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Document 61998CC0180

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 23 mars 2000.
Pavel Pavlov e.a. contre Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten.
Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Nijmegen - Pays-Bas.
Affiliation obligatoire à un fonds professionnel de pension - Compatibilité avec les règles de concurrence - Qualification en tant qu'entreprise d'un fonds professionnel de pension.
Affaires jointes C-180/98 à C-184/98.

Recueil de jurisprudence 2000 I-06451

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:151

61998C0180

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 23 mars 2000. - Pavel Pavlov e.a. contre Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten. - Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Nijmegen - Pays-Bas. - Affiliation obligatoire à un fonds professionnel de pension - Compatibilité avec les règles de concurrence - Qualification en tant qu'entreprise d'un fonds professionnel de pension. - Affaires jointes C-180/98 à C-184/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06451


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1 Dans les affaires que nous examinons aujourd'hui, le Kantongerecht te Nijmegen (juridiction d'instance) demande à la Cour de répondre à un certain nombre de questions qui portent sur la compatibilité avec les règles de concurrence du traité CE du système néerlandais d'affiliation obligatoire aux régimes de pension professionnels. Ces questions ont été soulevées au cours de procédures introduites par plusieurs médecins spécialistes qui s'opposent à des injonctions émises par le fonds professionnel néerlandais des médecins spécialistes, en paiement des cotisations à son régime de pension complémentaire.

2 La question de droit communautaire qui est soulevée consiste essentiellement à déterminer si les règles du droit néerlandais relatives à l'affiliation obligatoire aux régimes professionnels complémentaires de pension sont contraires soit aux articles 5 et 85 du traité CE (devenus articles 10 et 81 CE), soit aux articles 90, paragraphe 1, et 86 du traité CE (devenus articles 86, paragraphe 1, et 82 CE). S'agissant des articles 5 et 85 du traité CE, il convient, à titre préliminaire, de se demander si, et, dans l'affirmative, dans quelles conditions l'instauration d'un régime professionnel de pension obligatoire pourrait enfreindre l'article 85, paragraphe 1. Dans le contexte des articles 90, paragraphe 1, et 86, la question préliminaire consiste à se demander si un organisme tel que le fonds concerné doit être considéré comme une entreprise aux fins des règles de concurrence du traité.

3 Les questions soumises à la Cour et leur contexte légal et procédural sont, pour l'essentiel, identiques aux trois dernières questions déférées à la Cour par le Hoge Raad der Nederlanden dans l'affaire Van Schijndel (1). Toutefois, dans cette dernière affaire, eu égard aux réponses données aux autres questions, la Cour n'a pas eu à aborder les questions de fond de droit de la concurrence.

4 Les présentes affaires soulèvent également des questions analogues à celles récemment abordées dans les affaires Albany, Brentjens et Drijvende Bokken (2) et la Cour avait décidé de suspendre la procédure dans les présentes affaires jusqu'à ce qu'elle ait statué dans ces affaires antérieures. Pour éviter de nous répéter, nous renverrons souvent aux conclusions et aux trois arrêts dans ces affaires. Si l'on conçoit quelque analogie, il convient toutefois de se rappeler que ces affaires portaient sur des fonds sectoriels de pensions qui avaient été instaurés sur la base de conventions collectives conclues entre le patronat et les syndicats et qui assuraient des pensions complémentaires aux travailleurs salariés d'un secteur déterminé de l'industrie, alors qu'en l'espèce, il s'agit d'un fonds de pension instauré par les membres d'une profession libérale assurant des pensions aux membres de cette même profession.

II - Le cadre national

5 Nous rappellerons que le système néerlandais des pensions se fonde sur trois piliers:

- Tout d'abord, il y a une pension de base obligatoire, accordée par l'État conformément à l'Algemene Ouderdomswet (loi néerlandaise instituant un régime général de pension de vieillesse, ci-après l'«AOW») et à l'Algemene Nabestaandenwet (loi néerlandaise sur l'assurance généralisée des survivants). Ce premier pilier est destiné à offrir à l'ensemble de la population une prestation dont le montant est fixe et correspond à une quote-part déterminée du salaire minimal. Le montant de cette prestation est réduit à concurrence de toute année de non-assurance d'une personne. La participation à ce pilier est obligatoire.

- En second lieu, dans la majorité des cas, la pension de base est complétée par des pensions complémentaires, fournies en relation avec une activité professionnelle salariée ou indépendante. Ces pensions du deuxième pilier sont généralement gérées dans le cadre de régimes collectifs s'appliquant à un secteur de l'économie, à une profession, ou aux travailleurs d'une entreprise.

- Enfin, les deux premiers éléments de ces revenus tirés de pensions peuvent être complétés grâce à la conclusion de contrats individuels d'assurance pension ou d'assurance vie sur une base volontaire (troisième pilier).

6 Les affaires que nous examinons sont relatives à un fonds de pension relevant du deuxième pilier, assurant des pensions complémentaires aux membres d'une profession libérale, en l'occurrence celle de médecin spécialiste. Sous bien des aspects, ce fonds est analogue à la Stichting Pensioenfonds voor Fysioterapeuten (Fonds de pension des phytothérapeutes), dont il a été question dans l'affaire Van Schijndel.

7 Les fonds de ce type sont régis en premier lieu par la Wet betreffende verplichte deelneming in een beroepspensioenregeling (loi sur l'affiliation obligatoire à un régime professionnel de pension, ci-après la «BprW"), du 29 juin 1972 (3). Dans une certaine mesure, cette loi a pris pour modèle la Wet betreffende verplichte deelneming in een bedrijfspensioenfonds (loi sur l'affiliation obligatoire à un fonds sectoriel de pension, ci-après la «BPW»), du 17 mars 1949, sur laquelle portaient les affaires Albany, Brentjens et Bokkken, précitées. Les autres règles applicables en l'espèce sont les statuts et règlements de ces fonds.

1. La loi sur l'affiliation obligatoire à un régime professionnel de pension

8 Selon l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la BprW, un beroepsgenoot (professionnel) est une personne physique exerçant, dans un secteur professionnel déterminé, la profession correspondant à ce secteur professionnel.

9 L'article 2, paragraphe 1, de la BprW prévoit que le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi peut, à la demande d'une ou plusieurs organisations professionnelles qu'il estime suffisamment représentatives de la branche professionnelle concernée, rendre obligatoire l'affiliation à un régime professionnel de pension (beroepspensioenregeling) institué par des membres de la profession pour tous les membres de ladite profession ou pour certaines catégories de membres de celle-ci. La demande adressée au ministre par une organisation professionnelle doit avoir été préalablement publiée et les tiers intéressés peuvent faire connaître leur opinion (4). Avant de prendre sa décision, le ministre peut entendre le Sociaal-Economische Raad (Conseil économique et social) et la Verzekeringskamer (chambre des assurances).

10 Selon l'article 2, paragraphe 2, de la BprW, un tel régime professionnel de pension peut adopter l'une des trois formes suivantes:

a) la constitution d'un fonds professionnel de pension, qui agit comme organe d'exécution (uitvoeringsorgaan) unique de ce régime;

b) l'obligation, pour les professionnels concernés, de réaliser le régime professionnel de pension au moyen de contrats d'assurance individuels à conclure, selon le libre choix du participant, avec le fonds professionnel de pension mentionné sous a), pour autant que le régime professionnel de pension en donne la possibilité, ou avec un assureur, titulaire de la licence exigée;

c) un régime de pension dont une partie répond à la forme décrite sous a), et l'autre partie à celle décrite sous b).

11 Le dossier montre que les médecins spécialistes et les médecins généralistes, ont opté pour la forme décrite sous c) eu égard à l'importance relativement grande de leurs régimes professionnels de pension. Les dix autres régimes professionnels ont adopté le modèle décrit sous a).

12 L'article 2, paragraphe 3, de la BprW précise que l'affiliation ne peut être rendue obligatoire qu'à la condition de la création d'une personne morale (rechtpersoon) intervenant

a) soit en qualité de fonds de pension, mettant en oeuvre le régime de pension,

b) soit en qualité d'organe de surveillance, veillant à ce que les professionnels concernés respectent l'obligation de s'assurer eux-mêmes conformément à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la BprW,

c) soit pour partie en qualité de fonds de pension et pour partie en qualité d'organe de surveillance.

13 L'affiliation obligatoire entraîne l'obligation, pour tous ceux auxquels il s'applique, de respecter les dispositions prises à leur égard par les statuts et règlements de la personne morale (5). Le non-respect de cette obligation entraîne des sanctions (6). Les fonds professionnels de pension peuvent émettre des injonctions contraignantes à des fins de recouvrement des cotisations impayées (7).

14 Le ministre responsable a la faculté de supprimer l'affiliation obligatoire. L'affiliation obligatoire est automatiquement supprimée si des modifications sont apportées à l'assise financière ou aux statuts et règlements de la personne morale, à moins que le ministre responsable n'ait déclaré qu'il n'avait pas d'objections à formuler à l'encontre de ces modifications (8).

15 Avant que le ministre puisse rendre l'affiliation obligatoire, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Par exemple, les membres de la profession doivent avoir été mis au courant de l'intention de l'organisation professionnelle de solliciter une décision rendant l'affiliation obligatoire, le régime doit disposer d'une assise financière dont la solidité doit être établie par une note actuarielle motivée, et les statuts et règlements du fonds de pension doivent répondre aux prescriptions énoncées dans la BprW et garantir suffisamment les intérêts des affiliés et des autres personnes intéressées (9).

16 L'article 8, paragraphe 1, de la BprW précise différents points relatifs aux statuts et règlements de la personne morale, comporte des dispositions portant, entre autres, sur la définition de la profession à laquelle le régime de pension s'applique, la gestion de la personne morale, les droits et obligations des affiliés, ainsi que sur l'attitude à adopter vis-à-vis des personnes ayant des réserves d'ordre moral à l'égard de toute forme d'assurance.

17 L'article 8, paragraphe 2, précise un certain nombre de points supplémentaires qui doivent figurer dans les statuts et les règlements de la personne morale intervenant en qualité de fonds de pension gérant le régime de pension. Ces points concernent, par exemple, la composition des revenus et des placements du fonds.

18 L'article 8, paragraphe 3, habilite le ministre à édicter des directives (richtlijnen) portant sur les points énumérés dans les deux premiers paragraphes. C'est ainsi que le ministre a adopté des directives concernant l'attitude à adopter vis-à-vis des personnes ayant des réserves d'ordre moral à l'encontre de l'assurance. Ces personnes pourront être dispensées de l'affiliation à un régime professionnel de pension si elles sont en mesure de démontrer qu'elles n'ont recours à aucune forme d'assurance.

19 Les articles 9 et 10 de la BprW déterminent les modalités selon lesquelles un fonds professionnel de pension doit gérer les fonds récoltés. En principe, les fonds de pension doivent transférer ou réassurer les risques liés aux obligations de pension en concluant des contrats d'assurance avec des compagnies d'assurance (article 9). À titre exceptionnel, un fonds peut gérer et placer lui-même, à ses propres risques, les capitaux récoltés s'il a présenté aux autorités de surveillance un plan de gestion et une note actuarielle expliquant la manière dont il se propose de gérer le risque financier et actuariel et si la chambre des assurances marque son approbation (article 10).

20 La comptabilité d'un fonds qui gère lui-même les cotisations perçues doit montrer que son capital et ses revenus sont suffisants pour couvrir les obligations de pension qu'il a contractées (10). Les fonds professionnels de pension sont tenus de présenter, à intervalles réguliers, à la chambre des assurances, des rapports reflétant complètement la situation financière du fonds et montrant que le fonds respecte les prescriptions légales (11). La chambre des assurances exerce une surveillance permanente sur les différents fonds de pension complémentaires des Pays-Bas.

21 L'article 26 de loi BprW précise que, dans des cas individuels particuliers, le ministre peut accorder une dérogation à des dispositions de la BprW. Le ministre peut, entre autres, dispenser de l'affiliation obligatoire. Cette dispense peut être accordée pour une durée limitée ou soumise à des conditions.

22 Selon le gouvernement néerlandais, le ministre ne peut dispenser de l'obligation de s'affilier que dans des situations spécifiques, dans lesquelles une application systématique de la loi BprW conduirait à un préjudice disproportionné à l'égard d'intérêts individuels, sans que des dispositions ne soient prévues à cet effet par le fonds concerné. Toutefois, la faculté donnée au ministre d'accorder une dispense n'a pas pour objet d'offrir une voie de recours à l'encontre d'une décision du fonds refusant de dispenser de l'affiliation obligatoire.

23 Les dispenses au titre de l'article 26 de la BprW ne sont pas susceptibles d'être accordées pour des motifs d'ordre moral ou pour des raisons d'intérêt public. Avant de statuer, le ministre consulte généralement la chambre des assurances. En pratique, les demandes de dispense au titre de l'article 26 de la BprW ont été rares et, à ce jour, aucune dispense n'a été accordée sur ce fondement. La décision du ministre est passible de recours conformément aux principes généraux du droit administratif néerlandais.

24 Il ressort de l'exposé des motifs du projet de loi (12) que le «régime collectif» visé par la loi a pour objectif de rendre possible «l'adaptation du revenu des retraités à l'accroissement du niveau général des revenus», ainsi que «la contribution des membres de la profession plus jeunes, par le biais d'un système de péréquation des cotisations ou de variantes de ce système, aux charges plus élevées des prestations en faveur des membres de la profession plus âgés», et de «prévoir l'octroi de droits à pension pour des années antérieures à l'entrée en vigueur du régime». Ces objectifs ne pourraient être atteints que par l'intermédiaire d'un régime commun, «pour autant que, en principe, toutes les personnes relevant du secteur professionnel en cause soient concernées».

25 Lors des discussions parlementaires de la BprW (13), le gouvernement néerlandais a indiqué ce qui suit:

"... la gestion des fonds sectoriels de pension vise à réaliser le meilleur régime de pension possible, d'un point de vue social, pour le groupe total des participants (jeunes et vieux). Les soussignés ne peuvent pas s'imaginer qu'il pourrait en aller autrement en ce qui concerne les fonds professionnels de pension. Tout comme un fonds sectoriel de pension, un fonds professionnel de pension ne sera pas constitué comme une entreprise commerciale, mais plutôt comme une entreprise à but social qui fonctionnera le mieux possible pour ses affiliés dans leur relation sociale réciproque. Les aspects commerciaux peuvent difficilement en être le principe à cet égard.

Dans cette mesure, l'importance des cotisations des professionnels ne devra pas être déterminée par la question de savoir s'ils `pourraient peut-être trouver mieux et moins cher sur le marché', mais sera plutôt déterminée par la mesure de la solidarité dans la branche professionnelle concernée.»

26 Le gouvernement a également exposé ce qui suit (14):

"Dans un projet de loi-cadre comme celui dont il s'agit en l'occurrence, l'intérêt des professionnels en tant que groupe doit pouvoir être respecté. Cela implique l'obligation, pour, en principe, tous les professionnels du secteur concerné, de s'affilier au fonds de pension. Si, dans des cas particuliers, cet impératif amenait à constater que cette obligation ne correspond pas à l'intérêt individuel d'un ou plusieurs professionnels du secteur, il conviendrait en principe de l'accepter: en effet, toute règle de groupe apporte une restriction à une liberté individuelle."

2. Les statuts et le règlement de pension du fonds de pension des médecins spécialistes.

2. Les statuts et le règlement de pension du fonds de pension des médecins spécialistes.27 Le secteur professionnel des médecins spécialistes, représenté par le Landelijke Specialisten Vereniging der Koninklijke Nederlandsche Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst (association nationale des spécialistes de la société royale néerlandaise de promotion de la médecine, ci-après la «LSV») a mis sur pied, en 1973, un régime professionnel de pension (beroepspensioenregeling) qui est régi par des statuts (statuten) et par un règlement de pension (pensioenregeling).

28 Conformément à ses statuts, la «Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten» (fondation "fonds de pension des médecins spécialistes", ci-après le «fonds») a été crée comme personne morale au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous c), de la BprW, sous la forme d'une fondation (Stichting) en vue pour partie d'intervenir en qualité d'assureur à son propre compte et pour partie d'intervenir en qualité d'organe de surveillance veillant à ce que les membres de la profession s'assurent eux-mêmes à titre individuel.

29 L'affiliation au régime a été rendue obligatoire sur le fondement de l'article 2, paragraphe 1, de la BprW, par un arrêté ministériel du 18 juin 1973 (15), qui faisait suite à une requête déposée par le LSV. À partir du 31 janvier 1997, l'Ordre van Medisch Specialisten (Ordre des médecins spécialistes, ci-après l'"OMS") s'est substitué au LSV en tant qu'organisation professionnelle représentative. Quelque 8 000 des 15 000 médecins spécialistes indépendants ou salariés sont membres de l'OMS.

30 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement du fonds prévoit l'affiliation au régime de tout médecin spécialiste inscrit au registre des médecins spécialistes reconnus conformément aux règles internes de la Koninklijke Nederlandse Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst (Société royale néerlandaise de promotion de la médecine) qui réside aux Pays-Bas, exerce aux Pays-Bas la profession de médecin spécialiste et n'a pas encore atteint l'âge de 65 ans.

31 L'article 1er, paragraphe 2, du règlement de pension donne essentiellement à deux catégories de médecins spécialistes la possibilité de demander à être dispensés de l'affiliation. Ces catégories sont, d'une part, les médecins spécialistes qui prévoient, au cours d'une année civile, qu'ils exerceront leur profession exclusivement à titre salarié et, à ce titre, seront couverts par un autre régime de pension tel que, par exemple, un régime régi par la BPW ou un régime adopté par l'employeur avant le 6 mai 1972, qui confère des prestations de pension au moins équivalentes à celles conférées par la Fonds et, d'autre part, les médecins spécialistes indépendants qui perçoivent des revenus inférieurs à un certain montant, relativement peu élevé.

32 Dans leurs réponses aux questions écrites posées par la Cour, le gouvernement néerlandais comme le fonds ont affirmé que le fonds était lié par les conditions énoncées dans cet article. Il s'avère dès lors qu'il est exclu, en principe, d'accorder des dispenses pour des motifs qui lui sont étrangers.

33 S'agissant du rapport entre les pouvoirs respectifs du ministre au titre de l'article 26 de la BprW et du fonds au titre de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement de pension, leur permettant d'accorder à des professionnels des dispenses de l'affiliation obligatoire, le gouvernement néerlandais considère que ce sont les membres de la profession qui détiennent la responsabilité principale en matière de la création et d'administration du régime de pension. Le rôle des autorités publiques consiste simplement à instaurer un cadre réglementaire et à garantir le fonctionnement du système. Le pouvoir du ministre en matière de dispense revêt donc un caractère subsidiaire par rapport au pouvoir ou à l'obligation du fonds à cet effet. Ce n'est que dans les cas où les règles applicables (les statuts, le règlement de pension, les directives ministérielles) n'habilitent pas le fonds à accorder une dispense que le ministre a la faculté d'intervenir.

34 L'article 44 du règlement du fonds dispose que la direction a le droit, dans certains cas particuliers, d'accorder des dérogations au règlement de pension en faveur de certains affiliés, pourvu que la dérogation accordée ne porte pas un préjudice aux droits d'autrui. Selon le fonds, cette clause de dureté (hardheidsclausule) est destinée à s'appliquer à des situations qui heurtent sensiblement l'équité: elle pourrait, par exemple, concerner un professionnel qui, au cours d'une période d'affiliation très brève, ne constituerait que des droits à pension minimaux.

35 Selon le gouvernement néerlandais, bien que le fonds ait été constitué sous la forme d'une fondation de droit privé, les décisions du fonds en matière d'affiliation obligatoire et de dispense sont susceptibles de recours juridictionnel conformément au droit administratif général (Algemene wet bestuursrecht).

3. Le régime de pension des médecins spécialistes

36 Le régime de pension des médecins spécialistes, tel qu'il est décrit dans le règlement de pension du fonds, se caractérise essentiellement par les éléments suivants:

(a) une pension de vieillesse versée à partir du soixante-cinquième anniversaire des affiliés;

(b) une pension de survie, de veuve ou de veuf, s'élevant en principe à 70 % de la pension de vieillesse constituée pendant la durée du mariage, qui sera versée au conjoint de l'affilié décédé;

(c) une pension d'orphelin s'élevant à 14 % (28 % pour un orphelin de père et mère) du montant de la pension de vieillesse, qui sera versée aux enfants de l'affilié décédé jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 18 ans, avec prolongement possible jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 27 ans;

(d) un mécanisme d'indexation liant les pensions à l'augmentation générale du niveau des revenus;

(e) des droits de pension rétroactifs relatifs à des périodes antérieures à l'existence du fonds;

(f) en cas d'incapacité d'exercice de la profession, pour cause d'invalidité, la prise en charge du versement des cotisations en vue de continuer la constitution de la pension;

(g) des prestations de survie complémentaires (Risicoregeling) pour les veuves, les veufs et les orphelins d'affiliés décédés pendant leur affiliation, avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans. Plus l'affilié décède jeune et plus le montant de ces prestations complémentaires est élevé.

37 Les différents éléments constitutifs du régime de pension relèvent de régimes d'assurance différents.

38 La première partie de ce régime, dénommée normpensioen (la pension de référence) comprend fondamentalement la pension de vieillesse, la pension de survie, de veuve ou de veuf, et la pension d'orphelin [éléments sous (a) à (c)], selon leur valeur nominale, c'est-à-dire sans adaptation des prestations de pension à l'augmentation générale des revenus conformément à l'élément mentionné sous (d).

39 Il peut être utile de donner un exemple de détermination de la normpensioen (selon les règles en vigueur en 1998). Pour chaque année, le régime de pension exige d'un affilié célibataire la constitution d'un droit nominal de pension de 1 194,58 NLG. Si l'affilié est marié, il doit, en outre, constituer un droit supplémentaire de 836,47 NLG. Un médecin spécialiste âgé de 35 ans, affilié en 1998, aura donc constitué en 2028, au cours d'une période de 30 ans d'affiliation, un droit nominal de pension annuelle - la normpensioen - de 35 848,80 NLG.

40 S'agissant de l'assurance visant la normpensioen, la profession de médecins spécialistes a opté pour la solution offerte par l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la BprW. Les membres de la profession sont tenus d'assurer leur normpensioen en concluant un contrat d'assurance individuel avec le fonds ou avec une compagnie d'assurance dûment autorisée. Tous les cinq ans, les affiliés peuvent revoir leur choix. Le fonds veille à ce que les membres respectent leurs obligations d'assurance.

41 Une compagnie d'assurance couvrant l'assurance de la normpensioen est tenue de conclure un accord avec le fonds. Sous divers points de vue, le fonds agit en qualité d'intermédiaire entre les médecins spécialistes et l'assureur. C'est ainsi que le fonds perçoit les cotisations pour la normpensioen; ces cotisations sont ensuite transmises à l'assureur.

42 Le fonds et la compagnie d'assurance fixent les primes respectives pour la normpensioen, sur une base actuarielle. Les primes dues varient selon l'âge, le sexe et les revenus de l'affilié, les frais administratifs du fonds ou de l'assureur, ainsi que le rendement des placements effectués par le fonds ou par l'assureur.

43 Le second volet du régime de pension comprend les éléments mentionnés ci-dessus sous (d) à (g). Financièrement, l'élément le plus important en est le mécanisme d'indexation (d) qui, grâce à un coefficient d'adaptation fixé sur une base annuelle, adapte les pensions et les droits à pension à l'accroissement des revenus. C'est ainsi qu'un droit à pension de 1 000 NLG "constitué" en 1973 valait an 1998 2 074,60 NLG. Dans l'exemple que nous mentionnions précédemment, le droit à pension de 35 848,60 NLG correspondra vraisemblablement à des prestations de pension beaucoup plus élevées.

44 Pour le second volet de son régime, la profession a opté pour la forme prévue à l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la BprW. C'est le fonds qui administre ces éléments. Ils ne peuvent pas être confiés à une compagnie d'assurance privée.

45 Les éléments mentionnés ci-dessus sous d) à f) sont financés par des cotisations calculées sur une base actuarielle. Les réserves relatives aux droits à pension rétroactifs [élément mentionné sous e)] ont déjà été financés. À l'heure actuelle, la cotisation relative à cet élément du régime est égale à zéro. L'élément mentionné sous (g) est financé par une cotisation annuelle moyenne déterminée.

46 Le régime n'opère pas de sélection des risques par voie de questionnaires ou d'examens médicaux.

47 Le fonds est un organisme non lucratif. Ses bénéfices sont attribués aux bénéficiaires de pensions et aux affiliés sous la forme d'une majoration de leurs droits à pension.

48 Selon le fonds, d'autres fonds professionnels de pension ont été créés aux Pays-Bas par les pharmaciens, les médecins généralistes, les vétérinaires, les phisiothérapeutes, les dentistes, les sage-femmes, les avocats, les actuaires-conseils indépendants, les agents de change, les experts comptables ainsi que les lamaneurs du port de Rotterdam. Dans ces quatre derniers régimes, il n'y a qu'un petit nombre d'affiliés. Le régime des avocats n'a qu'un objectif très limité et n'accorde que des prestations de survie. Les régimes de pension des médecins généralistes et des médecins spécialistes sont, de loin, les plus importants en termes de capital investi.

49 Le 31 décembre 1997, le fonds comptait 5 951 affiliés, 1 063 anciens affiliés et 4 220 personnes bénéficiant de versements de pension. Cette dernière catégorie comprenait 1 238 veuves ou veufs, 185 orphelins et 2 797 personnes bénéficiaires d'une pension de vieillesse. À la fin de l'année 1997, le capital investi du fonds s'élevait à 6 600 millions NLG.

III - Les procédures au principal

50 Les demandeurs au principal, MM. Pavlov (affaire C-180/987), Van der Schaaf (C-181/98), Kooyman (C-182/98) Weber (C-183/98) et Slappendel (C-184/98) sont des médecins spécialistes exerçant leur profession dans un hôpital de Nimègue.

51 Il est constant, pour toutes les parties, que les demandeurs au principal étaient obligés de s'affilier au fonds jusqu'à la fin de l'année 1995.

52 Les demandeurs au principal estiment néanmoins que, depuis le 1er janvier 1996, ils étaient en droit d'être dispensés de l'affiliation en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement du fonds de pension (16). Ayant modifié leurs relations contractuelles avec ledit hôpital, ils soutiennent que, depuis cette date, ils n'ont exercé leur activité professionnelle que dans le cadre d'un rapport d'emploi en vertu duquel ils ont fait l'objet d'une affiliation obligatoire au Bedrijfspensioenfonds voor de Gezondheid, Geestelijke en Maatschappelijke Belangen (fonds sectoriel de pension pour la santé ainsi que les secteurs du bien-être psychologique et social). C'est pourquoi les requérants ont arrêté de verser des cotisations au fonds.

53 Le fonds conteste que les requérants exercent leur profession sous les liens d'un contrat d'emploi. Ils ont adressé aux requérants des injonctions de payer portant sur l'arriéré des primes.

54 Les requérants attaquent ces injonctions devant le Kantongerecht.

55 Dans un jugement interlocutoire du 13 février 1998, le Kantongerecht a décidé que, eu égard à la nature de leur relation contractuelle avec l'hôpital, les requérants ne pouvaient pas invoquer la dispense prévue à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement du fonds de pension.

56 Au cours de la procédure, les requérants ont en outre soutenu que l'affiliation obligatoire était contraire à différentes dispositions du traité CE.

57 Par ordonnance interlocutoire du 8 mai 1998, le Kantongerecht a décidé de soumettre à la Cour les trois questions énoncées ci-après. Dans l'ordonnance de renvoi, le Kantongerecht déclare avoir pris comme modèle, pour ces questions, celles qui ont précédemment été soumise à la Cour par le Hoge Raad dans l'affaire Van Schijndel.

«1) À la lumière des objectifs de la Wet betreffende verplichte deelneming in een beroepspensioenregeling (BprW) [...], un fonds professionnel de pension auquel tous les membres d'une profession ou une ou plusieurs catégories déterminées d'entre eux sont tenus d'adhérer en vertu et en application de la BprW [...], avec les effets juridiques qu'y attache cette loi, doit-il être considéré comme une entreprise au sens des articles 85, 86 ou 90 du traité instituant la Communauté économique européenne?

2) Dans l'affirmative, le fait de rendre obligatoire l'affiliation au fonds professionnel de pension des médecins spécialistes [...] constitue-t-il une mesure édictée par un État membre qui supprime l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises, ou n'est-ce le cas que dans certaines circonstances et, dans cette dernière hypothèse, lesquelles?

3) S'il convient de répondre à la dernière question par la négative, d'autres circonstances peuvent-elles alors rendre l'obligation d'affiliation contraire aux dispositions de l'article 90 et, dans l'affirmative, lesquelles?»

IV - Recevabilité

58 Pour le gouvernement hellénique, les questions sont irrecevables. À ses yeux, le fait que la juridiction de renvoi définisse de manière insuffisante le cadre factuel et réglementaire dans lequel les questions s'insèrent rend en pratique impossible, pour les gouvernements intéressés, la présentation d'observations portant sur les sujets soulevés dans la demande préjudicielle.

59 Les observations présentées par les gouvernements français et néerlandais, par la Commission, et en outre par le gouvernement hellénique (pour le cas où la Cour considérerait que la demande préjudicielle est recevable) montrent néanmoins que les informations contenues dans la demande préjudicielle étaient suffisantes pour permettre aux parties intéressées de prendre position quant aux questions soumises à la Cour. En outre, les documents joints à la demande préjudicielle par la juridiction de renvoi, les observations écrites et les réponses aux questions posées par la Cour ont permis de disposer de davantage d'informations. Toutes ces informations ont été reprises dans le rapport d'audience. Les gouvernements intéressés avaient dès lors la possibilité de développer leurs observations à l'audience.

60 Il résulte de ces éléments ainsi que des considérations énoncées aux points 38 à 44 de l'arrêt Albany que les questions préjudicielles soumises à la Cour sont recevables.

V - La portée des questions préjudicielles

61 Conformément à l'analyse opérée par la Cour à propos de questions quasi identiques qui lui étaient soumises dans l'arrêt Albany, trois problèmes doivent être examinés.

62 Tout d'abord, les articles 5 et 85 du traité s'opposent-ils à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des membres d'une profession déterminée, l'affiliation à un fonds professionnel de pension? (la première question)

63 Ensuite, un fonds professionnel de pension tel que celui dont question en l'espèce est-il une entreprise au sens des articles 85 et suivants du traité? (la deuxième question)

64 Enfin, y a-t-il infraction aux articles 86 et 90 du traité lorsqu'un État membre crée un système d'affiliation obligatoire à des régimes professionnels de pension tels que ceux instaurés par les Pays-Bas et lorsque, dans le cadre de ce système, il rend obligatoire l'affiliation à un fonds professionnel de pension particulier? (la troisième question).

65 Tout comme dans l'affaire Albany, la troisième question ainsi soulevée par la juridiction nationale peut être aussi comprise comme posant le problème de la compatibilité du système néerlandais avec les dispositions conjointes de l'article 90, et des articles 52 et suivants, ainsi que 59 et suivants du traité CE (devenus, après modification, articles 43 et suiv. CE et 49 et suiv. CE).

66 Rien n'indique, toutefois, que les parties et la juridiction de renvoi aient débattu de l'applicabilité des règles de liberté d'établissement et de libre prestation de services ou qu'il y ait, en l'espèce, un élément d'extranéité. En outre, la question s'inspire de la dernière question soumise à la Cour dans les affaires Van Schijndel (17). Dans ces dernières affaires, le Hoge Raad avait explicitement refusé de soumettre à la Cour une question portant sur les libertés fondamentales garanties par le traité. C'est pourquoi il convient d'interpréter cette question en ce sens qu'elles portent sur les seuls articles 90 et 86 du traité.

VI - La deuxième question: les articles 5 et 85

67 Il est constant qu'en 1973, la LSV, qui était à ce moment l'organisation professionnelle représentative des médecins spécialistes néerlandais, a instauré le beroepspensioenregeling (régime professionnel de pension), que nous avons décrit précédemment. Selon le fonds, tous les membres de la LSV étaient alors des médecins spécialistes indépendants. La LSV a ensuite demandé au ministre responsable de rendre obligatoire l'affiliation au régime. Le ministre a accueilli cette demande et a pris un arrêté rendant obligatoire l'affiliation au régime considéré pour tous les médecins spécialistes établis aux Pays-Bas.

68 Le Kantongerecht émet des doutes quant à la compatibilité de cet arrêté avec les articles 5 et 85 du traité. Le raisonnement sous-jacent peut être décrit de la manière suivante (18). Les médecins spécialistes sont des entreprises au sens des règles de concurrence. L'instauration, par la LSV, du régime professionnel de pension doit être qualifiée de décision d'association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1. Cette décision restreint la concurrence entre médecins spécialistes ainsi que la concurrence sur le marché de l'assurance pension et affecte en outre le commerce entre États membres. Il y a donc infraction à l'article 85, paragraphe 1. En rendant obligatoire l'affiliation à ce régime de pension, les Pays-Bas encouragent l'adoption d'une décision contraire à l'article 85, paragraphe 1, et/ou renforcent ses effets. En vertu de la jurisprudence de la Cour, le décret est donc contraire aux articles 5 et 85.

69 Le fonds, le gouvernement néerlandais et la Commission nient tous qu'il y ait infraction aux articles 5 et 85 du traité. Ils soulèvent divers arguments à cet effet. Ils affirment que l'article 85, paragraphe 1, n'est pas applicable ratione materiae, qu'il n'y a pas d'accord entre entreprises ou de décision d'association d'entreprises, que le jeu de la concurrence n'est pas sensiblement restreint et que le commerce entre États membres n'en est pas affecté, que, en outre, l'article 5 ne saurait s'appliquer puisque l'article 90, paragraphe 1, constitue une lex specialis et que, de toute façon, le système néerlandais est justifié par des raisons d'intérêt public.

70 Les parties demanderesses au principal n'ont pas présenté d'observations devant la Cour. Dans leurs observations, les gouvernements hellénique et français n'ont pas abordé cette question.

71 L'affaire soulève, entre autres, la question de la relation entre les règles de concurrence du traité et les professions libérales. Comme il s'agit de la première affaire concernant une profession libérale typique, soit les médecins (19), et que le sujet est susceptible de devenir plus important à l'avenir (20), il peut être utile de formuler quelques observations liminaires avant d'entamer l'analyse des articles 5 et 85.

1. Le droit de la concurrence et les professions libérales

72 Lorsque, dans la présente section, nous évoquons les "professions libérales", nous visons les médecins, les avocats, les architectes et les professions libérales apparentées (21).

73 Dans la perspective du droit de la concurrence, les marchés des services des professions libérales présentent les caractéristiques suivantes (22).

74 Tout d'abord, les professions libérales détiennent souvent un monopole légal de dispense de leurs services (par exemple, la dispense de services de soins de santé pour les médecins, la plaidoirie devant les cours et tribunaux pour les avocats et la vente de médicaments pour les pharmacies).

75 En deuxième lieu, beaucoup de ces professions participent au contrôle de l'accès à la profession. Même lorsque la décision finale en matière d'accès à la profession appartient à l'État, les membres de la profession, par exemple, fixent la durée su stage, contrôlent les programmes des études ou organisent les examens et font office de jury. Il arrive même que les professions soient autorisées à déterminer elles-mêmes le nombre de nouveaux membres qui peuvent accéder à la profession chaque année.

76 Ensuite, il existe souvent des restrictions en matière de publicité. Les règles pertinentes en la matière sont en général rédigées par la profession et appliquées par les organes professionnels ou par les cours et tribunaux. Ces règles vont de l'interdiction totale de toute forme de publicité à des interdictions plus limitées, portant sur la publicité relative aux prix ou à la qualité du service offert.

77 D'autre part, certaines professions libérales ont entrepris d'établir des tarifs obligatoires en matière d'honoraires et de frais. Ce type de dispositions régulatrices va de la fixation d'honoraires minimaux par la profession elle-même à la fixation d'honoraires maximaux par l'État, après consultation préalable de la profession concernée.

78 Enfin, dans beaucoup de professions, la possibilité d'exercer l'activité en cause dans le cadre de certaines structures commerciales est limitée. Les membres d'une profession peuvent par exemple se voir refuser la possibilité de fonder des sociétés à responsabilité limitée ou d'avoir des liens d'association ou d'emploi avec des personnes relevant d'autres professions (telles que les avocats et les experts comptables).

79 Les opposants à ce type de règles soutiennent qu'elles constituent des restrictions à la concurrence et que ce type de restrictions étant interdit sur les autres marchés de biens et de services, il n'y aurait aucune raison de les admettre en ce qui concerne les professions libérales.

80 Leurs partisans soutiennent que les marchés des services professionnels ne sauraient être comparés aux marchés "normaux", que, en réalité, la concurrence est vive au sein de chacune de ces professions, que les restrictions concernant l'accès à ces professions et certaines pratiques sont nécessaires pour garantir un haut niveau de qualité, et qu'il est simpliste d'alléguer que les membres des professions libérales sont ou devraient être motivés uniquement par des considérations de profit.

81 Ces points de vue opposés ont conduit, dans de nombreux systèmes nationaux de droit de la concurrence, à de nombreux litiges et à des débats académiques et politiques (23). La même chose devrait arriver en droit communautaire de la concurrence (24).

82 Les affaires que nous examinons sont atypiques de ce point de vue, car elles concernent une décision prise par une organisation professionnelle à propos de pensions complémentaires et non l'une des cinq catégories de règles que nous avons mentionnées ci-dessus. Toutefois, l'arrêt de la Cour dans les présentes affaires contribuera à la définition du cadre dans lequel les conduites et règles professionnelles seront examinées à l'avenir. Il est nécessaire, de ce fait, d'avoir à l'esprit trois difficultés récurrentes.

83 Tout d'abord, il serait erroné de voir dans les professions libérales une catégorie homogène d'opérateurs économiques. Chaque profession fournit un éventail complexe de services. La nature de ces services varie non seulement selon les différentes professions (par exemple, les architectes et les médecins), mais aussi au sein d'une profession déterminée (par exemple, les chirurgiens et les psychiatres). Vu dans une perspective internationale, il se peut que, selon les États, des professions apparemment identiques aient fait l'objet de formations de type différent et accomplissent des prestations de service de nature différente (architectes, notaires). Ces différences sont illustrées par les difficultés à trouver une définition communément admise de ces professions (25).

84 Ensuite, d'un point de vue économique, les marchés des services professionnels diffèrent sous deux aspects importants des marchés normaux de biens et de services.

85 Il y a, tout d'abord, ce qu'il est convenu d'appeler les effets externes. Ceux-ci consistent en bénéfices ou pertes (normalement, de la société dans son ensemble) qui n'ont pas de répercussion sur les prix demandés (26). S'ils se traduisent par des bénéfices, ils peuvent découler par exemple de découvertes scientifiques; des effets économiques induits négatifs peuvent résulter d'un contrat mal rédigé. Il est évident qu'une haute qualité de services engendre de manière régulière des effets externes positifs et que le contraire résultera de services de qualité inférieure. En outre, la demande de services professionnels est souvent une demande dérivée, ce qui signifie que le résultat final qu'ils produisent (un avis d'avocat, un plan d'architecte) constitue un bien intermédiaire dans une chaîne de production plus longue. La qualité de ces services joue de ce fait un rôle crucial, constituant l'une des données décisives dans de nombreux secteurs de l'économie nationale. Il convient d'en conclure que les membres des professions libérales non seulement servent leurs clients, mais aussi procurent des avantages au public en général, ce qui implique que la société ait un intérêt supplémentaire au maintien d'un niveau élevé de qualité de ces services.

86 Ensuite, il existe le problème important qualifié de problème de l'asymétrie de l'information. Une telle asymétrie apparaît entre le vendeur et l'acheteur lorsque l'acheteur n'est pas à même d'apprécier pleinement la qualité du produit qu'il reçoit (27). Ce problème est particulièrement aigu dans le cas des professions libérales eu égard à la nature hautement technique de leurs services. Le consommateur n'est pas en mesure d'apprécier la qualité de ces services avant l'achat en l'examinant (comme il le pourrait par exemple en achetant du fromage) mais uniquement après l'avoir consommé. Pire, il lui arrive parfois de ne jamais comprendre pleinement si le professionnel (par exemple, médecin, architecte, avocat) a fourni un service de haute qualité. Il en résulte que, pour les professionnels, qui déterminent eux-mêmes le degré d'attention qu'ils accordent à un client déterminé, la tentation est grande de choisir délibérément une moindre qualité de service pour épargner du temps ou de l'argent ou amener les clients à avoir encore recours à leurs services alors que ce n'est pas nécessaire. C'est dans le cadre des professions libérales que l'on trouve les moyens habituels de surmonter ou d'amenuiser les effets négatifs d'une information asymétrique ou, en d'autres termes, de prévenir une "course au plus bas". Des examens d'accès à la profession sont destinés à garantir un niveau initial élevé de capacités professionnelles. Des règles en matière de responsabilité professionnelle, les répercussions d'une bonne ou d'une mauvaise réputation ainsi que des régimes de certification constituent autant d'incitants les amenant à exploiter pleinement ces qualités professionnelles. Certains voient dans la publicité un moyen de surmonter ou d'amenuiser cette asymétrie de l'information, tandis que d'autres soutiennent que la publicité ne ferait qu'exacerber les problèmes. Nous pouvons en tout cas en conclure qu'un certain niveau de régulation de ces marchés est nécessaire pour contrer les effets de cette asymétrie.

87 La troisième difficulté récurrente est de nature juridique. Elle découle du rapport entre la réglementation édictée par l'État et la réglementation émanant des professionnels eux-mêmes. Dans beaucoup de systèmes juridiques, l'État délègue des pouvoirs réglementaires à des organes professionnels. Ces organes peuvent même être régis par le droit public. Les moyens qu'ils invoquent dans le cadre de litiges en matière de concurrence comportent souvent des arguments tirés de leur rapport avec l'État. Ils affirmeront, par exemple, que le législateur a prévu ou encouragé l'attitude en cause, ou même qu'il a obligé l'organisme en cause à agir comme il l'a fait (exception de raison d'ordre public). Nous devons aussi nous rappeler que, dans beaucoup de systèmes de droit de la concurrence, les mesures émanant de l'État ne sont pas visées par le droit des ententes. Dans les litiges impliquant des professions libérales, il est dès lors souvent nécessaire de déterminer au départ qui est responsable d'une conduite ou d'une règle déterminée (l'État ou la profession).

88 Les conclusions qu'il convient d'en tirer en l'espèce (28) et, de façon plus générale, pour le droit communautaire de la concurrence sont, à notre avis, les suivantes.

89 Eu égard à l'hétérogénéité des professions libérales et aux caractéristiques propres des marchés sur lesquelles elles opèrent, il n'est pas possible d'appliquer une formule générale; il sera nécessaire d'apprécier, dans chaque cas, si une restriction donnée imposée à la liberté d'agir aboutit en fait, sur le marché concerné, à une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (29).

90 En outre, il conviendra d'examiner si l'article 85, paragraphe 3, (s'il s'applique) peut être interprété de telle sorte que cette disposition puisse prendre en compte des préoccupations relatives à la qualité des services professionnels et à l'importance de celle-ci pour la société dans son ensemble (30).

91 Il sera ensuite nécessaire d'appliquer avec soin les règles relatives aux responsabilités respectives des États membres et des organes professionnels. C'est ainsi qu'il conviendra d'aborder des points décisifs, tels que la question de savoir si et dans quelles conditions une profession peut soulever une exception de raison d'ordre public ainsi que la question des arguments auxquels un État membre peut recourir pour justifier sa propre intervention réglementaire dans le jeu de la concurrence au sein des professions libérales.

92 Nous conclurons la présente section par le commentaire suivant. Nous avons soutenu que les caractéristiques spécifiques des marchés des services professionnels appellent une certaine forme de réglementation. Les opposants à la l'auto-réglementation par la profession elle-même insistent pour que ce soit l'État ou, à tout le moins, des organes de régulation contrôlés par l'État qui réglementent les professions libérales, eu égard aux risques d'abus inhérents aux pouvoirs de régulation. Néanmoins, du point de vue économique, un problème d'information apparaît de nouveau. La nature complexe de ces services et leur évolution permanente, due aux modifications fréquentes intervenant dans les connaissances et dans les développements technologiques, rendent difficile, pour les parlements et les gouvernements, l'adoption des règles détaillées et actualisées qui s'imposent. L'auto-réglementation par des membres expérimentés des professions libérales eux-mêmes, est souvent préférable, car elle permet de réagir avec la flexibilité nécessaire. Le défi majeur que doit relever tout système de droit de la concurrence consiste dès lors à prévenir l'usage abusif des pouvoirs de régulation sans supprimer l'autonomie de régulation des professions libérales.

93 C'est dans ce contexte et à la lumière des observations présentées par les parties que nous procéderons maintenant à l'analyse des articles 85, paragraphe 1, et 5 du traité.

2. Applicabilité ratione materiae de l'article 85, paragraphe 1

94 Selon le fonds et le gouvernement néerlandais, la décision par laquelle les médecins spécialistes ont instauré un régime professionnel de pension et demandé au ministre responsable de déclarer obligatoire l'affiliation à ce régime ne relève pas du champ d'application matériel de l'article 85, paragraphe 1. Ils estiment que la solution adoptée par la Cour dans l'arrêt Albany (31) à propos des accords collectifs entre patrons et syndicats relatifs à des fonds sectoriels de pension peut être transposée en l'espèce. Au point 64 de son arrêt dans cette dernière affaire, la Cour considère que l'accord en cause au principal ne relève pas, en raison de sa nature et de son objet, de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La Commission propose une solution analogue pour le cas où la Cour n'admettrait pas le raisonnement qu'elle soutient à titre principal, selon lequel, lorsqu'ils s'affilient à un régime de pension complémentaire, les médecins spécialistes devraient être considérés comme des consommateurs plutôt que comme des entreprises (32).

95 Le fonds, ainsi que le gouvernement néerlandais, nient tout d'abord qu'il y ait une différence significative entre les dispositions de droit néerlandais relatives aux régimes sectoriels de pension et celles relatives aux régimes professionnels de pension. La directive 98/49/CE du Conseil, du 29 juin 1998, relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, (33) ne distingue pas les pensions des travailleurs salariés de celles des travailleurs non salariés. Ensuite, différents éléments du raisonnement adopté par la Cour dans l'arrêt Albany pourraient, selon eux, être transposés en l'espèce; les articles 3, sous i), et 2 du traité (34) ont une même pertinence, les décisions en cause en l'espèce ont également été prises après une négociation collective (35), et l'objectif social de la décision est identique à celui mentionné dans l'arrêt Albany (36).

96 Pour notre part, nous estimons, tout d'abord, que l'arrêt Albany, tel qu'il est rédigé, se limite clairement au cas spécifique d'accords collectifs entre partenaires sociaux en matière de conditions de travail et d'emploi.

97 Cette conclusion peut déjà être déduite des points 53 à 60 de l'arrêt, que nous résumerons de la manière suivante: le traité tout comme l'accord sur la politique sociale encouragent les négociations collectives entre les partenaires sociaux, ce qui permet de penser que ce type de concertation entre acteurs de la vie économique est en principe licite (37). D'autre part, il est aussi manifeste que des accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux, portant sur les conditions de rémunération et de travail, comportent nécessairement certains effets restrictifs de la concurrence (38) Si le traité encourage les négociations collectives, les conséquences qui y sont inhérentes, à savoir certains effets restrictifs de la concurrence, ne sauraient être interdites par l'article 85, paragraphe 1 (39).

98 Le raisonnement ainsi suivi se fonde donc sur deux caractéristiques propres aux négociations collectives entre partenaires sociaux, soit leur encouragement par le droit communautaire et certains effets restrictifs de la concurrence qui leur sont inhérents. En conséquence, aux points 60 à 64 de l'arrêt, la Cour considère que, pour ne pas relever du droit des ententes, l'accord concerné doit non seulement poursuivre un objectif d'ordre social, mais également, revêtir une nature particulière, à savoir celle d'un accord collectif conclu dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux.

99 Nous estimons ensuite que cette exonération spéciale, réservée aux accords collectifs conclus entre partenaires sociaux, ne saurait être étendue, par analogie, à d'autres types d'accords ou de décisions. Nous devons rappeler que l'article 85, paragraphe 1, vise explicitement toutes les formes de pratiques concertées. En outre, dans les présentes affaires, nous ne retrouvons pas les deux éléments décisifs retenus dans l'arrêt Albany. Les actes des professions libérales ou les règles qu'elles adoptent ne comportent pas nécessairement des restrictions à la concurrence et aucune disposition du traité n'encourage explicitement la concertation entre professionnels indépendants. Nous ne retrouvons donc pas, en l'occurrence, ce conflit entre deux ordres de règles du traité qui, dans l'affaire Albany, nécessitait une "interprétation utile et cohérente des dispositions du traité".

100 En réalité, le gouvernement néerlandais et la Commission invitent la Cour à créer une exonération du droit de la concurrence sur la base du seul objectif social d'un accord. Leurs observations écrites le confirment: tout d'abord, la décision de la LSV poursuit un objectif d'ordre social en ce qu'elle vise à procurer des pensions complémentaires non seulement aux membres de la profession, mais aussi à leurs conjoints et à leurs enfants; par ailleurs, les pensions complémentaires revêtent une grande importance sociale, comme le confirme l'adoption, par le législateur communautaire, de la directive précitée relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (40); enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (41).

101 S'agissant des deux premiers arguments, nous avons déjà soutenu que le droit communautaire de la concurrence ne comporte aucune exception générale visant le domaine sociale (42). Contrairement à de nombreux systèmes nationaux de droit de la concurrence, les règles communautaires s'appliquent, potentiellement, à tous les secteurs de l'économie. Telle est la raison pour laquelle, conformément à une jurisprudence constante, les secteurs qui ne seraient pas visés par le champ d'application des règles de concurrence doivent être expressément mentionnés dans le traité (43). L'exonération du droit de la concurrence dont bénéficient les accords collectifs conclus entre partenaires sociaux, reconnue dans l'arrêt Albany, n'est pas incompatible avec cette jurisprudence, car cette exonération est due non pas simplement à l'objet de ces accords, mais principalement au cadre dans lequel ils sont conclus (44). En outre, le fait que la Communauté poursuive une certaine politique, comme c'est le cas dans le domaine des pensions complémentaires, ne met pas ce domaine économique à l'abri des règles de la concurrence (45). La Cour a donc itérativement appliqué les règles de concurrence au domaine social. Nous en trouvons la meilleure illustration dans les arrêts Albany, Brentjens et Drijvende Bokken eux-mêmes, dans lesquels la Cour a qualifié les fonds sectoriels de pension examinés d'entreprises au sens de l'article 86 et a examiné la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 90 et 86 du traité.

102 S'agissant du troisième argument, la faculté pour les États membres de légiférer dans un domaine déterminé ne saurait affecter l'obligation, pour ces États membres (46) (et a fortiori les opérateurs privés) de respecter les interdictions édictées par le traité.

103 Nous en concluons que l'article 85, paragraphe 1, s'applique ratione materiae.

3. Décision d'association d'entreprises

104 Le fonds, le gouvernement néerlandais et la Commission soutiennent que la décision de la LSV instaurant le régime professionnel de pension litigieux et de demander au ministre responsable de rendre l'affiliation obligatoire ne saurait être considérée comme une "décision d'association d'entreprises" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Trois questions se posent.

a) Les médecins spécialistes sont-ils des entreprises?

105 Il convient en premier lieu de se demander si les médecins spécialistes doivent être qualifiés d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, lorsqu'ils fournissent des soins médicaux contre rémunération.

106 Il est significatif qu'aucune des parties n'a affirmé que les médecins spécialistes indépendants ne relèveraient pas du champ d'application ratione personae des règles de concurrence. Le fonds a toutefois soutenu que les médecins spécialistes salariés ne sauraient être qualifiés d'entreprises.

107 Dans sa définition générale, "la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement" (47). Comme, en vertu de l'acception fonctionnelle du concept, le statut juridique est sans importance, les personnes physiques peuvent elles aussi être considérées comme des entreprises (48). L'idée sous-jacente à cette conception veut qu'il ne soit pas possible de tirer profit de la forme juridique sous laquelle une activité économique est exercée. Une activité économique consiste à offrir des biens et des services sur un marché déterminé (49). L'activité concernée doit être susceptible d'être exercée, du moins en principe, dans un but lucratif (50).

108 Appliquant ces principes aux professions libérales, dans l'arrêt Commission/Italie, la Cour a considéré les expéditeurs en douane comme des entreprises (51).

109 Le gouvernement italien avait soutenu que, exerçant une profession libérale, à l'instar d'un avocat, d'un géomètre ou d'un interprète, l'expéditeur en douane ne pouvait pas être considéré comme une entreprise, parce que les services qu'il fournit sont de nature intellectuelle et parce que l'exercice de sa profession nécessite une autorisation et implique le respect de certaines conditions.

110 La Cour a considéré que l'activité des expéditeurs en douane présente un caractère économique, car ceux-ci offrent, contre rémunération, des services consistant à effectuer des formalités douanières ainsi que d'autres services complémentaires, comme des services relevant des domaines monétaire, commercial et fiscal et assument les risques financiers afférents à l'exercice de cette activité. La circonstance que l'activité d'expéditeur en douane serait intellectuelle, nécessiterait une autorisation et pourrait être poursuivie sans la réunion d'éléments matériels, immatériels et humains n'est pas de nature à l'exclure du champ d'application de l'article 85 du traité.

111 Ce raisonnement peut être directement transposé aux litiges que nous examinons ce jour. En leur qualité d'opérateurs économiques indépendants, les médecins spécialistes non salariés fournissent des services sur le marché des services médicaux spécialisés. Ils réclament et obtiennent de leurs patients une rémunération de leurs services. Ils assument les risques financiers afférents à l'exercice de cette activité. La nature complexe et technique de leurs services et la circonstance que l'exercice de leur profession est réglementé ne sont pas de nature à influencer la qualification qu'il convient de leur attribuer aux fins de l'application des règles de concurrence.

112 Il est plus difficile de déterminer la qualification à attribuer aux médecins spécialistes salariés. En principe, les salariés qui fournissent leur travail contre rémunération ne relèvent pas du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1 (52). Toutefois, ces professionnels salariés ne sont pas des "travailleurs" typiques. Il arrive que leur "salaire" soit directement lié aux pertes et profits de leur employeur et ils n'exercent pas réellement leur activité "sous la direction" de leur employeur. Ils appartiennent donc à l'un de ces domaines frontière évoqués dans nos conclusions sous l'arrêt Albany (53). Il n'est cependant pas nécessaire d'adopter un point de vue définitif sur cette question dans le cadre des présentes affaires, dès lors que, au moment où la décision litigieuse a été adoptée, tous les membres de la LSV étaient des médecins spécialistes indépendants.

113 Nous en concluons que les médecins spécialistes indépendants, tels que le sont les membres de la LSV, doivent être qualifiés d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

b) Les médecins spécialistes agissent-ils en qualité d'entreprises ou en qualité de consommateurs lorsqu'ils instaurent un régime professionnel de pension?

114 La Commission admet que les médecins spécialistes indépendants exercent une activité économique lorsqu'ils fournissent des services médicaux contre rémunération. Elle soutient néanmoins que, en l'espèce, les médecins spécialistes n'agissaient pas comme entreprises mais comme consommateurs finals. La Commission assimile leur décision conjointe de constituer un régime de pension complémentaire à une décision de placements sur les marchés financiers ou d'achat d'un logement de vacances. Les activités de consommation finale seraient étrangères au champ d'application des règles de concurrence.

115 Quand les personnes physiques sont considérées comme des entreprises, il est utile, à notre sens, d'opérer une distinction entre les activités liées à leur sphère d'activité économique et celles relevant de leur sphère personnelle. Contrairement aux personnes morales, qui n'ont pas de "vie privée", les personnes physiques peuvent agir en qualité d'entreprises ou en qualité de consommateurs finals. Lorsqu'elles agissent en cette dernière qualité, les personnes physiques sont à l'abri des règles de concurrence, dès lors que les articles 85 et suivants ne s'appliquent qu'aux "entreprises". Il en résulte que lorsque des professionnels s'accordent pour organiser des vacances aux Bahamas ou pour acheter des tickets d'opéra, ils ne relèvent pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En revanche, lorsque des médecins achètent un équipement médical ou lorsque des avocats louent des bureaux, ils accomplissent des actes liés à leurs activités professionnelles. C'est à cet égard que les règles de concurrence doivent s'appliquer.

116 La question que soulèvent les présentes affaires est donc celle de la qualification à donner aux cotisations versées par des professionnels à un régime de pension relevant du deuxième pilier dans le contexte néerlandais.

117 L'argumentation de la Commission est la suivante. Lorsqu'un employeur verse des cotisations de pension pour ses salariés (il est constant que ces cotisations doivent être qualifiées de salaire), ce versement s'intègre dans l'activité économique principale de l'employeur (54). Dans le cas de professionnels exerçant à titre indépendant, l'employeur et le salarié sont la même personne et il n'y a donc pas de salaire. C'est pourquoi la constitution d'une pension complémentaire, destinée au professionnel lui-même, ne serait pas une activité comparable, par exemple, à l'acquisition d'un nouvel équipement médical, mais une activité de consommation personnelle.

118 Ce raisonnement ne nous convainc pas tout à fait. Il convient, pensons-nous, d'opérer une distinction entre les revenus professionnels qui demeurent dans la sphère d'une "entreprise" professionnelle et y sont réinvestis et ceux qui sont définitivement soustraits à cette sphère pour être investis dans la sphère personnelle.

119 Lorsqu'un professionnel utilise une partie de ses revenus pour conclure, sur une base volontaire, une police d'assurance vie relevant du troisième pilier, le revenu ainsi utilisé a été soustrait à la sphère professionnelle pour être réinvesti dans la sphère personnelle. Cette analyse est corroborée par la circonstance que ce même investissement pourrait être effectué grâce à des revenus issus, par exemple, d'un vignoble appartenant à la famille du professionnel. Un tel investissement est, dès lors, comparable à l'achat d'une peinture de valeur ou d'un logement de vacances.

120 En revanche, les cotisations destinées à des pensions relevant du premier et du deuxième piliers sont, elles, liées à la sphère de l'activité professionnelle. Ce n'est pas par hasard que les régimes en cause sont qualifiés de régimes professionnels de pension (beroepspensioenregeling): l'affiliation à ces régimes commence et s'achève avec l'exercice de la profession; tous les membres d'une profession sont affiliés au même régime relevant du deuxième pilier alors que les personnes étrangères à la profession ne sont pas susceptibles d'être affiliées; les pensions à constituer et, par conséquent, les primes à verser varient selon les revenus professionnels du membre affilié. En dernière analyse, les régimes professionnels de pension offrent un mécanisme destiné à répartir les revenus professionnels (et non pas personnels). Les cotisations à ces régimes doivent dès lors être analysées comme constituant des revenus qui restent à l'intérieur de la sphère professionnelle.

121 Nous en concluons donc que lorsque les médecins spécialistes concluent des accords relatifs aux pensions professionnelles, ils agissent en qualité d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

c) La LSV agissait-elle en qualité d'association d'entreprises?

122 Selon le gouvernement néerlandais, une association professionnelle telle que la LSV ne saurait être qualifiée d'entreprise, au motif qu'elle n'exerce pas d'activité économique.

123 Le problème soulevé en l'espèce ne consiste toutefois pas à se demander si, lorsqu'elle agit pour son propre compte, l'association enfreint les règles de concurrence, mais plutôt si les médecins spécialistes enfreignent lesdites règles lorsqu'ils agissent par la voie de leur association (55). La question posée n'est donc pas celle de savoir si l'organisation professionnelle agissait en qualité d'entreprise, mais si chacun des membres de ladite association agissait en cette qualité.

124 Le fonds soutient tout d'abord qu'il ne saurait être question d'association d'entreprises puisque un certain nombre de membres de la profession exercent leur activité à titre salarié. Ensuite, pour le fonds, il serait discriminatoire de qualifier la LSV d'association d'entreprises dès lors que d'autres organisations professionnelles telles que le Nederlandse Orde van Advocaten (Ordre néerlandais des avocats) sont régies par le droit public et détiennent des pouvoirs réglementaires. Enfin, la mission principale des organisations représentatives des médecins spécialistes consiste dans la défense des revenus de leurs membres dans le cadre de négociations avec les autorités néerlandaises à propos des frais et des honoraires liés à leurs services. Cette mission inclut les pensions complémentaires, qui font partie des revenus des retraités. Pour le fonds il est "évident" que la défense des intérêts économiques des médecins spécialistes ne relève pas de l'article 85 du traité.

125 S'agissant du premier de ces arguments, il n'est point nécessaire de déterminer si une organisation professionnelle comprenant des membres indépendants et des membres salariés est une association d'entreprises, puisque, au moment pertinent pour le litige, la LSV ne comptait que des membres indépendants.

126 Le deuxième argument soulevé par le fonds est erroné (dans sa formulation), car il part du principe que les organes professionnels régis par le droit public et habilités à exercer des pouvoirs réglementaires échappent aux règles de concurrence. Cette affirmation est contredite par une jurisprudence solidement établie. Le cadre juridique dans lequel est prise une décision d'association, ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par l'ordre juridique national sont sans incidence sur l'applicabilité de l'article 85 du traité (56).

127 Le troisième argument soulevé par le fonds est tout aussi infondé. Certes, la Cour a reconnu que les décisions d'un comité ou d'un organisme disposant de pouvoirs de réglementation, dans un secteur déterminé, pouvaient ne pas être visées par l'article 85, paragraphe 1. Mais cela vaut uniquement lorsque la majorité des membres sont des représentants de la puissance publique et lorsque le comité ou l'organisme concerné doivent respecter, lors de l'adoption de leurs propositions, un certain nombre de critères d'intérêt public (57). Dans les présents litiges, comme dans celui qui portait sur les expéditeurs en douane (58), aucun élément ne permet de penser que les autorités publiques avaient la possibilité d'influencer le processus de décision au sein de la LSV et le fonds a lui-même affirmé que la LSV n'agissait qu'en vue des intérêts économiques de la profession.

128 Il convient d'en conclure que la décision de la LSV que nous examinons doit être qualifiée de décision d'association d'entreprises.

4. Restriction à la concurrence

129 La question qui se pose en l'occurrence est la suivante: la décision par laquelle la LSV a instauré le régime professionnel de pension que nous avons décrit et a demandé au ministre de rendre obligatoire l'affiliation à ce régime a-t-elle pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité?

130 À l'audience, le fonds a soutenu que, pour les motifs que nous avions exposé dans nos conclusions sous l'arrêt Albany (59), il n'y avait pas de restriction à la concurrence. Le gouvernement néerlandais, pas plus que la Commission, n'ont émis d'observations à ce sujet.

131 Nous croyons que le raisonnement que nous avons tenu dans nos conclusions sous l'arrêt Albany peut effectivement être transposé dans une large mesure en l'espèce.

132 La décision de la LSV peut être analysée en ce sens qu'elle comporte trois éléments que, pour des raisons de commodité, nous appellerons respectivement élément matériel, élément institutionnel et élément politique.

133 Dans l'examen, auquel nous allons procéder, de la question de savoir si ces éléments ont pour effet de restreindre la concurrence, il sera utile de se rappeler qu'avant l'intervention du ministre, l'affiliation au régime de pension devait être considérée comme purement volontaire.

a) L'élément matériel: l'harmonisation des coûts et des prestations des pensions complémentaires au sein de la profession

134 Le premier élément de la décision de la LSV qu'il convient d'analyser comprend les arrangements matériels en matière de pension décrits précédemment (60). Ces arrangements prévoient que tout affilié au régime est tenu de verser des cotisations d'un certain montant, variant selon son âge, son sexe et ses revenus. En échange, l'affilié obtient des droits à pension correspondants. Eu égard au second volet du régime, qui est géré par le seul fonds (61), les coûts et bénéfices définitifs du régime sont nécessairement identiques pour tous les affiliés. Ils ne sont toutefois pas harmonisés en ce qui concerne la normpensioen (normpensioen) (62). Pour celle-ci, les coûts et bénéfices définitifs dépendent de l'assureur choisi par l'affilié (le fonds ou un assureur commercial).

135 Dès lors, la décision en cause harmonise partiellement (en ce qui concerne le second volet de la pension) les coûts d'une pension complémentaire, relevant du deuxième pilier, pour les médecins spécialistes.

136 À première vue, cette harmonisation restreint la concurrence en ce qui concerne un facteur de coût sur le marché des services des médecins spécialistes. Les membres de la profession ne font pas mutuellement concurrence pour obtenir une assurance meilleur marché pour cette partie de leur revenu de pension.

137 Nous avons toutefois soutenu précédemment que les marchés de services professionnels diffèrent des marchés habituels (63). En outre, la décision complexe que nous examinons ne peut évidemment pas être analysée selon les mêmes principes qu'un simple accord de fixation horizontale des prix. De ce point de vue, dans nos conclusions sous l'arrêt Albany, nous affirmions que l'étendue de l'applicabilité des règles communautaires de concurrence (par comparaison avec certains systèmes nationaux) entraînait la nécessité, pour savoir s'il y a restriction du jeu de la concurrence, de faire entrer en ligne de compte les caractéristiques économiques spécifiques d'un secteur donné ou d'une catégorie d'accords (64). Telle est la raison pour laquelle, dans les affaires portant sur des secteurs économiques spécifiques ou des catégories d'accords spécifiques, la Cour est allée au delà de la simple identification de restrictions dues au comportement d'opérateurs individuels et a procédé à une appréciation d'ensemble des effets sur la concurrence de l'accord concerné (65). Dès lors, dans les présentes affaires, il est nécessaire de procéder à une analyse réaliste (incluant les arguments d'ordre économique) des effets restrictifs de la décision examinée.

138 Une analyse de ce type implique que les restrictions théoriques à la concurrence qui viennent d'être décrites n'ont en réalité que des effets sans pertinence sur le marché des services des médecins spécialistes et qu'il ne s'agit pas d'une restriction "sensible" au sens de la jurisprudence de la Cour (66).

139 En effet, premièrement, seul un facteur de coût fait l'objet d'une harmonisation. La concurrence est évidemment moins affectée lorsque tous les professionnels sont tenus, par exemple, de payer les mêmes tarifs téléphoniques que lorsqu'ils réclament des honoraires identiques.

140 En deuxième lieu, par comparaison avec d'autres facteurs, les coûts du régime de pensions sont en réalité de peu d'importance. Il convient en effet de se rappeler que les cotisations de pension dues ne représentent pas le coût de l'assurance. Pour en évaluer le véritable montant, il convient de prendre en compte les droits à pension obtenus en échange des cotisations. S'agissant d'un régime sans but lucratif, tel qu'en l'espèce le régime des médecins spécialistes, les coûts réels proviennent uniquement des frais d'administration du fonds et des placements non rentables des cotisations récoltées.

141 Ensuite, le facteur de coût en cause est éloigné par rapport au marché des services (67). La rémunération finale des services des médecins spécialistes dépendra de beaucoup de facteurs de coûts plus importants et plus directs. La concurrence sera plus affectée si, par exemple, tous les médecins d'une spécialisation déterminée en venaient à acheter la même machine coûteuse.

142 Enfin, les médecins spécialistes fournissent (comme le font tous les membres de professions libérales) des services personnalisés qui ne sont pas homogènes. Tout service fourni par un médecin possède différents qualités et différentes caractéristiques. En outre, les médecins spécialistes peuvent influencer considérablement la qualité de leurs services (par exemple en accordant plus de temps dans un cas déterminé). Dès lors, même si les coûts liés à ces services étaient rigides, la concurrence serait normalement vive du point de vue de leur qualité.

143 Nous en concluons donc que l'élément matériel de la décision ne restreint pas sensiblement le jeu de la concurrence.

b) L'élément institutionnel: création d'une personne morale destinée à veiller au respect du régime de pension et à le gérer

144 En deuxième lieu, la LSV a décidé de créer une personne morale (le fonds) destinée à agir en partie comme assureur pour son propre compte et en partie comme organe de surveillance garantissant que les médecins spécialistes affiliés s'assurent pour la normpensioen. Les activités d'assurance comprennent l'assurance de la normpensioen et l'assurance au titre du second volet du régime. S'agissant de la première, les participants peuvent choisir entre le fonds et un assureur privé; s'agissant de la seconde, le fonds est le seul assureur.

145 Il convient d'analyser la création du fonds comme une forme institutionnalisée de coopération horizontale volontaire entre les médecins spécialistes indépendants (68).

146 Tout comme la coopération entre entreprises en matière de comptabilité ou de conseil fiscal, la création d'un fonds commun permet aux médecins spécialistes concernés de répartir les risques assurés et de réaliser des économies d'échelle dans la gestion des cotisations et des versements de pension de même que dans les modalités de dépôt des actifs.

147 D'un autre côté, la coopération dans la gestion des pensions couvre un domaine qui n'est pas directement concerné par les services fournis par les médecins spécialistes. Elle se situe dans un domaine aussi éloigné du marché de ces services que l'est la comptabilité commune.

148 Dès lors, les effets favorables à la concurrence de cette coopération institutionnalisée dans le domaine de la gestion sont beaucoup plus importants que leurs éventuels effets (théoriques) anticoncurrentiels. Tout comme la création d'une coopérative agricole, la création du fonds améliore l'efficacité. À ce titre, elle n'est pas visée par l'article 85, paragraphe 1 (69).

149 La restriction relative aux membres qui quittent le régime est la conséquence de l'arrêté du ministre rendant l'affiliation obligatoire, que nous analyserons ultérieurement. La règle ne permettant aux affiliés de changer d'assureur de la normpensioen que tous les cinq ans (70) est une restriction connexe justifiée, destinée à garantir la fidélité des affiliés et une certaine stabilité dans l'affiliation au fonds et aux assureurs (71).

150 Quant aux effets d'exclusion des compagnies d'assurance du domaine de la pension professionnelle volontaire, le principe de la liberté contractuelle permet aux médecins spécialistes de confier la gestion de leurs pensions à un régime contrôlé par les représentants de la profession plutôt que de conclure des polices d'assurance (groupe) avec des assureurs commerciaux (72). De toute façon, les compagnies d'assurance ont la possibilité de concurrencer le fonds en assurant la normpensioen. Les problèmes rencontrés par les compagnies d'assurance tiennent au fait que tous les médecins spécialistes sont affiliés au régime, ce qui signifie que même les professionnels souhaitant s'assurer à titre individuel auprès d'un assureur privé ne sont pas autorisés à le faire. Mais il s'agit en l'occurrence d'un effet du décret du ministre, que nous examinerons ci-après.

151 Nous devons en conclure que les accords institutionnels tels que ceux en cause en l'espèce ne restreignent pas le jeu de la concurrence.

c) L'élément politique: la requête adressée au ministre

152 La LSV a, en troisième lieu, décidé de demander au ministre responsable de rendre l'affiliation au régime obligatoire pour tous les médecins spécialistes établis aux Pays-Bas.

153 Nous appliquerons en l'espèce le raisonnement que nous avons tenu sur le sujet dans nos conclusions sous l'arrêt Albany s'applique (73). Il s'ensuit que, en soi, la requête adressée au ministre ne restreint pas le jeu de la concurrence.

154 En conséquence, aucun des trois éléments inhérents à la décision de la LSV ne restreint sensiblement le jeu de la concurrence. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les effets de cette décision sur le commerce entre États membres.

155 Nous en conclurons donc que la décision de la LSV portant création du régime professionnel de pension et de demander au ministre responsable d'édicter un arrêté rendant obligatoire l'affiliation au régime n'enfreint pas l'article 85, paragraphe 1, du traité.

5. Le rapport entre les articles 5 et 85, paragraphe 1

156 En l'occurrence, se pose la question de savoir si, en rendant l'affiliation au régime de pension obligatoire pour tous les médecins spécialistes établis aux Pays-Bas, à la demande de la LSV, les autorités néerlandaises ont enfreint les articles 5 et 85, paragraphe 1, du traité.

157 L'article 5, deuxième alinéa, du traité, qui prévoit que les États membres s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Ainsi, un État membre se voit interdire d'imposer ou de favoriser l'adoption d'accords, de décisions ou de pratiques concertées contraires à l'article 85, ou d'en renforcer les effets.

158 Selon la jurisprudence de la Cour (74), une mesure étatique de ce type n'est illégale que si elle présente un lien avec un comportement anticoncurrentiel émanant d'entreprises.

159 En l'espèce, la décision du ministre rendant obligatoire l'affiliation au fonds oblige les médecins spécialistes qui ne le souhaitaient pas à s'affilier à la LSV ou à conclure des conventions complémentaires en matière de pension pour s'affilier au régime professionnel de pension en cause. L'arrêté en cause renforce les effets de la décision de la LSV créant le régime (75).

160 Or, selon la jurisprudence actuelle de la Cour (76), l'arrêté n'est pas contraire aux articles 5 et 85 du traité dès lors que, en elle-même, la décision de la LSV ne restreignait pas sensiblement le jeu de la concurrence et était dès lors compatible avec l'article 85, paragraphe 1.

161 Force nous est d'avouer que nous ne trouvons pas cette jurisprudence, qui établit un lien direct entre la légalité d'un acte privé et celle d'une mesure prise par un État membre, très satisfaisante au regard de cas de figure tels que celui qui se présente en l'espèce: la décision de la LSV n'est pas visée par l'article 85, paragraphe 1, au motif que ses effets restrictifs sont la conséquence d'une intervention étatique ultérieure; à son tour, cette intervention de l'État n'est pas visée par l'article 5 au motif que, par elle-même, la décision de la LSV n'est pas suffisamment restrictive de la concurrence. Partant, ni la concertation advenue entre médecins spécialistes ni la mesure en cause adoptée par l'État ne pourraient être contestées au titre du droit communautaire de la concurrence bien que le ministre n'eût pas pu restreindre la concurrence sans qu'il y ait eu une concertation préalable entre les opérateurs économiques.

162 Nous avons soutenu précédemment que, dans tout système de droit de la concurrence, les règles définissant les responsabilités respectives de l'État et des organismes professionnels sont d'une importance cruciale dès lors que ce système vise à établir un juste équilibre entre la prévention des pratiques anticoncurrentielles et la préservation de l'autonomie régulatrice des professions concernées (77).

163 Dans des cas tels qu'en l'espèce, il serait dès lors plus satisfaisant d'admettre prima facie une infraction qui puisse être justifiée pour des raisons d'intérêt public. Nous pensons que des mesures adoptées par les États membres respectent l'article 5, deuxième alinéa, lorsque, quoique renforçant les effets restrictifs d'une concertation entre entreprises, elles sont prises dans un but d'intérêt public légitime et clairement défini, et lorsque les États membres supervisent activement cette concertation. Dans certains cas, l'article 90, paragraphe 2, peut également s'appliquer. Il est peu douteux, en l'espèce, que l'arrêté rendant l'affiliation obligatoire était justifié par des raisons d'ordre social.

164 Il conviendrait d'opter pour une solution analogue si la Cour décidait que la décision de la LSV restreignait sensiblement la concurrence, affectait le commerce entre États membres et, dès lors, enfreignait l'article 85, paragraphe 1. En vertu de la jurisprudence actuelle de la Cour, il semble que l'arrêté ministériel examiné devrait être automatiquement déclaré contraire aux articles 5 et 85 (78). Toutefois, même si, analysée isolément, la concertation entre opérateurs privés (par exemple dans le domaine social ou dans le domaine de l'environnement), restreint la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, l'État peut avoir des raisons légitimes de renforcer et d'officialiser les effets de cette concertation pour des motifs d'intérêt public.

165 Nous en conclurons, en l'espèce, que ce soit ou non en se fondant sur la jurisprudence actuelle de la Cour et que la décision de la LSV restreigne ou non sensiblement la concurrence, que, à notre avis, il ne devrait pas y avoir violation des articles 5 et 85.

VII - La première question: le fonds est-il une entreprise?

166 Se pose la question de savoir si un fonds professionnel de pension tels que le fonds est une "entreprise" au sens des règles de concurrence du traité. Il convient, à cette fin, de déterminer si les activités du fonds sont de nature économique.

167 À l'audience, le fonds ainsi que la Commission ont soutenu que le fonds était une entreprise. Le gouvernement néerlandais a émis des doutes quant à la possibilité de transposer en l'espèce le raisonnement tenu dans l'arrêt Albany. Dans ce dernier arrêt, la Cour a considéré que les fonds sectoriels de pension néerlandais étaient des entreprises. Les gouvernements français et helléniques soutiennent que les activités du fonds ne sont pas de nature économique.

168 Le fonds assume trois fonctions différentes dans le cadre du régime de pension des médecins spécialistes.

169 En premier lieu, s'agissant de la normpensioen, il est un fournisseur potentiel de services d'assurance pension aux affiliés au régime qui ont choisi d'assurer leur normpensioen auprès du fonds (79).

170 Ensuite, en ce qui concerne également la normpensioen, il supervise le respect des conditions d'affiliation des membres qui ont choisi d'assurer cette partie du régime auprès d'une compagnie d'assurance (80).

171 Enfin, s'agissant du second volet du régime professionnel de pension (indexation, droits rétroactifs à pension, régime d'invalidité, prestations complémentaires pour les survivants), le fonds agit en qualité d'assureur disposant d'un droit exclusif (81).

172 Dans le cadre de la première de ces fonctions, le fonds accomplit manifestement une activité économique, en concurrence avec les compagnies d'assurance et, de ce point de vue, il agit en qualité d'entreprise.

173 S'agissant de l'activité de surveillance des contrats d'assurance conclus par des professionnels affiliés avec des assureurs privés, à notre avis, le fonds accomplit une mission qui relève de l'exercice de l'autorité publique; cette mission est comparable à la surveillance contre la pollution qui était confiée à une société privée dans le port de Gênes dans l'arrêt Cali et aux tâches relevant d'Eurocontrol dans l'arrêt SAT (82). Aucune entité ne serait à même d'accomplir une telle mission de sa propre initiative, à titre lucratif.

174 Il est plus difficile de qualifier le rôle joué par le fonds dans le cadre du second volet du régime professionnel de pension.

175 Les caractéristiques suivantes sont dénuées de pertinence: le fonds ne poursuit pas de but lucratif (83), il poursuit une finalité sociale (84), et les investissements que le fonds peut effectuer sont soumis à des restrictions et à des contrôles (85). Comme la Cour l'a exposé dans l'arrêt Albany, de telles contraintes pourraient justifier le droit exclusif du fonds de gérer un régime de pension complémentaire. Elles n'empêchent pas, toutefois, de considérer l'activité exercée par le fonds comme une activité économique (86).

176 En revanche, les éléments de solidarité inhérents à un régime professionnel de pension peuvent être pertinents (87). C'est qu'un régime professionnel de pension peut comporter tant d'éléments importants de solidarité qu'aucun assureur ne peut, sur le marché, offrir ce type d'assurance.

177 En l'espèce, le second volet du régime comporte plusieurs éléments importants de solidarité professionnelle: un mécanisme d'indexation, des droits à pension rétroactifs, un régime d'invalidité et des prestations complémentaires pour les survivants. En outre, il n'y a pas de sélection des risques opérée par des examens médicaux.

178 Toutefois, en fin de compte, les éléments suivants amènent à conclure que le fonds doit être considéré comme une entreprise: les éléments de risque qu'il comporte (y compris le mécanisme d'indexation) sont financés selon le principe de capitalisation; le fonds fixe les cotisations et les prestations de manière autonome, selon des principes actuariels. Il en résulte que le montant des prestations qu'il sert dépend de ses coûts administratifs ainsi que des résultats financiers de ses investissements; il ne semble pas exister de garantie de l'État contre les risques issus d'investissements malheureux. Enfin, le fonds est soumis à la surveillance de la chambre des assurances, qui exerce également son contrôle sur les compagnies d'assurance (88).

179 Le principe de capitalisation et le contrôle exercé par la chambre des assurances sont des éléments révélant, à tout le moins, la potentialité, pour un assureur normal, de s'engager dans cette activité d'assurance. L'autonomie du fonds de même que les risques liés à ses investissements créent le risque de comportements que les règles de concurrence visent à empêcher. C'est pourquoi, derechef, la même analyse s'impose; bien que les exigences de solidarité que nous avons énumérées ci-dessus puissent, pour partie, justifier les droits exclusifs du fonds au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, leur poids ne parvient pas à empêcher que ses activités soient considérées comme des activités économiques.

180 Nous en concluons donc qu'en assurant la normpensioen et le second volet du régime, le fonds agit en qualité d'entreprise au sens des règles de concurrence du traité.

VIII - La troisième question: les articles 90, paragraphe 1, et 86 du traité

181 Nous examinerons enfin la question de savoir si un État membre enfreint les articles 90, paragraphe 1, et 86 du traité en instaurant un système d'affiliation obligatoire à des régimes professionnels de pension tel que celui établi par les Pays-Bas et lorsque, dans le cadre de ce système, il rend obligatoire l'affiliation à un régime professionnel de pension particulier.

1. L'applicabilité des articles 90, paragraphe 1, et 86

182 Il convient tout d'abord de se demander si le fonds est une entreprise disposant de droits exclusifs au sens de l'article 90, paragraphe 1.

183 Dans le domaine de l'assurance de la normpensioen, le fonds est une entreprise, mais il ne dispose pas de droits exclusifs. Les affiliés sont libres de conclure des polices d'assurance auprès d'assureurs commerciaux.

184 Dans sa mission de surveillance de l'assurance de la normpensioen, le fonds n'agit pas en qualité d'entreprise. De ce point de vue, l'article 90, paragraphe 1, ne s'applique pas.

185 S'agissant de l'assurance au titre du second volet du régime, le fonds intervient en qualité d'entreprise et dispose, comme seul assureur autorisé, d'un droit exclusif. De ce point de vue, l'article 90, paragraphe 1, s'applique.

186 Il serait en outre possible de soutenir que, en tant qu'entreprise intéressée, le fonds dispose de deux autres droits exclusifs, à savoir le droit d'accorder des dispenses de l'affiliation obligatoire au titre des articles 1er, paragraphe 2, et 44 du règlement de pension (89).

187 Il convient ensuite de se demander si le fonds détient une position dominante sur une partie substantielle du marché commun.

188 À l'audience, le fonds a soutenu que le marché concerné était le marché de l'assurance pension complémentaire. Il en résulte que le fonds n'a un droit exclusif qu'en ce qui concerne un petit segment de ce marché, à savoir les pensions des médecins spécialistes.

189 Toutefois, ainsi que l'a fait observer la Commission, lorsque l'affiliation à un régime professionnel de pension est obligatoire, d'autres formes d'assurance ou d'autres assureurs ne peuvent pas constituer des substituts valables audit régime. Les médecins spécialistes n'ont pas la possibilité de s'affilier auprès d'un autre assureur. Une entreprise telle que le fonds, détentrice d'un monopole légal de fourniture de certains services en matière d'assurance (en l'occurrence, le second volet du régime de pension) sur une partie substantielle du marché commun (en l'occurrence les Pays-Bas) doit à ce titre être considérée comme occupant une position dominante, au sens de l'article 86 du traité (90).

2. Violation des articles 90, paragraphe 1, et 86

190 Le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits exclusifs, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité. Un État membre n'enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (91).

191 Nous distinguerons, dans notre examen, deux types de dispositions nationales.

a) Les dispositions accordant au fonds un droit exclusif d'assurance

192 Dans l'arrêt Albany, les entreprises concernées s'étaient plaintes des droits exclusifs des fonds sectoriels de pension au motif qu'à leurs yeux, les fonds en cause n'étaient pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour ce genre d'activités.

193 L'arrêt (92) ne fait pas apparaître clairement si la Cour admet cet argument, et donc si, prima facie, les dispositions concernées enfreignaient les articles 90, paragraphe 1, et 86. En fin de compte, la Cour a considéré que ces dispositions étaient justifiées au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité (93).

194 Dans les affaires qui nous occupent, aucune des parties n'a soutenu que, aux Pays-Bas, les fonds professionnels fournissaient des services qui ne donnaient pas satisfaction. Contrairement aux arguments soulevés dans l'affaire Albany, les parties demanderesses au principal ne souhaitaient pas conclure des polices d'assurance avec un assureur commercial mais avec un autre fonds sectoriel de pension. Elles ne semblent donc pas s'opposer à l'affiliation obligatoire en tant que telle. Ce point est peut-être confirmé par le fait qu'elles n'ont pas jugé nécessaire de présenter des observations à la Cour.

195 En outre, aucune disposition du cadre légal que nous avons décrit ne suggère que les fonds auraient systématiquement été amenés à abuser de leur position dominante. Il semble, en effet, qu'il y ait différents remparts contre les abus. Les parties intéressées peuvent présenter leur avis à propos d'une requête d'une profession visant à rendre obligatoire l'affiliation à un régime déterminé. Le Conseil économique et social ainsi que la chambre des assurances sont consultés avant que l'affiliation ne soit rendue obligatoire. Les modifications ultérieures du régime doivent être approuvées par le ministre. Les règlements et les statuts du fonds doivent respecter un certain nombre de conditions. Les placements du fonds sont soumis à certaines conditions et sa comptabilité soumise à un contrôle permanent (94).

196 Enfin, le régime choisi par les médecins spécialistes produit des effets restrictifs relativement limités, dès lors que le fonds ne dispose d'un droit exclusif que dans le cadre du second volet du régime.

197 Dans nos conclusions sous l'arrêt Albany, nous avions proposé de laisser la juridiction nationale trancher la question de savoir si, prima facie, il y avait infraction aux articles 90, paragraphe 1, et 86, au motif qu'un certain nombre de questions de fait n'étaient pas claires. En l'espèce, toutefois, eu égard aux éléments que nous venons de mentionner, nous sommes enclin à affirmer qu'il n'y a pas d'infraction aux dispositions concernées.

198 Si tel n'était pas le cas, une infraction éventuelle à ces dispositions serait justifiée au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité (95).

b) Les dispositions en matière de dispense de l'affiliation obligatoire

199 Selon l'arrêt de la Cour dans l'affaire Albany, un État membre peut estimer que le pouvoir en matière de dispense doit être accordé au fonds seul. Le conflit d'intérêts inhérent à la double qualité du fonds, qui est le gestionnaire du régime de pension et l'autorité investie du pouvoir d'octroyer des dispenses, était justifié ou atténué par l'expertise du fonds, la liberté de choix des États membres dans l'organisation de cette question selon leurs priorités, et la possibilité de contrôle juridictionnel (96).

200 Si cette jurisprudence doit être maintenue, ce raisonnement peut être directement transposé en l'espèce et, de manière plus spécifique, aux deux possibilités de dispense prévues aux articles 1er, paragraphe 2, et 44 du règlement de pension du fonds (97). Il convient également de se rappeler que, en l'espèce, les médecins spécialistes disposent, au moins théoriquement, d'une possibilité supplémentaire de demander une dispense ministérielle conformément à l'article 26 de la BprW (98).

201 Nous en concluons donc qu'un État membre n'enfreint pas les articles 90, paragraphe 1, et 86 du traité lorsqu'il instaure un système d'affiliation obligatoire à des régimes professionnels de pension tel que celui instauré aux Pays-Bas et lorsque, dans le cadre de ce système, il rend obligatoire l'affiliation à un régime professionnel de pension particulier.

IX - Conclusion

202 Nous estimons donc que les questions déférées par le Kantongerecht te Nijmegen appellent les réponses suivantes:

1) Un État membre n'enfreint pas les articles 5 et 85 du traité CE (devenus articles 10 et 81 CE) lorsque, à la demande d'une organisation professionnelle représentative des membres d'une profession déterminée, il rend l'affiliation à un régime professionnel de pension obligatoire pour tous les membres de ladite profession.

2) Pour ce qui relève de l'assurance de la normpensioen et du second volet de la pension des médecins spécialistes, un fonds professionnel de pension tel que le Fonds néerlandais de pension des médecins spécialistes agit en qualité d'entreprise au sens des règles de concurrence du traité.

3) Un État membre n'enfreint pas les articles 90, paragraphe 1, et 86 du traité CE (devenus articles 86, paragraphe 1, et 82 CE) lorsqu'il instaure un système d'affiliation obligatoire à des régimes professionnels de pension tel que celui existant aux Pays-Bas et lorsque, dans le cadre de ce système, il rend obligatoire l'affiliation à un régime tel que le régime néerlandais de pension des médecins spécialistes.

(1) - Arrêt de la Cour du 14 décembre 1995, Van Schijndel et Van Veen (C-430/93, C-431/93, Rec. p. I-4705).

(2) - Voir les conclusions que nous avons présentées le 28 janvier 1999, ainsi que les arrêts du 21 septembre 1999, Albany International/Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie (C-67/96, Rec. p. I-0000), Brentjens' Handelsonderneming/Bedrijfspensioenfonds voor de Handel in Bouwmaterialen (C-115/97, C-116/97 et C-117/97, Rec. p. I-0000), et Drijvende Bokken/Pensioenfonds voor de Vervoer- en Havenbedrijven (C-219/97, Rec. p. I-0000).

(3) - Stb. 400.

(4) - Article 3 de la BprW.

(5) - Article 2, paragraphe 4, de la BprW.

(6) - Article 27 de la BprW.

(7) - Article 31 de la BprW.

(8) - Articles 2, paragraphe 6 et 7 de la BprW.

(9) - Article 5 de la BprW.

(10) - Article 12 de la BprW.

(11) - Articles 9, paragraphes 2 et 3, et 10, paragraphes 2 à 4 de la BprW.

(12) - Documents parlementaires (Kamerstukken) II 1968-1969, 10216, n_ 3, p. 9.

(13) - Mémoire en réponse, Bijlagen Hand. (annexes aux annales parlementaires) TK 1969-1970, 10.216, n_ 5, p. 2.

(14) - Kamerstukken RII 1969/1970, 10216, no 5, p. 3.

(15) - Staatscourant 1973, no 121.

(16) - Voir les points 31 à 33.

(17) - Affaires C-430/93 et C-431/93, précitées à la note 1.

(18) - Voir également les arguments d'Albany, Drijvende Bokken et Brentjens résumés dans nos conclusions sous l'arrêt Albany, précité à la note 2, points 73 à 76.

(19) - La Cour a déjà eu à connaître de la fixation des tarifs professionnels des expéditeurs en douane italiens dans l'arrêt de la Cour du 18 juin 1998, Commission/Italie (C-35/96, Rec. p. I-3851).

(20) - À l'heure actuelle, il y a différents litiges soumis à la Cour ou au Tribunal de première instance à propos de la fixation des honoraires ou frais des avocats (C-35/99, Arduino) et des architectes (C-221/99, Conte/Rossi), d'une interdiction d'association entre avocats et experts-comptables (C-309/99, Wouters e.a./Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten), et des dispositions du code de conduite de l'Institut des mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets (T-144/99, EPI/Commission).

(21) - Quant à la recherche d'une définition précise, voir ci-après au point 83.

(22) - Voir "Politique de la concurrence et professions libérales", Paris, OCDE, 1985.

(23) - Voir "Competition Policy and the Professions", précité à la note 22, pp. 20 à 31; pour un aperçu plus récent de la situation en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, voir Michael König, "Standesrechtliche Wettbewerbsbeschränkungen im gemeinsamen Markt", Baden-Baden, 1997.

(24) - Voir, par exemple, C.D. Ehlermann, "Concurrence et professions libérales: antagonismes ou compatibilité?", Revue du marché commun et de l'Union européenne 1993, p. 23; L. Idot, "Quelques réflexions sur l'application du droit communautaire de la concurrence aux ordres professionnels", Journal des Tribunaux, Droit européen, 1997, p. 73; A. Riesenkampff, S. Lehr, "Membership of Professional Associations and Article 85 of the EC Treaty", World Competition 1996, p. 57; H. Nyssens, "Concurrence et ordres professionnels: les trompettes de Jéricho sonnent-elles?", Revue de droit commercial belge, 1999, P. 475.

(25) - Le Bundesverfassungsgericht (Allemagne) a soutenu qu'il était purement et simplement impossible de donner une définition légale des professions libérales ("freie Berufe" en Allemagne): B Verf GE 10, 354 (364); pour une tentative de définition des caractéristiques essentielles des professions libérales, voir "Politique de la concurrence et professions libérales", précité à la note 22, pp. 9 à 13.

(26) - Voir D.W. Carlton, J.M. Peloff, "Modern Industrial Organization", deuxième édition, New York 1994, p. 115.

(27) - Voir "Modern Industrial Organization", précité à la note 26, p. 558.

(28) - Voir, s'agissant de la pertinence de la première et de la troisième des conclusions qui suivent, ci-après, les points 137 et 162.

(29) - Voir également les points 251 et 252 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(30) - Voir le point 193 ainsi que la note 90 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(31) - Précité à la note 2.

(32) - Voir ci-après, aux points 114 à 121.

(33) - JO L 209, p. 46.

(34) - Point 54 de l'arrêt.

(35) - Point 59 de l'arrêt.

(36) - Point 60 de l'arrêt.

(37) - Points 54 à 58 de l'arrêt.

(38) - Point 59 de l'arrêt.

(39) - Point 60 de l'arrêt.

(40) - Précitée à la note 33.

(41) - Arrêt de la Cour du 7 février 1984, Duphar (238/82, Rec. p. 523, point 16)

(42) - Voir les points 123 à 130 de nos conclusions sous l'arrêt Albany, précité à la note 2.

(43) - Voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 30 avril 1986, Ministère public/Asjes (209/84, 210/84, 211/84, 212/84, 213/84, Rec. p. 1425, point 40).

(44) - Pour plus de détails, voir les points 183 à 185 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(45) - Voir, pour plus de détails, le point 126 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(46) - Arrêt de la Cour du 28 avril 1998, Decker (C-120/95, Rec. p. I-1831).

(47) - Voir l'arrêt de la Cour du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21).

(48) - Voir l'arrêt Commission/Italie, précité à la note 19, points 36 à 38 (dont nous développerons l'analyse ci-après, aux points 108 à 110); les conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm (170/83, Rec. p. 2999), au point B, 1) des conclusions; voir également la décision 76/743/CEE de la Commission, Reuter/BASF, JO 1976, L 254, p. 40 (inventeur), et la décision 78/516/CEE de la Commission RAI/UNITEL, JO 1978, L 157, p. 39 (chanteur d'opéra).

(49) - Arrêt de la Cour du 16 juin 1987, Commission/Italie (118/85, Rec. p. 2599, point 7).

(50) - Voir notamment les conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt de la Cour du 19 janvier 1994, Sat Fluggesellschaft (C-364/92, Rec. p. I-43, point 9).

(51) - Arrêt C-35/96, précité à la note 19.

(52) - Voir les conclusions que nous avons présentées sous l'arrêt Albany, précité à la note 2, points 209 à 217, et voir maintenant l'arrêt du 16 septembre 1999, Becu e.a. (C-22/98, Rec. p. I-0000, points 24 à 26).

(53) - Point 217 de nos conclusions.

(54) - Voir en outre le point 229 des conclusions que nous avons présentées sous l'arrêt Albany.

(55) - À propos de cette distinction, voir les points 218 à 227 des conclusions que nous avons présentées sous l'arrêt Albany.

(56) - Arrêts du 30 janvier 1985, BNIC/Clair (123/83, Rec. p. 391, point 17, et Commission/Italie, précité à la note 19, point 40.

(57) - Arrêt de la Cour du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883, points 22 à 25).

(58) - Arrêt Commission/Italie, précité à la note 19, Commissions 39 à 44.

(59) - Points 245 à 294 de nos conclusions, précitées à la note 2.

(60) - Voir ci-dessus, aux points 36 à 45.

(61) - Voir ci-dessus, aux points 43 à 45.

(62) - Voir ci-dessus, aux Commissions 38 à 42.

(63) - Voir ci-dessus, aux points 82 à 86 et 89.

(64) - Voir les points 250 à 252 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(65) - Pour les références, voir les notes 115 et 116 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(66) - Voir l'arrêt de la Cour du 9 juillet 1969, Voelk/Vervaecke (5/69, Rec. p. 295); pour un raisonnement analogue à celui adopté en l'espèce, voir la décision de la Commission Irish Bank's Standing Committee, JO 1986, L 295, p. 28, point 16.

(67) - À propos de l'importance de cet argument, voir, par exemple, la communication de la Commission sur le traitement des entreprises communes à caractère coopératif au regard de l'article 85 du traité CEE, JO 1993, C 43, p.2, point III.2, sous d).

(68) - Voir les points 258 et 259 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(69) - Voir, pour plus de détails, les points 262 à 270 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(70) - Voir ci-dessus, au point 40.

(71) - Voir l'arrêt de la Cour du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C-399/93, Rec. p. I-4515, points 13 et 14), ainsi que les points 271 à 275 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(72) - Voir, pour plus de détails, les points 276 à 286 de nos conclusions sous l'arrêt Albany.

(73) - Points 287 à 294.

(74) - Voir, par exemple, le dispositif de l'arrêt du 17 novembre 1993, Meng (C-2/91, Rec. p. 5751).

(75) - Arrêt de la Cour du 3 décembre 1987, BNIC/Aubert (136/86, Rec. p. 4789, points 22 à 24).

(76) - Arrêt de la Cour du 18 juin 1998, Corsica Ferries France (C-266/96, Rec. p. I-3949, point 51).

(77) - Voir ci-dessus, aux points 87 et 91.

(78) - Voir l'arrêt Commission/Italie, précité à la note 19, points 52 à 60.

(79) - Voir ci-dessus, aux points 38 à 42.

(80) - Voir ci-dessus, au point 40.

(81) - Voir ci-dessus, aux points 43 à 45.

(82) - Voir les points 311 à 314 de nos conclusions sous l'arrêt Albany, précité à la note 2.

(83) - Arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission (209/78, Rec. p. 3125, point 21); voir également le point 85 de l'arrêt Albany ainsi que le point 336 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(84) - Arrêt de la Cour du 30 avril 1974, Sacchi (155/73, Rec. p. 409, points 13 et 14); voir également l'arrêt Albany, point 86, ainsi que le point 336 de nos conclusions sous cet arrêt.

(85) - Voir le point 86 de l'arrêt Albany ainsi que le point 336 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(86) - Voir le point 86 de l'arrêt Albany ainsi que le point 330 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(87) - Implicite au point 85 de l'arrêt Albany et explicite au point 343 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(88) - Voir les points 81 et 82 de l'arrêt Albany ainsi que les points 338 à 342 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(89) - Voir ci-dessus, aux points 31 à 35.

(90) - Pour plus de détails et de références, voir les 91 et 92 de l'arrêt Albany, ainsi que les points 378 à 383 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(91) - Voir le point 93 de l'arrêt Albany.

(92) - Points 95 à 97.

(93) - Points 98 à 111.

(94) - Voir ci-dessus, points 9 à 20.

(95) - Voir les points 98 à 111 de l'arrêt Albany.

(96) - Voir les points 112 à 121 de l'arrêt Albany. Pour une analyse différente, voir les points 441 à 468 de nos conclusions sous ce dernier arrêt.

(97) - Voir ci-dessus, aux points 31 à 35.

(98) - Voir ci-dessus, aux points 21 à 23.

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