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Document 61997CJ0112

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 25 mars 1999.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Manquement d'Etat - Directive 90/396/CEE - Générateurs de chaleur - Installation dans des locaux habités.
Affaire C-112/97.

Recueil de jurisprudence 1999 I-01821

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1999:168

61997J0112

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 25 mars 1999. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'Etat - Directive 90/396/CEE - Générateurs de chaleur - Installation dans des locaux habités. - Affaire C-112/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-01821


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Rapprochement des législations - Appareils à gaz - Directive 90/396 - Harmonisation exhaustive - Réglementation nationale entravant la mise en service de générateurs de chaleur conformes à la directive - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 90/396, art. 4, § 1)

2 Libre circulation des marchandises - Dérogations - Objet - Existence de directives portant rapprochement des législations - Effets

(Traité CE, art. 36)

Sommaire


1 La directive 90/396 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les appareils à gaz a procédé à une harmonisation exhaustive des exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les appareils à gaz. Par conséquent, il suffit que les appareils visés par la directive soient conformes auxdites exigences pour qu'ils puissent être mis sur le marché et mis en service. Manque dès lors aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive un État membre qui institue et maintient en vigueur un régime qui, dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'appareils à gaz, prescrit l'utilisation dans des locaux habités des seuls générateurs de chaleur de type «étanche», interdisant ainsi implicitement l'installation de générateurs de chaleur d'autres types conformes à ladite directive.

2 Lorsque des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé des animaux et des personnes et aménagent des procédures communautaires de contrôle de leur observation, le recours à l'article 36 du traité cesse d'être justifié et c'est dans le cadre tracé par la directive d'harmonisation que les contrôles appropriés doivent être effectués et les mesures de protection prises.

Parties


Dans l'affaire C-112/97,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Paolo Stancanelli et Hans Støvlbaek, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de Mme Francesca Quadri, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Italie, 5, rue Marie-Adélaïde,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en instituant et en maintenant un régime qui prescrit l'installation dans des locaux habités des seuls générateurs de chaleur de type «étanche», ce qui interdit implicitement l'installation de générateurs de chaleur d'autres types conformes à la directive 90/396/CEE du Conseil, du 29 juin 1990, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les appareils à gaz (JO L 196, p. 15), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. G. Hirsch, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, G. F. Mancini, H. Ragnemalm, R. Schintgen et K. M. Ioannou (rapporteur), juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 9 juillet 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 mars 1997, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 169 du traité CE, introduit un recours visant à faire constater que, en instituant et en maintenant un régime qui prescrit l'installation dans des locaux habités des seuls générateurs de chaleur de type «étanche», ce qui interdit implicitement l'installation de générateurs de chaleur d'autres types conformes à la directive 90/396/CEE du Conseil, du 29 juin 1990, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les appareils à gaz (JO L 196, p. 15, ci-après la «directive»), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire.

La directive

2 La directive a été adoptée sur la base de l'article 100 A du traité CEE, dont les dispositions sont reprises au même article du traité CE. Elle vise à réaliser la libre circulation des appareils à gaz sur le territoire communautaire, tout en garantissant la sécurité et la santé des personnes et, éventuellement, des animaux domestiques et des biens contre les risques résultant de l'utilisation de tels appareils.

3 A cet égard, le premier considérant de la directive énonce «qu'il incombe aux États membres d'assurer sur leur territoire la sécurité et la santé des personnes et, le cas échéant, des animaux domestiques et des biens au regard des risques découlant de l'utilisation d'appareils à gaz». Il est également précisé, dans le cinquième considérant, que, conformément à la nouvelle approche en matière de rapprochement des législations, «l'harmonisation législative dans le cas présent doit se limiter aux seules prescriptions nécessaires pour satisfaire aux exigences impératives et essentielles de sécurité, de santé et d'économie d'énergie relatives aux appareils à gaz; que ces exigences doivent remplacer les prescriptions nationales en la matière parce qu'elles sont essentielles».

4 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, premier tiret, la directive s'applique «aux appareils de cuisson, de chauffage, de production d'eau chaude, de réfrigération, d'éclairage et de lavage, brûlant des combustibles gazeux et ayant, le cas échéant, une température normale d'eau ne dépassant pas 105 _C, ci-après dénommés `appareils'. Les brûleurs à air soufflé et les corps de chauffe équipés de ces brûleurs sont assimilés à des appareils».

5 Selon l'article 2, paragraphe 1, de la directive, «Les États membres prennent toutes les dispositions utiles pour que les appareils visés à l'article 1er ne puissent être mis sur le marché et mis en service que s'ils ne compromettent pas la sécurité des personnes, des animaux domestiques ou des biens, lorsqu'ils sont normalement utilisés».

6 L'article 3 prévoit:

«Les appareils et les équipements visés à l'article 1er doivent satisfaire aux exigences essentielles qui leur sont applicables et qui figurent à l'annexe I».

7 L'article 4, paragraphe 1, dispose:

«Les États membres ne peuvent interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché et la mise en service d'appareils qui satisfont aux exigences essentielles énoncées dans la présente directive.»

8 L'article 5 de la directive énonce:

«1. Les États membres présument conformes aux exigences essentielles visées à l'article 3 les appareils et équipements, lorsqu'ils sont conformes:

a) aux normes nationales les concernant qui transposent les normes harmonisées dont les références ont fait l'objet d'une publication au Journal officiel des Communautés européennes.

...» 9 Aux termes de l'article 6, paragraphe 1,

«Lorsqu'un État membre ou la Commission estime que les normes visées à l'article 5 paragraphe 1 ne satisfont pas entièrement aux exigences essentielles visées à l'article 3, la Commission ou l'État membre concerné saisit le comité permanent institué par la directive 83/189/CEE, ci-après dénommé "comité", en exposant ses raisons. Le comité émet un avis d'urgence.

Au vu de l'avis du comité, la Commission notifie aux États membres si les normes concernées doivent être retirées ou non des publications visées à l'article 5 paragraphe 1.»

10 Aux termes de l'article 7 de la directive:

«1. Lorsqu'un État membre constate que des appareils qui sont normalement utilisés et qui sont munis de la marque CE risquent de compromettre la sécurité des personnes, des animaux domestiques ou des biens, il prend toutes mesures utiles pour retirer ces appareils du marché, ou interdire ou restreindre leur mise sur le marché.

L'État membre concerné informe immédiatement la Commission de ces mesures et indique les raisons de sa décision et, en particulier, si la non-conformité résulte:

a) du non-respect des exigences essentielles visées à l'article 3, lorsque l'appareil ne correspond pas aux normes visées à l'article 5 paragraphe 1;

b) d'une mauvaise application des normes visées à l'article 5 paragraphe 1;

c) de lacunes des normes elles-mêmes visées à l'article 5 paragraphe 1.

2. La Commission entre en consultation avec les parties concernées dans les plus brefs délais. Lorsque la Commission constate, après cette consultation, que les mesures visées au paragraphe 1 sont justifiées, elle en informe immédiatement l'État membre qui a pris les mesures ainsi que les autres États membres.

Lorsque la décision visée au paragraphe 1 est attribuée à des lacunes des normes, la Commission, après consultation des parties concernées, saisit le comité dans un délai de deux mois si l'État membre ayant pris les mesures entend les maintenir, et entame les procédures visées à l'article 6.

...»

11 Enfin, les articles 8 à 11 et les annexes II et III de la directive indiquent les conditions dans lesquelles les appareils qui satisfont aux exigences essentielles prévues par celle-ci sont munis de la marque CE de conformité. Ces dispositions aménagent les procédures de vérification et de surveillance nécessaires à cet effet.

12 Les exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les appareils visés par la directive sont définies à l'annexe I. Sont mentionnés en particulier:

- au point 1, les notices et les avertissements conçus pour l'installateur et l'utilisateur en ce qui concerne les conditions correctes de mise en service, d'entretien, d'utilisation et de fonctionnement des appareils;

- au point 2, les exigences relatives aux matériaux à utiliser dans leur fabrication;

- au point 3, les exigences relatives à la conception et à la fabrication, notamment en ce qui concerne certaines conditions de fonctionnement et certaines caractéristiques desdits appareils.

La législation nationale concernée

13 En Italie, l'article 5, paragraphe 10, du decreto del Presidente della Repubblica n_ 412, du 26 août 1993, portant règlement concernant les normes relatives à la conception, l'installation, l'utilisation et l'entretien de chauffage des bâtiments afin de limiter la consommation d'énergie, conformément à l'article 4, paragraphe 4, de la loi n_ 10, du 9 janvier 1991 (supplément ordinaire de la GURI n_ 242, du 14 octobre 1993, ci-après le «DPR n_ 412/93»), prescrit, dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'appareils de chauffage comportant la mise en place de générateurs de chaleur individuels, sauf dans les cas de simple remplacement, l'utilisation de générateurs isolés par rapport à l'environnement habité, ou d'appareils de tout autre type s'ils sont installés à l'extérieur ou dans des locaux techniques adéquats.

La procédure précontentieuse

14 Considérant que cette disposition était incompatible avec l'article 4 de la directive, la Commission a, par lettre du 3 octobre 1994, mis le gouvernement italien en demeure de lui présenter ses observations à cet égard, conformément aux dispositions de l'article 169 du traité.

15 Le gouvernement italien a répondu par lettre du 5 décembre 1994. Cette lettre contenait des observations sur la portée effective de la disposition contestée, ses motivations de fond et sa compatibilité avec la réglementation communautaire.

16 Considérant que cette réponse n'était pas satisfaisante, la Commission a, par lettre du 28 novembre 1995, adressé un avis motivé à la République italienne, l'invitant à s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

17 Par lettre adressée à la Commission le 6 juin 1996, le gouvernement italien s'est déclaré prêt à rechercher une solution conforme au droit communautaire, y compris en examinant la possibilité de modifier la disposition contestée du DPR n_ 412/93. Dans un courrier ultérieur, en date du 5 décembre 1996, le gouvernement italien a communiqué à la Commission un projet de texte modifiant cette disposition dans un sens conforme au droit communautaire, en mentionnant qu'il souhaitait parvenir à l'adoption rapide de ce projet.

18 N'ayant eu connaissance depuis lors d'aucun autre élément indiquant que cette modification a été effectivement adoptée, la Commission a introduit le présent recours.

Le recours

19 La Commission soutient que l'article 5, paragraphe 10, du DPR n_ 412/93, en n'autorisant l'installation de générateurs autres que ceux de type «isolé» (par exemple ceux de type «ouvert») qu'à l'extérieur ou dans des locaux qui leur sont spécialement destinés, interdit spécifiquement, même si c'est implicitement, l'installation de ces générateurs dans les espaces habités dans les cas d'installation nouvelle ou de transformation des appareils de chauffage.

20 Cette interdiction spécifique, même si elle n'est ni une interdiction de commercialiser des générateurs de type «ouvert» ni une interdiction généralisée de les installer, serait contraire à l'article 4 de la directive, dans la mesure où elle constitue un obstacle à la mise en service d'appareils auxquels cette dernière s'applique et qui remplissent les exigences essentielles qu'elle prévoit.

21 Ces exigences seraient exhaustives et se substitueraient aux prescriptions nationales en la matière. Cette constatation serait confirmée tant par l'énoncé du cinquième considérant de la directive que par la logique qui sous-tend ses articles 3 et 4, selon lesquels, dès lors que les appareils satisfont aux exigences communautaires essentielles, les États membres ne peuvent en interdire, en restreindre ou en entraver la libre circulation et l'utilisation sur le territoire communautaire en imposant d'autres exigences.

22 Le gouvernement italien fait valoir qu'un générateur de chaleur non isolé ne saurait satisfaire aux exigences essentielles de la directive. En particulier, parmi les différents points de l'annexe I de la directive qui explicitent ces exigences, le point 3.4.3 dispose que «Tout appareil relié à un conduit d'évacuation des produits de combustion doit être construit de telle sorte que, en cas de tirage anormal, il ne se produise pas un dégagement de produits de combustion en quantité dangereuse dans le local concerné». Il en résulterait qu'un tel dégagement ne saurait en aucun cas se produire dans le local où l'appareil est installé.

23 Or, une telle possibilité existerait pour tous les appareils de type «ouvert». Selon le gouvernement italien, malgré le fait que tout appareil de type «ouvert» doit être équipé d'un dispositif de sécurité approprié, destiné à arrêter la combustion en cas de dégagement de produits de combustion, une série d'essais effectués par le laboratoire d'essais thermiques et technologiques de la société Italgas à Asti ont montré que, dans certaines circonstances et précisément:

- par vent descendant dans le conduit d'une vitesse supérieure à 0,5 m/s,

- par vent descendant dans le conduit en rafales d'une durée de 15 secondes, alternées avec des périodes de fonctionnement en tirage naturel d'une durée de 30 secondes,

- avec une occlusion à 88 % de l'échangeur de chaleur,

les dispositifs installés n'ont pas été en mesure d'empêcher une grave pollution à l'intérieur du local, alors même qu'une ventilation régulière avait été assurée, conformément aux normes techniques en vigueur.

24 Des observations analogues pourraient être faites à l'égard des dispositions des points 3.1.9 et 3.2.1 de cette même annexe I de la directive, qui prescrivent que tout appareil doit être conçu et construit de telle manière qu'une défaillance éventuelle ne puisse constituer une source de danger et qu'une fuite de gaz n'entraîne aucun risque. Ces exigences ne pourraient être pleinement satisfaites que lorsque l'appareil se trouve isolé de l'espace habité.

25 La Commission soutient que le plein respect des exigences essentielles définies dans la directive garantit sur le plan technique la sécurité de tous les appareils à gaz auxquels celle-ci s'applique.

26 Elle indique en particulier que la norme harmonisée EN 297, adoptée par le Comité européen de normalisation (JO 1995, C 187, p. 9 ), qui concerne notamment les chaudières de type «ouvert», prévoit au point 3.5.8 que les chaudières doivent être équipées d'un dispositif de sécurité qui bloque le fonctionnement de l'appareil au cas où l'évacuation des produits de combustion serait anormale pendant une durée déterminée. Par conséquent, sauf preuve contraire, les États membres devraient présumer, sur le fondement de l'article 5 de la directive, que les appareils de type «ouvert» dotés de ce dispositif satisfont à l'exigence essentielle prévue au point 3.4.3 de l'annexe I de la directive.

27 Les essais effectués par le laboratoire de la société Italgas auraient été connus de la Commission qui les a considérés comme disproportionnés dans la mesure où leurs conditions de référence seraient difficilement imaginables dans la réalité.

28 Enfin, même si les arguments techniques présentés par le gouvernement italien étaient fondés, la République italienne aurait dû recourir aux procédures communautaires prévues aux articles 6 et 7 de la directive; elle n'aurait pas été autorisée à adopter unilatéralement une disposition telle que l'article 5, paragraphe 10, du DPR n_ 412/93.

29 Il convient de relever d'abord que, ainsi qu'il ressort du dossier, les générateurs de chaleur de type «ouvert» sont des appareils utilisés pour le chauffage et/ou la production d'eau chaude et qui brûlent des combustibles gazeux. Ils relèvent donc du champ d'application matériel de la directive tel qu'il est défini dans son article 1er, paragraphe 1, premier tiret.

30 Il y a lieu de rappeler ensuite que, selon l'article 3 de la directive, les appareils et les équipements visés à l'article 1er doivent satisfaire aux exigences essentielles qui leur sont applicables et qui figurent à l'annexe I de celle-ci.

31 Ces exigences concernent, notamment, les notices conçues pour l'installateur et l'utilisateur des appareils, les matériaux utilisés et, surtout, la conception et la construction des appareils.

32 Il ressort du cinquième considérant de la directive que ces exigences remplacent les prescriptions nationales en matière de sécurité, de santé et d'économie d'énergie, ce qui signifie que, dans les domaines qu'elles régissent, elles sont exhaustives.

33 C'est la raison pour laquelle l'article 4 de la directive impose aux États membres de ne pas interdire ni restreindre ou entraver la mise sur le marché et la mise en service d'appareils qui satisfont aux exigences essentielles énoncées dans la directive.

34 Par conséquent, il suffit que les appareils visés par la directive, y compris les générateurs de chaleur de type «ouvert», soient conformes aux exigences essentielles qu'elle définit pour qu'ils puissent être mis sur le marché et mis en service.

35 Parmi ces exigences figure celle qui est prévue au point 3.4.3 de l'annexe I de la directive. Selon cette disposition, l'appareil doit être construit de telle sorte que, en cas de tirage anormal, il ne se produise pas un dégagement de produits de combustion en quantité dangereuse dans le local concerné.

36 Contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, les générateurs de chaleur de type «ouvert» sont de nature à satisfaire à cette exigence. En effet, il ressort du dossier que tous les appareils de ce type sont, en application de la norme harmonisée EN 297, dotés d'un dispositif de sécurité qui bloque le fonctionnement de l'appareil lorsque l'évacuation des produits de combustion est anormale pendant une durée déterminée.

37 Les résultats des essais effectués par le laboratoire de la société Italgas qu'invoque le gouvernement italien ne sont pas de nature à infirmer cette constatation.

38 D'une part, comme l'a soutenu la Commission sans être utilement contredite par le gouvernement italien, les conditions de référence de ces essais sont difficilement imaginables dans la réalité.

39 D'autre part, dans la mesure où l'utilisation concrète d'un générateur de chaleur de type «ouvert» conforme aux exigences essentielles définies dans la directive présenterait, lorsque certaines conditions sont réunies, des problèmes au niveau du fonctionnement de son dispositif de sécurité, le gouvernement italien pourrait utiliser les procédures prévues aux articles 6 et 7 de la directive. Or, il n'est pas contesté que le gouvernement italien n'a pas engagé ces procédures.

40 Dès lors, l'argumentation que le gouvernement italien invoque sur le fondement du point 3.4.3 de l'annexe I de la directive doit être rejetée.

41 Quant à l'allégation selon laquelle un générateur de chaleur de type «ouvert» ne pourrait pas satisfaire aux exigences essentielles prévues aux points 3.1.9 et 3.2.1 de l'annexe I de la directive, il convient de constater que le gouvernement italien n'a, en sus des arguments déjà invoqués dans le cadre du point 3.4.3 de la même annexe, produit aucun élément susceptible de l'étayer.

42 Par conséquent, cette allégation doit être également rejetée.

43 Le gouvernement italien fait valoir en outre que la disposition contestée du DPR n_ 412/93 n'interdit en aucune manière l'installation d'appareils différents de ceux de type «étanche», mais contient simplement des prescriptions relatives aux lieux et aux modalités de leur installation. Ainsi, pour qu'il y ait une limitation ou une entrave effective à la mise sur le marché de générateurs de chaleur de type «ouvert», il faudrait établir qu'il ne serait pas possible d'installer un appareil de ce type à l'extérieur, ni de procéder à son isolement s'il devait être installé dans un espace habité. Or, la Commission se serait contentée d'affirmer de manière théorique l'incompatibilité de ladite disposition avec la réglementation communautaire sans apporter aucun élément de nature à démontrer que cette disposition interdit, limite ou entrave effectivement la mise sur le marché et la mise en service d'un tel appareil.

44 A cet égard, il n'est pas contesté que, selon la disposition critiquée, seule est permise dans les espaces habités la mise en place de générateurs de chaleur de type «étanche» dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'un appareil de chauffage.

45 Il en résulte que cette disposition interdit implicitement, dans les cas susmentionnés, l'installation dans un espace habité d'un générateur de chaleur de type «ouvert». Cette interdiction implicite constitue une entrave à la mise en service d'un appareil de ce type, prohibée par l'article 4 de la directive.

46 Le fait que l'article 5, paragraphe 10, du DPR n_ 412/93 permet l'installation d'un tel appareil dans un local habité s'il est procédé à son isolement non seulement n'est pas de nature à modifier la constatation faite au point précédent, mais au contraire la corrobore, puisque, pour pouvoir installer l'appareil dans un local habité, l'acheteur doit supporter des frais supplémentaires.

47 De même, le fait que l'interdiction qui résulte de ladite disposition ait éventuellement une portée réduite, puisqu'elle ne s'applique pas en cas de simple remplacement d'un appareil de chauffage, ne saurait lui enlever son caractère d'entrave, dès lors que cette interdiction est maintenue dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'un appareil de chauffage.

48 Par conséquent, cette argumentation du gouvernement italien doit être écartée.

49 Il s'ensuit que l'article 5, paragraphe 10, du DPR n_ 412/93 est incompatible avec l'article 4 de la directive.

50 Le gouvernement italien soutient toutefois que cette disposition, dans la mesure où elle tend à la protection de la santé, de la vie et de la sécurité des personnes et des animaux domestiques, pourrait être justifiée au titre de l'article 36 du traité CE et de l'article 7, paragraphe 1, de la directive.

51 Il argue, en particulier, que la possibilité d'invoquer l'article 36 du traité ressort de la directive elle-même qui non seulement impose aux États membres, dans son premier considérant, l'obligation de garantir sur leur territoire la sécurité et la santé des personnes, mais prévoit également, dans son article 7, que ces mêmes États, lorsqu'ils constatent que des appareils utilisés normalement risquent de compromettre la sécurité des personnes et des animaux domestiques, sont autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire ou restreindre la mise sur le marché de ces appareils.

52 En tout état de cause, la possibilité d'invoquer l'article 36 du traité ne pourrait être exclue dans l'hypothèse où l'intérêt particulier qui est en cause n'est pas suffisamment garanti par les mesures communautaires, parce qu'il concerne des situations non prévues par les directives d'harmonisation (voir arrêt du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a., 72/83, Rec. p. 2727).

53 Enfin, la possibilité dont dispose un État membre de recourir à l'article 36 du traité serait expressément prévue à l'article 100 A de celui-ci, sur le fondement duquel a été adoptée la directive.

54 Il convient de relever à cet égard que, selon une jurisprudence constante, lorsque des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé des animaux et des personnes et aménagent des procédures communautaires de contrôle de leur observation, le recours à l'article 36 cesse d'être justifié, et c'est dans le cadre tracé par la directive d'harmonisation que les contrôles appropriés doivent être effectués et les mesures de protection prises (voir arrêt du 5 octobre 1977, Tedeschi, 5/77, Rec. p. 1555, point 35).

55 En l'espèce, il a déjà été indiqué, au point 32 du présent arrêt, que la directive a procédé à l'harmonisation exhaustive des exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les appareils à gaz. Ainsi qu'il ressort du cinquième considérant de la directive, parmi ces exigences figurent celles relatives à la sécurité et à la santé.

56 En outre, ainsi qu'il a déjà été mentionné au point 11 du présent arrêt, la directive définit dans ses articles 8 à 11, ainsi que dans ses annexes II et III, les conditions dans lesquelles les appareils satisfaisant à ces exigences essentielles sont munis de la marque CE de conformité, en aménageant les procédures de vérification et de surveillance nécessaires à cet effet.

57 Enfin, il ressort des articles 6, paragraphe 1, et 7 de la directive que celle-ci a mis en place des procédures communautaires destinées à obvier aux problèmes éventuels qui se présenteraient lors de l'utilisation des appareils à gaz.

58 Il s'ensuit que la directive a procédé, en ce qui concerne les appareils à gaz, à l'harmonisation complète des mesures nécessaires pour que ces appareils satisfassent aux exigences essentielles de sécurité et de santé.

59 Dès lors, un État membre n'est plus autorisé à invoquer devant la Cour l'article 36 du traité pour justifier une mesure nationale destinée à satisfaire à ces mêmes exigences.

60 Cette conclusion n'est pas infirmée, en l'espèce, par les dispositions de l'article 100 A, paragraphe 4, du traité.

61 Aux termes de cette disposition:

«Lorsque, après l'adoption d'une mesure d'harmonisation par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, un État membre estime nécessaire d'appliquer des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l'article 36 ou relatives à la protection du milieu du travail ou de l'environnement, il les notifie à la Commission.

La Commission confirme les dispositions en cause après avoir vérifié qu'elles ne sont pas un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres.

...»

62 Il découle de cette disposition que, indépendamment de la question de savoir si la possibilité qu'elle prévoit peut encore être mise en oeuvre lorsque la mesure communautaire a réalisé une harmonisation complète dans le domaine concerné, cette possibilité suppose le respect de la procédure prévue à cet effet.

63 Or, il est constant que, en l'occurrence, le gouvernement italien n'a pas engagé la procédure prévue à l'article 100 A, paragraphe 4, du traité.

64 De même, un État membre ne saurait invoquer devant la Cour l'article 7 de la directive pour justifier une mesure nationale, lorsqu'il n'a pas mis en oeuvre la procédure prévue par cette disposition.

65 Dans ces conditions, le moyen invoqué par le gouvernement italien sur le fondement des articles 36 du traité et 7, paragraphe 1, de la directive doit être rejeté.

66 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que, en instituant et en maintenant un régime qui, dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'appareils à gaz, prescrit l'utilisation dans des locaux habités des seuls générateurs de chaleur de type «étanche», interdisant ainsi implicitement l'installation de générateurs de chaleur d'autres types conformes à la directive, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

67 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En instituant et en maintenant en vigueur un régime qui, dans les cas de nouvelle installation ou de transformation d'appareils à gaz, prescrit l'utilisation dans des locaux habités des seuls générateurs de chaleur de type «étanche», interdisant ainsi implicitement l'installation de générateurs de chaleur d'autres types conformes à la directive 90/396/CEE du Conseil, du 29 juin 1990, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les appareils à gaz, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.

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