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Document 61997CC0304

    Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 17 décembre 1998.
    Fernando Carbajo Ferrero contre Parlement européen.
    Fonctionnaires - Concours interne - Nomination à un emploi de chef de division.
    Affaire C-304/97 P.

    Recueil de jurisprudence 1999 I-01749

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:622

    61997C0304

    Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 17 décembre 1998. - Fernando Carbajo Ferrero contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Concours interne - Nomination à un emploi de chef de division. - Affaire C-304/97 P.

    Recueil de jurisprudence 1999 page I-01749


    Conclusions de l'avocat général


    Introduction

    1 Le présent pourvoi concerne une contestation relative à la nomination, par le Parlement européen, du chef de division de son bureau d'information de Madrid. La question la plus complexe est de savoir si une institution peut fixer, pour un concours interne, des conditions d'admission qui s'écartent de celles qui figuraient dans l'avis de vacance initial.

    Contexte juridique et factuel

    2 Pendant deux périodes de onze mois chacune, en 1993 et en 1994/1995, il a été demandé au requérant, un fonctionnaire de grade A 5, échelon 2, au bureau d'information du Parlement européen à Madrid, de remplir, ad interim, les fonctions de chef de division de ce bureau.

    3 Le 10 janvier 1994, le Parlement européen a publié l'avis de vacance n_ 7424 relatif au poste III/A/2743, chef de division du bureau d'information de Madrid, dans le but de pourvoir ce poste par voie de promotion ou de mutation au sein de l'institution. Les qualifications requises étaient les suivantes:

    «- Études universitaires sanctionnées par un diplôme ou expérience professionnelle garantissant un niveau équivalent;

    - expérience confirmée en matière de relations publiques et en matière de journalisme;

    - connaissance approfondie du fonctionnement des moyens d'information et du système gouvernemental espagnol;

    - très bonne connaissance des problèmes européens;

    - connaissance approfondie d'une des langues officielles des Communautés européennes; très bonne connaissance d'une autre de ces langues. Pour des raisons fonctionnelles, la connaissance approfondie de la langue espagnole est exigée. La connaissance d'autres langues officielles des Communautés européennes sera prise en considération.»

    4 Il a été jugé qu'aucun des candidats s'étant présentés à ce poste n'avait l'expérience appropriée. Le 9 mars 1994, le Parlement européen a publié l'avis A/88 de concours interne à l'institution (ci-après l'«avis A/88»). Les conditions d'admission à ce concours étaient fixées de la façon suivante:

    «A. Titres, diplômes et expérience professionnelle requis

    Être titulaire d'un diplôme d'études universitaires complètes et avoir effectué cinq années de service continu en qualité de fonctionnaire, ou agent temporaire, ou agent auxiliaire dans les Institutions communautaires

    B. Connaissances linguistiques

    Avoir une parfaite maîtrise de la langue espagnole et une très bonne connaissance d'une autre langue de l'Union européenne».

    5 Le requérant a participé au concours et a été placé par le jury en deuxième position sur la liste d'aptitude. Le directeur général de la direction générale de l'information a eu un entretien avec les trois premiers lauréats de la liste; en tenant compte en particulier des résultats du concours et de l'expérience de chaque candidat dans le domaine des activités liées à l'information et en matière de management, il a proposé la nomination du requérant au poste III/A/2743. Par une note du 30 janvier 1995, le secrétaire général a proposé à l'autorité investie du pouvoir de nomination, le président du Parlement européen, la nomination d'un autre candidat (ci-après «X») qui figurait en première position sur la liste d'aptitude. Par décision du 21 février 1995, le président a nommé X à ce poste.

    6 La réclamation du requérant, du 29 mai 1995, a été rejetée par une lettre du 6 octobre 1995 et son recours en annulation de la décision nommant X et de la décision de ne pas nommer le requérant au poste en question a été, à son tour, rejeté par le Tribunal de première instance le 12 juin 1997 (1).

    Analyse des moyens du pourvoi

    7 Dans le cadre de son pourvoi devant la Cour, le requérant invoque six moyens que nous aborderons dans l'ordre suivi par le Tribunal de première instance pour traiter des moyens équivalents.

    8 Pour commencer, nous tenons à préciser, et il s'agit là d'une question d'application générale, que le Parlement européen a fait un usage pour le moins immodéré de l'argument tiré de l'irrecevabilité de l'ensemble des moyens du pourvoi, motifs pris de ce qu'ils reprennent simplement les arguments soulevés devant le Tribunal de première instance. Il est clair qu'une telle argumentation n'est valable dans aucun cas de figure. Pour chaque moyen, le pourvoi identifie les éléments de l'arrêt attaqué du Tribunal de première instance contestés par le requérant et expose les raisons qui le motivent. Ses arguments reposent bien évidemment sur ceux qui ont d'abord été soumis au Tribunal. Ils seraient irrecevables s'ils n'avaient pas été soulevés devant le Tribunal, conformément à l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice.

    Le premier moyen du pourvoi

    9 Ce moyen, présenté sous une forme plutôt décousue sous la rubrique consacrée à l'allégation de détournement de pouvoir, consiste pour l'essentiel à soutenir que le Parlement européen n'a pas respecté les termes de l'avis de vacance n_ 7424 en adoptant l'avis A/88; en conséquence, X, qui ne pouvait, à la date limite de dépôt des candidatures au concours, se prévaloir d'une «expérience confirmée en matière de relations publiques et de journalisme», a pu participer au concours.

    10 Les constatations du Tribunal de première instance en réponse à cet argument se trouvent sous les points 45 à 60 des motifs de son arrêt (2). Les points essentiels peuvent être résumés en ces termes:

    - les conditions figurant dans l'avis A/88 auraient pu valablement se limiter à celles précisées à l'article 5, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), à savoir des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle d'un niveau équivalent. L'avis avait donc, sans l'ombre d'un doute, énoncé avec une précision suffisante les conditions requises pour occuper ce poste; le respect de ces conditions pouvait être apprécié par le jury (points 48 et 49) (3);

    - lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination décide d'élargir ses possibilités de choix en passant d'une phase de la procédure de recrutement à une autre, selon l'ordre prévu par l'article 29, paragraphe 1, du statut, elle doit veiller à ce que soit respectée la concordance entre les conditions énoncées dans l'avis de vacance et celles qui apparaissaient dans les avis relatifs aux phases ultérieures (point 50) (4);

    - en l'espèce «il n'y a pas eu de changement substantiel dans l'examen auquel ont été soumis les candidats», le jury les ayant testés sur leurs connaissances et qualifications professionnelles au second stade du concours, dans le cadre des épreuves, et non au premier stade, concernant le respect des conditions d'admission au concours (point 51);

    - en tout état de cause, l'avis A/88 n'a pas été modifié de manière à porter atteinte au droit des membres du personnel de l'institution de se présenter au concours et, partant, à favoriser des candidatures externes (point 52). Le Parlement européen avait fait valoir que le raisonnement de l'arrêt Van der Stijl ne s'appliquait pas lorsque les intérêts des candidats internes n'étaient pas lésés par rapport à ceux des candidats externes;

    - le requérant n'avait pas contredit l'affirmation du Parlement européen, en ce sens que, conformément à la décision du bureau du Parlement du 15 mars 1989, les seules conditions d'admission pouvant être fixées pour un concours interne étaient l'ancienneté et le diplôme universitaire et, le cas échéant, la connaissance d'une certaine langue officielle (point 53);

    - le requérant n'avait pas produit d'indices objectifs, pertinents et concordants d'un abus de pouvoir, en ce que les conditions figurant dans l'avis A/88 auraient été organisées de façon à permettre à X de participer au concours (points 54 et 55);

    - l'organisation d'un concours interne a profité au requérant, puisqu'il ne pouvait poser sa candidature pour être promu à ce poste (point 56).

    11 Le requérant soutient que la jurisprudence citée par le Tribunal de première instance est sans pertinence puisque son grief vise uniquement la nomination à un seul poste et non à plusieurs, comme dans l'arrêt Marcato/Commission (5), ni l'établissement d'une liste de réserve, comme dans l'arrêt Belardinelli e.a./Cour de justice (6). C'est donc à tort que le Tribunal de première instance a jugé qu'il suffisait que l'avis de concours contienne les conditions minimales définies par l'article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut. De plus, une modification substantielle serait intervenue entre l'avis de vacance et l'avis A/88; les conditions fixées par le premier pour occuper le poste n'étaient pas reprises dans le dernier avis. Cette modification a permis à d'autres fonctionnaires de l'institution, dont X, de concourir, alors qu'ils auraient autrement été exclus. L'examen des connaissances et des qualifications professionnelles à un stade ultérieur, dans le cadre du concours lui-même, est sans pertinence et ne respecte pas la procédure en deux étapes établie par l'article 5 de l'annexe III du statut. La circonstance que cette modification n'a pas profité à des candidats externes est sans pertinence, puisqu'il doit exister une concordance entre les conditions énoncées dans les différentes phases même si la procédure de recrutement reste interne à l'institution. Si l'autorité investie du pouvoir de nomination avait décidé que les conditions ressortant de l'avis de vacance ne répondaient plus aux besoins du service, cet avis aurait dû être retiré et une nouvelle procédure de recrutement aurait dû être engagée conformément à des critères différents (7).

    12 Le Parlement européen soutient que ce moyen est non fondé, au motif que, rien, dans le statut, ne justifie une distinction entre les procédures de recrutement ou n'exige plus ou moins de précision dans la rédaction de l'avis de concours, en fonction du nombre de postes disponibles.

    13 La résolution de cette question dépend de l'interprétation de l'article 29, paragraphe 1, du statut. Celui-ci dispose que:

    «En vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné:

    a) les possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution (8);

    b) les possibilités d'organisation de concours internes à l'institution;

    c) les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés européennes;

    ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l'annexe III.

    Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.»

    14 Dans l'arrêt Van Belle/Conseil, la Cour a relevé que l'article 29 «fait partie du chapitre du statut consacré au recrutement» et «règle les différentes façons de pourvoir à une vacance d'emploi», et a considéré que l'institution doit examiner les trois possibilités décrites au paragraphe 1 «par ordre de préférence» (9).

    15 Il découle de l'économie générale du statut que, lorsqu'une institution choisit de pourvoir un poste vacant par voie de promotion, conformément à l'article 29, paragraphe 1, sous a), l'article 45, paragraphe 1, s'applique concurremment (10). Dans l'arrêt Grassi/Conseil, la Cour a établi que, lorsqu'une institution décide de nommer un fonctionnaire à un poste par voie de promotion, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, en particulier, dans la comparaison des mérites respectifs des candidats, mais cela «suppose, de ce fait même, un examen scrupuleux des dossiers et une observation consciencieuse des exigences énoncées à l'avis de vacance» (11). Cette discrétion doit toutefois être exercée «dans le cadre [que l'institution] s'est imposé à elle-même par l'avis de vacance». La fonction de base de l'avis de vacance, qui doit faire état «des conditions particulièrement requises pour remplir ce poste», étant d'«informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour remplir le poste dont s'agit afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature», l'institution ne saurait modifier ces conditions ex post facto; lorsque l'institution découvre que les conditions initialement fixées étaient plus sévères que nécessaire, il lui est loisible de retirer l'avis de vacance initial et de le remplacer (12).

    16 Dans l'arrêt Van der Stijl (13), la Commission avait décidé d'organiser un concours général, sur la base d'un avis de concours fixant les conditions requises pour le poste, lesquelles étaient nettement moins strictes que celles de l'avis de vacance initial. La Cour a jugé que, bien que les principes posés dans l'arrêt Grassi/Conseil étaient «énoncés à propos d'une procédure de promotion interne, il conv[enait] de les appliquer avec d'autant plus de rigueur en ce qui concerne la correspondance entre l'avis de vacance et l'avis de concours. Toute autre interprétation viderait de leur effet les dispositions de l'article 29 du statut, qui imposent aux institutions d'examiner la possibilité de recrutement interne avant d'organiser un concours général» (14).

    17 En l'espèce, le Parlement européen, n'ayant pas réussi à pourvoir le poste par voie de promotion ou de mutation au sein de l'institution, avait la possibilité de passer au stade de l'organisation d'un concours interne. La question qui se pose est de savoir s'il lui était loisible de baser ce concours sur des conditions différentes et moins exigeantes par rapport à celles définies par l'avis de vacance.

    18 Il nous semble clair, sur la base tant de l'économie et du texte de l'article 29, paragraphe 1, que de la jurisprudence de la Cour, que l'institution ne peut, dans un avis de concours interne, modifier les conditions déjà établies par l'avis de vacance. La finalité de cet article est d'accorder rang de priorité, dans le cadre d'une série d'étapes progressives, à ceux qui servent déjà l'institution (deux premières étapes) ou les institutions en général (troisième étape). La procédure établie par cette disposition doit être suivie lorsque l'institution souhaite pourvoir un poste vacant; chaque étape successive doit avoir lieu par référence à ce poste tel qu'il a été déjà présenté. L'avis de vacance énonce les paramètres fondamentaux de la procédure, en particulier en définissant la nature du poste à pourvoir; toute modification ultérieure de ces conditions modifie la nature du poste à pourvoir et fausse par conséquent l'entière procédure. Agir ainsi revient à modifier les règles du jeu.

    19 Si une institution devait assouplir les conditions initiales en passant de la première phase à l'organisation d'un concours interne, elle exclurait ce faisant de la promotion ou de la mutation des fonctionnaires de l'institution en question qui auraient pu répondre aux conditions moins strictes définies dans l'avis de concours. Ces fonctionnaires seraient bien évidemment en mesure de poser leurs candidatures au stade du concours interne, mais cela importe peu; l'article 29, paragraphe 1, du statut est destiné à leur conférer le droit à ce que leurs candidatures soient prises en considération avant que l'institution ne puisse prendre la décision d'organiser un concours interne. De plus, en assouplissant les conditions figurant dans l'avis de concours, l'institution peut admettre au concours des fonctionnaires n'ayant pas, pour ce poste, les qualifications qu'elle-même a fixées comme étant nécessaires dans l'intérêt du service.

    20 Les problèmes nés d'une telle interprétation de l'article 29, paragraphe 1, ne s'arrêtent pas là. Par exemple, si l'institution devait décider que ni la promotion, ni la mutation, ni un concours interne ne sont «susceptibles d'aboutir à la nomination d'une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité», qui constitue la finalité fondamentale de cette disposition (15), il lui serait loisible de tenir compte des candidatures en vue d'un transfert interinstitutionnel, conformément au point c). Mais se poserait alors la question de savoir si cette décision doit être prise à la lumière de la définition du poste vacant dans l'avis de vacance initial ou de celle, moins stricte, de l'avis de concours. Si l'on autorisait la modification des conditions entre les différents stades, l'autorité investie du pouvoir de nomination pourrait soit assouplir encore les critères soit, à titre d'alternative, imposer des conditions encore plus strictes que celles qui figuraient dans l'avis de vacance initial, ni l'une ni l'autre de ces possibilités n'apparaissant conformes à l'économie de l'article 29, paragraphe 1, du statut.

    21 Selon nous, l'interprétation de l'article 29, paragraphe 1, que le Tribunal de première instance a adoptée en l'espèce constitue une erreur de droit. Nous ne voyons aucun motif qui s'opposerait à une application générale de l'interprétation de cette disposition que la Cour a faite sienne dans son arrêt Grassi/Conseil, en ce sens que, «lorsqu'il y a lieu de pourvoir un poste, cette autorité doit déjà se rendre compte, au moment de la rédaction de l'avis de vacance, des conditions particulièrement requises pour remplir ce poste, mais ... il n'est pas satisfait aux dispositions du statut si elle ne s'avisait de ces conditions qu'après la publication de l'avis» (16).

    Nous pourrions ajouter que, dans les circonstances de l'affaire Grassi/Conseil, la question du traitement de faveur des candidats externes ne s'était pas posée puisque la procédure de nomination était entièrement interne, et était basée sur les articles 29, paragraphe 1, sous a), et 45, paragraphe 1, du statut. Cette thèse est confirmée par les termes mêmes de l'arrêt Van der Stijl; la circonstance que la Cour a jugé que les principes établis dans l'arrêt Grassi/Conseil devaient être appliqués «avec d'autant plus de rigueur» dès lors que l'institution décidait d'organiser un concours général ne signifie nullement, comme l'a soutenu le Parlement européen, que ces principes n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque l'institution organise un concours interne (17).

    22 Sous les points 48 et 49 de son arrêt, le Tribunal de première instance a jugé, sur la base des arrêts Marcato/Commission et Belardinelli e.a./Cour de justice, qu'il aurait suffit que l'avis de concours définisse, en tant que conditions d'admission, les conditions minimales établies par l'article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut. C'est en vain que nous cherchons la pertinence de ces arrêts pour cet aspect de la présente procédure. Dans l'arrêt Marcato/Commission, les quatre vacances d'emploi litigieuses avaient été annoncées dans l'avis de concours, publié en même temps que l'avis de vacance (18); il ne pouvait être question, ce qui n'a pas été le cas, d'une éventuelle incohérence entre les deux. Le litige de l'affaire Belardinelli e.a./Cour de justice concernait les conditions d'admission à un concours interne organisé dans le but de constituer une liste de réserve de fonctionnaires de grade B, et non un seul poste vacant; il n'était donc pas nécessaire, ni même possible, de définir les conditions d'admission en tenant compte d'un éventuel avis de vacance. En tout état de cause, le grief du requérant, en l'espèce, n'est pas que l'avis A/88 était en tant que tel insuffisamment précis, mais qu'il divergeait de l'avis de vacance n_ 7424.

    23 Visiblement, le Tribunal de première instance suppose que l'institution en question peut suppléer une éventuelle divergence entre l'avis de vacance et l'avis de concours en appliquant les conditions fixées dans le premier avis lors des épreuves requises par ce dernier (points 51 et 52). Cependant, l'article 5 de l'annexe III du statut prévoit que le jury d'une institution organisant un concours doit d'abord déterminer «la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours» avant de procéder aux épreuves elles-mêmes. Le stade auquel un critère est appliqué, et la sévérité avec laquelle il est appliqué à ce stade, peuvent se traduire par des résultats différents. On ne saurait soutenir qu'il importe peu de savoir si un critère déterminé est utilisé en tant que condition (stricte) de participation à un concours ou en tant que ligne directrice (moins stricte) utilisée par le jury pour le déroulement du concours. A titre d'exemple, le requérant affirme que le Parlement européen a soutenu devant le Tribunal de première instance que, s'il avait maintenu dans l'avis de concours, en tant que conditions d'admission, les conditions prévues par l'avis de vacance, X n'aurait pu participer à ce concours, puisqu'il n'avait pas, à la date limite de présentation des candidatures, l'expérience requise dans le domaine des relations publiques et du journalisme.

    24 Cet argument du Parlement européen nous semble indiquer non seulement que l'avis de concours a bien assoupli les conditions d'admission prévues par l'avis de vacance, mais encore que cette modification avait expressément pour finalité d'admettre au concours des candidats qui ne remplissaient pas ces conditions.

    25 Sous le point 56 de son arrêt, le Tribunal de première instance a affirmé, à juste titre, que l'organisation d'un concours interne a profité au requérant, qui n'avait pu présenter sa candidature en vue d'une nomination par voie de promotion ou de mutation. Cependant, il est clair que cette affirmation ne répond pas à l'argument du requérant, en ce sens qu'un candidat a été admis alors qu'il n'aurait pu être admis à un concours organisé conformément à l'avis de vacance. La jurisprudence reconnaît intégralement la légitimité de ce type d'argument (19).

    26 Sous le point 53 de son arrêt, le Tribunal de première instance se fonde sur une décision du bureau du Parlement, du 15 mars 1989, définissant les conditions d'admission autorisées aux concours internes à cette institution. Quels que soient ses termes, il ne nous semble pas qu'une décision interne à une institution puisse primer sur les exigences du statut.

    27 Il s'ensuit, selon nous, qu'il y a lieu d'admettre l'argument du requérant en ce sens que le Tribunal de première instance a commis une erreur de droit en constatant que le Parlement européen n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, méconnu la procédure établie par l'article 29, paragraphe 1, en nommant X.

    28 Le requérant a tenté d'invoquer les irrégularités de l'avis de concours comme étant des indices d'un détournement de pouvoir, en l'espèce, l'utilisation de la procédure de recrutement dans le but de nommer un candidat préalablement sélectionné et ne possédant pas les qualités requises pour occuper ce poste. La Cour doit accepter, et nous ne voyons aucun motif de mettre en cause, la conclusion du Tribunal de première instance selon laquelle le requérant n'a pas produit d'indices objectifs, pertinents et concordants de ce que la nomination ou le concours auraient procédé de finalités autres que celles pour lesquelles l'autorité investie du pouvoir de nomination a été dotée du pouvoir d'organiser le recrutement.

    29 Cependant, l'irrégularité qui entache la fixation des conditions de l'avis de concours nous semble avoir eu une incidence directe sur l'issue de ce concours. Pour cette raison, nous sommes d'avis que la Cour devrait faire droit aux conclusions du requérant. Nous tenons à ajouter, pour apaiser toutes craintes que ferait naître la possible annulation de la décision portant nomination de X à ce poste sans que celui-ci ait été entendu dans le cadre de la présente procédure, qu'il avait la possibilité d'intervenir en tant que tiers justifiant d'un intérêt à la solution du litige (20). Il a nécessairement eu connaissance du recours du requérant par le biais du résumé publié au Journal officiel des Communautés européennes (21), et le fait qu'un tiers intéressé n'est pas intervenu (22), préférant s'en remettre à l'institution l'ayant nommé pour la défense appropriée de ses droits (23), ne saurait empêcher la Cour de rendre l'arrêt qui s'impose dans une affaire telle que celle de l'espèce.

    30 Eu égard à ce qui précède, nous estimons que l'arrêt du Tribunal de première instance, en ce qu'il rejette le grief du requérant tiré de la modification, par le Parlement européen, des conditions de nomination au poste III/A/2743, chef de division du bureau d'information de Madrid, dans l'avis de concours interne A/88, doit être annulé et que les décisions portant nomination du candidat retenu à ce poste et rejetant la candidature du requérant doivent être annulées.

    Le deuxième moyen du pourvoi

    31 Ce moyen de pourvoi consiste à reprocher au Tribunal de première instance d'avoir rejeté le grief du requérant tiré d'une violation de l'avis de concours en raison du comportement discriminatoire du jury chargé de vérifier les connaissances linguistiques. En substance, le Tribunal a considéré que ce grief avait été présenté pour la première fois lors de l'audience. Il est donc nécessaire d'examiner brièvement l'historique de ce grief. Il est important de rappeler que l'issue des épreuves linguistiques semble avoir joué un rôle crucial, voire décisif, dans le choix final de X préféré au requérant. Comme ce dernier semble l'avoir su depuis le début, à l'issue de ces épreuves, un seul point séparait ces deux candidats et cette différence était liée aux épreuves linguistiques, dans lesquelles X avait obtenu cinq points contre quatre pour le requérant. Le directeur général a recommandé le requérant sur la base de sa plus grande expérience en matière de relations publiques. Le secrétaire général, relevant, toutefois, l'extrême difficulté du choix à opérer, a recommandé de suivre les conclusions du jury, d'où la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination en faveur de X.

    32 Dans son pourvoi, de même que dans sa requête initiale, le requérant a soutenu que, puisque les conditions d'admission au concours ne prévoyaient qu'«une parfaite maîtrise de la langue espagnole ainsi qu'une très bonne connaissance d'une autre langue de l'Union européenne», le jury avait méconnu ces conditions en tenant compte de la connaissance d'une troisième et d'une quatrième langue. Dans une phrase cruciale pour cette question, il a poursuivi en affirmant que le jury avait traité de façon discriminatoire les candidats, dont le requérant, «qui n'ont pas, et ce légitimement, réservé une attention particulière aux questions particulières qui leur ont éventuellement été posées par le jury dans une troisième ou une quatrième langue».

    33 Le premier point à soulever s'agissant de ce grief, tel qu'il est formulé, est que, comme l'a relevé le Parlement européen dans son mémoire en défense, et comme l'a admis le Tribunal de première instance, l'avis de concours, sous le point III.B.2.c, prévoyait «une conversation libre avec le jury de nature à lui permettre de constater les connaissances des candidats dans les autres langues que leur langue principale». Le Tribunal a donc considéré que le jury n'avait pas dépassé le cadre de l'avis de concours en évaluant les connaissances des candidats dans une troisième ou une quatrième langue. Cette conclusion n'a pas été contestée lors du pourvoi. Il reste à examiner le grief du requérant tiré de la discrimination en ce que X aurait été traité de façon plus favorable en étant questionné dans d'autres langues, ce qui n'a pas été le cas du requérant. Le premier problème concerne la formulation du grief de la discrimination tel que nous l'avons résumé dans le point précédent.

    34 A la date de son recours devant le Tribunal de première instance, le requérant avait nécessairement connaissance, comme l'a relevé le Parlement européen, des faits concernant ses propres entretiens avec le jury et, en particulier, si on lui avait ou non posé des questions dans une troisième ou une quatrième langue. Il savait également, ce qu'il a soutenu dans sa requête, que l'unique point qui le séparait de X était le résultat des épreuves linguistiques. Cependant, il s'est contenté de se prévaloir de son droit légitime de ne pas prêter une attention particulière à de telles questions, ce qui est tout à fait différent de son grief actuel consistant à soutenir qu'il n'a pas, pour sa part, été soumis à de telles questions. Il nous semble que l'allégation présentée dans la requête n'était pas indépendante de son grief actuel, quoique inexact, en ce sens qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la troisième ou la quatrième langue. Eu égard au rôle central que les épreuves linguistiques ont joué, nous aurions été enclin à souscrire à la position du requérant sur ce point pour peu qu'il l'ait présentée clairement. Cependant, l'allégation présentée dans la requête est, au mieux, ambiguë. A supposer qu'elle ait une signification, elle sous-entend que le requérant a été interrogé dans une troisième ou quatrième langue mais que, pour des raisons qu'il prétend légitimes, il n'y était pas préparé. Dans ce cadre, aucune excuse raisonnable ne saurait justifier qu'il n'ait pas affirmé, si c'était bien le cas, ne pas avoir été interrogé dans une troisième ou quatrième langue.

    35 Dans sa réplique dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de première instance, le requérant a continué à insister sur le fait qu'il n'était pas possible d'interroger les candidats dans une troisième ou quatrième langue et que le point III.B.2.c de l'avis signifiait simplement qu'une langue autre que l'espagnol serait prise en considération. Toutefois, il a poursuivi en faisant valoir, «à titre subsidiaire», qu'il aurait probablement obtenu plus de points dans le cadre de l'examen des connaissances linguistiques, «s'il avait été interrogé dans les mêmes termes que [X] sur ses connaissances d'une troisième ou d'une quatrième langue - quod non». Il n'a pas précisé s'il soutenait désormais ne pas avoir été interrogé du tout dans une troisième ou une quatrième langue. Là encore, son allégation était ambiguë alors que rien ne justifiait une telle ambiguïté.

    36 Avant l'audience, le Tribunal de première instance a demandé au Parlement européen de produire certains documents. Parmi ces documents figuraient le rapport du jury ainsi qu'une grille dans une annexe de ce rapport (n_ 5) présentant les points obtenus par les candidats dans les épreuves. Le requérant s'est fondé sur ce document, lors de l'audience (voir le point 62 de l'arrêt), pour soutenir la thèse de l'inégalité de traitement. X a obtenu trois points pour l'italien, et un point pour le français et pour l'anglais, tandis que le requérant a obtenu trois points pour le français et un pour l'anglais. Il a invoqué le fait que la case pertinente contenait simplement un tiret pour démontrer qu'il n'avait pas été interrogé dans d'autres langues, telles que l'italien et le portugais qu'il avait affirmé connaître dans son acte de candidature.

    37 Le Tribunal de première instance a jugé que l'argument du requérant en ce sens que le jury n'avait pas interrogé les candidats sur leurs connaissances de toutes les langues mentionnées dans leur acte de candidature au poste avait été avancé pour la première fois lors de l'audience, mais n'a pas considéré cet argument comme irrecevable pour ce motif (points 70 et 71). Il a au contraire considéré (point 72) que les allégations d'irrégularité de l'épreuve linguistique étaient «gratuites et ne suffis[ai]ent pas pour établir que le jury n'a pas testé ses connaissances dans toutes les langues dont il avait indiqué, dans son acte de candidature, avoir connaissance».

    38 Le grief du requérant, au présent stade, est que le Tribunal de première instance a jugé à tort que cette allégation avait été avancée pour la première fois lors de l'audience. Il soutient pour la première fois de façon explicite ne pas avoir été interrogé dans une troisième ou quatrième langue. Nous sommes enclin à rejeter ce moyen de pourvoi. Premièrement, le Tribunal de première instance a eu l'opportunité d'entendre l'ensemble des arguments et allégations des parties lors de l'audience, s'agissant de l'interprétation qu'il convenait de faire du tableau figurant dans cette annexe 5. Il s'agit d'une appréciation de fait qui ne peut être examinée lors d'un pourvoi. En tirant cette conclusion, il était loisible au Tribunal de tenir compte de l'historique des conclusions du requérant et, en particulier, du fait que ce grief n'avait pas été soulevé dans la requête initiale. Deuxièmement, en jugeant que la question avait été introduite pour la première fois lors de l'audience, le Tribunal a négligé l'allusion, dans la réplique, à la prétendue différence de traitement par rapport à X. Cependant, cette allégation était, comme nous l'avons dit, ambiguë. En tout état de cause, cet argument était d'emblée irrecevable pour ne pas avoir été avancé dans la requête. Troisièmement, les références à une troisième et à une quatrième langue régulièrement faites par le requérant avant l'audience supposaient de compter l'espagnol en tant que première langue. Il ressort de l'annexe 5 que le requérant a bien obtenu une note en anglais et a donc vraisemblablement été interrogé dans cette langue. L'incohérence de sa position met en évidence la difficulté à laquelle est confronté le Tribunal de première instance pour tirer une conclusion à partir des éléments de fait. Il n'appartient pas à la Cour de faire des constatations en l'absence d'erreur manifeste dans l'arrêt attaqué. Selon nous, il n'y en a aucune sur cette question.

    Les troisième et quatrième moyens du pourvoi

    39 Le requérant a soutenu, dans sa requête devant le Tribunal de première instance, que la pratique normale de l'autorité investie du pouvoir de nomination était de suivre la proposition du directeur général de la direction générale de l'information, et que cette autorité n'aurait pas dû s'en écarter sans fournir des raisons spéciales pour procéder ainsi. Même si le Parlement européen n'a pas contesté l'existence d'une telle pratique, le Tribunal de première instance a affirmé que ni le statut ni aucune autre mesure ne prescrivaient que l'autorité investie du pouvoir de nomination demande, et encore moins suive, l'avis du directeur général compétent (point 76). L'article 30 du statut donnait à l'autorité investie du pouvoir de nomination le droit de choisir parmi les candidats figurant sur une liste d'aptitude établie par le jury. Si l'autorité investie du pouvoir de nomination pouvait décider de s'écarter de l'ordre de préférence établi par le jury, elle pouvait le faire, à plus forte raison, s'agissant d'une proposition purement consultative, non prévue par le statut, présentée après l'élaboration de la liste par le jury (point 77).

    40 A titre de troisième moyen de pourvoi, le requérant soutient que la pratique générale consistant à suivre l'avis du directeur général responsable a le caractère d'«une directive interne, par laquelle l'administration s'impose à elle-même des règles de conduite indicatives, dont elle ne peut s'écarter sans préciser les raisons qui l'y ont amenée» (24).

    41 Le quatrième moyen du pourvoi concerne l'argument plus général du requérant soumis au Tribunal de première instance et concernant la violation de l'obligation de motivation de toute décision faisant grief à un fonctionnaire, conformément à l'article 25, deuxième tiret, du statut. Le Tribunal de première instance a relevé que l'autorité investie du pouvoir de nomination est tenue d'exposer les motifs de rejet d'une réclamation introduite par un candidat à l'encontre d'une décision de ne pas le nommer à un poste (25). Le caractère suffisant des motifs avancés devait être apprécié à la lumière des circonstances concrètes, telles que le contenu de l'acte, les motifs invoqués et l'intérêt du destinataire à recevoir des explications (26). Le motif avancé en réponse à la réclamation du requérant, à l'appui de la nomination du candidat retenu et non du requérant au poste disputé, était la volonté de l'autorité investie du pouvoir de nomination de respecter l'ordre de priorité adopté dans la liste d'aptitude préparée par le jury (point 85). Le Tribunal de première instance a jugé cette motivation suffisante. Elle ressortait déjà implicitement de l'affirmation, apparaissant dans la lettre informant le requérant de l'issue du concours, selon laquelle serait nommé le candidat placé en premier sur la liste du jury (point 86). Le fait que le requérant n'ait pas été informé avant le début de la procédure que la différence entre les points attribués par le jury à ces deux candidats était liée à l'épreuve linguistique était sans pertinence puisque la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination reposait simplement sur le total des notes (point 87). S'agissant de la proposition du directeur général, le Tribunal de première instance a affirmé que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'était pas obligée de le consulter, que les candidats avaient déjà été classés par ordre de mérite par le jury, et qu'il ne pouvait exister d'obligation supplémentaire de motivation lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination choisissait de suivre le classement établi par ce jury (point 88).

    42 Le requérant soutient également, dans le quatrième moyen de son pourvoi, qu'il aurait dû être informé des raisons de la décision du jury de ne le placer qu'en deuxième position, et le candidat retenu en premier, sur la liste d'aptitude. En particulier, il aurait dû être informé du caractère décisif de l'épreuve linguistique, afin d'être en mesure de déceler le traitement prétendument discriminatoire s'agissant de ses troisième et quatrième langues (27). Il réitère également son argument concernant les motifs du non-respect de la proposition du directeur général.

    43 La réponse du Parlement européen à ces deux moyens de pourvoi consiste à soutenir que les motifs fournis à l'appui de la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination étaient suffisants, y compris s'agissant de la décision de s'écarter de la proposition du directeur général.

    44 La décision dans l'affaire Pierrat/Cour de justice concernait un comité consultatif qui n'avait pas été prévu dans le statut, mais qui avait été spécialement instauré dans le but d'assister l'autorité investie du pouvoir de nomination dans le cadre du recrutement, en l'absence d'organisme statutaire similaire (28). Selon nous, la situation de ces comités ne peut être comparée à celle d'un haut fonctionnaire, tel le directeur général compétent, consulté, comme le veut l'habitude, par l'autorité investie du pouvoir de nomination, mais qui a donné un avis dans le cadre d'un concours pour lequel un jury avait été constitué en application du statut lui-même. Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination préfère suivre le classement établi par le jury, il n'est donc nullement besoin de justification supplémentaire, au-delà de la motivation normale, justifiant qu'elle n'ait pas suivi l'avis demandé à d'autres sources en dehors des exigences du statut.

    45 De façon plus générale, il nous semble que la volonté de suivre le classement choisi par le jury d'un concours constitue un motif valable et suffisant pour l'autorité investie du pouvoir de nomination de nommer un candidat plutôt qu'un autre. Cette autorité n'a pas pour fonction d'expliquer comment ou pourquoi le jury est parvenu à établir un ordre de mérite particulier, compte tenu de l'indépendance de celui-ci. S'agissant du prétendu manquement du jury en ce qu'il n'aurait pas suivi l'avis de concours pour l'épreuve linguistique, le requérant était en mesure, comme nous l'avons déjà relevé ci-dessus, de vérifier lui-même dans quelles langues il était interrogé et si cela correspondait à l'avis de concours. Nous sommes donc d'avis que ces deux moyens doivent être rejetés.

    Le cinquième moyen du pourvoi

    46 Le requérant a soutenu devant le Tribunal de première instance que la décision de nommer le candidat retenu constituait une violation des principes de bonne administration et de l'intérêt du service, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation. Il a fait valoir en particulier que le jury ne pouvait valablement avoir admis au concours, et retenu en première position, un candidat qui n'avait pas les qualifications et l'expérience requises pour occuper le poste en question, que l'épreuve linguistique n'aurait pas dû avoir été décisive étant donné qu'elle donnait lieu à un maximum de 5 points sur un total possible de 105, et que la langue italienne n'était pas indispensable à l'exercice du poste en question. Au lieu de cela, l'autorité investie du pouvoir de nomination aurait dû suivre l'avis du directeur général de la direction générale de l'information.

    47 Le Tribunal de première instance a rejeté l'argument tiré du principe de bonne administration, au motif que rien ne laissait paraître que le jury n'était pas en mesure d'évaluer les candidats pour le poste litigieux (29). S'agissant de la question de l'intérêt du service, le Tribunal de première instance a affirmé que, compte tenu de la marge discrétionnaire dont dispose l'autorité investie du pouvoir de nomination pour évaluer cet intérêt, l'examen du Tribunal de première instance se limitait à la question de savoir si l'autorité était restée dans les limites de ce pouvoir discrétionnaire et n'en avait pas fait un exercice manifestement erroné (30). De plus, le travail du jury était de nature comparative, basé sur les prestations des candidats dans le cadre des épreuves du concours, et ne pouvait être examiné par les juridictions communautaires qu'en cas de violation manifeste des règles qui président à ses travaux (point 101). Sur les faits de la cause, ayant examiné la candidature au concours du candidat finalement retenu ainsi que son curriculum vitae, le Tribunal de première instance a conclu qu'il n'était pas manifestement non qualifié pour occuper le poste litigieux. Le fait que le jury lui avait attribué des notes égales à celles attribuées au requérant dans l'ensemble des épreuves autres que l'épreuve linguistique indiquait qu'il avait démontré ses capacités à exercer les fonctions afférentes à ce poste (point 103).

    48 Dans son pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal de première instance n'a pas tenu compte de l'avis du directeur général compétent à l'autorité investie du pouvoir de nomination, lequel mettait notamment en évidence l'expérience et la compétence avérée du requérant, et proposait qu'il soit nommé à ce poste. Cependant, comme l'a signalé le Tribunal de première instance, il ne lui appartenait pas de substituer sa propre appréciation des candidats à celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination (point 99). Le Tribunal de première instance a constaté qu'aucun élément n'indiquait que le candidat finalement retenu était manifestement non qualifié pour être nommé au poste litigieux. Cette conclusion n'est pas affectée par la preuve de la haute opinion que le directeur général avait du requérant. En tout état de cause, le directeur général n'avait pas participé aux épreuves organisées par le jury, qui constituaient une part essentielle de la procédure d'évaluation des candidats prévue par l'avis de concours. Par conséquent, il n'existe aucun motif permettant de conclure que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas respecté le principe de l'intérêt du service, ou a commis une erreur manifeste d'appréciation en suivant le classement qui ressortait de la liste d'aptitude élaborée par le jury. Nous penchons donc pour le rejet de ce moyen de pourvoi.

    Le sixième moyen du pourvoi

    49 Le requérant soutient que le Tribunal de première instance a commis une erreur de droit en rejetant sa preuve d'une prétendue partialité dans la composition du jury. Dans sa requête, il avait soutenu que l'un des membres du jury, son supérieur hiérarchique immédiat, avait formulé à son encontre une accusation non fondée de népotisme, en écrivant au directeur général de la direction générale de l'information que le requérant avait proposé d'utiliser des fonds communautaires au profit d'une association présidée par son frère. Le directeur général aurait montré cette lettre au requérant, lui demandant de s'expliquer sur ce point. Selon le requérant, cet agissement aurait dû s'opposer à ce que cet accusateur fasse partie du jury.

    50 Le Parlement européen a démenti avoir eu connaissance de cette lettre. Le Tribunal de première instance a jugé que le requérant n'avait pas fourni d'éléments de preuve suffisants de son existence (point 109) et a rejeté cette allégation.

    51 Nous convenons avec le requérant que ses déclarations concernant l'existence de la lettre ne sauraient être écartées au motif de son incapacité à produire un document qui, en tout état de cause, aurait été en possession de la partie adverse. Néanmoins, nous proposons le rejet de ce moyen comme non fondé, au motif que l'allégation de partialité n'a pas, quoi qu'il en soit, été étayée. Apparemment, il a été demandé au requérant de s'expliquer sur le projet d'utilisation des fonds en faveur d'un organisme associé à une personne portant son nom de famille. La correspondance des noms était visiblement une simple coïncidence. Le requérant ne laisse pas entendre qu'il n'était pas en mesure de fournir cette explication ou que celle-ci aurait été rejetée et reste silencieux sur la question de savoir si cet élément a eu d'autres répercussions pour lui ou si son accusateur a fait montre de signes de partialité ou de préjugés à son encontre. En l'absence d'allégations contraires, la conclusion logique est que son explication d'un malentendu compréhensible a été acceptée. Nous proposons donc de rejeter ce moyen de pourvoi comme non fondé parce que non étayé.

    Dépens

    52 Selon nous, le requérant doit obtenir gain de cause pour l'un de ses moyens de pourvoi. De plus, la Cour est en mesure de statuer définitivement sur le moyen en question et de faire droit aux conclusions du requérant, sans renvoyer l'affaire au Tribunal de première instance (31). Par conséquent, la Cour doit statuer sur les dépens (32). Aucun motif d'équité n'exige en l'espèce que les dépens soient répartis entre les parties (33). Dès lors, il y a lieu de condamner le Parlement européen aux dépens (34).

    Conclusion

    53 Eu égard aux développements qui précèdent, nous recommandons à la Cour:

    1) d'annuler l'arrêt du Tribunal de première instance en ce qu'il est visé par le premier moyen du pourvoi;

    2) d'annuler la décision du 21 février 1995 portant nomination du chef de division du bureau d'information du Parlement européen à Madrid et la décision correspondante de ne pas nommer le requérant à ce poste;

    3) de condamner le Parlement européen aux dépens.

    (1) - Arrêt du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero (T-237/95, RecFP p. I-A-141, II-429, ci-après l'«arrêt attaqué»).

    (2) - Les numéros qui figurent entre parenthèses dans le corps du texte concernent l'arrêt attaqué.

    (3) - Arrêts du 14 juin 1972, Marcato/Commission (Rec. p. 427, point 14), et du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice (225/87, Rec. p. 2353, points 13 et 14).

    (4) - Arrêts du 22 mai 1996, Gutiérrez/Parlement (T-140/94, RecFP p. I-A-241, II-689, point 43), et du 28 février 1989, Van der Stijl et Cullington/Commission (341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, Rec. p. 511, ci-après l'«arrêt Van der Stijl»).

    (5) - Précité, note 3.

    (6) - Précité, note 3.

    (7) - Arrêt du 7 février 1990, Müllers/CES (C-81/88, Rec. p. I-249).

    (8) - Note sans objet pour la version française des présentes conclusions.

    (9) - Arrêt du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil (176/73, Rec. p. 1361, points 4 et 5). En réalité, le recours aux concours généraux, mentionné à la fin de la première phrase du paragraphe 1, constitue une quatrième possibilité.

    (10) - Ce point de vue a été adopté par le Tribunal de première instance dans son arrêt du 21 février 1995, Moat/Commission (T-506/93, RecFP p. I-A-43, II-147, point 37).

    (11) - Arrêt du 30 octobre 1974 (188/73, Rec. p. 1099, points 26 et 38); voir également l'arrêt du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions (T-178/95 et T-179/95, RecFP p. I-A-51, II-155, point 85).

    (12) - Arrêt Grassi/Conseil, précité, note 11, points 38 à 43; voir également l'arrêt Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, note 11, point 87.

    (13) - Précité, note 4.

    (14) - Ibidem, point 52, souligné par nous.

    (15) - Arrêt du 22 mars 1995, Kotzonis/CES (T-586/93, Rec. p. II-665, point 93).

    (16) - Précité, note 11, point 39.

    (17) - Ibidem, point 52.

    (18) - Ainsi, le premier argument du requérant était présenté comme visant «l'avis de concours COM 484 à 487/70». La Cour a conclu au rejet du recours «en tant qu'il vise l'avis de vacance» (point 16).

    (19) - Voir, à titre d'exemple, le résumé de l'avocat général M. Jacobs dans ses conclusions sous l'arrêt Van der Stijl, précité, note 4, point 28.

    (20) - Article 37 du statut CE de la Cour de justice, étendu au Tribunal par l'article 46 de ce statut.

    (21) - Arrêt du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission (T-1/90, Rec. p. II-143, point 43).

    (22) - Arrêts du 10 décembre 1969, Wonnerth/Commission (12/69, Rec. p. 577, point 8); du 9 juillet 1981, Van Zaanen/Cour des comptes (184/80, Rec. p. 1951, point 13), et Pérez-Mínguez Casariego/Commission, précité, note 21, point 43; voir également les conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Van Zaanen/Cour des comptes, p. 1971.

    (23) - Arrêt Pérez-Mínguez Casariego/Commission précité, note 21, point 42.

    (24) - Arrêt du 26 octobre 1993, Weißenfels/Parlement (T-22/92, Rec. p. II-1095, point 40). Le requérant a également invoqué l'arrêt du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice (T-60/94, RecFP p. I-A-23, II-77, point 33). Les éléments évoqués par le requérant apparaissent cependant au point 35.

    (25) - Point 83 de l'arrêt attaqué; arrêt Pierrat/Cour de justice, précité, note 24, point 30.

    (26) - Point 82 de l'arrêt attaqué; arrêt du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice (T-280/94, RecFP p. I-A-77, II-239, point 148).

    (27) - Voir le deuxième moyen de pourvoi discuté ci-dessus.

    (28) - Voir également les arrêts du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission (44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, Rec. p. 3259), et du 30 janvier 1992, Schönherr/CES (T-25/90, Rec. p. II-63).

    (29) - Point 98 de l'arrêt attaqué; arrêt du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice (T-32/89 et T-39/89, Rec. p. II-281, points 37 et 40).

    (30) - Point 99 de l'arrêt attaqué; arrêt du 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT (T-589/93, RecFP p. I-A-27, II-77, point 132).

    (31) - Article 54 du statut CE de la Cour de justice.

    (32) - Article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour de justice.

    (33) - Article 122, deuxième alinéa, deuxième tiret, du règlement de procédure de la Cour de justice.

    (34) - Article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice.

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