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Document 62000CC0074

    Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 21 février 2002.
    Falck SpA et Acciaierie di Bolzano SpA contre Commission des Communautés européennes.
    Aides d'État - Régime CECA - Droits du bénéficiaire de l'aide - Champ d'application: absence de nécessité d'une incidence sur les échanges et la concurrence - Applicabilité des différents codes des aides dans le temps - Taux d'intérêt à appliquer pour le remboursement d'aides incompatibles.
    Affaires jointes C-74/00 P et C-75/00 P.

    Recueil de jurisprudence 2002 I-07869

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:106

    62000C0074

    Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 21 février 2002. - Falck SpA et Acciaierie di Bolzano SpA contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'État - Régime CECA - Droits du bénéficiaire de l'aide - Champ d'application: absence de nécessité d'une incidence sur les échanges et la concurrence - Applicabilité des différents codes des aides dans le temps - Taux d'intérêt à appliquer pour le remboursement d'aides incompatibles. - Affaires jointes C-74/00 P et C-75/00 P.

    Recueil de jurisprudence 2002 page I-07869


    Conclusions de l'avocat général


    I Introduction

    1. Par le présent pourvoi, Acciaierie di Bolzano SpA (ci-après «ACB») et Falck SpA (ci-après «Falck») attaquent l'arrêt du Tribunal de première instance rendu le 16 décembre 1999 dans l'affaire Acciaierie di Bolzano/Commission (T-158/96, Rec. p. II-3927). Le Tribunal a rejeté le recours en annulation d'ACB contre la décision 96/617/CECA de la Commission, du 17 juillet 1996 (ci-après la «décision attaquée»), adressée à la République italienne. Cette décision imposait à la République italienne de réclamer le remboursement des aides octroyées après le 1er janvier 1986 par la province autonome de Bolzano à l'entreprise sidérurgique ACB (depuis le début des années 80), au motif que ces aides n'ont pas été notifiées et n'étaient pas compatibles avec le marché commun. À ce propos se pose également la question de savoir si l'examen des aides aurait dû être effectué sur la base du code des aides à la sidérurgie applicable à l'époque de leur octroi ou sur la base du code des aides à la sidérurgie applicable à l'époque de la décision de demande de remboursement.

    2. En tant que producteur de produits sidérurgiques en acier spéciaux, ACB est une entreprise au sens du traité CECA. Jusqu'à sa cession à Valbruna Srl, le 31 juillet 1995, la société était contrôlée par le groupe sidérurgique Falck, qui est intervenu en première instance au soutien d'ACB.

    3. Les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir apprécié correctement une série d'erreurs de droit entachant la décision. En particulier, selon elles, lors de l'adoption de la décision, la Commission n'aurait pas respecté le droit à être entendu et les droits de la défense d'ACB. En outre, les requérantes affirment que la décision ne vise pas à éliminer l'effet de l'aide, mais a un caractère de sanction. De même, selon les requérantes, le calcul du taux serait erroné. En outre, affirment les requérantes, la Commission, en exigeant le remboursement des aides accordées jusqu'à dix ans auparavant, aurait violé les règles de prescription, l'interdiction de l'effet rétroactif et le principe de la protection de la confiance légitime.

    4. Alors que la République italienne, dans son mémoire en réponse, prend position en faveur des requérantes, la Commission rejette les griefs. En outre, elle émet des doutes quant à la recevabilité du pourvoi de Falck (affaire C-74/00 P) et demande le retrait du dossier de plusieurs documents internes de la Commission soumis par les autres parties à la procédure.

    II Cadre juridique

    5. En vertu de l'article 4, sous c), du traité CECA, les aides accordées par les États membres sont incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et sont interdites. L'article 95 du traité CECA reconnaît toutefois à la Commission le pouvoir d'adopter également des décisions (dérogatoires), dans la mesure où cela semble nécessaire afin de réaliser l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, conformément à l'article 5.

    6. Sur cette base, la Commission a adopté en 1980 ce que l'on appelle communément le premier code des aides à la sidérurgie , qui, en dérogeant à l'article 4, sous c), du traité CECA, autorisait dans certains cas les aides d'État pour la restructuration de la sidérurgie octroyées dans le cadre d'une politique commune.

    7. Le premier code était applicable jusqu'au 31 décembre 1981 et a été ensuite remplacé par le deuxième code des aides à la sidérurgie , qui était applicable jusqu'au 31 décembre 1985. Il a été suivi du troisième code des aides à la sidérurgie, applicable du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 , du quatrième code des aides à la sidérurgie, applicable du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 , du cinquième code des aides à la sidérurgie, applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1996 et enfin du sixième code des aides à la sidérurgie, applicable depuis le 1er janvier 1997 .

    8. Les codes prévoient une procédure d'autorisation particulière pour les aides dans le secteur de l'acier. Selon cette procédure, les États membres doivent notifier les aides à la Commission jusqu'à une certaine date. La Commission statue sur l'autorisation, après avoir donné aux intéressés la possibilité de présenter des observations . Depuis le deuxième code, les codes comportent une disposition selon laquelle les aides autorisées ne peuvent être versées qu'au cours de la durée d'application de chaque code (article 2, paragraphe 1, dernier tiret, du deuxième code).

    9. Les critères d'autorisation figurant dans les codes sont devenus de plus en plus stricts. En vertu des premier et deuxième codes, les aides générales à l'investissement et, avec certaines restrictions, également les aides au fonctionnement étaient encore largement éligibles à l'autorisation, tant qu'elles étaient accordées dans le cadre d'un plan de restructuration. En revanche, les troisième et quatrième codes ne permettaient plus que l'autorisation des aides à la recherche et au développement, les aides en faveur de la protection de l'environnement et les aides à la fermeture. Par ailleurs, les aides régionales à l'investissement prévues par des régimes généraux ne pouvaient plus être autorisées que sous certaines conditions limitées (article 5 du troisième code et article 5 du quatrième code). En vertu de l'article 5 du cinquième code, les aides régionales à l'investissement ne sont finalement plus autorisées qu'en Grèce, au Portugal et sur le territoire de l'ex-République démocratique allemande.

    III Faits et décision attaquée

    A Faits

    10. En ce qui concerne les antécédents du litige, le Tribunal, dans son arrêt, a constaté ce qui suit:

    «8 Par lettre du 5 juillet 1982, la Commission a informé le gouvernement italien qu'elle avait décidé d'autoriser le régime d'aides régionales créé par la loi n° 25/81 de la province autonome de Bolzano, du 8 septembre 1981, sur les interventions financières en faveur du secteur industriel (ci-après loi provinciale n° 25/81). Dans cette lettre, la Commission soulignait, toutefois, qu'elle devait également se prononcer sur l'application sectorielle de la loi nationale n° 675, du 12 août 1977, portant mesures pour la coordination de la politique industrielle, la restructuration, la reconversion et le développement du secteur (1/a) (ci-après loi n° 675) applicable en la matière, et qu'elle se réservait, par conséquent, le droit de préciser les conditions dans lesquelles ce régime s'appliquerait à la province de Bolzano, en fonction de la décision qu'elle adopterait au niveau national. Elle a, en outre, précisé que les autorités de Bolzano devaient respecter intégralement la discipline et les codes communautaires concernant l'octroi d'aides en faveur de la sidérurgie.

    9 L'article 1er de la décision 91/176/CECA de la Commission, du 25 juillet 1990, concernant des aides octroyées par la province de Bolzano en faveur de l'aciérie de Bolzano (JO 1991, L 86, p. 28)[], dispose: La bonification d'intérêt pour un prêt [de 6 milliards de ITL] accordé en décembre 1987 par la province de Bolzano, en Italie, à l'entreprise Acciaierie di Bolzano, en application de la loi provinciale n° 25 du 8 septembre 1981 est une aide d'État illégale parce qu'elle a été mise en oeuvre sans autorisation préalable de la Commission, et elle est de plus incompatible avec le marché commun au sens de la décision n° 3484/85/CECA [troisième code]. Toutefois, la Commission n'a, dans cette décision, pas exigé le remboursement des montants déjà versés, mais s'est contentée d'enjoindre aux autorités de la province de Bolzano de cesser de bonifier les annuités du prêt litigieux jusqu'à l'expiration de celui-ci.

    10 Au point II, deuxième alinéa, des motifs de cette décision, la Commission rappelle que, le 25 mai 1983, elle a approuvé, en vertu du deuxième code, des aides à la restructuration de certaines entreprises du secteur privé italien de l'ordre de 40 milliards de [ITL], dont un montant de deux milliards de [ITL] qui devait être versé aux aciéries de Bolzano au titre de la loi n° 675/77. En particulier, un projet d'amélioration qualitative des produits du train à fil machine de Bolzano devait bénéficier, dans ce cadre, entre autres, d'un prêt bonifié de 6 milliards de [ITL]. Au point II, troisième alinéa, de ladite décision, elle souligne, toutefois, que le gouvernement italien lui a indiqué que, en raison de la structure administrative de l'Italie, qui prévoit une large autonomie pour les provinces de Trente et de Bolzano notamment, la loi nationale n° 675/77 n'était pas applicable dans ces territoires et que c'était la loi provinciale n° 25/81 qui s'appliquait dans la province de Bolzano. Cette circonstance aurait retardé l'octroi effectif de l'aide. La Commission en conclut, au point III, deuxième alinéa, de la décision, que, l'aide approuvée n'ayant pas été versée à la date impérative prévue à cet effet par l'article 2, paragraphe 1, dernier tiret, du deuxième code, à savoir le 31 décembre 1985, et n'ayant pas été renotifiée ni approuvée par elle conformément au troisième code, elle était devenue illégale.

    11 Le 21 décembre 1994, à la suite d'une plainte formelle, la Commission a demandé aux autorités italiennes des informations concernant les interventions publiques dont avait bénéficié la requérante. Le gouvernement italien y a répondu par lettres du 6 avril et du 2 mai 1995.

    12 Par lettre du 1er août 1995, la Commission a informé le gouvernement italien de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code et l'a invité à présenter ses observations. La décision portant ouverture de la procédure a été publiée le 22 décembre 1995 au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 344, p. 8, ci-après décision d'ouverture) et les autres États membres ainsi que les autres intéressés ont été invités à présenter leurs observations.

    13 Par lettre du 18 janvier 1996, la requérante a, en sa qualité d'intéressée, demandé à la Commission d'être consultée et entendue dans le cadre de la procédure engagée. Cette lettre étant restée sans réponse, la requérante lui a envoyé une deuxième lettre, datée du 28 mars 1996, dans laquelle elle lui demandait de lui indiquer l'état de la procédure et, en particulier, si elle estimait devoir l'entendre ou recueillir des informations auprès d'elle.

    14 L'association des producteurs d'acier allemands, la Wirtschaftsvereinigung Stahl, et l'association des producteurs d'acier britanniques, The British Iron and Steel Producers Association, ont respectivement communiqué leurs observations à la Commission par lettres des 19 et 22 janvier 1996. La Commission a transmis lesdites lettres aux autorités italiennes par courrier du 20 février 1996.

    15 Par lettre du 27 mars 1996, les autorités italiennes ont communiqué leurs observations à la Commission.»

    B Décision attaquée

    11. Le 17 juillet 1996, la Commission a adopté la décision attaquée sur la base du cinquième code.

    12. À l'article 1er de la décision, la Commission constate que les aides octroyées en vertu de la loi provinciale n° 25/81 sont illégales au motif qu'elles n'ont pas été notifiées avant d'être octroyées et qu'elles sont incompatibles avec le marché commun en vertu de l'article 4, point c), du traité CECA.

    13. En vertu de l'article 2, la République italienne doit procéder à la récupération des aides, majorées des intérêts, accordées depuis le 1er janvier 1986 au titre de la loi provinciale n° 25/81 et en vertu des décisions n° 7673 du 14 décembre 1987, n° 2429 du 2 mai 1988 et n° 4158 du 4 juillet 1988. En raison de l'importance des intérêts, il est renvoyé au taux «utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée».

    14. Dans la motivation de sa décision, la Commission a fait les constatations suivantes.

    15. De 1982 à 1990, sur la base de la loi provinciale n° 25/81, ACB a obtenu les aides suivantes:

    par décision n° 784 du 14 février 1983:

    un prêt de 5,6 milliards de ITL et une subvention à fonds perdu de 8 milliards de ITL;

    par décision n° 3082 du 1er juillet 1985:

    un prêt de 12,941 milliards de ITL;

    par décision n° 6346 du 3 décembre 1985:

    une subvention à fonds perdu de 10,234 milliards de ITL;

    par décision n° 7673 du 14 décembre 1987:

    un prêt de 6,321 milliards de ITL;

    par décision n° 2429 du 2 mai 1988:

    une subvention à fonds perdu de 3,750 milliards de ITL;

    par décision n° 4158 du 4 juillet 1988:

    un prêt de 987 millions de ITL et une subvention à fonds perdu de 650 millions de ITL.

    16. Les aides auraient été accordées, d'une part, sous forme de prêt bonifié sur dix ans au taux de 3 %, c'est-à-dire un taux inférieur d'environ 9 points au taux normal du marché, de 12 %, appliqué à l'époque en Italie, et, d'autre part, sous forme de subvention à fonds perdu.

    17. À l'exception du prêt de 5,6 milliards de ITL, aucune des aides n'aurait été notifiée et approuvée . Par la décision 91/176, ces aides auraient toutefois été déclarées incompatibles avec le marché commun au motif qu'elles auraient été versées tardivement. Cependant, la Commission n'aurait pas demandé leur remboursement.

    18. La Commission a rejeté l'application du deuxième code aux aides octroyées avant le 31 décembre 1985, mais a toutefois souligné, dans le même temps, que les mesures n'auraient toutefois pas non plus été susceptibles d'être approuvées sur la base de ces dispositions.

    19. En ce qui concerne les aides octroyées avant le 1er janvier 1986, la Commission a renoncé à en réclamer le remboursement. Selon elle, des circonstances particulières auraient pu pousser les autorités italiennes à commettre une erreur à cette époque en ce qui concerne leur obligation de notifier les aides.

    IV Procédure devant le Tribunal de première instance

    20. ACB a introduit un recours le 12 octobre 1996.

    21. Falck et la République italienne ont demandé l'autorisation d'intervenir à l'appui des conclusions de la requérante. À titre d'intérêt dans l'issue du litige, Falck a fait valoir ceci: certes, elle n'avait plus de parts dans ACB, depuis qu'elle a cédé ses parts à Valbruna Srl; toutefois, en cas de remboursement des aides, elle serait toutefois contractuellement tenue de rembourser à l'acquéreur d'ACB le prix d'achat pour un montant correspondant. Le Tribunal a vu dans cette circonstance une motivation suffisante de l'intérêt dans l'issue du litige dont doit se prévaloir l'intervenant et a fait droit à la demande de Falck par ordonnance du 11 juillet 1997. Par la même ordonnance, la République italienne a également été autorisée à intervenir.

    22. Le Tribunal a invité les parties à répondre par écrit à plusieurs questions avant la procédure orale. En particulier, il cherchait à obtenir de la Commission la production de la lettre des autorités italiennes du 27 mars 1996, dans laquelle ces dernières avaient fait des observations sur le résultat de l'audition. La Commission a refusé de produire la lettre, parce qu'elle contenait des données confidentielles concernant le bénéficiaire de l'aide. Par conséquent, selon la Commission, la production de la lettre devait être autorisée par les autorités italiennes. En outre, la Commission a ajouté que l'une des annexes de la lettre était une note interne de la Commission rédigée par le service juridique. Le Tribunal a demandé à la Commission de produire la lettre à l'audience, à l'exception de la note éventuellement dans une version partiellement masquée .

    23. La Commission a produit, au début de l'audience, la lettre à l'exception de la note du service juridique. Toutefois, dans un premier temps, seule a été distribuée aux parties la lettre elle-même, en plus de l'annexe 1. En raison de leur volume, les autres annexes ont été déposées au greffe pour y être consultées. Au cours de l'audience, le tableau A de l'annexe 5 (récapitulatif des aides octroyées à ACB) a toutefois été distribué aux parties et la procédure a été suspendue pour vingt minutes. Plus tard ont également été distribués les tableaux B, C et D de l'annexe 5 (récapitulatifs des investissements d'ACB), l'annexe 6 (récapitulatif des exportations d'ACB vers l'Allemagne et la Grande- Bretagne) ainsi que l'annexe 7 (lettre de la province autonome de Bolzano aux autorités italiennes du 3 août 1995) et la procédure a de nouveau été suspendue pour une heure.

    V Moyens soulevés en première instance et arrêt du Tribunal

    24. ACB a fondé son recours essentiellement sur les moyens suivants:

    Premier moyen: La Commission aurait méconnu les droits de la défense d'ACB au cours de la procédure administrative. Après la communication de l'ouverture de la procédure en application de l'article 6 du cinquième code, ACB se serait adressée à la Commission par lettres du 18 janvier et du 28 mars 1996 et aurait demandé la possibilité de présenter des observations et aurait demandé où en était la procédure. La Commission aurait adopté la décision sans répondre à ces lettres.

    Deuxième moyen: La Commission aurait appliqué à tort, avec effet rétroactif, le cinquième code et non pas le code en vigueur à l'époque de l'octroi des aides et aurait méconnu les délais de prescription. Cela violerait les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

    Troisième moyen: La Commission aurait violé les principes de coopération loyale et de confiance légitime en n'ayant réclamé le remboursement des aides que plusieurs années après leur octroi, alors qu'ACB a pu penser que les aides avaient été approuvées par la Commission en raison de nombreuses circonstances. La réclamation tardive du remboursement des aides conférerait à la décision un caractère de sanction et violerait le principe de proportionnalité.

    Quatrième moyen: La Commission n'aurait pas vérifié dans quelle mesure les aides, en dépit des faibles capacités de production d'ACB, affecteraient le commerce entre États membres. Elle aurait mal apprécié les faits, en ce qu'elle n'aurait pas qualifié les mesures d'aides susceptibles d'être approuvées au sens du code.

    Cinquième moyen: Le taux d'intérêt fixé par la Commission serait indéterminable et dépourvu de base légale. En outre, la Commission n'aurait pas dû utiliser l'Italie, mais l'Allemagne, comme marché de référence pour le taux applicable, étant donné qu'ACB opérait majoritairement en Allemagne.

    Sixième moyen: La Commission n'a pas expliqué pourquoi elle avait retenu la date du 1er décembre 1985 comme date déterminante pour le remboursement. De même, la fixation du taux d'intérêt n'est pas correctement motivée.

    25. Le Tribunal a rejeté l'objection soulevée tardivement par la Commission à l'encontre de l'autorisation d'intervenir de Falck et a confirmé la motivation déjà exposée dans l'ordonnance du 11 juillet 1997 relative à l'intérêt de Falck à intervenir dans le litige à l'appui d'ACB . Toutefois, il rejette le recours au fond.

    26. En ce qui concerne le premier moyen, le Tribunal a déclaré que, dans la procédure, ACB ne jouit que de la position d'un tiers intéressé et ne saurait, par conséquent, se prévaloir des droits de la défense qui sont octroyés à ceux à l'encontre desquels la procédure est ouverte. ACB aurait eu, selon le Tribunal, la possibilité de présenter des observations sur les faits et les appréciations juridiques que la Commission a exposés dans la décision d'ouverture de la procédure .

    27. Le Tribunal rejette le deuxième moyen au motif que le code ne confère à la Commission le pouvoir de déclarer des aides compatibles avec le marché commun que pour une période limitée à la validité du code. Par conséquent, selon le Tribunal, la Commission ne saurait plus approuver des aides non notifiées sur la base d'un code abrogé. En l'absence de dispositions correspondantes, le remboursement d'aides non notifiées ne doit pas respecter de délais de prescription, affirme le Tribunal .

    28. Le Tribunal a apprécié le troisième moyen avant tout sous l'aspect de protection de la confiance légitime. En principe, selon le Tribunal, le bénéficiaire d'une aide ne saurait invoquer la protection de la confiance légitime lorsque l'aide n'a pas été notifiée. Ni l'autorisation originale des dispositions relatives aux aides régionales figurant dans la loi provinciale n° 25/81 ni la décision 91/176 n'auraient pu fonder dans le chef d'ACB une confiance légitime dans la légalité des aides .

    29. En ce qui concerne le quatrième moyen, le Tribunal a constaté que, contrairement aux dispositions en matière d'aides du traité CE, l'article 4, sous c), du traité CECA n'exige pas que le commerce entre États membres soit affecté. Selon le Tribunal, la Commission aurait apprécié correctement les aides sur la base des informations dont elle disposait. Il incombait au gouvernement italien et à ACB de présenter éventuellement, dans la procédure administrative, les données nécessaires prouvant l'existence d'une dérogation à l'interdiction des aides sur la base du cinquième code. L'argument complémentaire de Falck, selon lequel la décision attaquée concerne également des aides qui ont déjà fait l'objet de la décision 91/176, a été rejeté par le Tribunal au motif que Falck et le gouvernement italien ne l'avaient pas soulevé dans la procédure administrative .

    30. Le Tribunal a également rejeté le cinquième moyen. La Commission était en droit de fixer le taux d'intérêt de la manière choisie afin d'éliminer les effets des aides. Au cours de la procédure administrative, aucun fait n'a été avancé qui aurait indiqué qu'il aurait fallu utiliser le taux d'intérêt usuel en Allemagne .

    31. Le Tribunal n'a pas non plus considéré comme fondé le sixième moyen tiré d'un défaut de motivation .

    VI Pourvoi devant la Cour de justice

    32. Par lettres, qui ont toutes deux été enregistrées au greffe le 2 mars 2000, Falck (affaire C-74/00 P) et ACB (affaire C-75/00 P) ont formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance. D'une part, elles reprochent au Tribunal d'avoir commis une erreur de procédure en ce qu'il ne leur a pas accordé suffisamment de temps pour examiner les documents présentés lors de la procédure orale. En outre, elles font valoir d'autres moyens qui portent sur les erreurs du Tribunal lors de l'appréciation juridique de la décision. Les moyens seront exposés en détail ensemble avec leur appréciation juridique.

    33. Falck conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

    1) annuler l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 1999 rendu dans l'affaire T-158/96, Acciaierie di Bolzano SpA/Commission des Communautés européennes, parties intervenantes: République italienne et Falck SpA,

    2) par conséquent, annuler la décision 96/617/CECA de la Commission du 17 juillet 1996,

    à titre subsidiaire

    3) dans l'hypothèse où la Cour estimerait ne pas pouvoir statuer en l'état du dossier, renvoyer l'affaire à une autre chambre du Tribunal en précisant les points de droit définis conformément aux moyens du pourvoi,

    en toute hypothèse

    4) adopter toute autre mesure ou décision en conséquence ou que la Cour estimera opportune,

    5) condamner la Commission aux dépens de la procédure.

    34. ACB a déposé les mêmes conclusions 1 à 3 que Falck et conclut en outre à ce qu'il plaise à la Cour:

    4) adopter toute autre mesure en conséquence ou que la Cour estimera opportune, même à titre de mesure d'instruction,

    5) condamner la Commission aux dépens, y compris ceux de première instance.

    35. La République italienne soutient les requérantes. Elle conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

    1) faire droit au pourvoi formé par ACB et par Falck et, en tout état de cause, annuler totalement l'arrêt attaqué, en accueillant intégralement les conclusions formulées par le gouvernement italien en première instance,

    2) à titre subsidiaire, faire droit aux conclusions formulées par ACB et par Falck à titre subsidiaire dans leurs pourvois respectifs,

    3) condamner la Commission aux dépens.

    36. La Commission s'oppose au pourvoi. En outre, elle exprime des doutes quant à la recevabilité du pourvoi formé par Falck. De plus, elle demande à la Cour de justice de retirer des documents internes éventuellement établis par ses services ainsi qu'une note interne du service juridique de la Commission. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

    rejeter le pourvoi de Falck et ACB et condamner ces dernières aux dépens de la procédure.

    VII Appréciation juridique

    A Recevabilité du pourvoi de Falck (affaire C-74/00 P)

    37. La Commission exprime des doutes quant à la recevabilité du pourvoi de Falck pour deux motifs. D'une part, la Commission se demande si Falck est directement affectée par la décision attaquée du Tribunal au sens de l'article 49, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut CECA. D'autre part, le pouvoir de Falck de former un pourvoi serait douteux, selon la Commission, étant donné qu'il ne s'agirait pas d'une entreprise au sens de l'article 80 du traité CECA.

    1) Sur la question de savoir si Falck est directement affectée

    38. Conformément à l'article 49, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut CECA, les parties intervenantes en première instance ne peuvent former de pourvoi que lorsque la décision du Tribunal les affecte directement.

    39. La Commission prétend qu'il faut comprendre l'expression «affecte directement» de la même manière que celle figurant à l'article 230 CE. Ce faisant, la décision attaquée du Tribunal devait affecter la requérante de la même manière qu'une personne qui peut attaquer une décision visant un tiers. Selon la Commission, le cas de figure typique est le suivant: une décision favorable est annulée par le Tribunal. Le bénéficiaire de la décision, qui est intervenu en première instance au soutien de la défenderesse, est directement affecté par l'arrêt d'annulation du Tribunal et peut former un pourvoi. Dans ce cas, selon la Commission, l'arrêt affecte directement la situation juridique de la requérante.

    40. Cependant, la Commission affirme que Falck n'est qu'indirectement affectée par l'arrêt. La prétendue responsabilité vis-à-vis de la société qui a acquis ACB ne repose en effet pas directement, affirme la Commission, sur l'arrêt du Tribunal, mais sur un acte constitutif de droit privé conclu entre les entreprises.

    41. Falck rétorque en revanche que, étant donné que le Tribunal l'a autorisée à intervenir et lui a, par conséquent, reconnu un intérêt dans la solution du litige, elle est également directement affectée par l'arrêt et peut former un pourvoi contre ce dernier.

    42. Le texte du statut ne permet pas vraiment de savoir quand une décision du Tribunal affecte directement une partie intervenante au sens de l'article 49, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut CECA. De même, pour autant que nous le sachions, la Cour n'a pas encore examiné cette question. Dans l'arrêt UBA/Florimex e.a., cité par la Commission , la Cour a statué sur le pourvoi formé par une partie intervenante sans examiner plus en détail les conditions de recevabilité.

    43. Toute personne physique ou morale qui a un intérêt dans la solution du litige, condition pour être autorisée à intervenir, n'est pas directement affectée par la décision du Tribunal. Sinon, la condition supplémentaire imposée aux parties intervenantes non privilégiées pour pouvoir former un pourvoi serait superflue .

    44. Il ressort des articles 115 et 116 du règlement de procédure qu'une partie intervenante en première instance est automatiquement partie au pourvoi devant la Cour et qu'elle peut présenter ses propres conclusions dans le mémoire en réponse . En particulier, elle peut aussi conclure à l'annulation de la décision du Tribunal, comme dans un propre pourvoi, sans avoir à prouver que cette décision l'affecte directement. Cela démontre, d'une part, que la partie intervenante en première instance, qui n'a pas elle-même formé un pourvoi, bénéficie de pouvoirs élargis dans le cadre du pourvoi. D'autre part, elle ne peut faire valoir ses droits que si un tiers a pris l'initiative et a formé un pourvoi.

    45. Le critère de l'affectation directe vise donc à limiter le pouvoir d'initiative et remplit ainsi un rôle analogue à celui des conditions fixées à l'article 230, paragraphe 4, CE, pour la qualité à agir d'un particulier. Il limite le cercle des personnes autorisées à attaquer l'arrêt à ceux qui ont une certaine proximité avec l'arrêt du Tribunal, qui va au-delà de l'intérêt dans la solution du litige, lequel suffit pour être autorisé à intervenir.

    46. Cependant, à l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA, on utilise une autre terminologie qu'à l'article 230, paragraphe 4, CE. D'une part, fait défaut le critère relatif aux personnes qui sont individuellement concernées. La partie intervenante en première instance est en effet déjà suffisamment individualisée par sa participation à la procédure en première instance. D'autre part, la décision en première instance doit «directement affecter» la partie intervenante non privilégiée, et non pas la «directement concerner». Il faut en conclure que les rédacteurs du statut n'ont pas voulu octroyer au critère une signification identique dans chaque cas . À cet égard, il faut également prendre en considération le fait que la recevabilité d'un recours en annulation introduit par un particulier en application de l'article 33, paragraphe 2, du traité CECA, qui serait en l'espèce le bon élément de comparaison, ne suppose absolument pas que le requérant soit directement concerné . Les différences de notion indiquent enfin que la recevabilité du pourvoi dépend de l'effet de l'arrêt attaqué et non pas, en premier lieu, de la question de savoir si la personne est concernée par l'acte litigieux de l'institution.

    47. Dans l'exemple développé par la Commission, la partie intervenante en première instance est certainement directement affectée par la décision du Tribunal . Si une décision favorable est annulée par le Tribunal, le bénéficiaire, qui est intervenu au soutien de la défenderesse, peut former un pourvoi. L'arrêt d'annulation du Tribunal a en effet directement pour conséquence la disparition de l'avantage.

    48. Se pose la question de savoir si un arrêt par lequel le Tribunal, comme en l'espèce, rejette un recours contre une décision faisant grief, peut avoir des conséquences juridiques directes correspondantes pour la partie intervenant à l'appui du requérant. On pourrait faire valoir que, dans ce cas, ce n'est pas l'arrêt qui affecte la partie intervenante, mais la décision toujours en vigueur que la partie intervenante aurait dû attaquer par le biais d'un recours en annulation propre .

    49. Jusqu'à la fin de la procédure judiciaire, la décision de l'institution n'est pas encore définitive. Même si l'on doit supposer la validité de l'acte juridique, toutes les conséquences juridiques de la décision n'ont jusque-là qu'un caractère provisoire. L'effet de l'arrêt consiste, dans ce cas, d'une part, dans la confirmation de la situation juridique créée par la décision attaquée. De plus, le Tribunal fait des constatations en fait et en droit qui peuvent constituer des violations autonomes des droits de la partie intervenante en première instance. Cela vaut notamment pour les droits procéduraux de la partie intervenante en première instance.

    50. Si l'on refusait par principe à la partie intervenante le pouvoir de former un pourvoi contre un arrêt rejetant un recours, au motif qu'elle aurait pu éviter les effets de la décision en introduisant son propre recours en annulation, on lui ôterait la possibilité de faire valoir elle-même ces violations du droit. Cette décision, confirmée par le Tribunal, serait définitivement inattaquable et d'éventuelles erreurs de procédure commises au détriment de la partie intervenante n'auraient pas de conséquences.

    51. Lors de l'examen de la recevabilité du pourvoi, il faut donc prendre en considération tant les effets qui découlent déjà de la décision litigieuse et qui ont été confirmés par le Tribunal, que d'éventuelles violations du droit découlant de l'arrêt en première instance lui-même. Les effets doivent avoir directement affecté la situation juridique de Falck, c'est-à-dire sans que d'autres mesures ou actes de tiers soient nécessaires.

    52. La décision attaquée vise la République italienne. Elle oblige cette dernière, sans lui accorder de pouvoir d'appréciation, à réclamer le remboursement des aides accordées à ACB en application de la législation italienne relative au recouvrement des créances de l'État. Ce faisant, ACB est concernée au premier chef en tant que bénéficiaire des aides à rembourser et pouvait, de ce fait, également introduire de manière légale un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission .

    53. Il ressort de l'article 8.01, sous i), du contrat conclu entre Falck et Valbruna Srl que Falck, au titre de vendeur, est responsable des modifications du passif par rapport au bilan final. Ce faisant, avant l'adoption de la décision attaquée, Falck a repris l'engagement de rembourser une partie du prix de vente en cas de remboursement des aides. Ce droit naît automatiquement avec la réalisation de cette condition. Étant donné que la décision attaquée oblige la République italienne à réclamer le remboursement, on peut considérer la réalisation de cette condition comme certaine. On ne voit non plus aucune circonstance par exemple, une prescription qui s'opposerait au droit de Valbruna Srl. En définitive, l'obligation de paiement ne dépend pas d'un autre acte de tiers, notamment pas du fait que Valbruna Srl fasse valoir son droit par voie de justice ou par voie ordinaire, mais découle déjà directement du contrat. L'arrêt, qui confirme cet effet de la décision, affecte donc directement Falck.

    54. En outre, Falck fait valoir, entre autres, que le Tribunal aurait violé le principe du droit à être entendu, en ce qu'il n'aurait pas donné une possibilité suffisante à Falck de présenter des observations sur les documents présentés par la Commission à l'audience. Si l'on suppose que la violation incriminée des droits de procédure est réelle et qu'elle a eu des conséquences sur l'arrêt, ce seul fait affecte déjà directement la situation juridique de Falck, habilitant cette dernière à former un pourvoi.

    2) Sur l'absence de qualité d'entreprise au sens du traité CECA

    55. En deuxième lieu, la Commission défend le point de vue selon lequel Falck n'est pas autorisée à former un pourvoi, parce qu'elle ne fait pas partie des opérateurs économiques auxquels le traité CECA reconnaît des droits. En particulier, le droit d'introduire un recours en application de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CECA n'appartient qu'aux entreprises et associations au sens des articles 80 et 48 du traité CECA . Le droit à former un pourvoi ne saurait aller au-delà.

    56. Dans les décisions citées par la Commission, la Cour et le Tribunal ont constaté que le cercle des personnes ayant qualité à agir était limitativement énuméré à l'article 33 du traité CECA. Conformément à l'article 88, les entreprises, au sens du traité CECA, sont uniquement les entreprises qui exercent une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier, ainsi que, dans le cadre des articles 65 et 66 du traité CECA, les entreprises commerciales dans ces secteurs.

    57. Comme nous l'avons déjà constaté, l'arrêt du Tribunal peut lui-même affecter la situation juridique de la partie intervenante, notamment ses droits procéduraux. De ce fait, le droit à former un pourvoi ne dépend pas nécessairement du fait que la requérante est également autorisée à introduire un recours en application de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CECA. Au contraire, l'article 49, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut CECA donne, à cet égard, une définition propre.

    58. Dans la mesure où Falck invoque la violation par le Tribunal du principe du droit à être entendu, elle est affectée indépendamment de la question de savoir s'il s'agit d'une entreprise sidérurgique au sens du traité CECA. Toutefois, Falck ne se limite pas à soulever cette erreur de procédure. Par conséquent, il convient d'examiner si Falck, également à cet égard, est affectée par l'arrêt du Tribunal, en ce que ce dernier confirme les effets de la décision de la Commission.

    59. En toute hypothèse, il faudrait considérer Falck comme affectée si, à l'époque des faits, elle était une entreprise au sens du traité CECA et que la décision concernait Falck à ce titre. Certes, il ne ressort pas clairement du dossier si Falck exerce ou exerçait elle-même une activité de production dans le secteur sidérurgique et, ce faisant, remplit les conditions de l'article 80 du traité CECA. Cependant, les parties semblent s'accorder à dire que Falck devait être considérée comme une entreprise sidérurgique jusqu'à la cession d'ACB.

    60. La Commission a déclaré, sans être contestée, que Falck avait perdu cette qualité avec la vente d'ACB le 31 juillet 1995. Se pose donc la question de savoir à quel moment Falck devait encore posséder la qualité d'une entreprise sidérurgique pour pouvoir soulever des griefs à l'encontre de l'appréciation de la décision par le Tribunal dans le cadre de son pourvoi.

    61. La décision attaquée porte sur des aides qui ont été versées lorsque Falck contrôlait encore ACB et qu'elle devait incontestablement être considérée comme une entreprise sidérurgique. La responsabilité financière de Falck en cas de remboursement des aides découle de sa position de l'époque. Les effets de la décision attaquée et, ce faisant, également les effets de l'arrêt du Tribunal qui confirme la décision se rattachent donc à la position de Falck en tant qu'entreprise sidérurgique. Le principe d'une protection juridique complète exige que Falck puisse attaquer les effets persistants en formant un pourvoi, même si elle a dû entre-temps perdre la qualité d'entreprise au sens de l'article 80 du traité CECA .

    B Demande par la Commission de retirer des documents internes du dossier

    62. La Commission s'oppose à la production de trois documents, dont ACB a joint une copie en tant qu'annexe B à son pourvoi et Falck en tant qu'annexes B 4, 5 et 6, et en demande le retrait du dossier.

    63. ACB avait déjà joint les mêmes documents en première instance, en tant qu'annexes à ses réponses écrites aux questions du Tribunal. Il s'agit, d'une part, d'une note interne du service juridique du 18 juillet 1990, qui a été jointe également à la lettre des autorités italiennes adressée le 27 mars 1996 à la Commission, et, d'autre part, de deux inventaires des aides dans le domaine de l'acier, dont les auteurs n'apparaissent pas sur les documents eux-mêmes. Les requérantes affirment que les inventaires avaient pour origine les services de la Commission. Selon elles, il ressort notamment des documents que la Commission avait elle-même défendu l'opinion qu'il fallait appliquer toujours aux aides le code en vigueur à l'époque de l'octroi des aides.

    64. La Commission ne peut confirmer ni la nature ni l'origine des documents «anonymes» précités. S'il devait s'agir toutefois de documents internes de la Commission, les requérantes, tout comme dans le cas de la note du service juridique, n'auraient pas démontré de quelle manière elles seraient entrées en leur possession. Par conséquent, il faudrait également les retirer du dossier, ainsi que supprimer les références à ces documents dans les pourvois . À cet égard, la Commission pourrait invoquer la confidentialité de ses délibérations internes.

    65. En ce qui concerne les deux documents «anonymes», il convient de constater qu'il n'est pas précisé avec certitude si ces documents ont effectivement été rédigés par les services de la Commission. Ces documents n'indiquent ni leur auteur ni leur nature. Les requérantes n'ont donné aucune indication précise démontrant leur origine. Par conséquent, ces documents n'autorisent aucune conclusion quant à d'éventuels avis juridiques de la Commission.

    66. Si toutefois on n'a pas déterminé qu'il s'agissait effectivement de documents internes de la Commission, cette dernière ne saurait invoquer leur caractère confidentiel et réclamer leur retrait du dossier. Il n'est pas non plus nécessaire de les retirer du dossier, étant donné qu'en raison de leur origine indéterminée ils n'ont aucune valeur probante.

    67. Les faits de l'espèce se distinguent de ceux dont a dû connaître la Cour dans l'affaire Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission, introduite par la Commission. Dans cette affaire, il n'était pas contesté que le document en cause avait été rédigé par la Commission. Seul était indéterminé le fait de savoir s'il s'agissait d'une proposition ou déjà d'une version définitive d'un rapport de la Commission adressé au Conseil. Dans ce cas, la Commission pouvait donc invoquer avec succès la confidentialité des documents internes rédigés par ses services et obtenir leur retrait du dossier, étant donné que les requérantes n'avaient pas pu démontrer comment elles étaient entrées en possession du document.

    68. Il en va autrement de la note du service juridique de la Commission. La Commission peut en principe demander le retrait de la note du dossier si elle n'est pas tenue à la publication du document et que le document n'a pas été publié par elle-même ou avec son autorisation.

    69. Dans son référé du 3 mars 1998 , le président du Tribunal de première instance a déclaré, en ce qui concerne l'obligation de rendre accessible les avis du service juridique du Conseil, ceci:

    «Par conséquent, étant donné la nature particulière des deux documents en cause, il apparaît, prima facie, que les raisons opposées par l'institution défenderesse, à savoir l'exigence d'assurer la protection de la sécurité juridique et de la stabilité du droit communautaire, ainsi que celle de sauvegarder la faculté pour le Conseil de recueillir des avis juridiques indépendants, sont à considérer comme légitimes [...].»

    70. De même, l'avocat général Jacobs a défendu l'opinion selon laquelle les avis du service juridique du Conseil ne doivent pas être publiés, étant donné que cela irait à l'encontre de l'intérêt public à un avis juridique indépendant .

    71. Se référant à l'ordonnance Carlsen e.a./Conseil et aux conclusions précitées de l'avocat général Jacobs, dans l'affaire Ghignone e.a./Conseil, le Tribunal a encore une fois expressément confirmé et déclaré que la Commission, pour ce motif, pouvait réclamer le retrait des avis du service juridique du dossier .

    72. Il convient de se ranger à cette opinion. En règle générale, un avis du service juridique sert (uniquement) à préparer la prise de décision de l'institution en cause. Il indique, ce faisant, également les risques juridiques afférents aux différentes alternatives. Le service juridique ne pourrait plus évaluer ces risques de manière impartiale si son avis devait être rendu accessible au public. Tout au plus, lorsque l'accès à des documents internes doit démontrer que la Commission a agi en abusant de son pouvoir, ce qui n'a pas été invoqué en l'espèce, l'obligation de produire des documents internes pourrait exceptionnellement aller plus loin .

    73. Par conséquent, la Commission peut en principe demander le retrait d'un tel document du dossier. Une autre conclusion ne s'impose que si la Commission a renoncé au secret, par exemple en ayant elle-même publié le document ou en ayant donné son consentement à une publication par des tiers.

    74. On ne saurait conclure du seul fait qu'ACB dispose manifestement du document que la Commission a publié l'avis ou qu'elle a renoncé au secret. ACB n'a en effet pas démontré de quelle manière elle était entrée en possession du document. Par conséquent, on ne saurait exclure que le document a été rendu public sans le consentement de la Commission par exemple via l'indiscrétion d'un fonctionnaire. Ce faisant, on n'affirme toutefois pas qu'ACB est entrée en possession du document de manière malhonnête.

    75. Certes, devant le Tribunal de première instance, la Commission a refusé de produire la note elle-même. Toutefois, elle n'a pas demandé que la copie produite par ACB soit retirée du dossier du Tribunal, alors que, à l'audience, elle avait encore eu la possibilité de le faire. Ce faisant, elle a toléré que la note fasse partie du dossier de la procédure en première instance. Même si ce cas ne constitue pas un consentement exprès à la publication par ACB, la Commission ne saurait plus, dans le cadre du pourvoi, réclamer le retrait d'un acte qui a déjà été incontestablement inséré dans le dossier de la procédure en première instance et est devenu ainsi la base de l'arrêt.

    76. Si le retrait ultérieur du dossier de la procédure en première instance est exclu, il n'y a aucun motif non plus pour que le même document de nouveau produit dans le cadre du pourvoi soit retiré du dossier de la Cour. En application de l'article 111, paragraphe 2, du règlement de procédure, le greffe du Tribunal transmet à la Cour le dossier de première instance, après que le pourvoi a été formé. Par conséquent, le contenu de ce dossier et, ce faisant, également l'avis du service juridique qui y figure font de toute façon partie du dossier de procédure devant la Cour.

    77. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de la Commission de retirer également du dossier l'avis du service juridique produit par ACB.

    C Sur les moyens particuliers

    78. Les deux pourvois sont, pour l'essentiel, fondés sur les mêmes moyens, de sorte qu'on peut les examiner ensemble. Ce faisant, il convient tout d'abord d'examiner les moyens qui visent la violation des droits procéduraux lors de la procédure orale devant le Tribunal et dans le cadre de la procédure administrative. Suit ensuite l'examen des moyens qui visent le choix de la base juridique ainsi que l'appréciation des faits au regard des conditions prévues dans les dispositions en matière d'aides. Troisièmement, il conviendra d'examiner les moyens par lesquels les requérantes contestent le remboursement des aides.

    1) Violation des droits de la défense lors de la procédure orale devant le Tribunal

    a) Arguments des parties

    79. Les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de procédure en ce qu'il ne leur a pas accordé suffisamment de temps pour examiner la lettre du gouvernement italien du 27 mars 1996, y compris les annexes, qui n'a été produite qu'à l'audience, ni pour présenter des observations à ce sujet. Selon les requérantes, le Tribunal n'a ni rouvert la procédure orale ni mentionné les déclarations des requérantes à ce sujet dans l'arrêt. Par conséquent, elles demandent, dans le cadre de mesures d'organisation de la procédure, la transcription de l'audience dans le dossier.

    80. La Commission fait observer que les requérantes n'ont pas demandé la réouverture de la procédure orale. D'ailleurs, selon la Commission, une telle demande n'aurait eu des chances de succès que si la requérante avait fait valoir des circonstances déterminantes qu'elle n'aurait pas pu invoquer avant la fin des débats.

    b) Appréciation

    81. En vertu de l'article 51, premier alinéa, deuxième phrase, du statut CECA, un pourvoi peut être fondé sur des moyens tirés d'irrégularité de procédure portant atteinte aux intérêts de la requérante. À cet égard, il est particulièrement important de savoir si l'irrégularité de procédure a entraîné une violation des droits de la défense des requérantes . Certes, la lettre du gouvernement italien du 27 mars 1996 a été mentionnée aux points 126, 131 et 138 de l'arrêt attaqué. Cependant, les requérantes n'ont pas démontré dans quelle mesure les documents produits au cours de la procédure orale étaient déterminants pour la décision du Tribunal. Elles n'indiquent pas non plus quels autres arguments elles auraient pu invoquer si elles avaient eu connaissance à temps des documents.

    82. En vertu de l'article 62 de son règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner la réouverture de la procédure orale. Une telle réouverture n'est toutefois justifiée que si des circonstances dont dépend l'issue du litige ne sont connues qu'à ce point tardivement que les parties ne peuvent plus présenter des observations lors de la procédure orale. Étant donné que, selon l'appréciation du Tribunal, un tel cas ne se présentait manifestement pas, il n'a pas rouvert d'office la procédure orale. Les requérantes n'ont pas non plus fait valoir l'existence de telles circonstances en formulant une demande en ce sens.

    83. Ce faisant, il convient de rejeter le grief tiré de la violation des droits de la défense au cours de la procédure devant le Tribunal, sans qu'il faille examiner plus en détail si le fait d'ordonner la production des documents au cours de la procédure orale correspondait à une bonne organisation de la procédure. Pour ce motif, il n'est pas non plus nécessaire, dans le cadre du pourvoi, de prendre des mesures d'instruction pour préciser le déroulement de la procédure orale devant le Tribunal de première instance.

    2) Violation des droits de la défense dans la procédure administrative avant l'adoption de la décision

    a) Arguments des parties

    84. Les requérantes sont d'avis que le Tribunal a constaté à tort que les droits de la défense d'ACB et le principe de la procédure contradictoire n'ont pas été violés dans le cadre de la procédure administrative. Il aurait dû prendre en considération, selon les requérantes, le fait qu'ACB, par lettres des 18 janvier et 28 mars 1996, avait exprimé la nécessité d'être entendue et avait demandé où en était la procédure. La Commission aurait dû, d'après les requérantes, répondre à ces lettres et demander des informations pour satisfaire à son obligation d'instruction.

    85. Selon les requérantes, bien que, ce faisant, ACB n'ait pas été associée à la procédure administrative de manière équitable, le Tribunal lui reproche, ainsi qu'à Falck, de ne pas avoir fait valoir des éléments à l'encontre de la Commission concernant différents points. Si les parties concernées avaient été entendues, la décision de la Commission aurait été différente, affirment les requérantes, étant donné qu'ACB et Falck auraient pu présenter des observations, dans le cadre de la procédure administrative, sur les points en cause.

    86. La République italienne fait valoir que la procédure administrative est certes dirigée contre l'État membre, mais que, toutefois, les bénéficiaires de l'aide, dont les droits sont affectés par la procédure, doivent avoir la possibilité de présenter des observations. Cela est prévu, selon la République italienne, par l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code et par les dispositions correspondantes des autres codes. La République italienne ajoute que, dans la décision d'ouverture de la procédure formelle, le droit à être entendu serait vidé de son sens si la Commission pouvait se contenter d'inviter les parties à présenter des observations. En toute hypothèse, selon la République italienne, la Commission aurait dû répondre aux lettres d'ACB.

    87. La Commission fait valoir ensuite, de manière générale, que les requérantes n'ont pas fait utilisation de la possibilité de présenter des observations dans la procédure administrative. Elles ne peuvent ensuite, selon la Commission, invoquer devant le Tribunal des faits qu'elles auraient déjà pu invoquer dans la procédure devant la Commission. La Commission affirme qu'elle n'est pas tenue d'examiner d'office des griefs que des particuliers auraient pu invoquer .

    88. La Commission affirme que, devant le Tribunal, seule la violation des droits de la défense d'ACB a été invoquée. Selon elle, le grief soulevé pour la première fois dans le cadre du pourvoi concernant les droits de Falck serait irrecevable.

    89. Selon la Commission, étant donné que les États membres sont les destinataires de la décision en matière d'aides, elle ne devait mener une procédure contradictoire qu'avec ces derniers. De même, dans le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE , il était uniquement prévu, selon la Commission, que les autres parties que l'État membre concerné devaient avoir la possibilité de présenter des observations à l'occasion de l'ouverture de la procédure formelle.

    b) Appréciation

    aa) Recevabilité du grief tiré de la violation des droits de la défense de Falck

    90. Il convient tout d'abord de constater que Falck contrairement à ce que soutient la Commission avait déjà fait valoir dans son mémoire en intervention en première instance (page 2 sous le point 1 a), en se référant au grief correspondant d'ACB, que ses droits de la défense avaient été violés. Par conséquent, cet argument est recevable.

    bb) Droit d'être entendu

    91. Le traité CECA ne contient aucune disposition correspondant à l'article 88 CE, relative à la procédure d'examen des aides, étant donné que l'article 4, sous c), interdit sans exception les aides des États membres. Les codes des aides à la sidérurgie, dérogeant à cette règle, autorisent les aides sous certaines conditions. En vertu de l'article 1er, paragraphe 3, combiné à l'article 6 du cinquième code, chaque aide doit être notifiée avant son octroi et être approuvée par la Commission . L'article 6 du cinquième code décrit la procédure d'autorisation, y compris l'audition des États membres et des particuliers. L'article 6, paragraphe 4, première phrase, dispose:

    «Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide n'est pas compatible avec les dispositions de la présente décision, elle informe l'État membre intéressé [qui a demandé l'approbation de l'aide] de sa décision.»

    92. Cette disposition, sur laquelle la Commission a basé sa communication de l'ouverture de la procédure (publiée au Journal officiel du 22 décembre 1995), règle le droit des parties à être entendues avec des termes semblables à ceux de l'article 88, paragraphe 2, CE. Fait partie notamment des intéressés le bénéficiaire de l'aide . L'article 6 du cinquième code concerne d'ailleurs en premier lieu la procédure de notification et d'examen des aides qui n'ont pas encore été octroyées. Il n'est pas tout à fait clair dans quelle mesure cette disposition trouve également à s'appliquer aux aides non notifiées et déjà octroyées .

    93. Cependant, cette question peut rester ouverte à ce stade, étant donné que la Cour a déclaré, dans une jurisprudence constante, que «le respect des droits de la défense [Gewährung rechtlichen Gehörs dans la version allemande] dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l'absence d'une réglementation spécifique» . Dans la mesure où l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code est une disposition de droit dérivé applicable, il doit être en toute hypothèse interprété à la lumière de ce principe juridique général.

    94. Aux points 44 et 45 de l'arrêt attaqué, citant l'arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission , le Tribunal constate, d'une part, qu'aucune disposition n'exige l'audition du bénéficiaire d'une aide et que ce dernier ne peut se prévaloir des droits de la défense reconnus au destinataire de la décision. D'autre part, selon le Tribunal, le bénéficiaire d'une aide aurait cependant le droit d'être associé à la procédure, dans une mesure adéquate compte tenu des circonstances du cas d'espèce.

    95. Si l'on rapproche cette conclusion de l'arrêt British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, on pourrait comprendre cette déclaration en ce sens que seul le destinataire de la décision a le droit d'être entendu, alors que l'information des autres parties constitue une sorte de mesure d'enquête qui permettrait à la Commission d'obtenir d'autres informations via les avis remis. Poussée jusqu'à l'extrême, cette conclusion permettrait à la Commission de renoncer totalement à informer les parties dans un cas particulier, dans la mesure où l'information de ces dernières n'est pas spécifiquement réglée et que la Commission dispose déjà de suffisamment d'informations. Cette opinion ne respecterait toutefois pas le principe du droit d'être entendu.

    96. Le droit d'être entendu est un droit individuel dont jouit chaque personne dont les droits ou les intérêts juridiquement protégés sont affectés par la décision envisagée. Ainsi, dans les arrêts précités , la Cour a déclaré que le droit d'être entendu doit être accordé à toute personne qui pourrait être concernée par une décision faisant grief qui doit être adoptée dans la procédure. Certes, cette déclaration vise l'État membre qui serait le destinataire d'une telle décision. Cependant, est également concerné le bénéficiaire d'une aide que la Commission considère comme incompatible avec le marché commun. En effet, si la première appréciation de la Commission est confirmée, la procédure aboutit en général à une décision exigeant le remboursement de l'aide, qui ne laisse aucune marge d'appréciation à l'État membre. Elle affecte directement la situation juridique du bénéficiaire de l'aide, qui, pour cette raison, est également autorisé à introduire un recours en application de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CECA ou de l'article 230, paragraphe 4, CE, bien qu'il ne soit pas le destinataire de la décision.

    97. Le Tribunal fonde son opinion selon laquelle la communication n'a qu'un caractère informatif et n'est pas exigée par le principe des droits de la défense avant tout sur une déclaration de la Cour de justice dans l'arrêt Commission/Allemagne . Dans ce passage, la Cour a pris position sur la question de savoir si, au moment de la publication de la communication relative à l'ouverture d'une procédure d'examen, une aide déjà accordée pouvait fonder une confiance légitime dans la régularité de l'aide. En définitive, elle a refusé de déduire de la communication de telles conséquences juridiques pour les particuliers. Par conséquent, la déclaration précitée se situe dans un contexte totalement différent et ne concerne pas le droit d'être entendu.

    98. Le droit d'être entendu se matérialise en droit positif dans le fait que le bénéficiaire de l'aide concerné obtienne, lors de l'ouverture de la procédure d'enquête en application de l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code ou de la procédure en application de l'article 88, paragraphe 2, CE, la possibilité de présenter ses observations sur ces circonstances. La Cour parle expressément de garanties procédurales que l'article 88, paragraphe 2, CE reconnaît aux intéressés . De même, l'avocat général Tesauro souligne, dans ses conclusions présentées dans l'affaire Cook/Commission , que la procédure formelle en application de l'article 88, paragraphe 2, CE, outre sa fonction d'information, est destinée à garantir aux intéressés le droit d'être entendu.

    99. Afin que le bénéficiaire de l'aide puisse faire valoir son point de vue à l'encontre de la Commission, il doit être informé des considérations essentielles qui ont poussé la Commission à ouvrir la procédure. Il doit pouvoir «s'exprimer» sur ces considérations dans un délai fixé par la Commission.

    100. Il ne découle toutefois pas du droit d'être entendu que le bénéficiaire de l'aide entre dans un dialogue avec la Commission et qu'il peut commenter, dans le cadre d'une procédure contradictoire, également l'argumentation de l'État membre qui a octroyé l'aide ou d'autres parties. Sans doute, au point 44 de l'arrêt attaqué, le Tribunal entend par «audition» précisément cette participation élargie et rejette par conséquent un droit correspondant du bénéficiaire de l'aide à cet égard, à juste titre.

    101. Le fait qu'un bénéficiaire de l'aide ne doive pas participer à la procédure de la même manière que l'État membre concerné découle, d'une part, du fait que l'objet de la procédure est une mesure de cet État membre . Il faut s'attendre à ce que l'État membre qui a accordé l'aide soit le plus à même de fournir des informations sur le cadre factuel et juridique et de faire part de ses considérations relatives à la mesure de soutien. Il lui incombe donc d'expliquer et de justifier son comportement à la Commission, ce qui, en pratique, peut entraîner une coopération avec le bénéficiaire de l'aide. L'État membre est après tout le destinataire de la décision de la Commission .

    102. D'autre part, des motifs pratiques plaident également contre un traitement égal de l'État membre et du bénéficiaire de l'aide dans la procédure devant la Commission. Souvent notamment dans le cas de régimes d'aide généraux il y a effectivement un large cercle d'entreprises bénéficiaires. En outre, ce ne sont pas seulement les bénéficiaires de l'aide qui doivent être entendus en tant qu'intéressés, mais également leurs concurrents et des associations. Enfin, cela peut entraîner de longues négociations entre la Commission et l'État membre. Si l'on veut accorder à toutes les parties le droit de participer à chaque stade de la même manière que l'État membre concerné, cela occasionnerait d'énormes dépenses et entraînerait des retards inacceptables de la procédure. La déclaration du Tribunal figurant dans l'arrêt attaqué est correcte dans la mesure où l'on n'accorde pas au bénéficiaire de l'aide les mêmes droits procéduraux que ceux accordés à l'État membre concerné.

    103. Il s'ensuit des mêmes considérations qu'un bénéficiaire d'une aide ne saurait exiger que la Commission l'invite individuellement à présenter des observations. Au contraire, il suffit que la Commission, par le biais de la publication d'une communication au Journal officiel, l'informe des considérations essentielles qui l'ont poussée à ouvrir la procédure et qu'elle donne aux intéressés la possibilité de présenter des observations . Cela est le cas, en toute hypothèse, lorsque le bénéficiaire de l'aide est un opérateur économique dont on peut généralement s'attendre qu'il prenne connaissance des communications pertinentes au Journal officiel.

    cc) Respect du droit d'être entendu dans le cas d'espèce

    104. Dans l'application de la procédure, la Commission a respecté les principes exposés ici.

    105. La communication au Journal officiel du 22 décembre 1995 reproduit la lettre du 1er août 1995 adressée à la République italienne et mentionne les considérations essentielles en fait et en droit sur lesquelles s'est fondée la Commission. Les tiers intéressés se sont vu accorder, sans équivoque, un délai d'un mois à dater de la publication de la communication pour présenter leurs observations sur les mesures en cause. Il faut en outre déduire de la communication au Journal officiel que les éventuels avis des tiers intéressés doivent être portés à la connaissance du gouvernement italien. Il s'ensuit que les observations doivent être faites par écrit et non pas par le biais d'auditions (orales).

    106. Tant Falck qu'ACB, en tant qu'entreprises du secteur sidérurgique, bénéficient de l'expérience nécessaire. En outre, elles ont obtenu déjà auparavant des aides qui ont fait l'objet de procédures devant la Commission. ACB a également eu connaissance à temps de la communication, ainsi que cela ressort de sa lettre du 18 janvier 1996, dans laquelle elle se réfère expressément à la communication. Cependant, ni ACB ni Falck n'ont exposé leur point de vue à la Commission dans cette affaire, alors qu'elles en ont eu la possibilité.

    107. Cependant, il semble qu'ACB, dans ses lettres des 18 janvier et 28 mars 1996 , a supposé à tort pouvoir revendiquer une participation à la suite de la procédure. Se pose la question de savoir quelles conséquences donner au fait que la Commission n'a pas répondu à ces lettres.

    108. Le principe de bonne administration exige que les autorités répondent aux lettres qui leur sont adressées. Par exemple, la Commission aurait pu mentionner la possibilité de présenter des observations qui a été déjà donnée dans la communication et aurait pu expliquer à ACB qu'une autre participation du bénéficiaire de l'aide à la procédure n'est pas prévue. ACB aurait encore pu présenter des observations à ce sujet le cas échéant, en s'excusant du retard. L'absence discourtoise de réponse à la lettre doit certainement être critiquée.

    109. Toutefois, le principe de bonne administration ne va pas jusqu'à exiger que la Commission soit juridiquement tenue d'informer ACB d'une éventuelle erreur de droit. L'obligation générale de répondre aux lettres n'est pas à ce point étroitement liée aux garanties procédurales du bénéficiaire de l'aide que sa violation puisse entraîner l'annulation de la décision.

    110. Par conséquent, le Tribunal a finalement constaté à juste titre que la Commission n'avait pas violé le droit d'ACB et de Falck d'être entendues. Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

    dd) Conséquence pour le devoir d'information de la Commission et la recevabilité de nouveaux faits exposés devant le Tribunal

    111. La procédure en application de l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code doit permettre à la Commission de connaître toutes les circonstances de fait et les arguments de droit utiles à une décision impartiale en tenant compte de tous les points de vue et à une motivation en conséquence de sa décision .

    112. Si la Commission a donné aux parties, ainsi que cela est prévu par les règles de procédure, la possibilité de présenter des observations, sans que ces dernières en aient fait usage, elle a satisfait à son obligation d'instruire l'affaire. En règle générale, elle n'est pas tenue d'obtenir des parties des informations supplémentaires. Au contraire, elle peut supposer que les hypothèses de fait sur lesquelles elle s'est basée dans sa communication relative à l'ouverture de la procédure sont exactes. Ce n'est que si une partie s'oppose à ces hypothèses en s'expliquant que la Commission doit procéder à d'autres enquêtes. La seule constatation d'ACB figurant dans la lettre du 18 janvier 1996, selon laquelle il est nécessaire qu'elle soit entendue, n'est pas susceptible de justifier d'autres besoins d'information, à défaut d'exposer des motifs concrets.

    113. La Commission est d'avis que les requérantes auraient dû contester leur non-participation à la procédure administrative devant le Tribunal. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans son arrêt du 14 septembre 1994 , un État membre ne saurait faire valoir devant le Tribunal des circonstances de fait qu'il n'a pas invoquées dans la procédure administrative. Cela vaudrait également, selon la Commission, pour les tiers intéressés.

    114. Cette assimilation des tiers intéressés à l'État membre concerné en ce qui concerne l'interdiction de présenter des faits nouveaux devant le Tribunal n'est toutefois pas justifiée. En effet, ainsi que nous l'avons déjà exposé, les tiers ne jouissent pas des mêmes droits, dans le cadre de la procédure administrative, que le destinataire de la décision. Alors que les États membres poursuivent un dialogue avec la Commission et qu'ils peuvent également présenter des observations sur les avis des autres États membres et de tiers , les autres parties n'ont, après l'ouverture de la procédure en application de l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code, qu'une seule possibilité de s'exprimer dans un délai court (en l'espèce: un mois).

    115. Imposer à ces derniers, du seul fait de cette possibilité, une charge d'allégation étendue dans la procédure administrative n'est pas justifié. À cet égard, il convient de prendre en considération le fait que les tiers intéressés ne disposent comme source d'informations que de la communication de la Commission relative à l'ouverture de la procédure. Pour cette raison, il n'est en principe pas interdit aux parties de présenter de nouveaux faits devant le Tribunal. Toutefois, le principe selon lequel la Commission doit fonder sa décision sur la base des faits qui lui étaient connus au moment où elle l'a arrêtée est d'application . Si, selon le bénéficiaire de l'aide, les faits sur lesquels s'est basée la Commission dans la communication relative à l'ouverture de la procédure ne sont pas exacts, il lui incombe de s'opposer à cette hypothèse, de manière motivée, déjà dans la procédure administrative. S'il ne fait pas usage de cette possibilité, il ne saurait reprocher à la Commission, dans la procédure judiciaire, le fait que la décision se base sur des faits erronés.

    3) Fondement juridique de la décision attaquée

    a) Arguments des parties

    116. Les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir contesté le fait que la Commission a appliqué, sans plus de justification, le cinquième code en tant que base juridique de la décision attaquée et non pas le code précédent, qui était en vigueur au moment de l'octroi des aides. Selon les requérantes, le Tribunal aurait pris en considération la période d'application limitée du code et méconnu le fait que le système de l'interdiction originale de l'article 4, sous c), du traité CECA s'est transformé, à la suite d'une pratique longue de vingt années, en une légalité durable de certaines aides. Indépendamment des règles de procédure applicables à l'époque de l'adoption d'une décision, les requérantes affirment qu'il faut prendre en considération, du point de vue du droit matériel, le code qui était en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. Cette opinion juridique aurait également été défendue par le service juridique de la Commission dans sa note interne du 18 juillet 1990, affirment les requérantes. Selon ces dernières, l'application avec effet rétroactif du cinquième code violerait le principe de sécurité juridique et le principe «tempus regit actum».

    117. Falck fait observer que la Commission, dans la décision 91/176, ne se base pas sur le code qui était en vigueur au moment de l'octroi de l'aide, mais sur le code applicable lors du versement de l'aide. Selon Falck, l'application du code en vigueur au moment de l'adoption de la décision laisse en fait à la Commission le choix de la base juridique, étant donné que cette dernière peut déterminer la date à laquelle elle adopte sa décision.

    118. ACB cite enfin une série de circonstances sur la base desquelles elle pensait que la Commission appliquerait le code en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. D'après ACB, cela ressortirait, d'une part, de la note du service juridique de la Commission ainsi que des autres documents émanant des services de la Commission qu'elle a présentés en annexe à sa réponse aux questions du Tribunal. D'autre part, la Commission aurait agi de la sorte dans la décision 91/176, affirme ACB.

    119. Le gouvernement italien se range à l'argumentation des requérantes.

    120. En revanche, la Commission est d'avis que son pouvoir d'autoriser une aide ne découle que du code applicable. Selon elle, il serait exclu d'appliquer un code déjà abrogé à l'époque de la décision. Il est caractéristique, affirme la Commission, que les codes n'évoquent pas une seule fois la possibilité d'approuver une aide non notifiée.

    121. Selon la Commission, les requérantes ne sauraient invoquer le principe de la sécurité juridique ne serait-ce que parce que les aides n'ont pas été notifiées auparavant. Certes, affirme la Commission, la décision 91/176 n'est effectivement pas totalement correcte, dans la mesure où elle envisage d'appliquer le code applicable au moment du versement de l'aide. Cependant, selon la Commission, cette erreur est sans conséquence juridique, étant donné que la disposition appliquée correspond à celle du code applicable au moment de l'adoption de la décision.

    122. Étant donné que les requérantes n'ont pas participé à la procédure administrative, la Commission affirme qu'elles ne sauraient plus désormais invoquer un défaut de motivation. La Commission conteste que l'on puisse tirer les conclusions qu'ont tirées les requérantes des documents dont elle demande le retrait du dossier. Enfin, il conviendrait de rejeter le moyen, selon la Commission, ne serait-ce que parce que les aides ne sauraient avoir été approuvées même en appliquant le deuxième code ainsi que cela est exposé dans la décision attaquée.

    b) Appréciation

    123. La détermination du code à appliquer occasionne des difficultés particulières, étant donné que les codes ne comportent aucune règle de procédure expresse pour les aides non notifiées. Le législateur a apparemment supposé que les aides sont toujours notifiées et examinées au cours de la période de validité d'un code. Dans ce cas, la question du code applicable ne se pose pas. C'est pour cette raison que les codes ne comportent également aucune disposition transitoire, qui indiquerait quel code appliquer à une situation antérieure . Seul l'article 13 du deuxième code prévoit une disposition transitoire, non applicable toutefois en l'espèce.

    124. Avant d'examiner plus en détail la question de savoir quel code appliquer en tant que base juridique de la décision, il convient d'examiner le dernier argument avancé par la Commission, par lequel elle conteste aux requérantes, en définitive, un intérêt dans une telle constatation.

    aa) Intérêt des requérantes dans l'application du deuxième code

    125. Les requérantes ne pouvaient effectivement pas invoquer avec succès le fait que ce n'était pas le cinquième code qu'il fallait appliquer, mais le code en vigueur lors de l'octroi de l'aide, si les aides n'auraient pas non plus été approuvées en vertu de ce code.

    126. Il convient tout d'abord de faire observer que la décision concerne des aides qui ont été accordées de 1983 à 1988 (seul le remboursement des aides octroyées depuis le 1er janvier 1986 a été réclamé). Avec effet au 1er janvier 1986, le troisième code a abrogé le deuxième code. Ainsi, la décision devrait se baser si l'on suit le raisonnement des requérantes non seulement sur le deuxième, mais également sur le troisième code.

    127. Toutefois, il n'appartient pas au juge communautaire d'examiner la question de savoir si les aides auraient pu être approuvées au regard du code précédent. Cet examen, qui suppose l'appréciation de circonstances économiques complexes, devrait plutôt être mené par la Commission.

    128. Certes, dans la section III de la décision attaquée, la Commission a tout au plus constaté que les conditions pour une approbation au regard de l'article 2, paragraphe 1, du deuxième code ne sont pas réunies. Cette disposition concerne les aides à la restructuration. Cependant, la Commission n'a pas procédé à un examen approfondi des aides au regard des dispositions du deuxième code. Elle n'a ni entrepris une différenciation entre le deuxième et le troisième code ni utilisé les dispositions spécifiques de ce code relatives aux aides à l'investissement pour les mesures en faveur de l'énergie et de la protection de l'environnement (article 3 des deuxième et troisième codes), aux aides au fonctionnement (article 5 du deuxième code) et aux aides à la recherche et au développement (article 7 du deuxième code et article 2 du troisième code), alors que ces dispositions auraient éventuellement été applicables.

    129. Les dispositions précitées des deuxième et troisième codes sont très différentes des dispositions correspondantes du cinquième code. En ce qui concerne les aides à la recherche et au développement, ainsi que les aides à la protection de l'environnement, le cinquième code, à la différence des deuxième et troisième codes, renvoie au cadre communautaire respectif. Une approbation des aides au fonctionnement n'est plus possible. Les aides générales à l'investissement ne peuvent finalement plus être accordées que pour certaines régions.

    130. Après avoir brièvement évoqué le deuxième code, la Commission, en déclarant que «les aides en cause doivent par conséquent être examinées au regard du code des aides à la sidérurgie applicable à l'époque», passe à l'examen proprement dit des aides sur la base du cinquième code.

    131. Étant donné que la Commission a donc fondé sa décision essentiellement sur le cinquième code et n'a considéré l'application du deuxième code qu'en ce qui concerne les mesures de restructuration, il n'est pas établi qu'une approbation des aides sur la base des deuxième et troisième codes dans leur ensemble aurait été exclue.

    bb) Application du code en vigueur au moment de l'octroi de l'aide

    132. Pour répondre à la question de savoir si la Commission devait se baser sur le code applicable au moment de l'octroi de l'aide, alors qu'il n'était plus en vigueur déjà au moment de la décision, il convient de rappeler le système de la réglementation en matière d'aides d'État du traité CECA.

    133. Le Tribunal en a correctement expliqué les fondements aux points 59 et suivants de l'arrêt attaqué. Le point de départ du système est l'interdiction générale des aides figurant à l'article 4, sous c), du traité CECA. Les codes, qui se basent sur l'article 95 du traité CECA, autorisent des exceptions à ce principe dans la mesure où les aides des États membres correspondent aux objectifs de la politique sidérurgique communautaire . Les codes vont jusqu'à qualifier d'«aides communautaires» les aides respectant leurs conditions . En adoptant les codes, la Communauté a réagi à la situation spécifique du secteur sidérurgique dans les années 80, qui était caractérisée par un grand besoin de restructuration.

    134. Les codes successifs, et qui s'abrogent l'un l'autre, n'ont en aucune manière entraîné un retournement du principe de l'exception, ainsi que le soutiennent les requérantes. Au contraire, chaque code a entraîné une nouvelle rédaction des dispositions dérogatoires en les adaptant au développement technique et économique de l'industrie sidérurgique. En refaçonnant le code, le législateur a précisément voulu faire en sorte que l'octroi d'aides ne soit pas une situation permanente, mais reste une exception limitée dans le temps et répondant à une situation déterminée.

    135. La validité des codes a été, dès le départ, limitée à deux jusqu'à cinq ans et demi. Depuis le deuxième code, les codes comportent des délais de notification, que la Cour de justice avait qualifiés de délais de forclusion déjà dans l'affaire Allemagne/Commission . Les délais doivent garantir que les projets d'aides soient notifiés à temps à la Commission, de sorte que l'approbation et le versement des aides puissent encore intervenir pendant la période de validité du code. En cas de non-respect du délai de notification, la Commission perd le pouvoir d'approuver les aides.

    136. Depuis le deuxième code, les codes précisent en outre que le versement d'une aide autorisée en vertu d'un code ne peut plus intervenir après son abrogation. Par cette disposition, on veut assurer qu'une aide, qui est compatible avec la situation concurrentielle à une époque déterminée selon l'appréciation du législateur, ne soit pas versée ultérieurement, lorsque cette situation s'est éventuellement déjà modifiée. Pour des types d'aides déterminés, les codes fixent d'ailleurs en partie des délais de versement, qui expirent avant l'expiration du code . Si le versement d'une aide déjà approuvée n'est plus légal après l'abrogation du code, l'approbation en vertu du code qui n'est plus en vigueur est à plus forte raison exclue.

    137. L'argumentation des requérantes et du gouvernement italien, consistant à dire que les pouvoirs procéduraux de la Commission doivent être basés sur le code applicable et qu'il ne faut déduire des deuxième ou troisième codes que les dispositions matérielles, n'est pas défendable. Les règles matérielles et de procédure de chaque code constituent un ensemble. Le législateur ne voulait précisément pas introduire un système général d'approbation des aides dérogeant à l'article 4, sous c), du traité CECA, dans lequel seules différentes dispositions matérielles seraient applicables. Les codes ne reconnaissent à la Commission que des pouvoirs temporaires, tant du point de vue matériel que du point de vue procédural. Si un code n'est plus en vigueur, la Commission ne peut en tirer aucun pouvoir.

    138. C'est donc à juste titre que le Tribunal a constaté que, après expiration d'un code, la Commission ne saurait plus approuver une aide d'État sur la base d'une disposition dérogatoire de ce code.

    cc) Application du code applicable au moment de la décision de la Commission

    139. La Commission a fondé sa décision sur le cinquième code, qui était applicable au moment de l'adoption de la décision. Elle a appliqué ce code aux aides qui n'avaient pas été notifiées avant leur versement et avant l'expiration du délai fixé à l'article 6, paragraphe 1, troisième phrase, et paragraphe 2, du cinquième code.

    140. Tout comme les dispositions applicables auparavant, l'article 6 du cinquième code, d'après son texte, part de l'hypothèse que les États membres notifient chaque mesure avant leur mise en oeuvre et avant l'expiration du délai de forclusion. Cela explique également que l'article 6, paragraphe 4, ne prescrit aucune audition de l'État membre qui a accordé l'aide. En effet, l'audition est superflue si l'État membre a lui-même notifié l'aide. Le cas de l'aide non notifiée ainsi que le souligne à juste titre la Commission n'est pas expressément réglé dans le code.

    141. On ne saurait toutefois en conclure que chaque aide doit être déclarée incompatible avec les règles du code au seul motif qu'elle n'a pas été notifiée dans les délais. Il serait contraire aux principes fondamentaux de la réglementation communautaire en matière d'aides de conclure à l'incompatibilité des mesures avec la réglementation en matière d'aides du seul fait d'une illégalité formelle . Il ressort également de l'article 1er, paragraphe 1, du cinquième code, selon lequel les aides «ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5», que cette compatibilité dépend en définitive du respect des règles matérielles.

    142. Pourrait toutefois plaider contre l'application rétroactive du cinquième code le caractère conjoncturel de chaque code. Ainsi que nous l'avons exposé, les codes représentent une réaction limitée dans le temps à une situation économique déterminée du secteur sidérurgique. Si l'on recourt rétroactivement à un code ultérieur, trouveraient à s'appliquer des règles qui ont pour origine une autre situation que celle qui existait au moment de l'octroi de l'aide.

    143. Il convient toutefois de tenir compte du fait que l'effet d'une aide illégale perdure jusqu'à son remboursement. Même si l'avantage ne figure plus directement dans le bilan de l'entreprise plusieurs années après l'octroi de l'aide, l'aide a renforcé durablement la situation concurrentielle de l'entreprise bénéficiaire par rapport aux autres entreprises qui n'ont pas obtenu de subside .

    144. La mission de la Commission n'est pas de se replacer à l'époque de l'octroi de l'aide et de n'apprécier que l'effet produit à l'époque. Au contraire, la Commission doit protéger la concurrence actuelle, en appréciant l'effet (persistant) de l'aide par rapport aux critères applicables au moment d'adopter la décision.

    dd) Protection de la confiance légitime

    145. En principe, la protection de la confiance légitime dans une certaine pratique de la Commission n'entre en ligne de compte que si la Commission exerce, via cette pratique, un pouvoir d'appréciation qui lui a été accordé. La question du code applicable est toutefois une question juridique que doit trancher en définitive la Cour de justice, sans que la Commission jouisse, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation.

    146. Même si la Commission, par le passé, a défendu l'opinion selon laquelle il faut appliquer le code applicable lors de l'octroi ou du versement d'une aide , les requérantes ne sauraient en déduire aucune confiance légitime. Cela est d'autant plus vrai que cette opinion juridique est erronée.

    147. Enfin, les requérantes ne sauraient tirer de la note interne du service juridique aucune position juridique. D'une part, la note n'a pas été portée à la connaissance des requérantes ou publiée par la Commission. Même si tel avait été le cas, il ressort clairement du document qu'il ne s'agit pas d'un avis définitif de la Commission, destiné au public, mais uniquement d'un avis juridique du service juridique adressé aux services de la Commission compétents pour adopter la décision.

    ee) Défaut de motivation en ce qui concerne le choix de la base juridique

    148. Il n'est pas nécessaire d'examiner plus en détail la question de savoir si les requérantes peuvent encore invoquer, dans la procédure devant la Cour, cet argument, qu'elles n'ont pas soulevé dans la procédure administrative. C'est en effet à juste titre que le Tribunal, aux points 167 et suivants de l'arrêt attaqué, a déclaré que la motivation de la décision sur ce point satisfait aux conditions en matière de motivation.

    149. En particulier, on peut déduire de la décision elle-même ainsi que du contexte, qui, selon la jurisprudence de la Cour, est également d'importance , suffisamment de motifs plaidant en faveur de l'application du cinquième code. Ainsi, il ressort de la décision d'ouvrir la procédure que la Commission s'était basée sur le cinquième code parce qu'il s'agissait de l'unique base juridique valable au moment d'adopter la décision.

    150. L'autre considération de la Commission selon laquelle le deuxième code serait sans importance, étant donné qu'une autorisation serait également exclue sur la base de ses dispositions, semble en effet quelque peu superficielle . Cela ne constitue toutefois pas un défaut de motivation, qui justifierait une annulation de la décision.

    ff) Conclusion

    151. Étant donné que c'est à juste titre que la Commission a fondé sa décision sur le cinquième code et non pas sur le code applicable au moment de l'octroi des aides, il convient de rejeter le pourvoi.

    4) Établissement des faits et portée de l'examen

    152. Ensemble avec différents moyens, les requérantes soulèvent des griefs par lesquels elles attaquent l'établissement des faits par la Commission et le Tribunal, ainsi que la portée de l'appréciation des faits. D'une part, elles font valoir que la Commission, dans la décision attaquée, n'aurait pas qualifié de compatible avec le marché commun une mesure qu'elle avait déjà approuvée dans la décision 91/176. Deuxièmement, les requérantes reprochent que l'on n'a pas suffisamment examiné l'existence de dérogations à l'interdiction des aides.

    a) Prise en considération d'une aide déjà envisagée dans la décision 91/176

    aa) Arguments des parties

    153. En ce qui concerne le premier aspect, les requérantes déclarent que la Commission aurait adopté deux décisions contradictoires portant sur les aides accordées par la décision de la province autonome de Bolzano n° 7673 du 14 décembre 1987. Le prêt de 6 321 000 000 ITL, mentionné dans la décision attaquée, aurait déjà fait l'objet de la décision 91/176, affirment les requérantes. Le montant à rembourser aurait été mal calculé; il s'élèverait uniquement à 4 400 000 000 ITL. Le Tribunal n'aurait pas contesté ce fait, selon les requérantes, et se serait contenté de faire observer que la Commission ne doit tenir compte que des informations dont elle dispose au moment d'adopter la décision.

    154. La Commission défend l'opinion selon laquelle le grief est irrecevable parce qu'il n'a pas été soulevé dans la procédure administrative. D'ailleurs, selon la Commission, il s'agirait d'une question de fait tranchée par le Tribunal. En fait, la Commission soutient que les requérantes n'ont pas démontré dans quelle mesure les deux décisions concernent les mêmes aides. La décision 91/176 vise, affirme la Commission, un prêt de 6 500 000 000 ITL, avec un taux de 4,5 % et une durée de douze années, qui a été demandé le 2 janvier 1982 et qui a été accordé le 14 février 1983 par la décision n° 784. Il ne serait pas clair, selon la Commission, dans quelle mesure cette mesure serait la même que le prêt de 13 306 000 000 ITL, avec un taux de 3 % et une durée de sept années, qui a été demandé le 3 juillet 1986 et a été accordé par la décision n° 7673 du 14 décembre 1987 et qui a été versé en deux tranches, une de 6 321 000 000 ITL le 10 mars 1988 et une de 987 000 000 ITL le 30 janvier 1989.

    bb) Appréciation

    155. Le grief est recevable. Il n'est pas formellement interdit aux requérantes de soulever ce grief devant une juridiction . De même, le fait que le pourvoi soit limité aux questions de droit ne s'oppose pas à ce que l'on soulève ce grief. En effet, seules sont soulevées des questions de droit.

    156. Le Tribunal n'a procédé à aucune constatation propre en ce qui concerne les faits, mais s'est contenté de constater que la Commission, d'après les informations qui lui étaient connues au moment d'adopter la décision, n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des faits. En l'absence d'information en sens contraire du gouvernement italien et des requérantes dans la procédure administrative, rien n'indiquait, affirme le Tribunal, que la description des faits n'était pas exacte. La question de savoir sur qui pèse la charge d'allégation est une question de droit.

    157. Ce n'est qu'au point 141 de l'arrêt attaqué que le Tribunal, dans le cadre d'un obiter dictum, a émis des considérations sur la manière dont les faits des deux décisions peuvent être réconciliés, sans toutefois avoir basé son arrêt sur ce point.

    158. L'incertitude quant à la question de savoir si la Commission s'est prononcée deux fois sur une seule et même aide provient, entre autres, de la description pas tout à fait claire de l'objet de la décision 91/176. Dans cette décision, sous le point I, il y est indiqué:

    «En décembre 1987, les autorités de la province autonome de Bolzano ont accordé aux aciéries de Bolzano (groupe Falck) un prêt bonifié de 6 000 000 000 ITL [...], pour appuyer un investissement de 23 000 000 000 ITL [...].

    D'une durée de onze ans, ce prêt a été accordé au taux de 3,5 %.»

    159. Plus loin, il est expliqué que l'octroi du prêt repose sur une décision des autorités provinciales de Bolzano du 14 février 1983 qui a été certes régulièrement notifiée à la Commission, mais que le prêt a été accordé de manière illégale, après l'abrogation du deuxième code en 1987.

    160. La décision attaquée mentionne cette aide au point I, sous a, et une autre aide différente de celle-ci, au point I, sous d, laquelle repose sur la décision n° 7673 du 14 décembre 1987. La mesure qui fait l'objet de la décision 91/176 n'est donc pas considérée, ni dans la décision attaquée ni dans la communication sur l'ouverture de la procédure, comme étant identique à une aide décidée le 14 décembre 1987.

    161. Les requérantes soutiennent en revanche que la décision 91/176 concerne l'aide citée dans la décision n° 7673. Cependant, elles ne fournissent aucune explication du rapport que cette aide aurait avec l'aide citée au point I, sous a, de la décision attaquée. À cet égard, différentes hypothèses sont envisageables. D'une part, il pourrait s'agir d'exactement la même aide que celle qui est mentionnée au point d. Dans ce cas, la décision serait entachée d'une contradiction, étant donné que, d'une part, elle exclut la même aide de son domaine d'application, mais, d'autre part, ordonne son remboursement . La deuxième possibilité serait qu'il s'agirait effectivement de deux mesures différentes. Enfin, l'hypothèse du Tribunal pourrait être exacte, à savoir que la Commission n'était pas correctement informée lors de l'adoption de la décision 91/176 et qu'elle considérait à tort que l'aide octroyée en décembre 1987 correspondait à la mesure déjà planifiée en 1983, alors qu'il s'agissait d'une mesure totalement nouvelle, avec des objectifs totalement différents.

    162. Il est à regretter que le gouvernement italien, dans son mémoire en réponse, n'ait pas pris position sur ce point et n'ait pas contribué à l'éclaircissement de cette question. De même, les déclarations de la Commission devant la Cour ne favorisent pas la compréhension de l'affaire. Elle a tout d'abord évalué le montant des aides visées par la décision 91/176 à 5,6 milliards de ITL pour le corriger à 6,5 milliards de ITL. La durée doit être de douze années et le taux de 4,5 % . Dans la décision même, on trouve en revanche des chiffres totalement différents (6 milliards, 11 années et 3,5 % d'intérêt).

    163. Il est toutefois déterminant que, lors de l'adoption de la décision attaquée, la Commission, sur la base des informations dont elle disposait, a supposé qu'il s'agissait de deux mesures différentes. Étant donné que ni le gouvernement italien ni les requérantes n'ont fait observer une éventuelle erreur de la Commission dans la procédure administrative, alors que, sur la base de la communication relative à l'ouverture de la procédure formelle, on pouvait voir sur quels faits la Commission s'était basée, une annulation de la décision pour ce motif est exclue.

    164. Les requérantes n'ont pas une seule fois motivé les autres griefs soulevés dans ce cadre, selon lesquels la Commission aurait mal fixé les montants à rembourser. Notamment, elles n'ont pas démontré dans quelle mesure l'arrêt du Tribunal est erroné à cet égard.

    165. Par conséquent, il convient de rejeter la première partie du grief dans son ensemble.

    b) Absence d'examen de l'existence de dérogations à l'interdiction des aides

    aa) Arguments des parties

    166. Les requérantes font valoir que, étant donné que la Commission ne les a pas entendues, elles n'ont pas pu démontrer déjà dans le cadre de la procédure administrative, mais uniquement pour la première fois devant le Tribunal, que les aides remplissent effectivement les conditions pour être approuvées. Par conséquent, le Tribunal aurait dû annuler la décision, soit pour violation des droits de la défense, soit après appréciation des éléments de preuve avancés par ACB et Falck au motif que la Commission avait mal apprécié les aides.

    167. Selon les requérantes, le Tribunal aurait pris connaissance des éléments de preuve avancés, et n'en aurait pas tiré les conséquences nécessaires. Si les éléments de preuve n'avaient pas été suffisants, le Tribunal aurait dû procéder à une expertise. En outre, affirment les requérantes, le Tribunal n'a pas pris en considération l'argument avancé par Falck à l'audience.

    168. Le gouvernement italien conteste la constatation du Tribunal, selon laquelle, dans la procédure administrative, le gouvernement italien aurait dû soulever toutes les circonstances dont découlait la légalité de l'aide. Au contraire, affirme le gouvernement italien, il incombe à la Commission, qui a ouvert la procédure, d'établir les faits.

    169. La Commission est d'avis que le Tribunal a à juste titre montré les limites du contrôle judiciaire et a correctement apprécié les éléments de preuve avancés.

    bb) Appréciation

    170. Par la deuxième partie de ce moyen, les requérantes contestent essentiellement le fait que tant la Commission que le Tribunal n'ont pas suffisamment éclairci les faits en ce qui concerne le respect des conditions d'approbation et les ont mal appréciés.

    171. Comme nous l'avons déjà constaté, les requérantes ont eu, au cours de la procédure administrative, suffisamment de possibilités pour soulever des faits qui, selon elles, prouvaient la compatibilité des aides avec le code. Dans la communication relative à l'ouverture de la procédure, la Commission a précisé que les aides, d'après les informations dont elle disposait, ne remplissaient pas les conditions pour être approuvées au titre d'aides pour la recherche et le développement, de mesures de protection de l'environnement, d'économie d'énergie ou d'amélioration de la qualité des produits. Il aurait incombé à la République italienne et aux requérantes de présenter leur avis en sens contraire et de l'appuyer par des informations supplémentaires, ainsi que le déclare à juste titre le Tribunal au point 116 de l'arrêt attaqué. Si la Commission ne reçoit aucune indication selon laquelle les informations dont elle dispose sont inexactes ou incomplètes, elle ne doit pas d'office poursuivre l'instruction de l'affaire.

    172. La Commission n'a manifestement pas apprécié les faits de manière erronée. Le Tribunal parvient à cette conclusion, de manière correcte, en adoptant le raisonnement suivant. Il constate tout d'abord que le contrôle judiciaire de faits économiques complexes est limité à découvrir des abus de pouvoir ou des erreurs manifestes , et qu'à cette occasion, la requérante doit avancer des éléments de fait qui rendent non plausible l'appréciation des faits par la Commission. Ensuite, le Tribunal vérifie si la Commission n'a pas apprécié de manière manifestement erronée les faits avancés par la République italienne dans la procédure administrative. Cela inclut les éléments de preuve soumis au Tribunal, notamment le rapport Andersen.

    173. Il convient tout d'abord de souligner que la légalité d'une décision, dans le cadre d'un recours en annulation en application de l'article 33 du traité CECA, doit être appréciée au regard des informations dont disposait la Commission au moment d'adopter la décision .

    174. Sur la base de procédures antérieures, la Commission avait eu connaissance d'éléments d'aides en faveur d'ACB et de Falck. Elle a pu glaner d'autres informations des données fournies par le gouvernement italien ainsi que par les associations allemande et britannique des producteurs d'acier, dans le cadre de la procédure administrative. Les faits et éléments de preuve avancés pour la première fois devant le Tribunal par les requérantes ne sont déterminants que dans la mesure où il en ressort des erreurs d'appréciation manifestes de la Commission en ce qui concerne les faits qu'elle connaissait à l'époque de la décision.

    175. Étant donné que le pourvoi en application de l'article 32, sous d), du traité CECA, combiné à l'article 51, paragraphe 1, du statut CECA, est limité aux questions de droit, la Cour, dans le cadre de ce pourvoi, ne saurait vérifier si le Tribunal a correctement apprécié les faits que les requérantes lui ont soumis à titre de preuve de l'erreur manifeste d'appréciation de la Commission. Tout à fait indépendamment de cela, les requérantes n'ont pas non plus soulevé d'erreur d'appréciation concrète de la part du Tribunal. De plus, elles n'ont pas démontré quels faits avancés par Falck dans la procédure orale le Tribunal n'aurait prétendument pas pris en considération.

    176. Si, après examen de ces faits, le Tribunal n'a aucun doute quant à l'appréciation effectuée par la Commission, il n'est pas tenu d'instruire plus avant lui-même les faits et, par exemple, de procéder à une expertise.

    177. Par conséquent, il convient également de rejeter la deuxième branche du moyen.

    5) Non-prise en considération des effets sur le commerce intracommunautaire

    a) Arguments des parties

    178. Dans le cadre de ce moyen, ACB et Falck reprochent au Tribunal qui se basait sur l'arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité de 1961 de ne pas avoir pris en considération le fait que les effets des aides sur le commerce intracommunautaire n'étaient que restreints. Le Tribunal aurait méconnu le fait que, selon la jurisprudence récente , il faut garantir la cohérence des traités. En outre, selon les requérantes, le Tribunal aurait lui-même déclaré que toute aide n'est pas incompatible avec le marché commun, mais qu'il faut interpréter l'interdiction des aides figurant à l'article 4, sous c), du traité CECA, à la lumière des objectifs du traité .

    179. Le gouvernement italien fait valoir, à titre complémentaire, que la prise en considération des effets d'une aide sur la concurrence et le commerce intracommunautaire constitue un principe général des traités et entre, par conséquent, également en ligne de compte dans la présente affaire.

    180. En revanche, la Commission est d'avis que, en raison de l'interdiction générale des aides d'État figurant à l'article 4, sous c), du traité CECA, leurs effets sur le commerce intracommunautaire n'entrent pas en ligne de compte. Ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour, affirme la Commission, le traité CE n'est pas applicable aux produits CECA en vertu de l'article 305 CE . Selon la Commission, l'arrêt Busseni est allé à la limite de l'interprétation et serait également resté isolé.

    b) Appréciation

    181. Dans son arrêt du 21 juin 2001, la Cour a constaté que :

    «[...] l'article 4, sous c), du traité CECA, à la différence de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE, ne requiert pas, pour que les aides soient considérées comme incompatibles avec le marché commun, la condition qu'elles faussent ou menacent de fausser la concurrence [...]»

    182. Ainsi que l'a déclaré à juste titre le Tribunal au point 82 de l'arrêt attaqué, l'article 4, sous c), du traité CECA interdit toutes les aides sans exception, afin de garantir que, pour la création, le maintien et le respect des conditions normales de concurrence, les aides soient considérées comme incompatibles avec le marché commun sans qu'il soit nécessaire de constater, ou même seulement de démontrer, que les conditions de concurrence sont effectivement affectées ou risquent de l'être.

    183. Par conséquent, dans la présente affaire également, le Tribunal n'a pas examiné, à juste titre, si la concurrence est faussée ou si le commerce intracommunautaire est affecté par l'aide octroyée à ACB. Par conséquent, il convient de rejeter ce moyen.

    6) Violation des règles de prescription et principe de sécurité juridique

    a) Arguments des parties

    184. Les requérantes attaquent la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission n'aurait violé aucun délai de prescription. L'obligation pour la Commission d'exercer ses pouvoirs dans un délai découlerait, selon les requérantes, plutôt du principe général de sécurité juridique. Cette conclusion aurait été confirmée par la Cour notamment dans son arrêt Geigy/Commission .

    185. En outre, les requérantes citent différentes règles de prescription existant dans le champ d'application du traité CE et du traité CECA, par lesquelles se serait juridiquement matérialisé le principe de sécurité juridique, à savoir l'article 43 du statut CE , la décision n° 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans le domaine d'application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier , et le règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne . D'autre part, les requérantes reprochent au Tribunal de s'être référé au règlement n° 659/1999, au motif que cette disposition ne concerne que les aides dans le domaine du traité CE.

    186. La Commission soutient qu'il ressort certes des arrêts cités par les requérantes que les délais de prescription sont l'expression du principe de sécurité juridique. Pour respecter ce principe, les délais doivent avoir été fixés ex ante par le législateur , et non pas ex post par la jurisprudence. De même, la Commission rejette l'application par analogie de la décision n° 715/78. Selon la Commission, cette disposition concerne le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes et des astreintes. En l'espèce, il s'agirait en revanche non pas de sanctions, mais du remboursement d'aides.

    b) Appréciation

    187. Derrière le problème traité de manière générale par les parties sous l'intitulé «prescription» se cachent en fait des institutions juridiques totalement différentes.

    188. La prescription au sens d'une prescription en matière d'exécution, ainsi qu'elle est réglée par exemple à l'article 4 de la décision n° 715/78, concerne le délai dans lequel le créancier doit faire exécuter un droit qui a déjà été établi de manière définitive. En droit civil, la prescription constitue une objection qui peut être opposée à l'exécution d'un droit existant. La prescription au sens d'une prescription en matière de poursuite définit une période dans laquelle la Commission peut sanctionner une violation du traité. Dans la mesure où il ne s'agit pas de sanction, c'est plutôt la notion de délai qui convient . Toutes les formes de prescription ou de délai poursuivent le but de donner la priorité, après une période déterminée, au principe de sécurité juridique sur celui de la légalité matérielle. Toutefois, elles se différencient notamment en ce qui concerne les circonstances qui font courir le délai et en ce qui concerne leur durée.

    189. De plus, la Cour déduit du principe du procès équitable, ainsi qu'il a trouvé son expression dans l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des délais déterminés pour la fin de la procédure judiciaire . En outre, elle a constaté que le bénéficiaire d'une aide, en cas de retard pris par la Commission au cours de la procédure administrative, pouvait se fonder, dans certaines circonstances, sur le fait que la Commission ne réclamerait plus le remboursement d'une aide . Par conséquent, il convient d'examiner de manière isolée, dans le cadre du moyen relatif à la violation du principe de protection de la confiance légitime, les conséquences qui découlent de la durée de la procédure administrative.

    190. Si on laisse pour le moment de côté la question de la durée de la procédure administrative, il peut, en toute hypothèse, s'agir d'une question de délai. Le délai dans lequel la Commission peut encore réclamer la restitution d'aides dans le cadre du traité CE est de dix ans, conformément à l'article 15 du règlement n° 659/1999. Une limite juridique correspondante du pouvoir de la Commission en ce qui concerne les aides CECA n'existe pas.

    191. Une application par analogie de la décision n° 715/78 est exclue. Elle concerne un type de pouvoir totalement différent de la Commission, à savoir le pouvoir de sanctionner des entraves à la concurrence au moyen d'amendes et d'astreintes, et d'exécuter les décisions qui en découlent .

    192. Il est toutefois douteux que l'on puisse directement déduire du principe de sécurité juridique une telle limite au pouvoir de la Commission. Dans l'affaire Lemmerz-Werke/Haute Autorité, citée par les requérantes, l'avocat général Roemer a certes défendu l'opinion selon laquelle l'annulation d'une décision de la Haute Autorité serait exclue plusieurs années après avoir pris connaissance des motifs d'annulation . Indépendamment du fait que l'affaire se fondait sur des circonstances tout à fait différentes, la Cour n'a pas suivi l'avocat général, ainsi que le souligne à juste titre la Commission .

    193. Dans l'affaire Geigy/Commission, dans laquelle il était question d'infliger des amendes pour entrave à la concurrence, la Cour a déclaré qu'un délai de prescription doit être fixé à l'avance par le législateur pour pouvoir remplir sa fonction . Par contre, le principe de sécurité juridique s'opposerait, selon la Cour, à ce que la Commission attende indéfiniment pour infliger une amende. Il faut déduire des autres considérations de la Cour que, dans ce cas indépendamment du simple écoulement du temps , il faut des circonstances particulières qui requièrent de limiter le pouvoir de la Commission.

    194. À ce propos, entrent en ligne de compte, en l'espèce, des circonstances qui auraient pu éventuellement fonder la confiance des requérantes en ce que la Commission ne réclamerait pas le remboursement des aides. Par conséquent, il convient d'examiner cet argument ensemble avec le moyen pris de la protection de la confiance légitime.

    7) Violation du principe de la protection de la confiance légitime

    a) Arguments des parties

    195. Soutenues par le gouvernement italien, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir méconnu le principe de la protection de la confiance légitime, en ce qu'il n'aurait pas tenu compte de nombreuses circonstances fondant une confiance légitime.

    196. Les six mesures visées par la décision se fondaient sur la loi provinciale n° 25/81 et avaient toutes pour origine le plan de restructuration déjà autorisé en 1983 par la Commission. Par conséquent, affirment les requérantes, on a pu supposer qu'il n'y avait pas de nouvelle obligation de notifier . Cependant, ACB se serait assurée auprès de la province autonome de Bolzano que cette dernière avait rempli toutes les formalités nécessaires.

    197. Selon ACB, depuis juillet 1988, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure qui a abouti à l'adoption de la décision 91/176, la Commission avait eu connaissance des mesures. Après l'adoption de la décision 91/176, lorsque toutes les aides avaient déjà été versées, ACB aurait supposé que la Commission, sous réserve des aides critiquées, n'avait aucune objection contre les autres mesures.

    198. En outre, les requérantes invoquent l'avis du service juridique de la Commission du 18 juillet 1990, qu'il n'est plus nécessaire d'examiner en l'espèce, conformément aux considérations exposées au point 147.

    199. Enfin, selon les requérantes, ACB, en raison du temps écoulé depuis le versement des aides, a pu penser que ces dernières ne seraient plus contestées. Le 26 juillet 1987, la Commission a ouvert la procédure administrative préparant la décision 91/176. Le 1er août 1995 a été lancée la procédure ayant abouti à la décision attaquée, après que des premières informations ont été demandées au gouvernement italien déjà le 21 décembre 1994. Selon ACB, la Commission a également violé le principe de proportionnalité et le principe de coopération loyale, en ce qu'elle a adopté la décision réclamant le remboursement 156 mois après l'octroi de la première aide et 96 mois après l'octroi de la deuxième aide.

    200. Les requérantes citent notamment l'arrêt RSV/Commission , dans lequel la Cour avait reconnu l'existence d'une confiance légitime déjà après une période de 26 mois.

    201. La Commission rappelle que le bénéficiaire d'une aide non notifiée ne saurait invoquer la protection de la confiance légitime qu'en cas de circonstances exceptionnelles, qu'il incombe en principe à la juridiction nationale de déterminer . Selon la Commission, en raison de l'interdiction étendue des aides édictée par le traité CECA, il conviendrait d'appliquer en l'espèce des critères encore plus stricts que pour les aides relevant du traité CE.

    202. La Commission affirme que les requérantes ne pouvaient nourrir aucune confiance légitime dans la légalité de toutes les aides accordées tardivement sur la base de l'approbation du programme de restructuration en 1983, qui a encore été modifié en 1986 sans en informer la Commission. La diligence dont a fait soi-disant preuve ACB ne change rien au fait que cette dernière ne s'est adressée qu'à la province de Bolzano, et non pas aux autorités italiennes qui sont compétentes pour la notification.

    203. La Commission soutient que l'affirmation selon laquelle elle avait eu connaissance de toutes les circonstances déjà en 1988 a déjà été rejetée par le Tribunal par le biais d'une constatation de fait qui ne saurait faire l'objet d'un contrôle dans le cadre d'un pourvoi.

    b) Appréciation

    204. Il convient tout d'abord de constater que les requérantes invoquent les principes de coopération loyale et de proportionnalité sans expliquer dans quelle mesure ces principes sont concernés. Par conséquent, il convient d'examiner leurs arguments uniquement en ce qui concerne une violation du principe de la protection de la confiance légitime.

    205. Les requérantes peuvent invoquer la protection de la confiance légitime non seulement devant les juridictions nationales, mais également devant le juge communautaire. Certes, le remboursement d'une aide illégale par le bénéficiaire est régi par le droit de procédure national. Le bénéficiaire de l'aide peut saisir la juridiction nationale d'un recours contre une décision réclamant le remboursement de l'aide en invoquant le principe de la confiance légitime, dans la mesure où sont applicables les mêmes conditions que celles prévues pour la récupération des prestations financières purement nationales et que l'intérêt de la Communauté soit pleinement pris en considération .

    206. La Commission, tout comme le Tribunal dans l'arrêt Siemens/Commission, semble en conclure que l'examen de la confiance légitime est réservé au seul juge national .

    207. On ne saurait toutefois souscrire à cet avis. Dans l'arrêt RSV/Commission , la Cour a annulé une décision de la Commission, par laquelle cette dernière avait réclamé le remboursement d'aides, pour des motifs pris de la confiance légitime. Le principe de la confiance légitime est effectivement reconnu non seulement en droit national, mais également en droit communautaire . La Commission doit tenir compte de ce principe lorsqu'elle adopte ses décisions, tout comme la Cour doit en tenir compte lorsqu'elle contrôle la légalité de ces décisions.

    208. Les requérantes ne critiquent pas la constatation exacte du Tribunal, selon laquelle le bénéficiaire d'une aide ne saurait en principe avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue et qu'il ne peut invoquer le principe de la confiance légitime, dans le cas d'aides illégales, que dans des circonstances exceptionnelles . Elles soutiennent toutefois que contrairement à ce qu'a constaté le Tribunal de telles circonstances exceptionnelles existaient.

    209. L'argumentation des requérantes selon laquelle ACB, en raison de l'approbation initiale du programme de restructuration, a pu nourrir une confiance légitime dans la régularité ne convainc pas. La Commission a tenu compte des incertitudes quant à l'obligation de notification des aides versées avant le 1er janvier 1986 et a renoncé à en exiger la restitution. En vertu du deuxième code, qui constitue la base juridique de l'approbation du programme de restructuration, toutes les aides auraient dû être versées jusqu'au 31 décembre 1985. Pour ce seul motif, la confiance dans la régularité des aides versées ultérieurement est exclue. Au contraire, les mesures non exécutées jusqu'à cette date auraient dû être notifiées à nouveau en application du code suivant et approuvées en vertu de ce dernier.

    210. Les requérantes ne pouvaient non plus se fonder sur la régularité des aides versées après le 31 décembre 1985, au motif que la décision 91/176 ne contestait qu'une seule aide et ordonnait l'élimination de ses effets pour l'avenir. Cette conclusion aurait été possible si la Commission, au moment d'adopter la décision, était informée de toutes les mesures. Dans la motivation de la décision 91/176, la Commission ne mentionne qu'un prêt bonifié de 6 milliards de ITL, accordé en décembre 1987. Au point 94 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu'aucune preuve n'avait été apportée d'une connaissance plus approfondie de la Commission lors de l'adoption de la décision 91/176. La Cour est tenue par cette constatation. Par conséquent, on ne saurait déduire de la décision 91/176 une approbation (tacite) des autres aides accordées après le 31 décembre 1985.

    211. En ce qui concerne la déclaration du directeur administratif d'ACB, M. Morosetti, du 2 février 1999, le Tribunal a constaté que les contacts qui sont mentionnés avec la province autonome de Bolzano ne permettent pas de conclure qu'ACB s'est assurée du respect de la procédure de notification .

    212. Il convient d'approuver cette conclusion. ACB n'aurait pas dû se fier aux affirmations contradictoires du représentant de la province autonome de Bolzano vaguement décrites dans la déclaration. Même s'il devait s'avérer que les autorités de Bolzano avaient informé la Commission de toutes les mesures, il aurait dû être clair pour ACB que seul le gouvernement italien aurait pu effectuer une notification formelle dans les délais conformément au code applicable.

    213. Étant donné l'importance que revêt la notification d'importants projets d'aides, il est également étonnant qu'aucune correspondance échangée entre ACB ou Falck et les autorités de Bolzano ou les autorités italiennes au sujet de cette question n'ait été produite. Il y aurait eu certes motif à croire en la régularité de la notification si ACB avait obtenu des copies de lettres adressées par le gouvernement italien à la Commission, par lesquelles les aides avaient été notifiées. En toute hypothèse, ACB n'aurait pas dû croire en la régularité des aides sur la base des seuls entretiens avec les représentants de la province autonome de Bolzano.

    214. Enfin, reste encore à trancher la question de savoir si le temps qui s'est écoulé entre l'octroi des aides et l'adoption de la décision attaquée peut fonder une confiance légitime des requérantes. La période concernée en l'espèce commence le 14 décembre 1987, lorsqu'a été accordée la première des aides à rembourser par la décision de la province autonome de Bolzano n° 7673, et se termine le 17 juillet 1996, jour où a été adoptée la décision litigieuse. La période comprend donc environ huit ans et demi.

    215. En raison de l'absence d'une disposition juridique relative à la prescription, l'écoulement du temps ne saurait à lui seul fonder une confiance légitime dans le maintien de l'aide . En toute hypothèse, lorsque la Commission est restée inactive sur une longue période en dépit de sa connaissance, une telle confiance pourrait naître .

    216. Rien n'indique que la Commission, avant la demande d'information du 21 décembre 1994 adressée au gouvernement italien et la réponse du 7 avril 1995, était informée des aides dont le remboursement est réclamé dans la décision attaquée. D'après les constatations déjà citées du Tribunal , au moment d'adopter la décision 91/176, la Commission n'avait connaissance que d'une seule aide octroyée en décembre 1987. Ce faisant, on ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir agi vis-à-vis des autres mesures avant le 21 décembre 1994.

    217. Depuis les premières mesures d'instruction de la Commission jusqu'à l'adoption de la décision attaquée, environ dix-huit mois se sont écoulés. Une partie de cette période concerne, en outre, les délais accordés au gouvernement italien et aux autres parties pour présenter des observations . On ne voit pas non plus d'autres périodes plus longues au cours desquelles la Commission serait restée inactive ou aurait inutilement allongé la procédure. Par conséquent, la durée de la procédure administrative n'était pas non plus susceptible de fonder chez les requérantes une confiance dans le fait que la Commission ne réclamerait pas le remboursement des aides.

    218. Par conséquent, il convient de rejeter le moyen pris de la violation de la protection de la confiance légitime.

    8) Mauvais taux appliqué à la demande de remboursement

    a) Arguments des parties

    219. Les requérantes considèrent la fixation du taux applicable à la demande de remboursement comme étant arbitraire et imprévisible. Elles avancent différentes sources (communications de la Commission, arrêts de la Cour) dans lesquelles on s'est fondé sur d'autres critères pour fixer le taux. Selon les requérantes, ce n'est pas à la Commission de fixer le taux d'intérêt, mais aux autorités italiennes. Afin de rétablir la situation qui aurait prévalu sans le versement des aides, la Commission aurait dû, en toute hypothèse, utiliser l'Allemagne comme marché de référence, affirment les requérantes, et non pas l'Italie, étant donné qu'ACB opérait avant tout sur le marché allemand.

    220. Le gouvernement italien adhère à cette opinion et souligne, en outre, que la décision attaquée et l'arrêt du Tribunal ne sont pas suffisamment motivés en ce qui concerne la fixation du taux d'intérêt.

    221. La Commission cite une série de communications et de lettres, dont ressort sa pratique constante en ce qui concerne la fixation du taux d'intérêt. Selon la Commission, la motivation de la décision respecte les conditions applicables et elle doit être appréciée au regard du contexte dans lequel elle a été adoptée. Enfin, affirme la Commission, elle n'a pas commis d'erreur de droit en recourant au marché italien comme marché de référence pour une aide octroyée en lires italiennes.

    b) Appréciation

    222. Ainsi que le Tribunal l'a déclaré à juste titre aux points 148 à 152, en citant son arrêt Siemens/Commission , la fixation des intérêts afférents à la demande de remboursement est nécessaire pour rétablir entièrement la situation qui aurait prévalu sans l'aide.

    223. Certes, le remboursement doit en principe s'effectuer selon le droit procédural national . Tout comme elle est compétente pour ordonner le remboursement des aides illégales, afin de garantir l'efficacité pratique de l'interdiction des aides, la Commission peut enjoindre à l'État membre également le paiement des intérêts sur les montants à rembourser, et même lui indiquer le taux d'intérêt applicable.

    224. On ne voit pas pour quelle raison la référence faite par la Commission au taux d'intérêt utilisé pour calculer l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale serait non transparent ou arbitraire. Certes, la décision ne mentionne aucun taux d'intérêt précis, cependant le taux d'intérêt applicable peut être déterminé par le renvoi aux dispositions en matière d'aides régionales. La communication sur les régimes d'aides à finalité régionale, du 21 décembre 1978 , prévoit, au point 14 de son annexe, qu'il faut appliquer comme taux d'intérêt de référence «le taux de référence moyen applicable aux bonifications d'intérêts versées par le gouvernement central aux organismes de crédit». Ce faisant, la Commission renvoie à un taux d'intérêt qui doit être considéré comme le taux normal du marché en Italie.

    225. Faute de données en sens contraire avancées par ACB, on ne saurait reprocher à la Commission d'avoir utilisé, comme taux de référence, le taux d'intérêt utilisé en Italie pour des aides qui ont été octroyées en lires italiennes à des entreprises situées en Italie.

    226. Toutefois, on ne trouve dans la décision elle-même aucune déclaration motivant une injonction en ce qui concerne les taux. Ainsi que l'a toutefois constaté la Cour, dans le cadre de la motivation, il faut également tenir compte du contexte dans lequel a été adopté l'acte juridique . À cet égard, on peut tenir compte des communications de la Commission qui ont été publiées avant l'adoption de la décision, notamment la communication du 22 février 1995 . Dans cette communication, la Commission indique aux États membres ceci:

    «La Commission estime que l'utilisation de ce dernier taux permet de calculer de manière plus correcte qu'avec le taux légal l'avantage indu, obtenu par le bénéficiaire de l'aide, en vue du rétablissement du statu quo ante.

    Elle informe dès lors les États membres que, dans ses décisions imposant la récupération d'une aide illégale et incompatible, elle appliquera le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent subvention dans le cadre des aides régionales, comme base pour le taux d'intérêt commercial.»

    227. Compte tenu de ce contexte, le sens et la finalité de la fixation des intérêts sur les montants à rembourser sont suffisamment clairs.

    228. Sans que cela soit juridiquement contraignant, il serait indiqué que la Commission, également dans les décisions enjoignant un remboursement, formule dans la motivation, pour le moins, quelques considérations courtes relatives au taux d'intérêt. Les États membres destinataires de la décision disposent certes de l'expérience nécessaire pour comprendre l'importance et le contexte de ces dispositions. Étant donné que, toutefois, des tiers sont également concernés, quelques précisions seraient tout à fait appropriées. Cela vaut d'autant plus lorsque la communication à prendre en considération comme en l'espèce n'a pas été publiée au Journal officiel.

    229. En toute hypothèse, l'arrêt attaqué n'est entaché d'aucun défaut de motivation. Aux points 148 à 162 de l'arrêt attaqué, le Tribunal motive en détail pour quelle raison il convient de rejeter le moyen.

    230. Par conséquent, ce moyen ne saurait convaincre.

    9) Interdiction des sanctions et principe de proportionnalité

    a) Arguments des parties

    231. Enfin, les requérantes sont d'avis que la décision a un caractère de sanction et qu'elle n'est pas en mesure de parvenir au seul objectif légal, l'élimination des effets de l'aide. À cet égard, elles avancent une série d'arguments qui ont déjà été rejetés, à savoir que le Tribunal n'a pas tenu compte de la compatibilité matérielle des aides, que la décision concerne en partie des aides qui ont déjà fait l'objet de la décision 91/176 et qu'un taux d'intérêt exagéré a été fixé.

    232. En outre, selon les requérantes, la décision a un caractère de sanction parce que, en pratique, c'est Falck qui est responsable du remboursement des aides, bien que cette entreprise n'opère plus dans le secteur sidérurgique. Par conséquent, affirment les requérantes, la décision ne serait pas susceptible de rétablir la concurrence. Selon les requérantes, le Tribunal n'a absolument pas examiné ce point.

    233. La Commission considère ce grief comme irrecevable, parce qu'il a été soulevé pour la première fois devant la Cour. En outre, selon la Commission, ce grief serait non fondé. Si les requérantes avaient raison, affirme la Commission, des entreprises pourraient contourner l'obligation de rembourser les aides par le seul fait qu'elles modifient leur quote-part dans le capital social.

    b) Appréciation

    234. Seule reste encore à examiner la question des effets de la décision sur Falck. Étant donné que l'on a déjà constaté que les autres arguments ne sauraient convaincre, cet argument ne saurait non plus appuyer la thèse selon laquelle la décision a effectivement un caractère de sanction.

    235. Pour autant qu'il faille encore procéder à un examen, il existe des doutes quant à la recevabilité du moyen.

    236. Conformément à l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l'objet du litige devant le Tribunal. Certes, dans le cadre de sa demande d'intervention, Falck a expliqué dans quelle mesure elle était concernée par la décision. Dans sa requête, ACB a fait remarquer de manière générale que la décision, en raison de la modification des circonstances, avait le caractère d'une sanction et ne servait plus à rétablir les conditions de concurrence . Le Tribunal y a vu avant tout un grief pris de la violation du principe de proportionnalité et l'a, à juste titre, rejeté au point 92 de l'arrêt attaqué.

    237. Cependant, en première instance, aucune des requérantes n'a fait valoir, avec suffisamment de clarté, que la décision, en raison de son effet sur Falck, c'est-à-dire une entreprise qui n'opérait plus dans le secteur sidérurgique, était erronée. Par conséquent, on ne saurait, en toute hypothèse, reprocher au Tribunal de ne pas s'être exprimé sur cet aspect. Étant donné que, par cet argument, les requérantes ont simplement précisé le grief général, selon lequel, en raison du temps qui s'est écoulé et de la modification des circonstances, il n'était plus possible de rétablir la concurrence en remboursant l'aide, l'objet du litige n'a pas été modifié. Le grief est recevable.

    238. Il n'est toutefois pas fondé. Les requérantes invoquent principalement une violation du principe de proportionnalité, en ce qu'elles affirment que le remboursement n'est pas en mesure de rétablir la concurrence. La décision elle-même n'indique pas à qui les autorités italiennes doivent réclamer le remboursement des aides. Il faut toutefois supposer qu'elles s'adresseront au bénéficiaire direct, ACB. Cette dernière opère, comme auparavant, dans le secteur sidérurgique et profite du renforcement de sa position concurrentielle dû aux aides.

    239. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans l'affaire Tubemeuse , le recouvrement d'une aide illégale ne saurait être considéré en principe comme étant une mesure qui va au-delà des objectifs de la réglementation en matière d'aides. Ce faisant, elle a rejeté l'argument selon lequel la récupération de l'aide avantagerait les autres créanciers dans le cadre d'une procédure concordataire portant sur les biens de la bénéficiaire de l'aide.

    240. Il s'ensuit que les conséquences financières directes produites par la récupération des aides sur les tiers ne constituent aucune violation du principe de proportionnalité. Au contraire, il ne s'agit là que d'un effet secondaire qui n'a aucun effet sur la capacité de la mesure à remplir l'objectif d'éliminer l'effet de l'aide. Le remboursement d'une aide illégale a toujours une influence sur le résultat commercial du bénéficiaire de l'aide et, ce faisant, éventuellement sur les dividendes versés à ses actionnaires. Le fait que les amendes, en l'espèce, ne sont pas supportées par l'actuelle société mère, mais, en raison de dispositions contractuelles, par l'ancienne société mère est purement fortuit et ne s'oppose pas au remboursement de l'aide par la filiale.

    241. Par conséquent, il faut également rejeter ce moyen.

    VIII Dépens

    242. En vertu de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsque le pourvoi est rejeté.

    243. En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui est applicable au pourvoi en vertu de l'article 118, la partie qui succombe est condamnée aux dépens. L'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, dispose que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Commission a conclu à ce qu'il plaise à la Cour condamner les requérantes aux dépens. Étant donné que ces dernières ont succombé, elles doivent être condamnées aux dépens du pourvoi, à l'exception des dépens de la République italienne, qui supporte ses propre dépens.

    IX Conclusion

    244. Pour les motifs qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

    «1) Le pourvoi est rejeté.

    2) Les requérantes sont condamnées aux dépens de la procédure, à l'exception des dépens de la République italienne.

    3) La République italienne supporte ses propres dépens.»

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