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Document 61995TJ0040

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 28 mars 1996.
    V contre Commission des Communautés européennes.
    Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Révocation - Motivation - Circonstances aggravantes.
    Affaire T-40/95.

    Recueil de jurisprudence - Fonction publique 1996 I-A-00153; II-00461

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:45

    61995A0040

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 28 mars 1996. - V contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Révocation - Motivation - Circonstances aggravantes. - Affaire T-40/95.

    Recueil de jurisprudence - fonction publique 1996 page IA-00153
    page II-00461


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Parties


    ++++

    Dans l'affaire T-40/95,

    V, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Arlon (Belgique), représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 18 janvier 1995 portant révocation du requérant sans réduction ni suppression de son droit à une pension d'ancienneté,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

    (cinquième chambre),

    composé de MM. R. Schintgen, président, R. García-Valdecasas et J. Azizi, juges,

    greffier: Mme L. Kintzelé-Prussen, référendaire,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 janvier 1996,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Faits à l'origine du recours

    1 Le requérant est un ancien fonctionnaire de grade C 3 de la Commission des Communautés européennes où il était affecté, en dernier lieu, à l'unité «prélèvements, amendes, cautions et dispositions d'application» de la direction générale Crédits et investissements (DG XVIII). Il est entré au service de la Commission le 16 janvier 1988 en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade C 5 et a été affecté au bureau de sécurité de la Commission à Luxembourg. Titularisé le 16 juillet 1988, il a été affecté à la direction de l'administration du Centre commun de recherche à Ispra à partir du 1er novembre 1989. Le 1er janvier 1990, il a été promu au grade C 4 et, le 1er avril 1993, au grade C 3.

    2 Le 24 mai 1991, le requérant, ainsi que son épouse et un de ses collègues, M. K., ont participé aux épreuves écrites de comptabilité et d'audit du concours général EUR/B/21, publié par avis du 26 octobre 1990 et organisé en commun par la Commission et la Cour des comptes des Communautés européennes. Par lettre du 10 juillet 1991, adressée au jury du concours en question, un des correcteurs des épreuves écrites a relevé des similitudes dans la rédaction des réponses des trois candidats relatives à certaines questions de comptabilité et d'audit, ainsi que des similitudes entre certaines réponses et le manuel d'audit de la Cour des comptes.

    3 Par lettre du 19 février 1992, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») a notifié au requérant sa décision du même jour, d'une part, d'entamer une procédure disciplinaire à son encontre au motif qu'il était soupçonné d'avoir communiqué avec deux autres candidats lors du concours EUR/B/21, d'autre part, de charger M. Caston, chef de l'unité «assurance, maladie et accidents» de la direction générale du personnel et de l'administration (ci-après «DG IX») de procéder à l'enquête disciplinaire.

    4 Dans le cadre de la procédure d'enquête disciplinaire, le requérant et M. K. ont été entendus, les 5 et 27 mars 1992, par MM. Caston et Joris, représentants de la Commission, en présence de M. Depoulain, représentant de la Cour des comptes, ainsi que, le 9 avril 1992, par MM. Ruppert et Depoulain, représentants de la Cour des comptes, en présence de M. Joris.

    5 Le 22 mai 1992, M. Caston a procédé à une audition, à titre confidentiel, de M. K. Le 3 juin 1992, des auditions complémentaires de celui-ci et du requérant ont eu lieu, en présence de MM. Joris et Depoulain.

    6 Lors des auditions précitées, le requérant a reconnu avoir fourni ses brouillons, au cours des épreuves du concours EUR/B/21, sous forme de copies carbone, tant à son épouse qu'à M. K. Il a cependant nié avoir eu connaissance des questions et/ou des corrigés types des épreuves écrites avant les épreuves du 24 mai 1991.

    7 Le 17 février 1993, l'AIPN a décidé de saisir, en application de l'article 1er de l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), le conseil de discipline. Dans son rapport de saisine du conseil du 23 février 1993, elle faisait grief au requérant:

    «- de s'être concerté avec deux autres candidats pour la sous-partie I des questions de comptabilité et avec l'un des candidats pour la plupart des questions restantes, ainsi que

    - d'avoir eu connaissance à l'avance soit des corrigés types aux questions de comptabilité et peut-être d'audit soit du libellé de ces questions ou de certaines d'entre elles soit à la fois de ces corrigés types et de ces questions».

    8 Le 11 juin 1993, le conseil de discipline a procédé à l'audition du requérant, de son épouse et de M. K., assistés de leurs conseils respectifs. L'avis rendu le même jour par le conseil de discipline a recommandé à l'AIPN d'infliger au requérant la sanction visée à l'article 86, paragraphe 2, sous b), du statut, à savoir le blâme. Il constatait un manquement du requérant à ses obligations statutaires, eu égard au fait qu'il avait avoué avoir remis, au cours des épreuves écrites, des brouillons à deux candidats, mais ne retenait pas le grief, considéré comme non prouvé, qu'il aurait eu connaissance à l'avance des questions et/ou des corrigés types des réponses.

    9 En application de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe IX du statut, M. De Koster, directeur général de la DG IX, en sa qualité d'AIPN, a procédé à l'audition du requérant le 26 juillet 1993. M. K., assisté de son avocat, a été entendu par l'AIPN le 28 juillet 1993. Lors de cette audition, M. K. a déclaré avoir été informé par le requérant lui-même, la veille des épreuves écrites, que ce dernier disposait des questions qui seraient posées lors des épreuves. Les questions lui auraient été remises par un réseau, existant au sein du bureau de sécurité à Luxembourg, lequel aurait distribué des informations sur les épreuves des concours à un nombre limité de personnes. A la suite de cette audition, M. De Koster s'est entretenu le même jour avec M. Caston, qui lui a confirmé que M. K. lui avait fait les mêmes déclarations, à titre confidentiel, lors de son audition du 22 mai 1992.

    10 Par note du 17 septembre 1993, l'AIPN a notifié au requérant sa décision de suspendre momentanément la procédure disciplinaire engagée à son encontre, en vue de poursuivre l'enquête administrative «compte tenu des faits nouveaux révélés lors des récentes auditions». Le 27 septembre 1993, le requérant, assisté de son avocat, a été entendu par M. Petersen, conseiller à la DG IX, mandaté par l'AIPN à cet effet. Après avoir été informé des éléments nouveaux à l'origine de la reprise de l'enquête administrative, le requérant a réitéré ses déclarations antérieures et nié avoir connaissance du réseau mentionné par M. K.

    11 Par rapport complémentaire du 5 novembre 1993, l'AIPN a rouvert la procédure devant le conseil de discipline à l'encontre du requérant. Dans son rapport, l'AIPN a conclu qu'il était nécessaire de saisir à nouveau le conseil de discipline notamment pour les raisons suivantes:

    «- l'AIPN estime que les révélations de M. K. sont à considérer comme des faits nouveaux acquis ultérieurement au premier avis du conseil de discipline et doivent pouvoir être appréciés par celui-ci,

    - l'affirmation selon laquelle le requérant aurait été en possession du corrigé type et qu'un réseau de fonctionnaires distribuerait des informations sur les épreuves de concours sont d'une extrême gravité. De tels agissements sont susceptibles d'avoir un impact direct sur les travaux du conseil et ses recommandations».

    12 Lors de sa réunion du 15 février 1994, le conseil de discipline a décidé d'entendre plusieurs témoins avant de se prononcer.

    13 Le 16 septembre 1994, le conseil de discipline a procédé à l'audition des témoins D., M., S., S., C. et P.

    14 Par lettre du 20 septembre 1994, le président du conseil de discipline a demandé des éclaircissements à M. F. au sujet des questions qu'il aurait remises au requérant avant les épreuves écrites du concours EUR/B/21. Par lettre télécopiée du 22 septembre 1994, M. F. a répondu au président du conseil de discipline que les seuls documents qu'il aurait transmis au requérant étaient trois ou quatre livres techniques, ayant trait à la comptabilité et à l'audit, qu'il avait achetés à Bruxelles pour le compte du requérant. Il nie avoir disposé des questions du concours EUR/B/21 et les avoir remis à quiconque.

    15 A l'issue des auditions précitées, le conseil de discipline a rendu un second avis le 11 octobre 1994, dont la dernière partie a la teneur qui suit:

    «Le conseil de discipline:

    considérant l'aveu de M. V d'avoir remis, au cours des épreuves écrites, des brouillons à deux candidats pour les avantager vis-à-vis d'autres candidats;

    considérant la déclaration de M. K.;

    considérant qu'il découle des témoignages que le système d'organisation du concours n'exclut pas l'accès aux questions avant les épreuves;

    considérant que M. V a les connaissances nécessaires pour profiter de la connaissance des questions;

    considérant les épreuves de M. V;

    considérant que la majorité des membres du conseil aboutissent à la conviction que M. V était en possession des questions avant les épreuves;

    considérant que M. V est en service auprès des Communautés depuis six ans, sans reproches;

    considérant les rapports de notation de M. V;

    est d'avis que M. V a manqué à ses obligations statutaires correspondantes;

    bien qu'une minorité est d'avis, au vu des déclarations contradictoires, d'infliger un blâme à M. V, recommande, à la majorité, à l'autorité investie du pouvoir de nomination d'infliger à M. V la sanction disciplinaire visée à l'article 86, paragraphe 2, littera e), du statut, à savoir la rétrogradation vers le grade C 4, tout en maintenant l'échelon.»

    16 Après avoir procédé à l'audition du requérant en présence de son avocat, le 26 octobre 1994, l'AIPN a adopté, le 18 janvier 1995, une décision infligeant au requérant la sanction disciplinaire visée à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation, avec prise d'effet au 1er mars 1995. La motivation de la décision se lit comme suit:

    «considérant que les griefs retenus à l'encontre de M. V sont:

    - de s'être concerté, au cours des épreuves écrites de comptabilité et d'audit du concours général EUR/B/21 à Luxembourg, avec deux autres candidats soit son épouse Mme G.-G. et M. K., fonctionnaire du bureau de sécurité à Luxembourg temporairement affecté à l'Office des publications, pour la sous-partie I de l'épreuve A1 de comptabilité, et avec l'un de ces deux candidats pour la plupart des questions restantes, ainsi que

    - d'avoir eu connaissance à l'avance des corrigés types aux questions de comptabilité et peut-être d'audit, soit du libellé de ces questions ou de certaines d'entre elles, soit à la fois de ces corrigés types et de ces questions;

    considérant qu'un correcteur des épreuves écrites du concours général EUR/B/21 par lettre du 10 juillet 1991 adressée au jury a signalé que deux candidats avaient selon toute vraisemblance communiqué entre eux durant les épreuves dont la rédaction de certaines réponses était soit rigoureusement identique, soit pour d'autres parties fortement ressemblante; qu'il apparaissait qu'un troisième candidat avait communiqué, dans une moindre mesure, avec les deux premiers;

    considérant qu'il apparaissait des numéros de l'anonymat que les deux premiers candidats étaient M. V et M. K. et que la troisième personne était Mme G.-G.;

    considérant qu'il résulte tant des rapports d'audition de M. V que des avis du conseil de discipline que celui-ci a reconnu avoir remis au cours des épreuves écrites des brouillons à M. K., suite à des signes faits par ce dernier; qu'il ressort en effet des déclarations de M. V que `lors du déroulement des épreuves (M. K.) a pu lui dire qu'il se croyait incapable de résoudre certains des exercices de comptabilité';

    considérant que le comportement de M. V est aggravé au vu des circonstances décrites ci-après;

    considérant qu'il ressort des copies de M. K. que sa réponse à la question A1 dans les parties concernant la comptabilité pure est très similaire à la réponse de M. V;

    considérant que, ainsi qu'il ressort du tableau à la page 4 de la présente décision, la réponse de M. K. à la sous-partie 2 point 2 de la question A1 - analyser et commenter le résultat obtenu au point 1 - présente certaines similitudes avec la réponse de M. V (cf. l'annexe 2 pour la réponse sur ce point de M. K. et l'annexe 3 pour la réponse de M. V); que par contre la réponse de M. K. (annexe 2) reproduit presque à la lettre la partie du corrigé type de la question A1 sous-partie 2 point 2 qui avait été préalablement établi par le jury (cf. annexe 4);

    considérant qu'il résulte du dossier que les éléments de réponse ne peuvent pas avoir été pris du manuel d'audit de la Cour des comptes, dont la partie pertinente est jointe à la présente décision (annexe 5);

    considérant que dans ses déclarations M. V indique que M. K. a pu lui dire lors du déroulement des épreuves qu'il se croyait incapable de résoudre certains des exercices de comptabilité et que c'est à la suite de cette supplique qu'il lui a fourni ce qu'il appelle des brouillons de ses réponses; qu'il est donc clair que, avant l'aide reçue de M. V, M. K. n'avait pas connaissance des éléments de réponse qu'il a utilisés; que ceux-ci sont aussi proches de la réponse de M. V que du corrigé type pour le point mentionné ci-dessus; qu'il faut donc bien constater que M. V disposait du corrigé type pour le point en question et cela forcément avant de pénétrer dans la salle de concours; qu'il a donc bénéficié d'une fuite;

    considérant que M. V a ainsi sciemment essayé de fausser les résultats du concours général en violation du principe selon lequel les candidats à des postes à la fonction publique européenne doivent se trouver en position d'égalité par rapport aux épreuves desdits concours généraux;

    considérant que ce comportement aurait ainsi entraîné un risque sérieux de réussite aux épreuves de ce concours général de candidats qui ne possédaient pas réellement les connaissances professionnelles requises, ce qui aurait eu pour conséquence tant de léser les autres candidats que de porter préjudice aux intérêts de l'institution;

    considérant qu'en refusant de fournir toute indication quant à l'origine du corrigé type en question il a manqué à son devoir de coopération dans la recherche de la vérité, dans l'intérêt de l'institution;

    considérant que M. V, ancien inspecteur de la police belge et ancien fonctionnaire du bureau de sécurité, d'abord à Luxembourg, ensuite à Ispra, assurait des tâches importantes de responsabilité et de confiance;

    considérant que l'institution est en droit d'attendre de ses fonctionnaires et en particulier de la part d'un ancien fonctionnaire du bureau de sécurité, de par la nature même des fonctions exercées, une honnêteté irréprochable;

    considérant l'extrême gravité du comportement de M. V qui a abusé de la confiance qui doit régner entre le fonctionnaire et son institution;

    considérant que pour ces raisons et en tenant compte également de l'ensemble des circonstances d'espèce il s'avère nécessaire et justifié d'infliger à M. V une sanction plus sévère que la sanction disciplinaire préconisée par le conseil de discipline.»

    Procédure et conclusions des parties

    17 C'est dans ces circonstances que le requérant a introduit, le 17 février 1995, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation par la voie hiérarchique contre la décision qui lui avait été remise le 20 janvier 1995. Le requérant a également introduit le même jour, en application du paragraphe 4 de l'article 90 du statut, un recours en annulation de la décision ainsi qu'une demande de mesures provisoires visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision attaquée.

    18 Par ordonnance rendue le 24 février 1995, le président du Tribunal a ordonné la suspension de l'exécution de la décision de la Commission du 18 janvier 1995 jusqu'au prononcé de l'ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

    19 Par ordonnance rendue le 31 mars 1995, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé du requérant.

    20 Par lettre du 28 juin 1995 adressée à l'avocat du requérant, la Commission a rejeté la réclamation du requérant.

    21 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale, sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, il a invité la Commission, à titre de mesures d'organisation de la procédure, à produire certains documents et à répondre à une question écrite.

    22 La procédure orale s'est déroulée le 18 janvier 1996. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal. Le Tribunal a invité le représentant de la Commission à lui verser les avis du conseil de discipline ainsi que les décisions disciplinaires de la Commission concernant Mme G.-G. et M. K. Le représentant du requérant a marqué son accord à ce que ces documents soient versés au Tribunal.

    23 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - annuler la décision de la Commission du 18 janvier 1995,

    - condamner la partie défenderesse aux dépens.

    24 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - rejeter le recours,

    - statuer sur les dépens comme de droit.

    Sur le fond

    25 Le requérant invoque en substance cinq moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et de l'article 7 de l'annexe IX du statut, le deuxième est pris d'une violation des droits de la défense, le troisième d'un abus de pouvoir de la part de l'AIPN, le quatrième d'une erreur manifeste d'appréciation et le cinquième moyen est pris de la méconnaissance du principe de proportionnalité et de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée.

    26 Le Tribunal considère que, en l'espèce, il convient de procéder d'abord à l'examen du dernier moyen invoqué par le requérant.

    Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité et de l'insuffisance de motivation

    Arguments des parties

    27 Le requérant fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision. En outre, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité en aggravant, dans la décision attaquée, la sanction proposée par le conseil de discipline, sans pour autant apporter la preuve certaine de sa prétendue connaissance des corrigés types avant les épreuves du concours EUR/B/21 ni justifier les circonstances aggravantes retenues à sa charge.

    28 Le requérant estime, à cet égard, que la Commission tire erronément de la comparaison entre les réponses, données par M. K. et lui-même, aux épreuves en question et les corrigés types la certitude qu'il aurait été en possession des questions ou des corrigés types avant le déroulement du concours. Il affirme que la seule conclusion que l'AIPN pourrait tirer de cette comparaison serait que les réponses de M. K. sont plus proches des corrigés types que les siennes.

    29 Le requérant ajoute que les circonstances aggravantes retenues à sa charge dans la décision attaquée ne sont pas fondées. En effet, d'une part, il ne saurait lui être reproché un manque de coopération dans la mesure où il ne pouvait inventer l'identité d'un réseau inexistant ou accuser des personnes innocentes dans le seul but de voir réduire la sanction qui lui a été infligée.

    30 D'autre part, le requérant soutient que la circonstance aggravante tirée de ce qu'il aurait assumé des tâches importantes de responsabilité et de confiance en tant que fonctionnaire auprès du bureau de sécurité à Luxembourg et à Ispra manque en fait étant donné qu'il n'a été affecté au bureau de sécurité de la Commission à Luxembourg qu'en tant que commis adjoint de grade C 5 et qu'à partir de 1989, il a été affecté à Ispra au service «presse-relations publiques». Il s'étonne, en outre, que la Commission n'ait pas fait usage, au vu de la gravité alléguée des faits reprochés et des dangers inhérents à un réseau au sein du bureau de sécurité, de la faculté inscrite à l'article 88 du statut de le suspendre, mais que, bien au contraire, elle l'a promu au grade C 3 au cours de la procédure disciplinaire.

    31 Le requérant en arrive à la conclusion que la Commission n'était pas en droit de le sanctionner plus sévèrement que les deux autres candidats qui ont copié sur lui lors des épreuves du concours, le seul manquement qui puisse lui être reproché étant celui d'avoir communiqué ses brouillons à ces deux candidats.

    32 La Commission fait valoir, tout d'abord, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que, dès lors que la réalité des faits retenus à la charge d'un fonctionnaire est établie, le choix de la sanction appartient à l'autorité disciplinaire (arrêt de la Cour du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 34, et arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, D/Commission, T-549/93, RecFP p. II-43, points 96 à 98, et du 17 octobre 1991, De Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, points 220 et 221). En l'espèce, il ressortirait clairement des éléments du dossier que le requérant a eu connaissance des corrigés types avant les épreuves du concours dès lors que les réponses aux épreuves écrites du concours sont presque identiques aux corrigés types et que le requérant n'a fourni aucune justification quant à cet état des choses.

    33 La Commission soutient, ensuite, que l'aggravation de la sanction infligée par rapport à celle proposée par le conseil de discipline se trouve également justifiée par les circonstances de l'espèce, à savoir la transgression des principes gouvernant l'organisation des concours généraux et du principe de l'égalité des candidats aux concours généraux, le manquement du requérant à son devoir de coopération ainsi que ses anciennes fonctions d'inspecteur dans la police belge et de membre du bureau de sécurité de la Commission. Elle ajoute qu'elle a clairement indiqué ces circonstances aggravantes dans la décision attaquée, qui répondrait ainsi aux exigences de motivation définies par la jurisprudence à cet égard (arrêt F./Commission, précité, point 40).

    34 La Commission relève, en dernier lieu, que le requérant ne saurait tirer argument de la circonstance que les deux autres candidats, mis en cause dans le cadre des procédures disciplinaires relatives au déroulement du concours EUR/B/21, ont été sanctionnés moins sévèrement que lui, dès lors qu'il est établi que le manquement retenu à sa charge est de nature différente et est plus grave que celui retenu à l'encontre de son épouse et de M. K. En outre, il y aurait lieu de considérer chaque procédure disciplinaire de manière autonome, et les différentes sanctions prises à l'issue des différentes procédures n'exerceraient aucune influence sur la légalité de la sanction disciplinaire infligée au requérant (arrêt De Compte/Commission, précité, point 170).

    Appréciation du Tribunal

    35 Il convient de rappeler, d'abord, qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que l'obligation de motivation d'une décision faisant grief a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d'autre part, d'en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36, et arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143, point 73).

    36 Lorsque l'AIPN inflige une sanction disciplinaire à un fonctionnaire, la motivation de la décision de l'AIPN doit indiquer de manière précise les faits retenus à la charge du fonctionnaire ainsi que les considérations qui ont amené l'AIPN à prononcer la sanction choisie. En outre, si, comme en l'espèce, la sanction infligée par l'AIPN est plus sévère que celle suggérée par le conseil de discipline, la décision infligée doit préciser de façon circonstanciée les motifs qui ont conduit l'AIPN à s'écarter de l'avis émis par le conseil de discipline (arrêt F./Commission, précité, point 35, et arrêt du Tribunal du 28 mars 1995, Daffix/Commission, T-12/94, RecFP p. II-233, point 33).

    37 Il convient, dès lors, d'examiner, à la lumière de ces principes, si l'AIPN a indiqué de manière précise les faits et circonstances qui ont motivé l'aggravation de la sanction retenue dans sa décision.

    38 Le Tribunal constate, d'abord, comme la défenderesse l'a admis à l'audience, que, en adoptant la décision attaquée, l'AIPN s'est fondée sur les mêmes faits que ceux soumis à l'appréciation du conseil de discipline lorsqu'il a émis son second avis.

    39 Le Tribunal constate, ensuite, que l'AIPN retient à la charge du requérant qu'«(il) disposait du corrigé type ... et cela forcément avant de pénétrer dans la salle de concours» et que de ce fait «il a donc bénéficié d'une fuite». Pour justifier sa conviction, l'AIPN allègue, d'une part, que, préalablement à l'aide reçue du requérant, M. K., incapable de résoudre certains exercices de comptabilité, n'aurait pas eu connaissance des éléments de réponse utilisés, dès lors que ce serait lui qui aurait sollicité, au cours des épreuves, l'aide du requérant et, d'autre part, que les réponses fournies par M. K. seraient aussi proches de la réponse du requérant que de celles du corrigé type.

    40 Il en résulte que c'est en substance le prétendu fait que le requérant aurait disposé, avant les épreuves, du corrigé type qui a déterminé tant le conseil de discipline que l'AIPN dans l'évaluation du degré de gravité intrinsèque des faits reprochés au requérant.

    41 Or, force est de constater que l'AIPN conclut à une aggravation du comportement du requérant par rapport à celui constaté par le conseil de discipline, sans pour autant préciser de façon circonstanciée, au moyen d'un complément de motivation, les raisons qui l'ont conduite à s'écarter de l'avis émis par le conseil de discipline.

    42 De surcroît, et à titre surabondant, le Tribunal estime que la similitude des réponses fournies par M. K. avec celles du corrigé type ne saurait suffire à prouver que le requérant aurait disposé du corrigé type avant les épreuves. En effet, il ne saurait être exclu que cette similitude puisse résulter, en l'espèce, d'une circonstance autre que celle de l'aide fournie par le requérant à M. K.

    43 Il convient, ensuite, de rechercher si les trois circonstances aggravantes retenues par l'AIPN sont susceptibles de justifier l'adoption d'une sanction plus lourde que celle recommandée par le conseil de discipline.

    44 Le Tribunal observe que, en premier lieu, l'AIPN qualifie le comportement du requérant comme étant constitutif d'une «violation du principe selon lequel les candidats à des postes à la fonction publique européenne doivent se trouver en position d'égalité par rapport aux épreuves des concours généraux», une telle violation étant susceptible de provoquer un «risque sérieux de réussite aux épreuves de ce concours général de candidats qui ne possédaient pas réellement les connaissances professionnelles requises, ce qui aurait eu comme conséquence tant de léser les autres candidats que de porter préjudice aux intérêts de l'institution».

    45 Le Tribunal estime, à cet égard, que tant la violation du principe de l'égalité des fonctionnaires que la violation des intérêts de l'institution se confondent en substance avec les faits reprochés au requérant par la décision attaquée et ne sauraient, par conséquent, constituer des éléments autonomes susceptibles de justifier une aggravation de la sanction recommandée, sur la base des mêmes faits, par le conseil de discipline.

    46 En deuxième lieu, l'AIPN fonde l'aggravation de la sanction infligée au requérant sur la circonstance que ce dernier a manqué au devoir de coopération qui lui incombe vis-à-vis de son institution en refusant de révéler l'origine des corrigés types.

    47 Le Tribunal estime, à cet égard, que le comportement du requérant n'est pas de nature à aggraver sa situation dans la mesure où il ne saurait lui être fait grief, au vu du principe fondamental des droits de la défense que nul n'est tenu de s'inculper soi-même, de ne pas révéler, le cas échéant, la source du corrigé type dont il aurait prétendument disposé.

    48 En troisième lieu, l'AIPN fait grief au requérant de ne pas avoir fait preuve de l'honnêteté irréprochable qui lui incombe en raison de sa double qualité d'ancien agent de la police belge et d'ancien membre du bureau de sécurité.

    49 Le Tribunal considère que la circonstance, d'une part, que le requérant avait antérieurement occupé un poste de fonctionnaire au sein du bureau de sécurité de la Commission à Luxembourg et celle, d'autre part, qu'il avait antérieurement occupé la fonction d'inspecteur auprès de la police belge ne sont pas de nature à lui imposer un degré d'intégrité excédant celui auquel l'institution est en droit de s'attendre de la part de tous ses fonctionnaires.

    50 Par conséquent, les circonstances, invoquées par l'AIPN, ne sauraient justifier, en l'espèce, que l'AIPN inflige au requérant la sanction de la révocation plutôt que celle de la rétrogradation recommandée par le conseil de discipline.

    51 Le Tribunal relève encore que l'AIPN n'a pas pris en considération la circonstance atténuante, retenue par le conseil de discipline en faveur du requérant, tirée de six années de service irréprochables, ni ses rapports de notation. Interrogé à cet égard par le Tribunal à l'audience, le représentant de la Commission a indiqué que la gravité des faits retenus à la charge du requérant avait pour effet d'annihiler ces circonstances atténuantes. Le Tribunal considère cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment (point 36), que la décision aurait dû comporter une motivation circonstanciée et mentionner les raisons susceptibles de justifier le refus de l'AIPN de prendre en considération les circonstances atténuantes qui avaient déterminé le conseil de discipline dans le choix de la sanction recommandée par lui.

    52 Dès lors, le Tribunal considère que la décision ne comporte aucun motif précisant de manière suffisante les raisons pour lesquelles l'AIPN a infligé au requérant la sanction nettement plus lourde de la révocation que celle suggérée, sur le fondement des mêmes faits, par le conseil de discipline.

    53 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d'annuler la décision attaquée pour insuffisance de motivation, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments invoqués par le requérant.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    54 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens et le requérant ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens, y compris ceux afférents aux procédures de référé.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL

    (cinquième chambre)

    déclare et arrête:

    1) La décision de la Commission du 18 janvier 1995 portant révocation du requérant est annulée.

    2) La Commission supportera l'ensemble des dépens, y compris ceux afférents aux procédures de référé.

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