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Document 61996CJ0323

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 septembre 1998.
    Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique.
    Manquement d'Etat - Marchés publics de travaux - Directives 89/440/CEE et 93/37/CEE - Défaut de publication d'un avis de marché - Application d'une procédure négociée sans justification.
    Affaire C-323/96.

    Recueil de jurisprudence 1998 I-05063

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:411

    61996J0323

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 septembre 1998. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Marchés publics de travaux - Directives 89/440/CEE et 93/37/CEE - Défaut de publication d'un avis de marché - Application d'une procédure négociée sans justification. - Affaire C-323/96.

    Recueil de jurisprudence 1998 page I-05063


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1 Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics de travaux - Directives 71/305 et 93/37 - Champ d'application - Pouvoir adjudicateur - État - Notion - Organes exerçant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire - Organes des entités fédérées d'un État à structure fédérale - Inclusion

    (Directives du Conseil 71/305, art. 1er, b), telle que modifiée par la directive 89/440, art. 1er, point 1, et 93/37, art. 1er, b))

    2 États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement - Justification - Inadmissibilité

    (Traité CE, art. 169)

    Sommaire


    1 La notion d'État à laquelle se réfère la définition du pouvoir adjudicateur, figurant à l'article 1er, sous b), de la directive 71/305, telle que modifiée par l'article 1er, point 1, de la directive 89/440, ainsi qu'à l'article 1er, sous b), de la directive 93/37, recouvre nécessairement tous les organes qui exercent les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il en est de même des organes qui, dans un État à structure fédérale, exercent ces pouvoirs au niveau des entités fédérées.

    2 Un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations et délais prescrits par une directive.

    Parties


    Dans l'affaire C-323/96,

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hendrik van Lier, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie requérante,

    contre

    Royaume de Belgique, représenté par Me Michel Flamée, avocat au barreau de Bruxelles, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas fait publier d'avis de marché au Journal officiel des Communautés européennes tant pour le projet global que pour chacun des lots concernant la construction du bâtiment du Vlaamse Raad, ainsi qu'en n'ayant pas appliqué les procédures d'attribution telles que prévues par la directive 89/440/CEE du Conseil, du 18 juillet 1989, modifiant la directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 210, p. 1), et par la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et plus spécialement en ayant attribué le lot 4 par voie négociée sans justification, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives, et plus précisément des articles 7 et 11 de la directive 93/37,

    LA COUR

    (sixième chambre),

    composée de MM. H. Ragnemalm, président de chambre, G. F. Mancini, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray et K. M. Ioannou (rapporteur), juges,

    avocat général: M. S. Alber,

    greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 5 février 1998, au cours de laquelle la Commission était représentée par M. Hendrik van Lier et le gouvernement belge par Mes Philippe Colle et Katelijne Ronse, avocats au barreau de Bruxelles,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 mars 1998,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 octobre 1996, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que:

    - en n'ayant pas fait publier d'avis de marché au Journal officiel des Communautés européennes (ci-après le «JOCE») tant pour le projet global que pour chacun des lots concernant la construction du bâtiment du Vlaamse Raad,

    - en n'ayant pas appliqué les procédures d'attribution telles que prévues par la directive 89/440/CEE du Conseil, du 18 juillet 1989, modifiant la directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 210, p. 1), et par la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et plus spécialement en ayant attribué le lot 4 par voie négociée sans justification,

    le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives, et plus précisément des articles 7 et 11 de la directive 93/37.

    Les faits

    2 Il ressort du dossier que, en 1993, le Vlaamse Raad, le Parlement flamand dans le système fédéral belge, a décidé de faire construire à Bruxelles un bâtiment qui lui serait propre.

    3 Pour la construction de ce nouveau bâtiment, le Vlaamse Raad a suivi une procédure restreinte, à laquelle trente-deux entreprises ont été appelées à participer. Aucun avis ne fut publié au JOCE, ni pour le projet global ni pour les différents lots, alors que chacun des lots dépassait le seuil prévu par la réglementation communautaire.

    4 Quant au lot 4 (finition et sanitaires), il a fait l'objet d'une procédure nationale non ouverte, qui a commencé le 17 février 1994, sans publication préalable au JOCE. Après avoir examiné les quatorze offres présentées à cet égard à la lumière du critère d'attribution, le prix le plus bas, la Régie des bâtiments s'est exprimée en faveur de celle d'une entreprise entre-temps déclarée en faillite.

    5 Par décision du 19 mai 1994, le bureau du Vlaamse Raad a alors annulé la procédure d'adjudication et appliqué la procédure de gré à gré, également sans publication préalable au JOCE.

    La procédure précontentieuse

    6 Par télex du 17 juin 1994, la Commission a averti les autorités belges que la procédure appliquée par le Vlaamse Raad constituait une violation claire et manifeste de la réglementation communautaire en matière de marchés publics de travaux, ainsi que du principe d'égalité de traitement des candidats, qui constitue le fondement de cette réglementation. Elle a par conséquent demandé aux autorités belges d'annuler immédiatement la procédure relative au lot 4.

    7 N'ayant reçu aucun avis, malgré l'engagement pris par les autorités belges, lors d'une réunion du 1er juillet 1994, de se prononcer aussi rapidement que possible sur la procédure d'attribution du lot 4, la Commission a engagé la procédure prévue à l'article 169 du traité en adressant, le 28 juillet 1994, une lettre de mise en demeure au gouvernement belge.

    8 Par lettre du 31 août 1994, le gouvernement belge a répondu que la réglementation belge concernant les marchés publics n'était applicable qu'au pouvoir exécutif, c'est-à-dire les administrations de l'État, des Communautés et des Régions, et que, aussi longtemps que la directive 93/37 n'était pas correctement transposée à l'égard du pouvoir législatif, ce dernier n'était pas tenu de respecter le droit communautaire. En ce qui concerne plus particulièrement le lot 4, le gouvernement belge a informé la Commission que le bureau du Vlaamse Raad avait refusé d'annuler la procédure d'adjudication.

    9 Par lettre du 16 novembre 1995, la Commission a émis un avis motivé, invitant le royaume de Belgique à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de trente jours après en avoir pris connaissance.

    10 Par courrier du 15 décembre 1995, la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne a communiqué à la Commission une lettre du 14 décembre 1995, dans laquelle le président du Vlaamse Raad soulignait l'absence, au niveau national, de cadre normatif garantissant l'autonomie du Vlaamse Raad, en tant qu'institution parlementaire, lors de l'attribution de marchés publics. Il y était mentionné en outre que des projets concrets de mesures étaient en préparation et que le Vlaamse Raad était en discussion avec l'autorité fédérale à ce sujet.

    11 Par lettre du 10 avril 1996, la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne a ensuite communiqué à la Commission une lettre complémentaire datée du 25 février 1996 et signée par le président du Vlaamse Raad, dont il ressortait que, dès lors qu'il n'était plus possible d'attendre l'avis de l'autorité fédérale, le Vlaamse Raad préparait un décret de transposition des directives concernées et que des éléments complémentaires seraient communiqués à la Commission dans un avenir proche.

    12 N'ayant reçu aucune communication depuis lors, la Commission a introduit le présent recours.

    La directive 93/37

    13 Ainsi qu'il ressort de son premier considérant, la directive 93/37 vise, par un souci de clarté et de rationalité, à codifier les dispositions de la directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), ainsi que celles qui les ont modifiées.

    14 Selon l'article 1er de la directive 93/37,

    «Aux fins de la présente directive:

    ...

    b) sont considérés comme `pouvoirs adjudicateurs', l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

    ...

    ...

    e) les `procédures ouvertes' sont les procédures nationales dans lesquelles tout entrepreneur intéressé peut présenter une offre;

    f) les `procédures restreintes' sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre;

    g) les `procédures négociées' sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux;

    ...»

    15 L'article 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/37 énonce:

    «1. La présente directive s'applique aux marchés publics de travaux dont le montant estimé hors TVA égale ou dépasse 5 000 000 d'écus.

    ...

    3. Lorsqu'un ouvrage est réparti en plusieurs lots faisant chacun l'objet d'un marché, la valeur de chaque lot doit être prise en compte pour l'évaluation du montant indiqué au paragraphe 1. Lorsque la valeur cumulée des lots égale ou dépasse le montant indiqué au paragraphe 1, les dispositions de ce paragraphe s'appliquent à tous les lots. Toutefois, les pouvoirs adjudicateurs peuvent déroger à l'application du paragraphe 1 pour des lots dont la valeur estimée hors TVA est inférieure à 1 000 000 d'écus, pour autant que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20% de la valeur cumulée des lots.»

    16 L'article 7 de la directive 93/37 dispose:

    «1. Pour passer leurs marchés publics de travaux, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l'article 1er, points e), f) et g), adaptées à la présente directive.

    2. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de travaux en recourant à la procédure négociée, après avoir publié un avis de marché et sélectionné les candidats selon des critères qualitatifs et connus, dans les cas suivants:

    ...

    3. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de travaux en recourant à la procédure négociée, sans publication préalable d'un avis de marché, dans les cas suivants:$

    a) lorsqu'aucune offre ou aucune offre appropriée n'a été déposée en réponse à une procédure ouverte ou restreinte, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées. Un rapport doit être communiqué à la Commission à sa demande;

    b) pour les travaux dont l'exécution, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection des droits d'exclusivité, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur déterminé;

    c) dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l'urgence impérieuse, résultant d'événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs en question, n'est pas compatible avec les délais exigés par les procédures ouvertes, restreintes ou négociées visées au paragraphe 2. Les circonstances invoquées pour justifier l'urgence impérieuse ne doivent en aucun cas être imputables aux pouvoirs adjudicateurs;

    d) pour les travaux complémentaires qui ne figurent pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier contrat conclu et qui sont devenus nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue, à l'exécution de l'ouvrage tel qu'il y est décrit, à condition que l'attribution soit faite à l'entrepreneur qui exécute cet ouvrage:

    - lorsque ces travaux ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour les pouvoirs adjudicateurs

    ou

    - lorsque ces travaux, quoiqu'ils soient séparables de l'exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son perfectionnement.

    Toutefois, le montant cumulé des marchés passés pour les travaux complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal;

    e) pour de nouveaux travaux consistant dans la répétition d'ouvrages similaires confiés à l'entreprise titulaire d'un premier marché par les mêmes pouvoirs adjudicateurs, à condition que ces travaux soient conformes à un projet de base et que ce projet ait fait l'objet d'un premier marché passé selon les procédures visées au paragraphe 4.

    La possibilité de recourir à cette procédure doit être indiquée dès la mise en concurrence de la première opération et le montant total envisagé pour la suite des travaux est pris en considération par les pouvoirs adjudicateurs pour l'application de l'article 6. Il ne peut être recouru à cette procédure que pendant une période de trois ans suivant la conclusion du marché initial.

    4. Dans tous les autres cas, les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés de travaux en recourant à la procédure ouverte ou à la procédure restreinte.»

    17 Enfin, l'article 11, paragraphes 2 et 9, de la directive 93/37 prévoit:

    «2. Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de travaux par procédure ouverte, restreinte ou négociée dans les cas visés à l'article 7, paragraphe 2, font connaître leur intention au moyen d'un avis.

    ...

    9. Les avis prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED, dans les langues originales. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.»

    18 Aux termes de l'article 36, paragraphe 1, de la directive 93/37, la directive 71/305 ainsi que les dispositions qui l'ont modifiée sont abrogées sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition et d'application.

    La directive 89/440

    19 La directive 89/440 est l'une de celles qui, avant l'adoption de la directive 93/37, ont modifié la directive 71/305.

    20 Hormis quelques différences rédactionnelles, les dispositions de la directive 71/305, telle que modifiée par la directive 89/440, qui concernaient la définition des pouvoirs adjudicateurs [article 1er, sous b)], la délimitation du champ d'application matériel (article 4 bis), les procédures que devaient appliquer les pouvoirs adjudicateurs (article 5) et les modalités de publication auxquelles ils devaient se conformer notamment lorsqu'ils recouraient à la procédure négociée (article 12, paragraphes 2 et 9), avaient la même teneur que les dispositions correspondantes de la directive 93/37, reprises aux points 14 à 17 du présent arrêt.

    Le recours

    21 A titre liminaire, il convient de relever que, par son recours, la Commission fait grief au royaume de Belgique de n'avoir pas respecté les dispositions des directives 89/440 et 93/37. Il ressort du dossier que la directive 89/440 était en vigueur lorsque la première procédure de passation fut lancée et que la directive 93/37 était en vigueur lorsque fut lancée la procédure concernant le lot 4. Il convient de rappeler en outre que la directive 93/37 a abrogé et remplacé la directive 71/305, y compris les dispositions qui l'ont modifiée, notamment celles comprises dans la directive 89/440.

    22 La Commission expose que, en l'espèce, dès lors qu'il a eu recours à des procédures non ouvertes, sans avis de marché et sans publication au JOCE, le gouvernement belge n'a pas observé les dispositions de la directive 89/440 et l'article 11, paragraphes 2 et 9, de la directive 93/37.

    23 Elle relève également que, afin de passer un marché par procédure d'attribution négociée, il doit être satisfait aux conditions prescrites par l'article 7 de la directive 93/37. Ainsi, un pouvoir adjudicateur ne pourrait procéder à une attribution négociée sans avis préalable que lorsque sont remplies les conditions prévues à l'article 7, paragraphe 3, de cette directive.

    24 Dès lors, en appliquant, pour la seconde phase du lot 4, une procédure négociée, alors qu'aucune des justifications exigées par l'article 7 de la directive 93/37 n'était remplie, le royaume de Belgique aurait violé cette disposition.

    25 En vue de trancher le présent litige, il convient d'examiner d'abord si le Vlaamse Raad constitue un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 71/305, tel que modifié par l'article 1er, point 1, de la directive 89/440, ainsi qu'au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37.

    26 La définition du pouvoir adjudicateur, qui a un contenu identique dans les deux directives, énonce que, aux fins de chacune d'entre elles, «sont considérés comme `pouvoirs adjudicateurs', l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public».

    27 La notion d'État à laquelle se réfère cette disposition recouvre nécessairement tous les organes qui exercent les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il en est de même des organes qui, dans un État à structure fédérale, exercent ces pouvoirs au niveau des entités fédérées.

    28 Par ailleurs, dans l'arrêt du 20 septembre 1988, Beentjes (31/87, Rec. p. 4635, points 11 à 13), la Cour, après avoir déclaré que la notion d'État au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 71/305 devait recevoir une interprétation fonctionnelle, a considéré comme en relevant une commission locale de remembrement, nonobstant le fait que cet organisme n'était pas formellement intégré à l'administration de l'État. Or, il serait inconséquent de nier qu'un organe législatif relève de la notion d'État au sens des directives communautaires en matière de marchés publics de travaux, lorsqu'a été considéré comme relevant de cette notion, aux fins de l'application d'une de ces directives, un organisme non formellement intégré dans l'administration étatique.

    29 Il en résulte qu'un organe législatif tel que le Vlaamse Raad doit être considéré comme relevant de l'État, et donc comme constituant un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 71/305, tel que modifié par l'article 1er, point 1, de la directive 89/440, ainsi qu'au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37.

    30 En outre, il est constant que chacun des lots faisant l'objet des marchés de travaux lancés par le Vlaamse Raad dépassait le seuil prévu par l'article 4 bis de la directive 71/305, tel qu'inséré par l'article 1er, sous 6), de la directive 89/440, et par l'article 6 de la directive 93/37.

    31 Dans ces conditions, les marchés lancés par le Vlaamse Raad relevaient de la directive 71/305, telle que modifiée par la directive 89/440, et de la directive 93/37 et devaient donc se dérouler dans le respect des règles qui y sont énoncées.

    32 Parmi ces règles, l'article 12, paragraphes 2 et 9, de la directive 71/305, tel que modifié par l'article 1er, point 12, de la directive 89/440, dispose que les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de travaux par procédure ouverte, restreinte ou négociée dans les cas visés à l'article 5, paragraphe 2, font connaître leur intention au moyen d'un avis publié au JOCE.

    33 De même, l'article 11, paragraphes 2 et 9, de la directive 93/37 impose aux «pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de travaux par procédure ouverte, restreinte ou négociée dans les cas visés à l'article 7, paragraphe 2» de faire connaître leur intention au moyen de la publication d'un avis au JOCE.

    34 Il résulte de ces dispositions que c'est seulement lorsque les pouvoirs adjudicateurs ont l'intention de passer un marché public de travaux par procédure négociée dans les cas visés à l'article 5, paragraphe 3, de la directive 71/305, telle que modifiée par la directive 89/440, ou à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 93/37 que l'obligation de publier un avis disparaît.

    35 Or, en l'espèce, le gouvernement belge ne conteste ni l'absence de publication d'un avis au JOCE ni le fait que les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 3, de la directive 71/305, telle que modifiée par la directive 89/440, et à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 93/37 pour pouvoir procéder à une procédure négociée sans publication préalable d'avis faisaient défaut.

    36 Lors de l'audience, le gouvernement belge s'est toutefois référé à l'article 4 de la directive 93/37 pour soutenir que, dans certaines circonstances, un État pouvait légitimement se dispenser des obligations imposées par cette directive.

    37 Cette disposition prévoit que la directive 93/37 ne s'applique pas:

    «a) aux marchés qui sont passés dans les domaines mentionnés aux articles 2, 7, 8 et 9 de la directive 90/531/CEE ni aux marchés qui répondent aux conditions de l'article 6, paragraphe 2, de ladite directive;

    b) aux marchés de travaux lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de l'État membre l'exige».

    38 Indépendamment du caractère tardif de ce moyen, que le gouvernement belge a présenté pour la première fois à l'audience sans avancer aucune raison valable pour expliquer le retard, il convient de constater que le gouvernement belge n'a invoqué aucun élément de nature à démontrer que les marchés de travaux lancés par le Vlaamse Raad relevaient de l'une des situations visées à l'article 4.

    39 Ce moyen doit donc être rejeté.

    40 Le gouvernement belge a également soutenu que, au niveau interne, la loi du 14 juillet 1976, en vigueur à l'époque des faits, dont l'article 2, paragraphe 1, dispose que «Chaque ministre est, dans les limites de ses attributions, compétent pour prendre les décisions relatives à la passation et à l'exécution des marchés de l'État et des organismes qui relèvent de son autorité hiérarchique», ne s'appliquait pas aux organismes législatifs, notamment parce que l'autonomie et la prépondérance du pouvoir législatif, organisées par la Constitution belge, empêchaient que les chambres législatives, et donc le Vlaamse Raad, ne soient soumises à la compétence ministérielle.

    41 Il convient de relever d'abord que ce moyen, tiré du droit interne, n'est de nature à remettre en cause ni la constatation selon laquelle le Vlaamse Raad constitue un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 71/305, tel que modifié par l'article 1er, point 1, de la directive 89/440, ainsi qu'au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37, ni l'obligation consécutive de respecter les dispositions de ces directives relatives aux règles de publicité et aux procédures d'attribution.

    42 En effet, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 12 février 1998, Commission/France, C-144/97, Rec. p. I-613, point 8).

    43 Dès lors, ce moyen doit également être rejeté.

    44 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que:

    - en n'ayant pas fait publier d'avis de marché au JOCE tant pour le projet global que pour chacun des lots concernant la construction du bâtiment du Vlaamse Raad,

    - en n'ayant pas appliqué les procédures d'attribution telles que prévues par la directive 71/305, telle que modifiée par la directive 89/440, et la directive 93/37, et plus spécialement en ayant attribué le lot 4 par voie négociée sans justification,

    le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives, et plus précisément des articles 7 et 11, paragraphes 2 et 9, de la directive 93/37.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    45 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR

    (sixième chambre)

    déclare et arrête:

    1) - En n'ayant pas fait publier d'avis de marché au Journal officiel des Communautés européennes tant pour le projet global que pour chacun des lots concernant la construction du bâtiment du Vlaamse Raad,

    - en n'ayant pas appliqué les procédures d'attribution telles que prévues par la directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, telle que modifiée par la directive 89/440/CEE du Conseil, du 18 juillet 1989, et la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, et plus spécialement en ayant attribué le lot 4 par voie négociée sans justification,

    le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives, et plus précisément des articles 7 et 11, paragraphes 2 et 9, de la directive 93/37.

    2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.

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