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Document 61999CC0244
Opinion of Mr Advocate General Mischo delivered on 25 October 2001. # DSM NV and DSM Kunststoffen BV v Commission of the European Communities. # Appeal - Competition - Polyvinylchloride (PVC) - Article 85(1) of the EC Treaty (now Article 81(1) EC) - Annulment of a Commission decision - New decision - Documents predating the first decision - Res judicata - Principle of non bis in idem - Limitation - Reasonable period - Statement of reasons - Access to the file - Fair hearing - Professional secrecy - Self-incrimination - Private life - Fines. # Case C-244/99 P.
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 25 octobre 2001.
DSM NV et DSM Kunststoffen BV contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Concurrence - Polychlorure de vinyle (PVC) - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Annulation d'une décision de la Commission - Nouvelle décision - Actes ayant précédé la première décision - Autorité de la chose jugée - Principe non bis in idem - Prescription - Délai raisonnable - Motivation - Accès au dossier - Procès équitable - Secret professionnel - Auto-incrimination - Vie privée - Amendes.
Affaire C-244/99 P.
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 25 octobre 2001.
DSM NV et DSM Kunststoffen BV contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Concurrence - Polychlorure de vinyle (PVC) - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Annulation d'une décision de la Commission - Nouvelle décision - Actes ayant précédé la première décision - Autorité de la chose jugée - Principe non bis in idem - Prescription - Délai raisonnable - Motivation - Accès au dossier - Procès équitable - Secret professionnel - Auto-incrimination - Vie privée - Amendes.
Affaire C-244/99 P.
Recueil de jurisprudence 2002 I-08375
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:575
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 25 octobre 2001. - DSM NV et DSM Kunststoffen BV contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Concurrence - Polychlorure de vinyle (PVC) - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Annulation d'une décision de la Commission - Nouvelle décision - Actes ayant précédé la première décision - Autorité de la chose jugée - Principe non bis in idem - Prescription - Délai raisonnable - Motivation - Accès au dossier - Procès équitable - Secret professionnel - Auto-incrimination - Vie privée - Amendes. - Affaire C-244/99 P.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-08375
I - Introduction
A - Les faits à l'origine du litige
1. À la suite de vérifications effectuées dans le secteur du polypropylène, les 13 et 14 octobre 1983, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité , la Commission des Communautés européennes a ouvert un dossier concernant le polychlorure de vinyle (ci-après le «PVC»). Elle a alors opéré diverses vérifications dans les locaux des entreprises concernées et a adressé plusieurs demandes de renseignements à ces dernières.
2. Le 24 mars 1988, elle a ouvert, au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, une procédure d'office à l'encontre de quatorze producteurs de PVC. Le 5 avril 1988, elle a adressé à chacune de ces entreprises la communication des griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 . Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations dans le courant du mois de juin 1988. À l'exception de Shell International Chemical Company Ltd, qui n'en avait pas fait la demande, elles ont été entendues dans le courant du mois de septembre 1988.
3. Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après le «comité consultatif») a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission.
4. Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision 89/190/CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC) (ci-après la «décision PVC I»). Par cette décision, elle a sanctionné, pour infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE), les producteurs de PVC suivants: Atochem SA, BASF AG, DSM NV, Enichem SpA, Hoechst AG (ci-après «Hoechst»), Hüls AG, Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI»), Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison SpA, Norsk Hydro AS, la Société artésienne de vinyle SA, Shell International Chemical Company Ltd, Solvay et Cie (ci-après «Solvay») et Wacker-Chemie GmbH.
5. Toutes ces entreprises, à l'exception de Solvay, ont déposé un recours contre cette décision devant le juge communautaire afin d'en obtenir l'annulation.
6. Par ordonnance du 19 juin 1990, Norsk Hydro/Commission , le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de cette entreprise.
7. Les autres affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
8. Par arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission , le Tribunal a déclaré inexistante la décision PVC I.
9. Sur pourvoi de la Commission, la Cour a, par arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. , annulé l'arrêt du Tribunal et la décision PVC I.
10. À la suite de cet arrêt, la Commission a adopté, le 27 juillet 1994, une nouvelle décision à l'encontre des producteurs mis en cause par la décision PVC I, à l'exception toutefois de Solvay et de Norsk Hydro AS [décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 - PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après la «décision PVC II»)]. Cette décision a imposé aux entreprises destinataires des amendes de mêmes montants que celles qui leur avaient été infligées par la décision PVC I.
11. La décision PVC II comprend les dispositions suivantes:
«Article premier
BASF AG, DSM NV, Elf Atochem SA, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG, Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison SpA, Société artésienne de vinyle SA, Shell International Chemical [Company] Ltd et Wacker-Chemie GmbH ont enfreint, pour les périodes indiquées dans la présente décision, les dispositions de l'article 85 du traité en participant (ensemble avec Norsk Hydro [...] et Solvay [...]) à un accord et/ou à une pratique concertée remontant au mois d'août de l'année 1980 environ, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en PVC le territoire du marché commun ont assisté à des réunions périodiques afin de fixer des prix cibles et des quotas cibles, de planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveiller la mise en oeuvre de ces arrangements collusoires.
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er, qui sont encore actives dans le secteur du PVC, à l'exception de Norsk Hydro [...] et de Solvay [...], qui ont déjà reçu ordre de faire cesser l'infraction, mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur PVC, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiennent plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:
i) BASF AG: une amende de 1 500 000 écus;
ii) DSM NV: une amende de 600 000 écus;
iii) Elf Atochem SA: une amende de 3 200 000 écus;
iv) Enichem SpA: une amende de 2 500 000 écus;
v) Hoechst AG: une amende de 1 500 000 écus;
vi) Hüls AG: une amende de 2 200 000 écus;
vii) Imperial Chemical Industries plc: une amende de 2 500 000 écus;
viii) Limburgse Vinyl Maatschappij NV: une amende de 750 000 écus;
ix) Montedison SpA: une amende de 1 750 000 écus;
x) Société artésienne de vinyle SA: une amende de 400 000 écus;
xi) Shell International Chemical Company Ltd: une amende de 850 000 écus;
xii) Wacker-Chemie GmbH: une amende de 1 500 000 écus.»
B - La procédure devant le Tribunal
12. Par différentes requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 5 et le 14 octobre 1994, les entreprises Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Elf Atochem SA (ci-après «Elf Atochem»), BASF AG, Shell International Chemical Company Ltd, DSM NV et DSM Kunststoffen BV, Wacker-Chemie GmbH, Hoechst, la Société artésienne de vinyle SA, Montedison SpA, ICI, Hüls AG, et Enichem SpA ont introduit des recours devant le Tribunal.
13. Chacune a conclu à l'annulation, en tout ou en partie, de la décision PVC II et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'amende infligée ou à la réduction de son montant. Montedison SpA a conclu, en outre, à la condamnation de la Commission à des dommages-intérêts, en raison des frais liés à la constitution d'une garantie et pour tout autre frais résultant de la décision PVC II.
C - L'arrêt du Tribunal
14. Par arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (ci-après l'«arrêt attaqué»), le Tribunal a:
- joint les affaires aux fins de l'arrêt;
- annulé l'article 1er de la décision PVC II dans la mesure où il retenait la participation de la Société artésienne de vinyle SA à l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981;
- réduit respectivement à 2 600 000, 135 000 et 1 550 000 euros les amendes infligées à Elf Atochem, à la Société artésienne de vinyle SA et à ICI;
- rejeté les recours pour le surplus;
- statué sur les dépens.
D - La procédure devant la Cour
15. Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 juin 1999, DSM NV et DSM Kunststoffen BV (ci-après «DSM» ou la «partie requérante») ont formé un pourvoi en application de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice.
16. Elles concluent à ce qu'il plaise à la Cour:
- annuler totalement ou partiellement l'arrêt attaqué et terminer la procédure, ou, subsidiairement, renvoyer l'affaire devant le Tribunal aux fins d'une reprise de la procédure;
- annuler totalement ou partiellement la décision PVC II;
- annuler l'amende infligée à la requérante ou en réduire le montant;
- condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.
17. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
- rejeter le pourvoi;
- condamner la requérante aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la présente instance.
II - Analyse
18. Au soutien de son pourvoi, DSM invoque neuf moyens qu'il convient d'examiner dans l'ordre retenu dans la requête.
Quant au moyen tiré de l'autorité de la chose jugée
19. La partie requérante critique le rejet par le Tribunal de son argumentation fondée sur une violation de l'autorité de la chose jugée.
20. Le Tribunal s'est exprimé dans les termes suivants:
«77 L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire (arrêt de la Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C-281/89, Rec. p. I-347, point 14, et ordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C-277/95 P, Rec. p. I-6109, point 50).
78 En l'espèce, il convient de constater que, dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant la décision 89/190 inexistante et a déclaré que l'arrêt attaqué devant elle devait être annulé (points 53 et 54 des motifs). Dans ces circonstances, la Cour, conformément à l'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CEE) de la Cour, a décidé de statuer définitivement sur le litige, celui-ci étant en état d'être jugé (point 55 des motifs).
79 La Cour a, en conséquence, résumé les moyens soulevés par les parties requérantes dans leurs recours en annulation présentés devant le Tribunal contre la décision de 1988 en ces termes: La procédure précontentieuse a été entachée de vices divers; la décision attaquée n'est pas ou est insuffisamment motivée; les droits de la défense n'ont pas été respectés; le système de preuve retenu par la Commission est contestable; la décision attaquée est contraire à l'article 85 du traité et aux principes généraux du droit communautaire; la décision viole les règles de prescription; elle est entachée de détournement de pouvoir; les amendes infligées sont irrégulières. (Point 56 des motifs.)
80 Elle a ensuite relevé que, [à] l'appui, notamment, du moyen tiré du défaut et de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, des requérantes faisaient valoir, en substance, que les motifs de la décision qui leur avait été notifiée devaient vraisemblablement différer sur plusieurs points, dont certains étaient essentiels, de la décision adoptée par le collège des [membres de la Commission] lors de sa réunion du 21 décembre 1988 (point 57 des motifs). La Cour a également indiqué: Certaines requérantes ont, en outre, déduit de la défense de la Commission que la décision n'avait pas été adoptée dans deux des langues faisant foi, à savoir les langues italienne et néerlandaise, puisque seuls avaient été soumis au collège des projets rédigés en langues allemande, anglaise et française. (Point 58 des motifs.) La Cour a ensuite précisé: Dans le dernier état de leur argumentation, les sociétés requérantes ont soutenu que l'article 12 du règlement intérieur de la Commission avait été méconnu. (Point 59 des motifs.) Enfin, elle a commencé l'examen du bien-fondé du moyen (point 61 des motifs).
81 Ayant constaté que la Commission avait violé les dispositions de l'article 12, premier alinéa, de son règlement intérieur, en omettant de procéder à l'authentification de la décision de 1988 dans les termes prévus par cet article, la Cour a conclu: Il convient dès lors d'annuler cette dernière pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes. (Point 78 des motifs.)
82 Il s'ensuit que l'arrêt du 15 juin 1994 n'a tranché, effectivement ou nécessairement, ni les autres moyens de procédure soulevés par les requérantes devant le Tribunal, ni les moyens de fond, ni, enfin, les moyens subsidiaires sur les amendes infligées.
83 Par ailleurs, aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut de la Cour, [l]orsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.
84 La seconde phrase de cette disposition n'emporte pas la conséquence que la Cour, lorsqu'elle statue elle-même définitivement sur le litige en accueillant un ou plusieurs moyen(s) soulevé(s) par les parties requérantes, tranche ipso jure tous les points de fait et de droit invoqués par celles-ci dans le contexte de l'affaire. Suivre la thèse d'Enichem reviendrait à nier que la chose jugée n'a force de vérité légale que relativement aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement jugés.
85 Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.»
21. Je partage cette analyse du Tribunal.
22. C'est, en effet, à juste titre qu'il a fondé son raisonnement sur la définition de l'autorité de la chose jugée découlant de la jurisprudence de la Cour .
23. Or, celle-ci, contrairement à ce qu'expose la requérante, ne concerne pas uniquement la question de savoir sur quels moyens peut porter un pourvoi contre un arrêt du Tribunal. En effet, cette jurisprudence, qui est d'ailleurs antérieure à la mise en place de l'institution du pourvoi, vise en premier lieu à permettre aux parties de déterminer les conséquences exactes de l'arrêt de la Cour, afin de pouvoir remplir leur obligation d'y donner plein effet, conformément à l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE).
24. Il en découle en particulier que, en cas d'annulation d'une décision, l'arrêt lie l'institution, auteur de l'acte, uniquement pour ce qui est des questions qu'elle a tranchées explicitement ou nécessairement.
25. En l'espèce, la Cour a précisé, dans son arrêt PVC I, qu'il y avait lieu d'annuler la décision attaquée, du fait de la violation du règlement intérieur de la Commission, et qu'il n'était, dès lors, pas nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante.
26. Il s'ensuit que la Cour n'a pas tranché ces derniers et a laissé ouverte la possibilité pour la Commission de remplir son obligation, découlant de l'article 176 du traité, de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour en adoptant une nouvelle décision en conformité avec son règlement intérieur.
27. La partie requérante fait cependant valoir qu'il y aurait lieu de tenir compte du fait que nous serions en présence d'une «accusation en matière pénale» au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après «convention européenne des droits de l'homme» ou «CEDH»). Or, celle-ci exigerait que l'arrêt de la Cour ait pour effet de mettre fin définitivement à la procédure. Il ne serait pas compatible avec cette disposition que la Commission puisse, suite à l'annulation de sa décision, en adopter une nouvelle.
28. La Commission souligne toutefois, à juste titre selon nous, que ledit article 6 concerne la durée de la procédure et non la question de savoir quels points de fait ou de droit doivent être considérés comme ayant été tranchés dans une décision judiciaire.
29. La partie requérante s'appuie également sur l'article 174, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 231, deuxième alinéa, CE), dont elle déduit qu'une institution ne pourrait réparer les vices constatés dans une décision judiciaire que lorsqu'il s'agit de règlements. En revanche, une telle «deuxième chance» n'existerait pas pour les décisions.
30. Cette analyse repose sur une conception erronée de la portée de cette disposition. En effet, elle ne vise pas le problème qui se pose en l'espèce, à savoir celui des obligations de l'institution dont une décision a été annulée et qui doit en tirer les conséquences, conformément à ce qui a été décidé dans l'arrêt prononçant l'annulation.
31. Elle concerne, en revanche, la question toute différente, qui ne se pose pas en l'espèce, de la possibilité pour la Cour de maintenir certains effets de l'acte annulé.
32. La question posée en l'espèce, à savoir, répétons-le, la détermination par l'institution des conséquences de l'annulation de son acte, est quant à elle régie, comme le souligne à juste titre la Commission, par l'article 176 du traité.
33. La partie requérante invoque encore la référence faite par la Cour dans son arrêt PVC I à l'article 54 du statut, en vertu duquel elle aurait décidé que le litige était en état d'être jugé et l'aurait donc vidé définitivement.
34. Il est vrai que la Cour a ainsi tranché définitivement le litige relatif à la validité de la décision attaquée. Elle a, en effet, considéré qu'elle était en mesure de le faire puisqu'elle avait constaté la violation du règlement intérieur de la Commission, constatation qui suffisait à elle seule pour prononcer l'annulation de la décision. Il n'y avait donc aucune nécessité de renvoyer l'affaire devant le Tribunal.
35. On ne saurait cependant en déduire, comme le fait la partie requérante, que la Cour a, de ce fait, interdit à la Commission de prendre une nouvelle décision. Elle a, au contraire, précisé explicitement, comme nous l'avons vu, qu'elle ne jugeait pas nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués. On ne saurait donc considérer ceux-ci comme accueillis, même implicitement.
36. C'est en vain que la partie requérante invoque, dans ce contexte, l'arrêt Transocean Marine Paint/Commission . Elle estime qu'il découle de cette affaire, dans laquelle la Cour avait explicitement renvoyé l'affaire devant la Commission, que, à défaut d'un tel renvoi explicite, l'arrêt d'annulation a pour effet d'empêcher la Commission de prendre une nouvelle décision.
37. Force est cependant de rappeler que l'affaire Transocean Marine Paint/Commission, précitée, concernait une situation différente. En effet, la Commission y était saisie d'une demande d'exemption fondée sur l'article 85, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 3, CE), à laquelle elle avait l'obligation de répondre. Il s'ensuivait que l'annulation de sa décision l'obligeait à en prendre une nouvelle. Il était donc logique que la Cour y fasse allusion en renvoyant l'affaire devant la Commission.
38. En revanche, dans le cas d'une décision constatant une infraction, la Commission n'a pas la même obligation de prendre une nouvelle décision. La Cour n'avait donc pas à recourir à la même formule que dans l'affaire Transocean Marine Paint/Commission, précitée.
39. Il découle de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée doit être rejeté.
Quant au moyen tiré d'une violation du principe non bis in idem
40. La partie requérante conteste le rejet, dans l'arrêt attaqué, de son argumentation fondée sur le principe non bis in idem. Le Tribunal s'est appuyé, à cet égard, sur les deux considérations suivantes (voir points 97 et 98 de l'arrêt attaqué).
41. Il a, en premier lieu, rappelé que la Commission a adopté sa décision PVC II après l'annulation de sa décision de 1988 et n'a donc pas fait supporter aux entreprises deux sanctions pour une même infraction.
42. Il a, en deuxième lieu, ajouté que la décision d'annulation de la Cour n'avait tranché aucun moyen de fond formulé par la requérante. Dès lors, en adoptant sa décision PVC II, la Commission se serait limitée à réparer le vice formel censuré par la Cour et n'aurait pas poursuivi la requérante à deux reprises pour un même ensemble de faits.
43. La partie requérante souligne, à cet égard, que, comme l'a d'ailleurs énoncé le Tribunal au point 95 de l'arrêt attaqué, ledit principe interdit à la Commission d'infliger deux sanctions pour une même infraction et d'engager à deux reprises des poursuites pour un même ensemble de faits.
44. DSM fait grief au Tribunal d'avoir, au point 96 de l'arrêt attaqué, affirmé que le principe invoqué signifie que la Commission ne peut pas poursuivre ou sanctionner une entreprise en raison d'un comportement anticoncurrentiel «dont le Tribunal, ou la Cour, a déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans son chef par la Commission». Selon elle, le Tribunal ferait ainsi dépendre l'application du principe non bis in idem des motifs pour lesquels la décision a été annulée: le principe s'appliquerait si la décision a été annulée pour manque de preuves; en revanche, il ne s'appliquerait pas dans tous les autres cas, comme en l'espèce, dans l'hypothèse d'une violation des formes substantielles. Cette appréciation juridique serait erronée, parce que le principe non bis in idem viserait à protéger l'entreprise poursuivie contre le simple fait de doubles poursuites et sanctions, quelle que soit la raison pour laquelle les premières poursuites n'ont pas abouti à une condamnation. Cette interprétation serait confirmée par l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la CEDH, entre-temps entré en vigueur. Or, dans l'arrêt Commission/BASF e.a., précité, la requérante aurait été «acquittée» au sens de cette dernière disposition.
45. Au point 97 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait à tort écarté l'application du principe non bis in idem au motif que la décision PVC I avait été annulée par l'arrêt Commission/BASF e.a., précité. En effet, une telle motivation aurait pour effet que le principe en cause ne pourrait jamais recevoir application, même en cas d'annulation pour défaut de preuve, puisque l'effet juridique de l'annulation est identique dans ce cas. Or, une distinction entre les motifs d'annulation serait étrangère à l'article 174, premier alinéa, du traité.
46. Au point 98 de l'arrêt attaqué, le Tribunal relèverait également à tort que la Cour, dans son arrêt Commission/BASF e.a., précité, n'a tranché «aucun des moyens de fond invoqués», et que la Commission, en adoptant la décision PVC II, «s'est limitée à réparer le vice formel censuré par la Cour». Cette motivation serait aussi erronée en ce qu'elle procéderait à une distinction entre les motifs d'annulation.
47. En outre, le Tribunal, en considérant que la décision PVC I n'avait jamais existé, aurait été en contradiction avec le raisonnement tenu en réponse à un moyen tiré de la prescription, au point 1 100 de l'arrêt attaqué, dans lequel il a rejeté l'allégation selon laquelle l'effet juridique de l'annulation de la décision PVC I aurait fait obstacle à la suspension de la prescription en soulignant que «c'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou la Cour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent ces juridictions dans leur arrêt».
48. Quant à ce dernier argument, il y a lieu de souligner que la contradiction n'est qu'apparente. En effet, le raisonnement du Tribunal concernait deux questions différentes, à savoir les conditions de la prescription, d'une part, et les conditions d'application du principe non bis in idem, d'autre part.
49. Il n'est donc aucunement contradictoire de considérer que, du point de vue de la prescription, le fait de la survenance d'un acte de procédure est susceptible d'être pertinent, indépendamment de son contenu, alors que, concernant le principe non bis in idem, il y aurait lieu de tenir compte non pas seulement du fait de la survenance d'un arrêt d'annulation, mais également des motifs servant de fondement à celui-ci.
50. De même, c'est de façon erronée que la partie requérante voit une contradiction entre le point 96, d'une part, et les points 97 et 98, d'autre part, de l'arrêt attaqué. Au contraire, le Tribunal a, dans ces derniers, appliqué au cas d'espèce le principe qu'il a énoncé au point 96, pour démontrer que celui-ci n'avait pas été violé en l'espèce.
51. En effet, comme l'expose d'ailleurs la Commission, le Tribunal a subordonné l'applicabilité du principe à l'établissement de la preuve matérielle de l'infraction. Si cette question avait été tranchée, la Commission aurait eu l'obligation d'en tenir compte en tirant les conséquences de l'arrêt, conformément à l'article 176 du traité.
52. Toutefois, puisque la question de l'existence d'une violation du droit de la concurrence n'avait fait l'objet d'aucune décision juridictionnelle, rien n'empêchait la Commission de prendre une décision à cet égard.
53. Il convient de souligner que, contrairement à ce que semble penser la partie requérante, cette nouvelle décision n'est pas venue s'ajouter à la précédente, mais s'y est substituée. Nous ne sommes donc pas dans un cas où un opérateur, poursuivi et sanctionné une première fois, le serait une nouvelle fois. Cette hypothèse-là serait une violation du principe non bis in idem.
54. En l'espèce, il n'y a eu qu'une seule procédure ayant abouti à une décision. Celle-ci ayant disparu suite à son annulation, elle a été remplacée, sans que soit entamée de nouvelle procédure, par une autre décision, qui demeure la seule mesure ayant sanctionné l'ensemble des faits en cause.
55. C'est également de façon erronée que la partie requérante considère qu'il y aurait lieu d'appliquer l'article 4 du protocole n° 7 de la CEDH en ce sens qu'elle aurait été «définitivement acquittée ou condamnée» au sens de cette disposition et donc soustraite définitivement à toute nouvelle poursuite.
56. En effet, il n'y a pas eu, en l'espèce, de décision définitive relative au fond du litige, mais uniquement un jugement constatant un vice de forme. On ne saurait assimiler les deux choses, de même que l'on ne saurait traiter de la même manière un acquittement et un jugement de cassation pour vice de forme, pour reprendre l'analogie avec le droit pénal, à laquelle la partie requérante semble tenir. L'acquittement, une fois devenu définitif, entraîne l'impossibilité de nouvelles poursuites, alors que la cassation pour vice de forme implique tout simplement que le prévenu sera jugé une nouvelle fois.
57. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation du principe non bis in idem.
Quant au moyen tiré de l'écoulement du temps
58. La partie requérante subdivise ce moyen en six branches.
59. Au titre de la première, elle fait valoir que le Tribunal aurait violé l'article 6 de la CEDH en ne se prononçant pas sur un moyen qu'elle avait expressément soulevé devant lui, dans le cadre duquel elle exposait que l'article 6 était applicable en tant que tel à la procédure communautaire en matière de concurrence.
60. Il convient, tout d'abord, de faire remarquer que, à supposer ce grief fondé, nous serions en présence non pas d'une violation de l'article 6 de la CEDH, mais de l'obligation qu'avait le Tribunal de motiver son arrêt.
61. En tout état de cause, j'estime ce grief dénué de fondement. En effet, le Tribunal a, de façon certes implicite, mais claire, pris position à l'égard de la thèse de la requérante en citant, au point 121 de l'arrêt attaqué, sa propre jurisprudence selon laquelle il y avait lieu d'examiner si la Commission avait méconnu le principe général de droit communautaire de respect d'un délai raisonnable, «sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité en tant que telle de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, aux procédures administratives devant la Commission en matière de politique de la concurrence» .
62. Comme l'expose à juste titre la Commission, le Tribunal a donc répondu à l'argumentation de la requérante en jugeant que ce qui importait était de déterminer si le principe du délai raisonnable avait été respecté en l'espèce et qu'il n'était, en revanche, pas nécessaire d'analyser en détail la question du fondement de l'obligation de respecter ledit principe.
63. La première branche de ce moyen, tirée d'un défaut de réponse à l'argumentation de la requérante, doit donc être rejetée.
64. Au titre de la deuxième branche, la partie requérante expose que, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que de l'arrêt Baustahlgewebe/Commission , le Tribunal n'était pas en droit de ne pas se prononcer sur l'applicabilité ou l'inapplicabilité de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH à la procédure communautaire en matière de concurrence ni de requalifier le principe fondamental du délai raisonnable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH en «principe général du droit communautaire».
65. Remarquons d'emblée que, comme nous venons de le voir, le Tribunal s'est en fait prononcé sur cette question, contrairement d'ailleurs à ce qu'a fait la Cour dans son arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, où elle ne s'est pas prononcée explicitement sur la question de savoir si les exigences liées au respect du délai raisonnable découlaient d'un principe général du droit ou de l'application directe de la CEDH.
66. L'approche du Tribunal était d'ailleurs parfaitement conforme à la jurisprudence constante selon laquelle le respect des droits fondamentaux fait partie des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect. Le Tribunal n'a donc rien fait d'autre qu'appliquer cette jurisprudence, à laquelle il se réfère d'ailleurs explicitement au point 120 de l'arrêt attaqué, qui rappelle également, dans ce contexte, l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, aux termes duquel «l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire».
67. Quant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, citée par la partie requérante, il en découle uniquement que les procédures en matière de concurrence ne sont pas exclues du champ d'application matériel de l'article 6 de la convention, même si cette disposition vise les «droits et obligations de caractère civil» et «toute accusation en matière pénale». On ne saurait, en revanche, en déduire que, en ce qui concerne les procédures communautaires en matière de concurrence, le respect des exigences du délai raisonnable ne pourrait être assuré que par une application directe de cette disposition, excluant la référence à un principe général de droit communautaire.
68. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la deuxième branche de ce moyen.
69. Au titre de la troisième branche, la partie requérante soutient que la ratio du principe du délai raisonnable, au sens de l'article 6 de la CEDH, est d'obtenir que les accusés ne demeurent pas pendant un temps trop long sous le coup d'une accusation avant qu'il soit décidé sur son bien-fondé . Une attente trop longue constituerait une sanction supplémentaire.
70. DSM considère que le Tribunal, au point 122 de l'arrêt attaqué, a méconnu cette ratio en jugeant que:
- une violation du principe du délai raisonnable ne justifie l'annulation de la décision de la Commission que si elle emporte également une violation des droits de la défense des entreprises concernées;
- si une violation des droits de la défense n'est pas établie, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d'être invoquée devant le juge communautaire dans le cadre d'un recours fondé sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenus, respectivement, articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE).
71. En effet, en cas de non-respect du délai raisonnable, serait en cause un préjudice supplémentaire subi par les prévenus et non une atteinte aux droits de la défense en tant que tels.
72. Dans l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, la Cour aurait réduit l'amende en conséquence du dépassement du délai raisonnable constaté. Elle aurait expressément écarté l'idée selon laquelle la solution devrait être recherchée dans une indemnisation. Elle aurait affirmé que, aux fins d'une annulation de la décision de la Commission, il faut que la durée de la procédure ait influencé l'issue du litige. Cependant, cette affirmation aurait eu pour toile de fond le fait que l'affaire concernait un dépassement du délai raisonnable par le Tribunal, circonstance qui ne pouvait pas, en principe, être reprochée à la Commission.
73. En revanche, dans la présente affaire, le dépassement d'un délai raisonnable serait imputable à la Commission elle-même. Dans une telle situation, la sanction devrait être la même que celle frappant d'autres formes de dépassement de délai, par exemple le dépassement du délai de recours: la Commission cesserait d'être compétente pour engager des poursuites, ayant dépassé un délai impératif. À tout le moins, la sanction supplémentaire d'une attente trop longue devrait faire l'objet d'une compensation sous la forme d'une réduction considérable de la sanction, au moyen d'une annulation ou d'une réduction de l'amende.
74. Que faut-il penser de cette argumentation?
75. Force est, tout d'abord, de constater, avec la Commission, que c'est à tort que la partie requérante considère que le Tribunal a contredit la jurisprudence Baustahlgewebe/Commission, précitée.
76. En effet, il a au contraire, en ce qui concerne les conséquences d'un dépassement du délai raisonnable pour la validité de l'acte attaqué, recouru à la même approche que la Cour dans cette affaire. Il ressort ainsi du point 49 de cet arrêt que la Cour a jugé que le moyen tiré du non-respect du délai raisonnable ne saurait, en l'absence de tout indice que la durée de la procédure ait eu une incidence sur la solution du litige, aboutir à l'annulation de l'arrêt attaqué dans son ensemble.
77. La Cour a ainsi précisé la portée du point 48 du même arrêt, où elle a déclaré le moyen tiré de la durée excessive de la procédure fondé aux fins de l'annulation de l'arrêt attaqué, dans la mesure où il fixe le montant de l'amende infligée à la requérante à la somme de 3 millions d'écus.
78. Cette approche se retrouve dans le raisonnement suivi par le Tribunal, lorsque celui-ci estime que la durée excessive de la procédure doit entraîner une annulation lorsque les droits de la défense de l'entreprise ont été compromis, hypothèse dans laquelle il y a nécessairement incidence possible sur l'issue de la procédure, et une indemnisation dans les autres cas.
79. Remarquons ensuite que l'argumentation de la requérante repose sur la prémisse, non contestée par la Commission, que le Tribunal devait, saisi du recours en annulation contre la décision de celle-ci, faire application du principe du délai raisonnable. Cette considération mérite réflexion.
80. En effet, l'article 6 de la CEDH, sur lequel la requérante fonde sa prétention, vise clairement le droit au juge puisqu'il comporte l'exigence d'«un tribunal indépendant et impartial» et évoque la nécessité de rendre les jugements publiquement. On ne saurait donc transposer automatiquement cette disposition à la procédure administrative devant la Commission.
81. Quant à la jurisprudence de la Cour, il convient de constater qu'elle concerne la situation dans laquelle le Tribunal n'a pas respecté le délai raisonnable et qu'elle s'inscrit donc dans la même perspective que celle visée par l'article 6 de la CEDH.
82. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a néanmoins assimilé le cas d'une durée éventuellement excessive de la procédure devant la Commission à celui du non-respect du délai par la juridiction communautaire. Était-il en droit de procéder ainsi ou aurait-il dû conclure que les différences entre ces deux situations exigeaient de les traiter différemment aux fins de l'application du principe du délai raisonnable?
83. À cet égard, il convient de souligner que le fait d'exiger de l'administration qu'elle prenne ses décisions dans un délai raisonnable est déjà acquis en droit communautaire. En effet, tant la jurisprudence relative aux mesures disciplinaires dans le cadre du statut des fonctionnaires communautaires que celle concernant le principe de protection de la sécurité juridique ou le principe de bonne administration nous en fournissent de nombreux exemples .
84. En outre, la nécessité de protéger les opérateurs d'une longue incertitude juridique, qui constitue la raison d'être du principe du délai raisonnable, existe, selon moi, tout autant dans le cadre de la procédure devant la Commission que devant le Tribunal.
85. Il est certes vrai que la procédure mise en place par le règlement n° 17 ne prétend pas à un caractère juridictionnel. Il n'en demeure pas moins que l'évolution constante de la jurisprudence de la Cour et de la pratique de la Commission a abouti à renforcer les aspects juridictionnels de cette procédure, aux dépens de son caractère administratif.
86. Il y a toutefois lieu de distinguer à cet égard, comme l'a d'ailleurs fait le Tribunal dans sa détermination du délai à prendre en considération, entre la phase d'instruction proprement dite et la phase contradictoire de la procédure.
87. En effet, dans la première, aucun reproche n'est encore formulé à l'encontre des opérateurs. La Commission est certes susceptible de leur demander des informations, mais ils n'ont pas à se défendre contre une quelconque accusation. Il n'existe donc aucune incertitude relative au bien-fondé d'une accusation dont ils feraient l'objet ni, par conséquent, un préjudice matériel ou moral.
88. En revanche, après la communication des griefs, les entreprises concernées font l'objet d'une accusation formelle de violation des règles de concurrence et la procédure revêt, dès lors, un certain caractère contradictoire, puisqu'elles doivent être entendues.
89. À ce stade de la procédure, la situation des entreprises me paraît assimilable à celle d'un accusé dans une procédure pénale. Elles font, en effet, indiscutablement l'objet d'une accusation et sont impliquées dans une procédure susceptible de déboucher sur la prise d'une décision ayant des conséquences importantes tant pour les finances de l'entreprise que pour sa réputation.
90. En ce qui concerne ce dernier point, il est vrai que, compte tenu de l'absence de caractère public des procédures devant la Commission, la situation n'est pas tout à fait identique à une poursuite devant une juridiction pénale.
91. Il est également incontestable qu'il existe d'autres différences pertinentes entre la situation d'une entreprise face à la Commission et sa position devant le Tribunal. En effet, dans le premier cas, aucune mesure de nature à causer un préjudice n'a encore été prise à l'encontre de l'entreprise. Dans le second cas, en revanche, une telle mesure a été prise et son destinataire est en droit de savoir le plus rapidement possible si c'est, ou non, à bon droit qu'il en a fait l'objet.
92. Ceci dit, il n'en demeure pas moins que les entreprises destinataires de la communication des griefs sont dans une situation d'incertitude concernant une accusation formulée à leur encontre.
93. Comme le souligne la partie requérante, il ressort d'ailleurs également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que des procédures de droit de la concurrence sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application matériel de l'article 6 de la CEDH et donc de se voir appliquer le principe du délai raisonnable .
94. Faut-il, pour autant, en déduire, comme la partie requérante, que toute violation par la Commission des exigences du délai raisonnable doit entraîner l'annulation intégrale de la décision?
95. Comme le Tribunal, je ne le pense pas, et ce, à cause de la raison d'être du principe en cause, sur laquelle la partie requérante elle-même prétend d'ailleurs fonder son raisonnement.
96. Il n'est, en effet, pas contesté que la raison d'être du principe du délai raisonnable est de protéger les opérateurs faisant l'objet d'une procédure d'infraction en vertu du règlement n° 17. Dès lors, l'application de ce principe doit entraîner des conséquences en rapport avec la mesure dans laquelle lesdits opérateurs ont été affectés par la durée excessive de la procédure.
97. Il en découle que si celle-ci n'a pas affecté l'exercice par les entreprises de leurs droits de la défense et n'a donc pas eu d'incidence sur l'issue de la procédure, l'application du principe doit se traduire par des conséquences de moindre ampleur que dans l'hypothèse inverse.
98. En particulier, on ne voit pas pourquoi une décision de la Commission dont, par hypothèse, le contenu aurait été identique en l'absence d'une durée excessive de sa procédure d'adoption, devrait quand même être annulée.
99. Ce serait en effet non seulement faire preuve d'un formalisme excessif, mais une telle conséquence serait, en outre, hors de proportion avec la protection des droits des opérateurs, puisque le préjudice subi par ceux-ci ne découlerait pas du contenu de la mesure prise, mais uniquement du moment où elle aurait finalement été adoptée.
100. Dans un tel cas, une indemnisation est de nature à concilier les droits des entreprises et l'intérêt général qui subirait un préjudice si l'infraction commise n'était pas sanctionnée.
101. En revanche, s'il est établi que les droits de la défense ont été violés, il n'est pas contestable que l'annulation de la décision dans son intégralité s'impose.
102. Cette solution, retenue à juste titre par le Tribunal, est, comme l'expose la Commission et contrairement à ce qu'allègue la requérante, conforme en substance à l'approche de la Cour dans l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité. En effet, s'il est vrai que la Cour y a jugé que la violation du principe du délai raisonnable devait entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué, elle a expressément limité la portée de l'annulation à la fixation du montant de l'amende et précisé que, en l'absence de tout indice que la durée de la procédure ait eu une incidence sur la solution du litige, il n'y avait pas lieu d'annuler le reste de l'arrêt.
103. Cette solution est, en substance, identique à celle retenue par le Tribunal qui a consisté à ne pas annuler la décision en laissant ouverte la possibilité d'un recours en indemnité pour le préjudice éventuellement subi du fait de la durée excessive de la procédure.
104. Soulignons, en outre, que l'idée selon laquelle un vice de procédure n'entraîne la nullité que si ce vice présente un caractère de gravité suffisant n'est pas inconnue du droit communautaire en général . Elle ressort, au contraire, d'une jurisprudence constante en matière d'annulation pour violation d'une formalité substantielle et a d'ailleurs également inspiré l'article 51 du statut de la Cour qui subordonne l'invocabilité, à titre de moyen de pourvoi, d'irrégularités de procédure à la condition qu'elles aient affecté les intérêts de la partie requérante.
105. Il est vrai que, si la solution retenue par le Tribunal est conforme en substance à l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, il n'en demeure pas moins que, sur un aspect essentiel, elle s'en écarte de façon significative, ce que la partie requérante ne manque pas de reprocher au Tribunal.
106. En effet, dans l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, la Cour a, en pratique, octroyé immédiatement elle-même une indemnité aux entreprises concernées, sous la forme d'une réduction de l'amende. Ces dernières ont été ainsi dispensées de suivre la voie normale pour l'obtention d'une compensation pour un dommage découlant de l'action de la Communauté, à savoir le recours prévu par l'article 215 du traité. Il s'ensuit en particulier que, dans l'affaire Baustahlgewebe/Commission, précité, la requérante a obtenu un dédommagement sans avoir à prouver un préjudice, possibilité que le Tribunal a refusée aux entreprises visées dans la présente affaire.
107. En outre, il n'est guère contestable que le remède proposé par le Tribunal ne présente pas le même caractère d'immédiateté que celui octroyé par la Cour.
108. Faut-il pour autant en conclure qu'il a méconnu les exigences du principe du délai raisonnable?
109. À cet égard, il convient de souligner que, en subordonnant une indemnisation éventuelle à l'exercice d'un recours en responsabilité, le Tribunal a nécessairement considéré que le droit à indemnisation trouvait son fondement dans une telle responsabilité. Or, il ne ressort pas de l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, que la Cour ait entendu subordonner l'indemnisation à la condition que soit constatée la responsabilité d'une institution communautaire. En effet, la Cour n'a pas examiné la question de l'existence d'un comportement fautif, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. Elle s'est contentée de constater le caractère anormal de la durée de la procédure et de diminuer, de ce seul fait, le montant de l'amende imposée.
110. Force est donc de constater que le Tribunal a, en recourant au fondement de la responsabilité pour une indemnisation, imposé des conditions à celle-ci qui ne découlaient pas de la jurisprudence de la Cour et donc commis une erreur de droit dans l'application du principe du délai raisonnable.
111. Ceci dit, cette erreur ne porterait à conséquence que s'il y avait effectivement eu durée excessive. Le Tribunal ayant en tout état de cause estimé que non, son erreur était sans conséquence sur le contenu de l'arrêt et ne saurait donc, en elle-même, entraîner l'annulation de celui-ci. Il y a lieu, dès lors, d'analyser si c'était à bon droit que le Tribunal a considéré la durée en cause comme n'étant pas excessive.
112. C'est à la lumière de cette considération qu'il convient d'examiner les trois autres branches de ce moyen.
113. Au titre de la quatrième branche, la partie requérante expose que le Tribunal a commis une erreur de droit dans la détermination de la durée du délai raisonnable. Elle considère que c'est à tort que le Tribunal a jugé, au point 123 de l'arrêt attaqué, que la période pendant laquelle il avait examiné la décision de la Commission ne pouvait pas être prise en considération pour déterminer la durée de la procédure devant celle-ci.
114. Elle lui reproche en outre d'avoir, aux points 124 et 125 du même arrêt, subdivisé la durée de la procédure administrative en deux périodes, à savoir, d'une part, celle comprise entre les premières vérifications de la Commission, en novembre 1983, et la décision de celle-ci, prise en mars 1988, d'ouvrir la procédure, et, d'autre part, celle comprise entre la communication des griefs, le 5 avril 1988, et l'adoption de la décision PVC II.
115. Elle expose, à cet égard, que, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la durée de la procédure a pour point de départ la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir commis une infraction pénale ou de mesures impliquant un tel reproche et entraînant elles aussi des répercussions importantes sur la situation du suspect, et comprend la durée totale de la procédure, y incluse celle des recours juridictionnels.
116. En l'espèce, le délai raisonnable aurait donc eu pour point de départ le début des vérifications effectuées par la Commission, soit le mois de novembre 1983, et pour fin, provisoirement, le 20 avril 1999, date de prononcé de l'arrêt attaqué, sans préjudice de l'addition ultérieure de la durée de la procédure sur pourvoi.
117. La Commission expose dans ce contexte que le Tribunal n'avait à se prononcer que sur le comportement de la Commission, tel que reflété dans la décision. Or, ce comportement ne peut être analysé que pour les périodes où l'affaire était pendante devant la Commission. Ce serait donc à juste titre que le Tribunal a considéré que ces périodes étaient la durée de la procédure administrative (de novembre 1983 au 21 décembre 1988) et le temps écoulé entre l'arrêt Commission/BASF e.a., précité, et la décision du 27 juillet 1994. On ne saurait, en effet, reprocher à la Commission l'intervention du Tribunal et de la Cour.
118. Je me rallie à cette analyse. J'estime, en effet, contrairement à la partie requérante, que l'on ne saurait se permettre de cumuler la durée de la procédure administrative avec celle de la procédure juridictionnelle afin de déterminer la durée de la procédure au sens du principe du délai raisonnable.
119. Une telle approche aurait, en effet, une série de conséquences paradoxales.
120. Ainsi, dans une affaire complexe où, par définition, la Commission aurait besoin de beaucoup de temps afin d'établir les éléments de droit et de fait nécessaires pour fonder sa décision, la juridiction communautaire ne disposerait quant à elle que d'une durée minimale pour apprécier cette même affaire complexe, sous peine d'arriver à une durée cumulée trop longue!
121. Il est permis de douter qu'une telle conception soit de nature à renforcer la protection des droits des entreprises.
122. En outre, la protection juridictionnelle deviendrait alors, pour les entreprises, une forme de pari qu'elles gagneraient dans presque tous les cas de figure. En effet, en intentant un recours en annulation contre la décision de la Commission, elles déclencheraient un processus dans le cadre duquel seul un arrêt de la Cour rejetant l'ensemble de leurs moyens serait susceptible de les empêcher de l'emporter en s'appuyant sur une violation du principe du délai raisonnable, à supposer, bien entendu, que cet arrêt soit intervenu avec une promptitude suffisante.
123. Dans toutes les autres hypothèses - annulation de la décision suivie, ou non, de l'adoption d'une nouvelle décision ou encore annulation de l'arrêt de première instance avec renvoi au Tribunal - il suffirait aux entreprises concernées de continuer, pour autant que de besoin, à former des recours en conservant, si j'ose dire, un oeil sur le calendrier afin de pouvoir, le moment venu, mettre fin au processus en abattant l'atout du délai raisonnable.
124. Une telle conception méconnaît, selon moi, la différence de nature existant entre la procédure devant la Commission et celle devant la juridiction communautaire.
125. En effet, devant la Commission est en cause un ensemble de faits imputés à l'entreprise et au sujet desquels il existe un débat relatif, en principe, tant à la matérialité desdits faits qu'à leur signification juridique. Ce débat est suivi, ou non, par l'adoption d'une décision par la Commission, décision dont tant le principe même que le contenu dépendent dans une certaine mesure du pouvoir d'appréciation de la Commission, responsable de la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence.
126. En revanche, la juridiction communautaire est saisie d'un acte juridique déterminé, une décision de la Commission, à l'encontre duquel sont formulés une série de griefs précis. Il en va de même, mutatis mutandis, dans le cadre du pourvoi. Le recours doit être introduit dans un délai déterminé et la juridiction a l'obligation de trancher le litige.
127. Il est vrai, comme nous l'avons constaté ci-dessus, que, dans les deux cas, les entreprises ont droit à ce que leur situation soit réglée dans un délai raisonnable. Il ne s'ensuit cependant pas que les deux procédures puissent être considérées comme équivalentes au regard de ce principe et donc cumulables.
128. C'est donc à tort que la partie requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir effectué un tel cumul.
129. Il en va de même, selon moi, en ce qui concerne la distinction opérée par le Tribunal en ce qu'il a discerné deux phases dans la procédure devant la Commission. Contrairement à ce qu'allègue la partie requérante, on ne saurait, en effet, soutenir que les exigences du principe du délai raisonnable se présentent de la même manière avant et après la communication des griefs.
130. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, pour reprendre les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme cités par la requérante, les mesures d'instruction prises en vertu du règlement n° 17 avant la communication des griefs ne peuvent être considérées comme impliquant le reproche d'avoir commis une infraction pénale.
131. En effet, la nature même de ces mesures et leur place dans la chronologie de la prise de décision montrent que, au moment de leur adoption, la Commission n'est pas encore en mesure de formuler des reproches à l'encontre de quiconque, mais est encore en train de chercher les éléments de fait qui conduiront éventuellement à l'adoption d'une communication des griefs, qui ne s'adressera pas nécessairement aux entreprises ayant fait l'objet des mesures d'instruction.
132. Il est d'ailleurs révélateur, à cet égard, que les articles 11 et 14 du règlement n° 17 qui régissent, respectivement, les demandes d'information et les vérifications opèrent une distinction entre les mesures simplement demandées par la Commission et celles qui ont fait l'objet d'une décision susceptible de recours. Cela démontre bien que différentes mesures sont susceptibles d'avoir une portée différente et que, par conséquent, la simple survenance d'une mesure d'instruction quelconque ne saurait déclencher automatiquement la protection du délai raisonnable.
133. En revanche, une entreprise destinataire d'une communication des griefs fait, quant à elle, clairement l'objet d'un reproche bien déterminé. En outre, la communication des griefs implique l'intention, dans le chef de la Commission, d'adopter une décision à l'encontre de ladite entreprise dont la situation se trouve donc affectée aux fins de l'application du principe du délai raisonnable.
134. En outre, comme le souligne la Commission, c'est au cours de cette deuxième phase que se décide l'issue de la procédure devant elle. Or, il a été démontré précédemment que, pour donner effet au principe du délai raisonnable, le Tribunal devait apprécier si la durée de la procédure avait eu un impact sur l'issue de celle-ci. Il est donc logique que, dans l'application de ce principe, cette deuxième phase revête une plus grande importance que la phase antérieure.
135. J'estime même que le principe du délai raisonnable n'est pas applicable à celle-ci. Cela découle, en effet, selon moi, des considérations développées ci-dessus relatives à la raison d'être de ce principe. Comme nous l'avons vu, il s'agit d'éviter de maintenir un justiciable dans une longue incertitude au regard d'une accusation dont il fait l'objet.
136. Or, force est de rappeler, à cet égard, que le simple fait de se trouver destinataire de mesures d'instruction adoptées par la Commission ne fait pas d'une entreprise une accusée. En effet, le fait même que de telles mesures soient prises indique que la Commission est à la recherche d'éléments de nature à lui permettre de déterminer s'il y a lieu de poursuivre une entreprise et, dans l'affirmative, l'identité de celle-ci. Il ne lui est donc pas encore possible, par définition, d'accuser quelqu'un à ce stade.
137. On remarquera dans ce contexte que le règlement n° 17 impose aux entreprises l'obligation de collaborer avec la Commission lorsque celle-ci leur adresse des mesures d'instruction. Le législateur communautaire a donc lui aussi considéré que, à ce stade, l'entreprise ne se trouve pas dans la position de l'accusé.
138. Il est, en outre, à noter que l'application du principe du délai raisonnable à ce stade de la procédure aurait pour effet pervers d'encourager les entreprises à faire preuve de la plus grande inertie possible dans l'exécution de cette obligation, puisqu'elles sauraient que chaque manoeuvre dilatoire de leur part augmenterait leurs chances d'obtenir l'annulation d'une éventuelle décision pour non-respect par la Commission du délai raisonnable.
139. La Commission, quant à elle, pourrait se voir contrainte d'instruire les affaires dans des délais qui ne lui permettraient pas d'étayer correctement sa décision finale.
140. C'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré qu'il convenait, afin de déterminer la durée de la procédure, de distinguer aussi entre les différentes phases de la procédure devant la Commission.
141. Il y a donc lieu de rejeter dans sa totalité la quatrième branche de ce moyen.
142. La cinquième branche est tirée d'une motivation incorrecte et d'une violation de l'obligation d'examiner tous les critères d'appréciation du caractère raisonnable du délai.
143. La partie requérante rappelle que, parmi les différents critères d'appréciation du caractère raisonnable du délai, figure celui de l'enjeu de l'affaire pour les entreprises. Or, le Tribunal n'aurait examiné celui-ci qu'en ce qui concerne la période ayant commencé lors de la notification de la communication des griefs, en omettant ainsi totalement, sans motivation, d'examiner ledit critère ainsi que les autres, sauf celui de la complexité de l'affaire, au regard de la période antérieure, que le Tribunal aurait pourtant identifiée lui-même.
144. Il a été rappelé ci-dessus que cette période, qui précède la communication des griefs, se distingue fondamentalement, au regard du principe du délai raisonnable, de la phase suivante, pour laquelle le Tribunal a examiné le critère d'appréciation en cause.
145. J'estime, par conséquent, qu'il n'y a pas lieu de reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné l'ensemble des critères d'appréciation du caractère raisonnable du délai pour la période antérieure à la communication des griefs.
146. Le moyen que la requérante cherche à tirer d'un manque de motivation du Tribunal à cet égard est également dénué de fondement. En effet, au point 132 de son arrêt, le Tribunal a exposé pourquoi la seconde phase de la procédure se distinguait de la première en soulignant que la notification de la communication des griefs suppose l'engagement de la procédure de constatation d'infraction et manifeste la volonté de la Commission d'adopter une décision en ce sens.
147. Il a, en outre, rappelé que ce n'est qu'à compter de la communication des griefs qu'une entreprise peut prendre connaissance de l'objet de la procédure qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la Commission. Il en a conclu que les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette seconde étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par la Commission.
148. Le Tribunal a donc exposé à suffisance de droit les raisons de son analyse différenciée des phases successives de la procédure devant la Commission.
149. Il découle de tout ce qui précède que la cinquième branche de ce moyen est dénuée de fondement.
150. La sixième branche est tirée d'une violation des critères légaux d'appréciation du caractère raisonnable du délai.
151. DSM relève que la Cour européenne des droits de l'homme a considéré qu'une période d'inactivité de plus de trois ans est excessive, sans plus . Elle aurait retenu un critère pénal de deux ans dans son arrêt B c. Autriche du 28 mars 1990 (série A n° 175), dans une espèce où la durée aurait été de trente-trois mois. Un délai raisonnable ne pourrait donc excéder deux ans, selon une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme.
152. La présente affaire présenterait des analogies frappantes avec l'arrêt Garyfallou AEBE c. Grèce , relatif à une affaire dans laquelle la détermination d'une accusation en matière pénale aurait duré plus de onze ans, délai jugé excessif par la Cour européenne des droits de l'homme.
153. Dans son arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (points 45 à 47), la Cour aurait quant à elle isolé, en ce qui concerne la procédure devant le Tribunal, deux périodes d'inaction de trente-deux et vingt-deux mois et elle aurait jugé que cette procédure n'avait pas satisfait à l'exigence du délai raisonnable.
154. DSM souligne que, dans la présente affaire, il a été invoqué devant le Tribunal une période d'inaction de la Commission qui aurait duré environ quarante et un mois.
155. Elle fait grief au Tribunal d'avoir considéré, au point 134 de l'arrêt attaqué, sans aucune motivation, que la décision PVC II avait été adoptée par la Commission dans un délai raisonnable, alors qu'il s'était écoulé un délai de cinq ans et sept mois, soit soixante-sept mois entre les décisions PVC I et PVC II. Le Tribunal aurait donc violé aussi, sans motivation, son obligation juridique d'appréciation et d'application des critères légaux du délai raisonnable. Selon la requérante, le point final ultime de ce délai serait, en l'espèce, le 20 avril 1999, jour de prononcé de l'arrêt attaqué, de sorte que, à cette date, il se serait écoulé un délai de quinze ans et sept mois depuis le mois de novembre 1983, point de départ du délai. Or, un tel délai serait excessif au regard de tous les critères.
156. Force est de constater que cette argumentation repose sur deux prémisses erronées. Elle suppose, en effet, qu'il y a lieu d'appliquer le principe du délai raisonnable à la totalité de la procédure devant la Commission, quod non, comme nous venons de le voir.
157. De même, les calculs, ou plutôt les additions, opérés par la requérante ne sont pertinents que s'il y a lieu de cumuler les phases de la procédure devant la Commission avec celles devant la juridiction communautaire, approche dont je pense avoir également démontré le caractère erroné.
158. Il y a lieu, à cet égard, de souligner en outre que, en tout état de cause, le problème posé ne saurait consister en une simple comparaison entre la durée totale de la procédure et une norme préfixée quelconque. Une telle approche méconnaîtrait en effet le caractère éminemment variable des procédures en cause qui peuvent différer tant par le nombre et la complexité des problèmes de droit et de fait posés que par celui des parties concernées. Cette situation se reproduirait d'ailleurs à tous les stades, administratifs ou judiciaires, de la procédure.
159. Dans un tel contexte, il serait absurde de vouloir définir ex ante une durée de référence unique par rapport à laquelle toute procédure, quelles que soient ses caractéristiques propres, devrait être mesurée.
160. Il s'ensuit que seule une approche casuistique est susceptible de permettre d'appliquer en pratique le principe du délai raisonnable. Au lieu d'additionner mécaniquement des périodes de temps successives, il s'agit au contraire, à chaque étape de la procédure, de vérifier si cette étape a été accomplie dans un délai raisonnable, compte tenu de ce que l'on serait en droit d'attendre pour l'étape en cause. En d'autres termes, il convient de procéder à un examen individuel de chaque phase de la procédure.
161. C'est, en substance, ainsi qu'a procédé le Tribunal.
162. Quant à l'obligation de motivation de ce dernier, il ressort de ce que nous avons exposé ci-dessus que le Tribunal a motivé les distinctions auxquelles il a procédé au titre de la détermination de la durée de la procédure. Or, puisque le caractère infondé de l'argumentation de la requérante découle directement et nécessairement de ces distinctions, le Tribunal n'avait pas à apporter de motivation additionnelle sur ce point.
163. Quant au parallèle que la requérante cherche à établir avec la jurisprudence Garyfallou AEBE c. Grèce, précitée, il est en tout état de cause inopérant puisqu'il découlerait de cette jurisprudence, à la supposer applicable en l'espèce, qu'un délai de onze ans serait excessif. Or, aucun délai de cet ordre de grandeur n'est pertinent dans la présente affaire, compte tenu du caractère erroné des cumuls proposés par la requérante.
164. Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter également la sixième branche de ce moyen.
165. Il convient donc, selon nous, de rejeter celui-ci dans sa totalité.
Quant au moyen tiré de l'invalidité des actes de procédure préalables à la décision
166. La partie requérante fait encore valoir que les effets de l'annulation ne s'étendent pas seulement à la décision finale de la Commission, mais aussi à l'ensemble des actes ayant précédé celle-ci. En effet, ces derniers devraient être considérés comme partie intégrante de l'acte annulé.
167. Elle conteste, dès lors, l'analyse développée par le Tribunal aux points 183 à 193 de l'arrêt attaqué.
168. Elle cite, tout d'abord, la jurisprudence constante selon laquelle la validité des actes préparatoires ne peut être appréciée que dans le contexte d'un recours en annulation contre l'acte final.
169. La partie requérante conteste ensuite la pertinence de la jurisprudence invoquée par le Tribunal, au motif qu'elle concernait des hypothèses différentes de l'espèce, à savoir l'annulation d'un règlement, d'une directive ou encore d'une décision en matière d'aide d'État. De plus, cette jurisprudence n'exclurait pas la possibilité que l'annulation de la décision finale affecte la validité des actes préparatoires.
170. On ne voit cependant pas pourquoi le fait que celle-ci ne puisse être contestée que dans le cadre d'un recours contre la décision finale impliquerait que la nullité de celle-ci s'étendrait auxdits actes préparatoires.
171. En effet, si ceux-ci ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation à titre autonome, c'est uniquement parce que, faute d'avoir un effet définitif, ils ne sauraient être considérés comme des actes faisant grief.
172. La question des effets de l'annulation d'une décision sur la validité des actes préalables dépend, comme l'a jugé, à juste titre, le Tribunal, des motifs d'annulation, ce que ne conteste d'ailleurs pas la partie requérante.
173. Cette affirmation, qui ne constitue d'ailleurs que l'application au cas d'espèce de la règle générale de l'autorité de la chose jugée, est confirmée tant par la jurisprudence citée par le Tribunal que par celle invoquée par la partie requérante elle-même.
174. En effet, dans les précédents cités par celle-ci , la nullité de la décision de la Commission trouvait son origine, contrairement au cas d'espèce, dans un vice de procédure affectant des actes antérieurs à la phase de l'adoption finale du texte et entraînait donc logiquement l'obligation de l'auteur de la décision de remédier à l'invalidité affectant lesdits actes préparatoires, sauf dans l'affaire Italie/Commission, précitée, où il n'y a eu annulation ni de la décision finale ni d'un acte préparatoire.
175. Ainsi, la partie requérante s'appuie notamment sur l'arrêt du Tribunal dans l'affaire Cimenteries CBR e.a./Commission où celui-ci aurait jugé que, suite à l'annulation de la décision de la Commission, ce serait l'ensemble de la procédure qui serait entaché d'illégalité.
176. Il convient cependant de replacer cette affirmation dans le contexte de l'arrêt en cause. En effet, la nullité de la décision était due à l'invalidité de la procédure préparatoire, à savoir l'accès au dossier, et non pas, comme en l'espèce, à l'absence d'authentification du texte final de la décision. Il s'ensuivait donc nécessairement que, en tirant les conséquences de l'arrêt d'annulation, il appartenait à la Commission de tenir compte des causes de celle-ci et d'y remédier, le cas échéant en effectuant à nouveau les actes de procédure dont la nullité avait causé l'invalidité de la décision finale.
177. Il en va de même des autres arrêts cités par la partie requérante. Ainsi, dans l'affaire Transocean Marine Paint/Commission, précitée, la nullité partielle de la décision attaquée trouvait également son origine dans les actes préparatoires à celle-ci. Dans les affaires British Aerospace et Rover/Commission et Italie/Commission, précitées, était en cause l'adoption par la Commission de nouvelles décisions en matière d'aides d'État, dans le contexte de litiges relatifs à l'exécution de décisions antérieures, et non pas les conséquences d'un arrêt d'annulation.
178. Il est vrai que l'arrêt BASF e.a./Commission , également cité par la partie requérante, concernait la même cause d'annulation que la présente affaire, mais il n'en découle aucunement que l'ensemble des actes préparatoires devraient être considérés comme frappés de nullité.
179. Il s'ensuit que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé qu'il y avait lieu de déterminer, à la lumière du dispositif et des motifs de l'arrêt de la Cour relatif à la décision PVC I, l'effet de l'annulation de celle-ci sur les actes préparatoires.
180. Or, cette annulation découlait du seul fait de la violation par la Commission des règles de procédure régissant exclusivement les modalités de l'adoption définitive de la décision. La nullité ne pouvait s'étendre aux étapes procédurales antérieures à la survenance de ce vice de procédure et auxquelles lesdites règles n'avaient pas vocation à s'appliquer.
181. La situation était donc analogue à celle qui a fait l'objet de l'arrêt Espagne/Commission , cité par le Tribunal, dans lequel la Cour a jugé que la procédure visant à remplacer l'acte annulé pouvait être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue.
182. Le Tribunal n'a donc pas commis d'erreur de droit en considérant que la nullité de la décision PVC I ne s'était pas étendue aux actes préalables à la décision annulée.
183. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen.
Quant au moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption de la décision PVC II
184. La partie requérante présente dans ce contexte une argumentation qui se divise en deux branches relatives, respectivement, au respect des droits de la défense et à la consultation du comité consultatif.
185. Au titre de la première branche, elle fait valoir que, en adoptant la décision PVC II sans entendre préalablement les entreprises concernées, la Commission a violé les droits de la défense dont le respect s'impose pour l'adoption de tout acte susceptible de faire grief.
186. Cette analyse serait confirmée par l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité.
187. Contrairement aux motifs contenus aux points 261 à 264 de l'arrêt attaqué, le principe fondamental du respect des droits de la défense ne pourrait être délimité et encore moins restreint par les règlements nos 17 et 99/63, en raison de la primauté des principes généraux de droit communautaire sur le droit dérivé.
188. Ce serait donc de façon erronée que le Tribunal aurait jugé que le contenu du principe se limitait à une obligation de mettre chacune des entreprises en mesure de faire connaître son point de vue sur «la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents» retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire.
189. Une telle thèse reviendrait à dénier aux entreprises le droit de se prononcer utilement sur les règles matérielles et procédurales applicables, sur la jurisprudence, sur le contexte économique, etc., et serait en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal et avec l'appréciation faite par celui-ci aux points 1021 et 1022 de l'arrêt attaqué, concernant l'accès au dossier.
190. Ainsi, en l'espèce, les entreprises auraient pu influencer l'appréciation du collège des commissaires en faisant connaître leurs arguments relatifs à la nécessité et à l'opportunité d'adopter la décision PVC II, à l'écoulement du temps, au principe non bis in idem, aux modifications des règles applicables en matière d'adoption de décisions.
191. La requérante ajoute qu'elle aurait également pu invoquer les évolutions jurisprudentielles survenues entre les décisions PVC I et PVC II, qu'il s'agisse des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la jurisprudence communautaire relative à la notion de pratique concertée. Elle mentionne dans ce contexte que, au point 27 de la décision PVC II, la Commission aurait elle-même fait état d'un arrêt de 1991.
192. DSM souligne, à cet égard, que ce serait à tort que le Tribunal aurait considéré que la décision PVC II n'aurait contenu aucun grief nouveau par rapport à la décision PVC I. La comparaison entre les deux actes révèlerait au contraire de nombreuses différences. Celles-ci ne seraient pas simplement d'ordre rédactionnel, mais constitueraient au contraire de nouveaux faits ou circonstances sur lesquels les entreprises auraient dû être invitées à se prononcer sans même qu'il y ait lieu de déterminer si ces faits nouveaux seraient à qualifier de griefs. En effet, la seule survenance de ces faits nouveaux serait suffisante pour entraîner l'obligation d'entendre les entreprises.
193. Que faut-il penser de cette argumentation?
194. Il convient de rappeler d'emblée que, comme il a été démontré ci-dessus, les actes préparatoires accomplis avant l'authentification du texte de la décision n'ont pas vu leur validité affectée par l'annulation de la décision PVC I.
195. Il s'ensuit que, contrairement à ce que semble laisser entendre DSM, les entreprises concernées ont été entendues et ont pu faire valoir leurs arguments au sujet des griefs formulés à leur encontre par la Commission.
196. La question qui se pose est, dès lors, la suivante: la Commission avait-elle néanmoins une obligation de procéder une deuxième fois à l'audition des entreprises en cause?
197. Force est de constater qu'une telle obligation ne découle ni du règlement n° 17 ni du règlement n° 99/63. Il résulte, en effet, indiscutablement de ces textes que la Commission doit donner aux entreprises visées par la communication des griefs l'occasion de s'exprimer sur les reproches formulés à leur encontre.
198. Il y est également précisé que la Commission ne peut retenir dans sa décision que des griefs au sujet desquels les entreprises ont été mises en mesure de s'exprimer.
199. Il s'ensuit que, si la décision de la Commission ne contient pas de nouveaux griefs par rapport à ceux qui ont fait l'objet de l'audition des entreprises, les règlements n'imposaient pas d'y procéder une deuxième fois.
200. À cet égard, le Tribunal a constaté aux points 252 et 266 de l'arrêt attaqué que la partie requérante n'allègue pas que la décision PVC II contienne de nouveaux griefs.
201. Il est vrai que, dans son pourvoi, DSM conteste cette affirmation. J'estime cependant que c'est en vain. Elle ne cite, en effet, à aucun moment un grief quelconque qui serait nouveau par rapport à l'audition de 1988. Elle énumère certes une série de modifications textuelles entre les décisions PVC I et PVC II sans cependant démontrer en quoi l'affirmation du Tribunal selon laquelle lesdites modifications ne constitueraient pas des griefs serait erronée.
202. Or c'est à la partie requérante qu'il incomberait de démontrer l'existence de nouveaux griefs, l'adage actori incumbit probatio étant applicable.
203. Au lieu de cela, elle s'efforce de démontrer que la question de savoir si les nouveautés contenues dans la décision PVC II doivent ou non être qualifiées de griefs n'est pas pertinente. En effet, selon DSM, le simple fait de l'existence de ces circonstances nouvelles, ainsi que de l'intention de la Commission de prendre une nouvelle décision, était suffisant pour entraîner l'obligation de l'entendre à nouveau.
204. Comme nous venons de le voir, une telle prétention ne trouve pas de soutien dans les règlements nos 17 et 99/63 puisque ceux-ci exigent uniquement que les entreprises soient mises en mesure de s'exprimer au sujet des griefs qui leur sont adressés et non pas de toute circonstance nouvelle.
205. C'est cependant à juste titre que la requérante fait valoir que les droits de la défense, dont le respect est un principe général du droit communautaire, ne sauraient être restreints par des actes de droit dérivé, tels les règlements précités.
206. S'ensuit-il pour autant qu'ils doivent être interprétés comme impliquant, dans le cas d'espèce, l'existence dans le chef de la Commission d'une obligation de consulter à nouveau les entreprises en cause? Je ne le pense pas.
207. Une telle prétention relèverait au contraire, selon moi, d'une interprétation indûment extensive de la notion de droits de la défense.
208. Il ressort, en effet, de la jurisprudence de la Cour que ce principe exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire.
209. Le respect des droits de la défense implique donc que les entreprises aient pu faire valoir leurs arguments quant aux comportements qui leur sont reprochés. En revanche, il ne va pas jusqu'à exiger que les entreprises aient été consultées sur tous les autres aspects de l'action de la Commission.
210. En l'espèce, la Commission rappelle, à juste titre, que la décision PVC II porte uniquement sur les comportements survenus entre 1980 et 1984 et sur lesquels les entreprises ont eu tout loisir de s'exprimer.
211. Le fait que, depuis cette période, il y ait eu des évolutions dans le contexte de fait et de droit est dénué de pertinence au regard du respect des droits de la défense. Ceux-ci ont été garantis par l'audition relative aux griefs qui font l'objet de la décision attaquée.
212. En revanche, la prétention de la requérante de vouloir être entendue sur toutes les évolutions ultérieures, ainsi que sur la nécessité et l'opportunité de la décision, relève plutôt d'un droit de codécision qui ne saurait découler des droits de la défense.
213. Soulignons dans ce contexte que la requérante, en demandant en l'espèce de pouvoir formuler des observations sur le projet de décision, vise en fait à participer à la prise de décision d'une façon beaucoup plus intensive que ce qu'exigent tant les règlements que la jurisprudence de la Cour. En effet, tant ceux-là que celle-ci requièrent que les entreprises soient en mesure de commenter les reproches formulés à leur encontre. En revanche, ils ne prévoient aucunement que le projet de décision finale devrait faire l'objet d'un examen contradictoire avec les entreprises.
214. Il ressort, au contraire, de la jurisprudence de la Cour qu'une telle prétention est incompatible avec le système voulu par le règlement n° 17 .
215. La possibilité que, suite au passage du temps, il y ait eu des évolutions jurisprudentielles n'infirme pas les conclusions qui précèdent. En effet, de telles évolutions, que la requérante mentionne d'ailleurs sans donner la moindre précision quant à leur contenu, sont susceptibles de survenir à tout moment de la procédure et on ne saurait exiger de la Commission qu'elle organise à chaque fois une nouvelle audition. Tel est d'autant plus le cas que de telles évolutions n'entraînent aucune obligation pour la Commission de modifier la décision qu'elle est en train de prendre.
216. Il en va de même en ce qui concerne d'éventuelles modifications du règlement intérieur de la Commission, également évoquées par la requérante. Celles-ci seraient d'autant moins pertinentes que, par définition, elles ne sauraient concerner les griefs reprochés aux entreprises.
217. Il découle de ce qui précède que la première branche de ce moyen n'est pas fondée.
218. Au titre de la seconde branche, la partie requérante souligne que, en vertu de l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes est consulté avant toute décision en matière de procédure d'infraction.
219. La référence faite par le Tribunal à l'article 1er du règlement n° 99/63 ainsi qu'à la jurisprudence Hoechst/Commission serait erronée.
220. Elle ajoute que ce serait également à tort que le Tribunal aurait considéré qu'il n'y avait pas de modifications substantielles entre les deux décisions. En fait, la Commission aurait opéré plusieurs modifications significatives. Or, il ressortirait de l'arrêt attaqué que le Tribunal lui-même admettrait qu'il aurait fallu consulter le comité s'il y avait eu de telles modifications.
221. Enfin, le Tribunal aurait méconnu l'importance de l'obligation de collaboration institutionnelle qui pèserait sur la Commission. Or, la consultation du comité serait la garantie du respect de cette obligation.
222. Rappelons, tout d'abord, qu'il a déjà été établi que les actes préparatoires à la décision n'avaient pas été affectés par l'annulation de celle-ci. Il s'ensuit que le comité consultatif a effectivement été consulté avant l'adoption de la décision PVC II.
223. La seule question qui se pose est donc celle de savoir si la Commission avait une obligation de procéder à une deuxième consultation du comité.
224. Il ressort des considérants du règlement n° 17 que la Commission assure sa mission en étroite liaison avec les autorités des États membres. L'article 10 du règlement précise expressément que le comité se prononce sur un avant-projet de décision.
225. Il s'ensuit donc qu'il n'a pas nécessairement à être saisi du texte définitif de celle-ci. Cela est d'ailleurs confirmé par les considérants du règlement n° 99/63 qui précisent que l'instruction du dossier par la Commission peut se poursuivre après la consultation du comité.
226. Il n'en demeure pas moins que cette consultation serait privée d'objet si la décision finale se différenciait fondamentalement du texte soumis au comité.
227. C'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré pertinent le fait que la décision PVC II ne présentait pas de modifications substantielles par rapport à la décision PVC I. Je partage son analyse à cet égard. On ne saurait, en effet, considérer comme substantielles des modifications telles que la suppression de deux considérants qui n'étaient présents que dans une des versions linguistiques ou encore le fait de retirer de la liste des destinataires les entreprises non concernées par l'annulation de la décision antérieure.
228. Il en va de même de l'ajout d'une référence jurisprudentielle au point 27 de la décision, cette référence ne venant que confirmer celle qui y figurait déjà auparavant, ainsi que de développements relatifs à la prescription , qui, en l'espèce, ne concernent ni la matérialité des faits allégués ni les éléments essentiels de l'analyse juridique opérée par la Commission.
229. La conclusion du Tribunal, selon laquelle, en l'absence de modification substantielle de la décision, une nouvelle consultation du comité ne s'imposait pas, n'est donc pas entachée d'erreur de droit.
230. Elle est d'ailleurs confirmée par l'analogie avec la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la reconsultation du Parlement européen ne s'impose que si l'acte finalement adopté s'écarte dans sa substance même de celui sur lequel le Parlement a déjà été consulté . On ne voit pas, en effet, de raison de ne pas appliquer mutatis mutandis, voire a fortiori, cette jurisprudence à la consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.
231. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter également la deuxième branche de ce moyen.
232. Celui-ci est donc infondé dans sa totalité.
Quant au moyen tiré d'une motivation insuffisante
233. La partie requérante reproche au Tribunal d'avoir mal motivé, aux points 386 à 390 de son arrêt, son rejet du moyen qu'elle avait tiré de la violation, par la Commission, de son obligation de motiver la décision attaquée.
234. Elle expose que celle-ci aurait dû comporter une motivation relative au retard avec lequel la Commission s'est prononcée, au choix procédural de ne pas de nouveau communiquer les griefs et entendre les parties, à l'utilisation de pièces découvertes dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en violation du droit de ne pas s'accuser soi-même, au refus d'autoriser l'accès au dossier dans des conditions conformes à la jurisprudence, à l'imposition d'une amende reposant pourtant sur une erreur de fait et à la conclusion selon laquelle la décision PVC I resterait valable à l'égard de Norsk Hydro AS.
235. Or, le Tribunal n'aurait pas expliqué de façon suffisante son rejet de cet argument.
236. La thèse de la requérante n'emporte pas la conviction.
237. Rappelons, à cet égard, qu'il est de jurisprudence constante que l'obligation de motiver un acte vise à permettre au justiciable de comprendre les raisons qui servent de fondement audit acte afin de le contester le cas échéant, et au juge d'exercer son contrôle sur la légalité de celui-ci .
238. Il s'ensuit que la décision attaquée doit exposer de façon suffisamment élaborée la nature de l'infraction reprochée à son destinataire, les raisons pour lesquelles la Commission estime être en présence de ladite infraction et les obligations qu'elle entend imposer au destinataire.
239. Or, il ne découle aucunement de l'argumentation développée par la requérante que la Commission aurait manqué à cette obligation dans la présente affaire. En effet, DSM n'allègue pas que le texte de la décision ne lui permettait pas de comprendre sans aucune difficulté la nature des reproches formulés par la Commission, ainsi que la façon dont celle-ci les justifiait.
240. Force est donc de conclure que la partie requérante n'établit pas une violation de l'obligation de motivation incombant à la Commission.
241. Il convient de souligner, en outre, que le fait que celle-ci n'ait pas, dans sa décision, réfuté l'ensemble des griefs formulés par la requérante ne saurait être considéré comme une violation de l'obligation de motivation, dès lors que celle-ci satisfait aux conditions exposées ci-dessus.
242. En effet, l'obligation de motivation ne saurait inclure, sous peine de paralyser l'exercice de tout pouvoir de décision, celle de rejeter par avance l'ensemble des griefs qui pourraient être formulés au stade du recours contentieux.
243. Si des griefs tels que ceux cités par la requérante s'avéraient fondés, ce serait le bien-fondé de la décision qui serait en cause. Il ne s'ensuivrait pas, en revanche, que la motivation de celle-ci n'ait pas été de nature à permettre à la requérante de comprendre la mesure prise à son égard et les raisons invoquées pour la justifier, que ce soit à juste titre ou non.
244. Le Tribunal n'a pas dit autre chose au point 389 de l'arrêt attaqué, où il expose que le fait que la Commission ne fournisse aucune explication en ce qui concerne les griefs cités ci-dessus ne saurait constituer un défaut de motivation, puisque ces arguments ne visent, en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission relative à ces différentes questions. Or, une telle contestation relevant de l'examen du bien-fondé de la décision, elle ne saurait être pertinente dans le cadre de l'examen du caractère suffisant, ou non, de la motivation de l'acte attaqué.
245. Il s'ensuit que le reproche d'une motivation insuffisante de l'arrêt sur ce point n'est pas fondé.
246. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen.
Quant au moyen tiré de l'inviolabilité du domicile
247. La partie requérante rappelle que la Cour a considéré, dans ses arrêts Hoechst/Commission, précité, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission , que le principe de l'inviolabilité du domicile, consacré par l'article 8 de la CEDH, ne s'appliquerait pas aux locaux commerciaux. Or, il ressortirait d'une jurisprudence ultérieure de la Cour européenne des droits de l'homme que la protection accordée par cette disposition bénéficierait également aux locaux professionnels.
248. Ce serait à tort que le Tribunal aurait considéré cette «évolution» comme dépourvue d'«incidence directe» sur les solutions découlant des arrêts de la Cour.
249. Or, en l'espèce, ce serait à double titre que les exigences de l'article 8 de la CEDH, interprété à la lumière des critères de l'arrêt Niemietz, précité, auraient été méconnues: le mandat sur base duquel une vérification a été effectuée dans les locaux de la requérante aurait été rédigé en des termes trop vagues et la manière dont la vérification a été effectuée aurait constitué une violation disproportionnée du secret professionnel.
250. Le Tribunal aurait examiné ces deux questions à la lumière d'un critère juridique incorrect, en se fondant sur un «principe général de droit communautaire» au lieu d'appliquer l'article 8 de la CEDH. Ce serait pour cette raison qu'il n'aurait pas conclu à l'irrégularité des vérifications en cause et donc à l'impossibilité pour la Commission d'utiliser les preuves ainsi obtenues.
251. J'ai déjà rappelé qu'il ressort tant de la jurisprudence que du traité que c'est à titre de principe général du droit communautaire que la Communauté respecte les droits fondamentaux tels que l'inviolabilité du domicile, consacrée par l'article 8 de la CEDH. Il s'ensuit que l'on ne saurait faire grief au Tribunal d'avoir compris le moyen de la requérante comme visant une violation d'un principe fondamental consacré par la jurisprudence de la Cour.
252. Il n'en irait autrement que s'il apparaissait que la protection d'un droit fondamental aurait été compromise parce que le principe de droit communautaire appliqué par le Tribunal aurait une portée moindre que le droit fondamental dont la violation est alléguée.
253. C'est ce que la requérante cherche à démontrer en l'espèce en laissant entendre que la jurisprudence de la Cour appliquée par le Tribunal serait dépassée par l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
254. Elle s'appuie à cette fin sur le point 30 de l'arrêt Dow Benelux/Commission, précité , où la Cour a jugé que l'article 8 de la CEDH ne s'appliquait pas aux locaux professionnels, en le contrastant avec l'arrêt Niemietz c. Allemagne de la Cour européenne des droits de l'homme.
255. La partie requérante passe cependant sous silence le point 31 de l'arrêt Dow Benelux/Commission, précité, sur lequel le Tribunal a, à juste titre, fondé l'affirmation figurant au point 420 de son arrêt, que critique la requérante. La Cour s'y est exprimée dans les termes suivants:
«Il n'en demeure pas moins que, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées. L'exigence d'une telle protection doit donc être reconnue comme un principe général du droit communautaire.»
256. Il s'ensuit que, même si la Cour a considéré que l'article 8 de la CEDH ne s'appliquait pas aux locaux des entreprises, elle n'en a pas pour autant jugé que ceux-ci ne méritaient aucune protection et a, au contraire, déterminé les principes régissant celle-ci.
257. C'est, dès lors, à bon droit que le Tribunal a considéré que, puisque les personnes morales étaient en tout état de cause protégées en droit communautaire, les évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur ce point étaient en l'espèce dénuées d'incidence directe.
258. La requérante ne démontre d'ailleurs à aucun moment en quoi le principe de droit communautaire dégagé par la Cour aurait un caractère protecteur moindre que l'article 8 de la CEDH, même lu à la lumière de l'arrêt Niemietz c. Allemagne, précité.
259. Elle serait d'ailleurs bien en peine, selon moi, de faire une telle démonstration. En effet, ni la lecture de la CEDH ni l'analyse de la jurisprudence citée ne justifierait, selon moi, une telle conclusion.
260. À cet égard, il suffit, par exemple, de remarquer que, parmi les critères retenus par la Cour, figurent le fondement légal de la mesure et sa justification par des raisons prévues par la loi, ce qui n'est pas sans rappeler les termes de l'article 8, paragraphe 2, de la CEDH qui évoque une «ingérence prévue par la loi», qui soit «nécessaire» dans une société démocratique.
261. La requérante invoque encore deux arguments démontrant, selon elle, la violation de son droit fondamental en l'espèce.
262. Elle invoque, en premier lieu, le caractère indûment général du mandat sur la base duquel ont été opérées les vérifications litigieuses. Les termes employés n'auraient imposé aucune limite à l'action de la Commission.
263. C'est toutefois à juste titre que le Tribunal a rappelé que, en vertu de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, les vérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire des entreprises. Dès lors qu'une entreprise a, comme en l'espèce, effectivement collaboré à une vérification opérée sur mandat, elle ne saurait, sans apporter le moindre élément de nature à démontrer que la Commission est allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise, invoquer une ingérence excessive de l'autorité publique.
264. DSM allègue, en second lieu, que le déroulement des vérifications aurait été constitutif d'une atteinte disproportionnée au secret professionnel.
265. Force est cependant de constater qu'elle ne fournit aucun élément concret de nature à étayer cette affirmation.
266. Il convient, en outre, de rappeler que, à la différence du secret de sa correspondance avec son défenseur, qui relève du secret professionnel de ce dernier et dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'il ait été affecté en l'espèce, l'entreprise ne saurait voir une violation du secret professionnel dans le fait que la Commission obtient copie d'un grand nombre de documents.
267. Ce n'est, en effet, que si les agents de celle-ci violaient l'obligation que leur impose l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17 de ne pas divulguer les informations obtenues relevant du secret professionnel qu'il y aurait une violation de celui-ci. Il n'est aucunement allégué que tel aurait été le cas en l'espèce.
268. Il découle de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'inviolabilité du domicile est dénué de fondement.
269. Il convient donc de le rejeter.
Quant au moyen tiré de la violation du droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination
270. La requérante estime qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi que, implicitement, de l'arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, qu'une entreprise accusée d'une violation du droit communautaire de la concurrence a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
271. DSM souligne que, dans son arrêt Funke c. France du 25 février 1993 (série A n° 256 A, § 44), la Cour européenne des droits de l'homme a précisé qu'un prévenu dispose du droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination. Il s'agissait d'une affaire dans laquelle une personne avait été condamnée du chef de son refus de remettre, à la demande des autorités, des documents qui auraient pu contribuer à sa propre incrimination, une telle condamnation étant qualifiée par ladite Cour de violation de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Cet arrêt impliquerait donc non seulement que l'accusé a le droit de se taire, mais aussi qu'il ne peut pas être contraint de produire des documents qui peuvent être utilisés contre lui.
272. À cet égard, DSM fait valoir que, contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal, son recours concernait non seulement les questions contenues dans les décisions de demande de renseignements de la Commission, visées aux points 451 à 453 de l'arrêt attaqué et auxquelles il n'avait pas été répondu, mais également les réponses données par ICI, BASF AG, Elf Atochem, Solvay et Shell International Chemical Company Ltd qui auraient été spécifiquement mentionnées dans la réplique et auraient contribué à l'établissement de la preuve par la Commission. Elle prétend que le Tribunal a donc jugé à tort, au point 453 de l'arrêt attaqué, que l'illégalité des questions en cause, admise au point 451, n'emportait aucune conséquence sur la légalité de la décision PVC II.
273. DSM reproche également au Tribunal d'avoir, au point 448 de l'arrêt attaqué, jugé que la reconnaissance d'un droit au silence absolu irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense et constituerait une entrave à l'accomplissement, par la Commission, de sa mission. En refusant ainsi d'appliquer l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, le Tribunal aurait procédé à une appréciation incorrecte. Toute restriction au droit découlant de cette disposition porterait atteinte au plein effet de celle-ci. Dans son arrêt Saunders (n° 43/1994/490/572, § 74) , la Cour européenne des droits de l'homme aurait, au demeurant, rejeté la justification, invoquée par un gouvernement, de restrictions tirées d'un intérêt public.
274. Le Tribunal aurait considéré à tort, également au point 448 de l'arrêt attaqué, que les entreprises avaient eu toute faculté pour faire valoir leur point de vue sur les documents déposés en violation du droit invoqué, le préjudice contre lequel ce droit vise à offrir une protection ayant déjà été subi. DSM se réfère, à cet égard, aux arrêts visés au point 446 de l'arrêt attaqué.
275. Le respect des droits de la défense exigerait que des documents obtenus en violation de ces derniers ne puissent être utilisés à des fins probatoires. Elle cite, à cet égard, le point 34 de l'ordonnance du président de la Cour Hoechst/Commission , le point 16 de l'arrêt Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission ainsi que les paragraphes 69 et 74 de l'arrêt Saunders, précité.
276. Enfin, il ressortirait du paragraphe 71 de ce dernier arrêt, précité, que la distinction, faite dans les arrêts auxquels renvoie le Tribunal au point 449 de l'arrêt attaqué, entre des questions factuelles, autorisées, et des questions, non autorisées, par lesquelles l'entreprise serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve, est juridiquement incorrecte. En effet, une information purement factuelle pourrait aussi relever de la protection du droit de ne pas s'incriminer soi-même.
277. En l'espèce, les réponses d'ICI, de BASF AG, d'Elf Atochem, de Solvay et de Shell International Chemical Company Ltd, susvisées, n'auraient donc pas pu être utilisées par la Commission à des fins probatoires.
278. Il convient, tout d'abord, de souligner que, contrairement aux affirmations de la requérante, il ne ressort d'aucune énonciation de l'arrêt attaqué que le Tribunal aurait considéré que son recours ne concernait que les questions que la Commission lui avait posées et non pas les réponses d'autres entreprises.
279. Le raisonnement du Tribunal n'opère, en effet, aucune distinction à cet égard. Il distingue, en revanche, entre les questions identiques à celles en cause dans l'affaire Orkem/Commission, précitée, qu'il considère comme illicites et il examine les conséquences de cette illicéité, et les autres.
280. Dès lors, apparaît infondée la seule critique formulée par la requérante à l'encontre de la conclusion du Tribunal selon laquelle l'illégalité de certaines questions n'emporte aucune conséquence sur la légalité de la décision de la Commission, puisque les entreprises ont soit refusé de répondre à ces questions, soit nié les faits sur lesquels elles portaient.
281. Le Tribunal a, en effet, constaté, au point 454 de l'arrêt attaqué, sans être contredit par les écrits de la requérante, que les entreprises «n'ont identifié aucune réponse qui aurait été apportée précisément à ces questions, ni indiqué l'utilisation que la Commission aurait faite de ces réponses dans sa décision».
282. En d'autres termes, le Tribunal constate donc que les entreprises mises en cause n'ont pas, en réalité, contribué à leur propre incrimination. Dès lors, la violation du principe était, en tout état de cause, dénuée d'effet sur la capacité de celles-ci à se défendre et donc non susceptible d'entraîner la nullité de la décision.
283. Il est vrai que le point 454 de l'arrêt attaqué a été contesté à l'audience par la requérante, sans cependant que celle-ci n'apporte de précisions à cet égard.
284. Faisant abstraction de la question de la recevabilité de cette contestation, soulignons que l'affirmation du Tribunal n'est cependant que la conséquence inévitable de celle contenue au point 452, selon laquelle les entreprises n'auraient pas répondu aux questions illicites en vertu de la jurisprudence Orkem/Commission, précitée, ou auraient contesté les faits y évoqués, affirmation que la requérante semble d'ailleurs confirmer dans son pourvoi.
285. Il est donc permis de supposer que la contestation formulée à l'audience vise les réponses à des questions autres que celles relevant de la jurisprudence Orkem/Commission, précitée, qui ne font pas l'objet du point 454 de l'arrêt attaqué.
286. En tout état de cause, la distinction entre les réponses relevant de la jurisprudence Orkem/Commission, précitée, et les autres n'est pas déterminante aux yeux de la requérante.
287. La partie requérante estime, en effet, que les entreprises ont un droit au silence qu'aucune considération d'intérêt public ne saurait restreindre. Dès lors, même les réponses aux questions qui ne seraient pas inadmissibles au sens de la jurisprudence Orkem/Commission, précitée, ne pourraient pas être utilisées par la Commission, puisqu'elles auraient été obtenues en vertu d'un pouvoir de contrainte contraire au droit de ne pas participer à sa propre incrimination.
288. Il s'ensuivrait, même si DSM se garde bien de le dire explicitement, qu'une entreprise ne pourrait jamais être contrainte de fournir des informations à la Commission.
289. Dès lors, l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, qui prévoit précisément un tel pouvoir de contrainte, serait contraire à ce droit fondamental.
290. Une telle prétention est en contradiction manifeste avec la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, rappelée à juste titre par celui-ci.
291. Il en ressort, en effet, que, si la Commission a l'obligation de respecter les droits de la défense et ne saurait donc imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve, il n'en demeure pas moins que le règlement n° 17 ne reconnaît à l'entreprise aucun droit de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'investigation au motif que ses résultats pourraient fournir la preuve d'une infraction aux règles de la concurrence qu'elle a commise.
292. Il lui impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à l'objet de l'enquête.
293. La requérante fait valoir que l'arrêt Orkem/Commission, précité, serait dépassé par la jurisprudence plus récente de la Cour européenne des droits de l'homme, en particulier les arrêts Funke c. France et Saunders, précités.
294. La Commission fait cependant valoir que cette jurisprudence est beaucoup plus nuancée que la requérante ne le laisse entendre. Elle souligne, à cet égard, que, dans l'affaire Funke c. France, précitée, était en cause une demande des autorités douanières visant des documents dont elles soupçonnaient l'existence sans toutefois en avoir la certitude, alors que, en l'espèce, la Commission a demandé des renseignements dont elle était certaine qu'ils étaient en possession des entreprises concernées.
295. Quant à l'affaire Saunders, elle concernait, selon la Commission, non pas l'obtention de documents par la contrainte, mais l'usage abusif de telles informations.
296. En tout état de cause, point n'est nécessaire en l'espèce d'examiner plus avant la question de savoir si la jurisprudence de la Cour est désormais caduque du fait de l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
297. En effet, pour que se pose un problème de droit à ne pas s'incriminer soi-même, encore faut-il qu'il y ait eu contrainte exercée à l'encontre d'une entreprise afin d'obtenir des informations utilisées contre celle-ci ou contre les autres entreprises concernées.
298. Or, la partie requérante est incapable de faire la moindre affirmation concrète en ce sens. Elle se limite à faire valoir que la Commission a utilisé les réponses faites par certaines des autres entreprises concernées par la procédure.
299. Il ne s'en déduit nullement que celles-ci ont été contraintes de fournir lesdites réponses. Même à supposer que ces dernières aient été données suite à des demandes fondées sur l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, ce sur quoi la requérante ne donne aucun détail, il ne s'ensuit pas qu'elles ont été données sous la contrainte.
300. En effet, la simple existence d'un pouvoir de contrainte, tel que celui découlant de cette disposition, ne saurait impliquer la conclusion que la contrainte a effectivement été exercée. Au contraire, l'absence, de la part des entreprises destinataires d'éventuelles décisions de demande de renseignements, de tout recours formulé à l'encontre de celles-ci autorise plutôt la conclusion que lesdites entreprises n'ont pas émis d'objection de principe à l'encontre de ces demandes.
301. Faute de fournir un élément de preuve quelconque à cet égard, la partie requérante ne saurait donc alléguer qu'il y ait eu, en l'espèce, divulgation d'informations sous la contrainte.
302. Il s'ensuit qu'elle n'établit pas que son droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination a été violé en l'espèce, et ce quelle que soit la portée qu'il convient d'y donner.
303. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Quant au moyen tiré de la violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17
304. La partie requérante rappelle que, en vertu de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17, les informations recueillies en application des articles 11, 12, 13 et 14 du règlement «ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées».
305. Or, la Commission aurait utilisé, à titre de preuve dans l'affaire PVC, des documents obtenus dans le cadre d'une enquête différente, à savoir celle concernant le polypropylène.
306. Il y aurait donc violation de l'article 20 du règlement n° 17. Ce serait à tort que le Tribunal aurait jugé que le fait que la Commission avait demandé à nouveau, dans le cadre de l'enquête sur le PVC, les documents litigieux permettait de considérer qu'il n'y avait pas eu de violation du règlement.
307. En effet, s'il suffisait à la Commission, pour pouvoir utiliser des documents dans une autre procédure que celle dans laquelle elle les a obtenus, de les redemander dans le cadre de cette nouvelle procédure, la garantie des droits de la défense représentée par l'article 20 du règlement serait vidée de sa substance.
308. Le Tribunal aurait également contredit la jurisprudence de la Cour, dont il ressortirait que de tels documents peuvent être utilisés comme indice pour entamer une nouvelle enquête, mais non pas comme preuves directes de l'existence d'une infraction dans un autre secteur.
309. Une telle situation serait, en outre, contraire au principe du procès équitable, consacré par l'article 6 de la CEDH.
310. Soulignons d'emblée que le Tribunal a constaté le fait que tous les documents litigieux ont été demandés et obtenus par la Commission une nouvelle fois, dans le cadre de l'enquête portant sur le PVC, après qu'elle en eut déjà disposé suite à l'enquête relative au polypropylène.
311. La partie requérante conteste certes l'affirmation du Tribunal selon laquelle il n'aurait pas été possible d'identifier les documents de DSM. Elle affirme cependant elle-même que ces documents ont, eux aussi, fait l'objet d'une nouvelle demande de la part de la Commission.
312. C'est donc à juste titre que le Tribunal a résumé le problème posé comme se limitant au point de savoir si la Commission, ayant obtenu des documents dans une première affaire et les ayant utilisés comme indice pour ouvrir une autre procédure, est en droit de demander, sur le fondement de mandats ou décisions relatifs à cette seconde procédure, une nouvelle copie de ces documents et de les utiliser alors comme moyens de preuve dans cette seconde affaire.
313. Il ressort, en effet, indiscutablement de la jurisprudence de la Cour que la Commission est en droit d'utiliser des documents obtenus dans le cadre d'une première procédure à titre d'indice pour en entamer une deuxième. Cela n'est d'ailleurs pas contesté par les parties.
314. Se pose alors la question de savoir ce que la Commission est en droit de faire, concernant ces documents dont elle dispose déjà, une fois la nouvelle enquête entamée.
315. Puisque est en cause le fait pour la Commission de demander une nouvelle fois un document dont elle dispose déjà, et dont les entreprises savent d'ailleurs non seulement qu'il est en sa possession mais aussi dans quelles conditions elle l'a obtenu, car elles l'ont elles-mêmes remis à celle-ci dans le cadre d'une procédure antérieure, on ne voit pas comment pourrait se poser un problème de violation du secret professionnel, que l'article 20 du règlement vise à protéger.
316. La Cour a toutefois précisé dans son arrêt Dow Benelux/Commission, précité, que cette disposition vise également à préserver les droits de la défense qui seraient «gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but de celle-ci» (point 18).
317. Il s'ensuit que cette disposition vise à protéger les entreprises de l'effet de surprise qui jouerait contre elles s'il était loisible à la Commission d'utiliser sans limites toutes les preuves trouvées lors d'une vérification.
318. Elle vient donc compléter les termes de l'article 14 et, d'ailleurs, de l'article 11 du règlement qui imposent à la Commission de définir avec précision l'objet et le but de la vérification ou de la demande de renseignement. Cette obligation constitue, aux termes de la jurisprudence, la contrepartie du devoir de collaboration des entreprises.
319. Il est évident que les entreprises ne sont aucunement privées de cette protection si la Commission procède à une nouvelle demande pour obtenir un document. En effet, les entreprises se trouvent là, du point de vue de la défense de leurs droits, dans la même situation que si la Commission ne disposait pas encore du document (avec cette seule exception que la Commission sait exactement ce qu'elle doit demander).
320. Il s'ensuit que les limites que la Cour a voulu imposer à l'utilisation de ces documents consistent en l'impossibilité de les invoquer à titre de preuve sans qu'ils aient fait l'objet des garanties prévues par le règlement n° 17, c'est-à-dire les conditions de fond et de forme prévues par les articles 11 et 14 du règlement, dont le respect est soumis au contrôle de la juridiction communautaire. Il s'agit, en d'autres termes, d'empêcher la Commission de contourner ces garanties en (ré)utilisant des documents dans un autre contexte sans accomplir les procédures préalables dans ce nouveau contexte, privant ainsi les entreprises des garanties prévues par le règlement.
321. Il serait en revanche totalement hors de proportion avec cet objectif de contraindre la Commission, une fois la nouvelle procédure entamée, de consigner totalement aux oubliettes le document utilisé comme indice pour la lancer. On imagine d'ailleurs difficilement, en pratique, la forme que devrait prendre cette nouvelle enquête menée par la Commission, obligatoirement frappée d'«amnésie aiguë», pour reprendre l'expression évoquée par la Cour dans son arrêt Asociación Española de Banca Privada e.a. .
322. Il découle de tout ce qui précède que ni les droits de la défense ni le principe de loyauté du procès ne s'opposent à ce que la Commission redemande des documents dont elle a eu connaissance dans le cadre d'une autre procédure.
323. Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17.
Quant au moyen tiré d'une violation des règles applicables à l'accès au dossier de la Commission
324. DSM rappelle que, au cours de la procédure administrative, elle n'avait pas bénéficié d'un accès complet au dossier de la Commission, un tel accès lui ayant été accordé ensuite, lors d'une mesure d'organisation de la procédure prise par le Tribunal en cours d'instance, à l'exception des documents internes de la Commission et de documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles.
325. Elle souligne que, au point 1021 de l'arrêt attaqué, le Tribunal s'est référé à sa jurisprudence selon laquelle, pour constater une violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgation de documents a pu influencer, au détriment de l'entreprise, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission . Selon DSM, il découle de cette jurisprudence qu'il n'est pas nécessaire que la non-divulgation des documents ait exercé une influence effective. Il suffirait qu'une possibilité ait existé.
326. La requérante relève encore que, au point 1022 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué qu'une violation des droits de la défense au stade de la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devant le Tribunal, celui-ci ne pouvant pas remplacer une instruction complète de l'affaire dans le cadre d'une procédure administrative .
327. DSM reproche au Tribunal d'avoir ensuite, en contradiction avec les prémisses ainsi posées, procédé lui-même à un examen minutieux des pièces auxquelles les entreprises n'avaient pas eu accès pendant la procédure administrative, afin de déterminer si leur non-divulgation avait pu influencer, au détriment desdites entreprises, le déroulement de la procédure administrative et le contenu de la décision PVC II. Elle estime que le Tribunal a, ainsi, agi lui-même comme auteur de l'instruction et a opéré une régularisation a posteriori. De surcroît, il aurait violé le principe même qu'il avait énoncé, à savoir que la simple constatation d'une possibilité d'influence au détriment de la requérante suffisait à justifier une annulation. Dans ces conditions, la Commission aurait tout intérêt à refuser l'accès au dossier, sachant qu'une régularisation sera toujours possible dans le cadre d'une procédure juridictionnelle ultérieure.
328. Le Tribunal aurait donc violé sa propre jurisprudence ainsi que, par ailleurs, le principe général d'égalité des armes, auquel renvoie le point 1012 de son arrêt. Selon la requérante, le droit d'égalité d'accès au dossier, qui résulterait de l'article 6 de la CEDH , ne peut avoir de sens que si la simple constatation d'un accès incomplet au dossier entraîne l'annulation de la décision de la Commission.
329. Il ressort de la description qui précède que la requérante, après avoir pourtant cité avec approbation la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, pour constater une violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgation des documents en question a pu influencer, au détriment de la requérante, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision, prétend que la simple constatation d'un accès incomplet au dossier doit entraîner l'annulation de la décision de la Commission.
330. Cette prétention ne trouve aucun soutien dans la jurisprudence du Tribunal invoquée par la requérante. En effet, il en ressort, au contraire, que c'est uniquement lorsque la non-divulgation d'un document a pu nuire à la défense de la requérante qu'elle est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision de la Commission. En revanche, la non-divulgation d'un document insusceptible d'être utile à la défense de l'entreprise n'a, en vertu de cette jurisprudence, pas de conséquence sur la validité de la décision.
331. Comme le dit, à juste titre, la Commission, l'accès au dossier n'est pas une fin en soi, mais vise à permettre aux entreprises d'exercer de façon effective leurs droits de la défense. Il s'ensuit logiquement que, lorsqu'une irrégularité dans l'accès au dossier n'a pas eu d'effet sur l'exercice desdits droits, elle ne saurait entraîner l'annulation de la décision attaquée.
332. La requérante se réfère également au principe général d'égalité des armes, tel que cité par le Tribunal au point 1012 de l'arrêt attaqué, qui renvoie à sa jurisprudence Solvay/Commission, précitée. Force est cependant de constater qu'il s'agissait, là encore, uniquement de l'accès à des documents éventuellement utiles à la défense.
333. De même, le principe d'égalité d'accès au dossier, découlant selon la requérante de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, ne saurait impliquer qu'une décision de la Commission doive être annulée lorsque l'exercice des droits de la défense n'a pas été affecté.
334. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal a considéré, conformément à sa jurisprudence existante, que ce n'était que si la non-divulgation de documents avait pu avoir un effet néfaste pour la requérante qu'il y aurait lieu d'annuler la décision litigieuse.
335. Il était, dès lors, parfaitement logique de sa part qu'il vérifiât si cette condition était remplie en l'espèce. On ne voit guère comment il aurait pu appliquer autrement cette jurisprudence, sauf à priver ladite condition de toute substance.
336. La requérante est donc mal venue à faire valoir que le Tribunal aurait procédé à une régularisation a posteriori de la procédure devant la Commission. Il n'a, en effet, rien fait de tel. Il a tout simplement vérifié si la condition découlant de sa jurisprudence, dont la partie requérante ne conteste pas le bien-fondé, était remplie en l'espèce.
337. C'est donc à tort que la partie requérante, qui n'allègue pas dans ses écrits que le Tribunal ait commis une erreur dans le cadre de cette vérification, reproche à celui-ci le fait même d'y avoir procédé.
338. Il est vrai qu'il a été soutenu à l'audience que l'examen des documents auxquels a procédé le Tribunal, pour déterminer s'il y avait eu, en l'espèce, une violation des droits de la défense, reposait sur une approche erronée.
339. Il a, en effet, été dit que le Tribunal, au lieu de se placer dans la perspective ex ante de l'entreprise, a au contraire recouru à une approche ex post. En d'autres termes, au lieu d'examiner si l'entreprise aurait pu utiliser les documents litigieux, il aurait analysé si le recours par l'entreprise à ces documents aurait pu aboutir à ce que la décision ait un contenu différent de celui qui a finalement été le sien.
340. Il est vrai que, au point 1074 de l'arrêt attaqué, le Tribunal constate qu'aucune des requérantes «n'établit que le déroulement de la procédure et la Décision aient pu être influencés, à son détriment, par le défaut de divulgation d'un document dont elle aurait dû avoir connaissance».
341. Or, au point 81 de son arrêt Hercules Chemicals/Commission , la Cour a explicitement jugé que «l'entreprise concernée ne doit pas démontrer que, si elle avait eu accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications des griefs, la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais seulement qu'elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense».
342. Faut-il, dès lors, considérer que le Tribunal a effectivement recouru à un critère d'analyse erroné?
343. Je ne le pense pas. Ainsi, il a également, pour analyser des documents, utilisé les termes «affecter les possibilités de défense des requérantes» (point 1035 de l'arrêt attaqué), «en quoi leurs droits de la défense auraient été affectés» (point 1036), «affecté les possibilités de défense des entreprises» (point 1041), «comporter un quelconque élément utile à la défense des requérantes» (point 1073).
344. D'ailleurs l'expression «déroulement de la procédure» utilisée au point 1074 se réfère elle-même, implicitement, aux possibilités des entreprises de se défendre au cours de celle-ci.
345. En outre, la lecture des développements consacrés à cet examen par le Tribunal révèle de façon indiscutable que celui-ci a examiné si les documents en cause auraient présenté la moindre utilité pour les requérantes. Il n'a donc pas limité son analyse à la question de savoir si le défaut de communication des documents litigieux avait eu des conséquences sur le contenu de la décision finale.
346. En effet, son exposé aboutit, pour l'essentiel, à démontrer que les documents concernés, loin de donner un argument à la requérante, étaient soit insusceptibles d'être invoqués par celles-ci, du fait de leur nature ou de leur objet, soit, du fait de leur contenu, de nature à confirmer les conclusions de la Commission, ou en tout cas pas de nature à y apporter la moindre contradiction.
347. J'estime, par conséquent, que le Tribunal s'est conformé dans sa méthode d'analyse à la jurisprudence précitée de la Cour.
348. En outre, même si tel n'était pas le cas, il incomberait encore à la requérante de démontrer l'existence de documents dont le Tribunal aurait à tort jugé que la non-divulgation n'était pas de nature à compromettre les droits de la défense.
349. Elle ne saurait, en effet, se contenter d'exposer in abstracto que le Tribunal aurait recouru à un critère erroné. Encore faudrait-il démontrer que cette erreur aurait eu pour conséquence qu'un document, dont le Tribunal aurait, au contraire, jugé qu'il n'était pas de nature à entraîner de la part de la Commission l'adoption d'une décision différente, aurait, au contraire, pu être invoqué par les entreprises.
350. On ne saurait d'ailleurs interpréter la jurisprudence de la Cour comme signifiant qu'il suffit à l'entreprise d'affirmer qu'elle aurait pu, en théorie, utiliser pour sa défense le document en cause. Force est, en effet, de considérer, sauf à aboutir à des conséquences absurdes, qu'il doit être établi que l'utilisation dudit document par la défense, même si l'on ne saurait avoir la certitude qu'elle aurait changé l'opinion de la Commission, devait avoir des chances plausibles de succès.
351. En tout état de cause, la requérante se garde bien d'identifier le moindre document dont elle aurait pu faire usage pour sa défense et dont le Tribunal aurait donc jugé à tort que sa non-divulgation n'a pas entraîné de violation des droits de la défense.
352. Il s'ensuit que, quel que soit le critère d'analyse que l'on retienne, la requérante n'établit pas que l'irrégularité commise dans le contexte de l'accès au dossier ait eu la moindre conséquence sur ses possibilités de se défendre.
353. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation du droit d'accès au dossier.
Quant au moyen tiré de la prescription
354. DSM fait valoir que, en application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne , le délai de prescription de cinq ans du droit de poursuite des infractions est interrompu par tout acte d'instruction ou de poursuite émanant de la Commission, c'est-à-dire, notamment, les demandes de renseignements écrites ou les décisions exigeant ces renseignements, les mandats de vérification et les décisions ordonnant ces vérifications, l'engagement d'une procédure et la communication des griefs, mais que, toutefois, en vertu du paragraphe 3 de la même disposition, la prescription est acquise lorsque dix ans se sont écoulés sans que la Commission ait infligé une amende.
355. Conformément à l'article 3 du règlement n° 2988/74, le délai de prescription ne serait suspendu qu'en cas de recours contre ceux des actes visés à l'article 2 qui, prenant la forme d'une décision, sont effectivement susceptibles d'être attaqués.
356. L'absence, dans l'énumération des actes interruptifs figurant à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74, de la décision infligeant une amende ne serait pas le fruit d'un hasard ou d'une omission, mais exprimerait une volonté expresse du législateur, qui aurait entendu conférer à l'énumération un caractère limitatif.
357. L'adoption d'une décision infligeant une amende donnerait lieu à une nouvelle compétence de la Commission, à savoir le droit de mettre à exécution cette amende. Une telle décision ne serait donc pas interruptive de la prescription des poursuites et le recours introduit contre elle n'entraînerait pas la suspension de cette prescription. En l'espèce, la prescription des poursuites aurait donc été acquise le 5 avril 1993, soit cinq ans après la communication des griefs, dernier acte interruptif, dans la mesure où le recours introduit contre la décision PVC I n'aurait pas produit un effet suspensif. La Commission n'aurait donc plus été compétente, le 27 juillet 1994, pour adopter une nouvelle décision après l'annulation de la précédente.
358. DSM fait grief au Tribunal d'avoir considéré, au point 1097 de l'arrêt attaqué, qu'il ne saurait être admis que le terme «décision» utilisé à l'article 3 du règlement n° 2988/74 renvoie aux actes énumérés à l'article 2 de ce règlement. Contrairement à ce qu'aurait jugé le Tribunal, la décision PVC I ainsi que les conséquences qui s'attachent à son annulation ne seraient pas tombées sous le coup de l'article 3 du règlement n° 2988/74, mais sous celui de l'article 6 de ce dernier, relatif à la suspension de la prescription en matière d'exécution. Le recours ayant abouti à l'annulation de la décision PVC I n'aurait donc pas suspendu la prescription du droit de poursuite.
359. Subsidiairement, DSM prétend que, si ce recours était considéré comme ayant suspendu la prescription en application de l'article 3 du règlement n° 2988/74, l'annulation de la décision PVC I devrait être considérée comme ayant rendu la suspension, comme la décision elle-même, rétroactivement inexistante. Le Tribunal aurait répondu, à tort, au point 1 100 de l'arrêt attaqué, que cette thèse aurait pour effet que l'article 3 du règlement n° 2988/74 n'aurait pas de sens. En effet, cette disposition conserverait effectivement un sens, conforme au but et à l'économie de ce règlement: la suspension de la prescription en cas de recours contre des mesures d'instruction et de poursuite protégerait la Commission contre une prescription résultant d'une raison objective qui ne peut pas lui être imputée. En revanche, la même disposition n'offrirait aucune protection contre des circonstances qui peuvent être imputées à la Commission, telle l'adoption d'une décision incorrecte qui est pour cette raison annulée.
360. À cet égard, il convient de constater que cette thèse a été explicitement rejetée par le Tribunal, et cela à juste titre. Elle repose, en effet, sur une double confusion. La requérante semble, en effet, défendre dans son raisonnement une conception erronée des distinctions que le règlement opère entre le pouvoir d'infliger des amendes et celui d'exécuter les décisions infligeant les amendes. Elle paraît également ne vouloir tirer aucune conséquence de la distinction, figurant également au règlement, entre l'interruption et la suspension de la prescription.
361. L'argumentation de la requérante repose, tout d'abord, sur une lecture erronée de l'article 2 du règlement. En effet, celui-ci considère comme interruptif de la prescription «tout acte de la Commission [...] visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction» et précise que «constituent notamment des actes interrompant la prescription» divers actes qu'il énumère.
362. Il ressort indiscutablement de la structure de cette disposition comme de l'emploi du terme «notamment» que cette énumération n'est pas exhaustive. La requérante propose dans ce contexte une interprétation que l'on ne peut que qualifier de contra legem.
363. Il s'ensuit que, contrairement aux allégations de celle-ci, le fait que la décision imposant une amende ne figure pas à l'article 2 du règlement n'est en rien indicatif d'une volonté expresse du législateur de l'en exclure.
364. La raison pour laquelle la décision de la Commission constatant une infraction et imposant une amende ne figure pas à l'article 2 relève de la simple logique. Cette disposition, comme l'indique d'ailleurs son intitulé, a pour objet l'interruption de la prescription en matière de poursuites. Or, une fois que la Commission a pris une telle décision, elle a, par définition, mis fin aux poursuites. Dès lors, la question d'une éventuelle prescription du droit de poursuivre ne peut plus se poser, ce droit ayant déjà été exercé.
365. La décision de la Commission fait donc plus qu'interrompre la prescription. En effet, en ce qui concerne les destinataires de la décision, elle la prive de tout objet.
366. Le seul problème qui puisse encore survenir est un problème différent, à savoir les conséquences d'un recours contre la décision. Cette question relève de l'article 3 du règlement.
367. Tant l'intitulé que le libellé de l'article 3 révèlent d'ailleurs que, contrairement aux allégations de la requérante, cette disposition a un objet différent de celui de l'article 2.
368. Elle prévoit, en effet, non pas une interruption de la prescription, qui aurait pour effet de faire supporter à l'auteur de la décision le risque lié à la longueur du procès, mais une suspension de la prescription pour la durée du procès.
369. Or, pour qu'il y ait procès, il faut un acte de la Commission susceptible de recours devant la juridiction communautaire. Les «décisions» visées par l'article 3 doivent donc être des actes attaquables.
370. Comme l'a fort judicieusement noté le Tribunal, tel n'est pas nécessairement le cas des actes qui font l'objet de l'article 2 qui énumère différents actes qui ne constituent pas des décisions. Cela n'est d'ailleurs guère surprenant: de nombreuses mesures d'instruction sont de nature à interrompre la prescription, sans cependant constituer en elles-mêmes un acte attaquable.
371. La partie requérante soutient cependant que la décision de la Commission constatant l'infraction et imposant l'amende ne saurait entrer dans le champ d'application de l'article 3, faute d'être énumérée à l'article 2. Comme nous venons de le voir et comme l'a souligné le Tribunal, la différence d'objet entre ces deux dispositions interdit, sous peine de méconnaître la logique du règlement, de donner à la seconde un champ d'application déterminé par les termes de la première.
372. La thèse de la requérante implique, en outre, la conséquence paradoxale qu'un recours contre une décision portant mesure d'instruction entraîne, en vertu de l'article 3, la suspension de la prescription, alors qu'un recours contre la décision imposant l'amende ne le ferait pas.
373. La requérante tente cependant de justifier cette différence en arguant que l'annulation d'une décision imposant l'amende serait à imputer à la Commission qui, de ce fait, ne mériterait pas d'être protégée contre la prescription.
374. Force est cependant de souligner, avec le Tribunal et la Commission, que l'annulation d'une décision de celle-ci lui est toujours imputable, quelle que soit la décision en cause. En effet, qu'il s'agisse de mesures d'instruction ou de l'imposition d'amendes, l'annulation suppose toujours une erreur de droit ou de fait de la part de la Commission.
375. La distinction que cherche à opérer dans ce contexte la requérante est donc totalement dénuée de fondement.
376. Outre le fait qu'elle contredit à la fois la lettre et la logique du règlement, la thèse défendue par la requérante entraîne une deuxième conséquence paradoxale, à savoir le fait qu'aucune disposition du règlement ne serait applicable au cas d'espèce, celui de l'annulation de la décision imposant l'amende, ce qui serait d'autant plus étonnant que, comme le rappelle la requérante elle-même, le premier considérant du règlement évoque la nécessité de mettre en place une réglementation complète.
377. La requérante cherche certes à échapper à cette conséquence en faisant valoir que l'article 6 du règlement est applicable en l'espèce. La simple lecture de cette disposition fait apparaître immédiatement la vanité de cette tentative.
378. En effet, il ressort indubitablement des termes de celle-ci qu'elle concerne la prescription en matière d'exécution d'une décision. Or, ce problème ne peut, par définition, se poser que lorsque la décision en cause n'a pas été, comme en l'espèce, annulée.
379. Il s'ensuit que l'article 6 du règlement n'est manifestement pas applicable en l'espèce.
380. Il découle de ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal a appliqué l'article 3 du règlement.
381. Or, l'applicabilité de celui-ci serait privée de toute signification si l'on acceptait la thèse subsidiaire de la requérante, selon laquelle l'annulation de la décision attaquée entraînerait celle de la suspension. En effet, l'article 3 serait alors, en réalité, inapplicable en cas d'annulation puisque la suspension qu'il prévoit disparaîtrait avec celle-ci.
382. Compte tenu de ce que cette disposition n'a, en outre, pas vocation à s'appliquer non plus si la décision n'est pas annulée puisque, comme nous l'avons vu, il ne saurait alors se poser de problème de prescription du droit de poursuivre, il résulte de la thèse subsidiaire de la requérante que l'article 3 serait intégralement dépourvu de sens.
383. Celle-ci ne saurait donc pas non plus être accueillie.
384. Il convient donc de rejeter le moyen tiré de la prescription.
385. Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter la totalité des moyens soulevés.
III - Conclusions
386. Pour les raisons qui précèdent, il est proposé à la Cour de:
- rejeter le pourvoi;
- condamner la partie requérante aux dépens.