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Document 61998CC0448
Opinion of Mr Advocate General Saggio delivered on 9 March 2000. # Criminal proceedings against Jean-Pierre Guimont. # Reference for a preliminary ruling: Tribunal de police de Belley - France. # Measures having equivalent effect to a quantitative restriction - Purely internal situation - Manufacture and marketing of Emmenthal cheese without rind. # Case C-448/98.
Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 9 mars 2000.
Procédure pénale contre Jean-Pierre Guimont.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Belley - France.
Mesures d'effet équivalent à une restriction quantitative - Situation purement interne - Fabrication et commercialisation de fromage emmenthal sans croûte.
Affaire C-448/98.
Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 9 mars 2000.
Procédure pénale contre Jean-Pierre Guimont.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Belley - France.
Mesures d'effet équivalent à une restriction quantitative - Situation purement interne - Fabrication et commercialisation de fromage emmenthal sans croûte.
Affaire C-448/98.
Recueil de jurisprudence 2000 I-10663
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:117
Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 9 mars 2000. - Procédure pénale contre Jean-Pierre Guimont. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Belley - France. - Mesures d'effet équivalent à une restriction quantitative - Situation purement interne - Fabrication et commercialisation de fromage emmenthal sans croûte. - Affaire C-448/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10663
Objet de l'affaire et réglementation nationale
1 Le Tribunal de police de Belley demande en substance à la Cour dans le présent renvoi de préciser si la réglementation française qui interdit l'utilisation de la dénomination emmenthal pour les fromages dont les meules ne sont pas recouvertes d'une croûte dure de couleur jaune doré constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au regard de l'article 30 du traité CE (devenu article 28 CE). Avant de répondre à cette question, nous devrons néanmoins établir tout d'abord si les conditions d'application de cette disposition communautaire par le juge national sont remplies, dans la mesure où le présent cas d'espèce concerne une procédure pénale dirigée contre une entreprise française qui produit et commercialise du fromage sur le territoire national.
2 Il ressort de l'ordonnance de renvoi et des observations présentées par le gouvernement français que l'article 3, premier alinéa, du décret n_ 84-1147, du 7 septembre 1984, prévoit que «l'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et plus particulièrement sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, la conservation, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention.»
Les «caractéristiques de la denrée alimentaire» visées à l'article 3 précité sont définies par le décret n_ 88-1206, du 30 décembre 1988 (ci-après le «décret de 1988»), qui dispose que «les dénominations énumérées à l'annexe [dudit décret] sont réservées aux fromages répondant aux prescriptions relatives à la fabrication et à la composition qui sont décrites dans ladite annexe». Ainsi, l'emmenthal est décrit comme une «pâte ferme, cuite, pressée et salée en surface ou en saumure; de couleur ivoire à jaune pâle, présentant des ouvertures de dimensions allant de la grosseur d'une cerise à celle d'une noix; croûte dure et sèche; de couleur jaune doré à brun clair.»
Procédure nationale et question préjudicielle
3 À la suite d'un contrôle effectué le 5 mars 1996 auprès de la société Schoeffer SA, située à Avignon, la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du département du Vaucluse a constaté la présence de deux cent soixante meules de fromage emmenthal qui ne présentaient pas de croûte extérieure dure et sèche. Ces meules provenaient de la société «Laiterie d'Argis», dont le directeur technique est M. Jean-Pierre Guimont, demandeur au principal.
Le 6 janvier 1998, M. Guimont a été condamné par ordonnance rendue dans le cadre d'une procédure sommaire au paiement de deux cent soixante amendes de 20 FRF chacune pour avoir détenu pour vendre, vendu ou offert une denrée alimentaire à l'étiquetage trompeur. Il s'agissait précisément de meules de fromage emmenthal dépourvues de croûte extérieure.
M. Guimont a fait opposition à cette ordonnance en soutenant, notamment, que la législation française relative à la dénomination emmenthal constituerait une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation et que, partant, elle serait contraire aux règles générales sur le marché unique visées aux articles 3 a) (devenu, après modification, article 4 CE), 30 et suivants du traité CE.
4 Le Tribunal de police de Belley a donc jugé nécessaire de suspendre la procédure pendante devant lui et a déféré la question préjudicielle suivante à la Cour: «Les articles 3 a), 30 et suivants du traité instituant la Communauté européenne modifié doivent-ils être interprétés de telle sorte que la réglementation française résultant du décret n_ 88-1206 du 30 décembre 1988 qui prohibe la fabrication et la commercialisation en France d'un fromage dépourvu de croûte sous la dénomination `emmental' devrait être considérée comme constituant une restriction quantitative ou une mesure d'effet équivalant aux échanges intracommunautaires?»
Sur la recevabilité
5 Le gouvernement français, soutenu par le gouvernement danois, excipe de l'irrecevabilité de la question préjudicielle en invoquant la nature purement interne du cas d'espèce faisant l'objet du litige a quo.
Les deux parties intervenantes demandent à la Cour de ne pas confirmer l'orientation qu'elle a prise dans son arrêt Pistre de 1997 (1), dans lequel elle a statué sur une question préjudicielle alors que les éléments de fait propres au litige au principal étaient circonscrits au territoire national. Dans cette affaire, le juge de renvoi français demandait à la Cour d'interpréter l'article 30 au regard de la réglementation française interdisant d'apposer sur l'étiquette de produits de salaison la dénomination «montagne» ou «monts des Lacaune» sans avoir obtenu l'autorisation préalable délivrée par les autorités administratives compétentes, autorisation qui concerne précisément l'utilisation des indications réservées aux zones de montagne. Les prévenus dans l'affaire au principal étaient des ressortissants français et il leur avait été interdit de produire et de mettre dans le commerce en France leurs propres produits de salaison. Dans cet arrêt, la Cour, renvoyant la notion de mesure d'effet équivalant à une restriction aux importations, visée dans l'arrêt Dassonville (2), et admettant que l'application d'une mesure nationale n'ayant effectivement aucun lien avec l'importation des marchandises ne relève pas du domaine de l'article 30 du traité (3), a toutefois déclaré que «cette dernière disposition ne peut toutefois pas être écartée pour la seule raison que, dans le cas concret soumis à la juridiction nationale, tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre.» En effet, dans la situation qui avait donné naissance au litige, «l'application de la mesure nationale peut [pouvait] également avoir des effets sur la libre circulation des marchandises entre États membres, notamment lorsque la mesure en cause favorise la commercialisation des marchandises d'origine nationale au détriment des marchandises importées». D'après la Cour, l'application des règles internes, «serait-elle limitée aux seuls producteurs nationaux, crée et maintient par elle-même une différence de traitement entre ces deux catégories de marchandises entravant, au moins potentiellement, le commerce intracommunautaire (4).»
Ainsi, à la différence de celle qui nous est soumise par le Tribunal de Belley, cette affaire était donc caractérisée par le fait que la réglementation nationale sur la dénomination «montagne» rattachait la production de salaisons à un lieu d'origine spécifique des ingrédients du produit et en conditionnait l'usage à une procédure d'autorisation expresse. La Cour semble avoir tiré comme conséquence de ces circonstances que même la simple application de la réglementation litigieuse aux produits nationaux aurait pu, dans une certaine mesure, influencer l'importation de salaisons ayant la même dénomination.
6 On ne saurait cependant ignorer qu'une telle position a des origines plus anciennes (5) et, plus précisément, dans l'arrêt Smanor de 1988, dans lequel la Cour a statué sur un renvoi préjudiciel concernant des circonstances qui n'avaient aucun lien en dehors du territoire national. Le litige en cause avait été engagé par une société française qui contestait la législation française relative à l'étiquetage et à la présentation des yaourts, en vertu de laquelle il lui avait été interdit de produire et de vendre du yaourt surgelé sur le territoire français. L'avocat général avait fait observer dans ses conclusions que la situation sous-jacente à la procédure au fond était purement nationale. Il a toutefois considéré qu'il incombait au juge de renvoi de déterminer si la réponse à la question préjudicielle était nécessaire pour rendre sa décision et que, par conséquent, si la question préjudicielle était posée, la Cour était tenue de fournir une réponse. La juridiction communautaire s'est rangée à cette thèse. Partant de la constatation que la législation française pouvait produire des effets restrictifs sur l'importation des produits d'autres États membres et précisant qu'«il appartient au juge national, dans le système de l'article 177 du traité, d'apprécier la nécessité d'une décision préjudicielle au regard des faits de l'affaire» (6), elle s'est en effet prononcée en ce sens que l'article 30 s'oppose à une législation nationale qui réserve l'utilisation de la dénomination yaourt aux seuls yaourts frais et non aux yaourts surgelés. Elle a cependant limité exclusivement sa réponse aux produits importés (7).
7 Selon nous, la question que soulèvent les gouvernements français et danois sur l'applicabilité de l'article 30 à la solution du litige au principal ne doit donc pas être tranchée uniquement sur la base de l'analyse abstraite des effets de la législation nationale sur l'importation en provenance d'autres États membres, dans la mesure où elle concerne aussi la pertinence de la décision préjudicielle dans le cadre du jugement national, du moins en ce qui concerne l'interprétation de l'article 30 du traité. Il ne fait aucun doute que l'examen des caractéristiques du cas d'espèce qui fait l'objet du recours au principal et l'appréciation qui découle de la nature purement interne de celui-ci appartiennent en principe au juge national: c'est précisément sur la base de l'applicabilité du droit communautaire au litige national que celui-ci est tenu d'apprécier la pertinence d'une éventuelle question préjudicielle. Toutefois, comme l'a justement fait observer l'avocat général Cosmas dans l'affaire Belgapom (8), la Cour peut cependant s'abstenir de répondre à la question préjudicielle lorsque «les faits exposés par la juridiction de renvoi établissent de façon évidente» que la situation ayant donné lieu au litige national est purement interne. Or, s'agissant du litige pendant devant le tribunal de Belley, il n'y a aucun doute sur la nature purement interne du cas d'espèce et ce, compte tenu de la nationalité de l'entreprise productrice et distributrice du produit et du lieu de production et de vente de celui-ci. L'interdiction, imposée aux États membres par l'article 30, d'adopter ou de maintenir des restrictions quantitatives à l'importation ou des mesures d'effet équivalent ne saurait donc avoir aucune pertinence.
Cette conclusion est confirmée par le fait que, comme l'a rappelé le gouvernement danois, le même sort n'a pas été réservé dans l'affaire Pistre à d'autres questions préjudicielles portant sur des dispositions relatives à la libre circulation des personnes et non des marchandises. Dans de nombreux arrêts relatifs à un problème analogue, la Cour n'a en effet pas hésité à s'abstenir de répondre à la question préjudicielle eu égard à l'absence de pertinence et, partant, à la non-applicabilité de la règle communautaire au cas d'espèce faisant l'objet du litige au principal, en raison précisément de la nature purement interne du litige national (9). Enfin, on peut aussi se demander si une décision préjudicielle telle que celle que l'on retrouve dans les affaires Smanor ou Pistre, peut effectivement conditionner la solution du litige pendant devant le juge de renvoi. Le droit communautaire ne peut s'opposer aux effets de la réglementation nationale relative à des situations purement internes et ce aussi dans l'hypothèse où, comme dans l'affaire Pistre, les producteurs (locaux) ne sont tenus d'utiliser une dénomination déterminée que pour des ingrédients, c'est-à-dire des composants du produit, provenant d'une région spécifique du territoire national. Il s'ensuit que, même si la Cour dans son interprétation conclut à une contrariété de la législation nationale avec l'article 30, le juge national pourra, en l'absence de «transactions du commerce intracommunautaire» (10), appliquer la même législation aux entreprises nationales qui voudraient produire et commercialiser leurs produits sur le territoire national.
Peu importe à cet égard que, dans le présent cas d'espèce comme dans les affaires Smanor et Pistre, l'obligation faite au producteur national de respecter des normes de production spécifiques, obligation qui se traduit par l'interdiction d'utiliser une dénomination pour des marchandises qui ne présentent pas des caractéristiques particulières et pour lesquelles un procédé de fabrication déterminé n'est donc pas respecté, puisse avoir une quelconque influence (potentielle et assez lointaine, dirions-nous, surtout en ce qui concerne le présent cas d'espèce et l'affaire Smanor) sur les importations. Les règles de fabrication imposées au niveau national n'ont en règle générale pas pour but de protéger la production locale, mais plutôt de garantir que la qualité du produit demeure constante, but qui, selon nous, coïncide avec les finalités générales dont s'inspire le droit communautaire en matière de fabrication et de commercialisation des produits agricoles.
8 Sur la base de toutes ces considérations, nous estimons que, eu égard à la nature purement interne de la situation qui fait l'objet du litige au principal, les dispositions de droit communautaire dont le juge de renvoi demande l'interprétation ne lui sont pas applicables et qu'il n'est pas nécessaire que la Cour se prononce sur la compatibilité de celles-ci avec les règles françaises relatives à l'utilisation de la dénomination emmenthal.
Sur le fond
Sur l'article 30 du traité CE
9 Dans l'hypothèse où la Cour entendrait choisir une solution autre que celle que nous venons de suggérer, elle devra statuer sur la compatibilité de la réglementation française avec les dispositions de droit communautaire primaires relatives à la libre circulation des marchandises qui interdisent précisément d'ériger des obstacles à l'importation des produits d'autres États membres.
10 a) L'ordre juridique communautaire n'assure aucune protection spécifique à la dénomination «emmenthal» qui nous occupe: elle ne constitue pas une appellation d'origine protégée en vertu du règlement (CEE) n_ 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (11), et, par ailleurs, aucune attestation de spécificité du produit n'a été délivrée à son égard en vertu du règlement (CEE) n_ 2082/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif aux attestations de spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires (12).
11 D'après le demandeur au principal, soutenu par les gouvernements allemand, autrichien et hollandais, il s'agirait d'une dénomination générique au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 2081/92. Outre le fait qu'il interdit l'enregistrement des dénominations génériques, cet article énumère les facteurs sur lesquels il faut se fonder pour déterminer si une dénomination est devenue générique; ces facteurs sont: «- la situation existant dans l'État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation, - la situation existant dans les autres États membres, - (les) législations nationales ou communautaires pertinentes». Aucun élément n'a été avancé pour réfuter cette thèse; au contraire, dans les observations de toutes les parties qui sont intervenues, la nature générique de la dénomination en cause ne fait aucun doute, en ce sens qu'elle n'est pas rattachée à la production en un lieu déterminé et donc à la provenance géographique du produit, mais uniquement aux caractéristiques (génériques) du produit lui-même, qui sont liées à la circonstance que le produit présente les mêmes caractéristiques générales parce qu'il est soumis à des procédés de fabrication très similaires.
S'agissant de la production d'emmenthal sans croûte sur le territoire communautaire, il ressort des indications fournies par le demandeur au principal et confirmées par la Commission que ce type de fromage est produit au Danemark et en Allemagne et qu'il est commercialisé en Espagne. Ainsi, de toute évidence, la législation française, qui n'accorde le droit d'utiliser cette dénomination que pour les fromages présentant une croûte de couleur jaune ivoire, peut entraîner une restriction à l'importation du fromage emmenthal produit dans lesdits États membres.
12 Ces éventuels effets sur le commerce intracommunautaire ont-ils pour conséquence que la mesure en cause peut être sanctionnée en vertu des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises?
La lecture de la jurisprudence de la Cour sur l'interprétation des dispositions en la matière en ce qui concerne les mesures nationales qui fixent les conditions d'utilisation d'une dénomination ne laisse aucune place au doute: s'inspirant de la notion large de mesures d'effet équivalent, énoncées dans l'arrêt Dassonville, la Cour a affirmé, d'une part, que dans l'hypothèse où la dénomination est considérée comme étant générique dans le marché commun, l'État membre n'a pas le droit d'en limiter l'utilisation aux seuls produits nationaux qui présentent des caractéristiques déterminées et que, d'autre part, au-delà de la nature générique de la dénomination, un État ne peut interdire l'entrée sur son territoire d'un produit muni de la même dénomination qui est utilisée conformément à la législation en la matière de l'État de provenance en appliquant ses propres règles en matière de dénomination des denrées alimentaires.
En ce qui concerne le premier aspect, c'est-à-dire les limitations à l'usage de dénominations génériques, rappelons qu'en 1981, statuant sur un recours en manquement à propos de la législation italienne qui interdisait l'importation et la commercialisation, sous la dénomination «vinaigre», de produits qui n'étaient pas produits à base de vin, la Cour, après avoir constaté que la dénomination était générique, a déclaré qu'«il serait incompatible avec les objectifs du marché commun, et en particulier avec le principe fondamental de la libre circulation de marchandises, qu'une législation nationale puisse réserver un terme générique à une seule variété nationale au détriment des autres variétés produites notamment dans d'autres États membres» (13).
13 S'agissant du deuxième aspect relatif à la limitation de l'utilisation des dénominations, nous renvoyons à l'arrêt Deserbais (14), invoqué à plusieurs reprises par les parties qui sont intervenues dans la présente procédure, dans lequel la Cour était appelée à se prononcer sur l'interprétation des articles 30 et suivants à propos d'une législation française qui limitait l'utilisation des dénominations «edam» aux seuls fromages ayant une teneur minimale de 40 % en matières grasses. Le juge communautaire a, en premier lieu, constaté que cette dénomination ne constituait ni une appellation d'origine ni une indication de provenance, expressions qui désignent toutes deux la provenance du produit d'une zone géographique déterminée; il a ensuite pris acte du fait que, à cette époque, à savoir en 1988, il n'existait pas de règles communes régissant les dénominations des différents types de fromages; il en a conclu que les États membres n'étaient pas habilités à fixer des règles subordonnant l'utilisation de la dénomination des fromages au respect de règles de fabrication déterminées. Il a cependant fait observer aussi que serait «incompatible avec l'article 30 du traité et les objectifs d'un marché commun d'étendre l'appellation de telles règles aux fromages importés du même type lorsque ceux-ci ont été légalement fabriqués et commercialisés dans un autre État membre sous la même dénomination générique, mais avec une teneur minimale différente en matières grasses» (15).
On déduit clairement de cette jurisprudence que, si les États membres demeurent compétents pour adopter des règles sur la fabrication des produits et, partant, l'utilisation de dénominations spécifiques, ces règles internes ne peuvent cependant se transformer en interdiction de commercialiser et donc d'importer des produits portant le même nom que les produits nationaux, en se fondant sur le non-respect, par les produits importés, des règles internes de fabrication. Les produits dont l'étiquetage est régulièrement apposé dans l'État membre d'origine doivent, en effet, pouvoir circuler librement sur l'ensemble du territoire communautaire.
14 La législation française à laquelle se réfère le juge de renvoi est analogue à celle examinée dans l'affaire Deserbais. Il ne fait en effet aucun doute que la législation française qui interdit l'utilisation de la dénomination emmenthal pour les fromages dépourvus de croûte, comporte, à l'instar de celle relative à la dénomination edam, un obstacle actuel ou potentiel à la commercialisation en France d'un fromage légalement fabriqué et confectionné dans un autre État membre. Elle constitue donc une mesure d'effet équivalant à une restriction à l'importation au sens de l'article 30 du traité CE.
15 b) Le gouvernement français affirme que sa législation est conforme au droit communautaire en faisant valoir qu'elle s'applique uniquement aux produits nationaux dans la mesure où elle concerne la production et non la commercialisation du fromage emmenthal. À l'appui de cette interprétation de sa législation nationale, elle soutient que les flux de vente d'emmenthal sans croûte à destination de la France ont constamment augmenté au fil du temps. Elle en déduit qu'il n'y aurait aucun obstacle au niveau de l'importation et de la commercialisation ultérieures. De plus, rappelle le gouvernement français, le décret 88-1206 litigieux dans l'affaire au principal précise en son article 18 que ses dispositions «ne font pas obstacle aux règles particulières de fabrication, de composition, de dénomination et d'étiquetage auxquelles sont soumis les fromages bénéficiant d'une appellation d'origine». La législation française serait plutôt à l'origine d'une discrimination à rebours: elle désavantagerait les producteurs français par rapport aux producteurs étrangers et ne pourrait donc pas, pour cette seule raison, être considérée comme une mesure d'effet équivalant à une restriction aux échanges intracommunautaires de produits agricoles.
16 Nous sommes d'avis que ces observations du gouvernement français ne sont pas pertinentes pour l'interprétation des règles communautaires que la Cour est appelée à donner. Il n'appartient en effet pas au juge communautaire de préciser le champ d'application de la législation interne et ce quand bien même, comme en l'espèce, l'application des règles internes aux marchandises importées est en fait contestée.
Dans l'ordonnance qui a opéré le renvoi préjudiciel qui nous occupe, le juge national interprète la législation interne en ce sens qu'elle «prohibe la fabrication et la commercialisation en France» (c'est nous qui soulignons) d'un fromage dépourvu de croûte sous la dénomination emmenthal (16). La Cour ne peut selon nous s'écarter de cette interprétation des règles françaises, à moins que, à la lumière des effets actuels ou potentiels de la mesure, elle n'identifie des éléments qui contredisent en fait le sens attribué à cette disposition par le juge de renvoi. Or, ces éléments ne peuvent certainement pas être déduits de la circonstance que, en fait, du fromage emmenthal sans croûte est constamment importé en France, dans la mesure où, si l'on se réfère à la lettre de la disposition française, rien ne permet d'exclure que les autorités administratives aient appliqué ou appliqueront la législation interne de façon à interdire ou à faire obstacle en quelque sorte à la libre commercialisation dudit produit sous la dénomination emmenthal.
17 c) Le gouvernement français souligne par ailleurs que la législation nationale litigieuse a été adoptée conformément aux dispositions d'une convention: en effet, la convention de Stresa, signée le 1er juin 1951 entre la France, les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, l'Italie et la Suisse, sur l'emploi des appellations d'origine et dénominations de fromage, précise les caractéristiques spécifiques des fromages auxquels est réservée la dénomination emmenthal. Plus précisément, l'article 4 de l'annexe B exige que la meule d'emmenthal présente une croûte «sèche et solide, de couleur jaune doré à brun clair» (17).
Il suffit de faire observer à propos de cet argument que la convention de Stresa, en tant qu'accord international conclu avant l'entrée en vigueur du traité CE entre certains États membres et un pays tiers, ne produit aucun effet contraignant dans les rapports entre les États membres et ne les dispense donc pas de respecter les obligations qui découlent pour eux du droit communautaire primaire et dérivé. En effet, bien qu'il exclue que les dispositions du traité puissent porter atteinte aux droits et obligations découlant d'accords antérieurs, l'article 234 du traité CE (devenu article 307 CE) impose aux États membres d'éliminer toutes les incompatibilités des dispositions conventionnelles prévues par rapport au droit communautaire, de sorte que, en vertu de cet article, les relations entre États membres et pays tiers demeurent inaltérées (18).
18 d) Faisons enfin observer que le gouvernement français n'invoque aucune exigence impérative pour justifier la mesure restrictive, mais se limite à faire valoir que la présence de la croûte suppose des modalités de production plus contraignantes: en effet, la croûte augmenterait les pertes de matières grasses, ainsi que les coûts de la main-d'oeuvre liés aux opérations d'affinage, en particulier en raison de la nécessité de retourner les meules, de les laver et de les brosser avant le préemballage; ces opérations entraîneraient une augmentation du prix au détail de l'emmenthal de 1,5 FRF environ par kilo.
Ces éléments n'indiquent pas selon nous que la présence de la croûte sur les meules de fromage emmenthal justifie d'imposer une dénomination différente: dans les deux cas, le fromage est produit au moyen d'ingrédients et d'après des critères en substance identiques et le produit final correspond à celui que l'on connaît traditionnellement sous le nom d'emmenthal. Or, comme la Cour l'a affirmé à juste titre dans l'arrêt Deserbais précité, une mesure interdisant l'utilisation d'une dénomination déterminée, qui est en revanche admise dans un autre État membre, ne peut être considérée comme étant justifiée, et, dès lors, légitime au sens des dispositions du traité, que si le produit importé «s'écarte tellement, du point de vue de sa composition ou de sa fabrication, des marchandises généralement connues sous cette même dénomination dans la Communauté qu'il ne saurait être considéré comme relevant de la même catégorie» (19).
Rappelons à cet égard que l'article 5, paragraphe 1, de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (20), tel qu'il a été modifié par la directive 97/4 (21), précise que, en l'absence de dispositions spécifiques au niveau communautaire, la dénomination du produit est celle qui est reconnue dans l'État d'origine lors de la vente au consommateur final et qu'elle peut uniquement ne pas être utilisée dans l'État de commercialisation lorsque le produit «s'écarte tellement, du point de vue de sa composition ou de sa fabrication, de la denrée connue sous cette dénomination» que des informations supplémentaires ajoutées sur l'étiquette ne «suffisent pas à assurer, dans l'État membre de commercialisation, une information correcte des consommateurs» [points b) et c)].
Si, toutefois, comme le soutient le gouvernement français, la différence entre les critères de production entraîne des différences dans la qualité du produit, il serait à nos yeux justifié d'adopter des mesures qui, bien que n'interdisant pas l'usage du nom, avertissent le consommateur de la différence du produit et ce surtout eu égard au fait que, lors de la vente au consommateur final, il pourrait s'avérer difficile (en cas de vente en portions préemballées) d'opérer la distinction entre emmenthal avec ou sans croûte. Or, étant donné que, en l'espèce, la simple indication du lieu de production, qui apparaît de toute façon déjà sur l'étiquette, ne suffit pas à distinguer l'emmenthal sans croûte de celui comportant une croûte, puisque les deux types de fromages peuvent être produits dans un même État, une mesure nationale qui imposerait l'obligation d'informer le consommateur final de la présence de la croûte au moyen d'une indication expresse sur l'étiquette serait à nos yeux justifiée et proportionnée par rapport à ses objectifs, et ce surtout en cas de vente de portions préemballées.
Sur l'article 34 du traité CE
19 La Commission s'est aussi posée la question des effets de la législation en cause sur les exportations d'emmenthal français, dès lors que l'interdiction de fabriquer se traduit, en fait, par l'interdiction d'exporter du fromage sans croûte produit en France. Se référant à l'arrêt Groenveld de 1979 (22), elle en arrive à la conclusion que, en l'espèce, on ne trouverait pas d'éléments établissant une violation de l'article 34, dans la mesure où les dispositions nationales n'auraient pas pour objet ou pour effet de mettre en oeuvre une restriction spécifique à l'exportation d'emmenthal.
Nous partageons cette thèse. Rappelons en effet que, à partir de l'arrêt Groenvel précité, la Cour a toujours interprété l'article 34 en ce sens qu'elle a exclu de son champ d'application les mesures nationales indistinctement applicables aux produits nationaux et aux produits exportés, qui sont susceptibles de produire indirectement un quelconque effet sur la vente des produits destinés à l'exportation, et qu'elle a seulement considéré que constituaient des mesures d'effet équivalant à des restrictions à l'exportation les mesures qui restreignaient «spécifiquement les courants d'exportation», établissant ainsi «une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État membre et son commerce d'exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l'État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d'autres États membres» (23). Or, la différence de traitement qui découle des mesures concernant directement ou indirectement l'importation par rapport à celles qui, en revanche, produisent des effets sur les exportations est évidente: depuis l'arrêt Dassonville, l'article 30 a en effet été interprété en ce sens qu'il s'applique à toutes les mesures nationales ayant un quelconque effet sur le commerce d'un produit, indépendamment de l'existence et de la portée des conséquences réelles sur les importations, tandis que l'interprétation de l'article 34 a toujours été rattachée aux effets spécifiques de la législation sur les exportations des produits et à l'existence d'une discrimination entre le régime des exportations et celui de la commercialisation dans le pays de production (24).
Nous estimons que cette orientation prise par la Cour doit être confirmée: en effet, inclure parmi les mesures qui entravent le commerce intracommunautaire toutes celles qui, de quelque façon que ce soit, défavorisent la fabrication et donc la vente de produits nationaux qui pourraient potentiellement être destinés à l'exportation, signifierait admettre que le droit communautaire sur la libre circulation des marchandises frapperait toute disposition nationale comportant une quelconque discrimination dans la production et la vente des produits nationaux; en d'autres termes, une interprétation large de l'article 34 affecterait un principe fondamental du système normatif qui a permis la réalisation du marché unique, principe qui consiste à exclure des obligations des États membres liées au processus d'intégration, l'interdiction d'adopter ou de maintenir toutes les mesures qui mettent les citoyens, les produits, les capitaux ou les services internes dans une position défavorable par rapport à ceux d'autres États membres et ce, manifestement, en l'absence de dispositions communautaires sectorielles contenues en règle générale dans des actes de droit dérivé (25).
Nous fondant sur ces considérations, nous estimons par conséquent que la législation française en cause ne constitue pas une mesure d'effet équivalant à une restriction à l'exportation, en vertu de l'article 34 du traité CE.
Conclusion
20 Eu égard aux considérations émises ci-dessus, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle déférée par le tribunal de Belley:
«1A) Les articles 30 et suivants du traité CE (devenu article 28 CE) ne s'appliquent pas à des situations purement internes à un État membre, comme celle d'une entreprise établie dans un État membre et à laquelle il est interdit de produire et de commercialiser ses propres produits sur le territoire national en vertu d'une législation interne relative à l'utilisation d'une dénomination.
Dans l'hypothèse où la Cour adopterait la solution contraire à celle suggérée sub 1A, nous l'invitons à répondre comme suit à la même question préjudicielle:
1B) L'article 30 du traité CE (devenu article 28 CE) s'oppose à une législation nationale qui subordonne le droit de donner la dénomination `emmenthal' à un type de fromage à la condition qu'il présente une croûte dure de couleur jaune doré.
2) L'article 34 du traité CE (devenu article 29 CE) ne s'oppose pas à une législation nationale qui subordonne le droit de donner la dénomination `emmenthal' à un fromage à la condition qu'il présente une croûte dure de couleur jaune doré».
(1) - Arrêt du 7 mai 1997 (C-321/94, C-322/94, C-323/94 et C-324/94, Rec. p. I-2343).
(2) - Arrêt du 11 juillet 1974 (8/74, Rec. p. 837, point 5).
(3) - La Cour renvoie à cet égard à son arrêt du 15 décembre 1982, Oosthoek's Uitgeversmaatschappij (286/81, Rec. p. 4575), dans lequel elle a déclaré que «l'application de la législation néerlandaise à la vente aux Pays-Bas d'encyclopédies produites aux Pays-Bas n'a effectivement aucun lien avec l'importation ou l'exportation des marchandises et ne relève donc pas du domaine des articles 30 et 34. Toutefois, dans le cas de la vente aux Pays-Bas d'encyclopédies produites en Belgique et de la vente dans d'autres États membres d'encyclopédies produites aux Pays-Bas, il s'agit de transactions du commerce intracommunautaire» dont il faut tenir compte aux fins de la réalisation du marché commun (point 9). Dans le même sens, voir l'arrêt du 14 décembre 1982, Waterkeyn (314/81, 316/81 et 83/82, Rec. p. 4337).
(4) - Cette jurisprudence semblerait être confirmée par l'arrêt du 22 octobre 1998, Commission/France (C-184/96, Rec. p. I-6197), dans lequel la Cour a statué sur un recours en manquement qui concernait la législation nationale relative à la dénomination des préparations à base de foie gras, c'est-à-dire sur une mesure indistinctement applicable aux produits nationaux et étrangers. Eu égard à la nature et à l'objet du recours formé par la Commission et, partant, à l'absence de litige national dans l'attente d'être tranché, le problème relatif à la pertinence de l'arrêt du juge communautaire par rapport à des situations purement internes ne s'est toutefois pas posé dans le cadre de ce recours.
(5) - Nous renvoyons, à cet égard, au cadre jurisprudentiel détaillé qui figure dans les conclusions de l'avocat général Jacobs prononcées le 24 octobre 1996 dans l'affaire Pistre (Rec. p. I-2346).
(6) - La Cour a statué récemment en ce sens dans son arrêt du 13 janvier 2000, Schutzverband gegen unlauteren Wettbewerb (C-254/98, non encore publié au Recueil), dans lequel elle a rejeté une exception d'irrecevabilité soulevée par le demandeur au principal et relative à l'absence de pertinence de l'arrêt préjudiciel pour la solution du litige au fond, cette exception étant précisément basée sur la circonstance que l'interprétation de la Cour «n'aurait pas concerné d'État membre autre que celui du juge de renvoi»; la Cour s'est prononcée en ce sens qu'«il appartient au seul juge national ... d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour» et que, par conséquent, «dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer» (voir en particulier les points 11 à 14).
(7) - On lit en effet dans le dispositif que «l'article 30 du traité s'oppose ce qu'un État membre applique aux produits importés d'un autre État membre ... une réglementation nationale qui réserve le droit d'utiliser la dénomination `yaourt' aux seuls yaourts frais, à l'exclusion des yaourts surgelés» (c'est nous qui soulignons).
(8) - Arrêt du 11 août 1995 (C-63/94, Rec. p. I-2467).
(9) - Voir, à titre indicatif, la jurisprudence citée à cet égard par le gouvernement danois et, plus précisément, les arrêts du 3 octobre 1990, Nino e.a. (C-54/88, C-91/88 et C-14/89, Rec. p. I-3537), du 28 janvier 1992, Brea et Palacios (C-330/90 et C-331/90, Rec. p. I-323), et du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet (C-64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171). Voir, en sens contraire, l'arrêt du 12 juin 1986, Bertini e.a. (98/85, 162/85 et 258/85, Rec. p. 1885).
(10) - Cette formule est celle utilisée dans l'arrêt Oosthoek's Uitgeversmaatschappij, précité à la note 3.
(11) - JO L 208, p. 1.
(12) - JO L 208, p. 1. Voir aussi le règlement (CE) n_ 1107/96 de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l'enregistrement des indications géographiques et des appellations d'origine au titre de la procédure prévue à l'article 17 du règlement (CEE) n_ 2081/92 du Conseil (JO L 148, p. 1). En vertu de ce règlement, les dénominations françaises «emmenthal Est-Central» et «emmenthal de Savoie» bénéficient d'une protection en tant qu'indications géographiques protégées.
(13) - Arrêt du 9 décembre 1981, Commission/Italie (193/80, Rec. p. 3019, en particulier, point 26). Voir par ailleurs l'arrêt du 12 mars 1987, Commission/Allemagne (178/84, Rec. p. 1227, en particulier les points 33 et suiv.). Nous faisons observer que, au fond, la Cour s'était déjà prononcée dans son arrêt du 20 février 1975, Commission/Allemagne (12/74, Rec. p. 181) sur une mesure nationale similaire qui limitait cependant l'utilisation de la dénomination générique à des produits qui non seulement étaient fabriqués d'après la règle traditionnelle, mais qui, de plus, étaient produits sur le territoire national. À cette occasion, la Cour avait considéré que la législation allemande, qui réservait les dénominations «Seckt» et «Weinbrand» respectivement à des vins mousseux et à des eaux de vie de vin produits en Allemagne et respectant des critères de qualité déterminés, constituait une mesure d'effet équivalant à une restriction à l'importation, dans la mesure où ces dénominations ne constituaient pas des appellations d'origine et que, dès lors, elles ne pouvaient pas être réservées seulement aux produits nationaux (voir en particulier le point 14) au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous s) de la directive 70/50/CEE de la Commission, du 22 décembre 1969, fondée sur les dispositions de l'article 33, paragraphe 7, portant suppression des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation non visées par d'autres dispositions prises en vertu du traité CEE (JO L 13 du 19 janvier 1970, p. 29).
(14) - Arrêt du 22 septembre 1988 (286/86, Rec. p. 4907).
(15) - Point 12 de l'arrêt, précité à la note 14. Voir, dans le même sens, les arrêts du 11 octobre 1990, Commission/Italie (C-210/89, Rec. p. I-3697), et Commission/France, précité à la note 4.
(16) - Voir, en particulier, la question préjudicielle à la page 7 de l'ordonnance.
(17) - Le gouvernement français s'est aussi référé dans ses observations au codex alimentarius, arrêté conjointement par la FAO et l'OMS, lequel précise qu'un fromage peut être vendu sous la dénomination emmenthal pour autant qu'il soit produit soit sous forme de meule d'un poids minimum de 50 kilos, soit sous forme de bloc rectangulaire, avec ou sans croûte, d'un poids minimum de 30 kilos. Or, mis à part la circonstance que le codex n'exclut pas que le fromage sans croûte puisse porter la dénomination emmenthal, nous nous rangeons à ce qu'a déclaré la Cour dans l'arrêt Deserbais en réponse aux arguments du gouvernement néerlandais qui avait invoqué la même source internationale, à savoir que les normes du codex «ont effectivement pour but de fournir des indications permettant de définir les caractéristiques de ces produits. Toutefois, le seul fait qu'une marchandise n'est pas entièrement conforme à la norme prévue n'implique pas que sa commercialisation puisse être interdite».
(18) - De ce point de vue aussi, nous renvoyons à l'arrêt Deserbais cité à plusieurs reprises, dans lequel on peut lire aux points 17 et 18 que: «l'article 234, alinéa 1, du traité a pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international, que l'application du traité n'affecte pas l'engagement de l'État membre concerné de respecter les droits des États tiers résultant d'une convention antérieure et d'observer les obligations correspondantes ... Par conséquent, dès lors que, comme en l'espèce, les droits des États tiers ne sont pas en cause, un État membre ne saurait invoquer les dispositions d'une telle convention antérieure en vue de justifier des restrictions de la commercialisation des produits provenant d'un autre État membre, lorsqu'une telle commercialisation est licite en vertu de la libre circulation des marchandises prévue par le traité». Voir, dans le même sens, les arrêts du 27 février 1962, Commission/Italie (10/61, Rec. p. 1), et du 14 octobre 1980, Burgoa (812/79, Rec. p. 2787).
(19) - Voir point 13, et, dans le même sens, arrêt Smanor, précité à la note 6, point 25, et arrêt Commission/France, précité à la note 4.
(20) - JO L 33, p. 1.
(21) - Directive du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, modifiant la directive 79/112/CEE relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 43, p. 21).
(22) - Arrêt du 8 novembre 1979 (15/79, Rec. p. 3409). Voir, dans le même sens et parmi de nombreux autres, les arrêts de la Cour du 7 février 1984, Jongeneel Kaas BV e.a. (237/82, Rec. p. 483) et du 24 mars 1994, Commission/Belgique (C-80/92, Rec. p. I-1019).
(23) - Point 7.
(24) - Signalons cependant que, dans son arrêt du 15 avril 1997, Deutsches Milch-Kontor (C-272/95, Rec. p. I-1905), la Cour semble, d'après une première lecture, étendre à l'article 34 la notion de mesures d'effet équivalant à une restriction aux importations visée dans l'arrêt Dassonville, dans la mesure où, au point 24, elle déclare que les interdictions visées aux articles 30 et 34 du traité «s'étendent à toute réglementation commerciale des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire».
(25) - S'agissant de la légalité des discriminations dites à rebours, nous renvoyons notamment aux arrêts de la Cour du 23 octobre 1986, Driancourt (Rec. p. 3231) et du 18 février 1987, Mathot (98/86, Rec. p. 809).