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Document 61999CJ0062

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 29 mars 2001.
Betriebsrat der bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG contre Bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG.
Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Düsseldorf - Allemagne.
Demande de décision préjudicielle - Article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE - Informations à rendre disponibles par les entreprises sur demande - Informations visant à établir l'existence d'une entreprise qui exerce le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire.
Affaire C-62/99.

Recueil de jurisprudence 2001 I-02579

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:188

61999J0062

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 29 mars 2001. - Betriebsrat der bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG contre Bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG. - Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Düsseldorf - Allemagne. - Demande de décision préjudicielle - Article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE - Informations à rendre disponibles par les entreprises sur demande - Informations visant à établir l'existence d'une entreprise qui exerce le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire. - Affaire C-62/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-02579


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Politique sociale - Information et consultation des travailleurs dans les entreprises de dimension communautaire - Directive 94/45 - Obligation pour une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises de fournir des informations aux organes internes de représentation des travailleurs - Obligation imposée avant même que l'existence d'une entreprise exerçant le contrôle au sein du groupe soit établie - Portée

irective du Conseil 94/45, art. 11, § 1 et 2)

Sommaire


$$L'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, doit être interprété en ce sens qu'il impose à une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises l'obligation de fournir des informations aux organes internes de représentation des travailleurs, même s'il n'est pas encore établi que la direction à laquelle les travailleurs s'adressent est celle d'une entreprise exerçant le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises.

Lorsque les données sur la structure ou l'organisation d'un groupe d'entreprises font partie des informations indispensables à l'ouverture des négociations pour l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs, il appartient à une entreprise de ce groupe de fournir lesdites données, qu'elle détient ou qu'elle est en mesure d'obtenir, aux organes internes de représentation des travailleurs qui en font la demande. La communication de documents précisant et explicitant des informations indispensables à la même fin peut également être exigée, pour autant que cette communication soit nécessaire afin que les travailleurs concernés ou leurs représentants puissent accéder aux informations permettant d'apprécier s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations.

( voir points 36, 41, disp. 1-2 )

Parties


Dans l'affaire C-62/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Betriebsrat der bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG

et

Bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (JO L 254, p. 64),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et Mme F. Macken (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Betriebsrat der bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG, par Me T. Schmidt, Rechtsanwalt,

- pour bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG, par Me E. Huber, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et C-D. Quassowski, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Gouloussis et J. C. Schieferer, en qualité d'agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 21 janvier 1999, parvenue à la Cour le 22 février suivant, le Landesarbeitsgericht Düsseldorf a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (JO L 254, p. 64, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Betriebsrat der bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG (comité d'entreprise de la société bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG, ci-après le «comité d'entreprise») à la société bofrost* Josef H. Boquoi Deutschland West GmbH & Co. KG, établie à Straelen (Allemagne) (ci-après l'«employeur»), au sujet du refus de cette dernière de lui fournir, en vue de l'institution d'un comité d'entreprise européen, des informations sur les effectifs et la structure des entreprises du groupe bofrost* dont elle fait partie.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 1er de la directive prévoit, en ses paragraphes 1 et 2:

«1. La présente directive a pour objectif d'améliorer le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire.

2. À cet effet, un comité d'entreprise européen ou une procédure d'information et de consultation des travailleurs est institué dans chaque entreprise de dimension communautaire et chaque groupe d'entreprises de dimension communautaire, lorsque la demande en est faite suivant la procédure prévue à l'article 5 paragraphe 1, dans le but d'informer et de consulter lesdits travailleurs dans les conditions, selon les modalités et avec les effets prévus par la présente directive.»

4 L'article 2, paragraphe 1, sous a) à c) et e), de la directive précise:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) entreprise de dimension communautaire: une entreprise employant au moins 1 000 travailleurs dans les États membres et, dans au moins deux États membres différents, au moins 150 travailleurs dans chacun d'eux;

b) groupe d'entreprises: un groupe comprenant une entreprise qui exerce le contrôle et les entreprises contrôlées;

c) groupe d'entreprises de dimension communautaire: un groupe d'entreprises remplissant les conditions suivantes:

- il emploie au moins 1 000 travailleurs dans les États membres,

- il comporte au moins deux entreprises membres du groupe dans des États membres différents

et

- au moins une entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un État membre et au moins une autre entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un autre État membre;

[...]

e) direction centrale: la direction centrale de l'entreprise de dimension communautaire ou, dans le cas d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire, de l'entreprise qui exerce le contrôle».

5 L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive définit la notion d'«entreprise qui exerce le contrôle» comme suit:

«1. Aux fins de la présente directive, on entend par entreprise qui exerce le contrôle une entreprise qui peut exercer une influence dominante sur une autre entreprise entreprise contrôlée, par exemple du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent.

2. Le fait de pouvoir exercer une influence dominante est présumé établi, sans préjudice de la preuve du contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement, à l'égard d'une autre entreprise:

a) détient la majorité du capital souscrit de l'entreprise

ou

b) dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise

ou

c) peut nommer plus que la moitié des membres du conseil d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise.»

6 Il résulte de l'article 4, paragraphe 1, de la directive que «[l]a direction centrale est responsable de la création des conditions et moyens nécessaires à l'institution du comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation, visés à l'article 1er paragraphe 2, dans l'entreprise de dimension communautaire et le groupe d'entreprises de dimension communautaire».

7 Enfin, l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Chaque État membre veille à ce que la direction des établissements d'une entreprise de dimension communautaire et la direction des entreprises membres d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire, qui sont situés sur son territoire, et les représentants de leurs travailleurs ou, selon le cas, leurs travailleurs respectent les obligations prévues par la présente directive, que la direction centrale soit ou non située par son territoire.

2. Les États membres assurent que, sur demande des parties intéressées par l'application de la présente directive, les informations sur le nombre de travailleurs visé à l'article 2 paragraphe 1 points a) et c) soient rendues disponibles par les entreprises.»

La législation nationale

8 La République fédérale d'Allemagne a transposé la directive au moyen du Gesetz über Europäische Betriebsräte, du 28 octobre 1996 (loi relative aux comités d'entreprise européens, BGBl. 1996 I, p. 1548, ci-après l'«EBRG»).

9 En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de l'EBRG, cette loi s'applique aux entreprises qui exercent leurs activités dans la Communauté et ont leur siège sur le territoire allemand ainsi qu'aux groupes d'entreprises établies dans la Communauté lorsque l'entreprise qui en exerce le contrôle a son siège sur le territoire allemand.

10 L'article 5 de l'EBRG, qui a été adopté afin de transposer l'article 11 de la directive, dispose:

«1. La direction centrale doit transmettre aux représentants des travailleurs, à leur demande, des informations sur le nombre moyen d'employés et leur répartition dans les États membres, les entreprises et les établissements, ainsi que sur la structure de la société ou du groupe de sociétés.

2. Un comité d'entreprise ou un comité central d'entreprise peut se prévaloir du droit conféré au paragraphe 1 ci-dessus vis-à-vis de la direction locale de l'établissement ou de l'entreprise; celle-ci est tenue de se procurer auprès de la direction centrale les informations et documents nécessaires pour les renseignements demandés.»

11 L'article 6 de l'EBRG définit la notion d'«entreprise qui exerce le contrôle» d'une façon analogue à celle de l'article 3 de la directive.

Le litige au principal

12 Le groupe bofrost*, dont fait partie l'employeur, comprend plusieurs sociétés établies tant en Allemagne que dans d'autres États membres.

13 Le comité d'entreprise est le comité d'entreprise de l'une des sociétés faisant partie du groupe bofrost*.

14 En avril 1997, les entreprises du groupe bofrost* établies sur le territoire européen ont conclu entre elles un «Gleichordnungskonzernvertrag», c'est-à-dire un accord particulier visant à établir une parité entre les diverses entreprises appartenant au groupe, afin qu'aucune ne domine et qu'aucun rapport de subordination n'existe entre elles.

15 Par cet accord international, elles ont confié la direction du groupe en Europe à un «Lenkungsausschuß» (comité de direction). Elles ont également créé un comité consultatif des associés, présidé par M. Josef H. Boquoi, dont l'agrément est nécessaire pour l'adoption de certaines décisions qui sont relatives aux affaires et de celles qui ne relèvent pas du cadre normal de l'activité commerciale.

16 Déjà, en avril 1993, les entreprises du groupe bofrost* établies en Allemagne avaient conclu entre elles un accord de type similaire.

17 En réponse à plusieurs demandes adressées par le comité d'entreprise à l'employeur, visant à obtenir la communication d'informations sur les effectifs et la structure des entreprises du groupe bofrost* afin de préparer la mise en place d'un comité d'entreprise européen, tel que prévu par la directive, l'employeur a, par lettre du 9 janvier 1997, définitivement refusé de lui communiquer ces informations.

18 Le 3 mars 1998, le comité d'entreprise a saisi l'Arbeitsgericht Wesel, en vue d'obtenir ces informations. Il a fait valoir que les conditions énumérées par les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de l'EBRG étaient réunies puisque M. Boquoi détenait, tout au moins dans les sociétés du groupe bofrost* ayant leur siège en Allemagne, une participation majoritaire de nature à faire jouer la présomption de l'article 6, paragraphes 1 et 2, de l'EBRG.

19 Le comité d'entreprise a soutenu que l'employeur ne pouvait combattre cette présomption en invoquant l'accord international conclu au sein du groupe. Selon lui, M. Boquoi, en sa qualité de président du comité consultatif des associés, exerçait une influence dominante sur le comité de direction du groupe en Europe et, en pratique, également sur l'ensemble des sociétés du groupe établies en Europe.

20 L'employeur a conclu au rejet de la demande du comité d'entreprise en faisant valoir que l'EBRG n'était pas applicable et que, dès lors, le droit d'information litigieux ne pouvait exister au profit du comité d'entreprise.

21 Selon l'employeur, l'article 5 de l'EBRG suppose que les conditions prévues à l'article 2, paragraphe 1, de la même loi soient remplies, à savoir qu'il existe un groupe d'entreprises de dimension européenne et que le siège de l'entreprise qui en exerce le contrôle soit situé en Allemagne, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. Selon lui, ni M. Boquoi ni aucune entreprise ne pourrait exercer le contrôle juridique ou réel au sein du groupe. S'agissant de M. Boquoi, il ne serait associé dans aucune des sociétés du groupe bofrost* investies de la direction des sociétés en commandite, mais uniquement dans les sociétés commanditaires. En outre, en sa qualité de membre siégeant au comité consultatif des associés, il n'aurait pas davantage la possibilité de contrôler les entreprises allemandes et européennes du groupe.

22 Par jugement du 5 août 1998, l'Arbeitsgericht a fait droit à la demande d'information du comité d'entreprise.

23 Le 23 novembre 1998, l'employeur a interjeté appel de ce jugement devant le Landesarbeitsgericht Düsseldorf. Ce dernier a considéré que l'article 5, paragraphe 1, de l'EBRG doit être interprété en ce sens que le comité d'entreprise est fondé à demander à l'employeur des informations sur les effectifs globaux moyens et leur répartition dans les États membres, ainsi que sur la structure, y compris les liens de participation de M. Boquoi en sa qualité d'entrepreneur, même en l'absence de constatation de l'existence d'une entreprise exerçant le contrôle au sens des articles 2, paragraphe 1, et 6 de l'EBRG.

24 Toutefois, jugeant que cette interprétation des dispositions nationales ne saurait être adoptée si elle s'avérait contraire à l'article 11, paragraphe 2, de la directive, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il comprendre l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, en ce sens que le droit d'information qu'il prévoit existe alors même qu'il n'est pas (encore) établi qu'au sein du groupe d'entreprises, tel que défini à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive, il existe une entreprise qui exerce le contrôle au sens de l'article 3 de la directive?

2) En cas de réponse affirmative à la première question:

Le droit d'information prévu à l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE inclut-il également le droit pour le comité d'entreprise d'exiger de l'entreprise requise qu'elle lui communique les informations sur les éléments qui font naître la présomption de l'article 3, paragraphe 2?

3) L'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE comprend-il également le droit pour le comité d'entreprise de demander à l'entreprise la communication de documents précisant et explicitant les informations?»

Sur la première question

25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il impose à une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises l'obligation de fournir des informations aux organes internes de représentation des travailleurs, même s'il n'est pas encore établi qu'il existe une entreprise exerçant le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises.

26 L'employeur considère qu'il résulte des termes de l'article 11, paragraphe 2, de la directive que l'obligation d'information ne pèse sur une entreprise qu'à la condition qu'il soit d'abord établi qu'il s'agit d'une entreprise qui exerce le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises. Selon lui, toute interprétation contraire rendrait impossible de savoir à quelles entreprises s'adresse l'obligation de fournir les informations ou comment et de quelle manière l'entreprise chargée de fournir les informations doit se procurer les informations requises au sujet d'autres entreprises avec lesquelles elle n'a pas de lien dans le cadre d'un groupe d'entreprises au sens de la directive.

27 Le comité d'entreprise, les gouvernements allemand et autrichien, ainsi que la Commission, considèrent que, en vue d'atteindre l'objet principal de la directive - à savoir l'information et la consultation transnationale des travailleurs -, il est indispensable de garantir aux travailleurs concernés l'accès aux informations leur permettant de juger s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations pour l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs et, le cas échéant, de formuler correctement leur demande. Ce droit inclurait également les informations sur l'existence d'une relation de contrôle entre les différentes entreprises concernées, au sens de l'article 3 de la directive.

28 À cet égard, il convient de rappeler, tout d'abord, que la directive a pour but, ainsi qu'il ressort de son onzième considérant, d'assurer que les travailleurs employés dans des entreprises de dimension communautaire ou dans des groupes d'entreprises de dimension communautaire soient correctement informés et consultés lorsque des décisions qui les affectent sont prises dans un État membre autre que celui dans lequel ils travaillent.

29 Ainsi qu'il résulte de son économie générale, la directive prévoit que l'information et la consultation transnationale des travailleurs sont assurées, pour l'essentiel, par un système de négociations entre la direction centrale, au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous e), de la directive, et les représentants des travailleurs.

30 Il y a lieu, ensuite, de relever que l'article 11 de la directive prévoit, en son paragraphe 1, que la direction des établissements d'une entreprise de dimension communautaire et la direction des entreprises membres d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire respectent les obligations prévues par ladite directive.

31 Il résulte du libellé même de cette disposition que la portée de ces obligations ne saurait être limitée, du côté des employeurs, à la seule direction centrale, au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous e), de la directive.

32 Enfin, pour que la directive puisse avoir un effet utile, il est indispensable, ainsi que le comité d'entreprise, les gouvernements allemand et autrichien et la Commission l'ont à juste titre relevé, de garantir aux travailleurs concernés l'accès aux informations leur permettant de déterminer s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations entre la direction centrale, une fois son existence établie, et les représentants des travailleurs.

33 En effet, un tel droit à l'information constitue un préalable nécessaire à la détermination de l'existence d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire, elle-même condition préalable à l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs.

34 S'agissant des travailleurs d'une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises, tel que défini à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive, ce droit d'information à leur profit existe donc déjà avant même qu'il soit établi que, au sein du groupe, il existe une entreprise qui exerce le contrôle au sens de l'article 3 de cette directive.

35 Cette interprétation est corroborée par les termes mêmes de l'article 11, paragraphe 2, de la directive, disposition dont le libellé vise de façon générale les «parties intéressées par l'application de [ladite] directive», sans se limiter à la direction centrale, au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous e), de la directive, ou aux représentants des travailleurs.

36 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il impose à une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises l'obligation de fournir des informations aux organes internes de représentation des travailleurs, même s'il n'est pas encore établi que la direction à laquelle les travailleurs s'adressent est celle d'une entreprise exerçant le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises.

Sur les deuxième et troisième questions

37 S'agissant des deuxième et troisième questions, qui ont trait à la portée de l'obligation d'information découlant de l'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive, il convient de relever que l'information concernant le nombre de travailleurs d'un groupe d'entreprises, au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive, dans chaque État membre, information demandée au titre de l'article 11, paragraphe 2, de la directive, ne peut être dissociée de l'information relative à l'existence d'une relation de contrôle entre les différentes entreprises concernées, au sens de l'article 3 de la même directive.

38 En effet, ainsi qu'il ressort du point 32 du présent arrêt, la finalité de la directive implique que les obligations qu'elle prévoit soient remplies de manière à permettre aux travailleurs concernés ou à leurs représentants d'accéder aux informations nécessaires pour qu'ils puissent apprécier s'ils ont ou non le droit d'exiger l'ouverture de négociations, ainsi que, le cas échéant, de formuler correctement la demande à cet effet.

39 Il s'ensuit que, lorsque les données sur la structure ou l'organisation d'un groupe d'entreprises font partie des informations indispensables à l'ouverture des négociations pour l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs, il appartient à une entreprise de ce groupe de fournir lesdites données, qu'elle détient ou qu'elle est en mesure d'obtenir, aux organes internes de représentation des travailleurs qui en font la demande.

40 Il en résulte également que, dans la mesure où la possibilité pour les travailleurs concernés ou leurs représentants d'accéder aux informations nécessaires afin de pouvoir apprécier s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations le nécessite, la communication de documents précisant et explicitant des informations indispensables à la même fin peut également être exigée, pour autant que cette communication soit nécessaire.

41 Il convient dès lors de répondre aux deuxième et troisième questions que, lorsque les données sur la structure ou l'organisation d'un groupe d'entreprises font partie des informations indispensables à l'ouverture des négociations pour l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs, il appartient à une entreprise de ce groupe de fournir lesdites données, qu'elle détient ou qu'elle est en mesure d'obtenir, aux organes internes de représentation des travailleurs qui en font la demande. La communication de documents précisant et explicitant des informations indispensables à la même fin peut également être exigée, pour autant que cette communication soit nécessaire afin que les travailleurs concernés ou leurs représentants puissent accéder aux informations permettant d'apprécier s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

42 Les frais exposés par les gouvernements allemand et autrichien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Landesarbeitsgericht Düsseldorf, par ordonnance du 21 janvier 1999, dit pour droit:

1) L'article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, doit être interprété en ce sens qu'il impose à une entreprise faisant partie d'un groupe d'entreprises l'obligation de fournir des informations aux organes internes de représentation des travailleurs, même s'il n'est pas encore établi que la direction à laquelle les travailleurs s'adressent est celle d'une entreprise exerçant le contrôle au sein d'un groupe d'entreprises.

2) Lorsque les données sur la structure ou l'organisation d'un groupe d'entreprises font partie des informations indispensables à l'ouverture des négociations pour l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation transnationale des travailleurs, il appartient à une entreprise de ce groupe de fournir lesdites données, qu'elle détient ou qu'elle est en mesure d'obtenir, aux organes internes de représentation des travailleurs qui en font la demande. La communication de documents précisant et explicitant des informations indispensables à la même fin peut également être exigée, pour autant que cette communication soit nécessaire afin que les travailleurs concernés ou leurs représentants puissent accéder aux informations permettant d'apprécier s'ils ont le droit d'exiger l'ouverture de négociations.

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