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Document 61995CJ0139

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 30 janvier 1997.
    Livia Balestra contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS).
    Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Genova - Italie.
    Directives 76/207/CEE et 79/7/CEE - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Calcul des crédits de cotisations complémentaires de retraite.
    Affaire C-139/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 I-00549

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:45

    61995J0139

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 30 janvier 1997. - Livia Balestra contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS). - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Genova - Italie. - Directives 76/207/CEE et 79/7/CEE - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Calcul des crédits de cotisations complémentaires de retraite. - Affaire C-139/95.

    Recueil de jurisprudence 1997 page I-00549


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Champ d'application matériel de la directive 79/7 - Prestations de préretraite octroyées suite à l'accès à une retraite anticipée - Inclusion - Accès du travailleur à la retraite anticipée résultant de l'état de crise déclaré de l'entreprise l'employant - Absence d'incidence

    (Directive du Conseil 79/7, art. 3, § 1)

    2 Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Dérogation admise s'agissant des conséquences pouvant découler, pour d'autres prestations, de l'existence d'âges de retraite différents - Portée - Limitation aux seules discriminations liées nécessairement et objectivement à la différence de l'âge de la retraite - Discrimination en matière d'octroi d'un crédit de cotisations complémentaires de retraite en cas de départ en préretraite - Admissibilité

    (Directive du Conseil 79/7, art. 7, § 1, a))

    Sommaire


    3 Des prestations de préretraite découlant de l'accès à une retraite anticipée sont liées directement et effectivement à la couverture du risque vieillesse, visé à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, de sorte qu'elles entrent dans le champ d'application de cette dernière. Le seul fait que l'accès à la retraite anticipée constitue la conséquence directe de l'état de crise dans lequel se trouve l'entreprise au sein de laquelle le travailleur concerné était occupé en dernier lieu ne saurait être considéré comme assimilant de telles prestations à des prestations de licenciement, dès lors qu'elles sont directement réglementées par une législation nationale et obligatoires pour certaines catégories générales de travailleurs.

    4 Lorsque, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, un État membre a fixé un âge d'accès à la retraite différent selon le sexe, cette disposition l'autorise également à prévoir que les travailleurs salariés d'une entreprise déclarée en crise ont droit à un crédit de cotisations complémentaires de retraite d'un maximum de 5 ans à compter de leur départ en préretraite jusqu'au moment où ils atteignent l'âge leur ouvrant le droit à une pension de retraite, à savoir 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes, car la différence selon le sexe existant dans le mode de calcul des prestations de préretraite est objectivement et nécessairement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes.

    En effet, cette discrimination, objectivement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes, dans un régime de préretraite qui évite la pénalisation du travailleur qui quitte le marché du travail avant d'avoir atteint l'âge légal de la retraite, en le faisant bénéficier de cotisations fictives pour la période séparant sa cessation d'activité effective dudit âge légal, s'inscrit dans une cohérence entre le régime des pensions de retraite et celui de préretraite en cause, et est nécessaire pour préserver cette cohérence, car sa suppression serait susceptible d'introduire d'autres discriminations.

    Parties


    Dans l'affaire C-139/95,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par la Pretura circondariale di Genova (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Livia Balestra

    et

    Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS),

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

    LA COUR

    (cinquième chambre),

    composée de MM. L. Sevón, président de la première chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, P. Jann et M. Wathelet (rapporteur), juges,

    avocat général: M. M. B. Elmer,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour l'INPS, par Mes Carlo de Angelis et Andrea Barbuto, avocats au barreau de Rome,

    - pour la Commission des Communautés européennes, par M. Enrico Traversa et Mme Marie Wolfcarius, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me Renzo Morresi, avocat au barreau de Bologne,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales de l'INPS et de la Commission, à l'audience du 13 juin 1996,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 octobre 1996,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 19 avril 1995, parvenue à la Cour le 2 mai suivant, la Pretura circondariale di Genova a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

    2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant Mme Balestra, ancienne salariée d'une entreprise déclarée en crise, à l'Istituto nazionale della previdenza sociale (Institut national de la prévoyance sociale, ci-après l'«INPS»), au sujet du calcul du crédit de cotisations complémentaires de retraite que lui a octroyé celui-ci, en application du régime légal de préretraite.

    3 Le régime applicable, en Italie, à l'époque des faits au principal est le suivant. Les dispositions relatives à l'âge d'accès à la retraite résultent de l'article 9 de la loi n_ 218, du 4 avril 1952 (supplément ordinaire au GURI n_ 89 du 15 avril 1952). En application de cette disposition, les travailleurs masculins ont droit à la retraite à l'âge de 60 ans et les travailleurs féminins à l'âge de 55 ans, à la condition, dans les deux cas, qu'ils aient cotisé pendant 15 ans au moins et qu'ils soient crédités d'au moins 180 cotisations mensuelles ou 780 cotisations hebdomadaires.

    4 Des dispositions particulières sont applicables aux salariés d'entreprises qui, conformément à la loi n_ 675, du 12 août 1977 (GURI n_ 243), ont été déclarées en crise par le comité interministériel pour la coordination de la politique industrielle (ci-après le «CIPI»).

    5 La loi n_ 155, du 23 avril 1981 (supplément ordinaire au GURI n_ 114, ci-après la «loi n_ 155/1981»), permet à ces salariés de bénéficier d'une retraite anticipée à l'âge de 55 ans pour les hommes et de 50 ans pour les femmes. L'article 16 de cette loi précise que, pour les salariés des entreprises déclarées en crise par le CIPI «qui ont atteint l'âge de 55 ans pour les hommes et de 50 ans pour les femmes et qui peuvent faire valoir, au titre de l'assurance générale obligatoire invalidité, vieillesse et survivants, 180 cotisations mensuelles», le régime de pension applicable est calculé sur la base de la durée effective de cotisation, augmentée d'une période égale à celle comprise entre la date de résiliation de leur contrat de travail et la date anniversaire de leurs 60 ans pour les hommes ou 55 ans pour les femmes (ci-après le «crédit de cotisations complémentaires de retraite»).

    6 Il convient de relever que, outre la loi n_ 155/1981 et ses modifications ultérieures, il existe, en matière de préretraite, des régimes spéciaux, réservés aux travailleurs de certains secteurs. Il ressort du dossier que le régime propre aux travailleurs du secteur sidérurgique a été invoqué dans le cadre du litige au principal. Mme Balestra a, en effet, demandé que lui soient appliquées des règles analogues à celles applicables dans ce secteur.

    7 Pour les travailleurs du secteur sidérurgique, la règle était, dans un premier temps, que l'âge pour la préretraite des travailleurs d'entreprises déclarées en crise, visé à l'article 16 de la loi n_ 155/1981 (55 ans pour les hommes et 50 ans pour les femmes), était fixé à 50 ans pour tous les travailleurs, hommes et femmes (article 1er de la loi n_ 193, du 31 mai 1984, GURI n_ 153 du 5 juin 1984).

    8 Dans l'arrêt n_ 371 du 6 juillet 1989 (GURI 1ère série spéciale n_ 28 du 12 juillet 1989), la Corte costituzionale a constaté l'inconstitutionnalité des dispositions combinées des articles 16 de la loi n_ 155/1981 et 1er de la loi n_ 193/1984, dans la mesure où elles ne permettaient pas aux femmes employées dans le secteur sidérurgique, en cas de préretraite à l'âge de 50 ans, d'atteindre, par le crédit de cotisations complémentaires de retraite, la même durée de cotisations qu'un travailleur masculin, pour lequel l'âge d'accès à la retraite est fixé à 60 ans alors qu'il est fixé à 55 ans pour les femmes. A l'occasion de cet arrêt, la Corte costituzionale a rappelé le principe selon lequel, en Italie, la limite d'âge pour exercer une activité était la même pour les femmes et pour les hommes.

    9 Dans un second temps, une nouvelle règle spéciale a été instaurée, selon laquelle les femmes employées dans le secteur sidérurgique pouvaient accéder à la préretraite à partir de l'âge de 47 ans, pour autant qu'elles puissent faire valoir 300 cotisations mensuelles (article 5, cinquième alinéa, du décret-loi n_ 536, du 30 décembre 1987, GURI n_ 304 du 31 décembre 1987, converti en loi n_ 48, du 29 février 1988, GURI n_ 50 du 1er mars 1988), l'âge prévu pour les hommes restant de 50 ans.

    10 Dans l'arrêt n_ 503 du 30 décembre 1991 (GURI 1ère série spéciale n_ 2 du 8 janvier 1992), la Corte costituzionale a considéré que cette possibilité pour les travailleurs féminins du secteur sidérurgique d'accéder à la retraite anticipée à partir de l'âge de 47 ans devait aller de pair avec le droit pour ces travailleurs féminins de bénéficier d'un crédit de cotisations complémentaires de retraite à compter de la résiliation de leur contrat de travail jusqu'à l'âge de 60 ans (âge jusqu'auquel tant les femmes que les hommes ont le droit de poursuivre leur activité professionnelle), mais dans la même limite de 10 ans au maximum que celle s'appliquant aux hommes. Il convient d'observer que, si l'on avait appliqué au secteur sidérurgique la règle figurant à l'article 16 de la loi n_ 155/1981, le crédit de cotisations aurait été de 8 ans au maximum pour les femmes à compter de la résiliation de leur contrat de travail (possible à partir de l'âge de 47 ans) jusqu'à l'âge d'accès à la retraite (55 ans pour les femmes), alors qu'il est de 10 ans au maximum pour les hommes, à compter de la résiliation de leur contrat de travail (possible à partir de l'âge de 50 ans) jusqu'à l'âge d'accès à la retraite (60 ans pour les hommes), la différence du crédit de cotisations de 2 ans résultant du fait que l'âge d'accès à la préretraite pour les femmes n'était que de 3 ans inférieur à celui prévu pour les hommes.

    11 Mme Balestra est une ancienne salariée d'une entreprise déclarée en crise par le CIPI. Dans ce contexte, elle a donné sa démission, accédant à la retraite grâce au mécanisme de préretraite dont bénéficient les femmes ayant entre 50 et 55 ans.

    12 Ayant donné sa démission à l'âge de 54 ans et 7 mois, elle a reçu de l'INPS un crédit de cotisations au titre de l'article 16 de la loi n_ 155/1981 égal à 5 mois de cotisations, correspondant à la période la séparant de l'âge de 55 ans auquel, en Italie, un travailleur féminin avait droit à la retraite.

    13 Le 13 avril 1993, Mme Balestra a déposé un recours devant la juridiction de renvoi et a demandé que l'INPS soit tenu de la créditer de cotisations complémentaires à concurrence du maximum prévu par la loi n_ 155/1981, à savoir 5 ans. Elle s'est fondée à cet égard sur la jurisprudence précitée de la Corte costituzionale relative aux travailleurs du secteur sidérurgique.

    14 L'INPS s'est opposé à la demande de Mme Balestra au motif qu'elle avait résilié le contrat de travail en donnant volontairement sa démission et que l'article 16 de la loi n_ 155/1981 prévoyait des crédits de cotisations égaux pour les hommes et les femmes, la seule différence résultant de l'âge différent auquel l'homme ou la femme pouvaient prétendre à une retraite. Selon l'INPS, un complément d'annuités n'aurait pu, sur la base de la jurisprudence précitée de la Corte costituzionale, être accordé à Mme Balestra que si elle avait été salariée d'une entreprise du secteur sidérurgique, qui fait l'objet d'un régime spécial.

    15 Mme Balestra a alors soutenu que l'article 16 de la loi n_ 155/1981 était contraire au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes énoncé dans les directives 76/207 et 79/7.

    16 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 76/207 dispose:

    «La présente directive vise la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail et, dans les conditions prévues au paragraphe 2, la sécurité sociale. Ce principe est dénommé ci-après `principe de l'égalité de traitement'.»

    17 Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive:

    «L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.»

    18 L'article 1er, paragraphe 2, de la directive prévoit que:

    «En vue d'assurer la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, le Conseil arrêtera, sur proposition de la Commission, des dispositions qui en préciseront notamment le contenu, la portée et les modalités d'application.»

    19 A la suite de cette dernière disposition, le Conseil a arrêté la directive 79/7, qui, selon son article 1er, vise la mise en oeuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale.

    20 Selon son article 3, paragraphe 1, sous a), la directive 79/7 s'applique:

    «aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants:

    - maladie, - invalidité, - vieillesse, - accident du travail et maladie professionnelle, - chômage».

    21 La finalité exprimée dans l'article 1er de la directive 79/7 est mise en oeuvre par son article 4, paragraphe 1, qui dispose que:

    «1. Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

    - le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,

    - l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

    - le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.»

    22 Selon son article 7, paragraphe 1, la directive 79/7:

    «... ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application:

    a) la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations ...».

    23 Estimant que la solution du litige dont elle était saisie nécessitait une interprétation de ces dispositions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1) La fixation de limites d'âge différentes pour les hommes et pour les femmes aux fins de l'accès à la retraite anticipée au sens de l'article 16 de la loi n_ 155/81, de la résolution du rapport de travail et du calcul des prestations de préretraite viole-t-elle les directives communautaires précitées (articles 1er, 2, 3, 4 et 5 de la directive 79/7/CEE et articles 1er, 2 et 5 de la directive 76/207/CEE)?

    2) Le traitement différent (sur le plan du rapport individuel de travail ainsi que sur celui de la sécurité sociale) résultant de la fixation de limites d'âge différentes viole-t-il les dispositions précitées des directives communautaires susmentionnées dans un ordre juridique - comme l'ordre juridique italien - où la limite d'âge pour exercer une activité (seule limite pertinente pour la préretraite) est fixée à 60 ans tant pour l'homme que pour la femme?»

    24 Il convient à titre liminaire de relever qu'il ressort du dossier que la demanderesse au principal revendique le bénéfice d'un crédit de cotisations complémentaires de retraite de 5 ans à compter de son départ en préretraite, qui soit donc calculé sans qu'il soit tenu compte de la limite que constitue, en application de l'article 16 de la loi n_ 155/1981, l'âge d'accès à la retraite pour les femmes (55 ans), en arguant du fait que, en Italie, les femmes comme les hommes ont le droit de travailler jusqu'à l'âge de 60 ans.

    25 Il apparaît donc que la juridiction de renvoi vise en substance à savoir s'il est conforme au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes de prendre en compte, dans le calcul des prestations de préretraite, des limites d'âge différentes selon le sexe pour l'accès à la retraite et, plus précisément, à savoir si, lorsque, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, un État membre a fixé un âge de la retraite différent selon le sexe, cette disposition l'autorise également à prévoir que les travailleurs salariés d'une entreprise déclarée en crise ont droit à un crédit de cotisations complémentaires de retraite d'un maximum de 5 ans à compter de leur départ en préretraite jusqu'au moment où ils atteignent l'âge leur ouvrant le droit à une pension de retraite, à savoir 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes.

    26 En premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les prestations de sécurité sociale régies par la loi et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs ne relèvent pas de la notion de rémunération, au sens de l'article 119, deuxième alinéa, du traité (arrêts du 25 mai 1971, Defrenne, 80/70, Rec. p. 445, points 7 et 8; du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, Rec. p. I-1889, points 22 et 23, et du 17 février 1993, Commission/Belgique, C-173/91, Rec. p. I-673, point 14). En revanche, les prestations légales de sécurité sociale relèvent du champ d'application de la directive 79/7.

    27 Toutefois, en l'occurrence, la juridiction de renvoi se demande si, l'article 16 de la loi n_ 155/1981 s'appliquant à des relations de travail au sein d'entreprises déclarées en crise, la préretraite ne constituerait pas, pour le travailleur, moins un choix qu'une obligation, sous peine de perdre et son droit à pension et son emploi.

    28 Dans ce cas, la préretraite serait assimilable à un licenciement, ce terme étant entendu de façon large comme englobant la cessation du rapport de travail même lorsque celle-ci intervient dans le cadre d'un régime de retraite anticipée. La directive applicable serait alors la directive 76/207, qui interdit à son article 5, paragraphe 1, les discriminations selon le sexe en ce qui concerne les conditions de licenciement.

    29 Cette analyse ne saurait être retenue. En effet, même lorsque l'accès à la retraite anticipée constitue la conséquence directe de l'état de crise dans lequel se trouve l'entreprise au sein de laquelle le travailleur concerné était occupé en dernier lieu, les prestations de préretraite octroyées n'en sont pas moins directement réglementées par la loi et obligatoires pour certaines catégories générales de travailleurs. En outre, ces prestations sont liées directement et effectivement à la protection du risque vieillesse, visé à l'article 3, paragraphe 1er, de la directive 79/7, dès lors que leur octroi découle de l'accès à une retraite anticipée (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 1982, Burton, 19/81, Rec. p. 555, points 12 à 15).

    30 En tout état de cause, il ressort du dossier (ce que n'a pas contesté l'intéressée elle-même) que la cessation de l'activité de Mme Balestra n'est pas, en l'occurrence, consécutive à son licenciement, mais à sa démission volontaire, 5 mois seulement avant l'âge auquel elle avait de toute façon droit à la retraite.

    31 Il découle de ce qui précède que la directive 79/7 est applicable.

    32 Au regard de cette directive, une discrimination entre les sexes ne peut être justifiée, dans le cadre de la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, que temporairement et au titre de l'article 7, paragraphe 1, sous a) (arrêt du 1er juillet 1993, Van Cant, C-154/92, Rec. p. I-3811, point 12). Dans tous les autres cas, une discrimination serait contraire à l'article 4, paragraphe 1, de cette directive, lequel, selon la jurisprudence de la Cour, est suffisamment précis et inconditionnel pour pouvoir être invoqué par des particuliers devant les juridictions nationales pour écarter l'application de toute disposition nationale non conforme à cet article (arrêts du 4 décembre 1986, Federatie Nederlandse Vakbeweging, 71/85, Rec. p. 3855, point 21, et du 24 mars 1987, McDermott et Cotter, 286/85, Rec. p. 1453, point 14).

    33 Selon une jurisprudence constante, lorsque, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, un État membre prévoit, pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite, un âge différent pour les hommes et pour les femmes, le domaine de la dérogation autorisée, défini par les termes «conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations», figurant à l'article 7, paragraphe 1, sous a), est limité aux discriminations existant dans d'autres régimes de prestations pour autant qu'elles soient nécessairement et objectivement liées à cette différence d'âge (voir, notamment, arrêts du 30 mars 1993, Thomas e.a., C-328/91, Rec. p. I-1247, point 20, et du 11 août 1995, Graham e.a., C-92/94, Rec. p. I-2521, point 11).

    34 C'est pourquoi lorsque, en application de ladite disposition, un État membre a fixé l'âge d'accès à la retraite pour les femmes à 55 ans et pour les hommes à 60 ans, il convient de rechercher si la discrimination existant à l'encontre des hommes ou des femmes dans un autre régime de prestations que celui de la retraite est objectivement et nécessairement liée à cette différence d'âge d'accès à la retraite.

    35 Tel est le cas si ces discriminations sont objectivement nécessaires pour éviter de mettre en cause l'équilibre financier du système de sécurité sociale ou pour garantir la cohérence entre le régime des pensions de retraite et celui des autres prestations (voir arrêts précités, Thomas e.a., point 12, et Graham e. a., point 12).

    36 Il y a lieu de constater qu'un régime légal de préretraite tel que celui de l'espèce au principal comporte une discrimination à l'encontre des femmes dans le mode de calcul de leurs prestations de préretraite et, partant, dans le montant de leur pension de retraite.

    37 La discrimination réside dans la circonstance que, en raison de la prise en compte, dans le calcul des cotisations complémentaires de retraite, de conditions d'âge pour l'accès à la retraite qui sont différentes selon le sexe, la pension de retraite perçue par un travailleur féminin peut, dans certains cas, être inférieure à celle perçue par un travailleur masculin, à égalité de cotisations effectivement versées.

    38 En effet, la femme qui accède à la retraite à 55 ans n'a pas droit à un crédit de cotisations. Par conséquent, à égalité de carrière sur le plan des cotisations effectivement versées, pour un homme et une femme qui ont tous deux 55 ans, la prestation qui sera versée à l'homme accédant à la préretraite sera plus élevée que celle accordée à la femme qui accède à la retraite. Autrement dit, à égalité de cotisations effectivement versées, la femme devra travailler quelque 5 ans de plus (jusqu'à 60 ans) pour bénéficier d'une pension d'un même montant que l'homme bénéficiant d'une préretraite à l'âge de 55 ans.

    39 La réponse à la question de savoir si cette discrimination est objectivement et nécessairement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent selon le sexe relève de la compétence du juge national. Toutefois, il ressort de l'arrêt Thomas e. a., précité, point 13, que la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles, est compétente pour donner des indications permettant à la juridiction nationale de statuer.

    40 En ce qui concerne la discrimination en cause dans l'affaire au principal, il convient de constater qu'elle est objectivement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent pour les femmes et les hommes, dans la mesure où elle découle directement du fait que celui-ci est fixé à 55 ans pour les premières et à 60 ans pour les seconds. En effet, la règle applicable aux hommes comme aux femmes est qu'ils peuvent faire valoir leur droit à la préretraite 5 ans au plus tôt avant la date à laquelle ils atteignent l'âge leur ouvrant le droit à une pension de retraite et qu'ils bénéficient d'un crédit de cotisations de retraite pour la période comprise entre leur départ et la date à laquelle ils atteignent cet âge.

    41 Quant à la question de savoir si cette discrimination est également nécessairement liée à cette différence d'âge d'accès à la retraite pour les hommes et les femmes, il convient tout d'abord de constater que le régime de préretraite instauré par l'article 16 de la loi n_ 155/1981 est caractérisé par l'octroi au travailleur, avant que celui-ci atteigne l'âge de la retraite, d'une prestation calculée sur la base des cotisations réellement versées et de l'augmentation fictive de la période de cotisations pour la période séparant le travailleur de l'âge d'accès à la retraite. La prestation de préretraite vise par conséquent à assurer un revenu à la personne qui quitte le marché du travail avant d'avoir atteint l'âge lui ouvrant droit à une pension de retraite. De ce fait, il existe une cohérence entre le régime des pensions de retraite et le régime de préretraite en cause.

    42 Il convient d'examiner ensuite si le refus d'accorder aux femmes, qui ont effectivement le droit de travailler jusqu'à l'âge de 60 ans, le bénéfice d'un crédit de cotisations pour la période postérieure à la date de leur 55 ans, âge auquel elles peuvent prétendre à une pension de retraite, est nécessaire pour préserver cette cohérence.

    43 A cet égard, il peut être observé en premier lieu que, si l'on accordait aux femmes partant en préretraite à un âge compris entre 50 et 55 ans un crédit de cotisations de 5 ans, sans qu'il soit tenu compte de la limite d'âge que constitue l'âge d'accès à la retraite, plus leur départ en préretraite serait proche de l'âge d'accès à la retraite, plus il apparaîtrait que ces travailleurs féminins percevraient une pension en définitive plus élevée que celle que percevraient des travailleurs féminins qui auraient cotisé jusqu'à l'âge de 55 ans et partiraient en retraite, sans pouvoir bénéficier d'un crédit de cotisations.

    44 En second lieu, il convient de relever qu'un tel régime est également susceptible de donner lieu à des discriminations à l'encontre des travailleurs masculins. Alors que le travailleur masculin partant en préretraite à un âge compris entre 55 et 60 ans n'a droit qu'à un crédit de cotisations couvrant la période allant de son départ en préretraite jusqu'à l'âge d'accès à la retraite, le travailleur féminin qui partirait également en préretraite dans les 5 ans précédant la date à laquelle il a droit à une pension de retraite aurait systématiquement droit à un crédit de cotisations de 5 ans.

    45 Il y a lieu d'observer, en conséquence, que, même si les femmes ont effectivement le droit de travailler jusqu'à l'âge de 60 ans, le refus de leur accorder le bénéfice d'un crédit de cotisations pour la période postérieure à la date de leurs 55 ans, âge auquel elles ont droit à une pension de retraite, est nécessaire pour préserver la cohérence entre le régime des pensions de retraite et le régime de préretraite en cause.

    46 Il convient, par conséquent, de répondre à la juridiction de renvoi que, lorsque, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, un État membre a fixé un âge d'accès à la retraite différent selon le sexe, cette disposition l'autorise également à prévoir que les travailleurs salariés d'une entreprise déclarée en crise ont droit à un crédit de cotisations complémentaires de retraite d'un maximum de 5 ans à compter de leur départ en préretraite jusqu'au moment où ils atteignent l'âge leur ouvrant le droit à une pension de retraite, à savoir 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes, car la différence selon le sexe existant dans le mode de calcul des prestations de préretraite est objectivement et nécessairement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    47 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR

    (cinquième chambre),

    statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Genova, par ordonnance du 19 avril 1995, dit pour droit:

    Lorsque, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, un État membre a fixé un âge d'accès à la retraite différent selon le sexe, cette disposition l'autorise également à prévoir que les travailleurs salariés d'une entreprise déclarée en crise ont droit à un crédit de cotisations complémentaires de retraite d'un maximum de 5 ans à compter de leur départ en préretraite jusqu'au moment où ils atteignent l'âge leur ouvrant le droit à une pension de retraite, à savoir 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes, car la différence selon le sexe existant dans le mode de calcul des prestations de préretraite est objectivement et nécessairement liée à la fixation d'un âge d'accès à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes.

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