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Document 61997CC0211

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 juillet 1998.
Paula Gomez-Rivero contre Bundesanstalt für Arbeit.
Demande de décision préjudicielle: Landessozialgericht Niedersachsen - Allemagne.
Sécurité sociale - Article 16, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) nº 1408/71 - Droit d'option - Effets.
Affaire C-211/97.

Recueil de jurisprudence 1999 I-03219

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:379

61997C0211

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 juillet 1998. - Paula Gomez-Rivero contre Bundesanstalt für Arbeit. - Demande de décision préjudicielle: Landessozialgericht Niedersachsen - Allemagne. - Sécurité sociale - Article 16, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) nº 1408/71 - Droit d'option - Effets. - Affaire C-211/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-03219


Conclusions de l'avocat général


1. La question posée dans la présente affaire, qui trouve son origine dans une demande de décision préjudicielle formée par le Landessozialgericht Niedersachsen, vise à savoir si une ressortissante espagnole résidant en Allemagne avec son époux, lui aussi ressortissant espagnol, est en droit de percevoir les allocations familiales allemandes au même titre que les nationaux, dans l'hypothèse où son époux, un employé du consulat général d'Espagne à Hanovre, a exercé le droit d'option visé à l'article 16, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 , en vue d'être soumis à l'application du régime de sécurité sociale espagnole.

La législation communautaire en cause

2. L'article 1er, sous u), i) du règlement n° 1408/71, dans sa version en vigueur à l'époque des faits , définit les «prestations familiales» comme étant:

«toutes les prestations en nature ou en espèce destinées à compenser les charges de famille dans le cadre d'une législation prévue à l'article 4, paragraphe 1, point h), à l'exclusion des allocations spéciales de naissance ou d'adoption mentionnées à l'annexe II ».

3. L'article 2, paragraphe 1, dispose que:

«Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d'un des États membres ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants.»

4. L'article 3, paragraphe 1, dispose que:

«Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»

5. L'article 4, paragraphe 1, dispose que:

«Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

...

h) les prestations familiales.»

6. Sous le titre II, intitulé «Détermination de la législation applicable», l'article 13, paragraphe 1, dispose que:

«Sous réserve de l'article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.»

7. L'article 13, paragraphe 2, dispose que:

«Sous réserve des articles 14 à 17:

a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État membre, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre».

8. L'article 16 dispose que:

«1. Les dispositions de l'article 13, paragraphe 2, sous a), sont applicables aux membres du personnel de service des missions diplomatiques ou postes consulaires et aux domestiques privés au services d'agents de ces missions ou postes.

2. Toutefois, les travailleurs visés au paragraphe 1 qui sont ressortissants de l'État membre accréditant ou de l'État membre d'envoi peuvent opter pour l'application de la législation de cet État. Ce droit d'option peut être exercé à nouveau à la fin de chaque année civile et n'a pas d'effet rétroactif.»

Les éléments de fait et les questions

9. Mme Gomez-Rivero, la demanderesse au principal, et son époux sont des ressortissants espagnols résidant en Allemagne, depuis 1968 dans le cas de Mme Gomez-Rivero et depuis 1966 dans celui de son mari. Ils ont deux enfants, nés en 1977 et en 1982.

10. Mme Gomez-Rivero n'exerce pas d'activité rémunérée, à l'exception de ce que l'ordonnance de renvoi décrit comme étant une activité mineure d'aide-ménagère - apparemment d'une durée approximative de cinq à six heures par semaine - depuis 1994. Elle n'est pas soumise au régime de sécurité sociale obligatoire au titre de cet emploi. Depuis 1968, son mari a travaillé auprès du consulat général d'Espagne à Hanovre.

11. Le mari de Mme Gomez-Rivero a opté pour l'application de la législation espagnole en matière de sécurité sociale, conformément à l'article 16, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71. Mme Gomez-Rivero n'a pas exercé ou prétendu exercer cette option.

12. Dans la présente affaire, Mme Gomez-Rivero conteste la décision prise par le Bundesanstalt für Arbeit Nürnberg la partie défenderesse au principal, de lui retirer, avec effet au 1er février 1995, les prestations familiales qui avaient été précédemment versées pour ses deux enfants . La décision se fondait sur l'option exercée par son mari.

13. En vertu du régime de sécurité sociale espagnol, Mme Gomez-Rivero ne remplit pas les conditions pour avoir droit aux prestations familiales parce que ses revenus dépassent le plafond en dessous duquel de telles prestations sont versées.

14. Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi constate que, en droit allemand, Mme Gomez-Rivero continue de remplir toutes les conditions pour bénéficier des prestations familiales qu'elle réclame et qu'elle est en droit de les percevoir. Elle considère cependant que la question est de savoir si la législation allemande sur les prestations familiales est applicable à Mme Gomez-Rivero. La juridiction de renvoi conclut que la prestation en cause est une prestation familiale relevant du champ d'application matériel du règlement n° 1408/71 et que Mme Gomez-Rivero relève du champ d'application personnel de ce règlement. Elle demande toutefois si l'option exercée par son mari en vue d'être soumis à l'application de la législation espagnole en matière de sécurité sociale a pour effet de l'assujettir elle aussi à cette législation, de sorte qu'elle n'aurait pas droit à des prestations sociales en droit allemand. En particulier, la juridiction de renvoi interroge la Cour pour savoir si cette option pourrait avoir un tel effet juridique pour le conjoint d'une personne salariée lorsque, comme dans le cas de Mme Gomez-Rivero, ledit conjoint n'a jamais consenti à exercer cette option ni tenté de l'exercer lui-même.

15. La juridiction de renvoi considère que, si l'exercice de l'option par l'époux de Mme Gomez-Rivero a pour effet de la soumettre à l'application de la législation espagnole en matière de sécurité sociale, indépendamment du fait qu'elle ait donné son accord à l'option ou qu'elle ait exercé cette option elle-même, la décision de retirer les prestations familiales allemandes est licite parce qu'elle n'est pas soumise au régime de sécurité sociale allemand. Si, en revanche, l'option n'a pas cet effet à l'égard de Mme Gomez-Rivero, la juridiction de renvoi conclut qu'elle est en droit de percevoir les prestations familiales allemandes en cause, en vertu du règlement n° 1408/71.

16. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a déféré les questions suivantes à la Cour:

«1) Le fait qu'un membre du personnel de service d'un poste consulaire opte, conformément à l'article 16, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) n° 1408/71, pour l'application de la législation de l'État membre d'envoi dont il est ressortissant, produit-il également des effets pour son conjoint - ne faisant pas partie du personnel de service d'un poste consulaire -, qui est également ressortissant de l'État membre d'envoi,

ou

convient-il de n'appliquer la législation de l'État membre d'envoi au conjoint que dans la mesure où il opte lui-même aussi pour son application?

2) Dans l'hypothèse où l'option du ressortissant faisant partie du personnel de service d'un poste consulaire produit également des effets pour son conjoint, la validité de l'option pour l'application de la législation de l'État membre d'envoi est-elle subordonnée à l'accord ou à quelque autre manifestation du conjoint concerné?»

Observations

17. Mme Gomez-Rivero, le gouvernement finlandais et la Commission ont déposé des observations écrites.

18. Mme Gomez-Rivero conteste la pertinence du règlement n° 1408/71 pour la détermination de son droit aux prestations familiales en cause. Elle soutient que l'option exercée par son mari en vue d'être soumis à la législation espagnole en matière de sécurité sociale ne saurait avoir pour effet de la priver elle ou son mari des prestations familiales allemandes, qu'elle soit ou non liée par la décision de son mari. Elle fait valoir que les dispositions du titre II du règlement n° 1408/71 intitulé «Détermination de la législation applicable», dont relève le droit d'une personne travaillant auprès d'un poste consulaire d'opter pour l'application de la législation sociale de l'État d'envoi, concernent uniquement la détermination de la législation applicable dans des hypothèses où un travailleur pourrait être soumis à plusieurs législations nationales différentes en matière de sécurité sociale, et qu'elles n'affectent pas la loi relative à l'octroi de prestations. Dès lors que le règlement n° 1408/71 coordonne simplement les régimes de sécurité sociale des États membres, il ne peut avoir pour effet d'exclure des dispositions nationales qui sont plus favorables que les dispositions communautaires. Mme Gomez-Rivero soutient aussi que le règlement n° 1408/71 ne s'applique pas en l'absence d'élément d'extranéité et que, dans son cas, tous les éléments décisifs, à savoir sa résidence, celle de son mari et celle de ses enfants, sont situés en Allemagne.

19. Le gouvernement finlandais estime que, lorsqu'une personne pourrait être soumise à la législation sociale de plus d'un État membre, les dispositions du titre II du règlement n° 1408/71 déterminent quelle législation est applicable. En vertu de l'article 2 du règlement, celui-ci s'applique aussi aux membres de la famille du travailleur. Le gouvernement finlandais fait observer que les dispositions du titre II ne comportent pas de règles distinctes devant être appliquées aux membres de la famille du travailleur pour déterminer la législation à laquelle ils sont soumis. Il considère que, en vertu du système instauré par le règlement, la législation applicable aux membres de la famille du travailleur est déterminée par référence à la législation applicable au travailleur lui-même. Tel est aussi le cas lorsque le travailleur a exercé l'option visée à l'article 16, paragraphe 2; dans un tel cas, les membres de la famille du travailleur ne disposent pas d'un droit autonome pour déterminer à quelle législation ils sont soumis. Le gouvernement finlandais conclut que la décision d'un travailleur d'opter pour l'application de la législation sociale d'un État membre sort ses effets à l'égard des membres de sa famille. De plus, on ne peut interpréter le texte de cette disposition en ce sens qu'une telle conclusion dépend de l'accord préalable donné par les membres de la famille à l'égard de l'option.

20. L'analyse de la Commission concorde avec celle de la juridiction de renvoi, à savoir que, si Mme Gomez-Rivero est liée par l'option exercée par son mari en vue d'être soumis au régime de sécurité sociale espagnol, la décision d'arrêter de lui verser les prestations familiales à partir du 1er février 1995 est correcte. Toutefois, si l'exercice de l'option n'a pas d'effet à son égard, le régime de sécurité sociale allemand lui serait applicable en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement et, dès lors qu'elle remplit toutes les conditions pour bénéficier de cette prestation en vertu du droit allemand, la décision d'arrêter les paiements serait illégale.

21. La Commission considère qu'il importe de répondre aux questions déférées à la lumière des arrêts rendus par la Cour dans les affaires Cabanis-Issarte et Hoever et Zachow . La Commission est d'avis que les dispositions en cause doivent être interprétées, conformément à cette jurisprudence, pour déterminer si elles confèrent des droits propres aux membres de la famille du travailleur ou si elles doivent être interprétées comme s'appliquant exclusivement au travailleur lui-même. D'après la Commission, l'article 16, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 est une disposition qui ne peut s'appliquer qu'au travailleur lui-même. Elle estime que l'employé d'un consulat a un droit d'option en vertu de cette disposition, droit qui lui est conféré de par son statut en tant que tel. La Commission conclut que les membres de la famille d'un tel travailleur n'ayant pas ce statut, ils ne bénéficient pas du droit d'option. De plus, la Commission conclut que l'exercice de cette option par le travailleur ne saurait avoir de répercussions juridiques pour les membres de sa famille qui, en l'espèce, sont donc soumis à la législation allemande en matière de sécurité sociale.

Analyse

22. Nous partageons l'avis du gouvernement finlandais selon lequel, dans des cas comme celui de l'espèce, les membres de la famille d'un travailleur sont soumis à la législation à laquelle le travailleur est lui-même assujetti. Ce principe s'applique aussi lorsqu'un travailleur a fait usage du droit d'option que lui confère l'article 16, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71. Selon nous, ces conclusions sont sans aucun doute conformes à l'économie générale et aux dispositions du règlement.

23. Poursuivant l'objectif de faciliter la libre circulation des travailleurs, l'article 51 du traité CE, en vertu duquel le règlement n° 1408/71 a été adopté, fournit la base juridique de la législation communautaire dans le domaine de la sécurité sociale en vue d'assurer que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ne perdent pas les prestations acquises dans un État membre en exerçant leur droit à la libre circulation. Le règlement vise à coordonner les législations des États membres dans le domaine de la sécurité sociale pour garantir les objectifs fixés à l'article 51. Ces objectifs sont d'assurer, tout d'abord, que les cotisations versées par les travailleurs dans différents États membres soient totalisées et, en deuxième lieu, que des personnes ayant droit à des prestations puissent les percevoir où qu'elles résident dans la Communauté. Le système vise à abolir autant que possible les limites territoriales de l'application des différents régimes de sécurité sociale au sein de la Communauté .

24. Le règlement n° 1408/71 sert à coordonner les dispositions des régimes nationaux de sécurité sociale, notamment en déterminant lequel d'entre eux s'applique dans le cas d'un travailleur et de sa famille qui ont exercé leur droit à la libre circulation. Ces dispositions figurent sous le titre II du règlement intitulé «Détermination de la législation applicable».

25. La Cour a jugé, à un certain nombre d'occasions, que les dispositions du titre II constituent un système complet et uniforme de règles de conflits de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d'un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités . Il faut observer cependant que le règlement ne fait rien d'autre que de coordonner les législations nationales. Il ne fixe pas de conditions, par exemple, établissant le droit ou l'obligation d'être affilié à un régime de sécurité sociale .

26. Nous ne saurions admettre la remarque faite par la Commission, selon laquelle le conjoint d'une personne salariée pourrait, bien que n'étant pas assuré de son propre chef, être soumis au régime de sécurité sociale d'un État membre autre que celui auquel est assujettie la personne salariée, en vertu des dispositions du règlement n° 1408/71.

27. L'article 13, paragraphe 2, sous a), invoqué par la Commission, se réfère uniquement à la personne salariée et non à son conjoint. Il est par ailleurs clair, en vertu de l'économie générale du règlement, que, à défaut de disposition contraire spécifique, les membres de la famille d'un salarié sont soumis au même régime de sécurité sociale que lui. C'est tout à fait logique, puisque, dans le système du règlement, les membres de la famille tirent leurs droits du statut de personne assurée du salarié. La situation peut évidemment être différente si un membre de la famille est un travailleur salarié au sens de l'article 2, paragraphe 1, qui a des droits propres.

28. Nous ne pouvons pas partager non plus l'affirmation de la Commission lorsqu'elle dit que les principes développés par la Cour sur la distinction entre les droits propres et les droits dérivés doivent être pris en compte pour déterminer la législation applicable. Il nous semble que la Commission fait une confusion entre la détermination de la législation applicable et la détermination des droits revenant aux membres de la famille d'un travailleur en vertu de cette législation. Les arrêts qu'a rendus la Cour dans les affaires Cabanis-Issarte et Hoever et Zachow concernent uniquement cette dernière question. L'affaire Cabanis-Issarte portait sur les droits à pension de l'épouse survivante d'un travailleur français qui avait accompli une partie de sa carrière aux Pays-Bas. Le droit applicable était celui des Pays-Bas et il importait de savoir si Mme Cabanis-Issarte pouvait invoquer des droits propres en vertu de cette législation, question à laquelle la Cour a répondu par l'affirmative. L'affaire Hoever et Zachow concernait le droit à une allocation d'éducation revenant aux épouses de travailleurs allemands ayant un emploi en Allemagne mais résidant aux Pays-Bas. En vertu de cet emploi, c'est la législation allemande qui était applicable et il importait de savoir si Mmes Hoever et Zachow, qui n'exerçaient pas elles-mêmes d'activité salariée, pouvaient percevoir la prestation en vertu d'un droit propre, question à laquelle la Cour a de nouveau répondu par l'affirmative. Si ces arrêts établissent clairement que le règlement ne limite pas le droit des membres de la famille d'un travailleur migrant à revendiquer uniquement des droits dérivés découlant de leur statut de membres de la famille du travailleur, ils n'indiquent aucunement qu'il faut tenir compte de la distinction entre droits dérivés et droits propres pour déterminer la législation applicable. Nous ne voyons pas non plus comment cette distinction pourrait être retenue pour opérer cette détermination. En vertu du système mis en place par le règlement, il est tout d'abord nécessaire de déterminer la législation applicable avant de pouvoir établir les droits effectifs à prestation et, à cette fin, le règlement fixe des règles contraignantes quant à la législation applicable. En l'absence de telles règles spécifiques aux membres de la famille d'un travailleur, la législation qui s'applique au travailleur migrant s'applique aussi aux membres de sa famille. Il doit en aller de même dans le cas exceptionnel où, en vertu de l'article 16, paragraphe 2, le travailleur migrant a le droit d'exercer une option.

29. Il est vrai qu'en l'espèce le règlement produit un effet tel que Mme Gomez-Rivero n'a pas droit à la prestation en cause, alors qu'elle y aurait eu droit en l'absence du règlement. Ce résultat est toutefois la conséquence de la fonction du titre II du règlement qui est d'établir un système complet de règles de conflit. De plus, comme la Cour l'a admis, ce résultat n'est pas contraire au principe arrêté dans sa jurisprudence, en vertu duquel l'application du règlement ne peut pas entraîner la perte de droits acquis exclusivement en application d'une législation nationale. La Cour a jugé que ce principe ne s'applique pas aux règles visant à déterminer la législation applicable .

30. Nous estimons par conséquent qu'il faut répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi que, lorsqu'une personne occupant un poste consulaire opte, en vertu de l'article 16, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1408/71, pour l'application de la législation de l'État membre d'envoi dont il est un ressortissant, cette option sort aussi ses effets pour son conjoint, qui n'occupe pas un poste consulaire et est aussi ressortissant de l'État membre d'envoi.

31. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si, lorsque le fait d'opter pour l'application de la législation de l'État membre d'envoi produit aussi des effets pour le conjoint, la validité de l'option est subordonnée au consentement ou à une autre manifestation du conjoint concerné par ce choix.

32. Nous sommes d'avis que rien n'indique dans le libellé de l'article 16, paragraphe 2, du règlement que, pour que l'option produise ses effets, le conjoint du salarié doit consentir à ce qu'elle soit exercée. Déduire de cette disposition la nécessité d'obtenir le consentement du conjoint (ou, le cas échéant, de tout autre adulte dépendant de la famille du travailleur) serait source d'insécurité juridique et rendrait la disposition impraticable, la privant ainsi de tout effet utile. Nous souhaiterions aussi faire observer que les membres de la famille d'un travailleur migrant qui dispose du droit d'option visé à l'article 16, paragraphe 2, ne sont pas plus mal placés que les membres de la famille d'un travailleur migrant qui ne dispose pas de ce droit d'option. Dans le dernier cas, les membres de la famille sont en toute hypothèse liés par les dispositions fixant la législation applicable.

33. Nous souhaitons enfin relever que la Commission a avancé des arguments sur l'application possible du règlement (CEE) n° 1612/68 . L'article 7 de ce règlement dispose que:

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail ...

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.»

34. La Commission soutient que, eu égard à l'activité exercée par Mme Gomez-Rivero durant quelque cinq à six heures par semaine, elle peut relever de la définition de travailleur au sens de ce règlement et serait donc en droit de revendiquer des avantages sociaux, conformément à l'article 7, paragraphe 2, de celui-ci, au même titre que les ressortissants allemands. La Commission considère toutefois ne pas connaître suffisamment les faits pour formuler une opinion à ce propos, de sorte que c'est à la juridiction de renvoi de trancher à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à la définition de travailleur .

35. Il nous semble cependant inopportun d'examiner la possibilité d'appliquer le règlement n° 1612/68 pour les raisons suivantes. Les questions déférées à la Cour ne mentionnent pas ce règlement, pas plus que l'ordonnance de renvoi. De ce fait, les parties au principal et les États membres n'ont pas eu l'occasion de débattre de la portée du règlement devant la Cour. Ces objections pourraient sans doute être écartées dans un cas où le règlement serait manifestement applicable et aurait été omis par inadvertance. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Il est impossible de déterminer clairement dans le cas présent si Mme Gomez-Rivero est un travailleur au sens du règlement ou si la règle de non-discrimination de celui-ci l'emporte sur les dispositions du règlement n° 1408/71 relatives à la détermination de la législation sociale applicable. Il s'agit là de questions importantes que nous ne pouvons pas aborder en l'absence d'argumentation expresse.

Conclusion

36. Pour les raisons exposées ci-dessus, nous estimons qu'il y a lieu de répondre comme suit aux questions déférées par le Landessozialgericht Niedersachsen:

«1) L'article 16, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un membre du personnel de service d'un poste consulaire opte, conformément à l'article 16, paragraphe 2, première phrase, dudit règlement, pour l'application de la législation de l'État membre d'envoi dont il est ressortissant, ce choix produit également des effets pour son conjoint qui n'occupe pas un poste consulaire et qui est aussi ressortissant de l'État membre d'envoi.

2) La validité de cette option n'est pas subordonnée à un consentement préalable ou à une autre manifestation du conjoint.»

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