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Document 61995CC0007

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 16 septembre 1997.
John Deere Ltd contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Recevabilité - Question de droit - Question de fait - Concurrence - Système d'échange d'informations - Restriction à la concurrence - Refus d'exemption.
Affaire C-7/95 P.

Recueil de jurisprudence 1998 I-03111

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:397

Conclusions

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER
présentées le 16 septembre 1997 (1)



Affaire C-7/95 P



John Deere Ltd
contre
Commission des Communautés européennes


«Pourvoi – Recevabilité – Questions de droit – Questions de fait – Concurrence – Système d'échange d'informations – Restriction à la concurrence – Refus d'exemption»






1. La présente affaire a pour origine le pourvoi formé par la société John Deere Limited (ci-après John Deere) contre l'arrêt du Tribunal de première instance (ci-après le TPI) du 27 octobre 1994 dans l'affaire Deere/Commission  (2) (ci-après l' arrêt attaqué). Par cet arrêt, le TPI a rejeté le recours en annulation formé par John Deere contre la décision 92/157/CEE (3) (ci-après la décision), dans laquelle la Commission a déclaré que le système d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE, dans la mesure où il donnait lieu à un échange d'informations permettant à chaque constructeur de tracteurs de connaître les ventes des différents concurrents et les importations et les ventes des concessionnaires.

I ─ Exposé des faits et procédure

2. Les faits qui sont la cause du présent litige ont été exposés par le TPI aux points 1 à 18 de l'arrêt attaqué. Je les reprendrai ici, en les exposant suivant un ordre quelque peu différent.

3. Pour pouvoir circuler sur la voie publique au Royaume-Uni, conformément à la législation nationale, tout véhicule doit être immatriculé au ministère des Transports. La responsabilité des immatriculations en cause incombe aux Local Vehicles Licensing Offices (ci-après les LVLO), qui sont au nombre d'une soixantaine. L'immatriculation des véhicules est régie par des instructions ministérielles de caractère procédural, intitulées: Procedure for the first licensing and registration of motor vehicles (procédure d'autorisation et d'immatriculation préalables des véhicules à moteur). Conformément à ces instructions, pour présenter une demande d'immatriculation du véhicule, il faut utiliser un formulaire spécial: le formulaire administratif V55.

4. Le formulaire V55 contient un grand nombre de données sur les ventes des véhicules. Dans le secteur des tracteurs agricoles, les constructeurs et importateurs ont décidé de créer, à partir de ces données, un système d'informations dénommé: UK Agricultural Tractor Registration Exchange (système d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni) (ci-après le système d'échange d'informations), qui permet de connaître les ventes des différents constructeurs, ainsi que les ventes et les importations des concessionnaires. L'application de l'accord en la matière a été suspendue en 1988, mais en 1990 certaines des entreprises qui y avaient adhéré, dont John Deere, ont conclu un nouvel accord de communication d'informations, dénommé: UK Tractor Registration Data System (système de données sur les immatriculations de tracteurs au Royaume-Uni) (ci-après le Data System).

5. En principe, tout constructeur ou importateur de tracteurs agricoles au Royaume-Uni pouvait adhérer au système d'échange d'informations et au Data System. Le nombre d'adhérents à l'accord a fluctué tout au long de la phase d'instruction de l'affaire en fonction de l'évolution de la restructuration qui a affecté le secteur en cause. A la date de la notification du système d'échange d'informations, huit constructeurs, dont John Deere, étaient parties à l'accord. Ces huit constructeurs étaient les principaux opérateurs économiques du secteur, puisque, selon la Commission, ils dominaient de 87 à 88 % du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, alors que le reste du marché se partageait entre divers petits constructeurs.

6. L'organisation de ce système d'échange d'informations incombait à l'Agricultural Engineers Association Limited (ci-après l' AEA), association professionnelle ouverte à tous les constructeurs et importateurs de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, qui, au moment des faits, comptait environ 200 membres, parmi lesquels il convient de citer en particulier Case Europe Limited, John Deere, Fiatagri UK Limited, Ford New Holland Limited, Massey-Ferguson (United Kingdom) Limited, Renault Agricultural Limited, Same-Lamborghini (UK) Limited et Watveare Limited.Le traitement des données reprises sur le formulaire V55 était confié à l'entreprise de services informatiques Systematics International Group of Companies Limited (ci-après la SIL), à laquelle le ministère des Transports du Royaume-Uni transmettait les informations recueillies aux fins de l'immatriculation de tracteurs agricoles. La SIL facturait le coût de ses prestations à chacune des parties à l'accord, conformément aux contrats particuliers conclus entre la SIL et les membres susvisés.

7. Le contenu de l'accord d'échange d'informations était déterminé par les données reprises sur le formulaire V55 et par l'utilisation de ces données dans le cadre de cet accord. Il subsistait à cet égard entre John Deere et la Commission des points de désaccord, auxquels il est fait écho aux points 8 à 17 de l'arrêt attaqué.

8. Selon John Deere, le formulaire V55 existe sous cinq formes différentes, portant les numéros V55/1 à V55/5 et décrites dans les instructions de procédure susvisées. Les formulaires V55/2 et V55/4, qui étaient exclusivement utilisés par British Leyland, ne sont plus employés, alors que le formulaire V55/3, prévu en cas de perte ou de vol du formulaire V55/1, est rempli à la main. Par conséquent, dans la présente affaire, il ne sera question que des modèles 1 et 5.

9. De l'avis de la Commission, il existe deux modèles principaux de formulaires: d'une part, les formulaires V55/1 à V55/4, que les constructeurs et les importateurs exclusifs remplissent préalablement et qui sont utilisés par les concessionnaires pour l'immatriculation des véhicules qui leur sont livrés et, d'autre part, le formulaire V55/5, conçu pour les importations parallèles.

10. Selon John Deere, la formulation retenue par la Commission est de nature à induire en erreur. Le formulaire V55/5 est utilisé, d'une part, dans le cas des véhicules usagés immatriculés pour la première fois au Royaume-Uni et, d'autre part, pour les véhicules importés au Royaume-Uni par les importateurs indépendants.

11. De l'avis de John Deere, seul le formulaire V55/1, dont le détenteur déclaré du véhicule, c'est-à-dire, le client ou le propriétaire, remplit le verso, a déjà été prérempli, sur son recto, par le constructeur du véhicule ou par son importateur. A l'exception des données reprises dans sa moitié inférieure, les données inscrites à la première page du formulaire V55/1 sont reproduites sur un double, la feuille 2. La moitié inférieure de cette feuille est consacrée aux statistiques. Elle peut être remplie, facultativement, par le détenteur déclaré du véhicule. Bien que la partie statistique ne soit pas remplie par lui, le concessionnaire qui procède à la vente est prié par les instructions ministérielles susvisées d'indiquer le code postal de son client. Le formulaire est envoyé ensuite au LVLO territorialement compétent. Le LVLO sépare les deux feuilles et fait parvenir la première au Driver and Vehicle Licensing Center (centre de délivrance d'autorisations pour les conducteurs et les véhicules) (ci-après le DVLC), qui établit et délivre l'autorisation de circuler. Toujours conformément aux instructions ministérielles, la deuxième feuille est adressée à une société de traitement des données que, pour chacune des grandes catégories de véhicules, les professionnels du secteur indiquent aux pouvoirs publics. Dans le cas des tracteurs agricoles, il s'agit de la SIL.

12. En outre, selon John Deere, le formulaire V55/5 est utilisé pour toutes les ventes autres que les premières ventes. Contrairement à ce que soutient la partie défenderesse, il ne permet pas d'identifier les importations parallèles. La SIL exploite les données qui figurent sur le formulaire, après quoi ce formulaire est détruit, sans qu'à aucun moment les parties à l'accord en aient été les destinataires directs.

13. Selon la Commission, le formulaire contient les renseignements suivants, dans des conditions contestées par la requérante sur un certain nombre de points:

Marque (constructeur).

Numéros de modèle, de série, de châssis: John Deere estime que l'affirmation contenue au point 14, troisième tiret, de la décision est, à ce propos, incomplète et inexacte. Selon elle, cette information est à usage purement interne à la SIL, aux fins d'éviter les doubles immatriculations, et la SIL ne met pas à la disposition des membres les numéros de série des véhicules. En fait, les informations relatives aux numéros de série (ou de châssis) sont enregistrées par la SIL, mais, dans le système issu de la première notification, ne sont plus diffusées aux membres de l'accord, dès lors qu'il est convenu, depuis le 1 er septembre 1988, que la SIL cesse de faire parvenir aux membres de l'accord le formulaire d'immatriculation des véhicules.

Concessionnaire initial et vendeur (code, nom, adresse et code postal). Selon John Deere, dont les dires ont, sur ce point, été confirmés par la SIL, et contrairement à ce qu'indique la décision au point 14, quatrième tiret, la SIL n'introduit pas dans sa base de données le nom, l'adresse et le code postal du concessionnaire; en outre, le numéro de code du concessionnaire initial (case 54) ne serait enregistré que dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de numéro de code du concessionnaire vendeur (case 61).

Code postal complet du détenteur déclaré du véhicule.

Nom et adresse du détenteur déclaré: selon John Deere et contrairement à ce qu'indique la décision, au point 14, septième tiret, la SIL n'extrait pas du formulaire V55 le nom et l'adresse du détenteur du véhicule. A ce sujet, il a été confirmé que, si cette information peut éventuellement figurer à la page 3 du formulaire V55, qui, seule, est transmise à la SIL, elle n'est, en tout cas, pas enregistrée par elle, de telle façon qu'elle n'est pas communiquée aux membres de l'accord.

14. Selon John Deere, les informations exploitées par la SIL qui, précise-t-elle, concernent exclusivement les immatriculations et non les ventes, sont les suivantes:

la marque du véhicule (case 18);

le modèle du véhicule (case 21);

la description de la carrosserie du véhicule (case 23);

le concessionnaire ayant procédé à la vente (case 61);

la circonscription postale du détenteur déclaré du véhicule (case 70);

la date de la réception de la deuxième feuille par la SIL.

15. Pour la Commission, les informations transmises aux membres de l'accord relèvent de trois catégories distinctes qui sont les suivantes:

Les données agrégées au niveau du secteur: ventes globales du secteur, avec ou sans ventilation par puissance et par type de transmission; ces informations sont disponibles en séries annuelles, trimestrielles, mensuelles ou hebdomadaires.

Les données concernant les ventes de chaque membre: nombre d'unités vendues par chaque fabricant et part de marché de celui-ci, pour divers secteurs géographiques: Royaume-Uni dans son ensemble, région, comté, territoire concédé, identifié grâce aux circonscriptions postales qui le constituent; ces informations sont disponibles par périodes d'un mois, d'un trimestre ou d'un an (et, dans ce cas, pour les douze derniers mois, par année civile ou en glissement annuel).

Les données concernant les ventes des concessionnaires appartenant au réseau de distribution de chaque membre, notamment les importations et les exportations des concessionnaires sur leurs territoires respectifs. Il est ainsi possible d'identifier les importations et les exportations entre les divers territoires de concession et de comparer ces activités de ventes avec les ventes réalisées par les concessionnaires sur leur propre territoire.

16. En outre, selon la Commission, jusqu'au 1 er septembre 1988, la SIL fournissait aux membres de l'accord des copies du formulaire V55/5, utilisé par les importateurs indépendants. Depuis cette date, elle leur a communiqué seulement les renseignements tirés de ce formulaire. Celui-ci permettait toutefois, selon la Commission, d'identifier les importations en provenance d'autres pays de la Communauté, principalement à l'aide du numéro de série.

17. Pour sa part, John Deere estime que le Data System, adopté en 1990, permet à la SIL de fournir aux membres de l'accord des informations appartenant aux quatre catégories différentes suivantes:

Les données globales du secteur: chaque membre peut obtenir des informations sur les immatriculations globales du secteur, soit sans aucune ventilation des produits par modèle, soit avec une ventilation par puissance ou par type de transmission, pour le Royaume-Uni dans son ensemble ou pour chacune des dix régions définies par le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation (ci-après le MAFF), ainsi que par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire de ses propres concessionnaires et par circonscription postale. Ces ventes peuvent être analysées sur une base mensuelle ou hebdomadaire.

Les données relatives aux ventes propres de l'entreprise: la SIL pourrait fournir aux membres des relevés sur mesure concernant le total de leurs ventes individuelles, ainsi que sur leurs ventes, ventilées par modèle, pour le Royaume-Uni, par région MAFF, par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire de leurs propres concessionnaires et par circonscription postale. La SIL peut, en outre, fournir, individuellement, à chaque constructeur, des informations, agrégées ou ventilées par modèle, sur les ventes opérées par un concessionnaire sur son territoire ou sur le total des ventes opérées par un concessionnaire, sans indication du lieu de la vente. Ces données peuvent être communiquées mensuellement. Selon John Deere, il convient de préciser que, si la décision, au point 26, décrit exactement les informations qui peuvent être transmises dans ce cadre, il faut entendre par les expressions importations et exportations des concessionnaires, pour la première, les ventes réalisées par les autres concessionnaires sur le territoire d'une concession donnée et, pour la seconde, les ventes réalisées par un concessionnaire à l'extérieur de son propre territoire de concession. Ces expressions, qui pourraient prêter à confusion, ne désignent, en aucun cas, les importations en provenance d'autres pays membres ou les exportations à destination de ces pays. Le système n'a donc pas pour objet la surveillance des importations parallèles. Or, la requérante souligne que la présentation retenue par la Commission est de nature à induire en erreur. Le système donne seulement à chacun des membres de l'accord des informations sur l'ensemble des ventes aux clients établis à l'intérieur du territoire d'un concessionnaire, sans indication de l'identité du concessionnaire qui a effectué la vente, ainsi que l'indication de l'ensemble des ventes effectuées par un concessionnaire à des clients installés à l'intérieur de son territoire.

Les données relatives aux ventes de chaque concurrent: la SIL peut communiquer les ventes globales d'un concurrent déterminé, avec ou sans ventilation par modèle, pour tout le Royaume-Uni, par région MAFF, par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire des concessionnaires propres et par circonscription postale. Ces données sont communiquées sur une base mensuelle.

Les informations tirées du formulaire V55: numéro de châssis, date d'immatriculation de chacun des tracteurs de la marque vendu au Royaume-Uni. Ces informations sont communiquées sur une base mensuelle. Elles sont destinées à permettre la vérification des demandes de garantie et de remise.

18. Le 4 janvier 1988, l'AEA a notifié à la Commission l'accord d'échange d'informations, mettant en place un système d'échange d'informations fondé sur les données relatives aux immatriculations de tracteurs agricoles, afin d'obtenir, à titre principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une exemption individuelle. Cet accord d'échange d'informations se substituait à un accord antérieur de 1975, qui, quant à lui, n'avait jamais été notifié à la Commission. La Commission a pris connaissance de l'existence du système d'informations en 1984, dans le cadre de certaines enquêtes menées à la suite d'une plainte dont elle avait été saisie en raison de l'existence d'entraves aux importations parallèles.

19. Le 11 novembre 1988, la Commission a adressé une communication des griefs à l'AEA, à chacun des huit adhérents au système d'informations et à la SIL. Le 24 novembre 1988, les adhérents au système d'informations ont décidé d'en suspendre l'application. Au cours d'une audition devant la Commission, ils ont fait valoir, en se fondant en particulier sur une étude réalisée par le professeur Albach, membre du Berlin Science Center, que les informations transmises exerçaient un effet bénéfique sur la concurrence. Le 12 mars 1990, cinq parties à l'accord ─ dont John Deere ─ ont notifié à la Commission l'existence d'un nouvel accord de communication d'informations, le Data System, en s'engageant à ne pas mettre en application le nouveau système avant d'avoir obtenu la réponse de la Commission à leur notification.

20. Dans la décision 92/157, la Commission a:

déclaré que l'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles constituait une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où il donne lieu à un échange d'informations permettant à chaque constructeur de connaître les ventes de chacun de ses concurrents, ainsi que les ventes et les importations réalisées par ses propres concessionnaires (article 1 er);

rejeté la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (article 2);

enjoint à l'AEA et aux parties à l'accord de mettre fin à l'infraction, si elles ne l'avaient pas déjà fait, et de s'abstenir à l'avenir de s'associer à tout accord ou pratique concertée risquant d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire (article 3).

21. La décision susvisée de la Commission a été attaquée par John Deere devant le TPI par la voie d'un recours en annulation, qui a été rejeté en totalité par le TPI en statuant dans l'affaire Deere/Commission. John Deere a formé le 13 janvier 1995 le présent pourvoi dirigé contre cet arrêt.

II ─
Les moyens à l'appui du pourvoi

22. John Deere demande l'annulation de l'arrêt du TPI, en faisant valoir les huit moyens suivants:

motivation contradictoire et insuffisante;

application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'accord;

assimilation erronée du marché des tracteurs au Royaume-Uni à un oligopole fermé;

application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne la concurrence entre producteurs;

application erronée de l'article 85, paragraphe 1, aux réunions de l'AEA;

application incorrecte de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne la restriction à la concurrence dans le cadre d'une même marque;

application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne l'incidence sur les échanges entre le Royaume-Uni et les autres pays membres, et

refus injustifié de l'application de l'article 85, paragraphe 3.

23. Avant d'analyser chacun de ces moyens, j'estime nécessaire de procéder à une réflexion générale sur les critères fixés par la Cour de justice en ce qui concerne la recevabilité des pourvois dirigés contre les arrêts du TPI.

24. Se fondant sur l'article 51, paragraphe 1, du statut CE de la Cour de justice, qui explicite l'article 168 A, paragraphe 1, du traité, et sur l'article 112, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure, la Cour de justice a élaboré progressivement les critères de recevabilité des pourvois.En premier lieu, elle a élaboré une jurisprudence constante  (4) , selon laquelle la partie requérante au pourvoi doit indiquer avec précision les éléments attaqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée, ainsi que les moyens juridiques invoqués spécialement à l'appui de la demande à cet effet. C'est là une condition qui n'est pas remplie, si la partie requérante au pourvoi se borne à reprendre ou à reproduire littéralement les moyens et les arguments formulés devant le TPI, dont ceux qui sont fondés sur des éléments de fait non retenus par cette juridiction. Un pourvoi présentant ces caractéristiques constitue, en réalité, une demande destinée à obtenir un nouvel examen de la demande présentée au TPI, ce qui excède la compétence de la Cour de justice conformément à ce que prévoit l'article 49 de son statut.En deuxième lieu, la Cour de justice a jugé qu'un pourvoi ne peut être fondé que sur des moyens relatifs à la violation de normes juridiques, à l'exclusion de toute appréciation de fait. Par conséquent, elle a estimé que l'appréciation par le TPI des éléments de preuve qui lui sont présentés ne constitue pas une question de droit soumise à un contrôle dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation de ces éléments ou là où l'inexactitude matérielle des constatations du TPI ressort des documents versés au dossier. Elle n'a pas qualité pour examiner les preuves que le TPI a retenues pour déterminer les faits, pour autant qu'elles aient été obtenues régulièrement et que les règles et les principes généraux du droit applicables en matière de charge et d'appréciation de la preuve aient été respectés. Il appartient à la Cour de justice d'exercer un contrôle sur la qualification juridique des faits et les conséquences juridiques que le TPI en a tirées  (5) . En définitive, la jurisprudence susvisée établit des critères relativement stricts en ce qui concerne la recevabilité des pourvois, en vue de faire obstacle à ce que le pourvoi ne se transforme en fait en un appel dans le cadre duquel l'affaire est à nouveau analysée, et d'éviter que la qualification des faits effectuée par le TPI ne soit mise en cause.

25. A mon avis, dans les affaires de concurrence consécutives à des décisions de la Commission, il est judicieux, ainsi que l'avocat général M. Jacobs l'a recommandé  (6) , d'interpréter plus restrictivement les critères de recevabilité des pourvois et, en particulier, la condition prévue à l'article 51 du statut CE de la Cour de justice, selon lequel les pourvois devant la Cour de justice concernent exclusivement des questions de droit. En effet, dans ces affaires, le TPI examine une décision de la Commission rendant compte des faits litigieux et procède à une appréciation juridique. En se limitant aux constatations effectuées par la Commission ou en procédant à de nouvelles enquêtes, il établit les faits et la Cour de justice doit s'en tenir à cette détermination par le TPI dans le cadre des pourvois, puisque le rôle du TPI serait dénaturé si la Cour de justice avait à réexaminer, sur la demande des parties requérantes, les éléments de fait relevés dans les arrêts du TPI.Je vais maintenant examiner chacun des moyens invoqués à l'appui du pourvoi par John Deere, compte tenu des critères stricts de recevabilité que je viens de mentionner. L'application de ces critères revêt une importance particulière dans le cadre du présent pourvoi, dans la mesure où la partie requérante fait valoir fréquemment des arguments identiques à ceux qui ont été invoqués devant le TPI et se borne à de nombreuses reprises à mettre en cause la détermination des faits à laquelle le TPI a procédé, sans identifier de questions de droit pertinentes dans le cadre du pourvoi.

A ─
   Motivation contradictoire et insuffisante

26. En ce qui concerne l'existence de contradictions dans la motivation, la partie requérante estime que le TPI a commis une erreur de droit en examinant aux points 39 et 40 de l'arrêt attaqué la légalité du système d'échange d'informations au lieu de celle du Data System, bien que les entreprises qui ont notifié celui-ci à la Commission se soient engagées à cesser leur participation à ce système d'échange d'informations.

27. C'est là une branche du moyen qui ne peut être retenue parce qu'elle concerne une question de fait, résolue par le TPI et qui ne peut être soulevée dans le cadre du pourvoi. En effet, le TPI a estimé que, dans la décision attaquée, la Commission avait analysé correctement la légalité du système d'échange d'informations et celle du Data System parce que les entreprises ayant adhéré au premier système n'étaient pas toutes membres du deuxième système et que la notification du système d'échange d'informations n'avait pas été retirée.

28. En ce qui concerne l'insuffisance de la motivation, John Deere fait valoir deux arguments. En premier lieu, la partie requérante estime que le TPI a commis une erreur en jugeant, au point 40 de l'arrêt attaqué, que la décision contestée était suffisamment motivée en ce qui concerne la légalité du Data System, auquel il étend indûment par extrapolation les considérations formulées en ce qui concerne le système d'échange d'informations, nonobstant les différences entre les deux systèmes. Cet argument de la requérante ne peut non plus être retenu à l'appui du pourvoi, parce qu'il met en cause un élément de fait déterminé définitivement dans l'arrêt du TPI, à savoir les analogies et les différences entre les informations communiquées dans le cadre du système d'échange d'informations et au sein du Data System.

29. En deuxième lieu, de l'avis de la partie requérante, le TPI n'a pas explicité suffisamment la raison pour laquelle il tient pour justifiée l'utilisation par la Commission du critère des dix tracteurs vendus par territoire, type de produit ou période de temps déterminée, critère tenu pour le seuil en deçà duquel il existe un grand risque que, bien qu'elles soient agrégées, les données permettent d'identifier le chiffre d'affaires exact de certains ou de tous les concurrents. Selon John Deere, ce critère des dix unités vendues est très restrictif, parce que, dans les petites zones de vente, son utilisation retarde énormément la diffusion des données.

30. L'argument susvisé de la requérante doit être rejeté. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, le contrôle juridictionnel des appréciations économiques complexes, exposées dans les décisions de la Commission en matière de concurrence, doit se limiter pour l'essentiel à la vérification de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir  (7) . Il n'est pas douteux que la fixation du critère qui fait obstacle à la connaissance exacte des ventes des concurrents constitue une appréciation économique complexe. Au point 92 de l'arrêt attaqué, le TPI a constaté que la Commission n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation en utilisant le critère des dix unités vendues, compte tenu des caractéristiques du marché et de la nature des informations échangées. En procédant à une analyse exhaustive des éléments de fait dans les affaires de concurrence, le TPI est placé dans les conditions requises pour procéder à un contrôle juridictionnel minimal que la jurisprudence communautaire a prévu en ce qui concerne les appréciations économiques exposées dans les décisions de la Commission. A mon avis, le contrôle qu'exerce le TPI sur ces appréciations, qui sont toujours étroitement liées aux éléments de fait du litige, ne devrait en principe pas faire l'objet du pourvoi.

31. Compte tenu de tout ce qui précède, j'estime que ce moyen invoqué à l'appui du pourvoi est partiellement irrecevable et que les arguments susceptibles d'être retenus doivent être rejetés.

B ─
Application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'accord.

32. De l'avis de John Deere, le TPI a commis une erreur de droit en estimant, au point 66 de l'arrêt attaqué, qu'il existait une entente expresse ou au moins tacite entre les membres de l'accord pour la définition des territoires de vente de leurs concessionnaires d'après les circonscriptions postales établies au Royaume-Uni.

33. C'est là un moyen qui ne peut être retenu, car il reprend des arguments identiques à ceux que John Deere a invoqués devant le TPI et met en cause des éléments de fait déterminés définitivement dans l'arrêt attaqué. En fait, le TPI a tenu pour avérée l'existence d'un accord au moins tacite entre les opérateurs économiques en cause pour définir, en se référant au système de codification postale du Royaume-Uni, les limites des territoires de vente des concessionnaires, ainsi que celle d'un marché institutionnel qui permet, au moyen de l'AEA et de la SIL, l'échange d'informations entre les opérateurs économiques.

34. Par conséquent, ce moyen invoqué à l'appui du pourvoi est irrecevable.

C ─
   Assimilation erronée du marché des tracteurs du Royaume-Uni à un oligopole fermé

35. En invoquant ce moyen, la partie requérante estime que, en qualifiant le marché britannique des tracteurs agricoles d'oligopole fermé, le TPI a versé dans l'erreur sous cinq aspects, qui sont les suivants:

analyse incomplète et insuffisamment motivée du marché concerné;

absence d'examen de l'expertise présentée par John Deere;

inexactitude matérielle des constatations du TPI;

définition erronée du marché géographique en cause, et

absence de restriction à la concurrence.

36. Selon John Deere, la première erreur commise par le TPI dans l'analyse des caractéristiques du marché britannique des tracteurs agricoles tient au fait qu'il n'a pas tenu compte de trois facteurs essentiels, à savoir la concurrence en matière de prix, le caractère inédit du produit imputable à la recherche et au développement technologiques et le pouvoir d'achat de la clientèle des constructeurs de tracteurs.C'est là un argument de la requérante qui ne peut être retenu. Ainsi que la Commission l'indique dans son mémoire en défense, le TPI a pris en compte dans l'arrêt attaqué ces trois facteurs invoqués par John Deere, mais a soutenu que la Commission n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans la décision attaquée du fait qu'elle avait privilégié d'autres éléments du marché concerné pour le tenir pour un oligopole fermé. C'est ainsi que, au point 74 de l'arrêt attaqué, le TPI fait allusion aux facteurs invoqués par John Deere, mais, aux points 78 à 80, il soutient que la Commission n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur d'autres caractéristiques du marché ─ parts de marché des producteurs, stabilité relative, obstacles élevés à l'entrée ─ pour estimer qu'il s'agissait d'un oligopole fermé. A mon avis, le TPI a pris en compte les facteurs relevés par John Deere et, dans le cadre d'un pourvoi, les mêmes arguments invoqués en première instance ne peuvent à nouveau être soulevés en ce qui concerne les caractéristiques de fait d'un marché, qu'il appartient au TPI de déterminer.

37. La deuxième erreur que le TPI a commise, selon John Deere, en déterminant les caractéristiques du marché britannique des tracteurs agricoles, tient à ce qu'il n'a pas examiné dûment le rapport économique du professeur Albach, l'expert proposé par la partie requérante. A mon avis, cette erreur n'existe pas, parce que le TPI s'est référé à ce rapport au point 75 de l'arrêt attaqué  (8) . Néanmoins, aux points 78 à 80 de son arrêt, le TPI penche en faveur d'une définition des caractéristiques du marché des tracteurs au Royaume-Uni semblable à celle qui a été exposée dans le rapport de l'autre expert présenté par la Commission, le professeur Neumann, et dans le rapport relatif au secteur de l'équipement agricole au sein des Communautés européennes, présenté également par la Commission. A mon avis, le TPI a motivé suffisamment sa préférence pour cette dernière analyse économique du marché en cause et, par conséquent, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, étant entendu qu'il est impossible d'exiger du TPI qu'il procède dans son arrêt à une réfutation expresse de chacun des arguments invoqués par le professeur Albach dans son rapport.

38. La troisième erreur dans la détermination des caractéristiques du marché en cause tient, selon la partie requérante, aux inexactitudes matérielles des constatations auxquelles le TPI a procédé à partir des documents versés au dossier. Selon John Deere, il n'est pas possible de tirer de ces documents la conclusion, à laquelle le TPI est parvenu, que le marché en cause se caractérise par une stabilité relative des positions des concurrents, des obstacles élevés à l'entrée et un niveau d'homogénéité suffisant des produits.C'est là un moyen qui ne peut être retenu, parce qu'il met en cause les appréciations de fait, auxquelles le TPI a procédé définitivement, en ce qui concerne la structure et les caractéristiques du marché britannique des tracteurs agricoles. La partie requérante n'invoque ni ne précise d'irrégularités des documents versés au dossier, qui pourraient amener le TPI à procéder à une appréciation incorrecte des faits et, par conséquent, son argument est irrecevable dans le cadre du pourvoi et ne peut s'appuyer sur l'arrêt dans l'affaire Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (9) .

39. En quatrième lieu, la partie requérante fait valoir que le TPI a défini erronément le marché géographique en cause, en le limitant à celui des tracteurs agricoles au Royaume-Uni.C'est là un argument qui ne peut être retenu dans le cadre du pourvoi, puisque John Deere ne l'avait pas invoqué dans la procédure devant le TPI, dans le cadre de laquelle la partie requérante s'est bornée à mettre en cause l'incidence du système d'informations sur les échanges entre les États membres  (10) .

40. Enfin, John Deere allègue que le TPI a commis une erreur en estimant, au point 51 de l'arrêt attaqué, que l'assimilation du marché en cause à un marché fortement concentré impliquait l'atténuation de la concurrence en son sein. Selon la partie requérante, une concurrence féroce reste possible sur un marché oligopolistique.L'argumentation susvisée de John Deere ne peut être retenue. Le TPI ne se borne pas à établir une corrélation automatique entre le niveau de concentration sur le marché en cause et l'intensité de la concurrence existante sur ce marché. En effet, il a analysé les caractéristiques du marché de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, en en déduisant qu'il s'agit d'un oligopole fermé. Il a ensuite conclu que, sur un marché présentant des caractéristiques similaires, l'existence d'un système d'informations tel que celui qui a été analysé dans le présent litige restreint la concurrence. Dans ses observations, John Deere n'invoque aucun argument contraire à cette conclusion du TPI, qui concorde avec celle que la Commission a soutenue dans la décision attaquée.

41. Compte tenu de ce qui précède, j'estime que ce moyen invoqué à l'appui du pourvoi est partiellement irrecevable et que les arguments susceptibles d'être retenus doivent être rejetés.

D ─
   Application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce qui concerne la concurrence entre les producteurs

42. Ce moyen invoqué par John Deere à l'appui du pourvoi présente trois aspects, qui sont les suivants:

la réduction ou la suppression de l'incertitude en ce qui concerne le fonctionnement du marché n'a pas restreint la concurrence;

le renforcement des difficultés d'accès au marché, et

l'article 85, paragraphe 1, n'interdit pas les effets purement potentiels sur la concurrence.

Je vais maintenant examiner chacun des trois aspects de ce moyen invoqué à l'appui du pourvoi.

1.       La réduction ou la suppression de l'incertitude touchant le fonctionnement du marché n'a pas restreint la concurrence

43. John Deere estime que, dans l'arrêt attaqué, le TPI a interprété erronément le sens des termes de l'article 85, paragraphe 1: ... restreindre ... le jeu de la concurrence.... A son avis, la concurrence est restreinte là où les entreprises cessent de déterminer de manière indépendante leurs comportements sur le marché et portent ainsi préjudice à la concurrence  (11) . Dans l'affaire en instance, ni le TPI ni la Commission n'ont constaté l'existence d'une restriction à la concurrence, parce qu'ils n'ont pas établi que la réduction de l'incertitude sur le marché britannique des tracteurs agricoles, entraînée par le système d'échange d'informations, avait restreint la liberté des entreprises d'arrêter des décisions indépendantes ni que ce système avait eu pour conséquence une réduction de la concurrence. En ce qui concerne la liberté des entreprises d'arrêter des décisions indépendantes, John Deere estime que le système d'échange d'informations ne l'a pas restreinte, parce que les informations communiquées par la SIL concernaient les résultats passés des concurrents et ne contenaient pas de données au sujet des secrets commerciaux tels que les prix et l'identité des clients ou les programmes de production. Ces informations ne dévoilent pas la stratégie commerciale future des entreprises, dont les comportements dans un contexte d'accroissement de la concurrence du marché s'avèrent imprévisibles et ne coïncident pas nécessairement. Selon la partie requérante, l'arrêt dans l'affaire pâte de bois  (12) confirme cet argument. En outre, l'existence du système d'échange d'informations n'a entraîné aucune atténuation de la rivalité commerciale entre les constructeurs de tracteurs agricoles et leurs stratégies commerciales agressives se sont maintenues, puisque ce système comportait la communication de données globales sur les ventes, qui étaient en outre connues avec plusieurs mois de retard.En ce qui concerne l'éventuelle réduction de la concurrence à la suite de la mise en place du système d'échange d'informations, John Deere conteste qu'elle ait eu lieu. Au contraire, la partie requérante juge que le système a modifié dans un sens positif les conditions de concurrence sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, parce que l'accroissement de la transparence a stimulé la concurrence, en permettant aux entreprises de mieux cerner les exigences du consommateur et les tendances du marché, dans le but d'y adapter la planification de leur production.

44. Pour étayer son raisonnement, John Deere se sert de divers arguments qui, à mon avis, ne peuvent être retenus, parce qu'ils altèrent les faits constatés par le TPI dans l'arrêt attaqué. En effet, le TPI a jugé que le marché des tracteurs au Royaume-Uni était un marché oligopolistique comportant des obstacles élevés à l'entrée (points 78 à 84), que les informations échangées dans le cadre de l'accord d'information constituaient des secrets d'affaires (point 81) et que les informations détaillées et précises étaient échangées selon une périodicité rapprochée entre les constructeurs (point 51).

45. Tenant compte des éléments susvisés, j'estime que cette branche du moyen à l'appui du pourvoi doit être rejetée, parce que le TPI a appliqué correctement dans l'arrêt attaqué la condition de la restriction de la concurrence, qui doit être nécessairement remplie pour qu'un accord soit contraire à l'article 85, paragraphe 1.

46. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, la concurrence s'avère restreinte ou faussée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, là où les opérateurs économiques cessent de déterminer de manière autonome leur stratégie commerciale. Cette exigence d'autonomie ne fait pas obstacle à ce qu'ils s'adaptent en connaissance de cause au comportement de leurs concurrents, mais elle est effectivement incompatible avec toute forme de contact direct ou indirect entre les opérateurs économiques, qui a pour objet ou pour effet de modifier les conditions normales de concurrence sur le marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre d'entreprises et du volume de ce marché  (13) .

47. L'autonomie de décision des opérateurs économiques au sujet de leur stratégie commerciale disparaît à l'évidence là où ils concluent un accord qui limite leur liberté d'action future sur le marché. Néanmoins, cette autonomie peut également s'avérer menacée lorsque les opérateurs économiques mettent en place des structures de coopération en vue de la poursuite d'un intérêt économique commun, qui, sans qu'elles favorisent directement une pratique anticoncurrentielle, affectent la concurrence entre les producteurs.

48. Dans la présente affaire, les principaux constructeurs de tracteurs agricoles du Royaume-Uni ont mis en place une structure de coopération, à savoir l'accord d'échange d'informations, destinée à leur faciliter la connaissance du marché britannique. Cet accord a eu pour effet d'accroître sensiblement la transparence de ce marché et de réduire en conséquence l'incertitude sur la stratégie commerciale des entreprises concurrentes.

49. A mon avis, cette réduction de l'incertitude entraînée par l'accord d'échange d'informations restreint la liberté des entreprises d'adopter des décisions commerciales autonomes et, par conséquent, la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1. C'est là une conclusion qui concorde avec l'argumentation de la Commission et du TPI et qui est fondée sur les motifs suivants:

La transparence et la réduction consécutive de l'incertitude renforcent la concurrence exclusivement sur des marchés fortement concurrentiels. Néanmoins, sur des marchés oligopolistiques tels que celui qui est en cause dans la présente affaire, la transparence excessive permet aux entreprises de connaître rapidement la stratégie commerciale de leurs concurrents et c'est là une circonstance qui entraîne un blocage du marché, ce qui dissuade le recours à des stratégies commerciales agressives. Cette transparence excessive annihile ou, au moins, restreint la concurrence sur un marché oligopolistique.

Les informations échangées entre les entreprises parties à l'accord concernent des secrets d'affaires et leur permettent de connaître le chiffre d'affaires de leurs concessionnaires en dehors et à l'intérieur du territoire attribué, ainsi que celui des autres entreprises concurrentes et de leurs concessionnaires parties à l'accord. Les nombreuses données communiquées par la SIL sur les ventes permettent aux entreprises de prendre également connaissance des importations parallèles en provenance d'autres États membres.

Les données sont communiquées par la SIL aux entreprises parties à l'accord hebdomadairement, mensuellement ou trimestriellement. Le temps qui s'écoule entre la vente et la communication des informations est assez court et fait que les données ne présentent pas pour les entreprises un caractère rétrospectif, mais constituent une information sur la stratégie commerciale appliquée par les autres entreprises concurrentes.

Les entreprises qui vendent des tracteurs sont seules destinataires des informations communiquées par la SIL, qui n'étaient pas rendues publiques. Par conséquent, les acheteurs ne retirent aucun avantage de l'accord d'information. C'est là une circonstance qui rend inapplicable à la présente affaire, contrairement à ce que prétend John Deere, la jurisprudence élaborée par la Cour de justice dans l'arrêt pâte de bois 

13
Arrêt précité (points 63 et 64)., parce que, dans cette affaire, le système d'annonce trimestrielle des prix de vente de la pâte à papier, mis en oeuvre par les producteurs, comportait la communication d'une information utile aux acheteurs. Néanmoins, l'accord dans la présente affaire ne permet l'échange d'informations qu'entre entreprises vendant des tracteurs et se faisant concurrence sur le marché britannique.

50. Eu égard aux observations susvisées, à mon avis, il y a lieu de rejeter cette première branche du moyen invoqué à l'appui du pourvoi.

2.       Absence de renforcement des difficultés d'accès au marché

51. Le TPI a estimé aux points 52 à 84 de l'arrêt attaqué que l'accord d'information exerçait un effet négatif pour les opérateurs qui souhaitaient accéder au marché britannique des tracteurs agricoles, parce que, s'ils n'avaient pas adhéré à l'accord, ils se privaient de certaines informations indispensables au sujet de ce marché et que, s'ils y étaient parties, leur stratégie commerciale était rapidement connue des entreprises déjà implantées sur ce marché.John Deere fait valoir que c'est là une affirmation erronée pour deux raisons. En premier lieu, le système d'échange d'informations est accessible sans discrimination à tous les constructeurs et vendeurs qui décident de s'établir au Royaume-Uni et, si ceux-ci n'y adhèrent pas, ils peuvent arrêter une stratégie commerciale autonome, même s'ils ne disposent pas des informations communiquées dans le cadre de l'accord. En deuxième lieu, si ces nouveaux opérateurs adhèrent au système, leur liberté d'action autonome sur le marché est maintenue et leur stratégie commerciale n'est pas connue rapidement des concurrents.

52. Ce sont là des raisons qui ne peuvent être retenues à l'appui du pourvoi, car, en les invoquant, John Deere se borne à reprendre devant la Cour de justice les mêmes arguments que ceux qui ont été rejetés par le TPI dans l'arrêt attaqué, sans faire valoir le moindre argument sur l'erreur de droit éventuellement commise par le TPI dans son appréciation.

3.       L'article 85, paragraphe 1, du traité n'interdit pas les effets purement potentiels sur la concurrence

53. De l'avis de John Deere, le TPI a commis une erreur de droit en affirmant, aux points 61 et 92 de l'arrêt attaqué, que l'article 85, paragraphe 1, interdit tant les effets réels contraires à la concurrence que les effets potentiels, pour peu que ceux-ci soient suffisamment sensibles. Par conséquent, le TPI a jugé sans importance que la Commission n'ait pas prouvé l'existence des effets anticoncurrentiels réels entraînés par l'accord d'échange d'informations sur le marché britannique des tracteurs agricoles.Selon John Deere, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires Société technique minière  (15) et Salonia  (16) et l'arrêt du TPI dans l'affaire Petrofina/Commission  (17) évoqués par le TPI à l'appui de sa conclusion suivant laquelle l'article 85, paragraphe 1, interdit les effets anticoncurrentiels purement potentiels ont été appliqués incorrectement par le TPI dans l'arrêt attaqué. Les arrêts dans les affaires Salonia et Petrofina/Commission concernent les effets potentiels d'un accord sur les échanges entre les États membres et non leurs effets potentiels sur le jeu de la concurrence. Dans l'arrêt Société technique minière, la Cour de justice n'a pas affirmé que les effets anticoncurrentiels purement potentiels sont suffisants pour prouver l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1.

54. Les arguments susvisés de la partie requérante ne peuvent être retenus.

55. Pour qu'un accord soit contraire à l'article 85, paragraphe 1, il est nécessaire qu'il ait pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.... Selon la jurisprudence de la Cour de justice  (18) , il faut vérifier en premier lieu si l'objet de l'accord en lui-même constitue une restriction à la concurrence. Si tel est le cas, la condition prévue par l'article 85, paragraphe 1, est remplie et il est inutile d'analyser les effets de l'accord. Si l'accord n'a pas pour objet de restreindre la concurrence, il convient de procéder à une analyse de ses effets pour déterminer s'il restreint ou non la concurrence  (19) .Les effets d'un accord doivent être jugés eu égard à la concurrence qui s'exercerait sur le marché en cause si cet accord n'avait pas existé. Par conséquent, la Cour de justice estime que l'examen par la Commission des accords ... doit se fonder effectivement sur une appréciation des accords dans leur ensemble..., ce qui exige la prise en compte des effets tant réels que potentiels de ces accords sur la concurrence  (20) , ainsi que de l'ensemble du contexte économique dans lequel s'exercerait la concurrence en l'absence de l'accord  (21) . En outre, il est nécessaire que l'accord exerce un effet sensible sur la concurrence  (22) .La constatation des effets d'un accord sur la concurrence constitue une appréciation économique complexe et la Cour de justice a jugé que, bien qu'il lui incombe de procéder à un contrôle exhaustif au sujet de la réunion des conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, son contrôle des appréciations économiques complexes auxquelles la Commission a procédé se limite nécessairement à la vérification du point de savoir si les règles de procédure et de motivation ont été respectées ainsi qu'à celle de l'exactitude matérielle des faits et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir  (23) .

56. Dans la présente affaire, l'accord d'échange d'informations n'avait pas d'objet anticoncurrentiel et, par conséquent, il était nécessaire d'en examiner les effets sur la concurrence au sein du marché britannique des tracteurs agricoles. Dans l'arrêt attaqué, le TPI estime que la Commission a établi suffisamment dans la décision contestée l'existence des effets restrictifs de l'accord d'échange d'informations.Cette appréciation du TPI me paraît concorder avec la jurisprudence de la Cour de justice visée dans le point précédent. En effet, la Commission a établi dûment dans la décision attaquée l'existence des effets potentiels restrictifs sur la concurrence de l'accord d'information, en tenant compte des caractéristiques du marché britannique des tracteurs agricoles (oligopole fermé comportant des obstacles élevés à l'accès) et du contenu et de la périodicité des informations échangées entre les principaux opérateurs économiques présents sur le marché. Il s'agit d'une analyse d'une situation économique complexe et le TPI a exercé dans l'arrêt attaqué le contrôle juridictionnel prévu par la jurisprudence de la Cour de justice. Je n'estime pas que le TPI aurait dû exiger de la Commission qu'elle procède à une analyse des effets réels de l'accord sur la concurrence sur le marché britannique des tracteurs agricoles, dans laquelle elle aurait établi les prix et les parts de marché de chaque opérateur économique en l'absence d'accord d'échange d'informations.

57. D'autre part, j'estime que la référence par le TPI dans l'arrêt attaqué à l'arrêt Salonia et à son arrêt dans l'affaire Petrofina/Commission n'est pas totalement pertinente parce que, comme John Deere l'indique, dans ces deux affaires la juridiction fait valoir que les effets potentiels d'un accord doivent être pris en compte pour apprécier si cet accord affecte ou non les échanges entre les États membres. Cette référence à la jurisprudence par le TPI à l'appui de son argumentation s'explique parce que la restriction à la concurrence et les incidences sur les échanges intracommunautaires constituent deux conditions nécessaires de l'existence d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, qui semblent étroitement liées entre elles dans la jurisprudence de la Cour de justice  (24) , et, dans les deux cas, cette jurisprudence permet la prise en compte des effets potentiels des accords. A mon avis, en évoquant les arrêts susvisés de manière assez imprécise, le TPI n'a pas commis d'erreur de droit dans la motivation qu'il a élaborée dans l'arrêt attaqué.

58. En raison de tout ce qui précède, selon moi, cette branche du moyen invoqué à l'appui du pourvoi ne peut être retenue.

59. Compte tenu des arguments susvisés, j'estime que le moyen invoqué à l'appui du pourvoi est partiellement irrecevable et que les branches du moyen susceptibles d'être retenues doivent être rejetées.

E ─
   Application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux réunions de l'AEA

60. En invoquant ce moyen à l'appui du pourvoi, John Deere fait valoir que le TPI a commis une erreur de droit pour avoir reconnu, au point 87 de l'arrêt attaqué, le bien-fondé de l'argumentation de la Commission, suivant laquelle les réunions régulières au sein du comité de l'AEA constituaient pour les constructeurs de tracteurs agricoles un lieu de contacts, qui facilitait le maintien d'une politique de prix élevés et que, par conséquent, la concurrence en était restreinte au sens de l'article 85, paragraphe 1. La partie requérante allègue que, dans le cadre du Data System, les membres se réunissaient exclusivement au cours de réunions sporadiques pour résoudre des questions purement administratives et que la Commission n'a pas apporté la moindre preuve relative à l'existence de prix de vente élevés.

61. Dans ce moyen qu'il invoque à l'appui du pourvoi, John Deere ne précise aucune raison qui permette d'estimer que le TPI a commis une erreur de droit en affirmant que les contacts maintenus par les constructeurs de tracteurs au sein du comité de leur association professionnelle ont servi à agencer les modalités de mise en oeuvre de l'accord d'échange d'informations et, en conséquence, à réduire leur concurrence par le biais des prix. Par conséquent, c'est là un moyen qui ne peut être retenu, parce qu'en invoquant ce moyen la partie requérante se borne à invoquer devant la Cour de justice des arguments identiques à ceux qu'elle a fait valoir devant le TPI, et qui ont été rejetés aux points 87 et 88 de l'arrêt attaqué.

F ─
   Application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce qui concerne la restriction à la concurrence dans le cadre d'une même marque

62. John Deere fait valoir que le TPI a commis une erreur de droit en jugeant que l'accord d'échange d'informations permettait aux entreprises parties à cet accord de faire bénéficier d'une protection territoriale absolue leurs concessionnaires (point 96 de l'arrêt attaqué) et de suivre les importations parallèles au moyen du numéro de châssis du véhicule, que le constructeur indiquait sur le formulaire V55/5 (point 97 de l'arrêt attaqué).En ce qui concerne la protection territoriale absolue des concessionnaires, la partie requérante estime que les informations communiquées aux constructeurs dans le cadre de l'accord au sujet de leurs ventes totales et de celles de leurs concessionnaires dans chaque circonscription ne leur permettaient pas d'exercer une pression sur les concessionnaires qui vendaient des tracteurs en dehors de leur territoire, parce qu'ils ignoraient pour quels clients et dans quelle autre circonscription s'étaient effectuées ces ventes.En ce qui concerne la surveillance des importations parallèles, John Deere estime que le TPI n'a pas tenu compte de ce que le formulaire V55/5 avait cessé d'être envoyé par la SIL aux membres du système d'échange d'informations dès septembre 1988 et que, dans le cadre du Data System, la SIL ne communiquait pas aux membres le nom de l'importateur indépendant.

63. Les deux branches de ce moyen à l'appui du pourvoi ne peuvent être retenues parce qu'il s'agit d'arguments identiques à ceux qui ont été invoqués par John Deere en première instance, que le TPI a à juste titre rejetés, et parce qu'elles mettent en cause des éléments de fait déterminés par le TPI définitivement dans l'arrêt attaqué, sans que soit soulevée aucune question de droit susceptible de contrôle dans le cadre du pourvoi.

G ─
Application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce qui concerne l'effet sur les échanges entre le Royaume-Uni et les autres États membres.

64. La partie requérante affirme que le TPI a commis une erreur de droit en reconnaissant, au point 101 de l'arrêt attaqué, le bien-fondé de l'argumentation exposée dans la décision contestée, et selon laquelle l'accord d'échange d'informations affecte sensiblement les échanges entre les États membres, puisque la réduction de la concurrence qui en résulte influe nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni, étant donné les caractéristiques du marché britannique, et compte tenu de ce que les principaux opérateurs actifs sur ce marché interviennent dans l'ensemble du marché commun. De l'avis de John Deere, la Commission n'a pu prouver que les prix au Royaume-Uni étaient inférieurs aux prix pratiqués dans les autres États membres et c'était là l'élément fondamental à retenir pour démontrer l'effet de l'accord d'échange d'informations sur le commerce intracommunautaire.

65. Au point 101 de l'arrêt attaqué, le TPI a constaté que la Commission n'avait pas pu établir que les prix sur le marché britannique étaient supérieurs à ceux des marchés continentaux, mais John Deere n'a pas non plus pu démontrer que ces prix étaient moins élevés.

66. A mon avis, le moyen susvisé invoqué à l'appui du pourvoi ne peut être retenu. En effet, au point 101 de l'arrêt attaqué, le TPI a estimé précisément que l'accord d'échange d'informations affectait sensiblement les échanges entre les États membres au sens de l'article 85, paragraphe 1. Comme le TPI l'a indiqué, les caractéristiques du marché britannique des tracteurs, la part élevée de ce marché contrôlée par les entreprises parties à l'accord (88 %), l'identification précise des ventes et le fait que les entreprises étaient présentes sur le marché des autres États membres constituent des raisons plus que suffisantes de conclure que l'accord en question pesait sur les échanges intracommunautaires. Il ne fait pas de doute que ces arguments établissent avec un niveau de probabilité suffisant que cet accord exerçait une influence directe ou indirecte, réelle ou potentielle, sur les échanges de tracteurs agricoles entre le Royaume-Uni et les autres États membres, au sens prévu par la jurisprudence de la Cour de justice pour que cette condition de l'application de l'article 85, paragraphe 1, soit remplie  (25) .

H ─
   Refus injustifié d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité

67. La partie requérante estime que le TPI a commis une erreur de droit en concluant, au point 105 de l'arrêt attaqué, que le système d'échange d'informations et le Data System ne remplissaient pas les conditions nécessaires de l'octroi de l'exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3. John Deere précise que le TPI a versé dans l'erreur en estimant que cette entreprise n'avait pas établi que les restrictions à la concurrence entraînées par les deux accords d'échange d'informations étaient celles qui étaient strictement indispensables pour obtenir une amélioration de la production et de la distribution avantageuse pour les consommateurs. En outre, la partie requérante au pourvoi affirme qu'il n'aurait pas été possible de disposer de données aussi sûres sur le marché britannique des tracteurs agricoles si les constructeurs avaient procédé à des études individualisées.

68. Ce moyen invoqué à l'appui du pourvoi ne peut être retenu, puisque, en l'invoquant, John Deere se borne à mettre en cause des appréciations de fait auxquelles le TPI a procédé ou à invoquer à nouveau devant la Cour de justice les mêmes arguments que le TPI a rejetés à juste titre dans l'arrêt attaqué. John Deere renvoie même aux arguments exposés dans sa requête devant le TPI sans faire état d'aucune question de droit éventuelle traitée dans l'argumentation du TPI.

Dépens

69. Conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable au pourvoi en vertu de l'article 118, la partie qui succombe est condamnée aux dépens. Par conséquent, si les moyens invoqués par la partie requérante au pourvoi sont rejetés comme je le propose, il convient de la condamner aux dépens de la présente procédure.

Conclusion

70. Compte tenu des observations exposées ci-dessus, j'invite la Cour de justice:

1)à déclarer partiellement irrecevable le pourvoi,

2)à rejeter les moyens invoqués à l'appui du pourvoi et susceptibles d'être retenus,

3)à condamner aux dépens la partie requérante au pourvoi.


1
Langue originale: l'espagnol.


2
T-35/92, Rec. p. II-957.


3
Décision de la Commission, du 17 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange) (JO L 68, p. 19).


4
Voir notamment les ordonnances du 26 avril 1993, Kupka-Floridi/CES (C-244/92 P, Rec. p. I-2041); du 26 septembre 1994, X/Commission (C-26/94 P, Rec. p. I-4379); du 17 octobre 1995, Turner/Commission (C-62/94 P, Rec. p. I-3177), et l'arrêt du 24 octobre 1996, Viho/Commission (C-73/95 P, Rec. p. I-5457, points 25 et 26).


5
Arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C-53/92 P, Rec. p. I-667), et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission (C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743), et ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission (C-19/95 P, Rec. p. I-4435, point 39).


6
Conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt Hilti/Commission précité (points 8 à 12 et 46 à 49).


7
Arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, point 34), et conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt Hilti/Commission, précité (point 9).


8
Le professeur Albach tient le marché des tracteurs au Royaume-Uni pour un ... vaste oligopole de produits différenciés dans lequel les parts de marché jointes des principaux fournisseurs sont en recul et de nouveaux concurrents sont apparus. Il s'agit d'un marché sur lequel la concurrence est féroce....


9
Arrêt du 1 er juin 1994 (C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 49), dans lequel la Cour a affirmé ce qui suit: Le Tribunal est donc seul compétent pour constater les faits sauf dans les cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui a été soumis.


10
Voir l'arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a., précité, au point 59 formulé comme suit: Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges.


11
Arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73 et 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663), et du 14 juillet 1981, Züchner (172/80, Rec. p. 2021).


12
Arrêt du 31 mars 1993, Ahlström e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85 et 117/85, 125/85 à 129/85, Rec. p. I-1307, point 64; ci-après l'arrêt pâte de bois).


13
Arrêts Suiker Unie e.a./Commission (points 173 et 174), et Züchner (points 13 et 14) susvisés.


14
Arrêt précité (points 63 et 64).


15
Arrêt du 30 juin 1966 (56/65, Rec. p. 337).


16
Arrêt du 16 juin 1981 (126/80, Rec. p. 1563).


17
Arrêt du Tribunal de première instance du 24 octobre 1991 (T-2/89, Rec. p. II-1087).


18
Voir en particulier les arrêts Société technique minière, précité (Rec. p. 359); du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429); du 11 décembre 1980, L'Oréal (31/80, Rec. p. 3775, point 19); Remia e.a./Commission, précité (point 18); du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405, point 39), et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission (142/84 et 156/84, Rec. p. 4487).


19
Voir les points 15 et 16 des conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt du 15 décembre 1994, DLG (C-250/92, Rec. p. I-5641).


20
Arrêts BAT et Reynolds/Commission, précité (point 54), et du 27 février 1992, Vichy/Commission (T-19/91, Rec. p. II-415, point 59).


21
Arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C-399/93, Rec. p. I-4515, point 10).


22
Arrêts du 9 juillet 1969, Völk (5/69, Rec. p. 295), et du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission (T-7/93, Rec. p. II-1533, point 98).


23
Arrêts Remia e.a./Commission (point 34), et BAT et Reynolds/Commission (point 62), précités.


24
Voir Bellamy, C., et Child, G.: Derecho de la competencia en el mercado común , Civitas, Madrid, 1991, p. 142.


25
Voir notamment les arrêts Consten et Grundig/Commission (p. 429); Salonia (point 12); Remia e.a./Commission (point 22); DLG (point 54), et Oude Luttikhuis e.a. (point 18), précités.
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