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Document 61994CJ0050

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 4 juillet 1996.
République hellénique contre Commission des Communautés européennes.
Apurement des comptes du FEOGA - Exercice 1990.
Affaire C-50/94.

Recueil de jurisprudence 1996 I-03331

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1996:266

61994J0050

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 4 juillet 1996. - République hellénique contre Commission des Communautés européennes. - Apurement des comptes du FEOGA - Exercice 1990. - Affaire C-50/94.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-03331


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Agriculture ° Politique agricole commune ° Financement par le FEOGA ° Décision relative à l' apurement des comptes ° Délai ° Non-respect ° Incidence sur l' obligation de la Commission de refuser la prise en charge des dépenses irrégulièrement engagées au regard des règles communautaires ° Absence

(Règlement du Conseil n 729/70, art. 5, § 2)

2. Actes des institutions ° Motivation ° Obligation ° Portée ° Décision relative à l' apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA

(Traité CEE, art. 190)

3. Agriculture ° FEOGA ° Apurement des comptes ° Refus de prise en charge de dépenses découlant d' irrégularités dans l' application de la réglementation communautaire ° Contestation par l' État membre concerné ° Charge de la preuve

4. Agriculture ° FEOGA ° Apurement des comptes ° Refus de prise en charge de dépenses découlant d' irrégularités dans l' application de la réglementation communautaire ° Règles visant à différencier selon le degré de risque, pour le FEOGA, de différents niveaux de carence de contrôle ° Charge de la preuve

5. Actes des institutions ° Décisions ° Décision communautaire ° Impossibilité absolue d' exécution dans un État membre ° Obligation de la Commission et de l' État membre de collaborer dans la recherche d' une solution respectant le traité

(Traité CE, art. 5)

Sommaire


1. Le seul fait que l' apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA intervient après l' expiration du délai prévu par l' article 5 du règlement n 729/70 ne dispense pas la Commission de son obligation d' écarter la prise en charge par le Fonds lorsque les contrôles qu' elle est en mesure d' opérer révèlent que des dépenses n' ont pas été engagées selon les règles communautaires. Ledit délai doit en effet, en l' absence de toute sanction attachée à son inobservation, être considéré, sous réserve de l' atteinte aux intérêts d' un État membre, comme un simple délai d' ordre.

2. Une décision relative à l' apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA et refusant de retenir à la charge de celui-ci une fraction des dépenses déclarées n' exige pas une motivation détaillée, dès lors que le gouvernement intéressé a été étroitement associé au processus d' élaboration de la décision et connaît donc la raison pour laquelle la Commission estime ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA les montants litigieux.

3. Lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu' elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission.

4. Si, dans le cadre de sa mission d' apurer les comptes, la Commission, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses effectuées sans qu' aient été opérés les contrôles prescrits par la réglementation communautaire, s' efforce d' établir des règles visant à différencier selon le degré de risque que présentent, pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle, l' État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables.

5. S' il est admis qu' un État membre puisse invoquer l' impossibilité absolue d' exécuter correctement une décision communautaire, cet État membre doit, en tout état de cause, soumettre les problèmes liés à une telle exécution en temps utile à l' appréciation de l' institution compétente. Dans un tel cas, l' institution et l' État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l' article 5 du traité, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité.

Parties


Dans l' affaire C-50/94,

République hellénique, représentée par MM. Vassileios Kontolaimos et Ioannis Chalkias, conseillers juridiques adjoints au Conseil juridique de l' État, et Mmes Christina Sitara et Vassileia Pelekou, mandataires judiciaires au Conseil juridique de l' État, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de Grèce, 117, Val Sainte-Croix,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Xenophon Yataganas, conseiller juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision 93/659/CE de la Commission, du 25 novembre 1993, relative à l' apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d' orientation et de garantie agricole (FEOGA), section "garantie", pour l' exercice financier 1990 (JO L 301, p. 13), dans sa partie concernant la République hellénique,

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. N. Kakouris, président de chambre, G. Hirsch (rapporteur) et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 18 janvier 1996,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 14 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 7 février 1994, la République hellénique a, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité CE, demandé l' annulation partielle de la décision 93/659/CE de la Commission, du 25 novembre 1993, relative à l' apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d' orientation et de garantie agricole (FEOGA), section "garantie", pour l' exercice financier 1990 (JO L 301, p. 13), dans sa partie la concernant .

2 Le recours tend à l' annulation de cette décision dans la mesure où la Commission a déclaré non imputables au FEOGA les montants suivants:

° 866 305 307 DR au titre des restitutions à l' exportation des aliments de bétail;

° 981 233 150 DR au titre d' un dixième de l' aide à la production d' huile d' olive;

° 4 491 969 372 DR au titre de restitutions à l' exportation et de primes pour le tabac versées sur la base d' une quantité de 9 786 652 kg, équivalant à la somme de 3 632 654 033 DR, et au titre de restitutions à l' exportation et de primes pour le tabac équivalant à la somme de 859 315 339 DR, lesdites sommes faisant l' objet d' une réserve négative pour l' exercice 1990.

3 Lors de l' audience, le gouvernement hellénique s' est désisté de son recours concernant la somme de 4 491 969 372 DR au titre des restitutions à l' exportation et des primes pour le tabac.

Sur les dépenses au titre des restitutions à l' exportation des aliments de bétail

4 La Commission a résumé les motifs des corrections financières imposées dans un rapport de synthèse du 10 juin 1993, duquel il ressort que, sur la base d' une mission de contrôle effectuée en 1992, la Commission a conclu qu' il y a eu, jusqu' au 16 novembre 1990, s' agissant de la fixation des prix d' achat et de vente, intervention de l' Office central de gestion des produits nationaux (ci-après le "KYDEP") sur le marché des aliments de bétail et que les pertes de ces opérations, augmentées des intérêts imposés par la Banque agricole de Grèce, ont été déclarées auprès de l' État. Lors de la visite de contrôle, il est notamment apparu que le KYDEP a continué à vendre des céréales (maïs, orge) aux producteurs d' aliments de bétail à des prix qui étaient inférieurs aux frais d' achat. Étant donné que les déficits déclarés auprès de l' État à la suite des interventions sur le marché des aliments de bétail étaient largement supérieurs aux montants déclarés auprès du FEOGA au titre des restitutions à l' exportation, la Commission a imposé une correction financière de 866 305 307 DR, soit la totalité des montants déclarés au titre des restitutions à l' exportation des aliments pour bétail pour l' exercice 1990.

5 Le gouvernement hellénique soutient, en premier lieu, que la Commission, pour procéder à l' apurement des comptes, n' est pas en droit de se fonder sur des faits qui, comme en l' espèce, ne seraient parvenus à sa connaissance qu' après la date limite mentionnée à l' article 5, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), cette disposition prévoyant que l' apurement des comptes a lieu avant la fin de l' année qui succède à l' exercice considéré. Or, l' apurement contesté se référant à l' année 1990, et plus particulièrement à la période du 16 octobre 1989 au 15 octobre 1990, la Commission aurait à tort pris en considération des informations obtenues lors de la mission de contrôle en 1992, qui sont donc postérieures au 31 décembre 1991.

6 Selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 27 janvier 1988, Danemark/Commission, 349/85, Rec. p. 169, point 19), tant que les comptes ne sont pas dûment apurés, la Commission est obligée, en vertu de l' article 2 du règlement n 729/70, d' écarter la prise en charge par le FEOGA des restitutions qui n' ont pas été accordées selon les règles communautaires. Cette obligation ne disparaît pas du seul fait que l' apurement des comptes intervient après l' expiration du délai prévu par l' article 5 du même règlement. A défaut de toute sanction attachée à l' inobservation de ce délai, celui-ci ne peut être considéré, compte tenu de la nature d' apurement des comptes dont l' objet essentiel est de s' assurer que les dépenses engagées par les autorités nationales l' ont été selon les règles communautaires, que comme un délai d' ordre, sous réserve de l' atteinte aux intérêts d' un État membre.

7 Il s' ensuit que, en l' espèce, la Commission était en droit de tenir compte des résultats de la mission de contrôle effectuée en 1992. Dans ces conditions, l' argumentation du gouvernement hellénique sur ce point ne saurait être retenue.

8 En deuxième lieu, le gouvernement hellénique fait grief à la Commission d' avoir insuffisamment motivé sa décision de ne pas reconnaître dans son ensemble les dépenses à l' exportation. Il considère ainsi que la Commission aurait dû non seulement démontrer qu' il existait un lien entre la politique du KYDEP et les exportations d' aliments de bétail , mais également quel aurait été, en l' absence d' un tel lien, le niveau des prix des aliments de bétail et celui des dépenses correspondantes.

9 A cet égard, il y a lieu de rappeler d' abord que, selon la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 24 mars 1988, Royaume-Uni/ Commission, 347/85, Rec. p. 1749, point 60), les décisions d' apurement des comptes n' exigent pas une motivation détaillée, dans la mesure où le gouvernement intéressé a été étroitement associé au processus d' élaboration de la décision et connaît donc la raison pour laquelle la Commission estime ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA les montants litigieux.

10 En l' espèce, il est constant que le gouvernement hellénique a été étroitement associé au processus d' élaboration de la décision attaquée et connaissait donc la raison pour laquelle la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA le montant litigieux. En effet, d' une part, les conclusions de la Commission reposent sur des informations obtenues lors de la visite de contrôle effectuée en Grèce du 1er au 4 juin 1992, et, d' autre part, la Commission s' est entretenue de ces constatations avec les autorités helléniques, puisque, ainsi qu' il ressort du rapport de synthèse, celles-ci, ne pouvant pas accepter les corrections proposées, ont demandé une réserve positive, qui a été refusée.

11 Il convient de rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 14), lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu' elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission.

12 En l' espèce, il résulte des constatations contenues dans le rapport de synthèse que les aliments de bétail étaient gérés par le KYDEP dans le cadre de l' exécution d' un monopole étatique et donnant lieu à une couverture totale par le budget de l' État des frais encourus, dont notamment la perte sur vente de ces produits. D' après la Commission, la vente en deçà du prix de revient constitue une aide nationale illégale qui, dans le cas de l' exportation de ces produits, s' ajoute à la restitution communautaire. Or, dans une situation normale, l' impact de ces diminutions du prix de revient des aliments serait tel que, sans aucune aide nationale, ces produits n' auraient pas pu être exportés, en raison de leur prix élevé.

13 Pour étayer ses affirmations, la Commission s' est notamment référée à une lettre du ministère de l' Agriculture hellénique au KYDEP, qui a amené celui-ci à cesser ses interventions sur le marché dès le 16 novembre 1990. Le gouvernement hellénique a produit avant l' audience, à la demande de la Cour, copie de cette lettre. Dans cette lettre confidentielle du 9 novembre 1990, le ministère informait le KYDEP de l' abrogation partielle, par la Banque nationale de Grèce, de deux de ses décisions, celles des 26 juillet et 27 août 1990. Sur demande de la Cour, le gouvernement hellénique a produit, après l' audience, copie de ces documents, dont l' auteur est la Commission des prix et des revenus.

14 En se référant à plusieurs décisions antérieures des années 1983, 1988 et 1990, relatives au même sujet, la décision du 27 août 1990, susmentionnée, spécifie les prix de mise à disposition des céréales fourragères par l' intermédiaire du KYDEP aux éleveurs de Grèce ainsi qu' aux entreprises industrielles et artisanales de fabrication d' aliments composés pour le bétail, dont les produits sont exclusivement destinés à la mise à la consommation interne. En ce qui concerne les aliments de bétail destinés à l' exportation, la décision autorise le KYDEP à mettre des céréales fourragères à la disposition des industries de fabrication d' aliments composés pour le bétail à un prix égal au prix de revient (soit le prix du marché majoré de l' ensemble des frais inhérents à la gestion, au transport, etc.), sans qu' il en résulte de charge, quelle qu' elle soit, pour le Trésor public.

15 Il résulte de ce document que, pendant toute la période litigieuse, le KYDEP intervenait sur le marché national des aliments pour bétail en diminuant artificiellement les prix. Il ne saurait être exclu que cette intervention a eu des incidences sur les exportations d' aliments pour bétail. En effet, comme l' a relevé M. l' avocat général au point 25 de ses conclusions, l' aide accordée aux producteurs d' aliments pour bétail en ce qui concerne leurs ventes sur le marché national a pu leur permettre de poursuivre leurs activités, alors que, en l' absence de cette aide, d' autres producteurs communautaires auraient eu à leur égard un avantage concurrentiel, de sorte que le maintien de leur capacité d' exporter et de bénéficier de restitutions à l' exportation pouvait dépendre de ce soutien sur le marché national.

16 Le lien entre la politique du KYDEP consistant à vendre des céréales en deçà du prix de revient et ses effets sur le régime des restitutions à l' exportation ayant donc été établi, il appartenait au gouvernement hellénique de réfuter la thèse de la Commission selon laquelle les déficits déclarés auprès de l' État à la suite des interventions sur le marché des aliments de bétail étaient largement supérieurs aux montants déclarés auprès du FEOGA au titre des restitutions à l' exportation. Le gouvernement hellénique n' ayant pas rapporté cette preuve, la Commission était en droit de refuser le paiement de la totalité du montant des dépenses déclarées au titre des restitutions à l' exportation des aliments pour bétail.

17 Le gouvernement hellénique affirme, en troisième lieu, que, pendant la période litigieuse, l' État n' avait aucun lien avec le KYDEP. Les liens décrits dans la jurisprudence antérieure de la Cour n' existaient pas pour cette période. Selon lui, le KYDEP contrôlait absolument ses opérations sans aucune participation ou encouragement du gouvernement hellénique et ses déficits n' étaient couverts ni par la République hellénique ni par la Banque agricole de Grèce.

18 Dans ce contexte, le gouvernement hellénique souligne que, par décision du 31 mai 1993, l' Efeteio d' Athènes a placé le KYDEP sous le régime de liquidation spéciale. Si le KYDEP disposait de véritables créances sur l' État, il aurait pu recourir à deux procédures en vue d' échapper à sa dissolution à bref délai, à savoir appeler l' État afin que celui-ci paie ce qu' il lui doit ou introduire un recours en indemnisation à son encontre. Conformément aux dispositions nationales en vigueur, les créances des tiers à l' égard de l' État se prescrivent dans le délai de cinq ans à compter de leur naissance. Partant, pour d' éventuelles créances à l' égard de l' État apparues le 1er janvier 1988, le recours en indemnisation aurait dû être introduit au plus tard en 1992, ce qui n' a pas été le cas. En conséquence, il n' y aurait eu aucun engagement de l' État après la fin de l' année 1987.

19 Ainsi qu' il résulte des points 12 à 16 du présent arrêt, il est d' abord constant que, pendant la période litigieuse, les autorités helléniques ont contrôlé les opérations effectuées par le KYDEP sur le marché national des aliments de bétail et que ces interventions ont eu des répercussions sur le régime des restitutions à l' exportation. Ensuite, si le KYDEP a été mis en liquidation en 1993, à la demande de la Banque agricole de Grèce, ses actifs étant loin d' être suffisants pour couvrir ses pertes, l' effacement de ses dettes envers une banque appartenant à l' État a finalement eu pour conséquence que celui-ci a ainsi couvert les coûts de ses interventions sur le marché.

20 Le moyen visant les dépenses au titre des restitutions à l' exportation des aliments de bétail doit dès lors être rejeté.

Sur les dépenses au titre des aides à la production d' huile d' olive

21 S' agissant du chapitre "Aide à la production d' huile d' olive", le rapport de synthèse note une insuffisance dans le contrôle des dépenses. Un audit entrepris au titre de l' apurement des comptes aurait relevé de graves lacunes dans l' organisation du contrôle de l' aide. En particulier, le rapport constate l' absence du casier oléicole, alors que le règlement (CEE) n 154/75 du Conseil, du 21 janvier 1975, portant établissement d' un casier oléicole dans les États membres producteurs d' huile d' olive (JO L 19, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n 3453/80 du Conseil, du 22 décembre 1980 (JO L 360, p. 15), prévoyait comme date limite à l' achèvement de celui-ci le 31 octobre 1988. Au surplus, il y avait des retards importants dans la constitution des fichiers informatisés, alors que ceux-ci devaient être constitués avant le 31 octobre 1990, [article 11, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) n 3061/84 de la Commission, du 31 octobre 1984, portant modalités d' application du régime d' aide à la production d' huile d' olive (JO L 288, p. 52), dans sa version modifiée par le règlement (CEE) n 98/89 de la Commission, du 17 janvier 1989 (JO L 14, p. 14)]. Lors du contrôle, il est apparu que les données concernant d' importantes régions productrices d' huile d' olive n' avaient toujours pas été enregistrées.

22 Le rapport relève en outre qu' en particulier Didagep, l' organisme payeur, n' utilise pas les informations contenues dans le fichier, en vue de vérifications, avant de payer l' aide. L' agence de contrôle de l' huile d' olive n' aurait réalisé que 499 contrôles sur place pour l' ensemble du territoire hellénique au titre de la campagne 1989/1990, soit un pourcentage totalement insuffisant, alors que la réglementation en vigueur pour cette campagne prévoyait le contrôle de 5 % des demandes d' aide. En conséquence, compte tenu de l' absence de casier oléicole et de fichiers informatisés, la situation existant en République hellénique n' offrirait pas les garanties réclamées par le FEOGA. Une retenue forfaitaire de 10 % du montant de l' aide versée au titre de la campagne 1989/1990 serait donc justifiée au titre de l' apurement.

23 Le gouvernement hellénique soutient, en premier lieu, que la non-reconnaissance d' une quote-part forfaitaire des dépenses constitue une sanction qui n' est pas prévue par la législation communautaire et qui excède les limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

24 La Commission rappelle que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu' elle constate l' absence de mécanismes de contrôle, elle peut refuser le paiement de l' ensemble des subventions. Malgré cela, elle n' aurait pris en compte en l' espèce que 10 % des montants déclarés, appliquant les critères adoptés par le comité interservices, approuvés par la Commission et communiqués à tous les États membres au sein du comité de gestion du FEOGA, où ils ont reçu un accueil favorable. Selon la Commission, ces critères constituent une base d' accord commune en ce sens que, s' il s' avère impossible de déterminer exactement le montant des corrections, il est choisi une voie moyenne en retenant un montant forfaitaire, ce qui permet à la fois le respect du droit communautaire et la bonne gestion des ressources communautaires et de faire droit à la volonté compréhensible des États membres qui souhaitent éviter des corrections démesurées et disproportionnées.

25 Les critères prévoient trois niveaux de réductions forfaitaires des remboursements, à savoir 2 %, 5 % et 10 %, pour tenir compte du degré de risque que présentent, pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle. Une correction au taux forfaitaire de 10 % de la dépense peut être opérée si la carence concerne l' ensemble ou les éléments fondamentaux du système de contrôle ou encore l' exécution de contrôles essentiels destinés à garantir la régularité de la dépense, de sorte que l' on peut raisonnablement conclure qu' il existait un risque élevé de pertes généralisées pour le FEOGA.

26 Il convient de rappeler d' abord que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 13), dans l' hypothèse où il se révélerait impossible d' établir avec certitude la mesure dans laquelle une mesure nationale incompatible avec le droit communautaire a provoqué une augmentation des dépenses figurant sur un poste budgétaire du FEOGA, la Commission n' a d' autre choix que de refuser le financement de la totalité des dépenses en question.

27 Il y a lieu de relever ensuite que, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu' elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 14). Il résulte du point 15 de cet arrêt que ces mêmes considérations sont valables lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l' infraction, s' est efforcée d' établir l' impact financier de l' action illégale au moyen de calculs fondés sur une appréciation de la situation qui se serait produite sur le marché en cause en l' absence d' infraction. Dans un tel cas, la charge de prouver que ces calculs ne sont pas exacts incombe à l' État qui demande l' annulation du refus de financement.

28 Or, si, dans le cadre de sa mission d' apurer les comptes, la Commission s' efforce, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses, d' établir des règles visant à différencier selon le degré de risque que présentent, pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle, l' État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables. Le gouvernement hellénique n' ayant pas apporté une telle preuve, il y a lieu de rejeter son argumentation sur ce point.

29 En deuxième lieu, le gouvernement hellénique exclut pour sa part toute responsabilité dans le retard enregistré dans la constitution tant du casier oléicole que des fichiers informatisés. Le retard enregistré serait plutôt imputable à des raisons objectives.

30 S' agissant du casier oléicole, il relève en particulier que, le 28 décembre 1988, il avait transmis à la Commission un programme d' essais pour l' établissement d' un tel casier. Le 21 juin 1991, la Commission aurait proposé au ministre de l' Agriculture l' exécution de travaux pilotes avant de réaliser l' ouvrage principal. Or, alors que les autorités helléniques avaient d' emblée informé directement la Commission du problème de l' impossibilité objective d' une mise en oeuvre et d' une application rapide du casier oléicole et alors que les organes de la République hellénique avaient étroitement collaboré avec ceux de la Commission pour résoudre, dès l' année 1988, ce problème, la Commission imputerait a posteriori une responsabilité à la République hellénique et refuserait de reconnaître les dépenses encourues pour les aides à la production d' huile d' olive.

31 En ce qui concerne les fichiers informatisés, le gouvernement hellénique observe que le retard dans leur constitution concerne uniquement l' index spécial. Les données relatives à la production des années 1985/1986 à 1988/1989 auraient déjà été informatisées à 89 %. L' informatisation des demandes des producteurs pour la période 1989/1990 serait réalisée à 47 %. Là encore, le retard serait dû à une impossibilité objective.

32 La Commission ne conteste pas qu' un échange de correspondances a eu lieu au cours des années 1991/1992 entre les administrations hellénique et communautaire, concernant les difficultés de constitution du casier oléicole, et qu' elle s' est engagée à appuyer les opérations y afférentes. Elle souligne qu' elle a tenu ses engagements et continuera à les tenir, mais que le résultat n' aurait pas été atteint, ce qui prouverait au moins une négligence de l' administration nationale à introduire un moyen indispensable pour le contrôle efficace du secteur. En fait, il n' y aurait eu, en 1990, aucun plan réaliste d' élaboration d' un casier oléicole.

33 La Commission observe en outre que les fichiers informatisés, soit le moyen traditionnel d' exercice des contrôles dans le domaine de l' huile d' olive, ne sont plus mis à jour depuis de nombreuses années.

34 Selon l' article 14, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 2261/84 du Conseil, du 17 juillet 1984, arrêtant les règles générales relatives à l' octroi de l' aide à la production d' huile d' olive et aux organisations de producteurs (JO L 208, p. 3), "Chaque État membre producteur applique un régime de contrôles garantissant que le produit pour lequel l' aide est octroyée a droit au bénéfice de celle-ci."

35 Aux fins des contrôles et vérifications, l' État membre utilise, notamment, des fichiers permanents informatisés de données oléicoles (article 14, paragraphe 5, du règlement n 2261/84). Ces fichiers doivent contenir tous les éléments appropriés pour faciliter les opérations de contrôle et la recherche rapide des irrégularités (article 16, paragraphe 2, du même règlement).

36 L' article 11, paragraphe 2, première phrase, du règlement n 3061/84, dans sa version modifiée par le règlement n 98/89, prévoit que la mise en oeuvre opérationnelle de l' ensemble des éléments du fichier informatisé doit intervenir avant le 31 octobre 1990. En outre, les États membres utilisent les données pour les contrôles au fur et à mesure de la constitution des fichiers spécifiques (article 11, paragraphe 2, deuxième phrase).

37 De plus, selon l' article 11, paragraphe 1, deuxième phrase, du même règlement, les États membres procèdent à l' insertion dans le fichier des données de base du casier oléicole. Ce casier, dont la fonction est de fournir les données nécessaires sur le potentiel de production et d' améliorer le fonctionnement du régime d' aides, devait être pleinement établi en République hellénique le 31 octobre 1988 (article 1er du règlement n 154/75, tel que modifié par le règlement n 3453/80).

38 Il n' est pas contesté par le gouvernement hellénique que, tant dans l' établissement du casier oléicole que dans l' état d' avancement des travaux de constitution du fichier informatisé, il y avait un retard important.

39 Dans la mesure où le gouvernement hellénique fait valoir une impossibilité objective de se conformer aux délais prescrits, il convient de rappeler que, si la Cour admet qu' un État membre puisse invoquer l' impossibilité absolue d' exécuter correctement une décision communautaire (arrêt du 2 février 1988, Commission/Pays-Bas, 213/85, Rec. p. 281, point 22), cet État membre doit, en tout état de cause, soumettre les problèmes liés à une telle exécution en temps utile à l' appréciation de l' institution compétente. Dans un tel cas, l' institution et l' État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l' article 5 du traité CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité (voir, notamment, arrêt du 4 avril 1995, Commission/Italie, C-348/93, Rec. p. I-673, point 17).

40 S' agissant du casier oléicole, ce n' est que par lettre du 28 décembre 1988, soit après l' expiration du délai figurant au règlement n 3453/80, que le gouvernement hellénique a présenté à la Commission un programme d' essais en vue de l' établissement du casier. Le représentant du gouvernement hellénique a confirmé, lors de l' audience, que les difficultés pour établir ce casier n' ont été notifiées à la Commission qu' après l' expiration du délai prescrit. Or, le fait que la Commission ait assisté, postérieurement à cette date, le gouvernement hellénique dans ses efforts pour se conformer à ses obligations ne saurait, dans ces conditions, prouver une impossibilité absolue de l' établissement du casier à la date requise, le gouvernement hellénique n' ayant invoqué aucun argument se référant à la période antérieure au 31 octobre 1988.

41 En ce qui concerne le fichier informatisé, il ressort du rapport de contrôles effectués entre le 4 et le 8 novembre 1991 auprès de l' agence de contrôle de l' huile d' olive que des données se rapportant à d' importantes régions productrices ne figuraient pas dans ce fichier. Le rapport note qu' aucune justification n' a pu être fournie quant au retard dans la constitution de ce fichier.

42 Dans ces conditions, le gouvernement hellénique n' a pas démontré que le retard dans l' établissement du casier oléicole et dans la constitution du fichier informatisé était dû à une impossibilité absolue.

43 En troisième lieu, le gouvernement hellénique observe que, lorsque des problèmes de collecte des données se sont présentés, il a été procédé à une vérification supplémentaire des données par des directions locales de l' agriculture. En substance, il n' y aurait pas eu de problème d' insuffisance des contrôles pour ceux dont les données n' avaient pas encore été enregistrées.

44 Dans ce contexte, le gouvernement hellénique souligne que le manque enregistré de contrôles sur place effectués par l' agence de contrôle de l' huile d' olive, contrôles qui sont au nombre de 499 pour l' exercice considéré, serait compensé par les 1 534 contrôles effectués par les directions de l' agriculture localement compétentes. Le taux de contrôle s' élevant ainsi à 4,89 % pour l' exercice considéré, le taux de contrôle de 4 % imposé par le règlement n 98/89 serait largement atteint.

45 La Commission relève que, en l' occurrence, le FEOGA fonde la correction du montant de 981 233 150 DR non seulement sur l' absence de casier oléicole, alors que celui-ci constitue l' instrument privilégié du contrôle dans le secteur de l' huile d' olive, mais surtout sur une mise en oeuvre très déficiente des contrôles prévus, notamment au moyen des fichiers informatisés.

46 Elle observe en outre que, selon le rapport de contrôles effectués entre le 4 et le 8 novembre 1991, l' agence de contrôle de l' huile d' olive a procédé en 1990 à environ 500 contrôles, au lieu des 2 000 prévus au minimum au début. Sur le fondement de ce rapport, la Commission estime que le paiement par Didagep, organisme compétent, des subventions, telles que présentées par les producteurs par l' intermédiaire d' Eleourgiki, qui regroupe 76 organisations de producteurs, sans aucune vérification ni autre contrôle des données, semble être une pratique bien établie.

47 Il convient de relever, d' abord, que les contrôles devant être effectués en vertu du règlement n 2261/84 sont fonction de l' éventuelle appartenance du producteur à une organisation ou association de producteurs.

48 En ce qui concerne les producteurs associés, les organisations reconnues déposent les déclarations de culture de leurs membres et effectuent un contrôle sur place de 5 % de ces déclarations (article 6, paragraphe 1, du règlement n 2261/84, lu en combinaison avec l' article 4, paragraphe 2, du règlement n 3061/84). En vertu de l' article 14, paragraphe 2, du règlement n 2261/84, les États membres producteurs contrôlent l' activité de chaque organisation de producteurs et de chaque union, et notamment les opérations de contrôle effectuées par ces organismes.

49 Dans le cas des producteurs indépendants, l' État membre concerné doit effectuer des contrôles par sondage, sur place, afin de vérifier l' exactitude des déclarations de culture et la destination des olives en vue de la production d' huile et, si possible, la transformation effective de ces olives en huile (article 14, paragraphe 4, du règlement n 2261/84). Ces contrôles portent sur 1 % des oléiculteurs dans les zones où les données de base du casier oléicole sont disponibles et sur 4 % des oléiculteurs dans les autres zones (article 10, paragraphe 2, du règlement n 3061/84, dans sa version modifiée par le règlement n 98/89).

50 En ce qui concerne les contrôles auprès des producteurs associés, il résulte d' abord du rapport de la Commission sur sa visite du 4 au 8 novembre 1991 que les organisations des producteurs n' ont effectué qu' un contrôle purement documentaire de 5 % des demandes d' aides sur la base des enregistrements antérieurs au lieu de procéder à un contrôle sur place, comme prévu par l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 2261/84. Le gouvernement hellénique et la Commission s' accordent ensuite sur le fait que l' agence de contrôle de l' huile d' olive, étant responsable du contrôle des organisations de producteurs en vertu de l' article 14, paragraphe 2, du règlement n 2261/84, n' a elle-même réalisé que 499 contrôles au lieu des 2 000 prévus.

51 Le fait que, comme le prétend le gouvernement hellénique, les directions départementales du ministère de l' Agriculture ont procédé aux 1 534 contrôles sur place ne saurait remédier à ces lacunes, les autorités en cause n' étant responsables que du contrôle des producteurs non associés.

52 Le gouvernement hellénique n' a donc pas démontré que les affirmations de la Commission tirées de l' insuffisance des contrôles sont inexactes.

53 Enfin, pour autant que le gouvernement hellénique soutient que l' agence de contrôle de l' huile d' olive est un organisme communautaire plutôt qu' un organisme national et que ses carences éventuelles ne peuvent pas être imputées à la République hellénique, il convient de relever que, selon les constatations du rapport de contrôle, cette agence de contrôle est placée sous l' autorité du ministère de l' Agriculture hellénique et que ses agents sont des fonctionnaires publics. Cet argument du gouvernement hellénique ne saurait donc être retenu.

54 Le moyen visant les dépenses au titre des aides à la production d' huile d' olive doit donc également être rejeté.

55 Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

56 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République hellénique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La République hellénique est condamnée aux dépens.

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