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Document 61994CC0305

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 4 juillet 1996.
Claude Rotsart de Hertaing contre J. Benoidt SA , en liquidation et IGC Housing Service SA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique.
Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements - Transfert au cessionnaire des droits et obligations résultant d'un contrat de travail - Date du transfert.
Affaire C-305/94.

Recueil de jurisprudence 1996 I-05927

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1996:269

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 4 juillet 1996 ( *1 )

A — Introduction

1.

Dans la présente affaire, le tribunal du travail de Bruxelles a saisi la Cour de plusieurs questions d'interprétation de l'article 3 de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements ( 1 ). Ces questions se posent dans un litige opposant une employée (M me Claude Rotsart de Hertaing, demanderesse) à ses anciens employeurs.

2.

La demanderesse était employée depuis le 1er mars 1987 par la SA Housing Service. Selon les indications de la Commission, la SA Housing Service a pris le 19 novembre 1993 le nom de SA J. Benoidt, laquelle se trouve depuis ce jour en liquidation. Les activités de la SA J. Benoidt en liquidation sont poursuivies par une société nouvellement constituée, la SA IGC Housing Service, dans les locaux mêmes de la société SA J. Benoidt. Un contrat a été conclu en ce sens avec effet au 1er décembre 1993.

3.

Dès le 23 novembre 1993, la demanderesse a été licenciée avec un préavis de six mois, qui devait débuter le 1er décembre 1993. Selon les indications de la Commission et de la juridiction de renvoi, ce licenciement a été prononcé par la société IGC Housing Service.

4.

Le 22 décembre 1993, la demanderesse a été licenciée sans préavis par le liquidateur de la SA J. Benoidt en liquidation, pour fautes graves. La demanderesse a contesté ce licenciement, tant dans sa forme que sur le fond, par lettre du 8 janvier 1994. La demanderesse a finalement introduit un recours contre:

1)

la SA J. Benoidt en liquidation et

2)

la SA IGC Housing Service,

concluant à la condamnation des défenderesses au paiement, notamment, d'une indemnité compensatoire de préavis, d'une indemnité pour licenciement abusif, du treizième mois dû pour l'année 1993 et du solde des indemnités de congés payés.

5.

La demanderesse fait valoir que la SA J. Benoidt en liquidation et la société IGC Housing Service ne constituent qu'une seule et même entreprise. Mais, en tout état de cause, elle estime avoir été transférée d'une entreprise à l'autre dans les conditions visées par la convention collective n° 32 bis. En vertu de cette convention collective, le cédant et le cessionnaire répondent solidairement des sommes dues aux ouvriers. Du fait du transfert conventionnel de l'entreprise, la société Housing Service ( 2 ) serait devenue son employeur avec la SA J. Benoidt en liquidation.

6.

La société IGC Housing Service a fait valoir qu'elle n'a jamais été l'employeur de la demanderesse et qu'elle n'avait du reste pas non plus l'obligation de l'être; par ailleurs, ce n'est pas elle qui a licencié la demanderesse.

7.

Selon la juridiction de renvoi, il n'est pas contesté qu'il s'agit là d'un transfert conventionnel d'entreprise au sens de la directive 77/187 et de la convention collective n° 32 bis. Selon elle, il n'est également pas contestable que le contrat de travail de la demanderesse n'a pas été transféré au cessionnaire, puisque le contrat de cession ne prévoyait pas ce transfert.

8.

La question se pose donc, pour la juridiction de renvoi, de savoir si le cessionnaire, la société IGC Housing Service, avait l'obligation de reprendre la demanderesse à son service et, dans l'affirmative, quelles sanctions doivent être infligées en cas de non-respect de cette obligation. La juridiction de renvoi estime que la réponse à ces questions dépend de l'interprétation de l'article 3 de la directive 77/187. Celui-ci dispose:

«1.   Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

Les États membres peuvent prévoir que le cédant est, également après la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, et à-côté du cessionnaire, responsable des obligations résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail.

2.   Après le transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective.

... »

9.

L'article 1er, paragraphe 1, de la directive, qui est mentionné ci-dessus, dispose:

« La présente directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion. »

10.

L'article 3 de la directive 77/187 a été transposé en droit belge par l'article 7 de la convention collective n° 32 bis. Celui-ci dispose:

« Les droits et obligations qui résultent pour le cédant de contrats de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er, 1o, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

11.

La juridiction de renvoi estime que le recours dirigé contre la SA J. Benoidt en liquidation est recevable et fondé, tout au moins en partie.

12.

En ce qui concerne le recours dirigé contre la société IGC Housing Service, la juridiction de renvoi estime nécessaire, en raison de l'arrêt de la Cour du 10 février 1988, aux termes duquel la protection assurée par la directive 77/187 est d'ordre public et est donc soustraite à la disposition des parties au contrat de travail ( 3 ), de soumettre à la Cour, en vue d'une décision préjudicielle, les questions suivantes:

«1)

L'article 3 de la directive 77/187 doit-il être compris en ce sens que tous les contrats de travail existant à la date du transfert et concernant le personnel travaillant au sein de l'entreprise cédée sont, du fait du transfert, et sans possibilité de choix pour le cédant ou le cessionnaire, transférés du cédant au cessio nnaire?

2)

Dans l'affirmative,

le transfert du personnel s'opère-t-il de plein droit nonobstant le refus par le cessionnaire d'exécuter son obligation?

le transfert du personnel a-t-il lieu à la date du transfert ou peut-il, au choix du cédant ou du cessionnaire, être fixé à une date postérieure? »

B — Analyse

Sur L première question préjudicielle

13.

Selon la juridiction de renvoi, on est incontestablement en présence d'un cas de transfert conventionnel d'entreprise au sens de la directive 77/187 et de la convention collective n° 32 bis. Selon la jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la juridiction nationale d'établir, sur la base des critères indiqués par la Cour, si l'on est en présence, dans un cas d'espèce, d'un transfert conventionnel d'entreprise au sens de la directive ( 4 ). Dans l'ordonnance de renvoi, la juridiction nationale énumère les motifs qui l'ont amenée à conclure qu'il s'agit d'un transfert d'entreprise au sens de la directive: l'entité économique existante a été transférée avec effet immédiat au cessionnaire, qui poursuit les mêmes activités que le cédant. Le fond de commerce constitué par l'agence immobilière a en effet été cédé, c'est-à-dire notamment le nom, la marque, la clientèle, le matériel, le droit au bail, tous les contrats d'agent immobilier, ainsi que les contrats de travail de trois employés, qui ont été transférés à dater du 1er janvier 1994.

14.

Selon la juridiction de renvoi, il est incontestable que le contrat de travail de la demanderesse n'a pas été transféré, puisque le contrat de cession ne prévoit pas un tel transfert. En outre, le cessionnaire soutient qu'il n'a jamais été l'employeur de la demanderesse, tandis que le cédant revendique la qualité d'employeur unique de la demanderesse jusqu'à la date de la dénonciation du contrat.

15.

La première question préjudicielle vise donc à savoir si le cédant et le cessionnaire ont cette possibilité de choix ou si, du fait du transfert, tous les contrats de travail existant à cette date sont cédés.

16.

La Commission parvient à la conclusion que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, tous les contrats de travail ou relations de travail existant entre le cédant et les travailleurs à la date du transfert de l'entreprise sont cédés de plein droit au cessionnaire, du seul fait du transfert, le cessionnaire étant subrogé au cédant en ce qui concerne les droits et obligations découlant de ces relations de travail. La Commission s'appuie à cet égard sur la jurisprudence développée jusqu'à présent par la Cour, en particulier sur les arrêts Wendelboe e. a. ( 5 ), Berg et Busschers ( 6 ), Daddy's Dance Hall ( 7 ) et d'Urso e. a. ( 8 ).

17.

Il convient d'approuver la position de la Commission. On retiendra en premier lieu à cet égard l'arrêt d'Urso e. a. Cette affaire portait sur un transfert d'entreprise à l'occasion duquel, en exécution du contrat de cession et conformément à des accords conclus avec les syndicats, auxquels le contrat se référait, le cessionnaire avait repris seulement 940 des 1458 employés. La Cour a alors dû examiner la question de savoir si l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que toutes les relations de travail existant, à la date de la cession d'une entreprise, entre le cédant et les travailleurs affectés à l'entreprise transférée sont transmises de plein droit au cessionnaire, du seul fait du transfert. La Cour a répondu à cette question par l'affirmative, en se référant à sa propre jurisprudence. Elle a ainsi constaté une nouvelle fois — comme elle l'avait déjà fait dans l'arrêt Berg et Busschers ( 9 ) — que la directive tend à assurer le maintien des droits des travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise, en leur permettant de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant. « Les règles applicables en cas de transfert d'une entreprise ou d'un établissement à un autre chef d'entreprise ont ainsi pour objet de sauvegarder, dans l'intérêt des employés, les relations de travail existantes qui font partie de l'ensemble économique transféré » ( 10 ).

18.

La Cour renvoie ensuite à son arrêt Daddy's Dance Hall ( 11 ), dans lequel elle avait jugé que la protection assurée par la directive 77/187 est d'ordre public et, partant, soustraite à la disposition des parties au contrat de travail. Les règles de la directive, notamment celles relatives à la protection des travailleurs contre le licenciement en raison du transfert, doivent être considérées comme imperatives en ce sens qu'il n'est pas permis d'y déroger dans un sens défavorable aux travailleurs.

19.

La Cour en déduit, dans l'arrêt d'Urso e. a. ( 12 ), que la mise en œuvre des droits conférés aux travailleurs par la directive 77/187 ne saurait être subordonnée au consentement ni du cédant ou du cessionnaire, ni des représentants des travailleurs, ni des travailleurs eux-mêmes. Le contrat de travail ne saurait donc être maintenu avec le cédant, il se poursuit de plein droit avec le cessionnaire. Le travailleur a cependant le droit, ainsi qu'il en a déjà été jugé dans l'arrêt Danmols Inventar ( 13 ), de décider de son propre chef de ne pas poursuivre, après le transfert, la relation de travail avec le nouveau chef d'entreprise.

20.

C'est la législation nationale qui indique quelles sont les relations de travail qui existent encore à la date du transfert, et qui sont donc transférées au cessionnaire. Elle doit toutefois s'appliquer sous réserve du respect des règles impératives de la directive relatives à la protection des travailleurs contre le licenciement du fait du transfert. Par conséquent, les travailleurs employés dans l'entreprise dont il a été mis fin au contrat ou à la relation de travail avec effet à une date antérieure à celle du transfert, en violation de l'article 4, paragraphe 1, de la directive, doivent être considérés comme étant toujours employés de l'entreprise à la date du transfert ( 14 ).

21.

Pour cette raison, il convient de répondre à la première question préjudicielle que l'article 3 de la directive 77/187 doit être entendu en ce sens que tous les contrats de travail existant à la date du transfert, qui concernent le personnel travaillant dans l'entreprise cédée, sont, du fait de ce transfert, transférés du cédant au cessionnaire, sans aucune possibilité de choix pour le cédant ou pour le cessionnaire.

Sur La deuxième question préjudicielle

22.

La première partie de cette question porte sur la possibilité pour le cesssionnaire d'empêcher, par son refus, le transfert automatique de tous les contrats de travail.

23.

Comme on l'a déjà mentionné dans la réponse à la première question préjudicielle, la Cour a jugé, dans l'arrêt d'Urso e. a., que la mise en œuvre des droits conférés par la directive 77/187 ne saurait être subordonnée au consentement ni du cédant ni du cessionnaire ( 15 ). Cela signifie que le refus du cessionnaire n'empêche pas le transfert des contrats de travail.

24.

Si l'on considère l'objectif assigné à la directive, à savoir la protection des travailleurs en cas de transfert d'établissement, il devient évident que le transfert des contrats de travail doit se produire, indépendamment du refus du cessionnaire. Si ce dernier pouvait, par son refus, empêcher le transfert des contrats de travail, la protection assurée par la directive serait vaine.

25.

Le cessionnaire n'est pas pour autant privé de toute possibilité de mettre fin aux contrats de travail repris du fait du transfert de l'entreprise. La Cour indiquait déjà dans l'arrêt d'Urso e. a. que si, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive, un licenciement ne peut pas être fondé sur le transfert de l'entreprise en lui-même, des licenciements peuvent toujours intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi ( 16 ).

26.

Il résulte donc de ce qui précède que le cessionnaire ne peut pas refuser de reprendre le contrat de travail de la demanderesse.

27.

Cette conclusion est également compatible avec la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le travailleur ne peut pas être contraint de travailler pour le nouvel employeur ( 17 ). Le travailleur se trouve, en cas de transfert de l'entreprise, dans une situation différente de celle du nouvel employeur. Il n'a pas participé à la conclusion du contrat de transfert de l'entreprise. Il ne peut donc, selon la Cour, être contraint de travailler contre sa volonté pour le nouvel employeur. « Une telle obligation mettrait en cause les droits fondamentaux du travailleur, qui doit être libre de choisir son employeur et ne peut pas être obligé de travailler pour un employeur qu'il n'a pas librement choisi » ( 18 ).

28.

En outre, la directive 77/187 vise à protéger les travailleurs, et non les employeurs. Si un employé refuse de continuer à travailler pour le cessionnaire de l'entreprise, il renonce simplement à la protection que lui assure la directive. Mais, s'il consent au transfert du contrat de travail, il ne peut pas, lui non plus, s'écarter des règles impératives de la directive. C'est-à-dire que, même s'il y consent, il ne peut pas continuer à être employé sous d'autres conditions qu'il l'était par le cédant de l'entreprise ( 19 ).

29.

Pour ce motif, il convient de répondre à la première partie de la deuxième question que le transfert du personnel se produit de plein droit, en dépit du refus du cessionnaire de se conformer à ses obligations. Tel est également, du reste, l'avis de la Commission.

30.

La deuxième partie de la deuxième question préjudicielle porte sur la date du transfert du personnel, plus exactement sur la question de savoir si cette date peut être reportée, au gré du cédant ou du cessionnaire, à une date postérieure à celle du transfert de l'entreprise.

31.

La Commission estime qu'il résulte implicitement du libellé même de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, que ce report de date n'est pas possible. Puisque les droits et obligations résultant de la relation de travail sont transférés au cessionnaire du fait du transfert de l'entreprise, la Commission estime que le cessionnaire est subrogé dès cette date au cédant.

32.

Sur cette question aussi, la Cour a déjà statué. Elle a ainsi jugé, dans son arrêt Berg et Busschers, « que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, du 14 février 1977, doit être interprété en ce sens qu'après la date du transfert le cédant est libéré de ses obligations résultant du contrat ou de la relation de travail en raison du seul fait du transfert... » ( 20 ).

33.

A nos yeux, cela ressort également de la formulation de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa. Puisqu'il y est prévu que les États membres peuvent adopter des dispositions aux termes desquelles le cédant est, également après la date du transfert, et à côté du cessionnaire, responsable des obligations résultant du contrat de travail, cela signifie que les obligations du cédant cessent, normalement, à la date du transfert et que, à partir de ce moment, c'est le cessionnaire qui assume ces obligations. Puisque, comme on l'a déjà exposé dans la première partie de ces conclusions, l'arrêt Daddy's Dance Hall a établi que les dispositions de la directive sont d'ordre public ( 21 ), cette disposition ne peut pas être écartée au détriment des travailleurs.

34.

L'arrêt Ny Mølle Kro pourrait également — comme l'avance la Commission — fournir une indication sur la date du transfert des contrats de travail. La Cour a jugé dans cet arrêt qu'un transfert d'établissement est effectué lorsque la personne qui assume les obligations d'employeur à l'égard des travailleurs change ( 22 ). Il est bien difficile de définir un transfert d'entreprise en se fondant sur le transfert des relations de travail si les deux dates ne coïncident pas.

35.

La référence faite par la Commission à l'arrêt Abels nous semble en revanche moins convaincante. Selon cet arrêt, le cessionnaire assume les obligations existant à la date du transfert ( 23 ). Cela n'exclut pas que les contrats de travail soient transférés à une date ultérieure, sous la forme toutefois qu'ils revêtaient à la date du transfert.

36.

Mais il résulte en tout état de cause de l'arrêt Berg et Busschers qu'il convient de répondre à la deuxième partie de la deuxième question en ce sens que le transfert du personnel se produit à la date du transfert de l'entreprise et qu'il ne peut pas être reporté à une date postérieure.

37.

Nous souhaiterions encore, pour terminer, livrer quelques remarques sur l'applicabilité de la directive 77/187 au cas d'espèce. Il ressort tant de la question préjudicielle que des observations de la Commission que l'entreprise se trouvait effectivement en liquidation au moment du transfert. La question préjudicielle n'indique pas clairement à quelle date l'entreprise a été mise en liquidation. Jusqu'au 29 novembre 1993, c'est la société Housing Service qui est mentionnée comme étant celle qui opère. Selon les indications de la juridiction de renvoi, ce n'est qu'à partir du 13 décembre 1993 que le liquidateur de la SA J. Benoidt en liquidation (anciennement Housing Service) a opéré. Cela signifie que, à cette date, la société avait déjà été mise en liquidation. Il ressort des conclusions de la demanderesse, citées par la juridiction de renvoi, que le transfert de l'entreprise a eu lieu dès le 1er décembre 1993. Il n'en ressortirait pas clairement si l'entreprise se trouvait ou non en liquidation à la date du transfert.

38.

Selon les indications de la Commission, le changement de nom de la société Housing Service en SA J. Benoidt et la liquidation datent du 19 novembre 1993. Mais, selon les indications de la juridiction de renvoi, la société Housing Service opérait encore à cette date.

39.

Il ne ressort donc pas clairement des pièces produites si l'entreprise se trouvait en liquidation à la date du transfert. Il appartient à la juridiction nationale d'établir ce point.

40.

Mais si, comme certains éléments l'indiquent, l'entreprise se trouvait effectivement en liquidation à la date du transfert, on peut se demander si la directive s'applique au cas d'espèce.

41.

Comme la Cour l'a jugé dans son arrêt Abels ( 24 ), la directive 77/187 n'est pas applicable à la procédure de faillite. La Cour devra juger, dans l'affaire Dethier Equipement (C-319/94), actuellement pendante, ce qu'il en est en cas de liquidation. Si la Cour devait parvenir à la conclusion que la directive n'est pas applicable en cas de liquidation, elle ne pourrait pas non plus l'être dans le présent cas d'espèce, de sorte que les questions précédemment traitées seraient sans objet. Mais c'est à la juridiction de renvoi qu'il appartient d'en juger.

42.

Les États membres ont en outre la faculté, en vertu de l'article 7 de la directive 77/187, d'adopter des dispositions nationales plus favorables de sorte que, par ce moyen, la directive pourrait également s'appliquer en cas de liquidation. Là encore, c'est à la juridiction nationale qu'il appartiendra d'examiner si tel est le cas en l'espèce.

C — Conclusions

43.

Sur la base des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles comme suit:

1)

L'article 3 de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, doit être entendu en ce sens que tous les contrats de travail existant à la date du transfert, qui concernent le personnel travaillant dans l'entreprise cédée, sont, du fait de ce transfert, transférés du cédant au cessionnaire, sans aucune possibilité de choix pour le cédant ou pour le cessionnaire

2)

Le transfert du personnel se produit de plein droit, en dépit du refus du cessionnaire de s'acquitter de son obligation. Il a lieu à la date du transfert de l'entreprise, et ne peut pas être reporté à une date postérieure au gré du cédant ou du cessionnaire.


( *1 ) Langue originale: l'allemand.

( 1 ) JO L 61, p. 26.

( 2 ) L'exposé de la demanderesse indique qu'elle entend par là, selon toute probabilité, la société IGC Housing Service nouvellement constituée.

( 3 ) 11 s'agit de l'arrêt Daddy's Dance Hall (324/86, Rec. p. 739).

( 4 ) Arrêts du 18 mars 1986, Spijkers (24/85, Rec. p. 1119, point 14), et du 19 mai 1992, Redmond Stichting (C-29/91, Rec. p. I-3189, points 23, 24 et 25).

( 5 ) Arrêt du 7 février 1985 (19/83, Rec. p. 457).

( 6 ) Arrêt du 5 mai 1988 (144/87 et 145/87, Rec. p. 2559).

( 7 ) Arrêt précité (note 3).

( 8 ) Arrêt du 25 juillet 1991 (C-362/89, Ree. p. I-4105).

( 9 ) Arrêt précité (note 6), points 12 et 13.

( 10 ) Arrêt d'Urso c. a., précité (note 8), point 9.

( 11 ) Arrêt précité (note 3), points 14 et suiv.

( 12 ) Arrêt précité (note 8), point 11.

( 13 ) Arrêt du 11 juillet 1985 (105/84, Rec. p. 2639, point 16).

( 14 ) Arrêt du 15 juin 1988, Bork c. a. (101/87, Rec. p. 3057, points 17 et 18).

( 15 ) Arrêt précité (note 8), point 11.

( 16 ) Arrêt précité (note 8), point 19.

( 17 ) Arrêt du 16 décembre 1992, Katsikas c. a. (C-132/91, C-138/91 et C-139/91, Rec. p. I-6577).

( 18 ) Arrêt précité (note 17), point 32.

( 19 ) Arrêt Daddy's Dance Hall, précité (note 3), points 14 et 15.

( 20 ) Arrêt précité (note 6), point 14; c'est nous qui soulignons.

( 21 ) Arrêt précité (note 3), point 14.

( 22 ) Arrêt du 17 décembre 1987 (287/86, Rec. p. 5465, point 12).

( 23 ) Arrêt du 7 février 1985 (135/83, Ree. p. 469, point 36).

( 24 ) Arrêt précité (note 23), point 17.

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