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Document 61999CJ0262

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juillet 2001.
    Paraskevas Louloudakis contre Elliniko Dimosio.
    Demande de décision préjudicielle: Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou - Grèce.
    Directive 83/182/CEE - Importation temporaire de moyens de transport - Franchises fiscales - Résidence normale dans un Etat membre - Amende en cas d'importation irrégulière en franchise - Principe de proportionnalité - Bonne foi.
    Affaire C-262/99.

    Recueil de jurisprudence 2001 I-05547

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:407

    61999J0262

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juillet 2001. - Paraskevas Louloudakis contre Elliniko Dimosio. - Demande de décision préjudicielle: Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou - Grèce. - Directive 83/182/CEE - Importation temporaire de moyens de transport - Franchises fiscales - Résidence normale dans un Etat membre - Amende en cas d'importation irrégulière en franchise - Principe de proportionnalité - Bonne foi. - Affaire C-262/99.

    Recueil de jurisprudence 2001 page I-05547


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Franchises fiscales en matière d'importation temporaire de moyens de transport - Résidence normale au sens de la directive 83/182 - Notion - Détermination en cas d'attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres

    (Directive du Conseil 83/182, art. 7, § 1)

    2. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Franchises fiscales en matière d'importation temporaire de moyens de transport - Infraction au régime d'importation - Sanctions infligées par un État membre - Admissibilité - Conditions - Respect du principe de proportionnalité

    (Directive du Conseil 83/182)

    3. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Franchises fiscales en matière d'importation temporaire de moyens de transport - Infraction au régime d'importation - Sanctions infligées par un État membre - Détermination - Prise en compte de la bonne foi du contrevenant - Condition

    (Directive du Conseil 83/182)

    Sommaire


    1. L'article 7, paragraphe 1, de la directive 83/182, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne dispose d'attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres, le lieu de sa résidence normale, déterminé dans le cadre d'une appréciation globale en fonction de tous les éléments de fait pertinents, est celui où est localisé le centre permanent des intérêts de cette personne et que, dans l'hypothèse où cette appréciation globale ne permet pas une telle localisation, la primauté doit être accordée aux attaches personnelles.

    ( voir point 60, disp. 1 )

    2. Une législation nationale qui prévoit, en cas d'infraction au régime d'importation temporaire établi par la directive 83/182, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, un ensemble de sanctions comprenant en particulier:

    - des amendes fixées de manière forfaitaire sur le fondement du seul critère de la cylindrée du véhicule, sans prise en considération de la vétusté de celui-ci,

    - un droit majoré pouvant aller jusqu'au décuple des taxes en cause,

    n'est compatible avec le principe de proportionnalité que dans la mesure où elle est rendue nécessaire par des impératifs de répression et de prévention, compte tenu de la gravité de l'infraction.

    ( voir point 71, disp. 2 )

    3. En cas de poursuites pour infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, la directive 83/182, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, et les autres règles de droit communautaire ne s'opposent pas à ce qu'il soit exclu que l'ignorance des règles applicables entraîne une exonération de droit de toute sanction. Néanmoins, lorsque la détermination du régime applicable a soulevé des difficultés, il doit être tenu compte de la bonne foi du contrevenant lors de la détermination de la sanction effectivement infligée à celui-ci.

    ( voir point 77, disp. 3 )

    Parties


    Dans l'affaire C-262/99,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou (Grèce) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Paraskevas Louloudakis

    et

    Elliniko Dimosio,

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport (JO L 105, p. 59),

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de MM. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et Mme F. Macken, juges,

    avocat général: M. S. Alber,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour le gouvernement hellénique, par MM. P. Mylonopoulos et M. Apessos, en qualité d'agents,

    - pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes H. Michard et M. Patakia, en qualité d'agents,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales de M. Louloudakis, représenté par Me G. Stylianakis, dikigoros, du gouvernement hellénique, représenté par M. M. Apessos, et de la Commission, représentée par Mme M. Patakia, à l'audience du 3 octobre 2000,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 novembre 2000,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par jugement du 30 juin 1999, parvenu à la Cour le 19 juillet suivant, le Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou (tribunal administratif de première instance d'Héraklion) a posé, en application de l'article 234 CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport (JO L 105, p. 59, ci-après la «directive»).

    2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Louloudakis à l'Elliniko Dimosio (État hellénique) à propos de taxes et d'amendes mises à sa charge au titre de l'importation, en Grèce, de trois véhicules automobiles immatriculés en Italie.

    Le cadre juridique du litige au principal

    La réglementation communautaire

    3 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive prévoit que les États membres accordent, dans les conditions qu'elle fixe, lors de l'importation temporaire en provenance d'un État membre de véhicules routiers à moteur, une franchise, notamment, des taxes sur le chiffre d'affaires, des accises et de toute autre taxe à la consommation.

    4 L'article 1er, paragraphe 3, de la directive exclut de la franchise les véhicules utilitaires, lesquels sont définis par l'article 2, sous a), de la directive comme étant, notamment, tout véhicule routier qui, d'après son type de construction et son équipement, est apte et destiné aux transports avec ou sans rémunération de plus de neuf personnes, y compris le conducteur, ou de marchandises.

    5 S'agissant des véhicules de tourisme, la franchise s'applique, en vertu de l'article 3 de la directive, à leur importation temporaire pour usage privé, pour une durée continue ou non qui n'excède pas six mois par période de douze mois.

    6 En ce qui concerne les mêmes véhicules, la franchise s'applique, en vertu de l'article 4 de la directive, à leur importation temporaire pour usage professionnel, pour une durée continue ou non, en principe, de six mois par période de douze mois.

    7 Tant l'article 3 que l'article 4 de la directive subordonnent le bénéfice de la franchise à la condition que le particulier important le véhicule ait «sa résidence normale dans un État membre autre que celui de l'importation temporaire». L'article 4 exige, en outre, que le particulier qui importe le véhicule pour un usage professionnel n'utilise pas ce véhicule pour effectuer à l'intérieur de l'État membre d'importation temporaire des transports de personnes, moyennant rémunération ou autres avantages matériels, ni des transports industriels et commerciaux de marchandises avec ou sans rémunération.

    8 L'article 7 de la directive précise:

    «1. Pour l'application de la présente directive, on entend par résidence normale le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d'une personne sans attaches professionnelles, en raison d'attaches personnelles, révélant des liens étroits entre elle-même et l'endroit où elle habite.

    Toutefois, la résidence normale d'une personne dont les attaches professionnelles sont situées dans un lieu différent de celui de ses attaches personnelles, et qui, de ce fait, est amenée à séjourner alternativement dans des lieux différents situés dans deux ou plusieurs États membres, est censée se situer au lieu de ses attaches personnelles, à condition qu'elle y retourne régulièrement. Cette dernière condition n'est pas requise lorsque la personne effectue un séjour dans un État membre pour l'exécution d'une mission d'une durée déterminée. La fréquentation d'une université ou d'une école n'implique pas le transfert de la résidence normale.

    2. Les particuliers apportent la preuve du lieu de leur résidence normale, par tous moyens, notamment par leur carte d'identité, ou par tout autre document valable.

    3. Au cas où les autorités compétentes de l'État membre d'importation ont des doutes sur la validité de la déclaration de la résidence normale effectuée conformément au paragraphe 2, ou aux fins de certains contrôles spécifiques, elles peuvent demander tout élément d'information ou des preuves supplémentaires.»

    9 L'article 9, paragraphe 1, prévoit que les États membres ont, notamment, la faculté de permettre, sur demande de l'importateur, l'importation temporaire pour une période plus longue que celles visées aux articles 3 et 4, paragraphe 2.

    10 L'article 10, paragraphe 2, dispose:

    «Lorsque l'application pratique de la présente directive soulève des difficultés, les autorités compétentes des États membres intéressés prennent d'un commun accord les décisions nécessaires, compte tenu notamment des conventions et des directives communautaires en matière d'assistance mutuelle.»

    La réglementation nationale

    11 La loi n° 2127/93 relative à l'impôt sur les véhicules automobiles, en vigueur à la date des faits au principal, abrogée ultérieurement par la loi n° 2682/99, s'applique aux véhicules automobiles expédiés ou transportés en Grèce, en provenance d'autres États membres.

    12 Son article 75 prévoit que ces véhicules sont soumis à la taxe spéciale sur la consommation prévue pour les véhicules importés ou pour les véhicules correspondants, fabriqués sur le territoire national.

    13 L'article 79 institue une obligation de déclaration, aux autorités douanières, dans des conditions de délai qu'il fixe, de l'importation des véhicules visés à l'article 75, à l'exception de ceux bénéficiant des dispositions de l'article 84, paragraphe 2. L'article 80, paragraphe 2, impose, dans un délai qu'il fixe et en vue de la liquidation et de la perception de la taxe spéciale sur la consommation, une déclaration spéciale aux autorités douanières.

    14 En vertu de l'article 84, paragraphe 2, les véhicules importés en vue de leur utilisation temporaire sur le territoire grec sont exonérés de la taxe spéciale sur la consommation.

    15 Selon l'article 87, sous réserve des dispositions de l'article 84, les personnes résidant sur le territoire national n'ont pas le droit de posséder les véhicules visés à l'article 75 au-delà du délai prévu par l'article 80, paragraphe 2, ou de les utiliser au-delà du délai prévu par l'article 79, paragraphe 3.

    16 En application de l'article 88, paragraphe 1, le fait d'éluder ou de tenter d'éluder le paiement des taxes et des autres impositions dues ainsi que l'inobservation, en vue d'éluder ce paiement, des formalités prévues par la loi sont constatés et sanctionnés conformément aux articles 89 et suivants de la loi n° 1165/18, relative au code des douanes.

    17 L'article 88, paragraphe 2, sous a) et g), prévoit que, sans préjudice de l'application du paragraphe 1 de la même disposition, les amendes suivantes sont encourues:

    - en cas de défaut de présentation de la déclaration visée à l'article 79, une amende de 100 000 GRD par véhicule;

    - en cas de possession ou de mise en circulation d'un véhicule visé à l'article 75 par une personne qui n'a pas droit à l'exonération temporaire prévue par l'article 84, paragraphe 2, une amende fixée en fonction de la cylindrée du véhicule, soit, en particulier, pour les véhicules d'une cylindrée jusqu'à 1 300 cm3, une amende de 1 000 000 GRD et, pour les véhicules d'une cylindrée de 2 001 cm3 et plus, une amende de 5 000 000 GRD.

    18 L'article 89, paragraphe 2, du code des douanes qualifie d'infraction douanière le fait d'éluder ou de tenter d'éluder le paiement des taxes et des droits dus à l'État, ainsi que l'inobservation des autres formalités prévues à l'article 100 dudit code. Il énonce qu'une infraction douanière entraîne pour le responsable l'obligation d'acquitter une taxe majorée, même si l'autorité compétente estime que les éléments du délit de contrebande ne sont pas établis.

    19 L'article 97, paragraphe 3, du code des douanes prévoit qu'un droit majoré allant du double au décuple des droits de douane, droits et taxes frappant l'objet de l'infraction est perçu solidairement à la charge de ceux qui ont participé, de quelque manière que ce soit, à l'infraction douanière visée à l'article 89, paragraphe 2, du même code.

    20 L'arrêté du ministre des Finances n° D 247/13, du 1er mars 1988, modifié par la loi n° 2187/94, autorise, dans son article 1er, l'importation temporaire, en franchise des droits de douane correspondants et autres taxes, des moyens de transport à usage privé, les véhicules utilitaires étant exclus de ce régime.

    21 Son article 3 définit la notion de «résidence normale» dans des termes en substance identiques à ceux de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.

    22 Son article 4, relatif à l'importation temporaire, pour un usage privé, d'un moyen de transport autre qu'un véhicule utilitaire, fixe à six mois par période de douze mois, la durée, interrompue ou non, pendant laquelle ce moyen de transport peut se trouver sur le territoire national. Il prévoit que cette durée peut être prolongée de neuf mois supplémentaires, sauf si l'intéressé exerce une activité professionnelle en Grèce, auquel cas la prolongation est limitée à trois mois au maximum.

    23 L'article 5 fixe, en ce qui concerne l'importation temporaire d'un véhicule de tourisme à usage professionnel, à six mois, en principe, la durée, interrompue ou non, pendant laquelle ce véhicule peut se trouver en Grèce. Il exclut le bénéfice de la franchise si le véhicule est utilisé pour le transport de personnes ou pour le transport industriel ou commercial de marchandises, avec ou sans rémunération.

    24 Tant l'article 4 que l'article 5 subordonnent le bénéfice de la franchise à la condition que l'intéressé ait sa résidence normale en dehors de la Grèce.

    25 L'article 15, troisième et quatrième alinéas, reprend, dans des termes identiques ou en substance identiques, les dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 3, de la directive, relatives à la preuve du lieu de la résidence normale.

    Le litige au principal

    La situation du requérant au principal selon les informations contenues au dossier

    26 Ressortissant grec né en 1956 à Chania (Grèce), M. Louloudakis a déménagé en Italie en 1974. Il a également la nationalité italienne.

    27 À l'époque des faits au principal, il possédait un passeport grec et une carte d'identité italienne. Il avait une maison à Florence (Italie). Architecte de formation, il avait créé en 1986 avec son épouse, ressortissante italienne, une société en commandite, dénommée «Studio Fiorentino SAS» (ci-après «Studio Fiorentino»), dont le siège social avait été fixé à Florence et dont l'objet social était la restauration d'immeubles et les études pour la construction d'immeubles, une activité d'agent immobilier ainsi que le commerce de machines et d'huile d'olive. Studio Fiorentino avait déposé des déclarations fiscales de revenus au titre des exercices 1992, 1993 et 1994, dans lesquelles elle faisait état de revenus s'élevant, respectivement, à 27 779 000 ITL, 19 950 000 ITL et 14 371 000 ITL. Pour l'exercice 1995, année des faits au principal, elle a déposé une déclaration fiscale faisant état de pertes d'un montant de 348 000 ITL.

    28 En septembre 1993, M. Louloudakis avait créé à Chania, avec son épouse, une société de fait ayant pour objet le conditionnement et le commerce d'huiles et de graisses. Cette société avait déposé une déclaration fiscale de revenus au titre de l'exercice 1994, les revenus déclarés, soit 3 686 355 GRD, provenant de la vente d'huile d'olive en Italie.

    29 En novembre 1994, M. Louloudakis avait créé une société anonyme, dénommée «Kritiki Viomichania Elaioladou AE» (ci-après «Krivel»), ayant son siège social à Chania et ayant pour objet le commerce de gros, l'importation, l'exportation, la représentation commerciale, le traitement, la standardisation et le conditionnement d'huiles et de produits agricoles.

    30 Depuis 1993, M. Louloudakis déposait avec son épouse des déclarations fiscales de revenus en Grèce. Depuis 1982, il était assuré auprès de la caisse de retraite des ingénieurs et entrepreneurs de travaux publics, laquelle, en Grèce, est l'assureur principal, notamment, des architectes, mais il n'avait réalisé aucune étude dans cet État membre.

    31 En 1992, la préfecture de Chania lui avait délivré un permis de conduire pour voiture. Il était également titulaire d'un permis de conduire italien, renouvelé en 1991 et en 1995.

    32 M. Louloudakis avait une résidence à Kounoupidiana Chanion (Grèce), dans une maison dont il était locataire. Ses deux enfants étudiaient dans une école privée à Chania. Plus précisément, son fils aîné avait suivi la première année d'études pendant l'année scolaire 1993/1994 et la deuxième année d'études pendant l'année scolaire 1994/1995. Selon M. Louloudakis, ses enfants étudiaient dans une école grecque pour apprendre le grec et c'était surtout leur grand-mère qui s'occupait d'eux. Cependant, ils auraient fréquenté en même temps une école à Florence. Selon une attestation du service d'hygiène et de santé publique de San Severo (Italie), l'un des enfants avait été vacciné dans cette commune les 18 août et 24 septembre 1994, puis le 25 février 1995.

    33 En outre, M. Louloudakis était inscrit sur les listes électorales de la commune de San Severo, où il a participé, postérieurement aux faits de l'affaire au principal, aux élections du 21 avril 1996.

    Les faits au principal

    34 Le 13 mars 1995, un employé de Krivel a fait l'objet d'un contrôle dans le port d'Héraklion, alors qu'il était au volant d'une fourgonnette de marque Fiat, modèle Iveco, propriété de Studio Fiorentino et munie de ses plaques d'immatriculation italiennes.

    35 Il a déclaré que ce véhicule circulait déjà en Grèce quatre mois plus tôt, lorsque lui-même avait commencé à travailler pour Krivel.

    36 Le véhicule a été saisi en tant qu'objet de contrebande, de même que deux autres véhicules appartenant à Studio Fiorentino, à savoir une automobile de marque BMW, modèle 728, et une automobile de marque Ford, modèle Fiesta, immatriculées en Italie, qui, lors d'un contrôle nocturne, avaient été trouvées à Kounoupidiana Chanion, à l'adresse de M. Louloudakis.

    37 Estimant que M. Louloudakis avait sa résidence normale en Grèce, le directeur de l'Eidiki Ypiresia Teloniakon Erevnon Kritis (service spécial de contrôle douanier de Crète) a imposé à M. Louloudakis, par décision du 8 janvier 1996:

    - un droit majoré s'élevant à 72 216 960 GRD, égal au double des taxes afférentes aux trois véhicules en cause, en application de l'article 97, paragraphe 3, de la loi n° 1165/18, pour non-paiement intentionnel des droits dus;

    - une amende de 100 000 GRD pour chacun de ces trois véhicules, soit 300 000 GRD au total, en application de l'article 88, paragraphe 2, sous a), de la loi n° 2127/93, pour défaut de déclaration à l'entrée sur le territoire grec;

    - une amende de 5 000 000 GRD pour chacun des véhicules BMW et Fiat Iveco, de cylindrée supérieure à 2 000 cm3, et une amende de 1 000 000 GRD pour le véhicule Ford Fiesta, d'une cylindrée ne dépassant pas 1 300 cm3, soit un total de 11 000 000 GRD, en application de l'article 88, paragraphe 2, sous g), de la loi n° 2127/93, pour possession et utilisation des véhicules sans droit à une exonération temporaire.

    38 Le 7 février 1996, M. Louloudakis a formé un recours contre cette décision devant le Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou, sollicitant l'annulation ou la réformation de celle-ci.

    39 Devant cette juridiction, il a fait valoir que:

    - les trois véhicules avaient été importés et se trouvaient en Grèce pour le compte et les besoins de Studio Fiorentino, qui en avait la propriété, la possession et l'usage;

    - ils avaient été utilisés à plusieurs reprises dans différents États membres et, depuis la fin de l'année 1994, ils se trouvaient surtout en Grèce, la fourgonnette Fiat Iveco servant au transport de marchandises en Italie ou vers l'Italie, tandis que les deux autres véhicules servaient à ses propres déplacements ou à ceux des membres de son personnel en Italie ou en dehors de cet État membre pour des contacts professionnels, des négociations, la signature de contrats, etc.;

    - pendant la période allant de septembre 1994 à février 1995, c'est-à-dire pendant les six mois précédant la saisie des véhicules, ceux-ci avaient constamment effectué des déplacements et des transports sur le territoire italien et au-delà des frontières, de sorte qu'ils ne pouvaient se trouver en Grèce pendant cette période;

    - les véhicules se trouvaient en Grèce du 1er au 8 mars 1995;

    - des formulaires d'expédition établis par Studio Fiorentino montraient que lesdits véhicules étaient entrés sur le territoire grec quelques jours seulement avant le 13 mars 1995, date de leur saisie;

    - la valeur totale des trois véhicules ne dépassait pas 4 000 000 GRD;

    - lui-même vivait en permanence en Italie, où il travaillait pour Studio Fiorentino, ne se rendant que temporairement en Grèce, à l'époque de la récolte des olives;

    - son activité en Grèce n'impliquait pas le transfert de sa résidence normale au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive;

    - en exigeant l'immatriculation des trois véhicules en Grèce et le paiement de charges fiscales exorbitantes, l'État hellénique avait violé le traité CE et la directive.

    40 La juridiction de renvoi relève, notamment, qu'il était permis d'importer temporairement, en vue d'un usage professionnel, le véhicule Fiat Iveco, lequel, fourgonnette ouverte de type pick-up, ne pouvait pas, en raison de sa cylindrée et de sa charge utile, être considéré comme un véhicule utilitaire, c'est-à-dire destiné au transport de marchandises. Elle considère par conséquent que, si, à la suite de son importation temporaire sur le territoire national, aucun transport de marchandises n'avait été effectué, étant observé que la collecte d'échantillons d'huile d'olive ne pouvait être considérée comme un tel transport, ledit véhicule aurait pu être importé en franchise de droits, en tant que véhicule de tourisme à usage professionnel, à la seule condition que celui qui l'utilisait eût sa résidence normale dans un autre État membre.

    41 Elle souligne que la solution du litige au principal dépend ainsi de la réponse à la question de savoir dans quel État membre était située la résidence normale de M. Louloudakis, en particulier parce que l'imposition des sommes contestées est fondée sur le fait que l'intéressé utilisait les trois véhicules, immatriculés en Italie, pour ses besoins personnels et professionnels en Grèce, et non pour ceux de Studio Fiorentino, établie en Italie. Selon elle, la question posée est celle de savoir d'après quels critères doit être déterminée la résidence normale du requérant, eu égard à des circonstances comme celles de l'affaire au principal.

    42 Dans le contexte de l'ensemble des éléments de cette affaire, le Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1) L'article 7, paragraphe 1, [second alinéa], de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, doit-il être interprété en ce sens que la résidence normale d'un ressortissant du pays A se trouve dans le pays A, dans lequel il exerce depuis plusieurs années une activité prospère, tant comme architecte que comme homme d'affaires, par le biais d'une société de personnes (société en commandite), possède un lieu d'habitation et passe la majeure partie de son temps de travail, ou dans le pays B, dont il est également ressortissant et dans lequel (le pays B) il entame en même temps une activité indépendante, ayant un objet similaire, à tout le moins connexe, dans lequel il loue une maison et commence à passer une partie de son temps, en satisfaisant à ses obligations fiscales, tout en étant aidé par son épouse, qui participe à toutes les activités précitées dans les deux États A et B et possède des parts sociales dans ces entreprises?

    Indépendamment de la disposition précitée, existe-t-il d'autres critères sur la base desquels la résidence normale peut être déterminée lorsque la première détermination est difficile?

    2) Dans le cas où une personne qui n'a pas droit à l'exonération temporaire possède ou met en circulation des véhicules à usage privé, ce qui ne constitue en droit national qu'une simple infraction douanière, est-il compatible avec le principe communautaire de proportionnalité d'infliger sur la base du seul critère de la cylindrée du véhicule une sanction administrative spéciale, en particulier une amende [telle que celle prévue par l'article 88, paragraphe 2, sous g), de la loi n° 2127/93], de un à cinq millions de GRD par véhicule, ce qui dépasse la valeur commerciale actuelle du véhicule, compte tenu aussi de sa vétusté?

    3) Les mesures administratives, considérées globalement - y compris la mise à charge pour contrebande -, que l'État membre B, compétent sur ce point (compte tenu de l'absence d'harmonisation des législations nationales), juge appropriées dans le domaine des infractions douanières peuvent-elles inclure des amendes qui atteignent un multiple (le décuple) de la valeur initiale d'acquisition du bien dans l'État membre A sans porter atteinte à la libre circulation des marchandises et des personnes?

    En cas de réponse négative, existe-t-il des critères quant aux limites de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les buts poursuivis?

    4) Découle-t-il de la directive 83/182/CEE ou d'une autre disposition que les États membres sont tenus, lorsqu'ils infligent des sanctions administratives dans des cas relevant de la directive précitée, de tenir compte de la bonne foi des intéressés et de l'absence d'intention de fraude (par exemple l'ignorance)?»

    Sur la première question

    43 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance selon quels critères l'article 7, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce qui concerne la notion de «résidence normale», lorsqu'une personne a des attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres.

    44 Lors de l'audience, M. Louloudakis a contesté avoir eu sa résidence normale en Grèce à l'époque des faits au principal en critiquant l'analyse de sa situation effectuée par les autorités helléniques et en invoquant spécialement certains éléments de celle-ci. En ce qui concerne la scolarité de ses enfants, il fait valoir que, aux termes de la directive, la fréquentation d'une université ou d'une école n'implique pas le transfert de la résidence normale.

    45 Le gouvernement hellénique, se référant à l'arrêt du 23 avril 1991, Ryborg (C-297/89, Rec. p. I-1943), soutient que la résidence normale est le lieu où l'intéressé a établi le centre permanent de ses intérêts, de sorte que tous les éléments de fait pertinents à cet égard doivent être pris en considération pour déterminer celui-ci.

    46 Il estime que, dans l'affaire au principal, l'intention du requérant d'établir en Grèce le centre permanent de ses intérêts, c'est-à-dire sa résidence normale, ressort des éléments de fait établis. Il souligne que la juridiction de renvoi devrait, en toute hypothèse, inviter l'intéressé à apporter la preuve de sa présence physique en Grèce ou en Italie, pendant au moins 185 jours par année civile, avant de se prononcer sur le lieu où il passait la majeure partie du temps consacré à son activité professionnelle.

    47 La Commission considère que la résidence normale correspond au lieu où l'intéressé séjourne pendant la majeure partie de l'année, ainsi que cela serait confirmé par la référence faite dans l'article 7 de la directive à une période d'au moins 185 jours. Selon elle, lorsque la durée totale de séjour de 185 jours n'est atteinte dans aucun État membre, il y a lieu de prendre en compte la durée de séjour la plus longue dans un État, en la mettant en relation avec d'autres critères d'ordre qualitatif et en privilégiant le lieu auquel la volonté de l'intéressé a conféré une certaine stabilité, en raison d'une continuité résultant d'une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux et professionnels normaux. En conséquence, l'article 7 de la directive prévoirait la prise en compte à la fois des attaches professionnelles et des attaches personnelles de l'intéressé dans un lieu donné, en mettant l'accent sur les attaches personnelles dans le cas où celles-ci ne coïncideraient pas avec les attaches professionnelles.

    48 La Commission ajoute que, dans les cas où la mise en oeuvre des critères applicables ne permettrait pas de déterminer la résidence normale, en raison de la mobilité croissante, sur le plan tant professionnel que social, des résidents communautaires, il y aurait lieu d'appliquer l'article 10, paragraphe 2, de la directive, en vertu duquel les autorités compétentes des États membres intéressés prennent la décision nécessaire d'un commun accord, afin d'éviter que soient retenus deux lieux de résidence normale et que soit appliquée une double imposition.

    49 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d'une procédure introduite en vertu de l'article 234 CE, la Cour n'est pas compétente pour appliquer les règles du droit communautaire à une espèce déterminée. Elle peut toutefois fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l'appréciation des effets de ses dispositions nationales (voir, notamment, arrêts du 24 septembre 1987, Coenen, 37/86, Rec. p. 3589, point 8, et du 14 juillet 1998, Goerres, C-385/96, Rec. p. I-4431, point 14).

    50 Il convient de constater ensuite qu'une situation comme celle décrite par la juridiction de renvoi, à savoir l'existence d'attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres, n'est pas explicitement visée par l'article 7, paragraphe 1, de la directive. Cependant, elle est couverte implicitement par le premier alinéa de cette disposition, lequel, en énonçant que la «résidence normale» est le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles et professionnelles, n'exclut pas que la même personne demeure dans un autre lieu le reste de l'année civile, également en raison d'attaches personnelles et professionnelles.

    51 Les critères de détermination de la notion de «résidence normale» définis par l'article 7 de la directive visent tant le lien, professionnel et personnel, d'une personne avec un lieu déterminé que la durée de ce lien. Ils doivent, en conséquence, être examinés cumulativement. La résidence normale doit dès lors être considérée comme étant le lieu où l'intéressé a établi le centre permanent de ses intérêts (arrêt Ryborg, précité, point 19).

    52 Il ressort de l'article 7, paragraphe 1, de la directive que cette disposition privilégie les attaches personnelles lorsque l'intéressé ne dispose pas d'attaches personnelles et professionnelles qui soient concentrées dans un seul État membre. En effet, le second alinéa accorde la primauté aux attaches personnelles sur les attaches professionnelles lorsque ces dernières sont situées dans un lieu différent et que l'intéressé est ainsi amené à séjourner alternativement dans deux ou plusieurs États membres et retourne régulièrement dans l'État de ses attaches personnelles.

    53 Ainsi, l'article 7, paragraphe 1, de la directive prévoit la prise en considération à la fois des attaches professionnelles et des attaches personnelles dans un lieu donné et doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où une appréciation globale des attaches professionnelles et personnelles ne suffit pas à localiser le centre permanent des intérêts de la personne concernée, la primauté doit être accordée, aux fins de cette localisation, aux attaches personnelles.

    54 Dans toutes les hypothèses régies par l'article 7 de la directive, et en application du paragraphe 2 de cette disposition, la personne intéressée peut apporter, par tous moyens, la preuve de sa résidence normale et donc d'attaches personnelles et/ou professionnelles ainsi que d'une durée de séjour au moins égale, en principe, à 185 jours par année civile dans l'État membre de ces attaches.

    55 À cet égard, tous les éléments de fait pertinents doivent être pris en considération aux fins de déterminer la résidence normale en tant que centre permanent des intérêts de la personne concernée (arrêt Ryborg, précité, point 20), à savoir, notamment, la présence physique de celle-ci, celle des membres de sa famille, la disposition d'un lieu d'habitation, le lieu de scolarité effective des enfants, le lieu d'exercice des activités professionnelles, le lieu de situation des intérêts patrimoniaux, celui des liens administratifs avec les autorités publiques et les organismes sociaux, dans la mesure où lesdits éléments traduisent la volonté de cette personne de conférer une certaine stabilité au lieu de rattachement, en raison d'une continuité résultant d'une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux et professionnels normaux.

    56 S'agissant de l'élément tiré de la fréquentation d'un établissement d'enseignement, il y a lieu de souligner que, si, conformément à l'article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la directive, il n'implique pas le transfert de la résidence normale lorsqu'il concerne la personne intéressée elle-même, il peut toutefois, considéré dans le contexte familial, constituer l'indice d'un tel transfert lorsqu'il concerne ses enfants.

    57 Le juge national doit procéder à une appréciation globale des données de rattachement au regard de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis.

    58 Cette appréciation doit être effectuée à la lumière de l'objectif de la directive. À cet égard, il convient de constater que celle-ci, selon ses considérants, tend à favoriser l'exercice de la libre circulation des résidents communautaires à l'intérieur de la Communauté et que la suppression des entraves qui résultent des régimes fiscaux appliqués à l'importation temporaire de certains moyens de transport à usage privé ou professionnel est particulièrement nécessaire à la constitution d'un marché économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur (arrêt du 29 mai 1997, Klattner, C-389/95, Rec. p. I-2719, point 25).

    59 Contrairement à ce que la Commission suggère dans ses observations écrites, l'article 10, paragraphe 2, de la directive ne doit pas recevoir application lorsque la détermination de la résidence normale se heurte à des difficultés dans une situation particulière. En effet, cette disposition, qui impose aux autorités compétentes des États membres de prendre, d'un commun accord, les décisions nécessaires lorsque l'application pratique de la directive soulève des difficultés, vise à leur permettre de faire face aux difficultés futures que présenteront des cas individuels et concrets. Elle ne les oblige pas à se concerter dans chaque cas individuel où l'application de cette directive soulève des difficultés (arrêt Ryborg, précité, points 34 et 35).

    60 Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 7, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne dispose d'attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres, le lieu de sa résidence normale, déterminé dans le cadre d'une appréciation globale en fonction de tous les éléments de fait pertinents, est celui où est localisé le centre permanent des intérêts de cette personne et que, dans l'hypothèse où cette appréciation globale ne permet pas une telle localisation, la primauté doit être accordée aux attaches personnelles.

    Sur les deuxième et troisième questions

    61 Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient d'examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si une législation nationale qui prévoit, en cas d'infraction au régime d'importation temporaire établi par la directive, un ensemble de sanctions comprenant en particulier:

    - des amendes fixées de manière forfaitaire sur le fondement du seul critère de la cylindrée du véhicule, sans prise en considération de la vétusté de celui-ci,

    - un droit majoré pouvant aller jusqu'au décuple des taxes en cause

    est compatible avec le principe de proportionnalité.

    62 M. Louloudakis fait valoir que des mesures comme celles en cause au principal restreignent la liberté de circulation en ce qu'elles dissuadent toute personne de se déplacer avec un ou plusieurs véhicules automobiles.

    63 Le gouvernement hellénique affirme que des sanctions rigoureuses sont nécessaires, dans la mesure où il n'est ni indiqué ni possible de contrôler systématiquement tous les véhicules qui circulent en Grèce avec des plaques d'immatriculation délivrées dans d'autres États membres. Le danger d'importations opérées en vue d'éluder le paiement des taxes et des autres charges dues serait important, en raison des fortes disparités existant entre les États membres quant à la taxation des voitures, mais aussi en raison des possibilités de fraude fiscale. Par conséquent, la menace de fortes sanctions tendrait à éviter des pertes de recettes communautaires et nationales et à assurer le fonctionnement correct du régime d'importation temporaire de véhicules. Elle ne serait donc pas contraire au principe de proportionnalité. En particulier, la menace d'une amende progressive en fonction de la cylindrée du véhicule en cause serait incontestablement proportionnelle à la valeur commerciale de celui-ci.

    64 La Commission se réfère à l'arrêt du 16 décembre 1992, Commission/Grèce (C-210/91, Rec. p. I-6735, points 19 et 20). Elle estime que, dans des cas tels que celui du requérant au principal, l'objectif visé peut être atteint moyennant le versement des taxes et droits dus. Selon elle, des sanctions supplémentaires ne semblent pas justifiées, compte tenu de l'extrême difficulté soulevée par la détermination de la résidence normale. Elle soutient que des sanctions supplémentaires comme celles visées par les deuxième et troisième questions sont disproportionnées.

    65 Il convient de constater que, dans le cadre de la directive, la question de sanctions ne se pose que lorsque la personne en cause n'a pas respecté les conditions auxquelles cette directive subordonne le bénéfice de la franchise qu'elle prévoit et que, par ailleurs, elle ne remplit pas, le cas échéant, les conditions d'une franchise au titre de la directive 83/183/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d'un État membre (JO L 105, p. 64).

    66 Il doit également être observé que la conformité au droit communautaire d'une sanction infligée dans le cadre du régime d'importation temporaire suppose que la ou les taxes constituant l'assiette de ladite sanction soient elles-mêmes conformes au droit communautaire. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas, à la lumière, en particulier, de l'arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Grèce (C-375/95, Rec. p. I-5981), rendu à propos, notamment, de la taxe spéciale sur la consommation en cause dans l'espèce qui lui est soumise.

    67 Sous réserve de ces observations, il y a lieu de rappeler que, en l'absence d'harmonisation de la législation communautaire dans le domaine des sanctions applicables en cas d'inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d'exercer leur compétence dans le respect du droit communautaire et de ses principes généraux, et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1992, Commission/Grèce, précité, point 19, et la jurisprudence citée; du 26 octobre 1995, Siesse, C-36/94, Rec. p. I-3573, point 21, et du 7 décembre 2000, De Andrade, C-213/99, Rec. p. I-11083, point 20). En effet, les mesures administratives ou répressives ne doivent pas dépasser le cadre de ce qui est nécessaire aux objectifs poursuivis et une sanction ne doit pas être si disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction qu'elle deviendrait une entrave à des libertés consacrées par le traité (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1992, Commission/Grèce, précité, point 20).

    68 Ainsi que cela résulte du point 58 du présent arrêt, la directive a pour objectif de favoriser l'exercice de la libre circulation des résidents communautaires ainsi que des marchandises à l'intérieur de la Communauté.

    69 Or, à cet égard, si des impératifs de répression et de prévention peuvent justifier qu'une législation nationale établisse les sanctions à un certain niveau de sévérité, il ne peut être exclu que des sanctions déterminées conformément à des règles comme celles applicables au principal puissent s'avérer disproportionnées et constituer ainsi une entrave à ladite liberté, en tant qu'elles comprennent des amendes fixées de manière forfaitaire sur le fondement du seul critère de la cylindrée du véhicule, sans prise en considération de la vétusté de celui-ci, et un droit majoré pouvant aller jusqu'au décuple des taxes en cause. En effet, une sanction fondée sur le seul critère de la cylindrée pourrait être disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction, notamment lorsqu'elle est associée à une autre sanction, élevée, infligée du chef de la même infraction. Il pourrait en être de même d'une sanction pouvant atteindre un multiple des taxes en cause, par exemple le décuple de celles-ci.

    70 Sur ce point, il appartient au juge national d'apprécier si, compte tenu des impératifs de répression et de prévention, ainsi que du montant des taxes en cause et du niveau des sanctions effectivement infligées, celles-ci n'apparaissent pas si disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction qu'elles deviendraient une entrave à des libertés consacrées par le traité.

    71 Il y a donc lieu de répondre aux deuxième et troisième questions qu'une législation nationale qui prévoit, en cas d'infraction au régime d'importation temporaire établi par la directive, un ensemble de sanctions comprenant en particulier:

    - des amendes fixées de manière forfaitaire sur le fondement du seul critère de la cylindrée du véhicule, sans prise en considération de la vétusté de celui-ci,

    - un droit majoré pouvant aller jusqu'au décuple des taxes en cause

    n'est compatible avec le principe de proportionnalité que dans la mesure où elle est rendue nécessaire par des impératifs de répression et de prévention, compte tenu de la gravité de l'infraction.

    Sur la quatrième question

    72 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, en cas de poursuites pour infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, la directive ou une autre règle de droit communautaire impose qu'il soit tenu compte, en ce qui concerne le principe ou le niveau de la sanction, de la bonne foi de la personne concernée.

    73 Le gouvernement hellénique fait valoir que ni la directive ni aucune autre disposition du droit communautaire ne prévoient des sanctions pour les contrevenants, si bien qu'il n'est pas non plus prévu des cas d'exonération de telles sanctions en raison de la bonne foi de ces derniers, du fait de l'ignorance de la réglementation applicable. Cette question devrait donc être réglée par le droit national. Or, selon un principe général de droit, nul ne serait censé ignorer la loi.

    74 Selon la Commission, dans des situations comme celle de l'affaire au principal, présentant des difficultés de détermination du régime applicable, il conviendrait de présumer l'ignorance par le contrevenant dudit régime, afin qu'il ne soit pas nécessaire d'infliger à ce dernier des sanctions autres que l'obligation d'acquitter la dette fiscale.

    75 Il convient de constater que, de même que la question du choix des sanctions en cas d'infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport relève du droit national, celle de savoir s'il doit être tenu compte de la bonne foi du contrevenant relève du droit national de chaque État membre.

    76 À cet égard, lorsque le droit national connaît, dans les matières répressives, un principe général selon lequel nul n'est censé ignorer la loi, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que ce principe s'applique en cas de poursuites pour infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport. Néanmoins, à la lumière de la finalité de la directive, qui vise à promouvoir des libertés garanties par le traité, il doit être tenu compte de la bonne foi du contrevenant lors de la détermination de la sanction effectivement infligée à celui-ci, lorsque la détermination du régime applicable a soulevé des difficultés.

    77 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que, en cas de poursuites pour infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, la directive et les autres règles de droit communautaire ne s'opposent pas à ce qu'il soit exclu que l'ignorance des règles applicables entraîne une exonération de droit de toute sanction. Néanmoins, lorsque la détermination du régime applicable a soulevé des difficultés, il doit être tenu compte de la bonne foi du contrevenant lors de la détermination de la sanction effectivement infligée à celui-ci.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    78 Les frais exposés par le gouvernement hellénique et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (sixième chambre),

    statuant sur les questions à elle soumises par le Trimeles Dioikitiko Protodikeio Irakleiou, par jugement du 30 juin 1999, dit pour droit:

    1) L'article 7, paragraphe 1, de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne dispose d'attaches à la fois personnelles et professionnelles dans deux États membres, le lieu de sa résidence normale, déterminé dans le cadre d'une appréciation globale en fonction de tous les éléments de fait pertinents, est celui où est localisé le centre permanent des intérêts de cette personne et que, dans l'hypothèse où cette appréciation globale ne permet pas une telle localisation, la primauté doit être accordée aux attaches personnelles.

    2) Une législation nationale qui prévoit, en cas d'infraction au régime d'importation temporaire établi par la directive 83/182, un ensemble de sanctions comprenant en particulier:

    - des amendes fixées de manière forfaitaire sur le fondement du seul critère de la cylindrée du véhicule, sans prise en considération de la vétusté de celui-ci,

    - un droit majoré pouvant aller jusqu'au décuple des taxes en cause

    n'est compatible avec le principe de proportionnalité que dans la mesure où elle est rendue nécessaire par des impératifs de répression et de prévention, compte tenu de la gravité de l'infraction.

    3) En cas de poursuites pour infraction en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, la directive 83/182 et les autres règles de droit communautaire ne s'opposent pas à ce qu'il soit exclu que l'ignorance des règles applicables entraîne une exonération de droit de toute sanction. Néanmoins, lorsque la détermination du régime applicable a soulevé des difficultés, il doit être tenu compte de la bonne foi du contrevenant lors de la détermination de la sanction effectivement infligée à celui-ci.

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