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Dokument 61997CC0392

    Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 3 juin 1999.
    Farmitalia Carlo Erba Srl.
    Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne.
    Spécialités pharmaceutiques - Certificat complémentaire de protection.
    Affaire C-392/97.

    Recueil de jurisprudence 1999 I-05553

    Euroopa kohtulahendite tunnus (ECLI): ECLI:EU:C:1999:277

    61997C0392

    Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 3 juin 1999. - Farmitalia Carlo Erba Srl. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Spécialités pharmaceutiques - Certificat complémentaire de protection. - Affaire C-392/97.

    Recueil de jurisprudence 1999 page I-05553


    Conclusions de l'avocat général


    I - Introduction

    1 La présente affaire soulève la question du libellé d'un certificat complémentaire de protection délivré au titre du règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (1) (ci-après le «règlement sur le CCP» ou «le règlement»), lorsque l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament, nécessaire, porte uniquement sur un sel unique de la base libre protégée par le brevet de base, alors qu'un médicament ayant des propriétés équivalentes pourrait vraisemblablement être fabriqué à partir de sels différents de cette base libre et qu'il est soutenu que la protection du brevet de base s'étend implicitement à tous ces sels.

    II - Le contexte légal et factuel

    i) Législation communautaire et autres instruments

    2 La prorogation de la période de protection par le certificat délivré conformément au règlement sur le CCP vise à compenser, pour le titulaire d'un brevet de base, les délais qu'implique la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (ci-après l'«AMM») d'un médicament dont le principe actif est couvert par ce brevet. Il est inhérent à ce régime que, comme l'indique le neuvième considérant, «la protection [que le certificat] confère doit en outre être strictement limitée au produit couvert par l'autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament».

    3 Les principales dispositions pertinentes du règlement sur le CCP sont les suivantes:

    Article 1er

    «Aux fins du présent règlement, on entend par:

    a) `médicament': toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal;

    b) `produit': le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament;

    c) `brevet de base': un brevet qui protège un produit tel que défini au point b), en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat;

    ...»

    Article 3

    «Le certificat est délivré si, dans l'État membre où est présentée la demande visée à l'article 7 et à la date de cette demande:

    a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;

    b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 65/65/CEE (2) ou à la directive 81/851/CEE (3) suivant les cas;

    c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat;

    ...»

    Article 4

    «Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s'étend au seul produit couvert par l'autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l'expiration du certificat.»

    Article 5

    «Sous réserve de l'article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.»

    4 Le point 17 des considérants du règlement (CE) n_ 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques (4) (ci-après le «règlement de 1996»), énonce que «les modalités figurant aux considérants 12, 13 et 14 ... valent également, mutatis mutandis, pour l'interprétation notamment du considérant 9 ... du [règlement sur le CCP]». Les points 13 et 14 des considérants sont respectivement libellés comme suit:

    «considérant que le certificat confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base; que, par conséquent, lorsque le brevet de base couvre une substance active et ses différents dérivés (sels et esters), le certificat confère la même protection;

    considérant que la délivrance d'un certificat pour un produit consistant en une substance active ne préjuge pas de la délivrance d'autres certificats pour des dérivés (sels ou esters) de cette dernière, à condition que ces dérivés soient l'objet de brevets les revendiquant spécifiquement».

    5 L'article 69, paragraphe 1, de la convention sur le brevet européen, faite à Munich le 5 octobre 1973, dispose:

    «L'étendue de la protection conférée par le Brevet européen ou par la demande de Brevet européen est déterminée par la teneur des revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.»

    Le protocole interprétatif de l'article 69 de la convention, qui fait partie intégrante de celle-ci, énonce:

    «L'article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par le Brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s'étend également à ce que, de l'avis d'un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L'article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers.»

    ii) Les faits et la procédure nationale

    6 La demanderesse au principal, Farmitalia Carlo Erba Srl (ci-après «Farmitalia»), est titulaire d'un brevet allemand déposé le 9 juin 1975 pour des anomères á de 4-déméthoxydaunomicine, des procédés de leur fabrication et des médicaments contenant ces substances. La dénomination abrégée proposée par l'Organisation mondiale de la santé pour les composés chimiques structurés de cette manière est: idarubicine. Les revendications du brevet mentionnent le sel appelé idarubicine chlorhydrate comme exemple de réalisation de l'invention.

    7 Farmitalia a obtenu ensuite l'autorisation de mettre sur le marché en Allemagne les produits «Zavedos 5 mg» et «Zavedos 10 mg» en tant que médicaments destinés à traiter les leucémies myéloïdes aiguës. Ces produits contiennent le sel idarubicine chlorhydrate et, comme adjuvant, du lactose déshydraté.

    8 Le brevet initial a expiré entre-temps. Farmitalia a demandé un certificat complémentaire de protection (ci-après le «CCP» ou le «certificat») pour la base libre «idarubicine et ses sels, y compris l'idarubicine chlorhydrate» (5). Toutefois, le 9 juin 1993, le défendeur au principal, le Patentamt (l'office allemand des brevets, ci-après le «défendeur»), a uniquement délivré un certificat allemand pour «le médicament Zavedos, contenant comme principe actif de l'idarubicine chlorhydrate».

    9 Farmitalia a introduit un recours devant le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) visant à l'octroi d'un certificat libellé conformément à la demande initiale ou, à titre subsidiaire, pour «l'idarubicine et l'idarubicine chlorhydrate». Le Bundespatentgericht a rejeté tant les conclusions principales que les conclusions subsidiaires.

    10 Le Bundespatentgericht a estimé que ni la demande principale ni la demande subsidiaire ne satisfaisaient les conditions de l'article 3, sous b), du règlement sur le CCP, étant donné qu'un CCP ne peut être délivré que pour un produit mentionné comme principe actif d'un médicament dans l'AMM. En l'espèce, l'idarubicine chlorhydrate était le principe actif indiqué pour les deux produits Zavedos autorisés, si bien qu'un CCP ne pouvait pas être accordé pour un libellé plus large.

    11 De plus, de l'avis du Bundespatentgericht, la demande formulée à titre principal ne satisfaisait pas l'article 3, sous a), du règlement sur le CCP, parce que tous les sels de l'idarubicine n'étaient pas protégés par le brevet de base. Outre la base libre, l'idarubicine elle-même, seul un sel, l'idarubicine chlorhydrate, était mentionné dans le brevet. Le Bundespatentgericht a considéré que la protection par un brevet de base exigée par l'article 3, sous a), ne visait pas l'étendue effective de la protection découlant du brevet dans le cadre d'un procès fictif en contrefaçon, mais, au contraire, le raisonnement technique protégé par le brevet de base, c'est-à-dire, outre ce qui est expressément mentionné dans le brevet, ce qui, du point de vue d'un homme du métier, est évident ou pratiquement indispensable au raisonnement breveté, même sans mention particulière, ou ce que l'homme du métier peut déceler et mentalement déduire sur-le-champ lors d'une lecture attentive du fascicule du brevet. Tel n'était pas le cas en ce qui concerne les sels de l'idarubicine étant donné que, en raison de leur composition chimique différente de celle de l'idarubicine et de l'idarubicine chlorhydrate, le spécialiste pouvait tout au moins considérer comme possibles des différences dans leur profil thérapeutique.

    12 Dans le cadre de son recours devant le Bundesgerichtshof (la Cour fédérale de justice, ci-après la «juridiction nationale»), Farmitalia a soutenu, en ce qui concerne l'article 3, sous b), du règlement sur le CCP, que l'expression «principe actif» devait être entendue comme désignant la base pharmacologiquement active, y compris ses dérivés (sels et esters). Dès lors, l'article 3, sous b), n'exige pas une AMM pour chaque variante possible du principe actif, à condition qu'il ait été autorisé sous l'une de ses formes possibles. En ce qui concerne l'article 3, sous a), du règlement, Farmitalia a soutenu que le Bundespatentgericht avait commis une erreur, du point de vue du droit allemand, pour ce qui est de l'étendue de la protection conférée par le brevet de base allemand, étant donné qu'un homme du métier aurait su que d'autres sels pharmaceutiquement compatibles de l'idarubicine auraient été tout aussi appropriés que l'idarubicine chlorhydrate pour l'administration du principe actif, l'idarubicine.

    13 La juridiction nationale a relevé que, d'une part, il serait difficile aux autorités nationales compétentes en matière de délivrance des CCP de déterminer l'équivalence pharmaceutique des sels dans l'abstrait. D'autre part, elle a jugé qu'il serait peu satisfaisant qu'un CCP ne puisse pas être obtenu pour une variante de l'invention pharmaceutique brevetée pour laquelle une AMM a été obtenue et qui, bien que relevant de l'étendue effective de la protection du brevet de base, n'y était pas expressément mentionnée. La juridiction nationale a proposé une solution intermédiaire, dans le cadre de laquelle un CCP ne pourrait être accordé que pour la substance mentionnée dans l'AMM, mais la protection conférée par ce certificat s'étendrait, conformément aux critères applicables au brevet de base, aux substances équivalentes pharmaceutiquement acceptables. Étant donné que l'interprétation correcte du règlement sur le CCP était litigieuse, la juridiction nationale a déféré les questions suivantes à la Cour en vue d'une décision préjudicielle conformément à l'article 177 du traité CE (devenu, après modification, article 234 CE):

    «1) L'article 3, sous b), implique-t-il que le produit pour lequel la délivrance d'un certificat de protection est sollicitée figure comme `composant actif' dans l'autorisation obtenue au titre de la législation pharmaceutique?

    En conséquence, la condition de l'article 3, sous b), n'est-elle pas remplie lorsque la décision d'autorisation indique comme `composant actif' un sel déterminé d'un principe actif, alors que la délivrance d'un certificat de protection est demandée pour la base libre et/ou pour d'autres sels du principe actif?

    2) Pour le cas où il serait répondu par la négative aux questions énoncées sous 1:

    Selon quels critères convient-il d'apprécier si un produit au sens de l'article 3, sous a), est protégé par un brevet de base lorsque la délivrance d'un certificat de protection est demandée pour la base libre d'un principe actif, y compris tous sels de celui-ci, mais que le brevet de base se borne à énoncer dans ses revendications la base libre de ce principe actif et mentionne en outre, dans un exemple de réalisation, un sel déterminé de cette base libre? Convient-il de retenir le texte des revendications du brevet de base ou l'étendue de la protection conférée par celui-ci?»

    III - Observations

    14 Des observations écrites et orales ont été présentées par Farmitalia, la République française, le royaume des Pays-Bas et la Commission. Des observations écrites ont également été déposées par la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

    15 En ce qui concerne la première question, tous ceux qui ont présenté des observations ont soutenu qu'un certificat pouvait être accordé pour un produit qui n'était pas expressément mentionné comme principe actif dans l'AMM visée à l'article 3, sous b), du règlement sur le CCP, dès lors que cette autorisation portait sur un sel de ce produit. Un certain nombre d'arguments ont été avancés à l'appui de cette conclusion:

    - L'article 3, sous b), du règlement n'exige pas que le produit ait été mentionné dans l'AMM, mais que la mise sur le marché du produit en tant que médicament ait été autorisée.

    - Les effets pharmaceutiques d'une base libre, de ses sels et de ses esters sont normalement équivalents. Il ne serait pas nécessaire d'indiquer spécifiquement les cas exceptionnels lors de la délivrance d'un CCP, étant donné que cela pourrait avoir lieu lors de la détermination de l'étendue de la protection du certificat, par exemple dans le cadre d'une action en contrefaçon concernant ce sel ou cet ester.

    - Le certificat est accordé pour un principe actif en tant que tel et non pour un mode d'administration particulier. A cet égard, la définition du produit à l'article 1er, sous b), du règlement, qui repose sur la notion de principe actif, peut être rapprochée de celle du médicament, figurant à l'article 1er, sous a), qui met davantage l'accent sur ses propriétés thérapeutiques ou à des fins de diagnostic que sur sa forme.

    - L'exposé des motifs (6) de la proposition de règlement sur le CCP présentée par la Commission indique qu'un nouveau certificat ne peut pas être délivré pour un principe actif qui bénéficie déjà d'un certificat en raison de changements mineurs affectant le médicament qui est de la même famille, tels que l'emploi de sels différents; cela implique que, par principe actif, on entend la base libre (ou précurseur) concernée.

    - Il ressort du procès-verbal de la réunion du Conseil au cours de laquelle il a arrêté une position commune sur la proposition de règlement sur le CCP que la Commission et le Conseil considéraient que la définition du «produit» à l'article 1er, sous b), du règlement n'excluait pas les sels et esters de la protection conférée par le certificat et ne faisait pas obstacle à la délivrance d'un nouveau certificat pour ceux qui pouvaient être qualifiés de nouveaux principes actifs. Toutes les délégations, sauf deux, se sont ralliées à ce point de vue lors d'une réunion ultérieure d'experts nationaux de la propriété industrielle organisée par la Commission le 3 février 1995.

    - Le même point de vue est exprimé aux points 13, 14 et 17 des considérants du règlement n_ 1610/96. Bien que ceux-ci ne puissent modifier le règlement sur le CCP, ils servent à clarifier son interprétation. Ainsi, le neuvième considérant du préambule du règlement sur le CCP vise uniquement à exclure l'octroi d'un CCP pour des utilisations non pharmaceutiques d'un produit couvert par le brevet de base. Bien que la juridiction nationale ne considère pas que cela affecte l'interprétation de l'article 3, sous b), du règlement, il a été soutenu que le fait qu'un certificat unique puisse conférer une protection à une base, à ses sels et à ses esters, en vertu de l'article 4, implique que l'article 3, sous b), peut être satisfait, pour toutes ces variantes, par une AMM unique délivrée pour une seule forme d'administration d'un produit.

    - L'objectif du règlement sur le CCP ne serait pas atteint si un certificat ne pouvait être délivré que pour le sel particulier d'un principe actif mentionné dans une AMM parce que, après l'expiration du brevet de base, les fabricants de produits génériques seraient libres de demander des autorisations de mise sur le marché pour des médicaments utilisant d'autres sels de la même base libre, avec des effets thérapeutiques ou de diagnostic équivalents, en se bornant à effectuer des tests de bioéquivalence peu nombreux, qui pourraient être effectués à l'avance hors de la Communauté, à la lumière de la littérature connue. La solution intermédiaire suggérée par la juridiction nationale obligerait les titulaires de CCP à établir l'équivalence entre le médicament générique et le produit protégé dans le cadre de procédures en contrefaçon longues, coûteuses et peu satisfaisantes. De surcroît, l'étendue de la protection des brevets nationaux varie, si bien que cette approche ne permettrait pas de parvenir à la solution uniforme résultant de la création d'un certificat pouvant être obtenu selon les mêmes conditions, visée aux sixième et septième considérants du préambule du règlement (7).

    - Il a été fait référence aux guides publiés par les autorités compétentes au Danemark (8) et au Royaume-Uni (9) et à des décisions en appel en France (10) et aux Pays-Bas (11). Tous ces textes interprètent largement la référence au «produit» à l'article 3, sous b), du règlement, en le distinguant de la spécialité pharmaceutique pour laquelle l'AMM est expressément délivrée et en entendant l'expression «principe actif» comme incluant les dérivés tels que les sels et esters en sus de la base libre. Cela est conforme à la pratique internationale qui traite normalement les bases et leurs sels comme étant interchangeables.

    16 En ce qui concerne la seconde question, Farmitalia, la République fédérale d'Allemagne et la Commission soutiennent que, pour les besoins de l'application de l'article 3, sous a), du règlement sur le CCP, le critère pertinent pour déterminer si un produit est protégé par un brevet est l'étendue effective de la protection conférée par ce brevet en droit national, telle que déterminée par les juridictions nationales, et non le texte littéral des revendications du brevet lui-même. Se fonder exclusivement sur les revendications du brevet serait trop formaliste et le libellé de l'article 3, sous a), n'y fait pas référence. L'importance de l'étendue de la protection du brevet est confirmée par les considérants du règlement de 1996 et par les conclusions de la réunion d'experts nationaux susmentionnée qui s'est tenue en 1995. On ne saurait permettre que des difficultés administratives dictent une réduction de la protection. En pratique, l'équivalence pharmaceutique de la base libre et de ses sels peut être présumée lorsqu'un certificat est délivré. Il suffirait aux autorités nationales compétentes de vérifier que la variante pour laquelle une AMM a été accordée est couverte par le brevet. Des différends sur le point de savoir si d'autres variantes sont en fait couvertes par le brevet et, partant, par le CCP, pourraient être réglés au cours de procédures en contrefaçon ultérieures. Toutefois, la Commission a affirmé, en réponse à une question lors de l'audience, qu'il serait suffisant de mentionner la base libre, ou précurseur, lors de l'octroi du CCP; Farmitalia, pour sa part, a maintenu que le certificat devait se référer expressément à l'idarubicine et ses sels pour qu'elle n'ait pas à établir l'équivalence au cours d'un procès en contrefaçon.

    17 Le royaume des Pays-Bas soutient au contraire que, étant donné que l'article 18, paragraphe 2, du règlement exclut la procédure d'opposition, le respect de l'article 3, sous a), devrait être apprécié sur la base des revendications du brevet de base telles que clarifiées par la description. Ce critère objectif et facile à vérifier permettrait d'instaurer un système simple et transparent de délivrance des certificats. Il ajoute que, en vertu de l'article 4 du règlement, les juridictions nationales pourraient faire en sorte que la protection conférée par un certificat octroyé dans ces conditions s'étende à l'ensemble des variantes pharmaceutiquement équivalentes du composé protégé de la même façon que le ferait la protection conférée par le brevet de base.

    18 La République française propose également que le respect de l'article 3, sous a), du règlement soit apprécié par référence aux revendications du brevet de base, interprétées à la lumière de la description qui les accompagne. Elle dérive cette approche interprétative de l'article 69 de la convention sur le brevet européen, qui définit l'étendue de la protection conférée par un brevet européen. Toutefois, la République française est seule à proposer également que l'étendue de la protection conférée par le CCP soit déterminée de la même manière. En tant qu'extension exceptionnelle du monopole du titulaire du brevet, le CCP devrait être interprété strictement. La référence, au neuvième considérant du règlement sur le CCP, à l'intérêt de la santé publique impose de tenir compte de la politique de santé publique consistant à favoriser la commercialisation des médicaments génériques. De plus, une approche uniforme, sur la base de la convention sur le brevet européen, quant à l'octroi des CCP et à l'étendue de la protection qu'ils confèrent serait conforme aux sixième et septième considérants du règlement et à l'arrêt Espagne/Conseil (12).

    IV - Analyse

    19 Nous souhaitons formuler quelques observations générales en introduction à notre analyse de la présente affaire. En premier lieu, les deux questions déférées par la juridiction nationale portent sur les conditions d'octroi d'un CCP énoncées à l'article 3 du règlement sur le CCP. Le litige ne concerne pas le point de savoir si un certificat devrait être accordé ou non, mais son libellé. Les critères de l'octroi d'un certificat sont distincts, d'un point de vue procédural et matériel, de ceux qui déterminent l'étendue effective de la protection qu'il confère. Ces derniers sont appliqués lorsqu'un CCP est invoqué dans le cadre d'une procédure en contrefaçon, tandis que les premiers sont pris en considération, au moment de la demande de délivrance d'un certificat, par l'Office national de la propriété industrielle compétent.

    20 En second lieu, et malgré cette distinction, les conditions d'octroi d'un CCP ne peuvent pas être interprétées isolément du régime général établi par le règlement et, en particulier, des dispositions régissant le champ d'application et les effets de la protection qu'il implique. Ces deux éléments du régime concourent à déterminer en pratique la mesure dans laquelle les titulaires de brevets peuvent amortir les investissements effectués dans la recherche, qui est l'objet essentiel du règlement.

    21 En troisième lieu, bien que le régime du CCP crée une nouvelle forme, distincte, de droit de propriété intellectuelle au lieu de se borner à étendre la période de protection assurée par les brevets existants, il est néanmoins étroitement lié aux systèmes nationaux en vertu desquels les brevets pharmaceutiques sont initialement octroyés et protégés. En des termes plus concrets, un certificat ne peut être accordé que si un produit est protégé par un brevet de base et la protection conférée par le certificat ne doit pas dépasser les limites de celle qui est conférée par le brevet de base. Le titulaire du certificat jouit des mêmes droits et est soumis aux mêmes limitations et obligations que celles qui affectent le brevet de base. Le règlement reproduit le modèle procédural de base consistant en des phases distinctes d'octroi administratif et de sauvegarde judiciaire des brevets qui est commun à tous les États membres.

    22 En quatrième lieu, la première question déférée par la juridiction nationale porte entièrement, et la seconde essentiellement, sur l'interprétation à donner au terme «produit» à l'article 3, sous a) et b), du règlement, qui est défini à l'article 1er, sous b), par référence au concept de «principe actif». Ainsi, dans la première question, la juridiction nationale demande en substance si le produit peut être entendu plus largement que les termes utilisés pour décrire le médicament dans l'AMM en question. Dans la seconde question, le problème consistant à savoir si la protection d'un produit par un brevet de base est déterminée conformément aux revendications du brevet ou sur la base de l'étendue effective de la protection du brevet ne se pose que s'il est pour le moins possible de concevoir le produit en des termes plus larges que ceux qui ont été utilisés dans les revendications. L'article 3, sous c) et d), emploie également le terme «produit»; l'article 3, sous c), en particulier peut présenter de l'intérêt pour l'interprétation du terme.

    23 De plus, en vertu de l'article 4 du règlement, le concept de «produit» est également crucial pour la détermination de la protection conférée par un certificat. Étant donné qu'il n'est défini qu'une fois, à l'article 1er, sous b), le terme devrait normalement, en l'absence d'indication contraire, recevoir une interprétation uniforme dans les différents contextes dans lesquels il est utilisé dans le règlement. En particulier, les dispositions du règlement relatives respectivement à l'octroi et à la sauvegarde des CCP ne sauraient être interprétées isolément l'une de l'autre.

    24 C'est pourquoi nous examinerons tout d'abord la question sous-jacente de l'interprétation correcte de la définition du produit à l'article 1er, sous b), du règlement et nous indiquerons ensuite quelles en sont les conséquences pour l'application de l'article 3, sous a) et b).

    25 Le terme «produit» est susceptible d'un certain nombre d'interprétations, dont aucune ne peut être exclue pour des motifs purement textuels (13). L'expression «principe actif ... d'un médicament» n'est pas définie dans le règlement sur le CCP. D'une part, il serait possible d'interpréter le terme «produit» comme étant la forme particulière d'un produit pharmaceutique breveté, par exemple le sel particulier d'une base libre qui est le «principe actif» visé dans une AMM (14). Une autre possibilité est d'interpréter le terme «produit» comme visant, de manière générale, soit exclusivement le précurseur ou les variantes expressément mentionnées dans les revendications du brevet, soit l'ensemble composé du précurseur et de ses dérivés pharmaceutiquement acceptables pour lesquels on peut se prévaloir de la protection du brevet dans une action en contrefaçon. Le nombre d'options possibles s'accroît si l'on tient compte du fait que l'étendue effective de la protection du brevet de base peut varier selon qu'il a été accordé en vertu de la convention sur le brevet européen et est soumis, par conséquent, à l'article 69 de cette convention ou qu'il a été accordé conformément à un régime national en matière de brevets, étant donné que les règles nationales sur l'étendue de la protection conférée par le brevet ne sont pas identiques dans tous les États membres à celles qui ont été établies par l'article 69 de la convention.

    26 Chacune de ces possibilités peut être conciliée en pratique avec les termes du règlement. La première solution (qui est celle qui est préconisée par le défendeur) fournit un moyen relativement simple d'établir si un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, en particulier s'il est effectivement mentionné dans la description accompagnant les revendications du brevet pour la base libre. La règle «un certificat par produit», énoncée à l'article 3, sous c), du règlement pourrait être facilement appliquée; elle n'exclut pas l'octroi de certificats supplémentaires, improbable il est vrai, pour d'autres variantes de la base libre brevetée qui ont bénéficié d'AMM distinctes. On peut se demander si un CCP ayant une teneur aussi restrictive garantirait néanmoins à son titulaire la large protection envisagée par la juridiction nationale dans le cadre de la solution intermédiaire qu'elle a proposée, étant donné que le concept de «produit» est également crucial pour cette question (15), mais il assurerait tout au moins un niveau de protection considéré comme suffisant par le défendeur, le Bundespatentgericht et deux délégations à la réunion des experts nationaux de la propriété industrielle qui s'est tenue le 3 février 1995.

    27 A l'autre extrême, si le produit était considéré comme étant la base libre brevetée ainsi que tous ses sels et esters pharmaceutiquement acceptables, dont l'une des variantes a fait l'objet d'une AMM, il serait logique d'interpréter l'exigence de l'article 3, sous a), selon laquelle il doit être protégé par un brevet de base, comme se référant à l'étendue de la protection conférée par le brevet et non au libellé des revendications, habituellement plus restrictif. Dans un tel cas, la règle «un certificat par produit» de l'article 3, sous c), équivaudrait en fait à «un certificat par brevet». En outre, étant donné que le certificat envisagerait expressément lui-même toute variante pharmaceutiquement acceptable du médicament autorisé et ne pourrait pas assurer une protection plus large que celle qui est conférée par le brevet de base, l'article 4 créerait tout au plus des différends sur les faits en ce qui concerne les propriétés pharmaceutiques de certaines variantes (16).

    28 Comment choisir entre ces différentes interprétations possibles? Comme nous l'avons déjà indiqué, les arguments textuels éventuels ne nous semblent pas décisifs. On peut tout au plus affirmer qu'ils ne sont pas incompatibles avec certains résultats. Le fait que le «médicament» soit défini à l'article 1er, sous a), du règlement par référence à ses propriétés ne nous semble pas suffisant, à lui seul, pour établir que, si l'on considère l'article 1er, sous b), son principe actif inclut toute variante d'une substance brevetée qui possède ces propriétés, plutôt que la variante qui a effectivement fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament. Observer que l'article 3, sous b), n'affirme pas que le produit doit lui-même être mentionné dans l'AMM ou que l'article 3, sous a), ne se réfère pas aux revendications du brevet revient simplement, à notre avis, à supposer vrai ce qui doit être prouvé. L'argument selon lequel l'emploi des termes «protégé» ou «protection» se réfère implicitement à l'étendue de la protection du brevet de base, bien que plausible, ne saurait déterminer la teneur du certificat. Il se rapporte, en tout état de cause, à une question qui est postérieure à celle de l'interprétation du terme «produit» - si l'on interprète strictement «principe actif» et, partant, «produit», le débat sur la signification de l'article 3, sous a), perdrait son intérêt parce qu'ainsi interprété le produit relèverait manifestement, dans les circonstances de la présente espèce tout au moins, des termes des revendications du brevet lues à la lumière de la description. Il a été suggéré que la distinction implicite entre un principe actif et une fraction active dans la directive 75/318/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les normes et protocoles analytiques, toxico-pharmacologiques et cliniques en matière d'essais de spécialités pharmaceutiques (17), milite en faveur d'une interprétation étroite du premier terme, limitée aux variantes qui font effectivement l'objet d'une AMM, mais on se trouve là dans le cadre d'un régime réglementaire différent (18).

    29 Il faut par conséquent considérer l'économie et les objectifs du règlement sur le CCP pour trouver d'autres éléments d'interprétation. A cet égard, les considérations suivantes nous paraissent essentielles. En premier lieu, le règlement sur le CCP vise, comme nous l'avons indiqué au point 2 ci-dessus, à conférer une période de protection compensatoire supplémentaire pour les inventions pharmaceutiques. Le règlement n'atteindrait pas ce but s'il était interprété comme prévoyant une protection au titre du CCP limitée à la catégorie restreinte des médicaments autorisés ou à l'invention figurant dans les revendications du brevet; cette interprétation permettrait à d'autres fabricants de produire des médicaments pharmaceutiquement équivalents, sur la base d'autres dérivés de l'invention brevetée, qui auraient pu être interdits, dans le cadre d'actions en contrefaçon nationales, pendant la durée de validité du brevet lui-même (19). L'argument de la République française relatif à l'intérêt, pour des motifs de santé publique, de pouvoir disposer de médicaments génériques ne nous convainc pas à cet égard parce qu'il est incompatible avec le principal objectif du règlement; on peut peut-être considérer que cet intérêt a été satisfait par les limites temporelles imposées aux CCP (20).

    30 En second lieu, il ressort de l'article 5 que le CCP ne peut jamais assurer une protection supérieure à celle qui est assurée par le brevet lui-même. A notre avis, cette limitation a un élément procédural et un élément matériel. Le règlement ne saurait donc être interprété de telle sorte que le titulaire d'un certificat bénéficie d'avantages procéduraux supérieurs à ceux dont il jouissait en tant que titulaire de brevet. Il pourrait en être ainsi, par exemple, si le libellé d'un CCP était beaucoup plus large que celui du brevet original, ce qui modifierait potentiellement la charge de la preuve incombant respectivement au titulaire du certificat et à un autre fabricant dans le cadre d'un procès ultérieur en contrefaçon. Plus généralement, le régime de la protection complémentaire devrait, en l'absence d'indications contraires, refléter les modalités procédurales qui caractérisent les systèmes nationaux et européen en matière de brevets, desquels il dépend et qui lui ont dans une large mesure servi de modèle. Dans toute la mesure du possible, les rôles respectifs des autorités administratives compétentes en matière d'octroi de brevets et des organes judiciaires chargés de les faire respecter devraient donc être reproduits dans le cadre du règlement sur le CCP (21).

    31 En troisième lieu, comme il est énoncé au septième considérant du préambule, le CCP doit pouvoir être obtenu «selon les mêmes conditions dans chaque État membre». Toutefois, les conditions d'octroi d'un certificat doivent être distinguées de celles qui régissent la protection qu'il confère. L'étendue de cette protection et les droits, limitations et obligations qui en découlent sont principalement déterminés par référence au brevet de base (à condition, bien entendu, qu'il se limite au produit qui a fait l'objet de l'AMM en question) et, partant, au droit national en matière de brevets (22). Bien que le sixième considérant du préambule du règlement indique qu'il vise à prévoir «une solution uniforme au niveau communautaire» et à prévenir «une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités» (23) qui affecteraient directement le marché intérieur, il nous semble clair que cela se réfère surtout au développement, avant l'adoption du règlement, de régimes de protection complémentaire nationaux différents (24). Le règlement ne vise pas à harmoniser les règles nationales de base en matière de brevets sur lesquelles se greffe le régime de la protection complémentaire. En conséquence, en dépit de l'importance de l'article 69 de la convention sur le brevet européen tant pour l'application de cette convention que pour les systèmes purement nationaux en matière de brevets d'un certain nombre d'États membres, il n'y a pas de raison de conclure que le règlement impose une approche uniforme en ce qui concerne l'étendue de la protection conférée par un CCP.

    32 En quatrième lieu, les objectifs de la Commission, lorsqu'elle a proposé le règlement sur le CCP, et du Conseil lorsqu'il a adopté le règlement sur le CCP peuvent être mis en évidence à partir d'un grand nombre de sources. Il ressort clairement de l'exposé des motifs que la Commission entendait par principe actif un composé de base pharmaceutiquement actif, dont il pouvait exister plusieurs variantes, si bien que l'emploi, par exemple, d'un sel différent était à considérer comme un changement mineur qui ne pouvait donner lieu à un nouveau certificat (25). Dans la même ligne, elle évoque la possibilité qu'un produit ait fait l'objet de plusieurs autorisations de mise sur le marché sous des formes pharmaceutiques différentes (26), ce qui implique, par conséquent, que le produit n'est pas simplement la substance qui fait l'objet d'une AMM donnée, mais peut être défini plus largement (27).

    33 La déclaration inscrite au procès-verbal du Conseil selon laquelle «le Conseil et la Commission considèrent que la définition de la notion de `produit' n'exclut pas les sels et esters de la protection» a une valeur interprétative moindre étant donné que la Cour a jugé itérativement qu'un tel document ne saurait être utilisé que si son libellé se reflétait dans le texte de la disposition à interpréter (28). Néanmoins, il est quelquefois fait référence à un tel document lorsqu'il est compatible avec une interprétation du texte législatif en question déjà préconisée par la Cour pour d'autres raisons (29). En l'espèce, la déclaration est un peu ambiguë. Bien qu'elle indique clairement que les sels et esters relèvent normalement de l'étendue effective de la protection d'un CCP, elle ne dit pas qu'ils devraient être considérés comme inclus dans la définition du «produit» qui détermine le libellé du CCP. L'affirmation selon laquelle cette définition ne ferait pas obstacle à la délivrance d'un nouveau certificat pour les sels et esters pouvant être qualifiés de nouveaux principes actifs implique toutefois que tel est le cas. Sans préjudice de la question de savoir si le législateur communautaire peut tenter d'influer sur l'interprétation judiciaire d'une mesure législative en incluant des «règles» interprétatives dans une législation ultérieure qui n'a pas pour objet de modifier la mesure antérieure, il est également manifeste que les points 13 et 14 des considérants du règlement de 1996 concordent avec la déclaration inscrite au procès-verbal du Conseil (30).

    34 La déclaration de la Commission lors de la réunion des experts nationaux en 1995, qui a été approuvée par plusieurs délégations et à laquelle deux délégations se sont opposées, selon laquelle le certificat couvrait «à la fois le composé (la base) et ses sels et esters pharmaceutiquement acceptables» et sa déclaration ultérieure selon laquelle un sel ou un ester ayant un profil d'activité distinct pouvait être considéré comme un nouveau produit et pouvait, dès lors, bénéficier d'un nouveau certificat corroborent les éléments d'interprétation susmentionnés. Toutefois, si les procès-verbaux de ces réunions illustrent le point de vue (non unanime) de la Commission et des États membres agissant dans le cadre de leurs compétences administratives, ils ne sauraient, à notre avis, être considérés comme éclairant a posteriori les objectifs du législateur communautaire lorsqu'il a adopté le règlement sur le CCP.

    35 Aucune de ces déclarations n'est concluante en elle-même. Toutefois, elles tiennent compte du fait que, comme l'a relevé le Royaume-Uni dans ses observations, l'autorisation de mise sur le marché, qui vise principalement l'usage clinique, mentionnera presque inévitablement le principe actif en se référant non au précurseur, mais au sel ou à l'ester de celui-ci. Eu égard à tous les éléments mentionnés ci-dessus, nous inclinerions à interpréter le principe actif comme étant la base libre (ou précurseur) pharmacologiquement active qui sert de base au médicament faisant l'objet d'une AMM. Les différents sels et esters peuvent normalement être entendus comme étant simplement des variantes du principe actif et, partant, du produit et non comme étant eux-mêmes des produits ou des éléments distincts du produit. En conséquence et eu égard au fait que les revendications du brevet visent normalement, comme en l'espèce, la base libre, elles peuvent être considérées comme définissant le produit et comme dictant par conséquent le libellé d'un CCP ultérieur. A notre avis, le certificat devrait donc être libellé de la même façon que les revendications du brevet. Cela aurait l'avantage d'établir un critère uniforme pour l'octroi d'un certificat - résultat qui ne pourrait pas être obtenu facilement sur la base de l'étendue de la protection du brevet de base - et de permettre aux autorités nationales compétentes de délivrer des certificats sans devoir procéder à une enquête sur l'extension vraisemblable de la protection du brevet et du certificat, recherche qui serait étrangère à leur fonction normale. En outre, cela préserverait la répartition normale des rôles entre ces autorités et les juridictions nationales, permettant ainsi à ces dernières de statuer en dernier lieu sur l'étendue de la protection d'un certificat libellé conformément aux revendications du brevet sur la base des mêmes principes de droit national que ceux qui s'appliquent au brevet lui-même (toujours sous réserve de la condition de l'article 4 selon laquelle le champ d'application du certificat doit être limité aux utilisations pharmaceutiques autorisées du produit). Ainsi, les fabricants de produits pharmaceutiques génériques ne disposeraient pas d'une liberté plus grande que dans le cadre du brevet de base et les procédures en contrefaçon pourraient être conduites selon des modalités procédurales analogues à celles qui s'appliquent au brevet, avec la même répartition des avantages entre les parties.

    36 Pour en revenir aux questions déférées par la juridiction nationale, l'approche que nous préconisons en ce qui concerne la définition du produit aboutirait à une réponse négative aux deux parties de la première question concernant la définition du principe actif et, comme il est sans doute déjà apparu, à une réponse à la seconde question favorable à l'utilisation du texte des revendications du brevet de préférence à l'étendue de la protection du brevet de base pour définir le produit en question et, partant, déterminer s'il est protégé par un brevet de base.

    V - Conclusion

    37 En conclusion, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions déférées par le Bundesgerichtshof:

    «1) Aux fins de l'application de l'article 3, sous b), du règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, il n'est pas nécessaire que le produit pour lequel la délivrance d'un certificat complémentaire de protection est sollicitée figure comme principe actif dans l'autorisation concernée de mettre un médicament sur le marché, dès lors que cette autorisation porte sur une variante pharmaceutiquement équivalente du produit en question.

    2) Aux fins de l'application de l'article 3, sous a), du règlement n_ 1768/92, le produit, défini par référence à la base libre, ou précurseur, pharmacologiquement active qui sert de base au médicament faisant l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, doit être considéré comme protégé par un brevet de base en vigueur lorsqu'il relève des revendications du brevet en question.»

    (1) - JO L 182, p. 1.

    (2) - Directive du Conseil du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, n_ 22, p. 369).

    (3) - Directive du Conseil du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 1).

    (4) - JO L 198, p. 30.

    (5) - Il semble qu'un CCP ainsi libellé ait été délivré au Royaume-Uni.

    (6) - COM(90) 101 final - SYN 255, du 11 avril 1990, point 36.

    (7) - Voir l'arrêt du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil (C-350/92, Rec. p. I-1985, points 35 et 36).

    (8) - Page 3.4-2 du guide de septembre 1994.

    (9) - The Patent Office, Supplementary Protection Certificates for Medicinal Products: A Guide for Applicants (Newport, 1992), point 1.6.

    (10) - Fisons plc/le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle, Cour d'appel de Paris, arrêt du 7 juillet 1994. Toutefois, il semble que cet arrêt porte sur la législation française en matière de CCP antérieure à l'adoption du règlement sur le CCP.

    (11) - Demande de CCP n_ 930006, Merck & Co., Inc., Patent Office Board of Appeal, décision du 12 juillet 1995.

    (12) - Arrêt précité à la note 7.

    (13) - Quelques arguments textuels sont évoqués plus bas mais, à notre avis, aucun n'est décisif en lui-même.

    (14) - La directive 65/65, précitée à la note 2, ne fournit pas non plus d'indications cohérentes. La version anglaise utilise l'expression «active constituent» (et non «active ingredient»). Le texte allemand de la directive 65/65 utilise également une expression, «wirksamer Bestandteil», qui est différente du terme «Wirkstoff» employé dans le règlement sur le CCP. Toutefois, la version française des deux instruments emploie l'expression «principe actif».

    (15) - Cela dépend bien entendu de l'interprétation de l'article 4 du règlement, qui n'est pas litigieuse en l'espèce, mais qu'il est nécessaire d'examiner pour apprécier l'incidence globale de tout mode d'interprétation de la définition de «produit» à l'article 1er, sous b).

    (16) - Des différends pourraient surgir soit s'il était allégué qu'une variante donnée n'a pas d'effet thérapeutique ou de diagnostic, soit lorsque la mise sur le marché d'une variante en tant que médicament a été autorisée séparément en raison de son effet thérapeutique ou de diagnostic substantiellement différent.

    (17) - JO L 147, p. 1.

    (18) - Voir Adams, J. N.: «Supplementary Protection Certificates: The `Salt' Problem» (1995) 6, European Intellectual Property Review 277, p. 279.

    (19) - Voir les deuxième, troisième et quatrième considérants du règlement sur le CCP. Le neuvième considérant n'est pas très utile à cet égard, étant donné qu'il utilise le terme «produit» d'une manière analogue à l'emploi de ce terme à l'article 4.

    (20) - Voir le neuvième considérant du règlement sur le CCP.

    (21) - A notre avis, cela ressort implicitement des articles 5, 9, paragraphe 1, 17 et 18, paragraphe 1, du règlement sur le CCP.

    (22) - L'article 4 du règlement sur le CCP semble impliquer que l'article 69 de la convention sur le brevet européen devrait être appliqué par analogie lors de la détermination du champ d'application d'un certificat fondé sur un brevet délivré en vertu de la convention.

    (23) - C'est nous qui soulignons.

    (24) - Voir l'arrêt Espagne/Conseil, précité, points 34 et 35.

    (25) - Exposé des motifs, loc. cit., point 36. Voir l'arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil (131/86, Rec. p. 905, points 26 et 27), en ce qui concerne l'utilisation des travaux préparatoires dans le cadre de l'interprétation de mesures législatives.

    (26) - Ibidem, point 35.

    (27) - Il ressort de l'arrêt du 23 janvier 1997, Biogen (C-181/95, Rec. p. I-357) que le produit peut également être défini plus restrictivement que le médicament visé dans l'AMM, lorsque ce dernier a fait l'objet de plusieurs brevets.

    (28) - Arrêts du 26 février 1991, Antonissen (C-292/89, Rec. p. I-745, point 18), et du 3 décembre 1998, Generics UK e.a. (C-368/96, Rec. p. I-7967).

    (29) - Arrêt du 12 mai 1998, Royaume-Uni/Commission (C-106/96, Rec. p. I-2729, point 29).

    (30) - L'emploi des termes «active substance» dans les considérants de la version anglaise du règlement de 1996, par opposition aux termes «active ingredient» ne nous semble pas refléter une distinction matérielle. Le terme «substance» est également utilisé dans la définition du médicament à l'article 1er, sous a), du règlement sur le CCP. Bien que l'on puisse penser que le terme «substance» dans ce dernier contexte fasse référence à un médicament fini, y compris, par exemple, un excipient, une telle interprétation n'a manifestement pas été voulue dans le cas du règlement de 1996. En outre, l'emploi de termes distincts n'est pas concordant dans les différentes versions linguistiques des deux règlements. Par exemple, la version française des deux règlements utilise les termes «substance active», «principe actif» et «substance» de la même façon que la version anglaise, tandis que la version allemande tant de l'article 1er, sous b), du règlement sur le CCP que des points 13 et 14 des considérants du règlement de 1996 emploie le terme «Wirkstoff», tandis que le terme «Stoff» n'apparaît qu'à l'article 1er, sous a), du règlement sur le CCP.

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