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Document 61996CC0132
Opinion of Mr Advocate General Jacobs delivered on 25 September 1997. # Antonio Stinco and Ciro Panfilo v Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS). # Reference for a preliminary ruling: Pretura circondariale di Roma - Italy. # Old-age pension - Calculation of the theoretical amount of a benefit - Inclusion of the amount necessary to attain the statutory minimum pension. # Case C-132/96.
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 septembre 1997.
Antonio Stinco et Ciro Panfilo contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS).
Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie.
Pension de vieillesse - Calcul du montant théorique de la prestation - Prise en compte du montant nécessaire afin d'atteindre le traitement minimal prévu par la loi.
Affaire C-132/96.
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 septembre 1997.
Antonio Stinco et Ciro Panfilo contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS).
Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie.
Pension de vieillesse - Calcul du montant théorique de la prestation - Prise en compte du montant nécessaire afin d'atteindre le traitement minimal prévu par la loi.
Affaire C-132/96.
Recueil de jurisprudence 1998 I-05225
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:436
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 septembre 1997. - Antonio Stinco et Ciro Panfilo contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS). - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie. - Pension de vieillesse - Calcul du montant théorique de la prestation - Prise en compte du montant nécessaire afin d'atteindre le traitement minimal prévu par la loi. - Affaire C-132/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-05225
1 L'ordonnance de renvoi de la Pretura circondariale di Roma qui nous occupe aujourd'hui concerne l'interprétation de l'article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n_ 1408/71 (1) (ci-après le «règlement»).
La réglementation communautaire
2 L'article 46 (2) du règlement définit les conditions dans lesquelles sont octroyées les prestations de vieillesse et de décès lorsqu'un travailleur a été assujetti à la législation de plusieurs États membres. Le système qu'il prévoit vise à remédier aux problèmes qui se posent lorsque la législation d'un État membre refuse à un tel travailleur la totalité ou une partie des prestations en raison de l'insuffisance des périodes d'assurance ou de résidence qu'il a accomplies. La manière dont le système s'applique - et, par conséquent, le calcul de la prestation due - dépend de l'approche adoptée par la législation de l'État membre qui octroie la prestation.
3 Si, selon cette législation, le droit aux prestations d'une personne est ouvert sans qu'il soit nécessaire de faire appel à des périodes d'assurance accomplies dans d'autres États membres (par exemple, du fait que les périodes d'assurance ou de résidence accomplies dans l'État membre qui octroie la prestation y ouvrent droit par elles-mêmes), la méthode de calcul définie à l'article 46, paragraphe 1, est applicable (3).
4 Si, en revanche, selon la législation d'un État membre, le droit à la prestation n'est ouvert que compte tenu des périodes d'assurance accomplies par l'intéressé dans un autre État membre, c'est l'article 46, paragraphe 2, qui est applicable. Cet article dispose:
«a) l'institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l'intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d'assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l'État membre en cause et sous la législation qu'elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent point a);
b) l'institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé au point a), au prorata de la durée des périodes d'assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu'elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d'assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en question.»
5 Ainsi, à supposer qu'une personne ait travaillé pendant 10 ans dans un État membre A, et pendant 20 ans dans un État membre B, il en résulte que, même si cette personne n'a pas droit à une pension de vieillesse pour une période d'assurance de 10 ans dans l'État membre A (par exemple, du fait que cet État exige que les intéressés aient travaillé pendant 15 ans sur son territoire), elle a droit dans ledit État membre A, en vertu de l'article 46, paragraphe 2, à un tiers de la prestation à laquelle elle aurait pu prétendre si elle y avait travaillé pendant 30 ans. La première étape de la procédure qui vient d'être décrite [à savoir, le calcul du montant théorique visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a)] est appelée totalisation, et la seconde [à savoir le calcul de la prestation au prorata conformément à l'article 46, paragraphe 2, sous b)], est appelée proratisation.
6 L'article 50 du règlement n_ 1408/71, bien que non mentionné dans la question préjudicielle, est invoqué par la partie défenderesse, l'Istituto nazionale della previdenza sociale (l'institut italien de sécurité sociale, ci-après l'«INPS»), par le gouvernement suédois et par la Commission. Cette disposition vise les cas dans lesquels les périodes d'emploi accomplies par un travailleur au titre des législations des États auxquelles il a été soumis ont été relativement brèves, de sorte que le montant total des prestations dues par ces États n'atteint pas un niveau de vie raisonnable (4). Elle prévoit ce qui suit:
«Le bénéficiaire de prestations auquel le présent chapitre a été appliqué ne peut, dans l'État sur le territoire duquel il réside et au titre de la législation duquel une prestation lui est due, percevoir un montant de prestations inférieur à celui de la prestation minimale fixée par ladite législation pour une période d'assurance ou de résidence égale à l'ensemble des périodes prises en compte pour la liquidation conformément aux dispositions des articles précédents. L'institution compétente de cet État lui verse éventuellement, pendant toute la durée de sa résidence sur le territoire de cet État, un complément égal à la différence entre la somme des prestations dues en vertu du présent chapitre et le montant de la prestation minimale.»
La réglementation nationale
7 Le droit italien fixe un niveau minimal de pension. Si le montant total de la pension due (y compris tout montant dû par un autre État membre) tombe au-dessous de ce niveau, un complément est versé pour combler la différence.
8 L'ordonnance de renvoi ne fournit pratiquement pas d'informations sur le régime de la pension minimale. Elle indique que cette pension est versée aux retraités totalisant plus de 780 périodes de cotisations hebdomadaires et mentionne, sans précisions, l'article 8 de la loi n_ 153 du 30 avril 1969 et l'article 7 de la loi n_ 407 du 29 décembre 1990.
9 Les demandeurs déclarent que le complément est prévu par l'article 9 de la loi n_ 218 du 4 avril 1952. Cet article prévoit que les pensions d'invalidité, de vieillesse et de réversion peuvent être relevées jusqu'à un montant égal à 45 fois le montant de la pension de base, définie par une autre disposition. L'article 16, également invoqué par les demandeurs, dispose que le complément est financé par une cotisation à charge des travailleurs assujettis à l'assurance obligatoire pour l'invalidité, la vieillesse et les prestations de réversion, ainsi que par une cotisation à charge des employeurs et un concours de l'État.
10 Les demandeurs mentionnent aussi l'article 8 de la loi n_ 153 du 30 avril 1969, l'article 6 de la loi n_ 638 du 11 novembre 1983 et l'article 7 de la loi n_ 407 du 29 décembre 1990. Selon eux, la loi de 1983 vise exclusivement à éviter un «cumul» entre le complément destiné à atteindre la pension minimale et d'autres revenus du bénéficiaire. Dans sa rédaction initiale, l'article 6 de cette loi excluait des revenus ainsi pris en compte ceux qui étaient obtenus à l'étranger. Toutefois, toujours selon les demandeurs, la loi de 1983 a été modifiée par la loi n_ 407 du 29 décembre 1990 qui a inclus dans les revenus pris en compte ceux obtenus à l'étranger par les retraités y résidant. S'agissant de l'article 8 de la loi de 1969, les demandeurs affirment qu'il prévoit expressément de compléter, jusqu'à atteindre la pension minimale, les pensions de vieillesse «dont le droit est acquis en vertu de la totalisation des périodes d'assurance et de cotisations prévue par des accords ou des conventions internationales de sécurité sociale». L'article 8 est cité tel que modifié par l'article 7, paragraphe 1, de la loi n_ 407 du 29 décembre 1990, bien que les demandeurs ne se réfèrent pas à cette loi sur ce point.
11 L'INPS évoque l'article 8 de la loi n_ 153 du 30 avril 1969 et l'article 6 de la loi n_ 638 du 11 novembre 1983. Il affirme que la seconde de ces dispositions subordonne le droit au complément à une condition supplémentaire, à savoir que le revenu du bénéficiaire éventuel ne doit pas excéder le double du montant annuel de la pension minimale. Lors de l'audience, le représentant de l'INPS a déclaré qu'il n'existait pas d'autres dispositions pertinentes que ces deux textes en matière de complément de pension.
Les faits et la procédure au principal
12 Il ressort de l'assez maigre ordonnance de renvoi que M. Stinco et M. Panfilo ont demandé, l'un et l'autre, une pension de vieillesse à l'INPS. Chacun avait également droit, à partir de la même date, à une pension de vieillesse d'un autre État membre (respectivement la République française et le Royaume-Uni). A l'audience, il a été indiqué que M. Stinco avait travaillé 392 semaines en Italie, et 1 105 en France. Aucun détail n'a été donné à la Cour quant au passé professionnel de M. Panfilo.
13 L'INPS leur a octroyé des pensions proratisées conformément à l'article 46, paragraphe 2, calculées sur la base des pensions virtuelles que les demandeurs auraient perçues s'ils avaient travaillé en Italie pendant toute leur vie professionnelle. Le montant de ces pensions fictives retenues pour le calcul était d'un niveau tel que, dans l'hypothèse où les demandeurs auraient effectivement eu droit à des pensions nationales de ce montant, le complément légal du régime italien y aurait été ajouté afin d'atteindre le minimum légal. Le montant de la pension virtuelle a été qualifié de dérisoire par les demandeurs et, à l'audience, il a été indiqué qu'il conduisait à une pension proratisée de 2 100 LIT (peut-être mensuellement, mais cela n'a pas été précisé) pour M. Stinco, et à une pension encore moindre pour M. Panfilo. En revanche, si cette pension virtuelle était complétée de manière à atteindre le niveau du minimum légal, la pension proratisée versée à M. Stinco serait de 502 490 LIT (probablement par an).
14 L'ordonnance de renvoi indique que la pension effectivement perçue par les demandeurs n'a pas été majorée de manière à atteindre le minimum légal en raison du fait que, dans les deux cas, après prise en compte des pensions respectivement servies par la République française et le Royaume-Uni, la pension totale perçue dépassait le niveau jusqu'auquel intervient le versement du complément en droit italien. Néanmoins, même si le total de la pension s'était situé au-dessous de ce niveau, il est douteux que les demandeurs auraient eu le droit d'exiger de la République italienne le complément correspondant à la différence, puisqu'il a été dit, à l'audience, qu'ils résidaient respectivement en France et au Royaume-Uni et que, comme on le verra plus loin, le complément de pension italien est une prestation à caractère non exportable.
15 Chacun des demandeurs a soutenu que la pension fictive servant de point de départ pour le calcul de sa pension proratisée aurait dû inclure le complément, et que son montant aurait donc dû être égal au minimum légal. Les demandeurs ont introduit des recours séparés en ce sens et ces recours ont été joints.
16 La Pretura circondariale a déféré à la Cour la question de savoir si, pour déterminer le montant du prorata italien, l'INPS doit procéder au calcul sur la base de la seule pension théorique ou «virtuelle» ou au contraire sur la base de la pension théorique ou «virtuelle» complétée, le cas échéant, du montant destiné à atteindre le minimum légal.
17 Des observations écrites ont été déposées par les demandeurs, l'INPS, le gouvernement suédois et la Commission. Les demandeurs, l'INPS, les gouvernements espagnol et autrichien ainsi que la Commission ont été représentés à l'audience.
Le complément relève-t-il de l'article 46?
18 La question de savoir si le complément relève de l'article 46 n'est posée, en tant que telle, dans aucun des mémoires. Néanmoins, l'INPS soutient que le complément ne fait pas partie de la pension, dans l'intention probable de conclure qu'il n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article 46. Le juge national et les demandeurs affirment que le complément n'est pas une prestation autonome, mais simplement l'un des éléments constitutifs de la pension. La Commission invoque un arrêt récent de la Corte suprema di cassazione (5) et affirme que, dans cet arrêt, comme dans plusieurs arrêts antérieurs, celle-ci a déclaré que, bien que soumis à des conditions particulières et distinctes, le complément destiné à atteindre le montant minimal n'en demeurait pas moins un élément indissociable de la pension. L'interprétation donnée de l'arrêt en question par la Commission a été contestée à l'audience par le conseil de l'INPS. Toutefois, pour les raisons indiquées plus loin, nous ne pensons pas que la Cour ait besoin de connaître la portée exacte de la jurisprudence italienne pour pouvoir répondre à la question posée.
19 Même si le complément était théoriquement séparable de la pension de base due, cette circonstance ne serait pas suffisante en elle-même, à notre avis, pour le placer en dehors du champ d'application de l'article 46. Les allocations supplémentaires sont expressément mentionnées par le règlement comme entrant dans la définition des «prestations, pensions et rentes» (6). La Cour a jugé, à plusieurs reprises, que des allocations supplémentaires d'un type comparable au complément de retraite italien relèvent du champ d'application du règlement n_ 1408/71, en dépit du fait que de telles allocations possèdent souvent tant des caractéristiques de sécurité sociale (évidemment et explicitement placée dans le champ d'application du règlement n_ 1408/71 par l'article 4, paragraphe 1) que des caractéristiques d'assistance sociale (exclue du champ d'application du règlement n_ 1408/71 par l'article 4, paragraphe 4): voir, notamment, les arrêts Frilli (7) (prestation belge de revenu garanti versée aux personnes âgées disposant de ressources insuffisantes en Belgique), Biason (8) (l'allocation du Fonds national de solidarité, allocation supplémentaire française versée aux titulaires d'une pension de vieillesse ou d'invalidité disposant de ressources insuffisantes), Piscitello (9) (la «pensione sociale» italienne, allocation d'aide sociale versée aux personnes âgées ayant des revenus inférieurs à un certain montant) et Giletti e.a. (10) (l'allocation du Fonds national de solidarité). De surcroît, une prestation de cette sorte a été spécifiquement examinée par la Cour sous l'angle de l'article 46 dans l'arrêt Levatino (11).
20 Cet arrêt concernait la prestation de revenu garanti belge, prestation à caractère non contributif destinée à garantir un revenu minimal aux personnes âgées dépourvues de ressources suffisantes. Cette prestation, qui était fonction des ressources et qui ne dépendait pas de l'accomplissement d'une certaine période d'assurance, revêtait la forme d'un versement complémentaire relevant à un certain niveau les ressources (tant de l'intéressé que de son conjoint). L'intéressée bénéficiait de cette prestation en complément à ses pensions belge et italienne, dont le total était inférieur au minimum légal. La Cour a dit pour droit qu'une prestation telle que le revenu garanti devait être regardée comme une prestation de vieillesse au sens du règlement et que les droits du bénéficiaire devaient, par conséquent, être établis conformément, en particulier, aux dispositions de ses articles 46 et 51 (12). Nous avions déclaré, dans nos conclusions, que:
«une prestation telle que le revenu garanti tombe dans le champ d'application du chapitre 3 du titre III du règlement et, en particulier, de l'article 46. Selon nous, la solution opposée serait contraire non seulement à la lettre, mais également aux objectifs de l'article 46. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que le règlement a pour objectif d'encourager dans toute la mesure du possible la libre circulation des travailleurs ... S'il était admis que des prestations non contributives de caractère mixte telles que le revenu garanti ne tombent pas dans le champ d'application de l'article 46, la protection que le chapitre 3 du titre III du règlement est destinée à assurer aux travailleurs migrants serait sensiblement réduite. Il serait également loisible aux États membres de contourner les dispositions de ce chapitre en recourant aux prestations non contributives» (13).
21 A première vue, il semble donc qu'il résulte de l'arrêt Levatino que le complément entre dans le champ d'application de l'article 46. Toutefois, la version du règlement n_ 1408/71 sur laquelle portait cet arrêt a été modifiée, entre-temps, par le règlement (CEE) n_ 1247/92 (14); les modifications apportées par ce second règlement ont été invoquées tant par l'INPS que par le gouvernement autrichien à l'appui de la thèse selon laquelle le montant théorique visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), ne doit pas inclure le complément.
22 Il ressort du préambule du règlement n_ 1247/92 que les modifications introduites par ce règlement sont largement inspirées par la jurisprudence de la Cour selon laquelle certaines prestations peuvent relever simultanément du domaine de la sécurité sociale et de celui de l'assistance sociale (15). Le règlement n_ 1247/92 a une longue histoire, qui remonte à l'arrêt Biason (16); dans cet arrêt de 1974, la Cour a établi que l'article 10 du règlement n_ 1408/71, qui pose le principe général interdisant aux États membres de subordonner l'octroi de certaines prestations (notamment les prestations de vieillesse et d'invalidité) à une condition de résidence du bénéficiaire sur leur territoire, imposait à l'État membre d'exporter les prestations relevant du règlement si le bénéficiaire transférait sa résidence dans un autre État membre. La prestation en cause dans l'arrêt Biason était l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité français, qui complétait une pension d'invalidité acquise dans le cadre d'un régime d'assurance; il s'agissait d'une prestation du type précédemment considéré par la Cour comme prestation hybride relevant du règlement.
23 En dépit de la clarté de l'arrêt de la Cour, l'État débiteur (la République française) a refusé de verser l'allocation en question aux titulaires de pensions de cette sorte si ceux-ci résidaient dans un autre État membre, et la Commission a engagé la procédure en manquement en 1980. Cela a incité la délégation française au Conseil à soumettre une proposition invitant à adopter une réglementation qui limiterait le versement des prestations mixtes aux personnes résidant dans le territoire de État membre concerné. Cette initiative française a conduit la Commission à suspendre la procédure en manquement, puis à soumettre une proposition de règlement modifiant le règlement n_ 1408/71 (17). La négociation de cette proposition a ensuite subi des retards, notamment en raison du refus persistant de la France d'admettre, malgré la jurisprudence claire de la Cour, que l'allocation du Fonds national de solidarité appartenait au domaine de la sécurité sociale aux fins du règlement; la Commission a donc rouvert la procédure en 1988 et obtenu un arrêt de la Cour constatant que la République française avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de l'article 10 du règlement n_ 1408/71 (18).
24 La proposition a finalement été adoptée et est devenue le règlement n_ 1247/92 qui apporte effectivement quatre modifications au règlement n_ 1408/71.
25 En premier lieu, il élargit la définition de l'expression «membre de la famille» figurant à l'article 1er, sous f), pour conformer le règlement n_ 1408/71 à la jurisprudence de la Cour concernant le droit des enfants à certaines prestations mixtes (19).
26 En second lieu, il ajoute au règlement n_ 1408/71 un article 4, paragraphe 2 bis (20), pour préciser que certaines prestations mixtes relèvent du champ d'application du règlement:
«2 bis. Le présent règlement s'applique aux prestations spéciales à caractère non contributif relevant d'une législation ou d'un régime autre que ceux qui sont visés au paragraphe 1 [sécurité sociale] ou qui sont exclus au titre du paragraphe 4 [assistance sociale], lorsque ces prestations sont destinées:
a) soit à couvrir, à titre supplétif, complémentaire ou accessoire, les éventualités correspondant aux branches visées au paragraphe 1 points a) à h);
b) soit uniquement à assurer la protection spécifique des handicapés.»
L'article 4, paragraphe 1, sous c), a trait aux prestations de vieillesse.
27 En troisième lieu, le règlement n_ 1247/92 introduit l'article 10 bis (21) et l'annexe II bis (22) dans le règlement n_ 1408/71 afin de préciser que les États membres peuvent prévoir que certaines des prestations visées à l'article 4, paragraphe 2 bis, sont exclusivement dues aux résidents. L'article 10 bis dispose:
«Nonobstant les dispositions de l'article 10 et du titre III (23), les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l'article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l'État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l'annexe II bis ...».
Les autres paragraphes (les paragraphes 2 à 4) de l'article 10 bis contiennent des règles de totalisation de périodes accomplies dans un autre État membre ainsi que des dispositions facilitant l'obtention des prestations concernées, et ces dispositions ne sont pas pertinentes en l'espèce.
L'annexe II bis mentionne, sous le titre «H. Italie»:
«e) Le complément à la pension minimale (lois n_ 218 du 4 avril 1952, n_ 638 du 11 novembre 1983 et n_ 407 du 29 décembre 1990).»
Les autres prestations mentionnées dans l'annexe II bis sont la prestation belge de revenu garanti aux personnes âgées dont il était question dans les arrêts Frilli et Levatino, l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité français faisant l'objet des arrêts Biason et Giletti e.a. et la pension sociale italienne de l'arrêt Piscitello.
28 Enfin, le règlement n_ 1247/92 a ajouté l'article 4, paragraphe 2 ter (24), précisant que certaines autres prestations spéciales à caractère non contributif échappent globalement à l'application du règlement; les États membres peuvent spécifier ces prestations (25), lesquelles doivent être mentionnées dans une section III nouvelle (26), ajoutée à l'annexe II du règlement n_ 1408/71:
«Le présent règlement n'est pas applicable aux dispositions de la législation d'un État membre concernant les prestations spéciales à caractère non contributif, mentionnées à l'annexe II section III, dont l'application est limitée à une partie de son territoire.»
29 Il est donc constant que le règlement n_ 1247/92 visait, en premier lieu, à mettre expressément certaines prestations non contributives au nombre de celles couvertes par le règlement n_ 1408/71, afin que les travailleurs migrants ne soient plus obligés d'engager une action en justice chaque fois que le régime d'une prestation mixte serait litigieux et, en second lieu, à réserver le bénéfice de ces prestations acquises au titre de la législation d'un État membre aux seules personnes résidant sur le territoire de cet État (27).
30 Les demandeurs soutiennent, à juste titre selon nous, que le règlement n_ 1247/92 n'a pas modifié les calculs prescrits par l'article 46.
31 L'INPS invoque le règlement n_ 1247/92, mais ses arguments ne sont pas très clairs. Il semble conclure que, dans la mesure où il résulte du règlement n_ 1247/92 que le complément n'est pas exportable, ce dernier ne peut pas être pris en compte dans le calcul du montant théorique de la prestation aux fins de l'article 46, paragraphe 2, sous a). L'idée que l'INPS attribue cet effet au règlement n_ 1247/92 est également corroborée par le fait que, selon ce qui a été affirmé au nom des demandeurs à l'audience, l'INPS incluait le complément dans le montant théorique avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1247/92 et n'a modifié cette pratique qu'après l'entrée en vigueur de ce règlement. (On peut aussi déduire des observations du gouvernement italien dans l'affaire Valentini (28) que celui-ci était précédemment d'avis que le complément de pension dont il s'agissait dans cette affaire relevait du champ d'application de l'article 46.)
32 Toutefois, l'argumentation avancée par l'INPS confond le problème du paiement du complément avec la question, à la fois distincte et apparentée, de savoir s'il y a lieu de l'inclure dans le calcul du montant théorique. Il est exact que le règlement n_ 1247/92 précise que, en tant que tel, le complément doit exclusivement être versé aux personnes résidant en Italie et que, par conséquent, les demandeurs, dans la mesure où ils ne résident pas en Italie, n'auraient pas le droit de le réclamer pour porter le montant total de leur pension au niveau du minimum légal prévu par la législation italienne. Cette question ne se pose cependant pas en l'espèce. Il est constant que les demandeurs ne réclament pas le paiement de la prestation sous la forme d'un complément ajouté à leur pension, mais demandent simplement de l'inclure dans le calcul du montant théorique de la pension italienne aux fins de l'article 46, paragraphe 2, sous a).
33 La distinction entre l'octroi des prestations mentionnées à l'annexe II bis, réservé aux résidents, et l'obtention, par un non-résident, d'un prorata calculé sur la base d'un montant théorique incluant une telle prestation est une distinction qui peut paraître minime, voire spécieuse. Selon nous, il est cependant justifié de l'établir. Un exemple pourra peut-être en faire plus clairement apparaître le mécanisme. Supposons qu'un travailleur ayant accompli de courtes périodes de cotisation en France et en Italie prenne sa retraite, que son droit à pension soit calculé conformément à l'article 46 et que le complément italien soit pris en compte aux fins du calcul du montant théorique. Il recevrait des prestations proratisées correspondant aux périodes de travail accomplies dans les deux États membres concernés. Si le total des prestations effectives ainsi reçues par ce travailleur était inférieur au minimum prévu par la législation italienne, celui-ci pourrait en outre, sous réserve de résider en Italie, revendiquer le complément italien afin que sa pension totale atteigne ledit minimum. En revanche, s'il choisissait de transférer sa résidence dans un autre État membre, il continuerait de recevoir les prestations proratisées mais, en raison de l'article 10 bis, il n'aurait pas le droit de continuer à percevoir le complément. Il pourrait naturellement avoir droit à un complément analogue dans son nouvel État de résidence si la législation de ce dernier le prévoyait; dans ce cas, il pourrait invoquer l'article 50 du règlement n_ 1408/71.
34 A l'audience, le gouvernement autrichien a soutenu que, le complément de pension italien étant mentionné dans l'annexe II bis du règlement n_ 1408/71, il n'y avait lieu d'appliquer ni l'article 46, paragraphe 2, sous a), ni l'article 50.
35 Il nous paraît évident, pour plusieurs raisons, que l'article 10 bis n'a pas pour effet d'exclure les prestations mentionnées dans l'annexe II bis du champ d'application du règlement n_ 1408/71 dans son ensemble. A titre général, il convient de garder à l'esprit que, s'agissant d'une dérogation à une réglementation qui vise à améliorer la situation des travailleurs migrants, l'article 10 bis appelle une interprétation stricte.
36 En premier lieu, il ressort de l'article 4, paragraphe 2 bis, qui est mentionné dans l'article 10 bis, que le règlement s'applique, en principe, à des prestations telles que le complément de pension italien.
37 D'autre part, les premiers mots de l'article 10 bis, «Nonobstant les dispositions de ... Titre III», montrent que le règlement est applicable dans son ensemble et, en particulier, que son titre III (qui comprend l'article 46) est applicable sauf dans la mesure où l'article 10 bis l'emporte, à savoir en matière de validité des exigences de résidence pour les prestations spécifiées.
38 En troisième lieu, si l'article 10 bis avait pour effet d'exclure du champ d'application du règlement n_ 1408/71 les prestations mentionnées dans l'annexe II bis, l'article 4, paragraphe 2 bis, et la section III de l'annexe II seraient superflus.
39 On peut également observer que, sous l'arrêt Krid (29), l'avocat général M. Tesauro a traité sans ménagement l'argument, apparemment avancé par le gouvernement du Royaume-Uni, selon lequel les modifications apportées par le règlement nº 1247/92 «auraient rendu encore plus évident le fait que les prestations sociales à caractère non contributif ne relèvent pas de la sécurité sociale» (30). Il a affirmé qu'il ne lui paraissait pas possible «qu'on puisse nourrir des doutes quant au fait qu'une prestation nationale du type de celle en cause au principal [l'allocation du Fonds national de solidarité français] ... relève du domaine de la sécurité sociale», telle que définie par le règlement n_ 1408/71 (31). La Cour s'est rangée à ce point de vue et a dit pour droit que «depuis l'entrée en vigueur, le 1er juin 1992, du règlement n_ 1247/92, les prestations du type de l'allocation supplémentaire du FNS ont été expressément incluses dans le champ d'application matériel du règlement n_ 1408/71» (32).
40 Il nous semble donc clair que, malgré l'article 10 bis, le règlement n_ 1408/71 s'applique, dans son ensemble, aux prestations mentionnées à l'annexe II bis. Il nous paraît également clair que l'article 46 continue spécifiquement à s'appliquer à ces prestations.
41 En premier lieu, si le législateur avait eu l'intention de faire globalement échapper les prestations non contributives à l'application de l'article 46, il aurait certainement modifié cette disposition afin que cela soit clair; comme nous le démontrerons plus loin, tel n'a pas été le cas, alors même que les dispositions pertinentes de l'article 46 ont été modifiées à la même date.
42 En deuxième lieu, le libellé de l'article 10 bis ne contient rien qui incite à penser que cette disposition produit l'effet affirmé par l'INPS et le gouvernement autrichien: cette disposition prévoit simplement que les prestations auxquelles elle s'applique sont exclusivement servies par l'État de résidence. Le gouvernement autrichien a argué, à l'audience, que la mention du titre III au début de l'article 10 bis démontrait que ledit titre III ne s'appliquait pas aux prestations indiquées à l'annexe II bis. A notre avis, cet argument n'est pas fondé. Le titre III est intitulé «Dispositions particulières aux différentes catégories de prestations» et comprend 60 articles regroupés en huit chapitres intéressant les questions de maladie et maternité, invalidité, vieillesse et décès (pensions), accidents du travail et maladies professionnelles, allocations de décès, chômage, prestations familiales et prestations pour enfants à charge de titulaires de pensions ou de rentes et pour orphelins. Un grand nombre de ces dispositions tendent à conférer des droits à des prestations en espèces à des non-résidents. Il est évident que, dans la mesure où il s'agit de prestations mentionnées dans l'annexe II bis, le droit éventuel des non-résidents à ces prestations est désormais annulé par l'article 10 bis. Néanmoins, il n'y a aucune raison de penser que l'article 10 bis exclut que les autres dispositions du titre III, qui ne concernent pas les droits des non-résidents, soient applicables aux prestations mentionnées dans l'annexe II bis.
43 En troisième lieu, la genèse de l'article 10 bis, précédemment rappelée, montre que l'intention du législateur était de résoudre les difficultés qui semblaient résulter d'arrêts tels que les arrêts Biason (33) et Piscitello (34), dans lesquels la Cour avait jugé que des prestations non contributives en espèces devaient continuer à être servies même si le bénéficiaire transférait sa résidence dans un autre État membre que l'État membre débiteur, et non de s'occuper de problèmes tels que celui soulevé dans l'arrêt Levatino, qui concernait la détermination et l'adaptation de prestations de vieillesse qui incluaient une prestation ayant le caractère d'un complément permettant d'atteindre un revenu minimum. Le but de l'article 10 bis est purement et simplement de valider une règle prévoyant qu'une prestation ne peut être servie que sur le territoire national, règle qui, à défaut, aurait été illégale en raison de l'article 10, tel que précédemment interprété par la Cour.
44 Rien ne donne, par conséquent, à penser que les modifications apportées au règlement n_ 1408/71 par le règlement n_ 1247/92 ont pour effet d'exclure une prestation telle que le complément de pension italien du champ d'application de l'article 46.
45 Pour conclure cette partie, nous estimons donc qu'il a été établi par l'arrêt Levatino qu'une prestation telle que le complément de pension italien relève du champ d'application de l'article 46 et que cela n'a pas été affecté par les modifications apportées au règlement n_ 1408/71 par le règlement n_ 1247/92 .
Le montant théorique
46 Une fois admis que l'article 46 s'applique au complément, il découle obligatoirement, à notre avis, de l'article 46, paragraphe 2, sous a), et, en particulier, de la dernière phrase (35) que le montant théorique de la pension à calculer doit inclure le complément. C'est, à notre avis, la signification évidente du passage «le montant théorique de la prestation à laquelle l'intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d'assurance ... avaient été accomplies dans l'État en cause». En l'espèce, il s'avère que, si les demandeurs avaient accompli en Italie le nombre total de semaines pendant lesquelles ils ont travaillé, ils auraient pu prétendre à des pensions très faibles, qui seraient complétées, l'une et l'autre, pour atteindre la pension minimale.
47 L'INPS estime que, lorsque le montant de la prestation minimale est indépendant de l'accomplissement de certaines périodes d'assurance, comme en l'espèce, cette prestation ne doit pas être prise en compte pour le calcul de la pension théorique et n'est pertinente qu'aux fins de l'article 50. Cet argument nous paraît indéfendable au vu du libellé de l'article 46, paragraphe 2, sous a), dont la dernière phrase stipule spécifiquement que «[s]i le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique». Cette disposition prévoit clairement que le montant d'une prestation qui ne dépend pas de la durée des périodes d'assurance accomplies n'est pas exclu, de ce fait, du montant théorique, mais constitue, au contraire, le montant théorique; ce point de vue semble en outre avoir été adopté par la Cour dans l'arrêt Levatino (36). Il est à noter que l'article 46 a été modifié par le règlement n_ 1248/92 (37), adopté le même jour que le règlement n_ 1247/92, mais la dernière phrase de son paragraphe 2, sous a), n'a pas été supprimée. De plus, il est fort peu probable qu'il s'agisse d'une omission puisque cette dernière phrase a en fait été remaniée pour être reformulée en termes plus harmonieux dans le même sens (38), ce qui incite fortement à conclure qu'elle était destinée à continuer de s'appliquer.
48 De surcroît, la thèse de l'INPS ne tient pas compte de l'arrêt Levatino, qui concernait une prestation indépendante, elle aussi, des périodes d'assurance et que la Cour a néanmoins considérée comme relevant de l'article 46. On peut observer que, dans l'affaire en question, l'Office national de pensions, l'organisme national belge, avait argué que la méthode de calcul de la prestation de revenu garanti était incompatible avec le système de totalisation et de proratisation organisé, notamment, par l'article 46. Cette argumentation a été rejetée (39).
49 L'INPS affirme que l'inclusion du complément dans le montant théorique de la pension aboutirait à ce que le montant de la pension octroyée, après proratisation, soit inversement proportionnel à la longueur de la carrière professionnelle de l'intéressé et illustre cet argument par un exemple: il suppose le cas d'une personne qui a travaillé en Italie pendant une courte période (par exemple, cinq ans); dans ce cas, plus la durée totale de la carrière professionnelle de l'intéressé est longue (et plus elle est donc longue, par hypothèse, à l'étranger), plus la fraction représentée par la partie italienne de sa pension totale est faible. Comme c'est là tout le but de l'exercice de totalisation et de proratisation, cette constatation n'est guère surprenante.
50 L'INPS présente aussi comme une conséquence inacceptable de la thèse des demandeurs le fait que la pension totale due après totalisation et proratisation puisse, dans certains cas, dépasser le minimum national; cela n'est pas surprenant non plus, étant donné que le but d'un minimum est assurément d'être dépassé la plupart du temps.
51 A supposer que l'on ne considère pas comme évident qu'il résulte du libellé de l'article 46, paragraphe 2, sous a), que le montant théorique de la pension doit inclure le complément, un autre argument en ce sens peut être tiré de certains arrêts de la Cour. Il existe une certaine jurisprudence sur la notion de «montant théorique de la prestation», même si aucun précédent ne porte directement sur la question précise qui est soulevée en l'espèce.
52 L'arrêt Menzies (40) concernait la base de calcul à retenir pour calculer le montant d'une pension allemande d'invalidité professionnelle en application de l'article 46, paragraphe 2, sous a). La législation allemande prévoyait qu'une période complémentaire était créditée aux personnes atteintes d'une incapacité de travail avant d'avoir atteint l'âge de 55 ans. M. Menzies avait cotisé 24 mois en Allemagne, et 248 mois au Royaume-Uni. La période complémentaire, qui était de 199 mois dans son cas, avait été prise en compte par l'institution compétente pour le calcul du montant théorique visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), mais non pour le calcul du montant effectif visé à l'article 46, paragraphe 2, sous b). Le montant théorique de la prestation était donc le montant de la pension d'invalidité à laquelle M. Menzies aurait eu droit, en Allemagne, s'il avait versé des cotisations pendant une durée totale de 471 mois, c'est-à-dire 24 + 248 + 199. Le calcul de la prestation allemande proratisée donnait un montant égal à 8,82 % du montant théorique, sur la base de 24:(24 + 248). Le demandeur soutenait que la période complémentaire aurait dû être prise en compte pour le calcul du montant effectif, ce qui aurait donné une prestation proratisée de 47,34%, soit (24 + 199):(24 + 248 + 199).
53 En rejetant cette thèse, la Cour a précisé les points suivants au sujet du calcul du montant théorique:
«En ce qui concerne le montant théorique, il résulte des dispositions expresses de l'article 46, paragraphe 2, alinéa a), que celui-ci doit être calculé comme si l'assuré avait exercé toute son activité professionnelle exclusivement dans l'État membre en cause. Il s'ensuit que, si la législation dudit État prévoit, dans le but de valoriser la prestation octroyée en cas d'invalidité précoce ou de mort prématurée de l'assuré, que la prestation doit être calculée en fonction non seulement des périodes d'assurance accomplies par l'assuré, mais encore d'une période complémentaire correspondant à l'intervalle entre l'âge de l'assuré au moment de la réalisation du risque et le moment où il aurait atteint l'âge de 55 ans, cette période complémentaire doit également être prise en considération pour le calcul du montant théorique visé à l'alinéa a)» (41).
54 Dans l'arrêt Di Prinzio (42), la Cour a observé:
«En ce qui concerne la question de la prise en considération des périodes fictives pour les besoins du calcul du montant théorique de la prestation, il ressort du libellé de l'article 46, paragraphe 2, sous a), que l'institution compétente applique l'intégralité de la législation de son État, de sorte que, si celle-ci prévoit que la prestation doit être calculée en fonction non seulement de périodes effectives ou assimilées, mais encore d'un certain nombre d'années supplémentaires fictives, cette période complémentaire doit également être prise en considération pour le calcul du montant théorique de la prestation» (43).
55 On peut inférer des arrêts Menzies et Di Prinzio que, si un État membre essayait de réaliser l'objectif d'une pension minimale en attribuant à un travailleur certaines périodes fictives d'assurance afin de corriger une courte durée d'assurance, il est évident que ces périodes devraient être prises en compte dans la détermination du montant théorique. Si un autre État membre tente d'atteindre le même but par la voie d'un complément de pension, il semblerait anormal de ne pas inclure ce complément dans le calcul.
56 Dans l'arrêt Besem (44), la Cour a établi une règle plus générale. L'affaire concernait le calcul d'une prestation d'invalidité néerlandaise. Selon la législation nationale pertinente, le montant de la prestation ne dépendait pas de la durée des périodes d'assurance accomplies; il était fonction du degré d'incapacité de travail et du montant de la rémunération journalière que l'intéressé aurait pu obtenir s'il n'était pas inapte au travail. Toutefois, si le droit à prestations n'était ouvert qu'en vertu de la réglementation communautaire, cette rémunération hypothétique devait être minorée au prorata des périodes non assurées. M. Besem avait eu une période d'interruption d'assurance de cinq ans à l'intérieur d'une période globale d'assurance de 44 ans, avant d'être déclaré inapte au travail. L'autorité néerlandaise avait calculé sa prestation d'invalidité selon l'article 46, paragraphe 2, sur la base d'une rémunération ainsi minorée. Cette minoration était contestée.
57 La Cour a dit pour droit que cette minoration était illégale et a relevé, dans ce cadre, que la situation dont elle avait à connaître faisait:
«l'objet d'une réglementation communautaire complète qui permet, sans plus, de déterminer le montant théorique par rapprochement avec les dispositions nationales qui fixent le montant des prestations dont bénéficierait un travailleur qui y a droit en vertu de la seule législation nationale.
Il n'est pas conforme à cette réglementation qu'un État membre, en vue de la détermination du montant des prestations dans de telles situations adopte des dispositions qui ont pour objet de modifier le calcul du montant théorique dans le sens d'une minoration par rapport à celui qui résulterait des dispositions générales de la législation nationale» (45).
58 Les principes définis par la Cour dans les arrêts précités permettent de conclure que le calcul visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), doit reposer sur le total de la pension fictive à laquelle l'intéressé aurait droit s'il avait travaillé pendant toute la durée de sa vie active dans l'État membre concerné. Il serait contraire à ces principes de ne pas inclure un complément de pension dans ce calcul.
59 Pour finir, nous évoquerons les diverses notes et les divers procès-verbaux de réunions de la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants que l'INPS a mentionnés au soutien de sa thèse. Cette commission administrative a initialement été établie dans le cadre du règlement n_ 3 (46), qui a précédé le règlement n_ 1408/71, et elle est actuellement régie par les articles 80 et 81 du règlement n_ 1408/71. Ses tâches sont notamment «de traiter toute question administrative ou d'interprétation découlant» du règlement n_ 1408/71, «sans préjudice du droit des autorités, institutions et personnes intéressées de recourir aux procédures et aux juridictions prévues par les législations des États membres, par le présent règlement et par le traité» (47). La Cour a cependant jugé, dès les premiers temps, que la disposition correspondante (48) du règlement n_ 3 laissait intacts les pouvoirs des juridictions compétentes d'apprécier la validité et le contenu des dispositions du règlement et que les décisions de ladite commission avaient seulement valeur d'avis à leur égard. Elle a poursuivi en déclarant qu'aucune autre interprétation ne serait conforme au traité, notamment à son article 177, qui institue une procédure pour assurer l'interprétation judiciaire uniforme des règles de droit communautaire (49). Les notes invoquées par l'INPS ne peuvent donc pas être considérées comme contraignantes.
L'article 50 du règlement n_ 1408/71
60 L'INPS évoque la différence entre le «montant théorique» visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), et la «pension minimale» visée à l'article 50: la première est simplement la base de calcul sur laquelle se fonde le système communautaire de totalisation et de proratisation tandis que la seconde représente un revenu minimum garanti indépendamment des périodes d'assurance accomplies par le travailleur. L'INPS conclut que, dans le cadre de la réglementation communautaire, l'article 50 est l'unique disposition destinée à garantir un revenu minimal aux titulaires de pensions et de rentes. Il est bien possible que cela soit exact; toutefois, cela ne semble pas directement pertinent au regard de la question dont la Cour est saisie et qui, comme nous l'avons précédemment indiqué, ne porte pas sur la garantie d'un revenu minimum aux demandeurs.
61 L'INPS cite les arrêts Torri (50) et Browning (51), sans toutefois que le principe qu'il cherche à en inférer n'apparaisse clairement. Dans l'arrêt Torri, la Cour a dit pour droit que l'article 50 ne s'applique pas si un État membre n'a pas spécifiquement prévu une pension minimale dans sa législation. Dans l'arrêt Browning, elle a affiné davantage cette règle: elle a précisé que l'article 50 visait un minimum résultant d'une garantie spécifique prévue par la législation nationale, et non les prestations minimales pouvant résulter du jeu normal des règles de calcul des pensions fondées sur les périodes d'affiliation et de cotisations. Il se peut que l'INPS tente d'invoquer l'arrêt Torri à titre de précédent à l'appui de la thèse selon laquelle le montant théorique de la prestation est différent de la pension minimale: dans l'affaire Torri, le demandeur avait soutenu sans succès que, à défaut de minimum légal dans un État membre donné, l'article 50 exige le versement d'un minimum qui soit égal au montant théorique calculé selon l'article 46, paragraphe 2, sous a). Toutefois, il est manifestement fallacieux de poser en prémisse que, en l'absence de minimum légal, le montant théorique ne peut pas constituer une pension minimale aux fins de l'article 50, et en conclure que, de ce fait, le montant théorique doit donc, aux fins de l'article 46, paragraphe 2, sous a), exclure tout complément légal destiné à relever une pension au niveau d'un tel minimum.
62 La Commission évoque la genèse de l'article 50. Dans l'exposé des motifs de sa proposition (52) de révision du règlement n_ 3 (53), qui a finalement été adoptée en tant que règlement n_ 1408/71, elle a affirmé, à propos de l'article 40, devenu l'article 50 du règlement n_ 1408/71:
«Lorsque la carrière du travailleur a été assez courte et que le droit aux prestations d'invalidité, de vieillesse ou de survie, n'a pu s'ouvrir, au titre des législations des États auxquelles il a été soumis, qu'en tenant compte de toutes ses périodes d'assurance, il arrive fréquemment que le montant total des prestations dues par ces États n'atteigne pas le niveau du minimum prévu par la législation d'un ou de plusieurs d'entre eux, bien que le montant théorique dont il s'agit à l'article 35 [devenu l'article 46] ait déjà été porté au niveau de ce minimum» (54).
Cette disposition était destinée à s'appliquer dans les trois États membres qui prévoyaient, à cette époque, des prestations minimales du type indiqué, à savoir la République française, la République italienne et le grand-duché de Luxembourg. La Commission relève que les prestations minimales établies par les législations française et luxembourgeoise prévoyaient des montants fixes. Elle conclut que le montant théorique visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), était manifestement destiné à être relevé jusqu'au niveau de tout minimum légal éventuellement applicable, que le montant de ce minimum dépende ou non de périodes d'assurance.
63 Nous ne croyons pas que, en l'absence d'autres éléments, les explications de la Commission sur ses propositions législatives seraient déterminantes, ni même qu'elles auraient une grande force probante: comme l'a souligné l'avocat général M. Warner sous l'arrêt Torri (55), rien ne permet de supposer que les membres du Conseil ont partagé, à tous égards, les intentions de la Commission quant au sens d'une disposition donnée. Toutefois, lorsque, comme en l'espèce, les explications de la Commission concordent avec le sens donné à une disposition [en l'occurrence l'article 46, paragraphe 2, sous a)] sur la base de son libellé, de son contexte et de l'interprétation qui en a été fournie par la Cour, nous estimons que de telles explications fournissent des éléments supplémentaires utiles.
Conclusion
64 Nous considérons donc qu'il convient de répondre comme suit à la question déférée par la Pretura circondariale di Roma:
«Lorsque i) la législation d'un État membre ouvre droit à un complément destiné à relever jusqu'à un minimum spécifié le montant d'une pension de vieillesse au sens du chapitre 3 du titre III du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et que ii) le montant de la pension à laquelle l'intéressé pourrait prétendre s'il avait accompli, dans cet État, toutes les périodes d'assurance et/ou de résidence qu'il a accomplies sous les législations des États membres auxquelles il a été soumis serait inférieur audit minimum, de sorte qu'il aurait donc droit au complément précité, le montant théorique visé à l'article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement est le montant de la pension tel que complété pour atteindre le minimum spécifié, nonobstant la circonstance que le complément est mentionné dans l'annexe II bis du règlement.»
(1) - Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Le texte du règlement, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n_ 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, figure dans la partie I de l'annexe A du règlement (CE) n_ 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, portant modification et mise à jour du règlement n_ 1408/71 (JO 1997, L 28, p. 1).
(2) - Tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n_ 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7).
(3) - Pour une brève explication, voir nos conclusions sous l'arrêt du 21 mars 1990, Cabras (C-199/88, Rec. p. I-1023, point 11).
(4) - Arrêt de la Cour du 30 novembre 1977, Torri (64/77, Rec. p. 2299, point 5).
(5) - Cassazione, Sez. Lavoro, arrêt du 9 janvier 1996, n_ 95, publié dans Foro italiano, 1996, I, 874.
(6) - Voir article 1er, sous t).
(7) - Arrêt du 22 juin 1972 (1/72, Rec. p. 457). Pour une analyse complète de la distinction entre sécurité sociale et assistance sociale, voir les conclusions de l'avocat général M. Mayras.
(8) - Arrêt du 9 octobre 1974 (24/74, Rec. p. 999).
(9) - Arrêt du 5 mai 1983 (139/82, Rec. p. 1427).
(10) - Arrêt du 24 février 1987 (379/85, 380/85, 381/85 et 93/86, Rec. p. 955).
(11) - Arrêt du 22 avril 1993 (C-65/92, Rec. p. I-2005).
(12) - Point 21 et dispositif de l'arrêt.
(13) - Point 15. Voir aussi les points 13, 14 et 16.
(14) - Règlement du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 1).
(15) - Voir deuxième et troisième considérants. Voir, à titre d'exemples, les arrêts cités dans les notes 7 à 10. A titre supplémentaire, voir les conclusions de l'avocat général M. Cruz Vilaça sous l'arrêt Giletti e.a., précité note 10, aux points 21 à 31, ainsi que le résumé des observations écrites du Royaume-Uni figurant dans le rapport d'audience de l'arrêt Piscitello, précité note 9, p. 1432 à 1434.
(16) - Précité note 8.
(17) - JO 1985, C 240, p. 6; COM (85) 396 final.
(18) - Arrêt du 12 juillet 1990, Commission/France (C-236/88, Rec. p. I-3163). Pour la genèse du règlement n_ 1247/92, voir le rapport d'audience, p. 3166, le résumé des observations écrites de la Commission dans l'affaire Piscitello (arrêt précité note 9), p. 1434, et l'exposé des motifs de la proposition de la Commission précitée à la note 17.
(19) - Voir premier considérant et article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 1247/92.
(20) - Inséré par l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n_ 1247/92.
(21) - Inséré par l'article 1er, paragraphe 4, du règlement n_ 1247/92.
(22) - Insérée par l'article 1er, paragraphe 6, du règlement n_ 1247/92.
(23) - Le titre III contient des dispositions particulières aux différentes catégories de prestations, notamment les articles 44 à 51 relatifs aux pensions de vieillesse et de décès.
(24) - Inséré par l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n_ 1247/92.
(25) - Article 5 du règlement n_ 1408/71, tel que modifié par le règlement n_ 1247/92: voir l'article 1er, paragraphe 3, de ce second règlement.
(26) - Insérée par l'article 1er, paragraphe 5, du règlement n_ 1247/92.
(27) - Voir, en termes très voisins, la description donnée par la Cour de la proposition de la Commission au point 6 de l'arrêt Commission/France (précité note 18).
(28) - Arrêt du 5 juillet 1983 (171/82, Rec. p. 2157, et plus spécialement p. 2165).
(29) - Arrêt du 5 avril 1995 (C-103/94, Rec. p. I-719).
(30) - Voir points 9 à 11 des conclusions.
(31) - Point 11.
(32) - Point 36 de l'arrêt.
(33) - Précité note 8.
(34) - Précité note 9.
(35) - Voir point 47 ci-après.
(36) - Précité note 11; voir le point 26 de l'arrêt.
(37) - Précité note 2.
(38) - Cette remarque et cette note concernent la version anglaise dont le libellé a été légèrement modifié par rapport au précédent, tel qu'il figurait dans l'annexe I du règlement (CEE) n_ 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6).
(39) - Points 23 à 27 de l'arrêt; voir également points 13 et 14 de nos conclusions.
(40) - Arrêt du 26 juin 1980 (793/79, Rec. p. 2085).
(41) - Point 10 de l'arrêt.
(42) - Arrêt du 18 février 1992 (C-5/91, Rec. p. I-897).
(43) - Point 45.
(44) - Arrêt du 23 septembre 1982 (274/81, Rec. p. 2995).
(45) - Points 12 et 13 de l'arrêt.
(46) - Règlement du Conseil, du 25 septembre 1958, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO 1958, p. 561).
(47) - Article 81, sous a).
(48) - Article 43.
(49) - Arrêt du 5 décembre 1967, Van der Vecht (19/67, Rec. p. 445, et plus spécialement p. 457).
(50) - Précité note 4.
(51) - Arrêt du 17 décembre 1981 (22/81, Rec. p. 3357).
(52) - JO 1966, 194, p. 3333; COM (66) 8 du 6 janvier 1966.
(53) - Précité note 46.
(54) - Page 52 (c'est nous qui soulignons).
(55) - Rec. p. 2309.