Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61996CJ0117

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 septembre 1997.
Danmarks Aktive Handelsrejsende, agissant pour Carina Mosbæk contre Lønmodtagernes Garantifond.
Demande de décision préjudicielle: Østre Landsret - Danemark.
Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Directive 80/987/CEE - Travailleur résidant et exerçant son activité salariée dans un Etat autre que celui du siège de l'employeur - Institution de garantie.
Affaire C-117/96.

Recueil de jurisprudence 1997 I-05017

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:415

61996J0117

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 septembre 1997. - Danmarks Aktive Handelsrejsende, agissant pour Carina Mosbæk contre Lønmodtagernes Garantifond. - Demande de décision préjudicielle: Østre Landsret - Danemark. - Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Directive 80/987/CEE - Travailleur résidant et exerçant son activité salariée dans un Etat autre que celui du siège de l'employeur - Institution de garantie. - Affaire C-117/96.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-05017


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties


Dans l'affaire C-117/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par l'Østre Landsret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Danmarks Aktive Handelsrejsende, agissant pour Carina Mosbæk

et

Lønmodtagernes Garantifond,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 3 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283, p. 23),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, L. Sévon, D. A. O. Edward, P. Jann et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Lønmodtagernes Garantifond, par M. U. Andersen et Mme A. Rubach-Larsen, avocats à Copenhague,

- pour le gouvernement allemand, par MM. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et B. Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mme C. de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. C. Chavance, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Ridley, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de M. N. Green, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Støvlbæk et Mme M. Patakia, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Danmarks Aktive Handelsrejsende, agissant pour Carina Mosbæk, représentée par M. C. Elmquist-Clausen, avocat à Copenhague, du Lønmodtagernes Garantifond, représenté par M. U. Andersen, du gouvernement français, représenté par M. C. Chavance, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme S. Ridley, assistée de M. N. Green, et de la Commission, représentée par M. H. Støvlbaek, à l'audience du 24 avril 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 mai 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 27 mars 1996, parvenue à la Cour le 12 avril suivant, l'Østre Landsret a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 3 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283, p. 23, ci-après la «directive»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Mosbæk au Lønmodtagernes Garantifond, l'institution de garantie compétente au titre de la directive au Danemark (ci-après le «Fonds») pour le règlement des créances demeurées impayées, à la suite de l'insolvabilité de l'employeur de Mme Mosbæk.

3 Mme Mosbæk, qui réside au Danemark, a été engagée à compter du 1er juin 1993 par la société de droit anglais Colorgen Ltd (ci-après «Colorgen») en qualité de directrice commerciale pour le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et, par la suite, l'Allemagne.

4 Colorgen, dont le siège social était situé à Warrington (Angleterre), n'était ni établie ni immatriculée au Danemark en tant qu'entreprise ou à quelque titre que ce soit, en particulier auprès de l'administration fiscale ou douanière. Elle n'y était représentée que par Mme Mosbæk. Pour l'accomplissement des activités de cette dernière, Colorgen avait loué un bureau.

5 Pendant toute la durée de la relation de travail, la rémunération a été versée par Colorgen directement à l'intéressée sans qu'aucune retenue fiscale ni prélèvement de cotisations de retraite ou d'autres cotisations de sécurité sociale au titre de la loi danoise aient été opérés par l'employeur.

6 En juillet 1994, Colorgen a été déclarée en faillite et ses employés, dont Mme Mosbæk, ont été licenciés. Conformément à l'article 3 de la directive, Mme Mosbæk a déclaré, tant auprès du Fonds que du syndic anglais de faillite de la société, une créance impayée de 471 996 DKR représentant ses salaires, commissions et remboursement de frais professionnels.

7 Le Fonds a refusé le règlement de la créance au motif que cette compétence reviendrait à l'institution de garantie de l'État du siège de l'employeur, en l'occurrence le National Insurance Fund.

8 Le 19 décembre 1994, Mme Mosbæk a assigné le Fonds devant le retten i Hillerød (Danemark).

9 L'affaire a ensuite été renvoyée, à la demande du Fonds, devant l'Østre Landsret qui a estimé nécessaire de poser à la Cour de justice la question suivante:

«Au cas où l'employeur n'est pas établi dans l'État membre dans lequel le travailleur est domicilié et n'est représenté dans l'État du domicile du travailleur que dans le cadre de l'activité du travailleur en question, qui est notamment exercée à partir d'un local à usage de bureau loué par l'employeur pour les besoins du travailleur, est-ce l'institution de garantie du pays dans lequel l'employeur est établi ou l'institution de garantie du pays dans lequel le travailleur est domicilié qui doit, en cas d'insolvabilité de l'employeur, garantir au travailleur le paiement des créances impayées résultant de la relation de travail en question, conformément à l'article 3 de la directive 80/987/CEE?»

10 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la directive vise à assurer aux travailleurs salariés un minimum communautaire de protection en cas d'insolvabilité de l'employeur, sans préjudice des dispositions plus favorables existant dans les États membres. A cet effet, elle oblige les États membres à mettre en place un organisme qui garantisse aux travailleurs, dont l'employeur est devenu insolvable, le paiement des créances impayées.

11 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1,

«[cette] directive s'applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l'égard d'employeurs qui se trouvent en état d'insolvabilité au sens de l'article 2, paragraphe 1.»

12 Par ailleurs, l'article 2, paragraphe 1, dispose:

«Au sens de la présente directive, un employeur est considéré comme se trouvant en état d'insolvabilité:

a) lorsqu'a été demandée l'ouverture d'une procédure prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l'État membre concerné qui porte sur le patrimoine de l'employeur et vise à désintéresser collectivement ses créanciers et qui permet la prise en considération des créances visées à l'article 1er, paragraphe 1,

et

b) que l'autorité qui est compétente en vertu desdites dispositions législatives, réglementaires et administratives a:

- soit décidé l'ouverture de la procédure,

- soit constaté la fermeture définitive de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur, ainsi que l'insuffisance de l'actif disponible pour justifier l'ouverture de la procédure.»

13 L'article 3 de la directive prévoit l'obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les institutions de garantie assurent le paiement des créances des travailleurs salariés résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période se situant avant une date déterminée.

14 Enfin, aux termes de l'article 5:

«Les États membres fixent les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie en observant notamment les principes suivants:

a) le patrimoine des institutions doit être indépendant du capital d'exploitation des employeurs et être constitué de telle façon qu'il ne puisse être saisi au cours d'une procédure en cas d'insolvabilité;

b) les employeurs doivent contribuer au financement, à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics;

c) l'obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l'exécution des obligations de contribuer au financement.»

15 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance quelle est l'institution de garantie compétente, au titre de l'article 3 de la directive, pour assurer le paiement des créances d'un travailleur en cas d'insolvabilité de son employeur, lorsque ce dernier est établi dans un autre État membre que celui sur le territoire duquel le travailleur réside et exerçait son activité salariée.

16 Il convient, certes, de relever d'emblée que la directive ne contient pas de dispositions visant expressément l'hypothèse décrite par la demande préjudicielle. Il ne saurait cependant en être inféré qu'elle n'est pas applicable aux créances de travailleurs salariés résidant et exerçant ou ayant exercé leur activité professionnelle dans un État membre autre que celui de l'établissement de leur employeur.

17 En effet, la directive a pour finalité de garantir un minimum de protection aux travailleurs salariés victimes de l'insolvabilité de leur employeur sans qu'aucune restriction ait été prévue, en particulier à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive délimitant son champ d'application, pour le cas où le lieu de résidence du travailleur ou le lieu dans lequel ce dernier exerce son activité salariée ne coïncide pas avec le lieu d'établissement de l'employeur.

18 L'effet utile du droit communautaire qui, par ailleurs, garantit la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté et, partant, encourage des situations qui, comme en l'espèce au principal, comportent des éléments d'extranéité exige une telle interprétation de la directive, laquelle, selon son deuxième considérant, tend à réduire les différences subsistant entre les États membres «qui peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du Marché commun».

19 Il convient donc de déterminer l'institution de garantie compétente pour le paiement des créances lorsque l'employeur est établi dans un autre État membre que celui de la résidence du travailleur ou du lieu dans lequel ce dernier exerçait son activité salariée.

20 A cet égard, l'économie de la directive commande la désignation de l'institution de garantie de l'État sur le territoire duquel, selon les termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive, soit l'ouverture de la procédure de désintéressement collectif est décidée, soit la fermeture définitive de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur est constatée.

21 En effet, il convient d'abord de rappeler que, selon les termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive, deux événements doivent s'être produits pour que celle-ci s'applique: en premier lieu, une demande tendant à l'ouverture d'une procédure de désintéressement collectif doit avoir été introduite auprès de l'autorité nationale compétente et, en second lieu, soit une décision d'ouverture de la procédure, soit une constatation de la fermeture de l'entreprise, en cas d'insuffisance de l'actif, doit être intervenue (arrêts du 10 juillet 1997, Bonifaci e.a. et Berto e.a., C-94/95 et C-95/95, non encore publié au Recueil, point 35, et Maso e.a., C-373/95, non encore publié au Recueil, point 45).

22 Comme l'ont relevé le Fonds, les gouvernements français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, il apparaît dès lors que la mise en oeuvre du régime de garantie, institué par la directive, et, partant, l'intervention de l'institution de garantie sont conditionnées, au premier chef, par l'introduction d'une demande d'ouverture d'une procédure de désintéressement collectif permettant la prise en considération des créances salariales en cause.

23 Dans la pratique, l'ouverture de cette procédure est le plus souvent demandée dans l'État sur le territoire duquel l'employeur est établi. L'entrée en vigueur de la convention relative aux procédures d'insolvabilité signée à Bruxelles le 23 novembre 1995 (non encore publiée au Journal officiel des Communautés européennes), dont l'article 3, paragraphe 1, retient comme critère de compétence principal «le centre des intérêts principaux du débiteur», devrait renforcer cette tendance générale.

24 Il y a lieu d'observer ensuite que, conformément à l'article 5, sous b), de la directive, le régime de garantie qu'elle vise à mettre en place est financé par les employeurs, à moins qu'il ne le soit intégralement par les pouvoirs publics. A défaut d'indication contraire dans la directive, il est conforme à l'économie de celle-ci que l'institution de garantie compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs salariés soit celle qui a perçu ou, à tout le moins, qui aurait dû percevoir les cotisations de l'employeur insolvable. Tel ne saurait être le cas de l'institution de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur réside et a exercé son activité salariée sans que son employeur y dispose d'un quelconque établissement ou d'une présence commerciale.

25 Ainsi, l'article 5, sous b), de la directive confirme le lien existant entre l'obligation de paiement incombant à l'institution de garantie et le lieu d'établissement de l'employeur qui, en règle générale, contribue au financement de l'institution. Or, ainsi qu'il a déjà été souligné au point 23 du présent arrêt, l'État d'établissement de l'employeur est le plus souvent celui sur le territoire duquel l'ouverture de la procédure est demandée.

26 Enfin, la circonstance que la directive n'a pas prévu de système de compensation ou de remboursement des paiements entre les institutions de garantie des différents États membres tend à confirmer que le législateur communautaire a voulu, en cas d'insolvabilité d'un employeur, l'intervention de l'institution de garantie d'un seul État membre, et ce afin de prévenir des enchevêtrements inutiles des régimes nationaux et, en particulier, des situations dans lesquelles un travailleur pourrait prétendre au bénéfice de la directive dans plusieurs États membres.

27 En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que, lorsque l'employeur est établi dans un autre État membre que celui sur le territoire duquel le travailleur réside et exerçait son activité salariée, l'institution de garantie compétente, au titre de l'article 3 de la directive, pour le paiement des créances de ce travailleur en cas d'insolvabilité de son employeur, est l'institution de l'État sur le territoire duquel, selon les termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive, soit l'ouverture de la procédure de désintéressement collectif est décidée, soit la fermeture de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur est constatée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

28 Les frais exposés par les gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

statuant sur la question à elle soumise par l'Østre Landsret, par ordonnance du 27 mars 1996, dit pour droit:

Lorsque l'employeur est établi dans un autre État membre que celui sur le territoire duquel le travailleur réside et exerçait son activité salariée, l'institution de garantie compétente, au titre de l'article 3 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, pour le paiement des créances de ce travailleur en cas d'insolvabilité de son employeur, est l'institution de l'État sur le territoire duquel, selon les termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive, soit l'ouverture de la procédure de désintéressement collectif est décidée, soit la fermeture de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur est constatée.

Top