motivation du règlement attaqué, mais que le Tribunal de première instance a estimé que la motivation était suffisante malgré l'absence de cette étape essentielle. Petrotub fait dès lors valoir que le Tribunal n'a lui-même pas motivé de manière suffisante la conclusion à laquelle il est arrivé. En outre, Petrotub fait valoir deux moyens subsidiaires qui consistent à dire que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant i) que l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 ne devait pas être appliqué et ii) que le moyen soulevé par Petrotub relatif à la seconde méthode symétrique ne pouvait être accueilli parce qu'il a été présenté de manière tardive.

39. Nous n'avons aucun mal à considérer que ces arguments identifient des aspects spécifiques de l'arrêt attaqué, qualifiés d'erreurs de droit, ainsi que les moyens de droit invoqués à cet effet. Il est vrai que les arguments de la requérante n'ont, à cette fin, pas été exposés aussi clairement qu'ils auraient pu l'être. Cela n'entrave cependant pas outre mesure la Cour dans l'exécution de sa tâche. Dans la mesure où le Conseil fait valoir que la requérante conteste la motivation en tant que telle plutôt que son caractère adéquat - contestant en fait le fond de la mesure - il nous semble préférable d'examiner la motivation en détail avant de nous prononcer sur la nature de la contestation.

40. En ce qui concerne l'allégation relative à la «simple répétition» des arguments déjà présentés devant le Tribunal, il est vrai que la Cour a de manière constante jugé qu'un pourvoi qui se limite à réitérer ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal est irrecevable . Toutefois, cela ne semble pas être le cas en l'espèce. Cette règle a en outre principalement été appliquée dans des cas où les arguments invoqués dans le pourvoi ne précisent pas les points de l'arrêt du Tribunal qui sont contestés, mais se contentent d'invoquer de manière imprécise une illégalité et de se référer globalement à des allégations présentées en première instance ou de les reproduire. La requérante fait en l'espèce clairement valoir que le Tribunal a commis une erreur sur des points spécifiques de son appréciation. La préoccupation justifiée de garantir qu'un pourvoi ne vise pas simplement à obtenir un réexamen de la requête en première instance ne devrait pas nous faire oublier que les arguments soulevés devant le Tribunal et ceux invoqués devant la Cour se recoupent nécessairement dans une large mesure .

41. En ce qui concerne la nécessité de motiver la raison pour laquelle la seconde méthode symétrique n'a pas été appliquée, et en particulier la recevabilité du moyen en première instance, Petrotub fait valoir un double argument: premièrement, le moyen avait déjà été invoqué dans la requête et n'a dès lors pas été soulevé tardivement et, deuxièmement, le Tribunal de première instance aurait dû l'examiner en tout état de cause parce qu'il s'agit d'une forme substantielle, et dès lors d'une question d'ordre public.

42. Quelle que soit l'approche correcte à suivre quant à la première branche de cet argument, la seconde est intimement liée au fond. Sur le fond, cet argument ne peut être accueilli que s'il est établi que le Conseil doit effectivement indiquer les raisons pour lesquelles il n'a pas eu recours à la seconde méthode symétrique avant de pouvoir appliquer la méthode asymétrique. Si cet élément est établi, la question relève de la violation des formes substantielles au sens de l'article 230 CE; s'agissant d'un moyen d'ordre public, il peut être soulevé d'office par le juge communautaire et le Tribunal de première instance aurait dès lors dû l'examiner, indépendamment du moment auquel il a été soulevé - bien que nous considérons que le Tribunal n'aurait commis aucune erreur de droit s'il n'avait pas soulevé cette question d'office en l'absence d'un moyen de droit pertinent. Dans ces circonstances, nous nous proposons d'examiner ci-dessous cet argument quant au fond.

43. Enfin, nous considérons que la communication de 1996 dans le cadre de l'OMC est un document sur lequel l'attention de la Cour peut être attirée sans pour autant rejeter comme irrecevable un quelconque argument de la requérante. L'argument soulevé devant la Cour est que le Tribunal a commis une erreur en considérant que l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 n'était pas applicable; la Cour peut trancher cette question, si nécessaire, en se référant uniquement à cet article.

L'obligation de motivation

- En général

44. Les arguments de Petrotub portent sur la nature et l'étendue de l'obligation du Conseil de motiver sa décision d'instituer un droit antidumping définitif. Il est unanimement admis que les raisons essentielles doivent être exposées mais qu'une motivation détaillée peut être omise si les circonstances le permettent. Le problème consiste, en partie, à déterminer où se situe la limite entre ces deux situations et, en partie, à établir la démarcation entre un argument invoquant le caractère formellement insuffisant d'une motivation et celui faisant valoir qu'une telle motivation est substantiellement incorrecte.

45. L'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) prévoit:

«Les règlements, les directives et les décisions [...] sont motivés [...]». L'obligation s'applique dès lors de manière égale à une décision - qui est, selon l'article 189 du traité CE (devenu article 249 CE), «obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne» - et un règlement - qui est «de portée générale» et est «obligatoire dans tous ses éléments et [...] directement applicable dans tout État membre».

46. La Cour a à cet égard adopté une approche différenciée pour définir l'étendue de l'obligation, tout en soulignant la nécessité d'exigences minimales dans tous les cas: la motivation doit être «adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution qui en est l'auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. Toutefois, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée» .

47. Dès ses premiers arrêts, la Cour a jugé que la motivation d'une mesure individuelle telle qu'une décision doit être particulièrement complète , alors que la motivation d'une mesure législative telle qu'un règlement peut se borner à indiquer la situation d'ensemble qui a conduit à son adoption et les objectifs généraux qu'il se propose d'atteindre . Il est communément admis que les règlements antidumping sont de nature hybride et possèdent bon nombre des caractéristiques d'une décision individuelle, en particulier en ce qu'ils affectent normalement des parties désignées de manière individuelle qui ont souvent été, comme c'est le cas en l'espèce, impliquées dans la procédure administrative ayant donné lieu à l'adoption de la mesure . Lorsqu'il en est ainsi et que les parties ont dès lors été informées des raisons qui sont à la base de ladite mesure, la Cour a jugé qu'il s'agissait là d'un facteur qui devait être pris en considération pour l'évaluation du caractère suffisant de la motivation .

48. Un règlement antidumping ne concerne pas seulement les exportateurs dont les marchandises font l'objet d'un droit antidumping et leurs importateurs associés qui participent de manière générale à la procédure administrative, mais également les importateurs indépendants ou potentiels ainsi que d'autres opérateurs originaires de pays tiers, qu'ils produisent des produits identiques ou différents, qui doivent savoir quelles stratégies de fixation des prix sont permises - et, d'autre part, des opérateurs économiques dans l'industrie communautaire lésée, qui souhaitent avoir la certitude que l'étendue du dumping n'a pas été sous-estimée. La manière dont la Communauté applique sa législation antidumping est d'une importance considérable pour le monde du commerce dans son ensemble et ce n'est qu'avec une connaissance adéquate de l'approche privilégiée que les exportateurs ou les entreprises communautaires peuvent décider de la nécessité d'un recours. La Cour a en outre jugé, en ce qui concerne les décisions, que l'obligation de motivation est exigée, entre autres, afin de donner la possibilité aux États membres et à tous les ressortissants intéressés de déterminer les circonstances dans lesquelles l'institution communautaire a fait application de la loi, de sorte que la participation d'États membres ou de destinataires à la procédure préparatoire (et dès lors leurs connaissances de la motivation) ne signifiera pas nécessairement que l'obligation de motivation a été remplie .

49. En outre, la procédure d'adoption de mesures antidumping est exposée de manière très détaillée dans le règlement de base, qui prévoit une série d'étapes à suivre dans un cas de figure normal, ainsi que des mesures alternatives qui peuvent être prises dans des circonstances spécifiques lorsqu'il est justifié de s'écarter de la procédure normale.

50. Par ailleurs, cette procédure découle dans une large mesure du code antidumping de 1994 qui lie la Communauté et auquel il est fait référence dans le préambule du règlement de base comme contenant «des règles nouvelles et détaillées, concernant en particulier le calcul du de la marge de dumping [...] l'établissement et le traitement des faits [...]». Le règlement de base ainsi que toutes réglementations qui en dérivent doivent être conformes aux obligations internationales de la Communauté au titre du code et doivent dès lors être interprétés en conformité avec ses termes .

51. En l'espèce, l'obligation de motivation doit dès lors également être examinée à la lumière de l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 qui n'autorise le recours à la méthode asymétrique que «si une explication est donnée» quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte des différences de configuration des prix à l'exportation en utilisant la première ou la seconde méthode symétrique. Il nous semble difficile de concevoir qu'un instrument de droit international public de cette nature puisse avoir eu pour finalité de permettre à l'autorité chargée de l'enquête d'exposer les raisons à la base de sa décision aux parties intéressées qui ont participé à l'enquête, simplement en privé - ou encore moins de manière implicite.

52. De tels facteurs augmentent plutôt qu'ils ne limitent l'ampleur de la motivation qui doit être donnée pour toute étape contestée dans la procédure ou toute dérogation à la procédure normale.

53. Prévoir des exigences élevées quant à la motivation requise dans un règlement antidumping n'est pas contraire à la jurisprudence de la Cour relative aux conditions plus souples demandées lorsque les parties ont pris part à la procédure préparatoire et se sont vu communiquer une motivation complète à ce stade. Cela ne signifie pas non plus que, ainsi que le Conseil et la Commission l'ont indiqué dans la présente affaire, un exportateur puisse simplement assister à la procédure de manière passive, sans exprimer la moindre objection, et contester ensuite la motivation du règlement adopté. Dans l'éventualité d'un recours, il est nécessaire que le juge communautaire soit informé dans le règlement, par exemple, des raisons pour lesquelles des objections ont été rejetées ou pourquoi la procédure normale n'a pas été suivie à certains égards; une telle information exige considérablement moins de détails que l'explication qui doit être donnée aux parties en réponse à leurs demandes, pour autant qu'elle soit suffisante pour permettre au juge communautaire de déterminer s'il existe ou non une erreur manifeste d'appréciation.

54. En outre, toutes les règles détaillées exposées dans le règlement de base ne seront pas pertinentes dans chaque cas. Certaines étapes sont toujours essentielles, alors que la nécessité d'autres étapes dépendra des circonstances. Il est par exemple essentiel que les institutions communautaires déterminent non seulement l'existence d'un dumping, mais aussi le préjudice causé à l'industrie communautaire, puisque ces éléments, ainsi que la relation causale qui les unit, constituent les conditions fondamentales pour l'institution d'un droit antidumping. Il doit en outre ressortir clairement du règlement que l'existence et l'étendue du dumping et du préjudice étaient en fait établies sur la base de motifs raisonnables. Il serait toutefois excessif de demander que chaque étape de chaque calcul soit justifiée par tous les chiffres utilisés ou que l'omission de certaines étapes inutiles dans un cas particulier soit justifiée simplement parce qu'elles sont envisagées comme possibilités dans le règlement de base.

55. L'article 2 de ce règlement concerne la détermination du dumping et comporte quatre titres - A. Valeur normale, B. Prix d'exportation, C. Comparaison et D. Marge de dumping («comparaison» fait ici référence essentiellement à l'ajustement des chiffres afin de permettre leur comparabilité, et «marge de dumping» à l'opération de comparaison en tant que telle, ainsi que son résultat). Ces titres sont utilisés de manière habituelle dans les règlements antidumping et ont été utilisés dans le règlement attaqué en l'espèce. Ils représentent les étapes essentielles à la détermination requise et il n'est pas contesté que le résultat de chaque étape doit être justifié par une motivation adéquate.

56. Lorsqu'une procédure normale est prévue ainsi conjointement à des procédures alternatives à ne suivre que dans certaines circonstances spécifiques, il semble raisonnable de ne pas exiger de motivation spécifique lorsque la procédure normale est suivie mais plutôt de demander une motivation plus complète lorsqu'on y déroge. Cette dernière situation semble comparable à celle dont il est question dans l'affaire Delacre e.a./Commission , dans laquelle la Cour a jugé que «si la décision se plaçant dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante peut être motivée d'une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, il incombe à l'autorité communautaire de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes». Enfin, il paraît raisonnable que, dans le cadre d'une mesure d'application générale, l'obligation de motivation soit étendue lorsque, comme en l'espèce, il est connu que la méthode de calcul appliquée est controversée.

57. Toutefois, le caractère suffisant de la motivation dépendra de l'ensemble du contexte. Par exemple, l'article 2, paragraphe 10, relatif à la «comparaison» établit dix facteurs différents permettant d'opérer des ajustements, tels que des rabais et remises de quantité ou des différences dans les coûts du transport ou du crédit. Lorsque de tels facteurs sont inexistants, il serait clairement excessif d'exiger une explication relative à l'absence d'un quelconque ajustement en ce qui les concerne, à moins que leur existence n'ait été invoquée au cours de l'enquête. (Ainsi, le vingt et unième considérant du préambule du règlement attaqué donne les raisons justifiant le rejet des demandes fondées sur des différences au niveau des conditions de crédit, des commissions et du stade commercial.)

- La présente affaire

58. L'article 2, paragraphe 11, du règlement de base prévoit une base de comparaison normale (l'une des deux méthodes symétriques) et une base exceptionnelle (la méthode asymétrique) si deux conditions sont remplies. Si la base normale est utilisée, nous concédons qu'aucune explication n'est nécessaire à moins qu'une telle explication n'ait été demandée au cours de la procédure préliminaire. Toutefois, lorsque la base exceptionnelle est utilisée, il est à notre avis nécessaire d'expliquer pourquoi la procédure normale n'a pas été retenue, en établissant en particulier que les deux conditions sont réunies. Il en est ainsi - pour permettre tout au moins au juge communautaire d'exercer son contrôle - même lorsqu'aucune objection n'a été formulée quant au choix de la méthode, mais la motivation à fournir peut à l'évidence être plus succincte dans de tels cas quand il n'y a pas de nécessité de répondre à des objections.

59. De plus, nous partageons l'avis de Petrotub selon lequel il faut au minimum davantage qu'une simple répétition des termes des conditions - à savoir que la configuration des prix à l'exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et que les méthodes symétriques ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping. Une telle répétition ne contient aucune information réelle et n'énonce en fait pas de raison vérifiable à l'appui du choix de la méthode. Elle ne permet ni au juge d'exercer un contrôle ni à un autre intéressé de connaître les conditions dans lesquelles les règles ont été appliquées .

60. La raison indiquée dans le règlement provisoire à l'appui du choix de la méthode asymétrique est qu'elle «était nécessaire pour refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué et du fait que la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement entre les différents acquéreurs et régions». Dans le règlement attaqué, les raisons indiquées à l'appui du rejet de la demande visant à l'utilisation de la première méthode symétrique sont que, «pour une société, il n'y avait aucune différence dans la marge de dumping obtenue par les deux méthodes, toutes les transactions d'exportation ayant été effectuées à des prix de dumping», et que, «pour trois sociétés, on a constaté une configuration des prix à l'exportation différant sensiblement entre destinations ou périodes».

61. Une telle motivation est-elle suffisante au regard du contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière?

62. Le règlement de base ne contient aucune information quant aux considérations de fait sur lesquelles la Commission a fondé son choix et ne peut donc pas apporter de lumière sur les affirmations légèrement plus informatives figurant dans le règlement attaqué. La seule indication supplémentaire qui peut être déduite de ce dernier - et qui semble ressortir de l'information finale de la Commission visée au point 110 de l'arrêt attaqué - est que la première méthode symétrique a été jugée inappropriée pour révéler l'ampleur réelle du dumping parce qu'elle produisait une marge inférieure. (On peut relever que la seule nouvelle raison indiquée explicitement dans le règlement contesté - à savoir que le choix de la méthode était sans incidence sur le résultat dans le cas d'une société - aurait en fait dû être une raison de ne pas s'écarter de la base de comparaison normale.)

63. À première vue, par conséquent, le règlement attaqué ne contient aucune affirmation permettant à la Cour ou à un intéressé de connaître les raisons pour lesquelles la méthode asymétrique a été utilisée. Il est toutefois nécessaire d'examiner les trois points spécifiques sur lesquels une motivation suffisante était ou aurait pu être nécessaire. Dans quelle mesure une motivation doit-elle être fournie sur ces points et, à la lumière du contexte dans son ensemble, une telle motivation a-t-elle été fournie?

a) Prise en considération de la seconde méthode symétrique

64. Le règlement attaqué n'explique pas pourquoi la seconde méthode symétrique n'a pas été appliquée. De plus, il semble constant qu'aucune raison n'a été fournie ou demandée au cours de la procédure préliminaire. La question est de savoir si une motivation aurait néanmoins dû être fournie à l'appui du rejet de cette méthode étant donné que tant le libellé de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base que celui de l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 impliquent que la méthode asymétrique ne peut être utilisée que si les deux méthodes symétriques sont insatisfaisantes.

65. À notre avis, une motivation était requise.

66. Le Conseil et la Commission ont soutenu que, étant donné que rien n'indique quelle méthode symétrique doit être utilisée dans quelles circonstances, ils peuvent choisir librement l'une ou l'autre d'entre elles. Jusque-là, nous sommes d'accord. Nous ne les suivons toutefois pas dans leur conclusion selon laquelle il suffit d'expliquer pourquoi la méthode symétrique choisie était insatisfaisante pour pouvoir utiliser ensuite la méthode asymétrique. Cela n'est tout simplement pas compatible avec l'économie ou le libellé des dispositions, qui n'autorisent manifestement le recours à la méthode asymétrique que si aucune des méthodes symétriques ne permet de «refléter l'ampleur réelle du dumping» ou de «prendre dûment en compte» les différences de configuration des prix à l'exportation.

67. Les institutions ont également soutenu que la seconde méthode symétrique n'est jamais utilisée - et qu'il n'était pas question de l'utiliser en l'espèce - parce qu'elle est généralement considérée comme irréalisable et arbitraire, comme cela a été relevé au point 101 de l'arrêt attaqué. Cela est sans doute vrai et elle peut constituer une méthode manifestement insatisfaisante dans de nombreux cas, mais elle a été prévue tant dans le code antidumping de 1994 que dans le règlement de base et il doit donc y avoir des circonstances dans lesquelles elle est à considérer comme appropriée. À l'audience, la Commission a indiqué qu'un petit nombre de pays, parmi lesquels la Nouvelle-Zélande, utilisent habituellement ou traditionnellement la seconde méthode symétrique. S'il en est ainsi, il nous semble qu'elle ne saurait être écartée sans explication, même si cette explication est évidente dans l'esprit des institutions communautaires - si tant est que la question fasse jamais l'objet de la réflexion qu'elle devrait appeler.

68. Par ailleurs, le fait que Petrotub n'ait pas sollicité d'explication au cours de la procédure préliminaire est sans incidence. La détermination de la marge de dumping est une phase essentielle de la procédure et il est nécessaire de motiver toute dérogation à la base de comparaison normale à cette fin. Dans les circonstances de l'espèce, cette explication aurait pu être succincte, mais elle ne pouvait pas être omise.

69. Nous considérons par conséquent que, en n'expliquant pas pourquoi la seconde méthode symétrique n'était pas appropriée, le Conseil n'a pas suffisamment motivé la dérogation à la base de comparaison normale prévue à l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base. La motivation étant une forme substantielle, le Tribunal aurait dû examiner la question indépendamment de la phase de la procédure à laquelle elle a été soulevée.

b) Existence de différences sensibles dans la configuration des prix à l'exportation

70. Aux termes du règlement de base, l'une des deux conditions nécessaires pour s'écarter de la base de comparaison normale est qu'il doit y avoir une configuration des prix à l'exportation qui «diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes». Pour permettre à la Cour d'exercer son contrôle et pour donner à tous les intéressés (dans le commerce mondial) la possibilité de connaître les conditions dans lesquelles la Communauté applique ses règles antidumping, il est en principe nécessaire qu'un règlement instituant un droit sur la base d'une marge de dumping calculée selon la méthode asymétrique motive la conclusion selon laquelle il existe une telle configuration. Comme nous l'avons indiqué plus haut, nous ne considérons pas que la simple affirmation de l'existence de celle-ci suffise.

71. Or, outre une telle affirmation, le règlement attaqué ne fournit aucune explication. De surcroît, l'affirmation selon laquelle, «pour trois sociétés, on a constaté une configuration des prix à l'exportation différant sensiblement entre destinations ou périodes» n'est pas équivalente à l'affirmation, figurant dans le règlement provisoire, selon laquelle «la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement entre les différents acquéreurs et régions». La découverte apparente de différences sensibles selon les périodes entre le règlement provisoire et le règlement définitif appelle a priori une explication.

72. En conséquence, nous estimons que la motivation du règlement attaqué était également insuffisante sur ce point. Toutefois, Petrotub n'a pas soulevé la question de l'insuffisance de motivation dans ce contexte en première instance , pas plus que dans le pourvoi. Dans ces conditions et eu égard au fait que la motivation nous semble insuffisante sur d'autres points, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire que la Cour statue sur cet aspect .

c) Reflet de l'ampleur réelle du dumping

73. La seconde des deux conditions nécessaires - et cumulatives - de la dérogation à la base de comparaison normale est que la base normale ne permettrait pas de «refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué».

74. Il découle de ce que le Conseil a indiqué dans ses mémoires et à l'audience que le fait que la première méthode symétrique produisait une marge de dumping sensiblement inférieure à celle qui résultait de la méthode asymétrique semble avoir été la raison décisive de conclure que la première méthode ne reflétait pas l'ampleur réelle du dumping et aucune autre raison ne semble avoir été fournie à quelque stade que ce soit.

75. Cette raison n'est pas énoncée explicitement dans le règlement attaqué, mais elle peut être déduite de l'affirmation selon laquelle, «pour une société, il n'y avait aucune différence dans la marge de dumping obtenue par les deux méthodes» qui vise à réfuter l'argument selon lequel la première méthode symétrique aurait dû être utilisée et, plus directement, de l'affirmation de la Commission dans son information finale selon laquelle la différence de marge de dumping obtenue en appliquant les deux méthodes était telle que l'on pouvait en conclure que la première méthode symétrique ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping.

76. De plus, il apparaît que tant le Conseil que la Commission considèrent l'existence d'une différence entre les marges de dumping obtenues par les deux méthodes comme une justification valide. Dès lors, à leur avis, une motivation complète - et par conséquent suffisante par définition - a été fournie à cet égard. Selon ces deux institutions, ce que Petrotub met en doute est en réalité la validité et non le caractère suffisant de cette motivation.

77. D'un point de vue purement formel, cette opinion est peut-être défendable. Toutefois, on ne saurait opérer, de manière formelle, de distinction aussi nette entre le caractère suffisant d'une motivation et la validité de l'appréciation qu'elle renferme. Si la dérogation à la base normale de calcul n'est absolument pas motivée, l'obligation imposée par l'article 253 CE n'est manifestement pas respectée. Mais affirmer simplement, par exemple, que le logiciel de la Commission a déterminé que la méthode asymétrique était nécessaire relèverait de la même catégorie, car cela reviendrait à nouveau à ne pas fournir d'indications permettant de déterminer si la dérogation à la base normale était justifiée. Dans ces conditions, même si une raison formelle a été fournie, il y aurait lieu de contester son caractère suffisant en tant que motivation et non sa validité en tant qu'appréciation correcte.

78. À notre avis, la simple affirmation selon laquelle la première méthode symétrique produit un résultat sensiblement inférieur à celui qui résulte de la méthode asymétrique est du même ordre. Certes, si une méthode révèle «l'ampleur réelle du dumping pratiqué» et l'autre ne le fait pas, il est manifeste que le résultat produit par la seconde sera inférieur. L'inverse n'est cependant pas toujours vrai; le plus élevé des deux résultats n'est pas nécessairement le plus exact (et l'expression «ampleur réelle» doit à notre avis être considérée comme signifiant «ampleur véritable»), la méthode pouvant tout simplement être inappropriée dans les circonstances de l'espèce.

79. Il peut être utile de signaler à cet égard que, si - comme cela semble être systématiquement le cas - la réduction à zéro est utilisée avec la méthode asymétrique, elle semble se traduire automatiquement par un résultat plus élevé lorsque des transactions comportant une marge de dumping négative sont incluses dans le calcul . Toutefois, le simple fait que certaines transactions se soldent par une marge négative ne signifie pas nécessairement qu'il y a eu dumping ciblé et il est par conséquent nécessaire d'indiquer, pour cette raison également, les motifs pour lesquels il a été conclu qu'un tel ciblage existait.

80. Quoi qu'il en soit, se borner à affirmer que la méthode produisant le résultat le plus élevé a été utilisée ne permet absolument pas à la Cour ou à quiconque de décider s'il y a eu erreur manifeste d'appréciation. Le reproche à formuler n'est donc pas, comme le soutient le Conseil, que le mauvais critère a été utilisé, mais que la motivation fournie est insuffisante pour déterminer si le bon critère a été utilisé.

81. Aucune autre raison n'étant fournie dans le règlement attaqué (ni, d'ailleurs, à un autre endroit), nous considérons qu'il y a également défaut de motivation à cet égard.

82. Il se peut par conséquent qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner spécifiquement si, outre le fait qu'elle est insuffisante au regard de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, la motivation était également insuffisante au regard de l'article 2.4.2 du code antidumping de 1994 en ce sens qu'aucune explication n'est fournie quant à la raison pour laquelle il n'était pas possible de prendre dûment en compte les différences constatées dans la configuration des prix à l'exportation en utilisant l'une ou l'autre des méthodes symétriques. À notre avis, cette exigence est en pratique très semblable à l'obligation d'indiquer, en cas de dérogation à la base de comparaison normale, pourquoi cette base normale ne permettrait pas de refléter l'ampleur réelle - véritable - du dumping. Néanmoins, le fait que la motivation qui doit être fournie résulte non seulement du règlement de base communautaire, mais également d'un instrument international liant la Communauté ne peut que renforcer cette obligation.

- Conclusion

83. Nous estimons par conséquent que le règlement attaqué ne comportait pas une motivation suffisante, permettant à la Cour d'exercer son contrôle et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles les règles antidumping communautaires ont été appliquées, à l'appui de la dérogation à la base de comparaison normale devant être utilisée en vertu de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, en particulier en ce qu'il n'explique absolument pas pourquoi la seconde méthode symétrique ne pouvait pas être utilisée et ne fournit aucune raison vérifiable expliquant pourquoi les méthodes symétriques n'auraient pas révélé l'ampleur réelle du dumping pratiqué.

Republica

Les faits, la procédure en première instance, l'arrêt attaqué

84. Le pourvoi de Republica concerne le calcul de la valeur normale sur le marché intérieur, avant la comparaison avec les prix à l'exportation aux fins de la détermination des marges de dumping. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base, la valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur. Toutefois, en vertu du troisième alinéa:

«Les prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d'opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s'il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation.»

85. Le règlement provisoire ne fait pas état d'arrangements compensatoires dans le contexte du calcul de la valeur normale des produits roumains. Il ressort du dossier que, à la suite de l'adoption de ce règlement le 29 mai 1997, une audition a été organisée à la Commission le 9 juillet 1997, au cours de laquelle Republica a fait des observations expliquées aux points 68 et 69 de l'arrêt attaqué:

«68 Selon la requérante, les ventes intérieures qu'elle a effectuées en recourant à la compensation comme mode de paiement représentaient environ 24 % des ventes intérieures du produit concerné pendant la période d'enquête. Le système de compensation lui serait imposé par de gros clients, tels que les entreprises de service public roumaines, et les prix, non négociables, pratiqués dans ce cadre seraient considérablement inférieurs aux prix de marché normaux. Ces ventes auraient, dès lors, dû être écartées aux fins de la détermination de la valeur normale, en application de l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base.

69 La requérante n'aurait pas évoqué ces ventes dans sa réponse au questionnaire parce qu'elle n'aurait pas été invitée à le faire. Elle admet avoir soulevé, pour la première fois, la question des ventes à titre compensatoire lors de l'audition du 9 juillet 1997, ainsi que dans le résumé de l'argumentation concernant le dumping présentée à cette occasion. En outre, un document intitulé Total Value of Compensatory Arrangements (Valeur totale des arrangements compensatoires), comportant une liste de ces arrangements, aurait été transmis à la Commission en annexe au résumé susmentionné. La teneur de ce document aurait ensuite été précisée par la requérante dans une télécopie adressée à la Commission le 21 juillet 1997. [...]»

86. On pourrait se demander à ce stade pour quelle raison Republica a soutenu que les ventes effectuées sur la base d'arrangements compensatoires devaient être exclues du calcul eu égard au fait que, comme cela est indiqué dans l'extrait que nous venons de citer, les ventes en question, soit 24 % environ des ventes intérieures, étaient réalisées à des prix considérablement inférieurs aux prix de marché normaux. Si elles avaient été exclues, cela se serait traduit par une valeur normale supérieure et, partant, par une marge de dumping plus élevée, ce qui aurait été contraire aux intérêts apparents de Republica. La question qui sous-tend l'argumentation de Republica est donc loin d'être aussi claire que celle qui sous-tend l'argumentation de Petrotub.

87. Toutefois, une explication possible a été suggérée par le Conseil à l'audience: l'exclusion de ces ventes aurait pu impliquer qu'il n'y avait pas suffisamment de ventes au cours d'opérations commerciales normales pour calculer la valeur normale, auquel cas une valeur normale construite aurait dû être établie conformément à l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base, ce qui aurait pu être favorable à Republica. En tout état de cause, le Conseil n'a pas soutenu que le pourvoi était irrecevable au motif que Republica n'avait aucun intérêt à demander l'exclusion des transactions litigieuses.

88. Dans le préambule du règlement attaqué qui a alors été adopté, le Conseil a affirmé:

«Une société a demandé à un stade très avancé de la procédure (au moment des auditions après la communication des conclusions provisoires) que [...] toutes les ventes utilisant une compensation comme mode de paiement devaient être [...] exclues, puisqu'elles n'avaient pas eu lieu au cours d'opérations commerciales normales. [Cette demande n'a pas été présentée] en temps utile, ni dans la réponse au questionnaire, ni sur place, ni à un stade ultérieur de la procédure, lorsque la société a été invitée à émettre des observations. [...] au cours de l'enquête, il a été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales. En conséquence, [la demande a été rejetée].»

89. Dans l'affaire T-34/98, Republica a conclu à l'annulation du règlement attaqué dans la mesure où il concernait la requérante. Elle a soutenu, comme cela est exposé aux points 69 à 71 de l'arrêt attaqué, que:

«69 [...] La demande d'exclusion, aux fins du calcul de la valeur normale, des ventes effectuées sur la base d'arrangements compensatoires ne serait [...] pas tardive au regard du délai fixé par l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base [].

70 Par ailleurs, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, il incomberait aux institutions communautaires d'établir, en procédant à une vérification au cours de l'enquête, si les ventes intérieures englobaient des arrangements compensatoires. Si tel était le cas, il existerait une présomption selon laquelle elles ne seraient pas réalisées au cours d'opérations normales, à moins que les institutions communautaires ne prouvent que les prix appliqués n'étaient pas affectés par cette relation.

71 En se limitant, en l'espèce, à affirmer, au point 19 des considérants du règlement attaqué, que, au cours de l'enquête, il a été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales, sans indiquer si les institutions communautaires avaient examiné si les prix pratiqués au cours de ces ventes étaient affectés par ces arrangements de compensation, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, le règlement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation.»

90. Le Conseil a fait valoir que la demande de Republica était tardive et n'était étayée par aucun élément de preuve.

91. Le Tribunal a jugé, aux points 74 et 75 de l'arrêt attaqué:

«74 Force est de constater que la requérante n'avance pas d'élément de preuve et ne fournit aucune indication permettant de supposer que les arrangements compensatoires qu'elle invoque, mentionnés dans le document intitulé Total Value of Compensatory Arrangements relatif aux ventes effectuées sur la base d'arrangements compensatoires durant la période d'enquête, ont affecté les prix appliqués dans le cadre de ces opérations, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base.

75 En outre, en l'absence de tout indice contraire fourni par la requérante, le Conseil a suffisamment motivé, dans le règlement attaqué, son refus d'exclure les ventes par compensation de la détermination de la valeur normale, en spécifiant qu'il avait été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales.»

Le pourvoi

92. Republica demande à la Cour d'annuler l'arrêt et le règlement attaqués dans la mesure où ils la concernent. Elle formule les mêmes observations préliminaires que Petrotub et invoque un moyen unique tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis le Tribunal au point 75 de son arrêt en jugeant suffisante la motivation du règlement attaqué en ce qui concerne le refus d'exclure les ventes par compensation de la détermination de la valeur normale.

93. Republica considère que, une fois qu'il avait admis que l'on est en présence de «ventes par compensation» et dès lors de «prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation», il n'était pas loisible au Conseil d'utiliser ces prix pour établir la valeur normale, sauf à prouver comme l'exige le règlement de base que ces prix n'avaient pas été «affectés par cette relation». C'est par conséquent à tort que le Tribunal a constaté que, dès lors que «[...] la requérante n'avance pas d'élément de preuve et ne fournit aucune indication permettant de supposer que les arrangements compensatoires [...] ont affecté les prix appliqués dans le cadre de ces opérations [...]», la motivation du Conseil était suffisante.

94. Selon Republica, le seul passage du règlement attaqué qui concerne cet aspect et sur lequel s'appuie le Tribunal, à savoir que «au cours de l'enquête il a été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales», ne fait que reprendre les termes de la disposition en question, si bien qu'il ne constitue pas une motivation suffisante. Le Conseil aurait dû expliquer, fût-ce succinctement, pourquoi les ventes en question avaient «bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales»; or, il n'a même pas fourni la motivation «laconique» admise par les arrêts Nicolet Instrument et Ferchimex/Conseil .

Recevabilité du pourvoi

95. Le Conseil et la Commission considèrent tous deux que le pourvoi de Republica est irrecevable au motif, en substance, qu'il i) ne précise pas les erreurs de droit que le Tribunal aurait commises (s'attachant plutôt au fond de l'appréciation opérée dans le règlement attaqué) et ii) se borne à répéter les arguments déjà avancés en première instance.

96. Pour des raisons qui sont en substance les mêmes que celles que nous avons déjà exposées en ce qui concerne Petrotub , nous ne souscrivons pas à ces objections. En première instance, Republica a soutenu que le règlement attaqué n'avait pas suffisamment motivé la constatation selon laquelle les transactions en cause avaient été effectuées au cours d'opérations commerciales normales; le Tribunal a admis que la motivation était suffisante en ce qu'elle spécifiait qu'il avait «été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales» et a également constaté que la requérante n'avait avancé aucun élément de preuve pour réfuter cette affirmation. Dans le pourvoi, Republica ne conteste pas cette dernière constatation de fait, mais elle est à notre avis en droit de soutenir que le Tribunal n'a pas correctement motivé sa constatation selon laquelle la motivation était suffisante.

Bien-fondé du pourvoi

97. Le Conseil, soutenu par la Commission, considère que la motivation du règlement attaqué était suffisante; l'aspect en question n'a pas été contesté au cours de la procédure administrative et c'est à tort que Republica affirme qu'il faut faire apparaître le lien logique entre le texte et l'évaluation. Il n'était nullement nécessaire d'expliquer la conclusion selon laquelle les ventes en question avaient eu lieu au cours d'opérations commerciales normales. En outre, le point 19 indique que l'argument de Republica a été rejeté non seulement parce qu'il n'était pas fondé, mais également en raison de la tardiveté avec laquelle il a été invoqué dans la procédure; le Tribunal aurait pu simplement constater que la motivation était suffisante sur le premier aspect. Si la Cour devait considérer que le Tribunal a en cela commis une erreur de droit, le pourvoi devrait néanmoins être rejeté en raison du motif de tardiveté. Dans sa duplique, le Conseil soutient que le moyen n'est pas fondé parce que Republica ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait au cours de la procédure administrative.

98. La principale question qui divise les parties est ce qu'elles ont appelé la charge de la preuve, bien que l'obligation de motiver ne se situe pas au même niveau que la preuve, qui est une question d'appréciation au fond. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si le Conseil était tenu de motiver sa constatation selon laquelle les ventes litigieuses ont eu lieu au cours d'opérations commerciales normales dans la mesure où Republica n'a pas avancé d'élément de preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle tel n'était pas le cas.

99. Nous estimons, dans la ligne de notre argumentation concernant Petrotub, qu'il y était tenu. Le premier alinéa de l'article 2, paragraphe 1, énonce la règle de base pour déterminer la valeur normale (sur la base des «prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur»). En vertu du troisième alinéa, des prix tels que ceux dont il est question en l'espèce «ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d'opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s'il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation». Il s'agit donc d'une dérogation exceptionnelle à la procédure normale qui nécessite une explication plus détaillée que la simple affirmation que les ventes en question «avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normale» - qui ne fournit aucun élément d'information permettant de déterminer s'il y a eu erreur manifeste d'appréciation. Or, aucune explication de ce type ne figure dans le règlement attaqué.

100. Certes, on peut normalement s'attendre à ce que les intérêts des exportateurs soient contraires aux intérêts de Republica en l'espèce. Ils souhaiteront généralement que les transactions avec des parties associées ou les transactions compensatoires - qui auront vraisemblablement été effectuées à des prix inférieurs à ceux des autres transactions - soient incluses dans le calcul de la valeur normale qui sera à son tour réduite, ce qui diminuera la marge de dumping calculée sur cette base. La charge de la preuve qu'il y a des raisons de déroger à la procédure normale incombera ainsi à l'exportateur et non à l'institution communautaire dans ces conditions. Toutefois, en l'occurrence, pour une raison quelconque, la situation est inverse et cela est admis par le Conseil.

101. C'est l'institution communautaire qui entend déroger à la méthode de calcul normale et elle doit motiver son choix de manière à permettre à la Cour d'exercer son contrôle et aux intéressés de connaître les conditions dans lesquelles les règles antidumping de la Communauté ont été appliquées. Si le Conseil avait invoqué et établi la mauvaise foi de Republica, la situation aurait été différente, mais il ne l'a pas fait et il est à présumer qu'il n'y a pas eu mauvaise foi.

102. De plus, dans la présente espèce, il ne semble pas y avoir d'indication ou d'allégation selon laquelle une explication aurait été fournie à Republica à quelque moment que ce soit. Tant en première instance que dans le cadre du pourvoi, le Conseil s'est borné à soutenir que la demande de Republica visant à l'exclusion des transactions était tardive et n'était étayée par aucun élément de preuve. Toutefois, en supposant que Republica avait un intérêt justifiable à l'exclusion des transactions litigieuses, il appartenait au Conseil de motiver la voie exceptionnelle qu'il a choisie et non à l'exportateur de démontrer, à quelque stade que ce soit, pourquoi la voie normale aurait dû être suivie.

103. En conséquence, la question de savoir si la demande de Republica a été présentée tardivement au cours de la procédure préliminaire est sans incidence.

104. Nous estimons par conséquent que le règlement attaqué ne comportait pas une motivation suffisante, de nature à permettre à la Cour d'exercer son contrôle et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles les règles antidumping de la Communauté ont été appliquées, de la dérogation à la base normale de la détermination de la valeur normale qui doit être utilisée conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base.

Conséquences d'une éventuelle annulation dans l'une des affaires et d'un rejet de l'autre pourvoi

105. Les deux requérantes soutiennent que, étant donné que (malgré leurs objections) la même marge de dumping et le même droit antidumping ont été fixés, l'annulation d'une marge de dumping rend l'autre invalide.

106. Étant donné que nous avons conclu qu'il y a lieu de faire droit indépendamment aux pourvois formés par les deux requérantes, il n'est pas nécessaire d'examiner cet argument. Toutefois, si la Cour devait donner gain de cause à l'une des requérantes et rejeter l'autre pourvoi, cet argument ne saurait être retenu eu égard à la jurisprudence constante de la Cour, rappelée en dernier lieu dans l'arrêt Nachi Europe .

Conclusion

107. La motivation du règlement attaqué étant insuffisante en ce qui concerne les deux requérantes, motivation que le Tribunal a jugée à tort suffisante, il est nécessaire d'annuler l'arrêt attaqué. L'état d'avancement de la procédure est tel que la Cour peut juger elle-même définitivement le litige et annuler le règlement attaqué en ce qui concerne Petrotub et Republica. Les deux requérantes ont conclu à la condamnation du défendeur aux dépens, tant en première instance que dans le cadre du pourvoi.

108. Nous proposons par conséquent à la Cour de:

- annuler l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance dans les affaires jointes T-33/98 et T-34/98;

- annuler le règlement (CE) nº 2320/97 du Conseil, du 17 novembre 1997, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de la République slovaque, abrogeant le règlement (CEE) n° 1189/93 et clôturant la procédure concernant les importations en provenance de la République de Croatie, dans la mesure où il concerne les requérantes;

- condamner le Conseil aux dépens exposés en première instance et dans le cadre du pourvoi, à l'exception de ceux de la Commission, qui supporte ses propres dépens.

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