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Document 61999CC0163

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 19 octobre 2000.
République portugaise contre Commission des Communautés européennes.
Concurrence - Droits exclusifs - Gestion des aéroports - Redevances d'atterrissage - Article 90, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 3, CE).
Affaire C-163/99.

Recueil de jurisprudence 2001 I-02613

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:576

61999C0163

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 19 octobre 2000. - République portugaise contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Droits exclusifs - Gestion des aéroports - Redevances d'atterrissage - Article 90, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 3, CE). - Affaire C-163/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-02613


Conclusions de l'avocat général


1. La République portugaise sollicite l'annulation d'une décision de la Commission fondée sur l'article 90, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 3, CE) dans laquelle celle-ci a considéré que le système de redevances d'atterrissage appliqué par l'entreprise publique qui gère les aéroports portugais continentaux constitue une mesure incompatible avec l'article 90, paragraphe 1, du traité en liaison avec l'article 86 (devenu article 82 CE) de ce dernier.

Cadre juridique

2. Le décret-loi portugais n° 102/90, du 21 mars 1990, prévoit, en son article 18, que le montant des redevances aéronautiques est fixé, dans les aéroports gérés par Aeroportos e Navegação Aérea/Empresa Publica (entreprise publique des aéroports et de la navigation aérienne, ci-après l'«ANA-EP»), par voie d'arrêté ministériel. Le paragraphe 3 de cet article permet une modulation des redevances suivant la catégorie, la fonction et le degré d'utilisation de chaque aéroport.

3. Le décret-loi n° 38/91, du 29 juillet 1991, fixe les modalités des redevances d'atterrissage. En vertu de son article 4(1), une redevance d'atterrissage est due pour chaque atterrissage et est calculée en fonction de la masse maximale au décollage indiquée dans le certificat de navigabilité. L'article 4(5) prévoit que les vols intérieurs bénéficient d'une réduction de 50 %.

4. Chaque année, le gouvernement publie un arrêté portant actualisation du niveau des redevances. En vertu du système de rabais institué par l'arrêté ministériel n° 352/98, du 23 juin 1998, adopté conformément au décret-loi n° 102/90, un rabais de 7,2 % est appliqué à l'aéroport de Lisbonne (18,4 % dans les autres aéroports) à partir du cinquantième atterrissage mensuel. À partir du centième et du cent cinquantième atterrissage, des rabais de 14,6 et de 22,5 % respectivement sont appliqués à l'aéroport de Lisbonne (24,4 et 31,4 % dans les autres aéroports). Les atterrissages après le deux centième reçoivent un rabais de 32,7 % (40,6 % dans les autres aéroports).

5. L'ANA-EP est une entreprise publique chargée de la gestion des trois aéroports continentaux (Lisbonne, Faro, Porto), objet de la décision attaquée.

Faits du litige et décision attaquée

6. Par lettre du 2 décembre 1996, la Commission a fait savoir à la République portugaise qu'elle avait entamé une enquête portant sur les systèmes de rabais sur les redevances d'atterrissage dans les aéroports des États membres. Elle demandait aux autorités portugaises de lui transmettre toutes informations sur la législation portugaise applicable aux redevances d'atterrissage afin d'être en mesure d'apprécier la compatibilité des rabais consentis avec les règles communautaires de concurrence.

7. Ayant reçu les renseignements demandés, la Commission a, par lettre du 28 avril 1997, averti les autorités portugaises qu'elle estimait que le système de rabais sur les redevances d'atterrissage en vigueur dans les aéroports portugais gérés par l'ANA-EP était discriminatoire. La Commission invitait le gouvernement portugais à lui faire part des mesures qu'il entendait prendre à cet égard et à présenter ses observations. La teneur de cette lettre a été communiquée à l'ANA-EP et aux compagnies aériennes portugaises TAP et Portugalia, afin qu'elles puissent également présenter leurs observations.

8. Dans sa réponse du 3 octobre 1997, la République portugaise a fait valoir, en premier lieu, que la modulation des redevances selon l'origine du vol était justifiée par le fait qu'une partie des vols intérieurs desservent des aéroports insulaires pour lesquels il n'existe aucune alternative au transport aérien et que les autres vols intérieurs sont très courts et à des tarifs peu élevés. En deuxième lieu, le système de redevances d'atterrissage en vigueur répondrait à des impératifs de cohésion économique et sociale. Enfin, s'agissant des vols internationaux, les aéroports portugais feraient face à la concurrence des aéroports de Madrid et de Barcelone qui ont le même type de tarification. Par ailleurs, le système en vigueur viserait à promouvoir les économies d'échelle résultant d'une plus grande utilisation des aéroports portugais ainsi que le Portugal comme destination touristique.

9. Dans sa réponse à la Commission, l'ANA-EP a indiqué que le système de redevances en cause se justifie par la nécessité d'appliquer une politique tarifaire comparable à celle en vigueur dans les aéroports de Madrid et de Barcelone et par le souci de diminuer les coûts d'exploitation des transporteurs qui utilisent le plus fréquemment et le plus régulièrement les aéroports qu'elle gère.

10. À la suite d'un nouvel échange de lettres entre la Commission et la République portugaise, la Commission a adopté, le 10 février 1999, la décision 1999/199/CE . Dans cette décision, la Commission a constaté essentiellement les points suivants:

- l'ANA-EP est une entreprise publique au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, qui est titulaire du droit exclusif d'administrer les aéroports de Lisbonne, de Porto, de Faro et les quatre aéroports des Açores;

- la politique tarifaire de l'ANA-EP repose sur des dispositions législatives et réglementaires qui constituent une mesure étatique au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité;

- les marchés pertinents sont ceux des services liés à l'accès aux infrastructures aéroportuaires de chacun des sept aéroports gérés par l'ANA-EP;

- comme une grande majorité du trafic des trois aéroports continentaux (Lisbonne, Porto et Faro) est réalisée entre le Portugal et les autres États membres, le système de redevances en cause a un effet sur le commerce entre États membres; en revanche, tel n'est pas le cas en ce qui concerne les quatre aéroports des Açores dont le trafic est entièrement intérieur ou en provenance de pays tiers;

- les trois aéroports continentaux ont des trafics importants et couvrent tout le territoire du Portugal continental de sorte que l'ensemble de ces aéroports exploitant des liaisons intracommunautaires représente une partie substantielle du marché commun;

- l'ANA-EP détenant un droit exclusif pour chaque aéroport qu'elle gère, elle dispose d'une position dominante sur le marché des services liés à l'atterrissage et au décollage des avions pour lesquels est perçue une redevance;

- le système de redevances d'atterrissage en cause a pour effet d'appliquer, à l'égard des compagnies aériennes, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence;

- d'un côté, le système des rabais octroyés en fonction du nombre d'atterrissages aboutit à consentir aux compagnies portugaises TAP et Portugalia un taux moyen de rabais de, respectivement, 30 et 22 % sur l'ensemble de leurs vols tandis que ce taux varie entre 1 et 8 % pour les compagnies des autres États membres. Or, cette différence de traitement n'est justifiée par aucune raison objective puisque le traitement d'un atterrissage ou décollage d'un avion requiert le même service quel que soit son propriétaire et quel que soit le nombre d'avions appartenant à une même compagnie. Par ailleurs, ni la circonstance que les aéroports concurrents de Madrid et de Barcelone ont mis en place un système analogue ni l'objectif de promouvoir une plus grande utilisation des infrastructures et le tourisme au Portugal ne sauraient justifier des rabais discriminatoires;

- de l'autre côté, la réduction de 50 % dont bénéficient les vols intérieurs crée un désavantage pour les compagnies qui assurent des vols intracommunautaires que ni l'objectif d'aider les vols reliant les Açores au continent ni la courte distance des vols intérieurs ne sauraient justifier. D'une part, les vols à destination ou au départ des Açores échappent de toute façon à la présente décision. D'autre part, la redevance est calculée en fonction du poids de l'appareil et non de la distance, sans compter que les vols internationaux à courte distance ne bénéficient pas de la réduction en cause;

- le fait pour une entreprise en position dominante comme l'ANA-EP d'appliquer à l'égard de ses partenaires commerciaux les conditions qui précèdent constitue un abus de position dominante au sens de l'article 86, deuxième alinéa, point c), du traité;

- l'exception prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité, qui n'a d'ailleurs pas été invoquée par les autorités portugaises, n'est pas d'application;

- dans la mesure où le système de redevances en cause est imposé à l'ANA-EP par une mesure étatique, celle-ci constitue une infraction à l'article 90, paragraphe 1, du traité en liaison avec l'article 86 pour ce qui concerne son application dans les aéroports portugais continentaux.

11. La Commission a, par conséquent, considéré que le système de rabais sur les redevances d'atterrissage et de modulation selon l'origine du vol prévu par le décret-loi n° 102/90, le décret d'application n° 38/91 et l'arrêté ministériel n° 352/98, dans les aéroports de Lisbonne, de Porto et de Faro, constitue une mesure incompatible avec l'article 90, paragraphe 1, du traité en liaison avec l'article 86 de ce dernier (article 1er de la décision 1999/199). Elle a ordonné à la République portugaise de mettre fin à cette infraction et de l'informer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, des mesures qu'elle aura prises à cet effet (article 2 de la décision).

12. Dans son recours, la République portugaise s'appuie sur des moyens qui concernent, d'une part, la forme et la procédure retenues par la Commission et, d'autre part, le fond de l'acte attaqué.

13. Sur le premier plan, la partie requérante articule trois moyens, tirés, respectivement, du défaut de motivation, de la violation du principe de proportionnalité et du détournement de pouvoir.

Sur le défaut de motivation

14. La République portugaise considère que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation, et ce pour quatre raisons. En effet, la Commission aurait dû exposer pourquoi elle a agi, en l'espèce, sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité alors que, s'agissant de la taxe pour le service aux passagers et de la taxe de sécurité qui sont, au même titre que les taxes d'atterrissage, des taxes aéroportuaires, elle a eu recours à la procédure en manquement.

15. En outre, il incombait à la Commission d'expliquer pourquoi elle s'est placée, dans la décision attaquée, sur le terrain des règles de concurrence et non sur celui de la liberté de prestation de services comme dans la procédure en manquement.

16. De même, la Commission aurait dû exposer la situation en vigueur dans les aéroports des autres États membres de façon beaucoup plus détaillée qu'elle ne l'a fait.

17. Enfin, dans la mesure où l'article 90, paragraphe 3, du traité dispose que la Commission adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres, la Commission était tenue de justifier la nécessité d'une action de sa part et le choix de l'instrument de la décision, au lieu de la directive.

18. La Commission objecte que, lorsqu'elle recourt à l'article 90, paragraphe 3, du traité, elle doit seulement indiquer les raisons pour lesquelles elle estime que les conditions posées par le paragraphe 1 de cet article sont remplies. En revanche, elle ne serait tenue de motiver ni la nécessité du recours à cette disposition ni le choix de l'instrument utilisé qui relèvent de sa seule appréciation.

19. Que faut-il penser de ces arguments?

20. En ce qui concerne la nécessité de motiver le choix opéré par la Commission entre les articles 90, paragraphe 3, du traité et 169 du traité CE (devenu article 226 CE), il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle l'article 90, paragraphe 3, du traité charge la Commission de la mission de veiller au respect, par les États membres, des obligations qui s'imposent à eux, en ce qui concerne les entreprises visées à l'article 90, paragraphe 1, du traité et l'investit expressément de la compétence pour intervenir à cet effet par la voie de directives et de décisions. La Cour a, dès lors, reconnu à la Commission le pouvoir de constater qu'une mesure étatique déterminée est incompatible avec les règles du traité et d'indiquer les mesures que l'État destinataire doit adopter pour se conformer aux obligations découlant du droit communautaire .

21. Il n'est donc pas contestable que la Commission était en droit, au vu de la mesure étatique déterminée que constitue selon elle la fixation des redevances litigieuses, de s'appuyer sur l'article 90, paragraphe 3, du traité.

22. La possibilité éventuelle de recourir à la procédure en manquement ne saurait limiter le pouvoir de la Commission, reconnu à celle-ci par la jurisprudence précitée, de faire usage de l'article 90, paragraphe 3, du traité. Cela ressort clairement de l'arrêt Pays-Bas e.a./Commission, précité, où la Cour n'a pas accueilli l'argument selon lequel la Commission devrait, pour constater une infraction déterminée aux règles du traité, se fonder sur l'article 169 de celui-ci.

23. Le droit de la Commission de s'appuyer sur l'article 90, paragraphe 3, du traité n'est pas affecté non plus par le fait que, pour des mesures jugées connexes aux redevances litigieuses par la partie requérante, elle aurait intenté une procédure en manquement.

24. Remarquons, tout d'abord, en passant, que la Commission conteste la connexité des différentes redevances concernées et fait valoir que la délimitation de l'infraction constatée n'est ni arbitraire ni illogique. Elle expose, à cet égard, que, même si les différentes catégories de redevances aéroportuaires présentent des caractéristiques communes, il n'en demeure pas moins que chaque catégorie correspond à une prestation de service spécifique par les entités qui gèrent les aéroports et peut donc faire l'objet d'une analyse distincte, en tenant compte de ses caractéristiques propres.

25. En tout état de cause, la Cour a jugé que la Commission dispose d'un très large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'opportunité d'agir contre un État membre, la détermination des dispositions qu'il aurait violées et le choix du moment où elle initiera la procédure en manquement à son encontre .

26. Il s'ensuit que la Commission était en droit de limiter l'objet de son recours en manquement à certaines redevances et de ne pas y inclure d'autres. Quant à ces dernières, il lui était loisible, comme cela a été exposé ci-dessus, de prendre une décision fondée sur l'article 90, paragraphe 3, du traité, dès lors qu'elle estimait remplies les conditions de fond posées par cette disposition.

27. Même s'il est donc établi que la Commission était en droit d'opter pour l'article 90, paragraphe 3, plutôt que pour l'article 169 du traité, l'argumentation de la partie requérante nous impose toutefois d'examiner si la Commission n'était pas obligée de motiver le choix auquel elle a procédé.

28. Cette dernière souligne, à juste titre selon moi, que l'on ne saurait en principe exiger d'elle qu'elle explique dans chacun de ses actes la raison pour laquelle elle n'adopte pas un acte différent, sous peine de paralyser son action.

29. Il importe, à cet égard, de rappeler que l'obligation de motiver un acte vise à permettre au justiciable de comprendre les raisons qui servent de fondement audit acte afin de le contester le cas échéant, et au juge d'exercer son contrôle sur la légalité de celui-ci .

30. Il s'ensuit, dans le cas présent, que la décision attaquée doit exposer de façon suffisamment élaborée la nature de l'infraction reprochée à son destinataire, les raisons pour lesquelles la Commission estime être en présence de ladite infraction et les mesures qu'elle attend du destinataire.

31. Or, la partie requérante n'allègue pas que la Commission aurait manqué à cette obligation dans la présente affaire. Elle ne conteste donc pas que le texte de la décision lui permet sans aucune difficulté de comprendre la nature et la justification des reproches formulés par la Commission.

32. Une telle contestation serait d'ailleurs d'autant plus étonnante que, de l'aveu même de la requérante, la décision a été précédée de nombreux contacts entre les autorités portugaises et la Commission. Nous nous trouvons donc dans une situation, rencontrée fréquemment dans la jurisprudence de la Cour, dans laquelle il convient de tenir compte du fait que l'État membre a été étroitement associé au processus d'élaboration de l'acte litigieux et connaît donc les raisons qui sont à la base de celui-ci .

33. Ajoutons enfin que, en tout état de cause, selon la jurisprudence de la Cour, la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier s'il convient, ou non, d'intenter une procédure en manquement . Il s'ensuit nécessairement que son choix en la matière n'est pas susceptible de contrôle juridictionnel. Or, comme cela a été rappelé ci-dessus, l'obligation de motivation doit être envisagée dans le contexte d'un tel contrôle et ne saurait donc s'étendre à des aspects de l'acte attaqué qui entrent dans le pouvoir discrétionnaire de son auteur et échappent de ce fait à tout recours.

34. Pour les raisons qui précèdent, j'estime qu'il y a lieu de rejeter le premier argument de la partie requérante.

35. Celle-ci fait valoir ensuite que la Commission aurait dû expliquer pourquoi elle s'était fondée sur les règles de concurrence du traité plutôt que celles relatives à la libre prestation de services.

36. Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus que l'obligation de motivation de la Commission implique qu'elle doit exposer dans l'acte attaqué les raisons pour lesquelles elle estime être en présence d'une infraction aux règles de concurrence. En revanche, il ne lui incombe pas d'expliciter spécifiquement pourquoi elle n'a pas appréhendé la mesure étatique litigieuse sur un autre fondement juridique.

37. En effet, la possibilité pour le destinataire de l'acte de contester celui-ci, et celle pour le juge d'en contrôler la validité, dépend uniquement de l'existence d'une motivation de nature à justifier la conclusion à laquelle la Commission est parvenue.

38. Il y a donc lieu de rejeter également cet argument.

39. La partie requérante fait encore valoir que la Commission n'était pas en droit de passer sous silence la situation existant dans les autres États membres.

40. Cette thèse ne saurait être accueillie. En effet, l'objet de la décision attaquée est la constatation d'une infraction aux règles de concurrence. L'existence de celle-ci ne dépend aucunement de l'existence de mesures similaires dans un ou plusieurs autres États membres. La partie requérante n'allègue d'ailleurs pas l'existence d'un tel lien.

41. On ne voit donc absolument pas pourquoi la motivation de la décision entreprise aurait dû comporter des développements relatifs à la situation dans les autres États membres.

42. La partie requérante est certes en droit de considérer que, compte tenu de l'existence d'infractions similaires dans d'autres États membres, il était inopportun de la part de la Commission de n'adopter qu'une décision concernant uniquement la République portugaise et ne se référant pas à la situation dans le reste de la Communauté.

43. Il n'en demeure pas moins qu'un tel point de vue ne relève pas du contentieux relatif à la validité de la motivation de l'acte attaqué.

44. La République portugaise estime enfin que la Commission aurait dû motiver le choix de l'instrument de la décision, alors que l'article 90, paragraphe 3, du traité lui permettait également d'adopter une directive, qui aurait permis de régler le problème dans l'ensemble des États membres et non pas uniquement au Portugal.

45. Elle fait allusion dans ce contexte au fait que la Commission, sans faire usage de sa propre compétence d'adopter une directive, avait présenté au Conseil une proposition de directive concernant les redevances aéroportuaires , ce qui démontrerait qu'il y aurait lieu de régler ce problème par voie d'acte normatif et non pas de décision individuelle.

46. Force est cependant de constater, avec la Commission, que la Cour a jugé que l'objet de la compétence conférée à la Commission par l'article 90, paragraphe 3, du traité est différent et plus spécifique que celui des compétences législatives attribuées au Conseil. Dès lors, l'éventualité d'une réglementation édictée par le Conseil en application d'un pouvoir général qu'il détient en vertu d'autres articles du traité et comportant des dispositions qui toucheraient au domaine spécifique de l'article 90 du traité ne fait pas obstacle à l'exercice de la compétence que ce dernier article confère à la Commission .

47. Il s'ensuit que l'on ne saurait tirer argument de l'existence d'une proposition de directive concernant les redevances aéroportuaires pour contester la compétence de la Commission pour adopter des mesures en la matière.

48. Mais l'argument de la partie requérante vise surtout le choix de la Commission de ne pas adopter elle-même une directive, mais une décision.

49. À cet égard, rappelons, tout d'abord, la jurisprudence selon laquelle «il découle du libellé de l'article 90, paragraphe 3, et de l'économie de l'ensemble des dispositions de cet article, que la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans le domaine visé par ses paragraphes 1 et 3, concernant tant l'action qu'elle considère nécessaire d'entreprendre que les moyens appropriés à cette fin».

50. Il s'ensuit que la Commission était a priori en droit de recourir à l'instrument de la décision. Quant à la motivation de ce choix, il lui appartenait uniquement d'exposer les raisons justifiant son point de vue, selon lequel elle se trouvait en présence d'une mesure étatique constitutive d'une violation des règles de concurrence.

51. En revanche, comme cela a déjà été exposé ci-dessus dans le contexte du premier argument de la partie requérante, il n'incombait pas à la Commission, dès lors qu'elle motivait le contenu de la mesure prise, d'exposer en outre les raisons pour lesquelles elle n'avait pas adopté un acte différent.

52. Il y a donc lieu de rejeter dans son intégralité le premier moyen invoqué par la partie requérante.

Quant à la violation du principe de proportionnalité

53. La partie requérante fait valoir que, en adoptant une décision sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité, la Commission a choisi la voie la plus contraignante et la moins adéquate. En effet, puisqu'il n'est pas contesté que, au moment où est intervenue la décision attaquée, un grand nombre d'États membres avaient recours à des systèmes similaires de rabais sur les redevances aéroportuaires, la Commission aurait dû adopter une mesure d'ordre général plutôt qu'une décision qui, par définition, n'affecterait que la République portugaise.

54. Dans ce contexte, celle-ci insiste sur le fait que la violation du principe de proportionnalité découle du fait que, en prenant une décision, la Commission a imposé aux seules autorités portugaises de modifier leur système, avec la conséquence que les transporteurs portugais se trouveraient confrontés à des conditions de concurrence iniques dans les autres États membres qui ne seraient pas empêchés de maintenir en place leurs systèmes, pourtant analogue à celui critiqué par la Commission au Portugal.

55. La République portugaise conclut, dès lors, également au titre de ce grief, que la Commission aurait dû se contenter de diligenter l'adoption par le Conseil d'une directive réglementant la matière ou, à défaut, d'adopter une directive sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité.

56. Il s'agirait là de la seule mesure adéquate, puisque que ce serait la seule possibilité de garantir que tous les États membres mettent simultanément leurs systèmes de redevances aéroportuaires en conformité avec le droit communautaire.

57. À cet égard, la Commission fait valoir, à juste titre selon moi, que tel n'est pas le cas. En effet, une directive fondée sur l'article 90, paragraphe 3, du traité ne pourrait s'appliquer qu'aux mesures étatiques et n'aurait donc pas d'effet sur les régimes imputables non pas à un État membre, mais aux seules entreprises gérant un aéroport.

58. La République portugaise allègue certes que toutes ces entreprises remplissent en réalité les conditions pour entrer dans le champ d'application de l'article 90, sans cependant apporter de preuve à cet égard, ni remettre en cause la validité de l'exemple cité par la Commission à l'appui de son point de vue, à savoir celui des aéroports finlandais, qui, ayant adopté un système de rabais du même type de leur propre initiative, ont fait l'objet d'une décision fondée sur le seul article 86 du traité, sans que la Commission recoure à l'article 90.

59. La Commission rappelle, en outre, la jurisprudence, citée ci-dessus, qui lui octroie un large pouvoir d'appréciation dans l'utilisation de l'article 90, paragraphe 3, du traité.

60. J'estime qu'il découle de cette jurisprudence que, lorsque la Commission est en présence d'une mesure étatique déterminée qui lui semble constituer une violation de l'article 90, en combinaison avec une autre disposition du traité, elle est en droit d'adopter une décision en vue de mettre fin à l'infraction.

61. Le fait que celle-ci existe également dans d'autres États membres est, à cet égard, dénué de pertinence.

62. Ainsi, la Cour a précisé dans l'arrêt Pays-Bas/Commission, précité, que la décision de la Commission fondée sur l'article 90, paragraphe 3, du traité est «adoptée en considération d'une situation déterminée dans un ou plusieurs États membres». Elle n'est donc pas, contrairement à ce qu'implique la thèse de la requérante, conditionnée par le fait que l'infraction ne devrait exister que dans le seul État membre destinataire de la décision.

63. En outre, et même si la partie requérante s'en défend, sa thèse revient à affirmer le droit d'un État membre de maintenir en vigueur une mesure contraire au droit communautaire, sous prétexte que des mesures similaires existeraient dans d'autres États membres.

64. En effet, le seul argument invoqué par la République portugaise pour alléguer une violation du principe de proportionnalité est tiré de la situation dans les autres États membres. Cette dernière empêcherait la Commission d'agir, sous peine de violer ledit principe et, par voie de conséquence nécessaire, impliquerait donc dans le chef d'un État membre un droit à l'impunité.

65. Il va sans dire qu'une telle thèse est incompatible avec la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle un État membre ne saurait être admis à invoquer pour sa défense la violation du droit communautaire par d'autres États membres .

66. Il y a donc lieu de rejeter également le deuxième moyen invoqué par la requérante.

Quant au détournement de procédure

67. La partie requérante fait valoir dans ce contexte que la Commission ne dispose pas d'une liberté de choix illimitée lorsqu'elle décide d'adopter une décision sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité, ou d'intenter un recours en manquement.

68. En effet, dès lors qu'il serait établi que l'infraction alléguée existerait dans plusieurs États membres, la Commission serait obligée, sous peine de commettre un détournement de procédure, de recourir à l'article 169 du traité.

69. La partie requérante n'explique cependant pas en quoi le fait que l'infraction existerait dans plusieurs États membres impliquerait que la Commission ne disposerait plus de la possibilité de recourir à l'article 90, paragraphe 3, du traité.

70. Rappelons, en outre, à cet égard, que la jurisprudence de la Cour, précitée, pose le principe de la liberté de choix de la Commission en la matière et qu'il n'en ressort aucunement qu'elle serait limitée par des considérations tenant à la situation dans des États membres autres que le destinataire de la procédure entamée par la Commission.

71. Je propose donc de rejeter le moyen fondé sur le détournement de procédure et ne ferai les remarques qui suivent qu'à des fins d'exhaustivité.

72. La Commission interprète, généreusement, l'argumentation de la partie requérante comme impliquant le reproche d'une violation des droits de la défense, découlant de ce que l'article 169 du traité prévoit une procédure précontentieuse que la Commission se serait dispensée d'observer en recourant à l'article 90, paragraphe 3, du traité.

73. La partie requérante ne fait cependant aucune allusion au respect des droits de la défense. En tout état de cause, comme l'explique d'ailleurs la Commission, le principe des droits de la défense s'impose dans toute procédure, même en l'absence de dispositions expresses. Dès lors, le fait pour la Commission de recourir à l'article 90, paragraphe 3, plutôt qu'à l'article 169, du traité ne saurait être en lui-même constitutif d'une violation des droits de la défense. Enfin, il n'est pas allégué par la partie requérante de violation concrète des droits de la défense que la Commission aurait commise dans la procédure d'adoption de la décision litigieuse.

74. La partie requérante fait allusion, dans sa réplique, à un éventuel détournement de pouvoir. Pour autant qu'il s'agit d'un moyen nouveau, son invocation se heurte à l'irrecevabilité.

75. En tout état de cause, selon la jurisprudence de la Cour, il n'y a détournement de pouvoir que si l'acte litigieux apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d'atteindre des fins autres que celles excipées et poursuivies par la disposition d'habilitation en cause. Or, la partie requérante ne démontre aucunement que tel serait le cas en l'espèce .

76. Sur le fond, la partie requérante invoque deux moyens qu'il convient d'examiner successivement.

Quant à l'absence de discrimination selon la nationalité

77. La partie requérante fait valoir que la décision attaquée encourrait l'annulation parce que la Commission ne démontrerait pas l'existence d'une discrimination selon la nationalité, alors que l'article 90, paragraphe 3, du traité se réfère plus particulièrement à l'article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), qui interdit les discriminations selon la nationalité.

78. Il est vrai, comme le souligne le gouvernement portugais, que les rabais litigieux n'impliquent pas une discrimination directe selon la nationalité, puisqu'ils peuvent être obtenus indépendamment de l'origine ou de la nationalité des aéronefs. En outre, puisque les transporteurs d'autres États membres ont la possibilité, en vertu du droit communautaire, d'opérer des vols intérieurs, le fait que des rabais soient réservés à ceux-ci ne saurait constituer une discrimination directe selon la nationalité.

79. Il n'en demeure pas moins, comme l'énonce d'ailleurs la Commission dans la décision attaquée, que, en pratique, les transporteurs portugais bénéficient de rabais très supérieurs, à savoir en moyenne 30 et 22 %, respectivement, à ceux obtenus par les transporteurs des autres États membres, qui s'échelonnent entre 8 et 1 %. Ces chiffres ne sont d'ailleurs pas contestés par la partie requérante.

80. Même s'il est donc permis de s'interroger sur la réalité du caractère non discriminatoire des rabais en cause, force est de souligner en tout état de cause que ce débat n'a pas lieu d'être. En effet, le libellé de l'article 90, paragraphe 3, du traité ne laisse place à aucun doute et impose de conclure que son application n'est pas limitée aux cas où une mesure étatique enfreint l'article 6 du traité. Ainsi, cette disposition se réfère aussi expressément à l'article 86 du traité.

81. Il est donc parfaitement loisible à la Commission de se fonder sur cette disposition pour réprimer une mesure dont elle n'affirme pas qu'il s'agit d'une discrimination formelle mais dont elle estime, en revanche, qu'elle n'est pas compatible avec l'article 86 du traité. Or, en l'espèce, elle n'a rien fait d'autre.

82. Il s'ensuit que c'est sur le plan de cette dernière disposition qu'il y a lieu de porter notre analyse.

Quant à l'absence d'un abus de position dominante

83. Nous avons vu que les rabais litigieux sont critiqués par la Commission à un double titre. D'une part, un rabais de 50 % est accordé aux seuls vols intérieurs. D'autre part, la réglementation contestée prévoit l'octroi de rabais croissants aux transporteurs accomplissant un grand nombre d'atterrissages dans les aéroports concernés.

84. Il convient d'examiner, en premier lieu, le problème de la différenciation opérée entre les vols intérieurs et les vols internationaux.

Quant aux vols intérieurs

85. La partie requérante expose, tout d'abord, que les transporteurs communautaires, qui peuvent assurer de tels vols intérieurs en vertu de la réglementation communautaire, bénéficient desdits rabais au même titre que leurs concurrents portugais. Le système ne comporterait donc aucune discrimination mais établirait au contraire une distinction fondée sur un critère objectif et justifié par des raisons qui n'ont rien à voir avec l'intention de favoriser les transporteurs aériens locaux.

86. En effet, il est constant qu'une compagnie aérienne d'un autre État membre, qui accomplit un vol entre deux villes portugaises, bénéficie de la réduction de 50 % sur les droits d'atterrissage.

87. La République portugaise fait valoir que, en ce qui concerne les vols reliant les aéroports du Portugal continental (Lisbonne, Porto et Faro), ce rabais se justifie par le fait qu'il s'agit de liaisons courtes dont il est nécessaire de maintenir les prix à des niveaux aussi bas que possible.

88. À cet égard, la Commission fait valoir que, si le système litigieux visait à favoriser les vols courts, les rabais devraient bénéficier aussi aux vols à partir du Portugal et à destination de Madrid, de Séville, de Malaga et de Santiago et le facteur «distance» devrait intervenir dans le calcul de la redevance.

89. J'estime qu'il y a lieu d'accueillir cette thèse. Force est, en effet, de constater que l'article 86 du traité ne laisse guère de place au doute. Une entreprise en position dominante n'est pas en droit, comme le précise le deuxième alinéa, sous c), de cette disposition, d'«appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence».

90. Or, la partie requérante ne conteste pas l'analyse qu'opère la décision attaquée quant à l'existence en l'espèce d'une position dominante.

91. De plus, il est indiscutable que les prestations qui constituent la contrepartie des redevances d'atterrissage sont identiques pour un vol intérieur et pour un vol intracommunautaire couvrant une distance comparable.

92. La situation est, à cet égard, analogue à celle qui prévalait dans l'affaire Corsica Ferries . Dans celle-ci, la Cour, notant que les prestations de services de pilotage en cause ne diffèrent pas selon que le navire bénéficiaire assure une liaison intérieure ou non, a conclu qu'une tarification différenciant selon ce critère était constitutive d'un abus de position dominante.

93. En ce qui concerne les liaisons entre le continent et les régions autonomes ou entre les régions autonomes elles-mêmes, la partie requérante s'appuie sur la référence à l'objectif de cohésion économique et sociale qui figure à l'article 3 du traité CE (devenu, après modification, article 3 CE), ainsi que sur le statut de région ultrapériphérique reconnu aux Açores et à Madère par son article 227 (devenu, après modification, article 299 CE).

94. C'est cependant à bon droit que la Commission expose que de telles considérations ne pourraient être pertinentes que si, conformément aux termes de l'article 90, paragraphe 2, du traité, les règles de concurrence faisaient obstacle à l'accomplissement par les entreprises considérées de leur mission de service public, ce qui n'est pas allégué en l'espèce.

95. En outre, la réglementation communautaire permet à la République portugaise d'imposer des obligations de service public pour tenir compte des spécificités des destinations en cause.

96. Enfin, en tout état de cause, les liaisons vers les Açores et entre les aéroports de cet archipel ne sont pas concernées par la décision attaquée.

97. J'estime donc que c'est à bon droit que la Commission a considéré que le fait d'accorder des rabais au seul bénéfice des vols intérieurs était constitutif d'un abus de position dominante.

Quant aux rabais de quantité

98. Quant aux rabais de quantité, la partie requérante avance divers arguments, dont un me semble particulièrement digne de retenir l'intérêt.

99. Elle affirme, tout d'abord, que la pratique de rabais de quantité serait une option de politique commerciale, dont il n'y aurait pas lieu de priver l'ANA-EP sous prétexte de sa position dominante.

100. Force est, cependant, de constater que tant le texte de l'article 86 du traité que la jurisprudence de la Cour révèlent, au contraire, que des options de politique commerciale ouvertes aux entreprises en général ne le sont pas nécessairement à une entreprise en position dominante. En effet, le deuxième alinéa de cette disposition énumère comme exemples de pratiques abusives une série de comportements dont certains au moins sont parfaitement licites dès lors qu'ils ne sont pas le fait d'une entreprise en position dominante.

101. Il s'ensuit également que, en affirmant que le recours à des rabais de quantité est interdit à une entreprise dont la position dominante n'est pas contestée, comme l'ANA-EP, la Commission ne commet pas de violation d'un principe de neutralité que la partie requérante déduit de l'article 222 du traité CE (devenu article 295 CE) , qui impliquerait que des entreprises ne peuvent être traitées plus défavorablement par le droit communautaire sous prétexte qu'un État membre leur a octroyé des droits spéciaux ou exclusifs.

102. En effet, la Commission ne critique pas ledit octroi et cite d'ailleurs elle-même la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle, si une entreprise dotée de tels droits exclusifs est susceptible d'être de ce fait en position dominante, il ne s'ensuit pas que l'octroi de ces droits soit en lui-même abusif .

103. Ce n'est donc pas l'existence des droits exclusifs accordés à l'ANA-EP qui est visée par la décision de la Commission, mais l'utilisation de la position dominante qui en découle, question qui ne saurait relever de l'article 222 du traité, invoqué par la partie requérante.

104. La partie requérante souligne, en outre, la nécessité de développer les liaisons utilisant les aéroports en cause, ce qui, d'ailleurs, bénéficierait également aux régions concernées.

105. Cet argument est lié à la thèse développée par la République portugaise pour justifier les rabais de quantité par le fait qu'ils favorisent une utilisation intensive des aéroports concernés. Or, «la fréquence ou l'intensité de l'utilisation d'infrastructures aussi coûteuses, dans leur coût initial et dans leur entretien, est déterminante dans la poursuite d'une politique stratégique de (ré)investissement dans le développement de ces infrastructures aéroportuaires, elle a d'ailleurs également une incidence sur le coût final d'amortissement des investissements» .

106. À cet égard, soulignons tout d'abord que, comme la Commission l'expose d'ailleurs dans la décision attaquée , l'interdiction faite à une entreprise en position dominante de pratiquer des rabais de quantité n'est pas absolue. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si l'augmentation de la quantité fournie se traduit par un coût inférieur pour le fournisseur, celui-ci est en droit de faire bénéficier son client de cette réduction par le biais d'un tarif plus favorable .

107. Sommes-nous, en l'espèce, dans un tel cas de figure? Existe-t-il, pour reprendre les termes de la Commission, des raisons objectives, en termes de coût du service rendu, qui justifieraient l'octroi des rabais de quantité?

108. Je partage le point de vue de la Commission, selon lequel le coût du service rendu par l'entreprise gestionnaire de l'aéroport est le même qu'il s'agisse du premier ou du centième vol d'une compagnie.

109. J'estime cependant que cela ne répond pas entièrement à l'argument avancé par la République portugaise. En effet, sur un plan global, il est indiscutable que des infrastructures utilisées intensivement permettent, a priori et toutes choses égales par ailleurs, d'atteindre des coûts unitaires inférieurs à ceux d'infrastructures sous-utilisées.

110. De même, il ne me semble pas contestable que la planification des investissements de l'opérateur de ladite infrastructure se trouve facilitée par la garantie d'un volume d'activité, qui découle du choix d'un aéroport comme base par un transporteur.

111. Faut-il pour autant considérer que la partie requérante a démontré l'existence, dans le chef d'ANA-EP, d'avantages économiques de nature à justifier les rabais accordés?

112. Je ne le pense pas. En effet, elle ne donne aucune indication concrète susceptible de contredire les développements de la Commission, visant à démontrer l'absence de tels avantages.

113. Selon celle-ci, l'objectif de favoriser l'utilisation intensive des aéroports n'est pas de nature à être atteint par les rabais litigieux. En effet, à cause du grand nombre d'atterrissages mensuels qu'ils supposent, ils bénéficient presque exclusivement, comme nous l'avons vu ci-dessus, aux opérateurs portugais qui sont basés sur les aéroports en cause et utiliseraient donc ceux-ci en toute hypothèse. Une échelle de rabais ne comportant pas de tels effets de seuil n'encourrait pas les mêmes reproches et serait plus appropriée pour atteindre l'objectif allégué.

114. Il est vrai qu'un tel raisonnement n'est pas de nature à être prouvé, puisqu'il présente un caractère hypothétique. Il n'en demeure pas moins qu'il est d'autant plus plausible que l'on imagine effectivement mal comment les opérateurs basés dans les aéroports en cause, et qui ne peuvent réalistement guère s'installer ailleurs, pourraient se voir incités à recourir plus intensivement aux aéroports concernés grâce aux rabais litigieux, sauf à imaginer qu'ils n'opèrent des atterrissages que pour en bénéficier. S'il est clair que la rentabilité de certains vols est affectée par le niveau des redevances, il n'est guère probable que leur nombre soit tel que le volume additionnel de trafic en découlant ait un impact mesurable pour l'aéroport.

115. Il semble, en effet, a priori beaucoup plus vraisemblable que le nombre de vols dépende en premier lieu du volume du trafic intéressé par la route concernée. La répartition de ce nombre de vols entre différents transporteurs devrait être indifférente du point de vue de l'opérateur de l'aéroport.

116. Or, ce nombre peut certes être atteint par un ou deux transporteurs accomplissant chacun de nombreux vols, mais également par un plus grand nombre effectuant chacun un nombre plus faible d'atterrissages. Il est donc parfaitement concevable que, en structurant ses tarifs de façon à faire bénéficier un plus grand nombre de transporteurs des rabais, l'opérateur de l'aéroport réussisse en fait à augmenter le taux d'utilisation de celui-ci.

117. Ajoutons à cela que les chiffres, cités au point 79 ci-dessus, invoqués par la Commission et non contestés par la partie requérante, tendent effectivement à démontrer que les rabais en cause sont de nature à favoriser très nettement les transporteurs établis dans les aéroports concernés.

118. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces indices, l'allusion générale faite par la partie requérante aux effets financiers favorables découlant d'une utilisation intensive des infrastructures ne saurait être considérée comme apportant la preuve que les rabais en cause correspondent effectivement et précisément à des baisses de coût dans le chef de l'opérateur des aéroports.

119. La République portugaise fait également valoir qu'il s'agit d'encourager les escales techniques, en concurrence avec d'autres aéroports communautaires. Lesdites escales seraient par nature indépendantes du trafic.

120. La Commission répond, sans être contredite sur ce point, que les rabais litigieux ne seraient en tout état de cause pas applicables aux escales techniques.

121. Enfin, la partie requérante estime également que le fait qu'aucun transporteur communautaire ne se soit plaint indiquerait clairement que le système de rabais appliqué par l'ANA-EP ne nuit pas aux autres opérateurs communautaires.

122. Il n'en demeure pas moins que la Commission est en droit de prendre des décisions en matière de concurrence de sa propre initiative.

123. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter également ce moyen invoqué par la partie requérante.

Conclusions

124. Je propose de rejeter le recours dans son intégralité et de condamner la partie requérante aux dépens.

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