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Document 61995CJ0181

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 23 janvier 1997.
Biogen Inc. contre Smithkline Beecham Biologicals SA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Nivelles - Belgique.
Règlement (CEE) nº 1768/92 du Conseil - Certificat complémentaire de protection pour les médicaments - Refus du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'en fournir une copie au demandeur du certificat.
Affaire C-181/95.

Recueil de jurisprudence 1997 I-00357

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:32

61995J0181

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 23 janvier 1997. - Biogen Inc. contre Smithkline Beecham Biologicals SA. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Nivelles - Belgique. - Règlement (CEE) nº 1768/92 du Conseil - Certificat complémentaire de protection pour les médicaments - Refus du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'en fournir une copie au demandeur du certificat. - Affaire C-181/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-00357


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Rapprochement des législations - Législations uniformes - Propriété industrielle et commerciale - Droit de brevet - Certificat complémentaire de protection pour les médicaments - Médicament protégé par plusieurs brevets de base - Droit au certificat pour chaque titulaire d'un brevet de base

(Règlement du Conseil n_ 1768/92, art. 1er, c), 3, c), et 6)

2 Rapprochement des législations - Législations uniformes - Propriété industrielle et commerciale - Droit de brevet - Certificat complémentaire de protection pour les médicaments - Conditions d'obtention - Fourniture d'une copie de l'autorisation de mise sur le marché - Obligation, pour le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, d'en fournir copie au titulaire d'un brevet de base - Absence - Faculté, pour l'autorité nationale compétente, de refuser l'octroi du certificat en l'absence de présentation par le demandeur d'une copie de l'autorisation - Exclusion

(Règlement du Conseil n_ 1768/92, art. 8, § 1, b))

Sommaire


3 Le règlement n_ 1768/92 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, adopté afin de remédier à l'insuffisance de la protection effectivement conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique, prévoit que ce certificat peut être obtenu par le titulaire d'un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. Son article 6 confirme que le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit et son article 1er, sous c), mentionne les brevets de base qui peuvent être désignés aux fins de la procédure d'obtention du certificat, à savoir ceux qui protègent un produit en tant que tel, un procédé d'obtention ou une application d'un produit. Le règlement vise donc à faire bénéficier de la protection complémentaire les titulaires de tels brevets, sans établir de préférence entre eux.

Il s'ensuit que ledit règlement ne fait pas obstacle, lorsqu'un médicament est protégé par plusieurs brevets, à ce qu'un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire d'un brevet de base, étant précisé que, conformément à l'article 3, sous c), il ne saurait être délivré plus d'un certificat pour chaque brevet de base.

4 Le règlement n_ 1768/92 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments n'impose pas au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de fournir au titulaire d'un brevet constituant un brevet de base pour le médicament en cause une copie de ladite autorisation.

En effet, si, conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, la demande de certificat complémentaire doit contenir une copie de l'autorisation de mise sur le marché du médicament, aucune disposition du règlement n'impose au titulaire de l'autorisation d'en fournir une copie au titulaire du brevet de base. L'exercice du droit au certificat visé à l'article 6 du règlement ne dépend nullement d'un acte de volonté de la part du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché. En revanche, le règlement ne s'oppose pas à ce que pareille obligation puisse résulter des relations contractuelles entre le titulaire du brevet et le titulaire de l'autorisation.

Toutefois, l'exigence posée par l'article 8, paragraphe 1, sous b), n'a pour but que d'identifier le produit et de vérifier le respect de la date limite de dépôt de la demande ainsi que, le cas échéant, la durée de la protection complémentaire. Il ne s'agit donc que d'une condition de forme destinée à démontrer l'existence d'une autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.

Il s'ensuit que, lorsque le titulaire du brevet de base et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament, sont des personnes différentes et que le titulaire du brevet n'est pas en mesure de fournir, aux autorités nationales compétentes, une copie de cette autorisation conformément à cette disposition, la demande de certificat ne doit pas être rejetée de ce seul fait, la collaboration que se doivent les différentes autorités nationales permettant à l'autorité nationale compétente pour accorder le certificat de se procurer la copie de l'autorisation de mise sur le marché auprès de l'autorité nationale chargée de délivrer cette dernière.

Parties


Dans l'affaire C-181/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal de commerce de Nivelles (Belgique) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Biogen Inc.

et

Smithkline Beecham Biologicals SA,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 182, p. 1),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. J. L. Murray, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, C. N. Kakouris, P.J.G. Kapteyn, G. Hirsch (rapporteur) et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Biogen Inc., par Mes Paul Maeyaert et Thomas De Meese, avocats au barreau de Bruxelles,

- pour Smithkline Beecham Biologicals SA, par Mes Ludovic De Gryse et Brigitte Dauwe, avocats au barreau de Bruxelles,

- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Philippe Martinet, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Oscar Fiumara, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement suédois, par M. Erik Brattgård, conseiller ministériel, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Michel Nolin et Berend Jan Drijber, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Biogen Inc., de Smithkline Beecham Biologicals SA, du gouvernement italien et de la Commission à l'audience du 11 juillet 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 octobre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par jugement du 2 juin 1995, parvenu à la Cour le 12 juin suivant, le tribunal de commerce de Nivelles a posé, en application de l'article 177 du traité CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation du règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 182, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Biogen Inc. (ci-après «Biogen») à Smithkline Beecham Biologicals SA (ci-après «SKB»), relatif au refus de cette dernière de fournir à Biogen, aux fins de compléter une demande de certificat complémentaire de protection, des copies des autorisations belges de mise sur le marché d'un vaccin recombinant contre l'hépatite B, appelé «Engerix-B».

3 Biogen est titulaire de deux brevets européens des 21 décembre 1979 et 19 novembre 1985, qui sont relatifs à des médicaments ou, plus précisément, à des séquences et à des intermédiaires ADN, utilisés pour la fabrication de vaccins contre l'hépatite B.

4 SKB produit et commercialise l'Engerix-B sous différentes formes de conditionnement et/ou d'indication, dont le principe actif est «HBsAG» (antigène de surface purifié du virus de l'hépatite B). A cet effet, SKB utilise des licences de brevets qui lui sont concédées par les titulaires (ou leurs ayants droit) de brevets. Selon les constatations de la juridiction de renvoi, l'Engerix-B résulte de l'application conjointe de plusieurs brevets dont, notamment, Biogen et l'Institut Pasteur sont les titulaires.

5 En vertu d'un contrat de licence du 28 mars 1988, SKB verse à Biogen des redevances pour la durée de validité de ses brevets.

6 SKB est, quant à elle, titulaire de quatre autorisations de mise sur le marché belge de l'Engerix-B. La plus ancienne, qui lui a été accordée le 14 novembre 1986, a été la première autorisation de mise sur le marché pour ce vaccin dans la Communauté.

7 Le 30 juin 1993, Biogen a introduit auprès de l'Office de la propriété industrielle du ministère des Affaires économiques belge des demandes de certificat complémentaire de protection relatives à ses deux brevets européens. Ces demandes devant comporter des copies des autorisations de mise sur le marché de l'Engerix-B, Biogen s'est à maintes reprises adressée à SKB afin d'obtenir de cette dernière de telles copies, ce qu'elle a refusé. En revanche, SKB a transmis une copie de sa première autorisation de mise sur le marché à l'Institut Pasteur, avec lequel elle avait conclu son premier contrat de licence, qui a donc été en mesure d'obtenir un certificat relatif à son brevet.

8 Le ministère de la Santé publique belge a également refusé de fournir à Biogen, sans le consentement de SKB, des copies des autorisations de mise sur le marché.

9 Dans ces conditions, Biogen a, le 16 septembre 1994, intenté une action contre SKB devant le tribunal de commerce de Nivelles, afin de voir juger que SKB, en refusant de lui fournir des copies certifiées conformes à ses autorisations de mise sur le marché relatives au vaccin Engerix-B, tout en les communiquant à l'Institut Pasteur, s'était rendue coupable d'un acte discriminatoire à son encontre, lequel serait contraire aux usages honnêtes en matière commerciale au sens de l'article 93 de la loi belge du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur. Biogen demande, en conséquence, la cessation immédiate du prétendu acte discriminatoire et, partant, la condamnation de SKB à lui remettre, sous astreinte, des copies certifiées conformes des autorisations de mise sur le marché pertinentes.

10 SKB, sur le fondement du règlement, estime qu'elle est en droit de ne délivrer qu'un seul certificat par produit, que la validité des brevets de Biogen était incertaine et que la différence de traitement entre cette dernière et l'Institut Pasteur se justifiait, financièrement, par la différence de niveau des redevances perçues.

11 Il ressort des troisième et quatrième considérants du règlement que, avant son adoption, la durée de la protection effective conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique était insuffisante. Le règlement vise précisément à combler cette insuffisance par la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

12 L'article 1er du règlement, qui définit certains termes, dispose qu'il convient d'entendre par:

«a) `médicament': toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal;

b) `produit': le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament;

c) `brevet de base': un brevet qui protège un produit tel que défini au point b), en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat;

d) `certificat': le certificat complémentaire de protection».

13 Selon l'article 2 du règlement, tout produit protégé par un brevet dans un État membre peut faire l'objet d'un certificat dans les conditions et modalités y prévues.

14 L'article 3, qui précise les conditions d'obtention du certificat, indique que le certificat est délivré si, dans l'État membre où est présentée la demande et à la date de cette demande, a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur, b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 65/65/CEE ou à la directive 81/851/CEE suivant les cas, c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat, et d) l'autorisation mentionnée sous b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.

15 L'article 5 du règlement dispose que le certificat confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes conditions et aux mêmes obligations.

16 L'article 6 de ce même règlement prévoit que le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit.

17 L'article 8, paragraphe 1, du règlement précise le contenu de la demande de certificat. En vertu de son point a), iv), la requête de délivrance du certificat doit notamment mentionner «le numéro et la date de la première autorisation de mise sur le marché visée à l'article 3, sous b), et, dans la mesure où celle-ci n'est pas la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, le numéro et la date de ladite autorisation». Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, sous b) et c), la demande doit également contenir:

«b) une copie de l'autorisation de mise sur le marché, visée à l'article 3, point b), par laquelle se trouve identifié le produit et comprenant notamment le numéro et la date de l'autorisation, ainsi que le résumé des caractéristiques du produit conformément à l'article 4 bis de la directive 65/65/CEE ou à l'article 5 bis de la directive 81/851/CEE;

c) si l'autorisation visée au point b) n'est pas la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament, dans la Communauté, l'indication de l'identité du produit ainsi autorisé et de la disposition légale en vertu de laquelle cette procédure d'autorisation est intervenue, ainsi qu'une copie de la publication de cette autorisation au Journal officiel».

18 Enfin, l'article 13, paragraphe 1, du règlement dispose que le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la durée écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d'une période de cinq ans.

19 Estimant que le litige soulève un problème d'interprétation du règlement n_ 1768/92, le tribunal de commerce de Nivelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Au cas où le titulaire du brevet de base ou son ayant droit est une personne différente du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du médicament concerné, ce dernier est-il obligé de donner au titulaire de brevet qui le demande ou, le cas échéant, à plusieurs titulaires de brevet qui le demandent `la copie' de ladite autorisation, visée à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments?

2) Est-ce que le règlement n_ 1768/92 s'oppose à ce que, lorsqu'un seul et même produit est couvert par plusieurs brevets de base appartenant à différents titulaires, un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire de brevet de base?

3) Eu égard au libellé de l'article 6 du règlement n_ 1768/92, est-ce que le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament peut refuser à un titulaire de brevet de base ou à son ayant droit la copie de l'autorisation de mise sur le marché visée à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement et de cette manière le priver de la possibilité de compléter sa demande de certificat complémentaire de protection?

4) Est-ce que l'autorité administrative et/ou gouvernementale qui a accordé l'autorisation de mise sur le marché concernée, ou est dépositaire d'un original ou d'une copie de ladite autorisation de mise sur le marché, peut refuser d'en fournir une copie au titulaire, ou à son ayant droit, du ou de brevet(s) de base concerné(s) ou peut-elle arbitrairement ou sous certaines conditions décider de l'opportunité de fournir ou communiquer ladite copie en vue de son utilisation à l'appui d'une demande de certificat complémentaire de protection dans le cadre des dispositions du règlement n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992 (JO L 182, p. 1)?»

Sur la deuxième question

20 Par la deuxième question, qu'il convient d'examiner d'abord, la juridiction de renvoi demande en substance si, lorsqu'un médicament est protégé par plusieurs brevets de base, le règlement fait obstacle à ce qu'un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire d'un brevet de base.

21 Biogen, les gouvernements français et italien, ainsi que la Commission, estiment que le règlement ne s'oppose pas à ce que, dans une situation telle que celle de l'affaire au principal, un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire d'un brevet de base.

22 Biogen soutient notamment que, eu égard à l'objectif poursuivi par le règlement, à savoir l'amélioration de la protection pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique, il est inconcevable que, lorsqu'un médicament est couvert par plusieurs brevets de base appartenant à différents titulaires, les recherches de l'un ou l'autre des titulaires de brevets de base soient exclues de la protection du régime de certificat complémentaire de protection, au cas où, comme en l'espèce au principal, ces recherches ont chacune, séparément, abouti à des innovations brevetées.

23 Le gouvernement italien et la Commission soulignent que l'article 3 du règlement, qui interdit la reconduction de la protection pour le même produit, c'est-à-dire relativement à un brevet unique, ne fait toutefois pas obstacle à la délivrance de deux certificats (un pour chaque brevet de base), même relativement au même médicament.

24 Selon le gouvernement français, interpréter l'article 3, sous c), du règlement comme réservant le droit au certificat complémentaire de protection au premier titulaire d'un brevet qui en fait la demande conduirait à choisir arbitrairement le bénéficiaire de la prolongation de la période de protection parmi des sociétés qui, conformément aux objectifs et à l'objet du règlement, y ont également droit.

25 SKB estime, en revanche, que, dans le système mis en oeuvre, il ne peut être délivré qu'un seul certificat par produit, c'est-à-dire par principe actif identique, même lorsque plusieurs brevets sont à la base du produit en question. Selon elle, le règlement n'a pas pour objectif de récompenser tous les titulaires de brevets de base mais, d'une façon beaucoup plus générale, de sauvegarder et d'encourager le développement de médicaments en Europe et, plus particulièrement, dans la Communauté. Ce développement de nouveaux médicaments serait, en l'occurrence, en grande partie dû aux efforts de recherche et d'investissements de la part de celui qui a finalement obtenu une autorisation de mise sur le marché. L'objectif visé par le règlement serait entièrement atteint si le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché était disposé à coopérer avec le titulaire du brevet particulier, avec lequel il négociera les conditions d'une coopération, impliquant la délivrance d'une copie de l'autorisation de mise sur le marché qui permettra l'obtention par ce titulaire d'un brevet d'un certificat complémentaire de protection.

26 Il convient à cet égard de rappeler que l'adoption du règlement est motivée, aux troisième et quatrième considérants, par la durée insuffisante de la protection effective conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique. Le règlement vise ainsi à combler cette insuffisance par la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, qui peut être obtenu par le titulaire d'un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre.

27 L'article 6 du règlement confirme que le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit. L'article 1er, sous c), mentionne les brevets de base qui peuvent être désignés aux fins de la procédure d'obtention du certificat, à savoir ceux qui protègent un produit en tant que tel, un procédé d'obtention ou une application d'un produit. Le règlement vise donc à faire bénéficier de la protection complémentaire les titulaires de tels brevets, sans établir de préférence entre eux.

28 Il s'ensuit que, lorsqu'un produit est protégé par plusieurs brevets de base en vigueur appartenant, le cas échéant, à plusieurs titulaires, chacun de ces brevets peut être désigné aux fins de la procédure d'obtention du certificat. Conformément à l'article 3, sous c), du règlement, il ne saurait toutefois être délivré plus d'un certificat pour chaque brevet de base.

29 Par ailleurs, ainsi qu'il résulte de l'article 13 du règlement, la durée de ces certificats se calcule de manière uniforme en fonction de la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté.

30 Il convient donc de répondre à la deuxième question que, lorsqu'un médicament est protégé par plusieurs brevets de base, le règlement ne fait pas obstacle à ce qu'un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire d'un brevet de base.

Sur les première et troisième questions

31 Par les première et troisième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction nationale demande en substance si le règlement impose au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de fournir au titulaire du brevet une copie de ladite autorisation, visée à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

32 Biogen soutient que, lorsque le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché est sollicité par le titulaire du brevet de base en vue de l'obtention d'une copie certifiée de l'autorisation destinée à la régularisation d'une demande de certificat complémentaire de protection, il ne peut refuser de fournir cette copie. En effet, le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ne pourrait pas faire obstruction à l'exercice du droit visé à l'article 6 du règlement.

33 SKB, les gouvernements français et italien, ainsi que la Commission, estiment que le règlement n'impose aucune obligation particulière au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'en fournir une copie au titulaire du brevet, demandeur du certificat.

34 SKB souligne en particulier que, dans le système du certificat, l'autorisation de mise sur le marché a la valeur d'un titre propre attaché au médicament et constitue une composante essentielle du nouveau régime de protection créé par le règlement. Il appartiendrait, dès lors, au titulaire de ce titre de décider librement à qui et à quelles conditions il en délivrera copie. Une interprétation du règlement imposant au titulaire de l'autorisation des obligations au profit du titulaire d'un brevet, dont les parties, comme en l'espèce au principal, n'ont pas pu tenir compte lors de la conclusion des contrats de licence (28 mars 1988), porterait gravement atteinte au principe de la sécurité juridique.

35 Les gouvernements français et italien, ainsi que la Commission, estiment qu'une obligation de remise du document par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ne peut exister, en dehors d'un engagement contractuel, que si elle est expressément prévue par la disposition en cause. Or, celle-ci ne prévoirait rien. Le problème posé devrait donc trouver une solution dans les relations contractuelles entre le titulaire du brevet et le titulaire de l'autorisation.

36 A cet égard, il suffit de constater que, si, conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement, la demande de certificat doit contenir une copie de l'autorisation de mise sur le marché du médicament, aucune disposition du règlement n'impose au titulaire de l'autorisation d'en fournir une copie au titulaire du brevet de base. En effet, l'exercice du droit au certificat visé à l'article 6 du règlement ne dépend nullement d'un acte de volonté de la part du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché.

37 Le règlement ne s'oppose cependant pas à ce que, eu égard aux circonstances de l'espèce au principal, pareille obligation soit considérée comme inhérente aux relations contractuelles entre les parties.

38 Il y a donc lieu de répondre aux première et troisième questions que le règlement n'impose pas au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de fournir au titulaire d'un brevet une copie de ladite autorisation, visée à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

Sur la quatrième question

39 Eu égard à l'économie et aux objectifs du règlement, il convient, afin d'apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, de comprendre la quatrième question comme visant en substance à savoir si, lorsque le titulaire du brevet de base et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché sont des personnes différentes et que le titulaire du brevet n'est pas en mesure de fournir une copie de l'autorisation conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement, la demande de certificat ne doit pas être de ce seul fait rejetée.

40 Biogen et le gouvernement italien soutiennent que l'autorité administrative qui a accordé l'autorisation de mise sur le marché ne peut purement et simplement refuser d'en fournir une copie au titulaire du brevet de base qui en fait la demande en vue de son utilisation à l'appui d'une demande de certificat.

41 Biogen observe en particulier que, eu égard au fait que l'appréciation de l'opportunité d'une demande de certificat doit être réservée au titulaire du brevet de base, l'autorité administrative ne saurait invoquer d'autres motifs que le caractère confidentiel de l'autorisation de mise sur le marché à l'encontre du titulaire du brevet. Au cas où une hypothétique confidentialité de l'autorisation de mise sur le marché devait faire obstacle à ce que celle-ci soit communiquée au titulaire du brevet de base, il existerait d'autres possibilités permettant de concilier l'exigence de la confidentialité de l'autorisation avec la réalisation des objectifs du règlement. L'autorité administrative disposant d'une copie certifiée de l'autorisation pourrait, notamment, soit fournir au titulaire du brevet de base une copie sur laquelle toute information quantitative serait masquée, puisque cette information ne serait pas indispensable pour identifier le médicament auquel la demande de certificat a trait, soit confier la copie certifiée de l'autorisation directement à l'autorité chargée de traiter les demandes de certificat, sans la faire transiter par le titulaire du brevet de base. La confidentialité des informations contenues dans l'autorisation de mise sur le marché serait ainsi respectée.

42 Selon SKB, les gouvernements français et suédois, ainsi que la Commission, le règlement ne prévoit aucune obligation pour une autorité administrative de fournir une copie de l'autorisation au titulaire du brevet.

43 SKB soutient notamment que permettre à l'administration de disposer, sans aucune base légale, de ce titre en faveur d'un tiers, titulaire d'un brevet de base, reviendrait à spolier définitivement le titulaire de l'autorisation, sans contrepartie ni justification, de revenus qu'il est en droit d'escompter en compensation des efforts et frais de recherches exposés en vue d'obtenir l'autorisation.

44 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'exigence de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement de joindre une copie de l'autorisation de mise sur le marché à la demande de certificat complémentaire de protection a pour but d'identifier le produit et de vérifier le respect de la date limite de dépôt de la demande ainsi que, le cas échéant, la durée de la protection complémentaire. Ainsi, il s'agit d'une condition de forme destinée à démontrer l'existence d'une autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.

45 Or, lorsque le titulaire du brevet de base et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché sont des personnes différentes et que le titulaire du brevet de base n'est pas en mesure, conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement, de fournir aux autorités nationales compétentes une copie de cette autorisation, laquelle a été accordée par des autorités de ce même État membre, la demande de certificat ne doit pas être rejetée de ce seul fait. En effet, une simple collaboration permet à l'autorité nationale qui accorde le certificat de se procurer copie de l'autorisation de mise sur le marché auprès de l'autorité nationale chargé de délivrer cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 1996, Smith and Nephew, C-201/94, non encore publié au Recueil, point 28). A défaut, le droit au certificat, conféré par l'article 6 du règlement au titulaire du brevet de base, serait privé de son effet utile.

46 S'agissant des arguments de SKB, il y a lieu, par ailleurs, de rappeler que, conformément à l'article 5 du règlement, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.

47 Dans ces conditions, il convient de répondre à la quatrième question que, lorsque le titulaire du brevet de base et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament, sont des personnes différentes et que le titulaire du brevet n'est pas en mesure de fournir une copie de cette autorisation conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement, la demande de certificat ne doit pas être rejetée de ce seul fait.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

48 Les frais exposés par les gouvernements français, italien, suédois, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal de commerce de Nivelles, par jugement du 2 juin 1995, dit pour droit:

1) Lorsqu'un médicament est protégé par plusieurs brevets de base, le règlement (CEE) n_ 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, ne fait pas obstacle à ce qu'un certificat complémentaire de protection soit accordé à chaque titulaire d'un brevet de base.

2) Le règlement n_ 1768/92 n'impose pas au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de fournir au titulaire d'un brevet une copie de ladite autorisation, visée à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

3) Lorsque le titulaire du brevet de base et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament, sont des personnes différentes et que le titulaire du brevet n'est pas en mesure de fournir une copie de cette autorisation conformément à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 1768/92, la demande de certificat ne doit pas être rejetée de ce seul fait.

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