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Document 61998CC0420
Opinion of Mr Advocate General Alber delivered on 13 January 2000. # W.N. v Staatssecretaris van Financiën. # Reference for a preliminary ruling: Raad van State - Netherlands. # Harmonisation of laws - Directive 77/799/EEC - Mutual assistance by the authorities of the Member States in the field of direct taxation - Spontaneous exchange of information. # Case C-420/98.
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 13 janvier 2000.
W.N. contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas.
Rapprochement des législations - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle des autorités des Etats membres dans le domaine des impôts directs - Echange spontané d'informations.
Affaire C-420/98.
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 13 janvier 2000.
W.N. contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas.
Rapprochement des législations - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle des autorités des Etats membres dans le domaine des impôts directs - Echange spontané d'informations.
Affaire C-420/98.
Recueil de jurisprudence 2000 I-02847
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:15
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 13 janvier 2000. - W.N. contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas. - Rapprochement des législations - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle des autorités des Etats membres dans le domaine des impôts directs - Echange spontané d'informations. - Affaire C-420/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-02847
A - Introduction
1. Dans la présente demande de décision préjudicielle, le Nederlandse Raad van State saisit la Cour de justice de questions relatives à l'interprétation de la directive concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs. Il s'agit plus particulièrement de savoir à quel moment les autorités d'un État membre doivent ou peuvent fournir des informations de manière spontanée, c'est à dire sans qu'une demande en ce sens leur ait été adressée.
2. Cette question se pose dans le cadre d'un litige opposant le demandeur W.N., qui pour des raisons de confidentialité est simplement désigné par des initiales dans la décision de renvoi, au Staatssecretaris van Financiën (ci-après le «défendeur»). Le demandeur est marié mais vit séparé de son épouse. Celle-ci a quitté les Pays-Bas pour s'installer en Espagne. Le défendeur a décidé d'informer les autorités espagnoles compétentes du versement, par l'intermédiaire d'une banque suisse, d'une pension alimentaire par le demandeur à son épouse.
B - Les bases légales
I - Droit Communautaire
La directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (1) (ci-après la «directive»).
3. A titre liminaire, il y a lieu d'indiquer que le libellé de la directive diffère selon les versions linguistiques, ce qui aboutit à des difficultés d'interprétation. C'est la raison pour laquelle les passages pertinents seront indiqués ci-après en plusieurs langues.
«Article premier Dispositions générales
1. Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l' établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune.
2. ...
3. ...
4. ....
5. ...
Article 2 change sur demande
...
Article 3 change automatique
...
Article 4 change spontané
1. L'autorité compétente de chaque État membre communique, sans demande préalable, les informations visées à l'article 1er paragraphe 1, dont elle a connaissance, à l'autorité compétente de tout autre État membre intéressé dans les situations suivantes:
a) l'autorité compétente d'un État membre a des raisons de présumer qu' il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans l'autre État membre;
b) un contribuable obtient, dans un État membre, une réduction ou une exonération d'impôt qui devrait entraîner pour lui une augmentation d'impôt ou un assujettissement à l'impôt dans l'autre État membre;
c) des affaires entre un contribuable d'un État membre et un contribuable d'un autre État membre dans lesquelles interviennent un établissement stable de ces contribuables ou un ou plusieurs tiers, se trouvant dans un ou plusieurs autres pays, sont de nature à entraîner une diminution d'impôt dans l'un ou l'autre État membre ou dans les deux;
d) l'autorité compétente d'un État membre a des raisons de présumer qu' il existe une diminution d'impôt résultant de transferts fictifs de bénéfices à l'intérieur de groupes d'entreprises;
e) dans un État membre, à la suite des informations communiquées par l' autorité compétente de l'autre État membre, sont recueillies des informations qui peuvent être utiles à l'établissement de l'impôt dans cet autre État membre.
2. ...
3. Les autorités compétentes des États membres peuvent, dans tout autre cas, se communiquer sans demande préalable les informations visées à l'article 1er, paragraphe 1, dont elles ont connaissance.»
4. Il y a tout d'abord lieu d'indiquer que, concernant la communication d'informations, le texte allemand et le texte anglais de l'article 4, paragraphe 1, indiquent respectivement soll ... Auskünfte ... erteilen et shall ... forward the information... alors que les versions française et néerlandaise utilisent les termes communique et deelt ... mede.
5. Le cas mentionné à l'article 4, paragraphe 1, sous a) - la présomption de réduction ou d'exonération - est formulé de manière différente dans les versions néerlandaise, allemande, française et anglaise, à savoir comme suit:
(Lorsque l'autorité compétente d'un État membre a des raisons de présumer...)
«redenen om te vermoeden dat in een andere lidstaat een abnormale vrifstelling of vermondering van belasting bestaat»;
«Gründe für die Vermutung einer Steuerverkürzung in dem anderen Mitgliedstaat»
«des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans l'autre État membre»;
«grounds for supposing that there may be a loss of tax in the other Member state». (2)
6. Dans la mesure où les parties intervenantes évoquent à maintes reprises dans leurs observations (auxquelles il est fait référence dans les développements qui suivent) l'objectif de la directive et qu'il convient également de l'examiner, les principaux considérants qui ont conduit à son adoption et auxquels ces parties se réfèrent sont déjà évoqués ici.
7. La directive du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs a été adoptée dans l'objectif de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Selon le premier considérant, la pratique de la fraude et de l'évasion fiscales par-delà les frontières des États membres conduit à des pertes budgétaires et à des entorses au principe de la justice fiscale et elle est susceptible de provoquer des distorsions dans les mouvements de capitaux et dans les conditions de concurrence; elle affecte donc le fonctionnement du marché commun. Comme l'indique le deuxième considérant, le Conseil a, pour ces raisons, adopté, avant même l'adoption de la directive, une résolution relative aux mesures à prendre par la Communauté dans le domaine de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. (3) Comme il résulte du troisième considérant, les mesures nationales sont insuffisantes tout comme la collaboration entre administrations sur la base d'accords bilatéraux. Il convient dès lors, comme l'indique le quatrième considérant, de renforcer la collaboration entre administrations fiscales à l'intérieur de la Communauté conformément à des principes communs et à des règles communes. En vertu du cinquième considérant, les États membres doivent échanger, sur demande, des informations en ce qui concerne un cas précis et doivent échanger, même sans demande, - selon le sixième considérant - toute information qui paraît utile pour l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune «en particulier dans les cas où ... de telles transactions entre des entreprises situées dans deux États membres (transfert fictif de bénéfices) sont effectuées par l'intermédiaire d'un troisième pays en vue de bénéficier d'avantages fiscaux ...».
II - Droit national
8. Les Pays-Bas ont transposé la directive par le biais de la Wet op de internationale Bijstandsverlening bij de heffing van belastingen (loi du 24 avril 1986) - ci-après la «WIB» -.
L'article 7 de la WIB réglemente la communication d'informations spontanée et dispose dans son paragraphe 1, premier alinéa, que:
Notre ministre (4) peut, de sa propre initiative, communiquer à une autorité compétente des informations qui peuvent lui être utiles pour la constatation d'une dette fiscale dans les cas dans lesquels
...
b) une diminution, une remise, un remboursement ou une exonération d'impôt, qui peut avoir des conséquences sur les prélèvements fiscaux de l'État dans lequel se trouve l'autorité compétente, est accordé aux Pays-Bas.
...
9. L'article 13, paragraphe 1, sous a), de la WIB, qui prévoit des limites à la transmission d'informations, dispose que:
Notre ministre ne communique pas d'informations lorsque
a) leur communication ne découle pas d'engagements résultant de la directive 77/799/CEE ... ou d'autres engagements internationaux ou interégionaux.
C - Les faits
10. Le demandeur est marié depuis 1974 et vit séparé de son épouse qui a quitté les Pays-Bas en 1983 pour s'installer en Espagne où elle a fait l'acquisition d'une maison. Le demandeur a continué à lui verser une pension après son départ pour l'Espagne. Lors d'un contrôle de la déclaration fiscale du demandeur pour 1988 - à l'occasion duquel il fût constaté que celui-ci avait bénéficié d'importantes réductions d'impôts en raison des pensions alimentaires versées à son épouse - le défendeur a décidé le 2 décembre 1992 d'informer, de sa propre initiative, les autorités espagnoles compétentes au sujet des pensions alimentaires versées entre 1987 et 1991 par l'intermédiaire d'une banque suisse. Le demandeur a introduit une réclamation contre cette décision et cette réclamation a été rejetée le 25 mai 1993. Par une lettre du 22 juin 1993, il a donc intenté un recours contre cette décision de rejet devant la juridiction de renvoi.
11. La juridiction de renvoi considère qu'en raison des différences de libellé entre les versions linguistiques de la directive, il existe une ambiguïté tant à l'égard du concept «abnormaal/anormales» que sur la question de savoir si cette disposition présuppose l'établissement d'un acte explicite par une autorité d'un autre État membre. La juridiction de renvoi fait de plus observer qu'une interprétation large comme celle soutenue par le défendeur fait naître des doutes quant à la signification des autres cas décrits à l'article 4 de la directive. En outre, la question se pose de savoir si - dans les cas autres que ceux décrits à l'article 4, paragraphe 1 - il résulte de l'article 4, paragraphe 3, une obligation de communiquer spontanément des informations.
12. Par une décision du 19 novembre 1998, la juridiction de renvoi a donc saisi la Cour de justice des questions suivantes:
1. Les termes «exonération ou réduction d'impôts» de l'article 4, paragraphe 1, sous a) de la directive 77/799/CEE doivent-ils donc être interprétés en ce sens que l'exonération ou la réduction doit figurer dans un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre?
2. Comment doit-on interpréter de ce point de vue le terme «anormales» dans le paragraphe précité de l'article 4?
3. Si ce paragraphe n'est pas d'application, une obligation d'échange spontané d'informations peut-elle découler de l'article 4, paragraphe 3 de la directive précitée?
D - Sur les questions 1 et 2
13. En raison du rapport logique entre les deux premières questions, il y a lieu d'y répondre conjointement et cela parce qu'il ne s'agit pas simplement de l'interprétation des concepts «diminution d'impôts» ou «exonération ou réduction d'impôts» en tant que telle mais de l'assimilation de l'expression «exonération ou réduction anormales d'impôts» dans différentes langues aux termes «Steuerverkürzung» ou «Loss of taxes» utilisés dans d'autres versions linguistiques.
14. Dans les deux premières questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir en définitive si d'une part, l'obligation de communiquer des informations présuppose qu'il existe un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre - on entend probablement par là une détermination formelle de l'imposition -, ou s'il suffit que - sans les informations communiquées - une réduction d'impôt puisse ou aurait pu intervenir. D'autre part, la juridiction nationale souhaite savoir si le concept de la réduction «anormale» d'impôts vise une réduction «contraire aux règles» - c'est à dire une réduction d'impôts injustifiée - ou si - conformément à l'usage courant - il convient d'assimiler le mot anormal à inhabituel ou excessif. Il s'agit donc de savoir si une réduction ou une exonération anormales d'impôts (libellés français et néerlandais) doit être assimilée au concept allemand de «Steuerverkürzung» ou au concept anglais de «loss of taxes».
Observations des parties intervenantes
15. Toutes les parties intervenantes - c'est à dire outre le gouvernement néerlandais et la Commission, le gouvernement français - parviennent en substance au même résultat, à savoir qu'un acte explicite de l'autorité compétente d'un État membre n'est pas nécessaire et qu'il convient d'entendre le terme «abnormaal» par rapport à celui d'«exonération ou réduction d'impôts».
16. Dans ses observations écrites, le gouvernement néerlandais compare en premier lieu les versions néerlandaise, française, anglaise et allemande de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive. Il constate ainsi la concordance des différentes versions sur le concept de présomption de réduction d'impôts. Il en résulte selon lui qu'il n'est pas nécessaire de constater si cette réduction d'impôts est effectivement intervenue.
17. En ce qui concerne les différences entre les versions linguistiques quant au concept de «réduction ou exonération anormales d'impôt», le gouvernement néerlandais renvoie, à l'instar des autres parties intervenantes, à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et que, dès lors, en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément. (5)
18. En se référant à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive et à son sixième considérant, le gouvernement néerlandais fait valoir que la réglementation litigieuse doit être interprétée de manière large et n'exige pas la preuve que les informations communiquées soient «utiles» pour la détermination de l'imposition. Une conclusion similaire résulte de l'objet de la directive tel qu'il ressort de la lecture des premier, troisième et quatrième considérants. Si l'obligation de communiquer des informations était interprétée plus restrictivement, l'assistance mutuelle des autorités compétentes, nécessaire pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, serait alors impossible dans la pratique. Dans ce cas, on exige des autorités des États membres qui communiquent les informations non seulement des connaissances approfondies du système fiscal de tous les autres États membres mais également un «contrôle de la situation spécifique de la personne» concernée par ces informations.
19. Le gouvernement néerlandais parvient donc à la conclusion que l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive n'exige pas que les autorités de l'État membre qui transmettent les informations constatent au préalable qu'une réduction d'impôts résulte d'un acte explicite de l'autorité compétente de l'autre État membre. Les autorités qui transmettent doivent simplement effectuer un «contrôle marginal» afin de constater si une exonération ou une réduction d'impôts «existe» dans un autre État membre.
20. Selon le gouvernement français, il résulte de l'économie générale de la directive que celle-ci n'exige qu'une simple présomption d'une diminution d'impôts et ne présuppose pas un acte explicite de l'autorité compétente préalablement à l'échange d'informations. La formulation de l'article 4, paragraphe 1, sous a), est sans ambiguïté à cet égard: il suffit que l'autorité compétente d'un État membre ait des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts. Cela résulte également du sixième considérant de la directive.
21. Pour le gouvernement français, un échange d'informations deviendrait sans objet dans l'hypothèse où l'autre État membre aurait juridiquement admis une situation d'exonération d'impôts. Exiger un acte explicite irait à l'encontre de l'effet utile de l'article 4, paragraphe 1, sous a). Pour le moins, cette interprétation aurait pour conséquence de diminuer considérablement la marge de manoeuvre des autorités compétentes.
22. Concernant l'interprétation du terme «abnormaal», le gouvernement français fait en outre remarquer qu'il ressort de l'économie générale de la directive que l'idée qu'il serait nécessaire de quantifier la fraude ou l'évasion fiscales présumée ne figure nulle part. Par analogie, même lorsque l'idée d'augmentation ou de diminution d'impôts est associée aux situations d'exonération ou de réduction d'impôts, aux points b) à d) de l'article 4, paragraphe 1, aucune quantification n'est précisée.
23. Cela ne signifie pas cependant que l'article 4, paragraphe 1, sous a), n'impose aucune obligation aux autorités compétentes des États membres. Selon le gouvernement français, il appartient en effet à ces dernières de «fournir les éléments» permettant de présumer qu'il existe dans l'autre État membre une situation de fraude ou d'évasion fiscales. L'échange est ainsi lié à une situation de fait dans laquelle de tels éléments existent.
24. La Commission quant à elle examine en premier lieu la signification du terme «abnormaal». Celui-ci s'applique à des situations qui divergent d'une norme déterminée ou - au sens juridique - de règles applicables et qui sont donc injustifiées. En raison des différences existantes entre les diverses versions linguistiques, la Commission renvoie, comme les autres parties intervenantes, à la jurisprudence. (6) Pour déterminer le but de la directive, ce qui est nécessaire dans ce contexte, la Commission invoque les premier et cinquième considérants de la directive dont il ressort que ce but est la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et - indirectement - la promotion du principe de justice fiscale. Cela implique que chaque personne doit être imposée conformément à sa situation. Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive, cela conduit à la règle générale selon laquelle les États membres se communiquent mutuellement toutes les informations qui peuvent être appropriées pour la détermination exacte de l'imposition.
25. A cet égard, la Commission souligne également la signification du système de l'assistance mutuelle prévu par la directive telle qu'elle ressort de la jurisprudence. La Cour a ainsi condamné des dispositions fiscales nationales discriminatoires qui avaient été considérées comme nécessaires pour recevoir des informations exactes en se référant aux possibilités offertes par l'assistance mutuelle prévue par cette directive. (7)
26. Selon la Commission, il convient donc d'interpréter l'article 4, paragraphe 4, sous a), en ce sens que les autorités qui transmettent les informations doivent supposer que le fait pour l'autorité compétente de l'autre État membre de ne pas disposer de certaines informations pourrait aboutir à faire bénéficier un contribuable d'un avantage fiscal qui ne correspond pas aux règles applicables et qui est donc injustifié. Selon le septième considérant (8) de la directive, il convient de considérer cette présomption comme fondée lorsque certaines transactions financières entre deux États membres sont effectuées - comme c'est le cas en l'espèce - par l'intermédiaire d'un troisième pays qui se distingue en outre des deux autres par un secret bancaire strict.
27. La Commission aborde enfin l'argument invoqué dans la décision de renvoi selon lequel une interprétation large de l'article 4, paragraphe 1, sous a), remet en question la signification des autres cas mentionnés dans l'article 4, paragraphe 1. La Commission considère que les points b) à d) de l'article 4, paragraphe 1, sont tellement spécifiques qu'ils conservent leur signification.
28. En ce qui concerne la question de savoir si la réduction ou l'exonération doit résulter d'un acte explicite de l'autorité compétente, la Commission soutient que la présomption qui doit exister ne dépend pas de la façon dont la réduction ou l'exonération se produit. Exiger un acte explicite irait à l'encontre du fonctionnement du système de l'assistance mutuelle. En pratique, les avantages fiscaux peuvent précisément exister parce que l'autorité compétente n'est pas en mesure d'établir correctement l'imposition faute des informations nécessaires. Dans ces cas, l'autorité ne pourra apprécier si des impôts peuvent être perçus que si elle reçoit les informations nécessaires grâce au système de l'assistance mutuelle entre autorités.
29. Dans le cas contraire, les autorités compétentes se verraient également imposé une charge excessive dans la mesure où une étude approfondie de la situation dans l'État destinataire serait requise avant chaque communication. L'échange spontané d'informations ne serait alors plus possible.
30. La Commission indique enfin qu'on peut considérer que la présomption exigée par l'article 4, paragraphe 1, sous a), existe lorsque le défaut de certaines informations dans un État membre peut aboutir à ce qu'un contribuable bénéficie d'un avantage fiscal injustifié. C'est le cas en particulier lorsque la fraude fiscale est possible. Il n'est pas nécessaire ici que l'exonération ou la réduction d'impôts résulte d'un acte explicite de l'autorité compétente.
Appréciation
31. A titre liminaire, il est indiqué qu'il existe une obligation de communication dans les cas mentionnés à l'article 4, paragraphe 1, de la directive; cela résulte de cette disposition et de l'effet utile de la directive. Il n'est pas possible de déduire du terme allemand «soll» l'existence d'une pouvoir d'appréciation .
Sur la détermination du terme «abnormaal»
32. Les différentes versions linguistiques divergeant les unes par rapport aux autres, la question de l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, sous a), se pose. La Cour a jugé dans une jurisprudence constante que les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme; «en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.» (9)
33. Selon son article 1er, paragraphe 1, la directive vise à permettre
l' établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune car elle règle la communication de toutes les informations pertinentes pour cette détermination. Les considérants de la directive donnent également des indications sur son but. Il convient de citer plus particulièrement ici les premier, deuxième et troisième considérants. Selon ces considérants, la directive vise à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales par-delà les frontières des États membres qui portent atteinte au principe de la justice fiscale.
34. Des lors, quand certaines versions linguistiques de l'article 4, paragraphe 1, indiquent qu'un échange spontané d'informations intervient lorsque l'autorité compétente a des raisons de présumer une exonération fiscale anormale, ce concept ne peut s'entendre, dans le cadre d'une directive adoptée pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et pour permettre d'établir l'établissement correct des impôts, que comme une réduction d'impôt dans l'acception commune utilisée dans les autres versions linguistiques.
35. Comme le soutient à juste titre la Commission, cela résulte également de l'interprétation du terme «abnormaal». Par choses anormales, on entend des choses qui dévient d'une norme, y compris juridique. Une exonération fiscale anormale telle que l'évoquent certaines versions linguistiques de la directive ne serait donc pas - comme on pourrait tout d'abord le croire - une exonération fiscale excessive mais une exonération qui ne correspond pas à la réglementation fiscale ou qui n'est pas prévue par elle. Cela correspond tout à fait au concept «Steuerverkürzung» utilisé dans la version allemande de la directive.
36. Sur ce point, il convient également de convenir avec le gouvernement français que les concepts de réduction ou d'économie d'impôts n'indiquent aucune quantification dans les autres cas mentionnés dans l'article 4, paragraphe 1.
37. Le terme «abnormaal» doit donc s'entendre par rapport à une réduction ou une exonération d'impôts.
Sur la question de la nécessité d'un acte explicite de l'autorité compétente
38. Un acte explicite de l'autorité compétente existerait du fait de l'établissement d'une imposition dans un cas particulier ou de l'approbation effective d'une réduction d'impôts. Il résulte déjà du libellé de la règle litigieuse qu'une telle exigence n'est pas requise. En vertu de la directive, l'autorité compétente doit communiquer les informations lorsqu'elle a «des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération». La simple présomption que l'imposition n'est pas (ou ne puisse pas être) déterminée de manière correcte est donc suffisante. Il n'est pas nécessaire de vérifier la situation effective dans l'autre État membre. Cela signifie que l'autorité compétente n'est pas tenue non plus de vérifier si la réduction ou l'exonération d'impôts intervient sur la base d'un acte explicite des autorités de l'autre État membre. Dans ce cas, la réduction ou l'exonération d'impôts ne serait plus présumée puisque non seulement l'autorité serait informée qu'elle existe, mais elle saurait même sur quelle base.
39. Il convient encore de constater que l'article 4, paragraphe 1, sous a), doit être interprété en ce sens qu'il doit exister des raisons de présumer une réduction ou une exonération mais pas un acte explicite des autorités compétentes de l'autre État membre.
40. En ce qui concerne les autres cas mentionnés par l'article 4, paragraphe 1, il convient de convenir avec la Commission qu'ils sont tellement spécifiques qu'ils ne perdent pas leur propre signification, même dans le cas d'interprétation relativement large du point a) décrit plus haut. Ils concrétisent en outre des faits particulièrement «douteux».
E - Sur la question 3
Observations des parties intervenantes
41. Le gouvernement néerlandais a abordé cette question avant tout au cours de l'audience de plaidoiries pour répondre aux observations présentées par la Commission. Il a d'une part indiqué que compte tenu des réponses proposées pour les questions 1 et 2, la question 3 devenait dès lors sans objet.
42. D'autre part, la réponse à la question 3 résulte selon le gouvernement néerlandais des termes et de l'économie de l'article 4 de la directive. Le paragraphe 1 mentionne les cas dans lesquels une obligation d'échanger des informations existe. A cette occasion, il convient de toujours garder à l'esprit la finalité de la directive, à savoir la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Compte tenu de cette finalité, il pourrait également être nécessaire de transmettre des informations dans d'autres cas. Dans ses observations, le gouvernement néerlandais est parti du principe qu'il s'agissait d'une possibilité et non d'une obligation de transmettre des informations.
43. Au cours de l'audience, il a ajouté à cet égard que l'article 4, paragraphe 3, dispose que les législateurs des États membres accordent également aux autorités des compétences pour transmettre des informations dans les cas mentionnés au point précédent. Selon le gouvernement néerlandais, l'article 4, paragraphe 3, prévoit une obligation mais la question de savoir s'il y a ou non obligation dépend dans un cas concret de l'appréciation de l'autorité compétente.
44. A la différence de la Commission, le gouvernement néerlandais considère que cette obligation a été transposée en droit néerlandais. A cet égard, il cite l'article 7, paragraphe 1, sous d), de la WIB selon lequel le ministre (des Finances) peut - outre les cas dans lesquels existe une obligation et qui sont mentionnés par la directive - toujours transmettre des informations lorsqu'il considère que cela est nécessaire pour déterminer la dette fiscale.
45. L'obligation visée par la directive serait donc ainsi transposée en droit néerlandais. S'agissant d'une obligation prévue par une directive, l'article 13, paragraphe 1, sous a), ne s'oppose pas à un exercice effectif de cette compétence par les autorités.
46. Le gouvernement néerlandais souligne enfin que les questions soulevées par la Commission concernent l'interprétation du droit néerlandais pour laquelle seul le juge national est compétent et la Cour ne doit pas y répondre dans le cadre d'une procédure préjudicielle.
47. On a octroyé aux autorités les compétences correspondantes et satisfait ainsi à l'obligation qui découle de la directive; l'article 13, paragraphe 1, sous a), n'est donc pas pertinent en l'espèce. Le gouvernement néerlandais conclut que l'article 4, paragraphe 3, oblige les États membres à prévoir, lors de la transposition de la directive, les compétences pour transmettre également des informations lorsque cela est nécessaire dans des cas autres que ceux cités à l'article 4, paragraphe 1, pour réaliser les objectifs de la directive.
48. A la remarque de la Commission qui s'interroge sur la raison pour laquelle le juge de renvoi a posé la question 3 si cette interprétation est exacte, le gouvernement néerlandais réplique qu'il appartient au juge national de décider des questions qu'il considère comme pertinentes pour la décision et dont par conséquent il saisit la Cour.
49. Le gouvernement français considère qu'il ne fait aucun doute que l'article 4, paragraphe 3, ne prévoit aucune obligation d'échanger spontanément des informations. Cela résulte, selon lui, de l'économie générale de l'article 4 qui prévoit une répartition claire entre les paragraphes 1 et 3. Le paragraphe 1 mentionne les cas dans lesquels il existe une obligation de communication alors que le paragraphe 3 ne prévoit qu'une simple possibilité dans tous les autres cas.
50. La Commission indique, comme le gouvernement néerlandais, que compte tenu des réponses qu'elle propose aux deux premières questions, la question 3 est sans objet pour le présent litige. Afin d'être exhaustive, elle présente cependant des observations sur cette question. Elle indique tout d'abord que la question 3 - tout comme les deux premières - doit être comprise dans le cadre de l'article 13, paragraphe 1, sous a), de la WIB. Celui-ci semble interdire la communication d'informations lorsque la directive ne comporte aucune obligation en ce sens. La question se pose donc de savoir si l'article 13 n'est pas incompatible avec la transposition correcte de l'article 4, paragraphe 3, de la directive à l'article 7. C'est là - c'est à dire au niveau du droit national et non à celui de la directive - que se situe le véritable problème qui a amené le juge national à déférer la question.
51. La Commission estime que l'article 4, paragraphe 3, doit être interprété en ce sens qu'il comporte une obligation pour les États membres de conférer une marge discrétionnaire aux autorités quant à la question de la transmission des informations. Si la possibilité de l'échange spontané était exclue d'emblée, la directive - avant tout compte tenu de sa finalité - perdrait sa signification.
52. Il ne semble pas que l'article 13, paragraphe 1, sous a), de la WIB confère ce pouvoir d'appréciation prévu par la directive. A cet égard, reste à savoir cependant comment il convient de comprendre l'expression «obligations posées par la directive» dans l'article 13, paragraphe 1, sous a). Il peut s'agir de l'obligation pour les États membres de transposer la directive d'une certaine manière ou de l'obligation des autorités compétentes de communiquer certaines informations.
53. Dans ce contexte, la Commission rappelle que le droit national doit être interprété, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la directive. (10) Une telle interprétation peut consister selon elle à interpréter l'article 13, paragraphe 1, sous a), de la WIB en ce sens que le ministre ne communique aucune information lorsque cela ne résulte pas d'obligations ou de compétences des autorités prévues par le législateur national pour satisfaire aux obligations de transposition qui résultent de la directive.
54. Dans ce cas, il n'y avait cependant aucune raison que le juge national saisisse la Cour d'une telle question. On peut donc en déduire selon la Commission que le juge national a interprété l'obligation visée par l'article 13 comme une obligation de communiquer les informations.
55. La Commission indique enfin que dans le cas dans lequel il a été conféré un pouvoir d'appréciation aux autorités, celui-ci doit être exercé (11); les autorités nationales compétentes ne sauraient cependant, comme l'indique la jurisprudence, se contenter d'appliquer des critères généraux prédéterminés, mais doivent procéder, au cas par cas, à un examen «global» de celle-ci. (12) Les autorités sont alors également tenues de tirer les conséquences qui résultent de cette appréciation si bien que dans ce cas également, il peut exister, sous certaines conditions, une obligation de communiquer des informations.
56. La Commission indique enfin qu'elle peut en substance faire sienne l'interprétation défendue par le gouvernement néerlandais. Cependant, un certain manque de clarté subsiste et c'est pourquoi la Cour devrait, selon le Commission, donner au juge de renvoi des indications sur le domaine d'application de l'article 4, paragraphe 3. La Commission considère qu'il n'appartient pas à la Cour mais bien au juge national de procéder à une interprétation du droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive. La Cour peut cependant indiquer que l'article 4, paragraphe 3, comporte l'obligation pour les États membres de prévoir un pouvoir d'appréciation pour les autorités qui doivent alors décider elles-mêmes si elles transmettent ou non des informations.
Appréciation
57. Il y a lieu de convenir avec le gouvernement néerlandais et la Commission qu'il n'est plus nécessaire de répondre à la question 3. L'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, proposée dans les questions 1 et 2, conduit, en prenant pour base les indications fournies par la juridiction de renvoi, à ce que dans le cas d'espèce, une obligation de communication des informations résulte déjà de l'article 4, paragraphe 1. Afin d'être exhaustif, il convient cependant d'aborder la question 3. Il y a cependant lieu d'observer que la Cour n'est compétente que pour l'interprétation du droit communautaire, celle des dispositions nationales - néerlandaises en l'occurrence - restant réservée à la juridiction de renvoi.
58. Si on s'attache au libellé et à l'articulation de l'article 4 dans son ensemble, on parvient à la conclusion que l'article 4, paragraphe 3, ne comporte aucune obligation de principe de communiquer des informations. Cela apparait également logique compte tenu de l'économie de l'article 4 qui mentionne tout d'abord au paragraphe 1 les cas dans lesquels la communication obligatoire d'informations est prescrite et confère aux autorités compétentes, dans le paragraphe 3, un pouvoir d'appréciation dans tous les autres cas, les autorités ayant ainsi la possibilité de décider si elles communiquent ou non des informations dans le cas concret.
59. Comme l'ont soutenu à juste titre la Commission et le gouvernement néerlandais, ce pouvoir d'appréciation doit avoir été effectivement donné aux autorités compétentes lors de la transposition de la directive par les législateurs nationaux. Une réglementation qui n'autoriserait la communication d'informations que dans les cas obligatoires mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ne serait pas conforme à la directive dans la mesure où elle exclurait la possibilité de transmettre des informations et donc la possibilité pour les autorités compétentes de décider elles-mêmes si elle communiquent des informations. Les autorités doivent en outre exercer le pourvoir d'appréciation qui leur a été conféré, c'est à dire qu'elles doivent dans chaque cas - en partant du sens et du but de la directive et de l'obligation générale posée à l'article 1 - vérifier si elles communiquent les informations ou non.
F - Conclusion
60. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante:
1. Les termes «exonération ou réduction d'impôts» de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/799 doivent être interprétés en ce sens que cette exonération ou réduction ne doit pas nécessairement résulter d'un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre et que la présomption qu'il puisse y avoir une exonération ou une réduction est suffisante.
2. Le terme «anormals» utilisé dans certaines versions linguistiques de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens qu'il se réfère à une réduction ou à une exonération contraires aux règles d'imposition.
3. L'article 4, paragraphe 3, de la directive 77/799/CEE prévoit que les autorités compétentes se voient conféré un pouvoir d'appréciation quant à la question de savoir s'il convient de communiquer des informations à d'autres autorités compétentes dans tous les cas autres que ceux mentionnés à l'article 4, paragraphes 1 et 2. Le législateur national est tenu de conférer aux autorités, lors de la transposition de la directive, le pouvoir d'appréciation prévu à l'article 4, paragraphe 3. Dans certains cas, il peut exister une obligation de communiquer des informations lors de l'exercice de ce pouvoir d'appréciation.
(1) - JO L 336, p.15
(2) - Les italiques ne figurent pas dans le texte original de la directive.
(3) - JO C 35 du 14.2.1975, p.1.
(4) - Il s'agit du ministre des Finances.
(5) - Arrêt du 7 décembre 1995, Rockfon (C-449/93, Rec. p. I-4291, point 28) avec une référence à l'arrêt du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, Rec. p. 1999, point 14).
(6) - Voir la note 5.
(7) - Arrêts du 12 avril 1994, Halliburton Services (C-1/93, Rec. p. I-1137) et du 15 mai 1997, Futura (C-250/95, Rec. I-2471, points 41 et 43).
(8) - Il s'agit en fait du huitième considérant.
(9) - Arrêts Rockfon et Bouchereau (précités à la note 5).
(10) - Arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, point 26) et du 13 novembre 1990, Marleasing (C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8).
(11) - Par analogie à l'arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou (T-17/95, Rec. Fonction publique, IA-0227; II-683, points 22 et s.).
(12) - Arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C-28/95, Rec. p. I-4161, point 41).