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Document 61998CC0300

    Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 11 juillet 2000.
    Parfums Christian Dior SA contre TUK Consultancy BV et Assco Gerüste GmbH et Rob van Dijk contre Wilhelm Layher GmbH & Co. KG et Layher BV.
    Demandes de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank 's-Gravenhage et Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas.
    Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce - Accord TRIPs - Article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) - Compétence de la Cour - Article 50 de l'accord TRIPs - Mesures provisoires - Interprétation - Effet direct.
    Affaires jointes C-300/98 et C-392/98.

    Recueil de jurisprudence 2000 I-11307

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:378

    61998C0300

    Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 11 juillet 2000. - Parfums Christian Dior SA contre TUK Consultancy BV et Assco Gerüste GmbH et Rob van Dijk contre Wilhelm Layher GmbH & Co. KG et Layher BV. - Demandes de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank 's-Gravenhage et Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas. - Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce - Accord TRIPs - Article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) - Compétence de la Cour - Article 50 de l'accord TRIPs - Mesures provisoires - Interprétation - Effet direct. - Affaires jointes C-300/98 et C-392/98.

    Recueil de jurisprudence 2000 page I-11307


    Conclusions de l'avocat général


    I - Introduction

    1 Dans les questions préjudicielles soumises en l'espèce au titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (Pays-Bas) et le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) sollicitent l'interprétation de l'article 50 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l'«accord TRIPs»), qui figure en annexe 1 C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après OMC), approuvé au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, dans la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (1). Plus précisément, la Cour est invitée à se prononcer sur le sens de la notion de «droit de propriété intellectuelle» visée à l'article 50, paragraphe 1, de l'accord TRIPs. Cependant, avant d'interpréter cette notion, elle est appelée à dire, d'une part, si elle est compétente en l'occurrence pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs et, d'autre part, si le paragraphe 6 de cet accord produit un effet direct.

    II - Le cadre juridique

    A - Les dispositions de l'accord TRIPs

    2 L'accord instituant l'OMC et l'accord TRIPs, conclu dans le cadre du premier cité, sont connus de la Cour par des affaires antérieures dans lesquelles avaient été soulevées certaines questions relatives à l'interprétation de leurs dispositions (2).

    3 Pour ce qui nous intéresse en l'espèce, l'article 50 de l'accord TRIPs, dont les juridictions nationales nous demandent l'interprétation, dispose:

    «1. Les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner l'adoption de mesures provisoires rapides et efficaces:

    a) pour empêcher qu'un acte portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle ne soit commis et, en particulier, pour empêcher l'introduction, dans les circuits commerciaux relevant de leur compétence, de marchandises, y compris de marchandises importées immédiatement après leur dédouanement;

    b) pour sauvegarder les éléments de preuve pertinents relatifs à cette atteinte alléguée.

    2. Les autorités judiciaires seront habilitées à adopter des mesures provisoires sans que l'autre partie soit entendue dans les cas où cela sera approprié, en particulier lorsque tout retard est de nature à causer un préjudice irréparable au détenteur du droit ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve.

    ...

    4. Dans les cas où des mesures provisoires auront été adoptées sans que l'autre partie soit entendue, les parties affectées en seront avisées, sans délai après l'exécution des mesures au plus tard. Une révision, y compris le droit d'être entendu, aura lieu à la demande du défendeur afin qu'il soit décidé, dans un délai raisonnable après la notification des mesures, si celles-ci seront modifiées, abrogées, ou confirmées.

    ...

    6. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 4, les mesures provisoires prises sur la base des paragraphes 1 et 2 seront abrogées ou cesseront de produire leurs effets d'une autre manière, à la demande du défendeur, si une procédure conduisant à une décision au fond n'est pas engagée dans un délai raisonnable qui sera déterminé par l'autorité judiciaire ordonnant les mesures lorsque la législation d'un État membre le permet ou, en l'absence d'une telle détermination, dans un délai ne devant pas dépasser 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai est plus long.

    ...».

    B - Les dispositions communautaires

    4 Afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (3), a procédé à un rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des dessins ou modèles.

    5 D'après le 5ème considérant de la directive, «il n'apparaît pas nécessaire de procéder à un rapprochement total des législations des États membres sur les dessins ou modèles et ... il suffit de limiter le rapprochement aux dispositions nationales qui ont l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur; ... il conviendrait que les dispositions relatives aux sanctions, aux voies de recours et à l'application de la loi continuent de relever du droit national ...».

    6 Par ailleurs, le 7ème considérant de la directive observe que «la présente directive n'exclut pas l'application des dessins ou modèles des dispositions de droit national ou communautaire qui prévoient une protection autre que celle que les dessins ou modèles acquièrent par leur enregistrement ou leur publication, telle que les dispositions relatives aux dessins ou aux modèles non enregistrés, aux marques, aux brevets et modèles d'utilité, à la concurrence déloyale et à la responsabilité civile».

    7 Enfin, l'article 16 de la directive dispose:

    «La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions du droit communautaire ou du droit de l'État membre concerné qui s'appliquent aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques et autres signes distinctifs, aux brevets ou modèles d'utilité, aux caractères typographiques, à la responsabilité civile et à la concurrence déloyale».

    III - Les faits et les questions préjudicielles

    A - L'affaire C-300/98

    8 La société Parfums Christian Dior SA (ci-après «Dior») est titulaire des marques de parfums TENDRE POISON, EAU SAUVAGE et DOLCE VITA, en vertu d'enregistrements internationaux effectués pour le Benelux aussi, sur la base des données qu'elle a déclarées à chaque fois.

    9 Dior distribue ses produits dans la Communauté européenne par le canal d'un système fermé de points de vente sélectionnés. Grâce à leur image faite de prestige et de luxe, les produits Dior ont un rayonnement qui transparaît aussi dans leur publicité.

    10 La société Tuk Consultancy BV (ci-après «Tuk») a vendu et livre des parfums pourvus des marques de Dior à différentes sociétés, parmi lesquelles l'entreprise Digros BV, établie à Hoofddorp.

    11 Dans la procédure au principal, qui est une procédure en référé, Dior a demandé que Tuk cesse toute vente de produits portant la marque Dior qui n'ont pas été commercialisés dans l'Espace économique européen (ci-après «EEE») par Dior ou avec son acquiescement, et ce sous peine de sanction pécuniaire; des demandes additionnelles ont également été formulées.

    12 Comme indiqué dans l'ordonnance de renvoi, Dior a affirmé à ce propos qu'en vendant des parfums sous la marque Dior, Tuk a porté atteinte aux droits de cette dernière sur lesdites marques, puisque ces parfums n'auraient pas été mis dans le commerce au sein de l'EEE par Dior ou avec son consentement. S'appuyant pour sa part sur le rapport d'un expert-comptable, Tuk a démontré qu'elle avait acquis les parfums en question aux Pays-Bas et, partant, dans l'EEE. Cependant, le seul fait que Tuk a acheté les parfums aux Pays-Bas ne signifiait pas que ces parfums avaient été mis dans le commerce à l'intérieur de l'EEE par Dior ou avec son consentement. Enfin, les parties ont amplement débattu du point de savoir à qui incombe la charge de la preuve que les parfums en question ont été commercialisés par Dior au sein de l'EEE ou en dehors de celui-ci.

    13 Dans le cadre d'une appréciation provisoire, le Président de la juridiction de renvoi a considéré tout d'abord que, dans un cas comme la présente affaire, il fallait faire une distinction entre, d'une part, la question de savoir si Tuk a porté atteinte au droit à la marque de Dior (ce qu'il ne lui était pas loisible de faire) et, d'autre part, la question de savoir si Tuk a ouvert une brèche dans le système de distribution fermé de Dior (ce qu'il lui était loisible de faire). Invoquant ensuite la théorie de l'épuisement communautaire, il a examiné la question de savoir jusqu'où un opérateur participant aux échanges commerciaux doit aller pour éviter de vendre des marchandises qui ont, certes, été mises dans le commerce avec le consentement du titulaire de la marque, mais qui n'ont pas été mises dans le commerce à l'intérieur de l'EEE. Enfin, compte tenu du fait que la provenance des parfums était établie, qu'il était démontré que les parfums en question avaient été achetés dans l'EEE et qu'ils avaient été fournis à Tuk au départ d'un lieu situé à l'intérieur de l'EEE, tandis que Tuk ne pouvait voir, d'après les marchandises elles-mêmes, que celles-ci étaient destinées aux marchés extérieurs à l'EEE, le Président de la juridiction de renvoi a conclu qu'il n'y avait pas lieu pour l'heure, d'une part, d'imposer à Tuk une interdiction formulée en termes généraux et, d'autre part, de refuser de lui interdire la vente de produits Dior - pourvus des marques TENDRE POISON, EAU SAUVAGE et DOLCE VITA - autres que ceux achetés et obtenus auprès de fournisseurs établis dans l'EEE et qui lui ont certifié par écrit s'être procuré ces marchandises à l'intérieur de l'EEE.

    14 Ensuite, le Président de la juridiction de renvoi a d'office invoqué l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs en soulevant la question de savoir si cet article produisait un effet direct. Il a observé que, dans l'arrêt Hermès (4), la Cour a jugé qu'une mesure adoptée dans le cadre d'une procédure en référé du droit néerlandais était une «mesure provisoire» au sens de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs, mais qu'elle ne s'est pas exprimée sur le point de savoir si cette disposition a un effet direct. C'est pourquoi le Président du Tribunal de renvoi a estimé qu'avant de statuer définitivement, il fallait saisir la Cour d'une demande préjudicielle au titre de l'article 177 du traité CE.

    15 Partant de ces considérations et après avoir déclaré que les dépens devraient être compensés au moment du prononcé de la décision finale, le Président de la juridiction de renvoi, statuant en référé:

    - a interdit à Tuk de vendre des produits Dior pourvus des marques TENDRE POISON, EAU SAUVAGE et DOLCE VITA, dans la mesure où elle ne les a pas achetés à des fournisseurs indépendants, lui ayant confirmé par écrit qu'ils se sont procurés les produits concernés à l'intérieur de l'EEE;

    - a invité Tuk à prouver, sur simple demande du conseil de Dior, qu'il est satisfait aux conditions susvisées, soit en communiquant confidentiellement à ce conseil les déclarations susmentionnées de ses fournisseurs (si le conseil se déclare disposé à garantir la confidentialité), soit en lui communiquant une déclaration faite sur ce point par un expert-comptable (si Dior est disposée à en supporter les frais);

    - a déclaré sa décision exécutoire par provision;

    - a invité la Cour de justice des Communautés européennes à statuer sur la question suivante au titre de l'article 177 du traité CE:

    «L'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs doit-il être interprété comme ayant un effet direct, en ce sens que les conséquences juridiques qu'il comporte se produisent même dans le cas où la législation nationale ne contient aucune disposition analogue?»

    B - L'affaire C-392/98

    16 La société Wilhelm Layher GmbH & Co KG (ci-après «Layher Allemagne») conçoit et fabrique des échafaudages, parmi lesquels le «Allroundsteiger» (5). La société Layher Pays-Bas (dénommée ci-après, ensemble avec Layher Allemagne, Layher), filiale de Layher Allemagne, est l'importateur exclusif des échafaudages Allroundsteiger pour les Pays-Bas.

    17 L'office allemand des brevets a délivré en 1974 à Eberhard Layher un brevet d'invention pour le système d'assemblage de l'échafaudage dénommé Allroundsteiger. Ce brevet est arrivé à son terme le 16 octobre 1994. Le 8 août 1975, Eberhard Layher a sollicité pour les Pays-Bas un brevet relatif à un «système d'échafaudage» (steigersysteem), en invoquant à cet égard un droit de priorité fondé sur le brevet allemand. Le brevet néerlandais délivré à la suite de cette demande est échu depuis le 7 août 1995.

    18 Van Dijk, qui opère sous le nom de «Assco Holland Steigers Plettac Nederland», commercialise aux Pays-Bas un système d'échafaudage fabriqué par Assco Gerüste GmbH (ci-après «Assco Allemagne» ou, ensemble avec Assco Holland Steigers Plettac Nederland, Assco) sous le nom de «Assco Rondosteiger». Ce dernier est, quant à son système d'assemblage et de soudage, identique à l'échafaudage «Allroundsteiger» de Layher.

    19 Constatant que l'Assco Rondosteiger constituait, pour l'essentiel, une copie à l'identique de l'échafaudage Allroundsteiger, Layher Allemagne a cité Assco Allemagne et deux de ses dirigeants à comparaître devant le Landgericht de Cologne en demandant, en substance, qu'il leur soit interdit d'offrir en vente ou de commercialiser en Allemagne un échafaudage et/ou des éléments de construction d'un échafaudage pourvus, en résumé, d'un système d'assemblage identique à celui de Layher. Par jugement du 27 juin 1996, le Landgericht a déclaré cette demande fondée; en appel, le jugement a été confirmé avec une formulation quelque peu modifiée.

    20 Layher a voulu obtenir une décision judiciaire analogue aux Pays-Bas aussi. S'adressant en référé au Président du Rechtbank te Utrecht, elle a demandé qu'il soit fait interdiction à Assco, sous peine d'astreinte, d'importer, de vendre, d'offrir en vente ou de commercialiser d'une quelconque manière aux Pays-Bas l'«Assco Rondosteiger», tel qu'actuellement fabriqué, ou des éléments de celui-ci.

    21 Layher a fondé sa demande sur la circonstance qu'Assco agit de manière illégitime à son égard en commercialisant un système d'échafaudage qui est une imitation pure et simple du Allroundsteiger. Sur ce point, il faut observer que, comme indiqué dans l'ordonnance de renvoi, en droit néerlandais, la protection d'un modèle industriel qui n'est pas protégé par un droit exclusif en vertu de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles (6), peut être fondée sur les dispositions générales du Burgerlijk Wetboek (code civil néerlandais) relatives aux actes illicites (articles 1401 et suivants du code civil jusqu'au 1er janvier 1992; depuis lors, articles 6 ainsi que 162 et suivants du code civil).

    22 Le Président du Rechtbank a, en substance, fait droit à cette demande. À cette occasion, il a fixé, pour autant que cela s'impose, à un an le délai mentionné à l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs.

    23 Assco a interjeté appel de cette décision devant le Gerechtshof Amsterdam, en faisant notamment grief au Président du Rechtbank d'avoir, dans sa décision, considéré le délai d'un an comme un délai raisonnable au sens de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs. Sur ce point, Layher a répliqué en soutenant que la procédure en référé en cause ne pouvait pas être qualifiée de «mesure provisoire» au sens de cette disposition. Le Gerechtshof a estimé que ce moyen de défense constituait un appel incident, qu'il a d'ailleurs déclaré fondé. En réponse à l'appel principal et l'appel incident, il a annulé la décision du Président du Rechtbank, dans la mesure où celle-ci détermine que le délai mentionné à l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs est d'un an; pour le surplus, il a confirmé la décision dudit président dans le cadre de l'appel principal.

    24 Assco s'est pourvue en cassation contre cette décision devant le Hoge Raad der Nederlanden. Afin de pouvoir statuer, ce dernier a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

    «1) La Cour est-elle compétente pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs, même dans la mesure où ce qui est indiqué dans cet article ne concerne pas des mesures provisoires visant à empêcher un acte portant atteinte à un droit à la marque?

    2) L'article 50 de l'accord TRIPs, en particulier le paragraphe 6 de cet article, a-t-il un effet direct?

    3) Si l'imitation d'un modèle industriel est susceptible de faire l'objet d'un recours en vertu du droit civil national sur la base des dispositions générales relatives à un acte illicite, en particulier en matière de concurrence déloyale, la protection accordée de cette manière à l'ayant droit doit-elle alors être considérée comme un `droit de propriété intellectuelle' au sens de l'article 50, paragraphe 1, de l'accord TRIPs?»

    V - La réponse aux questions préjudicielles

    25 Nous analyserons les questions de fond soulevées par les juridictions nationales (B) après avoir examiné le problème de la recevabilité de la demande préjudicielle dans l'affaire C-300/98 (A).

    A - Sur la recevabilité de la demande préjudicielle dans l'affaire C-300/98

    26 En ce qui concerne la pertinence des questions préjudicielles, la Cour a jugé qu'«elle n'est pas compétente pour fournir une réponse à la juridiction de renvoi, dès lors que les questions qui lui sont posées ne présentent aucun rapport avec les faits ou l'objet de la procédure au principal et ne répondent donc pas à un besoin objectif pour la solution du litige au principal» (7).

    27 À ce propos, il y a lieu de rappeler que «la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées» (8).

    28 Comme le Conseil et la Commission l'ont souligné dans leurs observations écrites dans l'affaire C-300/92, la demande préjudicielle ne répond apparemment à aucune nécessité objective pour trancher le litige au principal. En outre, l'ordonnance de renvoi n'explique pas en quoi la réponse de la Cour à la demande préjudicielle peut contribuer à la solution de la procédure de référé en cause.

    29 De fait, l'ordonnance de renvoi se rapporte à une procédure judiciaire qui concerne certes le droit des marques, mais qui ne présente aucun lien avec les questions de l'interprétation et de l'effet direct de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs. Plus précisément, rien dans les indications fournies par le juge national ne permet de dire que se serait posé la question de la définition du laps de temps dans lequel la société défenderesse dans la procédure en référé peut demander la suppression des mesures provisoires adoptées. D'autre part, l'ordonnance de renvoi manifeste clairement que la question préjudicielle a été posée d'office sans demande ni observations préalables des parties à ce propos. Enfin, compte tenu du fait que, dans le référé de la procédure au principal, la juridiction nationale a déjà examiné et en substance statué définitivement sur les conclusions de Dior, en déclarant sa décision exécutoire par provision, tout en annonçant parallèlement que les dépens de la procédure devraient être compensés au moment du prononcé (formel) de la décision finale, aucun élément concret ne permet de dire si et de quelle façon exactement la réponse à la demande préjudicielle pourrait aider la juridiction nationale à statuer. Autrement dit, la Cour est privée de tous les éléments de fait et de droit qui sont indispensables pour donner une réponse utile à la question préjudicielle en cause.

    30 Sur cette base, nous concluons que la demande de décision préjudicielle présentée par l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage dans l'affaire C-300/98 est irrecevable.

    B - Sur le fond des questions préjudicielles

    a) Sur la compétence de la Cour pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs lorsque cette disposition est appliquée dans des domaines où aucune compétence communautaire n'a encore été exercée (première question dans l'affaire C-392/98)

    31 Dans sa première question préjudicielle dans l'affaire C-392/98, la juridiction de renvoi soulève en substance le problème liminaire de savoir si la Cour est compétente pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs, alors que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas normalement à des mesures provisoires visant à empêcher un acte portant atteinte à un droit sur la marque, mais à des mesures provisoires qui, comme c'est le cas dans la procédure au principal, visent à assurer une protection contre la contrefaçon d'un modèle industriel sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier dans le domaine de la concurrence déloyale. Comme nous allons le voir, la Cour est invitée en substance à dire si elle peut et doit reconnaître une compétence d'interprétation des dispositions de conventions internationales multilatérales, comme l'accord TRIPs, lorsque ces dispositions s'appliquent dans des domaines où aucune compétence communautaire n'a encore été exercée. Il s'agit d'une question complexe, qui se situe au carrefour de la problématique générale des interactions entre ordres juridiques national, communautaire et international, et du régime des relations institutionnelles entre la Cour et les autres organes communautaires ainsi que les autorités nationales.

    32 Tout d'abord, il faut souligner que l'accord TRIPs est un accord mixte pour la conclusion duquel la Communauté et les États membres jouissent d'une compétence partagée. C'est ce que la Cour a déclaré expressément dans son avis 1/94 (9), dans lequel elle a refusé de reconnaître la compétence exclusive de la Communauté au titre de l'article 113 du traité (devenu, après modification, article 133 CE) au motif que, à l'exception de celles de ses dispositions qui concernent l'interdiction de la mise en libre pratique de marchandises de contrefaçon, le TRIPs n'est pas couvert par la matière de la politique commerciale commune (10). Parallèlement, dans le même avis, la Cour a constaté, d'une part, que l'harmonisation réalisée dans le cadre communautaire dans certains domaines couverts par le TRIPs n'est que partielle et que, dans d'autres domaines, aucune harmonisation n'a été prévue (11) et, d'autre part, que les institutions communautaires n'ont pas exercé jusqu'ici leurs compétences dans le domaine des «moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle», sauf pour ce qui est du règlement n_ 3842/86 sur l'interdiction de la mise en libre pratique des marchandises de contrefaçon (12). Autrement dit, ces compétences sont encore potentielles pour ce qui est des institutions communautaires et effectives pour ce qui est des institutions nationales.

    33 À ce propos, il faut observer que, dans l'affaire C-392/98, l'interprétation de l'article 50 de l'accord TRIPs demandée en ce qui concerne des mesures provisoires de protection contre l'imitation d'un modèle industriel, adoptées en vertu du droit civil et sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier en matière de concurrence déloyale, se rapporte à un secteur dans lequel la Communauté n'a pas encore exercé dans la pratique sa compétence (potentielle) dans le champ interne; en d'autres termes, ce secteur reste en principe de la compétence des États membres.

    34 La directive 98/71 (13), qui est d'ailleurs entrée en vigueur à un moment (17 novembre 1998 (14)) postérieur à celui des faits de l'affaire au principal (15), ne contient en tout cas aucune disposition relative à l'adoption de mesures provisoires, telles que celles de l'article 50 de l'accord TRIPs. Comme indiqué dans le cinquième considérant de la directive (16) et comme le Conseil le souligne à juste titre dans ses observations écrites, le contenu de l'article 50 de l'accord TRIPs n'est pas visé par l'harmonisation des législations en ce qui concerne le droit des dessins et modèles, de sorte que sa mise en oeuvre sur le plan pratique reste pour l'heure de la compétence des États membres.

    Au demeurant, la protection contre l'imitation accordée à un modèle industriel en vertu du droit civil et sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier dans le cadre de la concurrence déloyale, échappe au champ d'application de la directive 98/71. En effet, il résulte du septième considérant (17) et de l'article 16 (18) de cette directive que la protection des dessins et modèles par les dispositions relatives à la responsabilité civile et à la concurrence déloyale ne ressortit pas à l'harmonisation des législations nationales réalisée par cette directive.

    35 Au stade actuel du développement du droit communautaire, il semble donc que la Communauté ne puisse être considérée comme partie à des dispositions de l'accord TRIPs, telles que l'article 50, lorsque ces dernières se rapportent à des mesures provisoires de protection contre l'imitation d'un modèle industriel, adoptées en vertu du droit civil et sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier en matière de concurrence déloyale (19). De même, aucune disposition du droit communautaire ne semble être affectée par l'interprétation et l'application de l'article 50 de l'accord TRIPs en l'espèce.

    36 Au vu de ces constatations, est-il possible de considérer la Cour comme compétente pour interpréter des dispositions d'accords mixtes, telles que l'article 50 de l'accord TRIPs, lorsque ces dispositions sont appliquées dans des domaines où aucune compétence communautaire n'a encore été exercée?

    37 Après un grand nombre d'affaires dans lesquelles la Cour a interprété des dispositions d'accords mixtes sans préciser si sa compétence s'appuyait sur le fait que les dispositions en cause relevaient avec certitude de la compétence de la Communauté ou sur le fait que sa compétence couvre toutes les dispositions des accords mixtes (20), la question a été posée directement par l'avocat général Darmon dans l'affaire Demirel (21), relative à l'interprétation de dispositions de l'accord d'association entre la CEE et la Turquie, dans le cadre de laquelle un certain nombre de gouvernements avaient soulevé une exception d'incompétence de la Cour en ce qui concerne les dispositions en matière de libre circulation des travailleurs, car ils considéraient que ces dispositions ressortissaient à la compétence spécifique des États membres. En effet, l'avocat général Darmon a déclaré que la jurisprudence de la Cour «est très nette quant au caractère communautaire de l'obligation mise à la charge des États membres de respecter les accords externes conclus par la Communauté et à la mission vous incombant dans le cadre de votre compétence d'en interpréter les dispositions en vue de leur application uniforme. Elle ne définit pas pour autant un critère de compétence, ni n'exclut expressément l'hypothèse dans laquelle une disposition, introduite dans un accord mixte, pourrait, en raison de sa nature même ou d'une réserve expresse contenue dans l'accord, échapper à votre compétence d'interprétation» (22).

    38 Dans son arrêt Demirel, la Cour a reconnu sa compétence d'interprétation en s'appuyant sur le caractère particulier des accords d'association (23). Cependant, il n'est nullement évident que le critère de l'objet de l'accord et de la perspective d'adhésion à la Communauté, qui fonde la particularité institutionnelle des accords d'association, puisse servir de base pour élaborer une théorie générale - éventualité d'ailleurs expressément exclue par l'avocat général Darmon dans ses conclusions dans l'affaire Demirel (24) - ou être extrapolé à des accords multilatéraux, comme l'accord TRIPs (25).

    39 Le caractère injustifié d'une telle extrapolation a été reconnu en substance par l'avocat général Tesauro qui, revenant sur la question dans ses conclusions dans l'affaire Hermès (26), pour affirmer le bien-fondé de la reconnaissance de la compétence de la Cour en ce qui concerne les dispositions de l'accord TRIPs relatives à des domaines pour lesquels les États membres sont restés compétents, a tiré de la jurisprudence Demirel certains arguments seulement, qui concernaient la non-reconnaissance de la compétence d'interprétation de la Cour lorsqu'il y a compétence exclusive des États membres et la responsabilité de la Communauté pour l'ensemble des dispositions des accords mixtes.

    40 Cependant, la Cour n'a pas non plus définitivement tranché la question dans l'arrêt Hermès, ce qui a d'ailleurs obligé le Hoge Raad der Nederlanden à introduire la présente demande préjudicielle. En effet, pour fonder sa compétence, la Cour s'est appuyée, d'une part, sur le fait que l'article 99 du règlement n_ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, relatif à la protection des droits découlant de la marque communautaire (27), autorise l'adoption de «mesures provisoires et conservatoires» (28), ce qui signifie qu'en substance il existe une compétence communautaire déjà exercée; d'autre part, elle s'est basée sur sa jurisprudence antérieure, selon laquelle, lorsqu'une disposition peut trouver à s'appliquer aussi bien à des situations relevant du droit national qu'à des situations relevant du droit communautaire, il existe un intérêt communautaire certain à ce que, pour éviter des divergences d'interprétation futures, cette disposition reçoive une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est appelée à s'appliquer (29). L'invocation de cette jurisprudence a en substance permis à la Cour d'accepter l'existence d'une compétence communautaire effective dans cette affaire; en conséquence, contrairement aux thèses développées par Assco et par le Royaume-Uni dans leurs observations écrites sur les points ci-dessus de l'arrêt Hermès, cette jurisprudence ne permet pas de considérer que la Cour se serait reconnu une compétence illimitée d'interprétation de l'article 50 de l'accord TRIPs et, partant, une compétence d'interprétation dans la présente affaire (30). Cependant, les motifs de l'arrêt Hermès ne permettent pas non plus de dire avec certitude - pas même par un raisonnement a contrario - que la Cour aurait renoncé à toute compétence d'interprétation dans des domaines étrangers à la protection de la marque communautaire et, plus généralement, se référant à des compétences communautaires qui n'ont pas encore été exercées (compétences potentielles).

    41 Dès lors que, dans les circonstances de la présente affaire, la question de la reconnaissance de la compétence d'interprétation de la Cour n'a pas encore été tranchée dans la jurisprudence, la réponse à cette question doit passer par l'examen des trois volets fondamentaux de la problématique qu'elle pose: aa) l'équilibre institutionnel entre autorités communautaires et autorités nationales; ab) l'équilibre institutionnel entre la Cour et les autres institutions communautaires; ac) la question de l'application uniforme de l'accord TRIPs. L'analyse de ces volets semble finalement mener à exclure en l'occurrence la compétence d'interprétation de la Cour, tout en justifiant de reconnaître à la charge du juge national un certain nombre d'obligations (ad).

    aa) L'équilibre institutionnel entre autorités communautaires et autorités nationales

    42 L'extension de la compétence d'interprétation de la Cour aux dispositions de l'accord TRIPs qui se réfèrent à des secteurs dans lesquels aucune compétence communautaire n'a encore été exercée semble constituer une violation de la compétence des autorités nationales. Dès lors que, pour les secteurs en question, il n'existe qu'une compétence communautaire potentielle et que, en conséquence, les États membres peuvent encore introduire leurs propres dispositions, l'interprétation centralisée et contraignante faite par la Cour des dispositions en question pour tous les secteurs de la réglementation litigieuse, interprétation qui déterminerait sans aucun doute également le mode d'application de ces dispositions, constituerait une violation manifeste de la répartition actuelle des compétences entre autorités nationales et autorités communautaires. En effet, rien ne semble justifier de contraindre les juridictions nationales voire les autorités administratives nationales - lors de l'application de stipulations conventionnelles auxquelles c'est l'État membre qui est en fait partie, mais non la Communauté - à appliquer l'interprétation de la Cour et non pas leur propre interprétation ou, le cas échéant, celle d'une institution de l'OMC.

    43 Cependant, nous croyons que la contradiction visée ci-dessus entre l'extension de la compétence d'interprétation de la Cour et la répartition existante des compétences entre la Communauté et les États membres n'est claire qu'à première vue. En réalité, il faut reconnaître que cette contradiction ne se présente que dans des secteurs où les États membres sont investis d'une compétence exclusive (31). Cependant, comme souligné dans l'avis 1/94, l'accord TRIPs ne relève de la compétence exclusive ni de la Communauté ni des États membres. L'existence d'une compétence partagée, qui justifie de qualifier cet accord de mixte, concerne des secteurs qui, même s'ils relèvent de la compétence des États membres, ne sont pas dépourvus de rapport avec le droit communautaire. D'ailleurs, la compétence des États membres est provisoire et les institutions communautaires ont la possibilité à tout moment de faire de leur compétence simplement potentielle une compétence actuelle.

    44 De même, il serait contraire à l'exigence d'application efficace du droit communautaire et de prévention des divergences d'interprétation futures ou des conflits entre dispositions nationales et dispositions communautaires, de considérer qu'il n'y a aucun intérêt communautaire en jeu dans les domaines qui relèvent pour l'heure encore de la compétence des États membres. Cet intérêt communautaire ne saurait certes justifier, dans le cadre des accords internationaux mixtes, un «effet attractif» du droit communautaire, qui affaiblirait complètement le droit national, car cela reviendrait à abolir la répartition actuelle des compétences entre autorités communautaires et autorités nationales. Cet intérêt communautaire suffit toutefois, d'une part, pour légitimer la recherche d'une position commune des organes communautaires et nationaux vis-à-vis de la question de l'interprétation des accords internationaux mixtes et, d'autre part, pour affaiblir la thèse que reconnaître à la Cour la possibilité de procéder à la détermination de cette interprétation commune en répondant à des questions préjudicielles porterait atteinte à la compétence des États membres.

    45 Il découle des éléments ci-dessus que le respect de l'équilibre institutionnel entre autorités nationales et autorités communautaires n'est pas un obstacle insurmontable dans la recherche d'une interprétation commune en exploitant l'oeuvre accomplie par la Cour dans le cadre de l'application de l'article 177 du traité. En revanche, comme nous allons le voir dans la suite de nos conclusions, l'exploitation de cette jurisprudence semble entrer en contradiction principalement avec l'équilibre institutionnel qui existe entre la Cour et les autres institutions communautaires.

    ab) L'équilibre institutionnel entre la Cour et les autres institutions communautaires

    ab) L'équilibre institutionnel entre la Cour et les autres institutions communautaires46 Lorsque la Cour a été appelée à donner son avis sur le point de savoir si la conclusion de l'accord TRIPs relèvait de la compétence exclusive de la Communauté dans le domaine de la politique commerciale au sens de l'article 113 du traité CE, elle a expressément montré qu'elle entendait condamner, en tant que violation du droit communautaire, tout détournement de procédure dans le cadre de l'action des institutions communautaires. Concrètement, pour répondre à l'argument de la Commission selon lequel, puisque l'accord TRIPs institue des règles dans des domaines où il n'existe pas de mesures communautaires d'harmonisation, la conclusion de cet accord permettrait de réaliser simultanément une harmonisation au sein de la Communauté et contribuerait ainsi à l'établissement et au fonctionnement du marché commun, la Cour, agissant en tant que garant incontesté de l'équilibre institutionnel/constitutionnel imposé par le traité, a répondu ce qui suit: «Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, sur le plan législatif interne, la Communauté dispose, en matière de propriété intellectuelle, d'une compétence d'harmonisation des législations nationales au titre des articles 100 et 100 A et peut se fonder sur l'article 235 pour créer des titres nouveaux qui viennent se superposer aux titres nationaux, comme elle l'a fait avec le règlement sur la marque communautaire ... Ces dispositions sont soumises à des règles de vote (l'unanimité pour ce qui est des articles 100 et 235) ou à des règles de procédure (consultation du Parlement dans le cas de l'article 100 et de l'article 235, procédure de codécision dans le cas de l'article 100 A) différentes de celles qui sont applicables dans le cadre de l'article 113. Si une compétence exclusive était reconnue à la Communauté pour s'engager dans des accords avec des pays tiers en vue de l'harmonisation de la protection de la propriété intellectuelle et pour réaliser, dans le même temps, une harmonisation sur le plan communautaire, les institutions communautaires seraient en mesure de se soustraire aux contraintes qui leur sont imposées sur le plan interne en ce qui concerne la procédure et le mode de vote» (32).

    47 Nous pensons que la Cour ne saurait s'accorder à elle-même ce qu'elle a refusé aux autres institutions communautaires. C'est-à-dire qu'elle ne saurait prendre sur elle de fixer un cadre contraignant, au niveau de l'interprétation à tout le moins, à l'harmonisation future des secteurs litigieux, alors que la compétence (potentielle) d'avis et de décision pour cette harmonisation appartient à d'autres organes communautaires, à savoir le Conseil, la Commission et le Parlement européen, qui doivent agir suivant la procédure fixée par le traité.

    48 En effet, étant donné l'effet contraignant des interprétations préjudicielles pour les institutions communautaires et l'impact inéluctable de l'interprétation d'une disposition sur son application (33), force sera d'admettre que l'extension de la compétence d'interprétation de la Cour aux dispositions de l'accord TRIPs relatives à des secteurs où la compétence communautaire (potentielle) n'a pas encore été effectivement exercée, revient à substituer la compétence de la Cour à celle des autres institutions communautaires pour harmoniser les législations nationales dans le domaine de la propriété intellectuelle, conformément aux dispositions du traité. La substitution ne résulte certes pas de la seule interprétation des dispositions litigieuses. Elle découle principalement du moment d'exercice de la compétence d'interprétation de la Cour, mais non du contenu de cette interprétation (34). Concrètement, la substitution réside dans le fait que l'interprétation aura lieu non pas dans le cadre de l'interprétation - directe ou incidente - ou du contrôle - direct ou incident - de la validité des mesures adoptées - ou de leur non-adoption - par les institutions communautaires compétentes, mais avant même toute initiative normative de la part des institutions précitées. Lorsque ces institutions prennent une telle initiative, l'interprétation de sa base juridique par la Cour dans le cadre de ses compétences de contrôle ou des compétences qui lui sont reconnues par l'article 177 du traité - interprétation qui laisse manifestement à la Cour une marge pour accomplir un travail créateur de droit - est absolument justifiée et logiquement attendue puisqu'elle découle inéluctablement des compétences en question. Dans la mesure où elle ne glisse pas vers une usurpation manifeste du pouvoir discrétionnaire des organes législatifs compétents, cette oeuvre créatrice est conforme au rôle institutionnel de la Cour en général. En revanche, il n'est pas conforme à ce rôle que la Cour assume l'initiative législative en vue de l'harmonisation des législations nationales. L'interprétation de la disposition litigieuse de l'accord TRIPs équivaudrait en l'occurrence à une telle initiative. Étant donné qu'après la conclusion de cet accord, toute compétence communautaire exercée dans le cadre de l'harmonisation des législations nationales dans le secteur de la propriété intellectuelle constitue en même temps un acte d'application de cet accord (dans la mesure bien entendu où elle relève du champ d'application de ce dernier), l'interprétation visée ci-dessus délimiterait en pratique - au moins en ce qui concerne sa compatibilité avec les règles internationales qui découlent de l'accord TRIPs (35) - non seulement la solution du litige pendant devant la juridiction de renvoi, mais également l'exercice futur de la compétence communautaire (qui reste pour l'heure simplement potentielle) (36).

    49 Certes, d'aucuns pourraient dire que l'interprétation d'une disposition d'un accord international mixte n'a pas toujours d'impact sur le mode d'application et de mise en oeuvre de cette disposition par les organes communautaires compétents. À l'appui de cette allégation, il n'est pas nécessaire d'invoquer une quelconque distinction théorique - de validité toujours douteuse - entre interprétation et application d'une règle de droit. Il suffit de se référer au cas où l'interprétation de la disposition litigieuse mène à la conclusion que cette disposition peut produire un effet direct, de sorte que son application ne requiert l'intervention d'aucune mesure d'application, communautaire ou nationale. À première vue, dans ce cas, l'interprétation de la disposition n'a pas d'impact sur son mode d'application puisque, en réalité, il n'est pas en substance question d'une application au sens de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ou, en d'autres termes, parce que l'interprétation de la Cour se limite au noyau sémantique de la disposition litigieuse, qu'aucune application faite par les institutions communautaires compétentes, quelle qu'elle soit, ne pourra modifier.

    50 Cependant, l'allégation ci-dessus n'est pas absolument convaincante et ne saurait justifier en l'espèce d'étendre la compétence d'interprétation de la Cour. Concrètement, il faut relever qu'en dernière analyse, le déséquilibre institutionnel qu'entraînerait l'éventuelle reconnaissance de la compétence de la Cour ne dépend pas de la question de savoir si la disposition litigieuse peut ou non produire un effet direct.

    D'une part, si la réponse est négative et si, en conséquence, l'application de cette disposition requiert des mesures d'exécution de la part des autorités nationales et communautaires, la Cour n'est pas exonérée de son obligation d'interprétation (37), de sorte que se posent à nouveau tous les problèmes précités relatifs au risque de se substituer à la compétence des institutions législatives communautaires. Dans ce cas, la seule solution compatible avec le traité serait que la Cour adopte la position parfaitement contradictoire et paradoxale consistant à se juger compétente pour interpréter la disposition litigieuse, mais uniquement pour déclarer que cette disposition ne peut avoir d'effet direct.

    D'autre part, si nous considérons que la disposition litigieuse a un tel effet direct, et qu'elle peut être appliquée, conformément à l'interprétation que lui donne la Cour, sans mesures d'exécution de la part des institutions communautaires et nationales, l'interprétation ci-dessus, combinée à l'effet direct, équivaudrait à une harmonisation intérieure des législations nationales sur les questions régies par cette disposition et qui intéressent l'affaire au principal. Cependant, dans la mesure où cette harmonisation serait réalisée sur la base d'une disposition d'un accord international de la Communauté sans qu'aient été respectées les règles de compétence et de procédure prévues par le traité, nous nous trouverions en présence d'un cas de détournement de procédure, qui a été expressément exclu par la Cour dans son avis 1/94 (38).

    51 Dans ces conditions, il est donc manifeste que, dans le cadre de l'article 177 du traité, l'extension de la compétence d'interprétation de la Cour à des dispositions de l'accord TRIPs concernant des secteurs dans lesquels n'a pas encore été exercée la compétence (potentielle) communautaire, reviendrait à exercer une politique «prétorienne» qui serait contraire à la logique constitutionnelle du traité et qui pourrait difficilement être justifiée par des motifs d'opportunité.

    ac) Le problème de l'interprétation uniforme de l'accord TRIPs

    52 Les principales objections susceptibles d'être opposées à la restriction de la compétence d'interprétation de la Cour aux seules dispositions de l'accord TRIPs qui concernent des secteurs dans lesquels une compétence communautaire a déjà été exercée, sont relatives à la nécessité invoquée en général d'une interprétation uniforme de toutes les dispositions des traités internationaux mixtes.

    53 En effet, comme l'avocat général Tesauro l'a dit dans ses conclusions dans l'affaire Hermès, la thèse selon laquelle la Cour ne serait compétente que pour interpréter les dispositions relevant de la compétence de la Communauté pour conclure des accords et non celles qui restent de la compétence des États «se révèle problématique ne serait-ce qu'en raison des liens qui peuvent exister entre dispositions d'un même accord, en ce sens qu'il peut ne pas être facile d'établir avec précision si une disposition déterminée relève (aussi) du domaine communautaire ou seulement du domaine national; il n'est pas non plus à exclure qu'une interprétation nationale déterminée puisse avoir une incidence sur l'application de dispositions communautaires et/ou sur le fonctionnement du système considéré dans son ensemble» (39).

    54 À ce propos, dans ses observations écrites dans l'affaire C-392/98, la Commission souligne que, si la compétence de la Cour pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs devait se limiter aux cas où la protection provisoire d'un droit de marque est en cause, cet accord devrait alors être interprété de façon uniforme dans la Communauté en cas de mesures provisoires ayant trait à certains droits de propriété intellectuelle, mais pas pour tous ces droits. Selon la Commission, une telle situation serait inacceptable. Tout d'abord, étant donné l'étroitesse du lien entre la substance d'un droit de propriété intellectuelle et sa défense en justice, il serait inconcevable d'avoir une interprétation uniforme sur la substance du droit, mais des interprétations divergentes sur les mesures visant à assurer sa protection (40). De surcroît, il serait tout aussi indéfendable, vis-à-vis des partenaires commerciaux de la Communauté, d'interpréter les dispositions relatives à la protection juridictionnelle, et notamment aux mesures provisoires, d'une façon qui varierait pour certains droits de protection intellectuelle, tandis qu'elle resterait la même pour d'autres. Il ne faut pas oublier que ce sont le plus souvent les mesures de protection juridictionnelle, et surtout les mesures provisoires, qui créent des conflits commerciaux avec les pays tiers et qui requièrent donc, par définition, une application uniforme. Enfin, la Commission observe que l'accord sur l'OMC constitue un tout et que les droits de propriété intellectuelle ne sont pas dissociés du reste. Les autorités qui ont négocié et conclu cet accord ont déclaré que les dispositions de l'ensemble de l'accord et de ses annexes ne peuvent avoir d'effet direct. Selon la Commission, il serait très paradoxal - et les conséquences en seraient graves - que la possibilité d'adopter des interprétations divergentes mène les juges nationaux et la Cour à des conclusions différentes en ce qui concerne la déclaration ci-dessus des parties contractantes.

    55 Enfin, d'aucuns soutiennent que la Cour doit avoir compétence pour statuer à titre préjudiciel sur l'ensemble des dispositions des accords mixtes, afin de garantir leur interprétation uniforme et, par voie de conséquence, leur application uniforme dans la Communauté, en raison notamment de l'intérêt de cette dernière à ne pas supporter la responsabilité des infractions commises par les États membres. D'une part, cette thèse se fonde sur l'observation que, dans le cadre de l'accord TRIPs, et en l'absence de clause relative à la compétence, la Communauté et les États membres, qui sont mentionnés à égalité en tant que membres fondateurs, constituent vis-à-vis des autres parties contractantes une partie contractante unique ou du moins des parties qui sont solidairement responsables de toute violation éventuelle de l'accord. Partant, la répartition interne de leurs compétences n'a de portée qu'à l'intérieur de la Communauté. D'autre part, ce point de vue s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle la Communauté est responsable à l'égard de toutes les parties d'un accord mixte, de sorte que sa responsabilité pourrait être engagée pour toute violation des dispositions conventionnelles litigieuses, quel que soit son auteur (41).

    56 Nous croyons que toutes les objections ci-dessus, si elles ne manquent pas d'intérêt, sont marquées par une approche simplificatrice des questions que posent en l'occurrence, séparément ou ensemble, la nécessaire cohérence systématique de l'interprétation des dispositions de l'accord TRIPs, l'exigence d'application uniforme de ces dispositions à l'intérieur de la Communauté et la question de la représentation internationale uniforme de cette dernière, qui se profilent derrière les arguments avancés à propos de la responsabilité internationale de ladite Communauté. Cette approche simpliste ne semble pas être de nature à imposer la reconnaissance de la compétence d'interprétation de la Cour sur l'ensemble des dispositions de l'accord TRIPs, y compris celles qui se réfèrent à des secteurs dans lesquels aucune compétence communautaire n'a encore été exercée.

    57 Premièrement, en ce qui concerne la question de l'application uniforme fondée sur la nécessaire cohérence systématique de l'interprétation des dispositions des accords annexés à l'accord sur l'OMC, et en particulier de l'accord TRIPs, il faut, d'une part, souligner que la possibilité d'avoir affaire à des interprétations diverses ne constitue pas nécessairement un indice d'incohérence du point de vue systématique (42). En d'autres termes, il n'est nullement contradictoire que le contenu sémantique d'une disposition varie en fonction de l'objet auquel elle s'applique (en l'occurrence, un droit de propriété intellectuelle), de celui qui l'interprète (en l'occurrence la Cour de justice ou les juridictions nationales) et du cadre juridique de référence (communautaire ou national, en l'espèce).

    58 D'autre part, il faut souligner que le système juridique établi par les accords instituant l'OMC ne semble pas encore totalement fondé sur l'idée d'une interprétation et d'une application uniformes et constantes des dispositions de ces accords. À ce propos, il n'est pas sans importance de relever que, comme la Cour l'a souligné dans son récent arrêt du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, le mécanisme de règlement des différends des accords OMC réserve une place significative à la négociation entre les parties (43). En d'autres termes, le système concret, dans le cadre duquel s'inscrirait toute interprétation éventuelle des dispositions de l'accord TRIPs, n'est pas encore entièrement régi par l'idée d'imposition centralisée et efficace d'une interprétation uniforme, qui permettrait de trancher institutionnellement les conflits éventuels, mais reste inspiré par le souci de promouvoir des solutions de concertation, c'est-à-dire de rapprocher les différentes interprétations et applications des dispositions conventionnelles. Partant, dans la mesure où le contenu final des possibilités et obligations ouvertes ou imposées par l'accord litigieux est déterminé sous conditions de négociations, il serait injustifié de vouloir fixer a priori, par voie juridictionnelle, une interprétation uniforme des dispositions de cet accord.

    59 Deuxièmement, nous croyons que l'argument selon lequel le lien probable de connexité entre des dispositions d'un même accord peut rendre plus difficile de définir précisément si une disposition déterminée relève (également) de la sphère communautaire ou seulement de la sphère nationale, n'est pas susceptible de fonder la compétence d'interprétation de la Cour sur l'ensemble des dispositions d'une convention internationale mixte. Ainsi que la Cour l'a souligné dans son avis 1/94, «le problème de répartition de compétence ne (peut) être réglé en fonction des difficultés éventuelles qui pourraient se faire jour lors de la gestion des accords» (44).

    60 En troisième lieu, l'argument relatif au danger d'adoption par la Cour et par les juridictions nationales de thèses divergentes à propos de la question de l'effet direct des dispositions de l'accord TRIPs ne semble pas non plus apporter quoi que ce soit de nouveau au problème en cause. Outre ce que nous avons dit ci-dessus à propos de l'équilibre institutionnel entre la Cour et les autres institutions communautaires (45), il faut souligner que, en dépit de son importance politique, la question de l'effet direct ne diffère en rien, d'un point de vue juridique, de toute autre question d'interprétation.

    61 Quatrièmement, force est de reconnaître que, même si elle constitue un objectif légitime qui, en tout état de cause, intéresse le droit communautaire (46), l'application uniforme des accords internationaux à l'intérieur de la Communauté ne saurait constituer une exigence absolue. Aussi «moniste» que puisse être l'approche des relations réciproques entre droit international et droit communautaire, il ne va pas de soi que l'application du premier cité à l'intérieur de la Communauté puisse toujours revendiquer un plus grand degré d'uniformité que celui du droit en vigueur dans l'espace communautaire, lequel peut, en raison de la répartition des compétences entre institutions communautaires et nationales, être exclusivement communautaire ou exclusivement national ou à la fois communautaire et national selon le secteur en question. Au demeurant, ni la nature de l'ordre juridique international créé à ce jour par l'accord sur l'OMC ni le stade actuel de développement de l'unification européenne ne pourraient justifier d'introduire et d'appliquer les dispositions des accords conclus dans le cadre de l'OMC de façon uniforme dans l'espace communautaire, de la même façon que le droit communautaire est intégré et appliqué dans les États membres pourvus d'une structure fédérale.

    62 En cinquième lieu, même si le domaine des relations internationales de la Communauté constitue un champ politiquement et juridiquement adéquat pour tester et développer la procédure d'unification européenne, il est douteux qu'il puisse constituer un champ obligatoire de résolution des questions posées par la dynamique de cette unification.

    63 À ce propos, si la Cour a reconnu la nécessité d'une unité de représentation internationale et le caractère tout à fait légitime du souci d'assurer l'unité d'action de la Communauté vers l'extérieur et de ne pas affaiblir sa force de négociation, elle n'a cependant pas dit que cette préoccupation était susceptible de modifier la répartition interne (intracommunautaire) des compétences entre la Communauté et les autorités nationales (47).

    64 Par ailleurs, derrière l'acceptation de l'existence d'un accord mixte se profilent également les principes d'extension des compétences internes vers l'extérieur et du parallélisme entre compétences internes et externes, principes qui fondent la primauté du respect de la répartition interne (intracommunautaire) des compétences sur la nécessité de garantir l'unité de représentation internationale de la Communauté. En effet, si l'on n'acceptait pas cette primauté, il serait exclu de conclure d'autres accords internationaux que ceux pour lesquels la Communauté a compétence exclusive.

    65 En sixième lieu, au stade actuel du développement du droit communautaire, il serait non seulement contraire à l'équilibre institutionnel qu'impose le traité (48), mais également inefficace, que la garantie de l'unité de représentation internationale de la Communauté s'appuie en tout premier lieu sur l'interprétation de l'accord international litigieux par la Cour dans le cadre de la compétence que l'article 177 du traité réserve à cette dernière.

    66 Il faut souligner tout d'abord que la Cour elle-même a jugé, d'une part, que la nécessaire unité de représentation internationale de la Communauté doit être garantie par la coopération étroite entre les États membres et les institutions communautaires tant au cours de la procédure de négociation et de conclusion d'un accord mixte que dans l'exécution des engagements assumés et, d'autre part, que ce devoir de coopération s'impose de façon encore plus impérieuse dans le cas d'accords comme ceux annexés à l'accord OMC, entre lesquels il existe un lien indissociable, et au vu du mécanisme de rétorsion croisée que met en place le mémorandum d'accord concernant le règlement des litiges (49).

    67 À ce propos, s'il n'y a aucun doute que la Cour est un organe central qui, en tant que tel, pourrait assurer la coordination de la coopération exigée entre autorités communautaires et autorités nationales, il n'est pas évident que la coordination que pourrait assurer la Cour dans le cadre des compétences concrètes qui lui sont reconnues pour l'heure et, en particulier, dans le cadre de sa compétence pour répondre aux questions préjudicielles des juridictions nationales relatives à l'interprétation de l'accord international litigieux, constituerait le meilleur moyen de garantir non seulement l'unité, mais également l'efficacité de la représentation internationale de la Communauté. Malgré l'utilité incontestable qu'aurait une interprétation uniforme des dispositions des traités internationaux de la Communauté qui concernent des domaines dans lesquels cette dernière n'a pas encore exercé sa compétence (potentielle), le caractère strict et contraignant des décisions de la Cour en matière préjudicielle ne s'accorde guère avec la souplesse et l'adaptabilité qu'impose la coordination d'une position commune de la Communauté et des États membres dans le cadre des négociations, de la conclusion et de l'exécution d'accords tels que ceux annexés à l'accord instituant l'OMC et qui, entre autres, sont régis par «le principe de négociations entreprises sur `une base de réciprocité et d'avantages mutuels'» (50). En effet, il est très simplificateur de croire que le caractère fragmentaire d'une décision sur une question préjudicielle, éventuellement posée dans le cadre d'un litige devant les juridictions nationales et délimitée par les éléments juridiques et factuels fournis par le juge national, puisse en toute hypothèse assurer efficacement la coordination de l'action commune de la Communauté et des États membres lors de l'application d'un engagement assumé dans le cadre d'une convention internationale. Au contraire, une telle décision de la Cour peut même avoir des effets négatifs et limiter la procédure de coopération entre Communauté et États membres, surtout si on considère que la décision en question n'est pas supposée trancher un litige découlant d'une coopération antérieure entre les deux bords (Communauté et États membres), mais vise à anticiper sur un plan juridique une procédure par excellence politique, qui n'a pas encore eu lieu. En toute hypothèse, la collaboration entre organes communautaires et nationaux afin d'assurer une unité de représentation internationale de la Communauté ne saurait être réduite à la procédure de collaboration entre la Cour de justice et les juridictions nationales au sens de l'article 177 du traité.

    68 Pour que la Cour joue un rôle de coordination efficace, il faudrait qu'elle intervienne non pas comme organe chargé de l'interprétation initiale et authentique des accords internationaux dans le cadre de la collaboration avec les juridictions nationales imposée par l'article 177 du traité, mais plutôt comme partie prenante au processus visant à assurer l'unité de représentation internationale de la Communauté (peut-être à titre liminaire en tant qu'organe consultatif ou a posteriori en tant qu'organe de contrôle et d'évaluation des négociations effectuées). Cela supposerait cependant une nouvelle conception du rôle de la Cour et probablement une révision du rôle d'organe de consultation qui lui est réservé par l'article 228, paragraphe 6 (devenu, après modification, article 300 CE, paragraphe 6) du traité (51). Ces modifications du rôle de la Cour sont difficiles à réaliser par l'élargissement de sa compétence d'interprétation dans le cadre de la réponse à des questions préjudicielles, surtout si l'on considère, comme la Cour elle-même l'a souligné dans l'arrêt Kleinwort Benson (52), qu'«il n'est pas possible d'admettre que les réponses données par la Cour aux juridictions des États contractants aient un effet purement consultatif et soient dépourvues d'effets obligatoires. Une telle situation dénaturerait en effet la fonction de la Cour, telle qu'elle est conçue par le protocole du 3 juin 1971, précité, à savoir celle d'une juridiction dont les arrêts sont contraignants» (53).

    69 Il apparaît dès lors évident que, au stade actuel de développement du droit communautaire, la combinaison de la nécessité d'une interprétation correcte d'un point de vue systématique ainsi que d'une application uniforme des accords relatifs à l'OMC à l'intérieur de la Communauté et de la nécessité de garantir l'unité de représentation internationale de cette dernière ne pourrait justifier de rompre avec le schéma actuel de répartition dynamique des compétences entre, d'une part, la Communauté et les États membres et, d'autre part, la Cour de justice et les autres institutions communautaires. Par ailleurs, la reconnaissance d'une compétence primaire de la Cour pour répondre à des questions préjudicielles sur l'interprétation de dispositions d'accords internationaux mixtes relatives à des domaines ressortissant encore à la compétence des États membres, semble être impropre à garantir la coordination efficace de la représentation internationale uniforme exigée.

    70 Il découle de l'ensemble des observations ci-dessus que la Cour ne peut se déclarer compétente pour interpréter l'article 50 de l'accord TRIPs dans un cas comme la présente espèce, où l'application de cet article se réfère à un secteur dans lequel aucune compétence communautaire n'a encore été exercée.

    ad) Les obligations qui s'imposent au juge national

    71 Exclure en l'espèce la compétence d'interprétation de la Cour ne signifie cependant pas que la juridiction de renvoi, qui reste compétente pour cette interprétation, ne se trouve pas soumise à des restrictions dans l'exercice de cette compétence. À l'instar de toute autre autorité nationale, les juridictions sont tenues de contribuer au développement d'une coopération étroite entre les autorités communautaires et les autorités nationales pour assurer, comme indiqué ci-dessus, la nécessaire unité de la représentation internationale de la Communauté (54).

    72 À ce propos, nous croyons qu'il serait utile que la Cour précise cette obligation pour la juridiction nationale. Certes, la Cour n'est pas compétente pour déterminer la nature des relations qui doivent se développer entre les autorités nationales, en particulier entre la juridiction de renvoi et les autres autorités nationales, afin de définir les positions de l'État membre, sur la base desquelles ce dernier collaborera avec les autorités communautaires. Cependant, il importe que la Cour fournisse des éléments qui serviront à préciser la coopération qui doit se développer entre les autorités nationales en général, parmi lesquelles la juridiction de renvoi, et les organes de la Communauté.

    73 Tout d'abord, cette coopération ne peut prendre la forme que d'une procédure de communication et de coordination de l'action commune entre les autorités communautaires et les autorités nationales, dans le cadre de leurs compétences respectives. Au stade actuel de développement du droit communautaire, la nécessité d'une unité de représentation internationale de la Communauté ne saurait porter atteinte à l'autonomie dont jouissent les deux parties en la matière.

    74 Ensuite, il faut noter que cette procédure peut s'appuyer sur l'expérience acquise grâce aux formes existantes de coopération sincère et de bonne foi, qui constituent des émanations des dispositions de l'article 10 CE (ex-article 5 du traité CE). Concrètement, les autorités nationales ont la possibilité de poser des questions aux autorités communautaires compétentes, en particulier au Conseil et à la Commission, pour leur demander des informations et des avis sur l'interprétation d'une disposition d'un accord international mixte. La coopération établie entre la Commission et les juridictions nationales dans le cadre de l'application des articles 81 CE et 82 CE (ex-articles 85 et 86 du traité CE) fournit un exemple utile d'organisation d'une procédure de coopération entre autorités communautaires et nationales (55).

    75 Enfin, une importance particulière peut et doit être attachée par les autorités nationales aux arrêts et avis de la Cour relatifs aux accords internationaux litigieux ou à des accords similaires. En d'autres termes, si la Cour n'est pas compétente pour répondre à des questions préjudicielles sur des dispositions d'accords internationaux mixtes se rapportant à des secteurs qui restent de la compétence des États membres, les autorités nationales, et en conséquence également les juridictions nationales, doivent en revanche prendre sérieusement en compte les éventuelles décisions d'interprétation prises par la Cour sur les mêmes dispositions ou sur des dispositions connexes, lorsque celles-ci touchaient à des secteurs où une compétence communautaire avait déjà été exercée. Plus précisément, lorsque la Cour adopte une décision d'interprétation du système général institué par un accord international, il est logique que les juridictions nationales ne puissent ignorer cette décision. Même si elles n'ont pas l'obligation à strictement parler de suivre l'interprétation adoptée par la Cour (56), l'obligation de coopération étroite avec les autorités communautaires qui s'impose à elles et le fait que l'interprétation adoptée par la Cour est contraignante pour l'ensemble des institutions communautaires leur imposent au moins de ne pas s'écarter de cette interprétation sans une raison concrète. En d'autres termes, nous pensons que les juridictions nationales sont tenues de justifier tout particulièrement et de façon circonstanciée (au vu des particularités de l'affaire) toute décision qui s'écarte de l'interprétation donnée par la Cour (57).

    76 Les observations ci-dessus relatives à l'obligation des juridictions nationales de coopérer étroitement avec les institutions communautaires et de contribuer à l'unité de représentation internationale de la Communauté montrent que, au stade actuel de développement du droit communautaire, la nécessité d'une harmonisation pratique, d'une part, du respect de la répartition des compétences à l'intérieur de la Communauté entre autorités communautaires et autorités nationales et, d'autre part, d'une approche correcte, efficace et solidaire des engagements internationaux de la Communauté doit nécessairement s'appuyer sur des procédures et des obligations s'inscrivant dans un cadre juridique alternatif, souvent marqué par une absence de rigueur (soft law). Loin d'être étrange ou contradictoire, cette situation se justifie par la géométrie variable et par l'institutionnalisation encore incomplète de la coexistence entre ordres juridiques national, communautaire et international. Dans le cadre de cette institutionnalisation, le droit et la politique s'échangent leurs caractéristiques respectives: le premier impose au deuxième sa rigueur et son caractère contraignant tandis que cette dernière apporte à l'autre sa relativité et sa souplesse.

    b) L'effet direct de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs (seule question dans l'affaire C-300/98 et deuxième question dans l'affaire C-392/98)

    77 La question de l'éventuel effet direct de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs ne se pose en l'espèce que si, contrairement à ce que nous avons proposé ci-dessus, la Cour estime que, dans le cadre de l'affaire C-300/98, la demande de décision préjudicielle de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage est recevable (58) ou que, dans le cadre de l'affaire C-392/98, elle est compétente pour interpréter la disposition litigieuse de l'accord TRIPs.

    78 Si, par conséquent, la Cour juge opportun de statuer sur cette question, nous croyons qu'elle devra nécessairement suivre le récent arrêt Portugal/Conseil (59), où elle a reconnu en substance que les accords OMC n'ont pas d'effet direct.

    Concrètement, après avoir examiné dans cet arrêt la nature et l'économie des accords OMC et en particulier le mécanisme de règlement des différends (qui couvre également l'accord TRIPs (60)) ainsi que l'absence de réciprocité en ce qui concerne l'application directe des dispositions de ces accords, la Cour a jugé que ces dispositions ne faisaient pas partie des normes au regard desquelles elle contrôle la légalité des actes des institutions communautaires, sous réserve des deux exceptions classiques, à savoir lorsque la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC ou lorsque l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC (61).

    Étant donné, d'une part, que les critères pour admettre ou exclure l'invocabilité d'une disposition d'un accord international sont identiques aux critères pour admettre ou exclure l'effet direct de la même disposition et, d'autre part, que les deux exceptions précitées concernent exclusivement et uniquement l'invocabilité de cette disposition, force est d'admettre que l'exclusion, conformément à la décision ci-dessus, de l'invocabilité en général des dispositions des accords OMC conduit automatiquement à écarter l'effet direct de l'ensemble des dispositions de l'accord TRIPs. En conséquence, la disposition litigieuse de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs ne peut avoir d'effet direct, quelle que soit la réponse à la question de savoir dans quelle mesure cette disposition est suffisamment précise, inconditionnelle et ne requiert aucune mesure d'exécution. En d'autres termes, dès lors que la nature et l'économie générale des accords OMC excluent l'effet direct de leurs dispositions (62), l'analyse du contenu concret de la disposition litigieuse de l'accord TRIPs devient superflue.

    79 L'exclusion sur un plan général de l'effet direct de la disposition précitée doit enfin être accompagnée de deux observations spécifiques relatives aux questions particulières que pose chacune des deux affaires jointes.

    80 D'une part, dans le cadre de l'affaire C-300/98, il vaut la peine d'observer que le rejet de l'effet direct de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs ne signifie pas que cette disposition ne doive pas être prise en considération par le juge national. Comme l'avocat général Tesauro l'a relevé dans ses conclusions (63) et comme la Cour l'a admis (64) dans l'arrêt Hermès (65), indépendamment de la réponse à la question de l'effet direct d'une disposition d'un accord international, la Cour est appelée à répondre aux questions d'interprétation que pose cette disposition afin que le juge national puisse interpréter les règles nationales conformément à cette disposition.

    81 D'autre part, en ce qui concerne l'affaire C-392/98, il faut souligner que la juridiction nationale doit prendre en considération l'arrêt prononcé par la Cour dans l'affaire Portugal/Conseil (66), et ce même si la Cour rejette sa compétence d'interprétation et ne statue pas sur la question de l'effet direct de la disposition litigieuse. En toute hypothèse, toute décision dans laquelle le juge national retiendrait une interprétation divergente devra être motivée de façon précise et circonstanciée, conformément à la nécessité d'une coopération étroite entre organes communautaires et organes nationaux afin de garantir l'unité de représentation internationale de la Communauté (67).

    82 Sur ce point, et sans vouloir anticiper sur l'exercice de sa compétence par le juge national, il faut observer que les raisons pour lesquelles la Cour a jugé, dans l'arrêt précité, que les accords OMC ne peuvent avoir d'effet direct (nature du mécanisme de règlement des différends et absence de réciprocité en ce qui concerne l'application directe des dispositions de ces accords), portent sur des caractéristiques tellement générales de ces accords que les juridictions nationales ne pourraient que très difficilement adopter une autre solution, même lorsqu'elles sont appelées à se prononcer sur des dispositions relatives à des secteurs dans lesquels les États membres ont gardé leur compétence (il s'agit en l'occurrence de normes concernant la protection provisoire contre l'imitation d'un modèle industriel, en vertu du droit civil et sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier en matière de concurrence déloyale), sans risquer de violer l'obligation de veiller à l'unité de représentation internationale de la Communauté.

    c) L'interprétation de la notion de «droit de propriété intellectuelle» au sens de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs (troisième question dans l'affaire C-392/98)

    83 Dans sa troisième question préjudicielle, le Hoge Raad der Nederlanden demande à la Cour de dire si, dans un cas comme celui de la procédure au principal, où le droit civil national ouvre une voie de recours contre l'imitation d'un modèle industriel sur la base des dispositions générales relatives aux actes illicites, en particulier en matière de concurrence déloyale, la protection accordée de cette manière à l'ayant droit doit être considérée comme un «droit de propriété intellectuelle» au sens de l'article 50, paragraphe 1, de l'accord TRIPs.

    84 Étant donné la réponse que nous avons proposé de donner à la première question préjudicielle du Hoge Raad der Nederlanden, selon laquelle la Cour n'est pas compétente en l'espèce pour interpréter la disposition litigieuse de l'accord TRIPs, la réponse à la troisième question est superflue (68). Cependant, par souci d'exhaustivité et pour le cas où la Cour reconnaîtrait sa compétence d'interprétation, nous croyons utile d'ajouter les observations suivantes.

    85 Le terme «droit de propriété intellectuelle» employé à l'article 50, paragraphe 1, sous a), de l'accord TRIPs doit être interprété à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, selon lequel «aux fins du présent accord, l'expression `propriété intellectuelle' désigne tous les secteurs de la propriété intellectuelle qui font l'objet des sections 1 à 7 de la partie II».

    86 En l'occurrence, la disposition précitée renvoie en substance à la section 4 («dessins et modèles industriels») de la partie II («normes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle») de l'accord TRIPs et, en particulier, aux articles 25 et 26, qui régissent respectivement les conditions et le contenu de la protection des dessins et modèles industriels.

    87 En ce qui concerne les conditions requises pour bénéficier de la protection, l'article 25, paragraphe 1, qui nous intéresse au premier chef en l'occurrence, dispose que les membres doivent prévoir la protection des dessins et modèles industriels créés de manière indépendante qui sont nouveaux ou originaux. D'après le même article, les membres pourront disposer que des dessins et modèles ne sont pas nouveaux ou originaux s'ils ne diffèrent pas notablement de dessins ou modèles connus ou de combinaison d'éléments de dessins ou modèles connus; ils peuvent également disposer qu'une telle protection ne s'étendra pas aux dessins et modèles dictés essentiellement par des considérations techniques ou fonctionnelles.

    88 Le choix de ces conditions résulte d'un compromis et vise à couvrir les différents types de protection en vigueur dans les pays contractants (69). Il semblerait que les membres aient la possibilité de choisir entre le critère de l'originalité et celui de la nouveauté ainsi que celle de définir avec une relative liberté discrétionnaire le contenu de ces deux notions. De même, on pourrait soutenir que la notion de «création indépendante» a plutôt un caractère subjectif, alors que celle de «nouveauté» s'oriente vers une approche plus objective (70). Enfin, à la question de savoir si les parties contractantes pourraient utiliser des critères complétant ceux prévus par l'article 25, paragraphe 1, nous pensons que la réponse doit être négative, dans la mesure où l'invocation de critères supplémentaires pourrait mettre en péril la «protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle» voulue par l'accord TRIPs, aux termes de son préambule.

    89 Quant au contenu de la protection des dessins et modèles industriels, l'article 26 de l'accord TRIPs prévoit, tout d'abord, que le titulaire d'un dessin ou modèle industriel protégé aura le droit d'empêcher des tiers agissant sans son consentement de fabriquer, de vendre ou d'importer des articles portant ou comportant un dessin ou modèle qui est, en totalité ou pour une part substantielle, une copie de ce dessin ou modèle protégé, lorsque ces actes seront entrepris à des fins de commerce; deuxièmement, il dispose que les membres pourront prévoir des exceptions limitées à la protection des dessins et modèles industriels, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale de dessins ou modèles industriels protégés ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du dessin ou modèle protégé, compte tenu des intérêts légitimes des tiers; troisièmement, il fixe la durée de la protection offerte à dix ans au moins.

    90 À ce stade, il faut dire que la notion de «titulaire d'un dessin ou modèle industriel protégé» n'est pas définie plus avant, de sorte qu'il faut en bonne logique considérer qu'elle se réfère au titulaire de la protection dont les conditions d'application sont fixées à l'article 25, paragraphe 1. Nous considérons que rien ne permet de dire que le terme «titulaire» justifie la conclusion tirée par le gouvernement des Pays-Bas que seuls les droits absolus sur les dessins ou modèles industriels sont protégés, c'est-à-dire des droits opposables à tous en vertu de normes spécifiques.

    91 En dehors des conditions et modalités évoquées ci-dessus pour la protection des droits de propriété intellectuelle sur les dessins et modèles industriels, les dispositions spécifiques des articles 25 et 26 de l'accord TRIPs ne disent rien à propos du mode de reconnaissance et de protection des droits precités par les parties contractantes. En conséquence, il semblerait qu'il faille appliquer par ailleurs, y compris pour les droits en question, les dispositions plus générales des articles 1er, paragraphe 1, troisième phrase, et 41, paragraphe 5, de l'accord TRIPs, qui visent à assurer aux parties contractantes la plus grande souplesse possible dans l'application des dispositions de l'accord (71). En effet, selon la disposition citée en premier lieu, les membres sont libres de choisir la méthode qu'ils jugent appropriée pour mettre en oeuvre les dispositions de cet accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques. La deuxième disposition prévoit, sans préjudice des prescriptions énoncées aux paragraphes antérieurs de l'article 41 (72), que la partie III de l'accord TRIPs («moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle») ne crée aucune obligation de mettre en place, pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle, un système judiciaire distinct de celui qui vise à faire respecter la loi en général, ni n'affecte la capacité des membres de faire respecter leur législation en général. Par ailleurs, aucune disposition de la partie III de l'accord TRIPs ne crée d'obligation en ce qui concerne la répartition des ressources entre les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle et les moyens de faire respecter la loi en général (73).

    92 À ce propos, il faut observer, en ce qui concerne la protection des droits de propriété intellectuelle sur les dessins ou modèles industriels, que l'accord TRIPs ne semble pas exclure l'application des règles en matière de concurrence déloyale, dès lors que sont respectées par ailleurs les termes et conditions visées aux articles 25, 26 et 41. Au demeurant, l'article 2, paragraphe 1, de l'accord TRIPs prévoit que «pour ce qui est des parties II, III et IV du présent accord, les membres se conformeront aux articles 1er à 12 et à l'article 19 de la convention de Paris (1967)». Or, il est notoire que l'article 10 bis de cette convention se rapporte à la protection effective contre la concurrence déloyale.

    93 Il en découle que, dans la mesure où, sur la base des règles générales du droit civil, les conditions et le contenu de la protection prévus par les dispositions précitées sont couverts par ces règles générales du droit civil, les parties à l'accord ne sont pas tenues d'instituer un système particulier de règles de protection des dessins ou modèles industriels. Par conséquent, dans un cas comme celui de la procédure au principal, où l'imitation d'un modèle industriel est susceptible de faire l'objet d'un recours en vertu du droit civil national sur la base des dispositions générales relatives à un acte illicite, en particulier en matière de concurrence déloyale, la protection accordée de cette manière à l'ayant droit doit être considérée comme un «droit de propriété intellectuelle» au sens de l'article 50, paragraphe 1, de l'accord TRIPs, dès lors que sont respectés les termes et conditions visés aux articles 25, 26 et 41 de cet accord.

    94 À ce stade, il faut insister sur le fait que la définition exacte du régime juridique national de protection du dessin ou modèle industriel litigieux dans la procédure au principal et la réponse à la question de savoir si ce système national respecte effectivement les termes et conditions prévus dans l'accord TRIPs relève de la compétence du juge national, qui connaît mieux le droit national et peut déterminer si ce dessin ou modèle relève du champ d'application des articles 25, 26 et 41 de l'accord, tel que défini ci-dessus.

    95 Par ailleurs, hormis une référence générale aux dispositions du droit national néerlandais et au commentaire selon lequel il s'agirait des règles générales du droit civil, relatives aux actes illicites, en particulier en matière de concurrence déloyale, l'ordonnance de renvoi ne développe pas de façon exhaustive tous les aspects (interprétation et application jurisprudentielles) du système national de protection contre l'imitation d'un dessin ou modèle industriel appliqué en l'espèce, pour mettre la Cour en mesure de donner une interprétation plus utile des termes et conditions de la protection des droits sur les dessins ou modèles industriels prévus par l'accord TRIPs. Les informations et analyses sur le cadre juridique national fournies par les parties qui ont déposé des observations écrites ne semblent pas pouvoir couvrir les manques que présente à cet égard la décision de renvoi et ne sauraient constituer une base fiable pour déterminer la réponse à donner à la question préjudicielle, puisque le contrôle de leur exactitude n'est pas du ressort de la Cour.

    96 En toute hypothèse, il ne faut pas oublier que, dans la mesure où le juge national estime qu'il reste des questions concrètes d'interprétation de l'accord TRIPs, il peut soumettre une nouvelle demande préjudicielle en fournissant cette fois-ci tous les éléments de fait et de droit qui sont indispensables pour permettre à la Cour de donner une réponse utile.

    V - Conclusion

    97 Sur cette base, nous proposons qu'il plaise à la Cour répondre aux questions préjudicielles dans le sens suivant:

    1) Dans le cadre de l'affaire C-300/98, la demande de décision préjudicielle présentée par l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage est irrecevable.

    2) Dans le cadre de l'affaire C-392/98, la Cour n'est pas compétente pour assurer l'interprétation de l'article 50 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord TRIPs), qui figure en annexe 1 C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, approuvé au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, dans la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, car dans la procédure au principal cet article est appliqué dans un domaine où aucune compétence communautaire n'a encore été exercée.

    (1) - JO L 336 du 23 décembre 1994, p. 1.

    (2) - Voir notamment les arrêts du 16 juin 1998, Hermès (C-53/96, Rec. p. I-3603) et du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil (C-149/96, non encore publié au Recueil).

    (3) - JO L 289, 28 octobre 1998, p. 28.

    (4) - Précité à la note 2.

    (5) - L'échafaudage Allroundsteiger est constitué d'une série d'éléments séparés qui sont combinés d'une certaine manière à l'aide d'un système d'assemblage fixé au tube d'échafaudage.

    (6) - À propos de cette loi, voir l'arrêt de la Cour du 14 septembre 1982 dans l'affaire 144/81, Keurkoop (Rec. p. 2853).

    (7) - Voir, à titre d'exemple, les arrêts du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18/93, Rec. p. I-1783, point 14), du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883, point 45), du 18 juin 1998, Corsica Ferries France (C-266/96, Rec. p. I-3949, point 27) et du 9 octobre 1997, Grado et Bashir (C-291/96, Rec. p. I-5531, point 12).

    (8) - Voir, par exemple, l'ordonnance du 20 mars 1996 dans l'affaire Sunino et Data (C-2/96, Rec. p. I-1543, point 4 des motifs).

    (9) - Avis du 15 novembre 1994 relatif à la «compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux en matière de services et de protection la propriété intellectuelle» (Rec. p. I-5267, point 105).

    (10) - Point 71. Cette constatation restera valide tant que le Conseil n'aura pas, en vertu de l'article 133 CE, paragraphe 5 (ce paragraphe a été inséré dans l'article 113 du traité CE par le traité d'Amsterdam), étendu l'application de la politique extérieure commune au secteur des accords internationaux concernant les services et les droits de propriété intellectuelle.

    (11) - Concrètement, la Cour a déclaré que: «L'harmonisation n'est que partielle en matière de marques, par exemple: il ressort en effet du 3ème considérant de la première directive 89/104/CEE du Conseil, ... qu'elle se limite au rapprochement des législations nationales ayant `l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur'. Dans d'autres domaines couverts par le TRIPs, aucun acte communautaire d'harmonisation n'a été pris. Il en est ainsi dans le domaine de la protection des informations techniques non divulguées, dans celui des dessins et modèles pour lesquels seules des propositions ont été présentées et dans celui des brevets. En matière de brevets, les seuls actes dont la Commission fasse état sont des conventions d'origine intergouvernementale, et non des actes communautaires ...».

    (12) - Point 104.

    (13) - Précitée à la note 3.

    (14) - Voir l'article 20 de la directive.

    (15) - Il nous suffira de rappeler à ce propos que la décision de renvoi préjudiciel a été prise le 31 octobre 1998.

    (16) - Voir ci-dessus le point 5 de nos conclusions.

    (17) - Voir ci-dessus le point 6 de nos conclusions.

    (18) - Voir ci-dessus le point 7 de nos conclusions.

    (19) - Comme le souligne l'avocat général M. Tesauro en ses conclusions dans l'affaire Hermès, précitée à la note 2, cette conclusion est corroborée notamment par les articles 1er et 2 de la décision 94/800, précitée à la note 1, qui approuvent les accords au nom de la Communauté «pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences» (points 12 et 13).

    (20) - Voir notamment l'arrêt du 30 avril 1974, Haegeman (181/73, Rec. p. 449), qui concernait l'interprétation de l'accord d'association entre la CEE et la Grèce; dans cet arrêt, la Cour s'est appuyée d'emblée sur un critère organique et fonctionnel, selon lequel de tels accords passés en vertu des articles 228 et 238 du traité CEE doivent être considérés comme des actes pris par les institutions de la Communauté au sens de l'article 177, premier alinéa, sous b), du traité CEE, de sorte que leurs dispositions font partie intégrante de l'ordre juridique communautaire et que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur leur interprétation (points 3, 5 et 6). Voir également les arrêts du 5 février 1976, Bresciani (87/75, Rec. p. 129) et du 24 novembre 1977, Razanatsimba (65/77, Rec. p. 2229).

    (21) - Affaire 12/86, qui a fait l'objet de l'arrêt du 30 septembre 1987, Rec. p. 3719.

    (22) - Point 12.

    (23) - La Cour a jugé que «... s'agissant d'un accord d'association créant des liens particuliers et privilégiés avec un État tiers ... la question de savoir si la Cour a compétence pour se prononcer sur l'interprétation d'une disposition d'un accord mixte contenant un engagement que seuls les États membres ont pu assumer dans la sphère de leurs compétences propres, ne se pose pas. Par ailleurs, la compétence de la Cour ne saurait être mise en doute par le fait que, en matière de libre circulation des travailleurs, il reviendrait, en l'état actuel du droit communautaire, aux États membres d'édicter les règles nécessaires pour assurer l'exécution, sur leur territoire, des dispositions de l'accord ou des décisions à prendre par le conseil d'association. En effet, comme la Cour l'a admis dans son arrêt du 26 octobre 1982 (Kupferberg, 104/81, Rec. p. 3641), en assurant le respect des engagements découlant d'un accord conclu par les institutions communautaires, les États membres remplissent, dans l'ordre communautaire, une obligation envers la Communauté qui a assumé la responsabilité pour la bonne exécution de l'accord» (points 9 à 11). Voir également l'arrêt du 20 septembre 1990 dans l'affaire Sevince (C-192/89, Rec. p. I-3497, points 8 à 12).

    (24) - Précitée à la note 21, voir le point 14.

    (25) - Comme le souligne le gouvernement néerlandais dans ses observations écrites, l'accord TRIPs n'a pas été signé par la Communauté sur la base de l'article 238 du traité (devenu article 310 CE). La décision 94/800 se fonde sur les articles 43, 54, 57 (devenus, après modification, articles 37 CE, 44 CE et 47 CE), 66 (devenu article 55 CE) 75, 84, paragraphe 2, (devenus, après modification, articles 71 CE et 80 CE, paragraphe 2), 99 (devenu article 93 CE), 100 (devenu article 94 CE), 100 A (devenu, après modification, article 95 CE), 235 (devenu article 308 CE), en combinaison avec l'article 228, paragraphe 3, troisième alinéa (devenu, après modification, article 300 CE, paragraphe 3, deuxième alinéa), du traité CE. À propos de la distinction entre les accords OMC et les accords d'association, voir également l'arrêt Portugal/Conseil, précité à la note 2, au point 42 des motifs: «En ce qui concerne, plus particulièrement, l'application des accords OMC dans l'ordre juridique communautaire, il importe de relever que, aux termes de son préambule, l'accord instituant l'OMC, y compris ses annexes, reste fondé, comme l'était le GATT de 1947, sur le principe de négociations entreprises sur `une base de réciprocité et d'avantages mutuels' et se distingue ainsi, pour ce qui concerne la Communauté, des accords conclus par celle-ci avec des pays tiers qui instaurent une certaine asymétrie des obligations ou créent des relations spéciales d'intégration avec la Communauté, tels que l'accord dont l'interprétation fit l'objet de l'arrêt Kupferberg, précité».

    (26) - Précitée à la note 2. Voir notamment le point 18 des conclusions de l'avocat général Tesauro.

    (27) - JO L 11, du 14 janvier 1994, p. 1.

    (28) - Voir l'arrêt Hermès, précité à la note 2, point 27 des motifs.

    (29) - Voir l'arrêt Hermès, précité à la note 2, point 32 des motifs.

    (30) - La jurisprudence mentionnée au point 32 de l'arrêt Hermès [voir les arrêts du 17 juillet 1997, Giloy (C-130/95, Rec. p. I-4291, point 28) et Leur-Bloem (C-28/95, Rec. p. I-4161, point 34)] a en effet permis à la Cour de négliger le fait que, d'un point de vue formel, aucune compétence communautaire ad hoc n'avait encore été exercée, puisque (voir également l'allégation évoquée au point 30 de l'arrêt Hermès) la réglementation communautaire en vigueur, c'est-à-dire l'article 99 du règlement n_ 40/94, qui se référait à la protection à titre provisoire des droits découlant de la marque communautaire, bien que fortement connexe, ne couvrait pas exactement l'objet du litige au principal, qui était la protection provisoire non pas d'une marque communautaire, mais de marques dont l'enregistrement international désignait les pays du Benelux. Concrètement, après avoir souligné la très forte connexité entre règles communautaires et règles nationales (voir le point 28: «il est vrai que les mesures envisagées par cette dernière disposition [à savoir l'article 99 du règlement n_ 40/94], ainsi que les règles de procédure y relatives, sont celles prévues par la loi nationale de l'État membre concerné aux fins de la marque nationale»), la Cour a renvoyé à la jurisprudence ci-dessus pour justifier l'intérêt communautaire à une interprétation uniforme d'une disposition d'un accord international appliquée à des situations nationales et communautaires aussi connexes du point de vue du contenu de leur réglementation. Nous considérons que, même si elle a été expressément invoquée dans l'affaire Hermès, en raison de la spécificité mentionnée ci-dessus de cette affaire, la jurisprudence précitée de la Cour selon laquelle, dans le cadre de l'article 177 du traité, il est possible de répondre à des questions qui concernent certes l'interprétation d'une règle communautaire, mais qui sont formulées dans le cadre de litiges ne relevant pas du champ d'application du droit communautaire [voir l'arrêt du 8 novembre 1990, Dzodzi (C-231/89, Rec. p. I-4003), ainsi que les autres décisions qui ont formé cette jurisprudence, comme rappelé dans nos conclusions dans l'affaire C-321/97, Anderson et Wåkerås dans laquelle a été prononcé l'arrêt du 15 juin 1999 (Rec. p. I-3551, points 16 et suivants)] ne peut s'appliquer en l'espèce. Il faut souligner que, si la jurisprudence Dzodzi part du postulat que le législateur national entend réserver aux sujets de droit soumis au champ d'application des règles nationales le même traitement que celui qui est assuré par l'ordre juridique communautaire à ses propres sujets [voir à ce propos l'arrêt du 28 mars 1995, Kleinwort Benson (C-346/93, Rec. p. I-615, point 16), dans lequel la Cour a examiné si la loi nationale contient un renvoi direct et illimité au droit communautaire, qui aurait pour résultat de rendre ce droit applicable au sein de l'ordre juridique national], dans la présente affaire, l'adoption des réglementations communautaires par les autorités nationales, c'est-à-dire l'harmonisation des interprétations qui en sont faites par les autorités nationales et les autorités communautaires, constitue l'objectif et non le point de départ. Au demeurant, la compétence de la Cour pour interpréter la disposition litigieuse de l'accord TRIPs, dans les conditions dans lesquelles elle s'applique en l'occurrence, est en l'espèce une question qui se pose et non pas une donnée établie. En revanche, dans le cadre de la jurisprudence Dzodzi (voir également l'arrêt Hermès précité à la note 2, au point 31), sa compétence dans le domaine correspondant est un fait. De surcroît, il faut observer que, dans la mesure où, en l'espèce, il n'y a pas de compétence communautaire effective en matière de protection provisoire des dessins et modèles industriels, nous n'avons pas affaire à un cas d'application de l'article 50 de l'accord TRIPs à des situations qui relèvent du droit communautaire. En d'autres termes, la condition fondamentale d'application de la jurisprudence ci-dessus, c'est-à-dire que la disposition litigieuse puisse être appliquée tant à des situations qui relèvent du droit national qu'à des situations qui relèvent du droit communautaire, n'est pas remplie. D'ailleurs, ce serait commettre une erreur de logique et appliquer une interprétation trop étendue du dispositif de l'arrêt Hermès que d'admettre, en l'espèce, comme le propose en substance la Commission dans ses observations écrites (point 20), que les réglementations communautaires sur la marque communautaire, qui constituent la seule compétence communautaire exercée pour la protection provisoire du droit de propriété intellectuelle, peuvent couvrir, en recourant à la jurisprudence précitée, l'absence de compétence communautaire effective en matière de protection provisoire des modèles industriels. En dernière analyse, dans la présente affaire, les situations communautaires et nationales dans lesquelles il est possible d'appliquer la disposition litigieuse de l'accord TRIPs ne présentent aucunement, dans leur réglementation, les liens particuliers de connexité que présentent les situations correspondantes dans l'affaire Hermès. En ce qui concerne le caractère injustifié de l'application de la jurisprudence ci-dessus dans la présente affaire, voir également les conclusions de l'avocat général Tesauro dans l'affaire Hermès (point 29).

    (31) - Voir les conclusions de l'avocat général Tesauro dans l'affaire Hermès, précitée à la note 2, point 19.

    (32) - Voir les points 59 et 60 de l'avis 1/94 précité à la note 9 [la mise en caractères italiques est de nous].

    (33) - Indépendamment des questions que pose la détermination formelle des résultats d'une décision d'interprétation de la Cour, dont le cadre est tracé par des notions comme celles de la force de chose jugée et de l'effet erga omnes, il est hors de doute que le dispositif d'une telle décision d'interprétation équivaut en tout cas à une reformulation de la disposition interprétée, qui est ainsi libérée des doutes initialement constatés quant à son contenu sémantique, de sorte que l'interprétation de la Cour se trouve intégrée dans la règle interprétée, avec laquelle elle constitue alors un tout indivisible, s'imposant en substance à toute interprétation ultérieure qui, en dernière analyse, peut être soumise au contrôle de la Cour.

    (34) - À ce propos, il faut souligner que l'appréciation de la compétence d'une institution ne consiste pas seulement à déterminer le contenu de cette compétence, mais également à analyser la signification du moment concret où elle a été exercée. Une même activité en apparence peut souvent acquérir une autre signification institutionnelle et un rôle différent selon le moment où elle est exercée.

    (35) - En ce qui concerne l'exigence que les actes des institutions communautaires n'enfreignent pas les règles internationales qui lient la Communauté, voir notamment l'arrêt du 12 décembre 1972, International Fruit Company e.a. (21/72 à 24/72, Rec. p. 1219, points 6 et 7).

    (36) - Le caractère illégal et paradoxal de cette délimitation apparaît plus manifeste encore si nous considérons que, dans le cadre de la logique des accords internationaux mixtes, l'exercice de cette compétence communautaire est précisément ce qui communautarise la disposition litigieuse de l'accord international, compte tenu du secteur concret d'application de ce dernier, et qui peut en conséquence l'intégrer dans la compétence d'interprétation de la Cour.

    (37) - Voir à ce propos l'arrêt Hermès, précité à la note 2 (point 35 des motifs), et les conclusions de l'avocat général Tesauro dans cette affaire (point 38).

    (38) - Voir ci-dessus le point 46 de nos conclusions.

    (39) - Point 20.

    (40) - La Commission souligne que cela pourrait se produire aujourd'hui pour les dessins et modèles, dont la protection a déjà été harmonisée à l'intérieur de la Communauté par la directive 98/71, précitée à la note 3, mais sans que cette harmonisation s'étende aux mesures de protection provisoire.

    (41) - Pour le développement de ces arguments, voir notamment les conclusions de l'avocat général Tesauro dans l'affaire précitée Hermès, aux points 14, 18 et 20.

    (42) - Il est logique que l'interprétation et l'application d'une disposition juridique, et donc d'une disposition comme l'article 50 de l'accord TRIPs, varient en fonction du domaine dans lequel cette disposition s'applique, sans que cela signifie nécessairement qu'elle n'aurait pas été interprétée en harmonie avec les dispositions qui lui sont connexes d'un point de vue systématique. Par ailleurs, cette variation peut a fortiori être attendue lorsque la modification du contexte de l'interprétation conduit à désigner un autre organe compétent pour effectuer cette interprétation, comme c'est le cas en l'occurrence.

    (43) - Arrêt précité à la note 2, point 36.

    (44) - Voir l'avis 1/94, précité à la note 3, au point 107.

    (45) - Voir ci-dessus les points 49 et 50 de nos conclusions.

    (46) - Voir notamment l'arrêt du 16 mars 1983, SPI et SAMI (267/81 à 269/81, Rec. p. 801, points 14 et 15), et l'arrêt Hermès, précité à la note 2 (point 32). Voir également le point 44 de nos conclusions ci-dessus.

    (47) - Voir notamment l'avis 1/94 (points 106, 107 et 108), précité à la note 3 .

    (48) - Voir ci-dessus les points 46 et suivants de nos conclusions.

    (49) - Voir notamment l'avis 1/94 (points 108 et 109), précité à la note 3, et l'arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil (C-25/94, Rec. p. I-1469, point 48).

    (50) - Voir à ce propos l'arrêt Portugal/Conseil, précité à la note 2, au point 42 des motifs.

    (51) - Dans le cadre institutionnel actuel de ses compétences, la Cour ne peut contribuer à la formation de la représentation internationale unique qu'en deuxième rang, c'est-à-dire au moyen du contrôle juridictionnel direct des manquements commis par les organes communautaires et nationaux à leur obligation de coopérer étroitement en vue d'assurer cette unité de représentation ou bien encore en vertu de sa compétence, prévue à l'article 177 du traité, de répondre à des questions relatives à l'interprétation de cette obligation (voir ci-dessous les points 72 et suivants de nos conclusions). À ce propos, il faut souligner que cette compétence ne doit pas être confondue avec la compétence d'interprétation directe des dispositions des accords internationaux mixtes litigieux. Ce qui importe, dans le cadre de la première compétence, c'est le comportement des autorités communautaires et nationales au regard de leur obligation de coordonner leurs interprétations des dispositions des accords internationaux mixtes et non pas la détermination du contenu concret de ces interprétations, qui fait l'objet de la deuxième compétence.

    (52) - Précité à la note 30.

    (53) - Point 24. Voir également les conclusions de l'avocat général Tesauro dans la même affaire, où il a observé que «l'assistance technique, voire la consultation juridique, sont à l'évidence étrangères au système retenu par le protocole de 1971 ainsi que par l'article 177 du traité» (point 25).

    (54) - Voir ci-dessus, le point 66 de nos conclusions.

    (55) - Voir notamment la communication 93/C 39/05 de la Commission, relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO C 39 du 13 février 1993, p. 6).

    (56) - Une telle obligation ne pourrait se fonder sur l'exigence de se conformer aux décisions d'interprétation adoptées au titre de l'article 177 du traité. Dès lors qu'il est admis que la Cour n'est pas compétente pour répondre à une question préjudicielle d'une juridiction nationale concernant l'interprétation d'une disposition d'un accord international mixte relative à un domaine qui reste de la compétence des États membres, le fait d'obliger la juridiction de renvoi à se conformer, en toute hypothèse, au titre de l'article 177, à une décision dans laquelle la disposition litigieuse ou une disposition connexe a été interprétée dans un contexte différent de celui de la procédure au principal, serait contraire à la jurisprudence traditionnelle sur l'effet utile des réponses données par la Cour aux questions préjudicielles. Par ailleurs, le fait que tout recours à l'article 177 impose en substance une interprétation contraignante centralisée serait contraire à la logique du traité, qui exclut, comme nous l'avons vu, de reconnaître en l'occurrence la compétence d'interprétation de la Cour.

    (57) - Le fait que l'obligation ci-dessus ne s'appuie pas sur l'article 177 du traité, mais sur l'obligation de coopération étroite entre les autorités communautaires et les autorités nationales en vue de garantir l'unité de représentation internationale de la Communauté a les conséquences suivantes: d'une part, la violation de cette obligation constitue un manquement de l'État membre à ladite obligation de coopération étroite, si les autres conditions d'un tel manquement sont également remplies, et, en conséquence, ce manquement doit être constaté dans le cadre de la procédure de l'article 226 CE (ex-article 169 du traité CE); d'autre part, les ressortissants de l'État membre ne peuvent invoquer la violation en question pour obtenir une annulation de la décision juridictionnelle correspondante, car il est évident que l'obligation de coopération étroite s'adresse aux institutions communautaires et aux États membres et qu'elle ne peut produire d'effet direct.

    (58) - Dans ce cas, il faudra considérer que, compte tenu des résultats de l'arrêt Hermès, précité à la note 2, dès lors que la procédure au principal et par conséquent l'éventuelle application de l'article 50, paragraphe 6, de l'accord TRIPs se réfèrent à la protection d'une marque commerciale, la Cour serait, en toute hypothèse, compétente pour examiner l'effet direct de cette disposition (voir, ci-dessus, le point 40 de nos conclusions).

    (59) - Précité à la note 2.

    (60) - Voir l'article 64 de l'accord TRIPs et l'appendice 1 au mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (annexe 2 à l'accord OMC).

    (61) - Points 34 à 52.

    (62) - Pour ce qui est du critère d'acceptation d'un effet direct concernant l'examen de la nature et de l'économie des accords internationaux, voir notamment l'arrêt Kupferberg, précité à la note 23 (point 23 des motifs) ainsi que l'arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C-280/93, Rec. p. I-4973, points 105 à 110).

    (63) - Point 38.

    (64) - Point 35. Voir également le point 28.

    (65) - Précité à la note 2.

    (66) - Précitée à la note 2.

    (67) - Voir ci-dessus le point 75 de nos conclusions.

    (68) - Sur ce point, il faut souligner que la réponse à la troisième question n'est pas affectée par la réponse à la deuxième question, relative à l'éventuel effet direct de la disposition litigieuse. Voir, ci-dessus, le point 80 de nos conclusions.

    (69) - Voir à ce propos D. Gervais, The TRIPs Agreement: Drafting History and Analysis, Londres, Sweet & Maxwell, 1998, p. 140.

    (70) - Voir U. Suthersanen, Design Law in Europe, Londres, Sweet & Maxwell, 2000, p. 437, où il est cependant observé qu'il paraît difficile de faire la distinction entre un dessin ou modèle «original» et un dessin ou modèle qui a été créé «de manière indépendante».

    (71) - Voir le préambule de l'accord TRIPs, où il est mentionné que les membres reconnaissent «les besoins spéciaux des pays les moins avancés membres en ce qui concerne la mise en oeuvre des lois et réglementations au plan intérieur avec un maximum de flexibilité pour que ces pays puissent se doter d'une base technologique solide et viable».

    (72) - Ces paragraphes de l'article 41 disposent:

    «1. Les membres feront en sorte que leur législation comporte des procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle telles que celles qui sont énoncées dans la présente partie, de manière à permettre une action efficace contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle couverts par le présent accord, y compris des mesures correctives rapides destinées à prévenir toute atteinte et des mesures correctives qui constituent un moyen de dissuasion contre toute atteinte ultérieure. Ces procédures seront appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif.

    2. Les procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle seront loyales et équitables. Elles ne seront pas inutilement complexes ou coûteuses; elles ne comporteront pas de délais déraisonnables ni n'entraîneront de retards injustifiés.

    3. Les décisions au fond seront, de préférence, écrites et motivées. Elles seront mises à la disposition au moins des parties à la procédure sans retard indu. Les décisions au fond s'appuieront exclusivement sur des éléments de preuve sur lesquels les parties ont eu la possibilité de se faire entendre.

    4. Les parties à une procédure auront la possibilité de demander la révision par une autorité judiciaire des décisions administratives finales et, sous réserve des dispositions attributives de compétence prévues par la législation d'un membre concernant l'importance d'une affaire, au moins des aspects juridiques des décisions judiciaires initiales sur le fond. Toutefois, il n'y aura pas obligation de prévoir la possibilité de demander la révision d'acquittements dans des affaires pénales».

    (73) - Sur ce point, il faut souligner que la possibilité d'application des dispositions de l'accord TRIPs au moyen des dispositions générales en matière de protection des droits qui sont en vigueur dans l'ordre juridique des parties contractantes ne constitue pas une interprétation excessivement large de l'accord, qui serait susceptible d'avoir un impact disproportionné sur le système juridique de chaque partie contractante. D'ailleurs, qu'il s'agisse de règles nationales générales ou spéciales, la protection correspondante des droits de propriété intellectuelle ne ressortit au champ d'application de l'accord TRIPs que dans la mesure où les conditions posées par cet accord sont remplies.

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