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Document 61994CC0001

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 1 juin 1995.
Cavarzere Produzioni Industriali SpA et autres contre Ministero dell'agricoltura e delle Foreste et autres.
Demande de décision préjudicielle: Consiglio di Stato - Italie.
Organisation commune des marchés - Quotas de sucre - Transferts entre entreprises.
Affaire C-1/94.

Recueil de jurisprudence 1995 I-02363

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1995:162

61994C0001

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 1er juin 1995. - Cavarzere Produzioni Industriali SpA et autres contre Ministero dell'agricoltura e delle Foreste et autres. - Demande de décision préjudicielle: Consiglio di Stato - Italie. - Organisation commune des marchés - Quotas de sucre - Transferts entre entreprises. - Affaire C-1/94.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-02363


Conclusions de l'avocat général


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1 Par le présent renvoi préjudiciel, le Consiglio di Stato vous demande d'interpréter certains articles du règlement (CEE) n_ 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (1), et du règlement (CEE) n_ 193/82 du Conseil, du 26 janvier 1982, arrêtant les règles générales relatives aux transferts de quotas dans le secteur du sucre (2).

2 Fondée sur l'article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous c), du traité CEE, l'organisation commune du marché du sucre a été instituée le 1er juillet 1968 (3). Régie actuellement par le règlement n_ 1785/81, elle vise à «... assurer aux producteurs de betteraves des garanties de prix et d'écoulement limitées à des quantités qui sont en liaison avec les besoins de la consommation de sucre et avec les possibilités d'exportation de ce produit par la Communauté» (4).

3 Cette organisation commune de marché est basée sur un régime de quotas qui «... tend, en présence d'une situation excédentaire à la fois sur le marché communautaire et sur le marché mondial, à contenir la production en la rapprochant le plus possible de la consommation intérieure, tout en promouvant la spécialisation régionale» (5). Des quantités de sucre à produire sont d'abord attribuées aux États membres qui doivent ensuite les répartir entre les différents producteurs.

4 L'article 24 du règlement n_ 1785/81 distingue entre trois types de quotas qui présentent les caractéristiques suivantes: «Le quota A, qui représente la consommation dans la Communauté, peut être librement commercialisé dans le marché commun et son écoulement est garanti par le prix d'intervention. Le quota B est la quantité de la production de sucre dépassant le quota de base (`quota A') sans dépasser le `quota maximal' égal au quota A affecté d'un coefficient. Elle peut également être commercialisée librement dans le marché commun, mais sans garantie par le prix d'intervention, ou peut être exportée dans des pays tiers avec une aide à l'exportation... Enfin, le quota C, c'est-à-dire la production dépassant le `quota maximal' (quotas A et B), ne peut être commercialisé que dans des pays tiers sans qu'aucune aide à l'exportation puisse être accordée» (6).

5 Un quota A et un quota B sont attribués par les États membres à chaque producteur de sucre situé sur son territoire pour chaque campagne de commercialisation (qui va du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante).

6 L'article 25 du règlement n_ 1785/81 permet aux États membres de transférer les quotas A et les quotas B entre entreprises «... en prenant en considération l'intérêt de chacune des parties concernées et notamment celui des producteurs de betteraves ou de cannes à sucre» (7).

7 Cette «marge de manoeuvre» (8) reconnue aux États membres doit permettre de «... répondre, le cas échéant, aux besoins de restructuration des secteurs de la culture de la betterave et de la canne, de la production du sucre et de la production d'isoglucose tant en ce qui concerne leurs unités de production existantes que celles susceptibles de se créer» (9).

8 Aux termes de l'article 25, paragraphe 2:

«Les États membres peuvent diminuer le quota A et le quota B de chaque entreprise productrice de sucre ou de chaque entreprise productrice d'isoglucose établies sur leur territoire d'une quantité totale n'excédant pas, pour la période visée à l'article 23, paragraphe 1, (les campagnes de commercialisation 1981/1982 à 1985/1986) 10 %, selon le cas, du quota A ou du quota B déterminé pour chacune d'elles conformément à l'article 24.

La limite de 10 % visée au premier alinéa ne s'applique pas, en Italie et dans les départements français d'outre-mer, lorsque les transferts de quotas sont effectués sur la base de plans de restructuration du secteur de la betterave ou de la canne et du secteur sucrier de la région en cause, dans la mesure nécessaire pour permettre la réalisation de ces plans.

...» (10).

9 L'article 25, paragraphe 3, prévoit enfin que ces transferts de quotas ne peuvent bénéficier qu'«... à une ou plusieurs autres entreprises pourvues ou non d'un quota et qui sont établies dans la même région ... que les entreprises auxquelles ces quantités ont été retranchées».

10 Pour le transfert des quotas en Italie dans le cadre des plans de restructuration de l'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 1785/81, «... peut être considéré comme entreprise productrice de sucre un groupe d'entreprises productrices de sucre liées entre elles sur le plan technique, économique et structurel et responsables solidairement des obligations, notamment à l'égard des producteurs de betteraves ou des producteurs de cannes, découlant pour elles de la réglementation communautaire» (11).

11 Aux termes de l'article 25, paragraphe 4, du même règlement, ces dispositions relatives aux transferts de quotas devaient être complétées par un texte du Conseil fixant les conditions de modification des quotas A et B en cas de fusion ou d'aliénation d'entreprises productrices de sucre et en cas d'aliénation d'usines productrices de sucre. Tel est précisément l'objet du règlement n_ 193/82.

12 Il est prévu à l'article 2, paragraphe 1, sous b) et c), de ce texte que:

«...

b) en cas d'aliénation d'une entreprise productrice de sucre, l'État membre attribue, pour la production de sucre, à l'entreprise aliénataire le quota A et le quota B de l'entreprise aliénée ou, s'il y a plusieurs entreprises aliénataires, l'attribution est faite au prorata des quantités de production de sucre absorbées par chacune d'elles;

c) en cas d'aliénation d'une usine productrice de sucre, l'État membre diminue le quota A et le quota B de l'entreprise qui transfère la propriété de l'usine et augmente le quota A et le quota B de l'entreprise ou des entreprises productrices de sucre qui acquièrent l'usine en cause de la quantité retranchée, au prorata des quantités de production absorbées.»

13 Ainsi la marge de manoeuvre reconnue aux États membres dans le cadre de l'article 25 du règlement n_ 1785/81 peut, dans certains cas - dans le cadre de plans de restructuration - être illimitée tandis que la modification des quotas en cas de fusion ou de vente prévue par le règlement n_ 193/82 n'est pas laissée à l'appréciation des États membres qui appliquent un strict prorata.

14 L'articulation entre ces deux causes de modification a été source de difficultés dans le cadre d'importantes opérations de restructuration dans le secteur de la production de sucre en Italie.

15 Les sociétés Cavarzere Produzioni Industriali SpA (ci-après «Cavarzere»), Saccarifera del Rendina SpA (ci-après «Saccarifera») et Italiana per la Industria degli Zuccheri (ci-après «SIZ») composent le groupe Gruppo Saccarifero Veneto (ci-après «GSV»).

16 Les sociétés Cavarzere et SIZ vendent tout ou partie de leurs usines à la société Industria Saccarifera Italiana Agro-Industriale SpA (ci-après «ISI»).

17 Par décret ministériel du 11 août 1986 (12), pris en application de l'article 25 du règlement n_ 1785/81, les quotas du groupe GSV pour la campagne de production de sucre 1986/1987 sont révisés pour tenir compte de la réduction de ses capacités de production. Sur le total de 3 225 500 quintaux attribués au titre du quota A à GSV par décret ministériel du 22 avril 1986 (13), 2 573 300 quintaux sont transférés à ISI. Au titre du quota B, 508 900 quintaux sont transférés à cette société sur un total de 600 700 quintaux.

18 Le décret ministériel du 11 août 1986 est attaqué devant la juridiction administrative par Cavarzere et Saccarifera. Celles-ci font notamment valoir qu'il a été adopté après la date limite prévue par la réglementation communautaire pour transférer les quotas.

19 Cavarzere et Saccarifera contestent également le décret ministériel du 27 février 1987 (publié le 16 mars) (14) qui fixait les quotas pour la campagne de commercialisation 1987/1988. Ce décret n'a pas modifié les quotas attribués au groupe GSV pour la campagne précédente par le décret du 11 août 1986 et a augmenté les quotas d'entreprises concurrentes. Cavarzere et Saccarifera font valoir que les délais n'ont pas été respectés et que les limites quantitatives imposées par les dispositions communautaires pour faire usage du «pouvoir de manoeuvre» dans l'attribution des quotas ont été dépassées.

20 Les recours dirigés contre les décrets ministériels des 11 août 1986 et 27 février 1987 sont rejetés par le Tribunale Amministrativo Regionale del Lazio (15).

21 Par ailleurs, fondé sur le règlement (CEE) n_ 1107/88 du Conseil, du 25 avril 1988, modifiant le règlement n_ 1785/81 (16), un décret ministériel du 30 juin 1988 (17), faisant application du «pouvoir de manoeuvre» reconnu aux États, attribue les quotas de production de sucre pour la campagne 1988/1989 et diminue les quotas de production revenant aux sociétés Cavarzere et Saccarifera. Celles-ci obtiennent, par jugement n_ 1245/91 du Tribunale Amministrativo Regionale, son annulation au motif que le délai pour exercer le «pouvoir de manoeuvre» en matière de quotas au sens de l'article 25, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81 était expiré à la date du décret.

22 Les trois décisions précitées du Tribunale Amministrativo Regionale ont toutes fait l'objet d'un recours devant le Consiglio di Stato statuant au contentieux qui vous pose six questions préjudicielles. Examinons-les tour à tour.

Sur la première question: le délai fixé par l'article 7 du règlement n_ 193/82 pour permettre à un État membre d'exercer son «pouvoir de manoeuvre» prévu par l'article 25, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81 est-il péremptoire?

23 La marge de manoeuvre dont disposent les États membres en vertu de l'article 25 du règlement n_ 1785/81 a été confirmée par l'article 1er, paragraphe 4, du règlement n_ 934/86 (18) qui n'a que légèrement modifié l'article 25, paragraphe 2, précité. Le règlement n_ 1107/88 n'a ni modifié ni abrogé l'article 25 qui continuait donc à s'appliquer (19). Il en résulte que les États membres pouvaient utiliser la marge de manoeuvre pendant les campagnes 1986/1987, 1987/1988 et 1988/1989 sur lesquelles porte le litige pendant devant le juge national.

24 La date limite pour exercer ce pouvoir a été fixée au 1er mars par l'article 7 du règlement n_ 193/82 qui pose une règle générale sans se référer à une campagne de commercialisation ou à une année précises. Dérogeant à cette règle, l'article 1er du règlement (CEE) n_ 1662/86 de la Commission, du 29 mai 1986 (20), a reporté cette échéance au 1er juillet 1986 pour la seule campagne de commercialisation 1986/1987.

25 Les décrets ministériels contestés devant le juge a quo sont tous postérieurs à l'échéance prévue par la réglementation communautaire. Le décret ministériel du 11 août 1986 aurait dû être publié avant le 1er juillet 1986, celui du 27 février 1987, publié le 16 mars 1987, aurait dû l'être avant le 1er mars 1987 et celui du 30 juin 1988, publié le 10 août 1988, aurait dû l'être avant le 1er mars 1988.

26 C'est dans ces conditions que vous êtes interrogés sur le caractère péremptoire ou «impératif» de l'échéance du 1er mars (ou du 1er juillet pour l'année 1986).

27 Disons-le tout de suite, nous pensons que ces échéances s'imposent aux États membres qui n'ont pas le pouvoir de les modifier unilatéralement.

28 Il est certain que les retards dans l'adoption de la réglementation communautaire ont été source de difficultés pour les États membres et les opérateurs.

29 Prenons l'exemple de la campagne 1988/1989: le règlement n_ 1107/88 n'exclut pas l'application de l'article 25 du règlement n_ 1785/81, article qu'il n'a pas abrogé (21). Le nouvel article 23, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81, tel que modifié par l'article 1er, paragraphe 5, du règlement n_ 1107/88, dispose que:

«Pour les campagnes de commercialisation 1988/1989, 1989/1990 et 1990/1991 et sans préjudice de l'article 24, paragraphe 1 bis, et de l'article 25, les quotas A et B des entreprises productrices de sucre et des entreprises productrices d'isoglucose sont ceux qui ont été valables pendant la campagne de commercialisation 1987/1988» (22).

30 Il s'ensuit qu'un pouvoir de manoeuvre a été reconnu aux États membres pour la campagne de commercialisation 1988/1989, sans que, pour autant, l'échéance du 1er mars, impossible à respecter par les États membres, ait été modifiée.

31 En même temps, le règlement n_ 1107/88 n'est applicable, aux termes de son article 2, paragraphe 2, qu'à compter du 1er juillet 1988.

32 Il en résulte une contradiction entre ce dernier article - qui rend impossible l'exercice par les États membres de leur pouvoir de manoeuvre pour la campagne de commercialisation 1988/1989 - et l'article 23, paragraphe 2, premier alinéa nouveau, du règlement n_ 1785/81 qui n'exclut pas l'application de l'article 25 pour cette même campagne.

33 Il est clair néanmoins que l'échéance du 1er mars fixée par l'article 7 du règlement n_ 193/82 n'a pu être modifiée que par un texte communautaire pour les trois raisons suivantes: en premier lieu, seule la Communauté avait compétence pour modifier cette date. En second lieu, la ratio legis de cette réglementation imposait la fixation d'une échéance suffisamment éloignée du début de la campagne. Enfin, le principe de sécurité juridique implique que les opérateurs puissent se fier à la date du 1er mars fixée par le législateur communautaire. Reprenons ces trois points.

34 En premier lieu, adoptée par le Conseil, cette date ne pouvait être modifiée que par lui ou par la Commission agissant sur délégation du Conseil. Vous avez considéré dans l'arrêt du 16 janvier 1979, Nykoebing (23), que:

«... l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre s'étendant ... aux relations entre les fabricants de sucre et les producteurs de betteraves, il s'ensuit que cette matière, pour autant qu'elle concerne spécifiquement la production du sucre, relève exclusivement du domaine communautaire, de sorte que les États membres ne sauraient plus y intervenir unilatéralement.»

35 L'autorisation donnée à un État membre de modifier unilatéralement - et de manière rétroactive - l'échéance fixée par le Conseil reviendrait à rompre l'uniformité d'application de l'organisation commune des marchés dans la Communauté et surtout à violer les règles de répartition des compétences entre les États membres et la Communauté.

36 Cela est si vrai que, lorsque, en 1986, le règlement attribuant les quotas a été adopté tardivement après le 1er mars, les États membres ont été autorisés, par dérogation à l'article 7 du règlement n_ 193/82, à exercer leur pouvoir de manoeuvre avant la date du 1er juillet 1986 par un règlement de la Commission (24). La fixation de cette date n'a jamais été déléguée aux États membres.

37 En second lieu, comme la Commission l'a relevé (25), l'échéance du 1er mars «... s'explique par la nécessité de laisser un délai aux entreprises, plus précisément du 1er mars au 30 juin, pour programmer leurs activités». Il leur est notamment nécessaire de connaître exactement les quotas de production qui leur sont attribués afin de prévoir les achats de betteraves avant le 1er juillet, date du début de la campagne, et d'éviter de produire hors quota, ce qui prive l'entreprise sucrière de toute garantie de prix et peut l'exposer à des pertes.

38 De plus, la remise en cause de la date du 1er mars perturbe l'application de l'organisation commune de marché du sucre dans son ensemble. En fait, il n'est pas possible de conclure les contrats d'achat de betteraves sans connaître les quotas de production. L'article 30, paragraphe 1, du règlement n_ 1785/81 prévoit, en effet, que les fabricants de sucre font connaître les quantités de betteraves correspondant au quota A pour lesquelles ils ont conclu des contrats avant les ensemencements, c'est-à-dire avant le mois de mars. A défaut de conclusion de ces contrats de livraison avant les ensemencements, les fabricants sont obligés de payer au moins le prix minimal pour chaque quantité de betterave transformée (26).

39 Enfin, le principe de sécurité juridique impose que les quotas ne soient pas remis en cause après le 1er mars lorsque les opérateurs n'en ont pas été prévenus avant. Ce principe vaut d'autant plus lorsque les transferts de quotas peuvent être illimités. S'agissant des actes communautaires, vous considérez que:

«... si, en règle générale, le principe de la sécurité juridique s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à la publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée» (27).

40 Relevons que, en 1988, le décret réduisant les quotas de Cavarzere et Saccarifera a été pris la veille (30 juin) du début de la campagne (1er juillet) et publié le 10 août, alors que la campagne était engagée depuis longtemps.

41 Il s'ensuit que l'article 7 du règlement n_ 193/82 et l'article 1er du règlement n_ 1662/86 s'opposaient à l'exercice par la République italienne de sa marge de manoeuvre postérieurement au 1er juillet 1986 (décret ministériel du 11 août 1986) pour la campagne 1986/1987 et postérieurement au 1er mars pour les campagnes 1987/1988 et 1988/1989 (décrets ministériels des 27 février 1987 et 30 juin 1988).

Sur les deuxième et troisième questions que nous reformulerons sous la forme suivante: «En matière de répartition des quotas en cas de fusion ou d'aliénation d'entreprises, l'article 2 du règlement n_ 193/82 est-il applicable seul? Les États membres peuvent-ils, en outre, faire simultanément usage du `pouvoir de manoeuvre' prévu par l'article 25, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81?»

42 Ces deux compétences reconnues aux États membres poursuivent des objectifs différents: permettre une adaptation structurelle de l'industrie de transformation et de la culture de la betterave et de la canne au cours de la période d'application des quotas, d'une part, tirer les conséquences de fusions ou d'aliénations d'entreprises, d'autre part. Elles font appel à des procédures différentes: la marge de manoeuvre de la République italienne est illimitée lorsque des plans de restructuration sont mis en oeuvre, d'une part, l'État membre attribue les quotas au prorata des quantités de production de sucre absorbées ou retranchées, d'autre part. Elles connaissent des conditions de délai différentes: l'attribution des quotas modifiés doit se faire avant le 1er mars pour son application pendant la campagne de commercialisation suivante, d'une part, elle prend effet pour la campagne de commercialisation en cours lorsque la fusion ou l'aliénation interviennent entre le 1er juillet et le 31 janvier de l'année suivante, d'autre part.

43 Il en résulte que l'application de l'article 2 du règlement n_ 193/82 n'exclut pas l'application de l'article 25, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81 pour autant que les conditions d'application de ce texte sont réunies, et notamment les conditions de délai. On notera, à cet égard, que l'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 1785/81 précise que: «La limite de 10 % ... ne s'applique pas en Italie ... lorsque les transferts de quotas sont effectués sur la base de plans de restructuration ..., dans la mesure nécessaire pour permettre la réalisation de ces plans» (28).

44 Il s'ensuit qu'un État membre peut à la fois mettre en oeuvre un plan de restructuration de son industrie du sucre en application de l'article 25, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81 et procéder à des transferts de quotas, à la suite d'une aliénation ou absorption d'entreprises, en application de l'article 2 du règlement n_ 193/82.

Sur la quatrième question: la marge de manoeuvre accordée aux États membres par l'article 25, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n_ 1785/81 permet-elle d'effectuer une réduction maximale de 10 % sur les quotas A et B ensemble ou permet-elle d'effectuer une réduction de 10 % sur chacun des quotas?

45 Il ne semble pas que les décrets attaqués aient fait application de cet article. Même s'il n'en a pas donné les raisons, le Consiglio di Stato a toutefois pu considérer que la réponse à cette question n'était pas sans intérêt pour la solution du litige qui lui était soumis.

46 Nous constatons que l'article 25, paragraphe 2, premier alinéa, prévoit que «Les États membres peuvent diminuer le quota A et le quota B de chaque entreprise productrice de sucre ... d'une quantité totale n'excédant pas ... 10 %, selon le cas, du quota A ou du quota B déterminé pour chacune d'elles conformément à l'article 24». L'emploi de la conjonction disjonctive «ou» démontre que «... la marge de 10 % est calculée pour le quota A en se référant à la quantité A et pour le quota B en se référant à la quantité B» (29).

47 En second lieu, les quotas A et les quotas B ne sauraient être confondus. Nous l'avons vu: ils obéissent à des régimes différents (30) et ne sont pas fongibles.

Sur la cinquième question: quel quota les États membres doivent-ils utiliser comme base de calcul de la marge de manoeuvre de 10 %, celui déterminé par le décret d'attribution initial ou celui résultant d'éventuelles attributions supplémentaires et reportées des années précédentes et d'éventuelles réductions dues à des quantités de sucre non produites?

48 Il résulte de l'article 25, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n_ 1785/81 que la marge de 10 % est calculée selon le cas sur le quota A ou sur le quota B déterminé dans les conditions fixées à l'article 24. Elle est donc fondée sur la décision nationale répartissant les quantités de base A et les quantités de base B entre les fabricants de sucre établis sur son territoire. En l'absence d'autres précisions, le pouvoir de manoeuvre de l'État doit s'exercer, non sur le quota théorique, mais sur le quota effectivement attribué à l'entreprise considérée. Par conséquent, rien n'interdit à l'État membre de prendre en compte des attributions supplémentaires reportées des années précédentes ou de déduire du quota de base les quantités de sucre non produites.

Sur la sixième question: que faut-il entendre par «projets de restructuration»? S'agit-il de projets définis au niveau national ou au niveau de subdivisions territoriales moins importantes?

49 Cette question présente un grand intérêt en Italie puisque ce n'est que «... sur la base de plans de restructuration du secteur de la betterave ou de la canne et du secteur sucrier de la région en cause...» (31) que l'État membre peut procéder à des transferts illimités.

50 Nous considérons qu'il résulte du libellé même de l'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 1785/81 - que confirme le quatorzième considérant de ce règlement - que ces plans doivent concerner la restructuration du secteur sucrier dans une région ou une zone géographique spécifiquement délimitées, étant précisé que ces plans doivent évidemment concerner les fabricants de sucre.

51 Nous vous proposons, par conséquent, de dire pour droit:

«- L'article 7 du règlement (CEE) n_ 193/82 du Conseil, du 26 janvier 1982, arrêtant les règles générales relatives aux transferts de quotas dans le secteur du sucre, et l'article 1er du règlement (CEE) n_ 1662/86 de la Commission, du 29 mai 1986, établissant des mesures transitoires en matière des transfert de quotas dans le secteur du sucre, doivent être interprétés en ce sens qu'un État membre n'a pas le pouvoir de modifier unilatéralement la date limite fixée par ces textes pour l'exercice, par les États membres, du `pouvoir de manoeuvre' prévu à l'article 25 du règlement (CEE) n_ 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

- L'application de l'article 2 au règlement (CEE) n_ 193/82 permettant la modification des quotas A et B en cas de fusion ou d'aliénation d'entreprises de sucre n'exclut pas l'application, même simultanée et à l'égard de la même entreprise, du pouvoir de manoeuvre reconnu aux États membres par l'article 25 du règlement (CEE) n_ 1785/81, pour autant que les conditions d'application propres à chacun de ces textes sont remplies.

- L'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n_ 1785/81 doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent réduire le quota A et le quota B à concurrence de 10 % chacun.

- La marge de manoeuvre de 10 % prévue à l'article 25, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 1785/81 porte sur les quotas effectivement attribués à l'entreprise, en tenant compte d'éventuelles modifications survenues postérieurement à la décision nationale de répartition des quotas.

- La notion de `plan de restructuration' au sens de l'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n_ 1785/81 concerne une restructuration dans une région ou une zone géographique spécifiquement délimitées.»

(1) - JO L 177, p. 4.

(2) - JO L 21, p. 3.

(3) - Par le règlement n_ 1009/67/CEE du Conseil, du 18 décembre 1967 (JO 1967, 308, p. 1).

(4) - Décision 90/45/CEE de la Commission, du 19 décembre 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO 1990, L 31, p. 32, point 14).

(5) - Point 19 de l'arrêt du 22 janvier 1986, Eridania e.a. (250/84, Rec. p. 117).

(6) - Ibidem, point 8.

(7) - Paragraphe 1.

(8) - L'expression est utilisée au sixième considérant du règlement (CEE) n_ 934/86 du Conseil, du 24 mars 1986, modifiant le règlement (CEE) n_ 1785/81 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 87, p. 1).

(9) - Quatorzième considérant du règlement n_ 1785/81.

(10) - Souligné par nous.

(11) - Article 9 du règlement n_ 193/82, souligné par nous.

(12) - GURI n_ 191 du 19.8.1986.

(13) - GURI n_ 102 du 5.5.1986.

(14) - GURI n_ 62 du 16.3.1987.

(15) - Jugements nos 1737/87, 17/89 et 16/89.

(16) - JO L 110, p. 20.

(17) - GURI n_ 187 du 10.8.1988.

(18) - Précité note 8.

(19) - Voir l'article 1er, paragraphe 5, du règlement n_ 1107/88 qui cite l'article 25.

(20) - Règlement établissant des mesures transitoires en matière de transferts de quotas dans le secteur du sucre (JO L 145, p. 41).

(21) - Voir l'article 1er, paragraphe 5, du règlement n_ 1107/88.

(22) - Souligné par nous. Voir également l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n_ 934/86.

(23) - 151/78 (Rec. p. 1, attendu 17).

(24) - Article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 1662/86.

(25) - Observations, p. 13 de la traduction française.

(26) - Article 30, paragraphe 2, du règlement n_ 1785/81.

(27) - Point 11 de l'arrêt du 16 février 1982, Rumi/Commission (258/80, Rec. p. 487).

(28) - Souligné par nous.

(29) - Observations de la Commission, point 12.

(30) - Voir l'article 24 du règlement n_ 1785/81.

(31) - Article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa.

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