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Document 61993TO0007

    Ordonnance du Président du Tribunal du 19 février 1993.
    Langnese Iglo GmbH et Schöller Lebensmittel GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes.
    Concurrence - Procédure de référé - Intervention - Confidentialité - Mesures provisoires.
    Affaires jointes T-7/93 R et T-9/93 R.

    Recueil de jurisprudence 1993 II-00131

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1993:13

    61993B0007

    Ordonnance du Président du Tribunal du 19 février 1993. - Langnese Iglo GmbH et Schöller Lebensmittel GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Procédure de référé - Intervention - Confidentialité - Mesures provisoires. - Affaires jointes T-7/93 R et T-9/93 R.

    Recueil de jurisprudence 1993 page II-00131


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1. Procédure - Intervention - Référé - Personnes intéressées - Litige au principal relatif à la validité d' une décision d' application des règles de concurrence - Entreprise plaignante

    (Statut de la Cour de justice CEE, art. 37, alinéa 2; règlement de procédure du Tribunal, art. 115)

    2. Procédure - Intervention - Communication des actes de procédure aux parties intervenantes - Dérogation - Traitement confidentiel - Conditions

    (Statut de la Cour de justice CEE, art. 37, alinéa 2; règlement de procédure du Tribunal, art. 116, § 2)

    3. Référé - Sursis à exécution - Sursis à l' exécution d' une décision en matière de concurrence - Conditions d' octroi - Préjudice grave et irréparable - Mise en balance de l' ensemble des intérêts en cause

    (Traité CEE, art. 85 et 185; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

    Parties


    Dans les affaires jointes T-7/93 R et T-9/93 R,

    Langnese-Iglo GmbH, société de droit allemand, établie à Hambourg (République fédérale d' Allemagne), représentée par Mes Martin Heidenhain, Bernhard M. Maassen et Horst Satzky, avocats au barreau de Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Jean Hoss, 15, Côte d' Eich,

    et

    Schoeller Lebensmittel GmbH & Co. KG, société de droit allemand, établie à Nuremberg (République fédérale d' Allemagne), représentée par Mes Ulrich Scholz, avocat au barreau de Nuremberg, et Rainer Bechtold, avocat au barreau de Stuttgart, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Mes Loesch & Wolter, 8, rue Zithe,

    parties requérantes,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. Bernd Langeheine, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Alexander Boehlke, avocat au barreau de Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    Mars GmbH, société de droit allemand, établie à Viersen (République fédérale d' Allemagne), représentée par Mes Jochim Sedemund, avocat au barreau de Cologne, et John Pheasant, solicitor, du cabinet Lovell, White and Durrant à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Michel Molitor, 14 A, rue des Bains,

    partie intervenante,

    ayant pour objet des demandes de sursis à l' exécution des décisions de la Commission du 23 décembre 1992 relatives à deux procédures d' application de l' article 85 du traité CEE (IV/34.072 - Langnese-Iglo GmbH et IV/31.533 et IV/34.072 - Schoeller Lebensmittel GmbH & Co. KG),

    LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

    rend la présente

    Ordonnance

    Motifs de l'arrêt


    En fait

    1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 1993, Langnese-Iglo GmbH (ci-après "Langnese") a introduit, en vertu de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l' annulation de la décision de la Commission du 23 décembre 1992 relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE (IV/34.072 - Langnese).

    2 Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, Langnese a également introduit une demande, en vertu des articles 185 du traité CEE et 104 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir le sursis à l' exécution de la décision que lui a adressée la Commission, jusqu' à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au fond.

    3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 1993, Schoeller Lebensmittel GmbH & Co. KG (ci-après "Schoeller") a introduit, en vertu de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l' annulation de la décision de la Commission du 23 décembre 1992 relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE (IV/31.533 et IV/34.072 - Schoeller).

    4 Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, Schoeller a également introduit une demande, en vertu des articles 185 du traité CEE et 104 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir le sursis à l' exécution de la décision que lui a adressée la Commission, jusqu' à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au fond.

    5 Par requêtes enregistrées au greffe du Tribunal le 3 février 1993, Mars GmbH (ci-après "Mars") a demandé à être admise à intervenir dans les affaires T-7/93 R et T-9/93 R au soutien des conclusions de la Commission.

    6 Les demandes en intervention ont été signifiées aux parties au principal, conformément à l' article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

    7 Par télécopie enregistrée au greffe du Tribunal le 5 février 1993, Langnese a déclaré ne pas s' opposer à la demande d' intervention de Mars. La requérante a toutefois demandé qu' il ne soit communiqué à Mars qu' une version expurgée de sa requête. A cette fin, Langnese a transmis au Tribunal une version non confidentielle de la demande en référé. Par télécopie enregistrée au greffe du Tribunal le même jour, Schoeller a fait valoir que la demande en intervention présentée par Mars est irrecevable, dès lors qu' elle ne se réfère qu' à la procédure en référé et qu' une intervention dans celle-ci n' est possible, selon elle, que lorsque la demanderesse en intervention a été au préalable admise à intervenir dans la procédure au principal. Par le même courrier, la requérante a transmis, à toutes fins utiles, une demande de traitement confidentiel de certaines données mentionnées à la page 8 de sa demande en référé.

    8 La Commission a présenté ses observations écrites sur les demandes en référé introduites par Langnese et Schoeller, respectivement les 3 et 4 février 1993. Par télécopie enregistrée au greffe du Tribunal le 5 février 1993, la Commission a déclaré ne pas avoir d' objections à soulever à l' encontre des demandes d' intervention introduites par Mars. En ce qui concerne les demandes introduites par les requérantes visant à ce qu' un traitement confidentiel soit réservé à certaines pièces du dossier, la Commission a exprimé des doutes au regard de la nature effective de secrets d' affaires des passages cités par les requérantes et s' est réservée le droit de soumettre des observations détaillées lors de l' éventuelle admission de Mars en tant que partie intervenante dans les procédures au principal.

    9 Par lettres du 5 et du 8 février 1983, le greffe du Tribunal a invité la demanderesse en intervention à être présente à l' audience et lui a notifié les versions non confidentielles des demandes en référé, ainsi que les observations de la Commission sur ces demandes.

    10 Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 10 février 1993.

    11 Avant d' examiner le bien-fondé des demandes introduites devant le Tribunal, il convient de rappeler le contexte des présentes affaires et, en particulier, les faits essentiels à l' origine des litiges dont le Tribunal est saisi, tels qu' ils résultent des mémoires déposés par les parties et des explications orales données au cours de l' audience du 10 février 1993.

    12 Le 18 septembre 1991, Mars a déposé une plainte auprès de la Commission contre Langnese et Schoeller, pour infraction aux articles 85 et 86 du traité CEE, et a demandé que des mesures conservatoires soient prises afin de prévenir le préjudice grave et irréparable qui résulterait, selon elle, du fait que la vente de ses glaces de consommation serait fortement entravée en Allemagne par la mise en oeuvre d' accords contraires aux règles de concurrence que Langnese et Schoeller auraient conclus avec un grand nombre de détaillants.

    13 Par décision du 25 mars 1992, relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE (IV/34.072 - Mars/Langnese et Schoeller - Mesures conservatoires), la Commission a, en substance, interdit à Langnese et à Schoeller, à titre de mesures conservatoires, de faire valoir leurs droits contractuels résultant d' accords conclus par ces sociétés ou en leur faveur, dans la mesure où des détaillants s' engagent à acheter, proposer à la vente et/ou vendre exclusivement de la glace de consommation de ces producteurs, à l' égard des articles de glace de consommation "Mars", "Snickers", "Milky Way" et "Bounty", lorsque ceux-ci sont proposés au consommateur final en portions individuelles. La Commission a, en outre, retiré le bénéfice de l' application de son règlement (CEE) n 1984/83, du 22 juin 1983, concernant l' application de l' article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d' accords d' achat exclusif (JO L 173, p. 5, ci-après "règlement n 1984/83"), aux accords d' exclusivité conclus par Langnese, dans la mesure nécessaire à l' application de l' interdiction ci-dessus mentionnée. A l' encontre de cette décision, les requérantes dans la présente procédure ont introduit deux recours au fond devant le Tribunal (T-24/92 et T-28/92), tendant à son annulation, et deux recours en référé (T-24/92 R et T-28/92 R), tendant à ce qu' il soit sursis à son exécution.

    14 Par ordonnance du 16 juin 1992, Langnese et Schoeller/Commission (T-24/92 R et T-28/92 R, Rec. p. II-1839), le président du Tribunal a suspendu l' exécution de la décision de la Commission du 25 mars 1992, sauf en ce qui concerne les points de vente situés dans les stations-service qui étaient liés par des contrats d' exclusivité avec les requérantes, jusqu' à ce qu' une décision soit prise par la Commission mettant fin à la procédure administrative alors en cours ou jusqu' au prononcé de l' arrêt dans les recours au principal. Le président a ordonné, par ailleurs, à la Commission de contrôler l' exécution de l' ordonnance et de transmettre au Tribunal, à partir du 1er juillet 1992 et sur une base mensuelle, notamment les éléments d' information qui lui seraient communiqués par Mars quant aux points de vente situés dans les stations-service qui étaient liés par des contrats d' exclusivité avec les requérantes et avec lesquels Mars avait conclu des contrats de vente pour ses articles de glace de consommation.

    15 Par ses décisions litigieuses du 23 décembre 1992, la Commission a:

    - déclaré que les accords d' achat exclusif conclus par Langnese et Schoeller avec des détaillants sis en Allemagne, aux fins de la revente de glaces de consommation en conditionnement individuel, constituent une infraction à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE (articles 1ers);

    - retiré le bénéfice de l' application des dispositions du règlement n 1984/83 aux accords conclus par Langnese remplissant les conditions nécessaires pour bénéficier de l' exemption par catégorie et refusé d' octroyer une exemption individuelle au titre de l' article 85, paragraphe 3, du traité aux accords conclus par Schoeller (articles 2);

    - imposé à Langnese et à Schoeller de communiquer, dans un délai de trois mois à compter de la notification des décisions, le libellé des articles 1ers et 2 aux revendeurs avec lesquels elles ont conclu des accords tels que ceux visés par les décisions, en indiquant la nullité desdits accords (articles 3), et

    - interdit à Langnese et à Schoeller de conclure des accords du type de ceux visés aux articles 1ers jusqu' au 31 décembre 1997 (articles 4).

    En droit

    Sur les demandes en intervention

    16 Il y a lieu de constater, tout d' abord, que les demandes en intervention ont été introduites dans les délais impartis.

    17 Il convient de relever, ensuite, que les décisions litigieuses mettent un terme à la procédure administrative engagée par la Commission à la suite de la plainte déposée par Mars, le 18 septembre 1991, à l' encontre de Langnese et Schoeller, pour entrave mise, en violation des règles de concurrence du traité CEE, à la distribution d' articles de glaces de consommation de Mars sur le territoire allemand. Il y a lieu de souligner également que, en conséquence de l' adoption des décisions litigieuses, l' ordonnance du président du Tribunal du 16 juin 1992 suspendant partiellement l' exécution des mesures conservatoires prises par la Commission dans sa décision du 25 mars 1992 a cessé de produire ses effets, ainsi qu' il résulte du point 3 de son dispositif.

    18 Dans ces conditions, il y a lieu d' estimer que Mars justifie d' un intérêt à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les présentes instances en référé.

    Sur les demandes de confidentialité

    19 En ce qui concerne les données pour lesquelles les requérantes ont demandé un traitement confidentiel, il apparaît justifié, au stade de la procédure de référé, de faire droit aux demandes introduites par Langnese et Schoeller, dans la mesure où de tels éléments sont susceptibles, à première vue, de relever du secret des affaires.

    Sur les demandes de sursis à exécution

    20 En vertu des dispositions combinées des articles 185 et 186 du traité CEE et de l' article 4 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, le Tribunal peut, s' il estime que les circonstances l' exigent, ordonner le sursis à l' exécution de l' acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

    21 L' article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les demandes relatives à des mesures provisoires visées aux article 185 et 186 du traité CEE doivent spécifier les circonstances établissant l' urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l' octroi de la mesure à laquelle elles concluent. Les mesures demandées doivent présenter un caractère provisoire en ce sens qu' elles ne doivent pas préjuger de la décision sur le fond.

    22 Dans les décisions litigieuses, la Commission considère que les accords auxquels Langnese et Schoeller sont parties, constituent une infraction à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en ce que, d' une part, ils excluent la concurrence entre produits de même marque et limitent de manière sensible la concurrence entre produits de marques différentes sur le marché de référence et, d' autre part, sont susceptibles d' avoir une incidence négative sensible sur les échanges entre États membres. La Commission estime, en outre, que les accords de livraison conclus par Langnese et Schoeller ne sauraient bénéficier des dispositions du règlement n 1984/83, dans la mesure où ils sont conclus pour une durée indéterminée au sens de l' article 3, sous d), dudit règlement. La Commission, en tout état de cause, retire le bénéfice de l' exemption par catégorie aux accords conclus par Langnese et refuse l' exemption individuelle aux accords notifiés par Schoeller, au motif que l' effet cumulatif de ces accords exclut toute concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

    23 Au vu de la connexité entre les deux demandes de sursis à l' exécution des décisions litigieuses, il y a lieu d' ordonner la jonction des affaires aux fins de la présente procédure de référé.

    Arguments des parties

    24 Les arguments avancés par les parties dans leurs mémoires ainsi que dans les explications orales qu' elles ont données au cours de l' audience du 10 février 1993 peuvent être résumés comme suit.

    25 Les parties requérantes font valoir que leurs demandes de sursis à l' exécution des décisions litigieuses présentent un caractère urgent et sont justifiées par des motifs de fait et de droit. En ce qui concerne l' urgence, les requérantes invoquent le caractère irréversible des effets qu' une exécution immédiate des décisions litigieuses ne manquerait pas de produire et le préjudice grave qui résulterait pour elles d' une telle exécution. Elles font valoir que les effets liés à l' exécution immédiate de la décision ne seraient pas susceptibles d' être corrigés en cas d' annulation ultérieure de la décision, un retour vers un lien exclusif des points de vente étant pratiquement exclu.

    26 A cet égard, les requérantes soulignent, en particulier, que non seulement tous leurs concurrents pourraient dorénavant accéder à l' ensemble des points de vente qui leur sont liés par des contrats d' exclusivité, mais aussi que chacune des requérantes profiterait de cette ouverture pour étendre son activité aux points de vente de l' autre en offrant des conditions particulièrement avantageuses. Les exploitants de ces points de vente augmenteraient leur profit et ne seraient, par la suite, pas d' accord pour revenir à des contrats d' exclusivité. Selon les requérantes, il ne serait plus possible de maintenir sur l' ensemble du territoire un approvisionnement régulier des nombreux petits établissements du commerce traditionnel en raison de la non-rentabilité du service de livraison. Les requérantes font valoir, par ailleurs, que la perte de l' exclusivité de leurs points de vente porterait aussi atteinte à l' exclusivité de l' usage des surgélateurs qu' elles mettent à la disposition de certains de leurs distributeurs, laquelle n' est pas prohibée par les décisions litigieuses. En effet, les exploitants des points de vente seraient souvent amenés à placer tant les produits des requérantes que ceux des concurrents dans les surgélateurs qu' elles ont mis à la disposition de leurs revendeurs.

    27 Il résulterait de l' ensemble de ces éléments un danger de destruction irréversible des systèmes de distribution des requérantes et, par conséquent, un risque de préjudice grave et irréparable, qui justifierait que soit ordonné le sursis à l' exécution des décisions litigieuses (ordonnances du président de la Cour du 31 mars 1982, VBVB/Commission, 43/82 R, Rec. p. 1241, et du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission, 56/89 R, Rec. p. 1693, et ordonnance du président du Tribunal, Langnese et Schoeller/Commission, précitée).

    28 Les requérantes estiment, par ailleurs, qu' un sursis à l' exécution des décisions litigieuses n' entraînera aucun désavantage pour les concurrents, ou tout au plus n' entraînerait qu' un préjudice négligeable pour Mars, les difficultés que cette dernière rencontre dans son accès au marché n' étant pas dues aux contrats d' exclusivité conclus par les requérantes, mais, au contraire, à la stratégie qu' elle-même a adopté sur le marché.

    29 S' agissant du fumus boni juris, les requérantes soulignent que la question de savoir si les recours sont en définitive fondés doit rester en suspens et qu' il importe seulement de déterminer s' ils n' apparaissent pas comme dépourvus de tout fondement (voir ordonnances du président de la Cour, Publishers, précitée, et du président du Tribunal du 16 juillet 1992, SPO e.a./Commission, T-29/92 R, Rec. p. II-2161). Elles font valoir, à cet égard, que la Commission aurait expressément reconnu la compatibilité des contrats d' exclusivité litigieux avec les règles communautaires de concurrence dans une lettre administrative de classement qu' elle a envoyée à Schoeller le 20 septembre 1985 et que le retrait, à l' égard des contrats litigieux, du bénéfice de l' exemption par catégorie prévue par le règlement n 1984/83 serait illicite. Elles considèrent également que ni l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, ni l' article 3 du règlement n 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d' application des articles 85 et 86 du traité CEE, ni le règlement n 1984/83 n' autorisent la Commission à leur interdire de conclure à l' avenir tout contrat d' exclusivité.

    30 Les requérantes considèrent, en outre, que la mise en balance des intérêts en présence justifie qu' il soit sursis à l' exécution des décisions litigieuses, alors que celles-ci visent essentiellement à protéger l' intérêt de Mars à étendre encore plus sa part de marché dans un secteur (celui des bâtons glacés) qui ne représente qu' un pourcentage négligeable du marché de la glace de consommation. Cet intérêt s' opposerait à celui qu' ont les requérantes à maintenir provisoirement des systèmes de distribution, existant depuis des décennies, sur la totalité du marché.

    31 La Commission, pour sa part, estime que les demandes présentées par les requérantes ne permettent de conclure à l' existence ni de circonstances établissant l' urgence ni de moyens de fait et de droit justifiant à première vue le sursis à l' exécution des décisions litigieuses.

    32 La Commission considère que les considérations avancées par les requérantes quant aux chances de succès de leurs recours au principal ne sauraient emporter l' adhésion. Elle relève, en particulier, que les requérantes ne sauraient se prévaloir de la lettre de classement adressée à Schoeller, celle-ci étant assortie de la réserve expresse d' une réouverture de la procédure, laquelle a été communiquée à Schoeller le 29 novembre 1991. La Commission estime, en outre, avoir exposé en détail, dans les décisions litigieuses, pourquoi les conditions nécessaires au retrait du bénéfice de l' exemption par catégorie prévue par le règlement n 1984/83 sont réunies et pourquoi une exemption individuelle ne pourra être accordée aux contrats d' exclusivité conclus par Schoeller.

    33 De l' avis de la Commission, les articles 1ers et 4 des décisions litigieuses ne seraient pas, en tout état de cause, susceptibles de faire l' objet d' un sursis à exécution. Les articles 1ers n' auraient, en effet, qu' un caractère déclaratoire, les accords du type de ceux décrits à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE étant interdits sans qu' une décision préalable soit nécessaire à cet effet. Quant aux articles 4, des obstacles juridiques s' opposeraient à la possibilité de surseoir à leur exécution, dans la mesure où les décisions excluent de toute façon la conclusion de nouveaux accords d' exclusivité. A l' audience, la Commission a toutefois déclaré ne pas avoir d' objection à opposer à ce que les articles 4 des décisions litigieuses fassent l' objet d' une suspension, à condition que les requérantes ne soient pas autorisées à renouveler les contrats existants. La Commission a, en revanche, exprimé des doutes quant à la question de savoir si les articles 2 pourraient, eux aussi, faire l' objet d' un sursis à exécution. En effet, l' application de l' article 85, paragraphe 3, nécessitant l' appréciation de données économiques complexes, le juge des référés ne saurait substituer son appréciation à celle de la Commission et rendre provisoirement valable une entente dont la nullité a été prononcée. En tout état de cause, un éventuel sursis ne pourrait pas constituer une exemption de remplacement, les participants aux accords concernés devant rester libres de se soustraire à chaque instant aux règles convenues.

    34 La Commission fait observer, enfin, que, compte tenu des résultats qu' a produits l' ouverture partielle des points de vente des requérantes dans les stations-service, l' on ne saurait déduire que l' exécution immédiate des décisions litigieuses aurait dorénavant des répercussions défavorables et irréversibles. Au contraire, les expériences passées démontreraient que les requérantes jouissent d' une position si solide sur le marché que les mesures prises par la Commission n' auront pas à court terme d' effet sensible pour de nouveaux concurrents.

    35 Lors de la présentation de ses observations orales, la partie intervenante Mars a contesté l' existence d' une quelconque nécessité économique justifiant que les requérantes aient recours en Allemagne à des points de vente exclusive, et a fait valoir, à ce propos, que Langnese dispose d' importantes parts de marché dans d' autres États membres sans avoir recours à des accords d' exclusivité. Mars a également considéré que, même si les décisions litigieuses lui laissent, à elle seule ou avec d' autres petits producteurs tels que Warncke, la possibilité de conclure des contrats d' exclusivité, les détaillants demeureront toujours dépendants des requérantes, compte tenu du fait que les produits de Langnese et de Schoeller jouissent d' une grande réputation sur le marché allemand. En tout état de cause, Mars s' est engagée à ne pas conclure d' accords d' exclusivité avec ses points de vente.

    Appréciation du juge des référés

    36 Il convient de rappeler, en premier lieu, que dans son ordonnance du 16 juin 1992, précitée, relative aux demandes de sursis à l' exécution de la décision de mesures provisoires que la Commission avait adoptée dans le cadre des procédures qu' elle a ouvertes contre Langnese et Schoeller, le président du Tribunal avait ordonné, compte tenu des circonstances particulières de l' espèce, une solution transitoire ouvrant à Mars un accès aux stations-service avec lesquelles les requérantes avaient conclu des accords d' exclusivité d' achat. D' après les informations fournies par la Commission au Tribunal, conformément à l' ordonnance précitée, et de l' avis unanime de toutes les parties concernées, cette ouverture du marché n' a eu que peu de succès pour Mars, du moins pendant la période couverte par ladite ordonnance.

    37 Il y a lieu de relever, en second lieu, que, contrairement à la décision de mesures conservatoires de la Commission du 25 mars 1992, les décisions litigieuses ne visent plus seulement à assurer à Mars un plein accès au marché des glaces de consommation en Allemagne, mais déclarent contraires à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE les systèmes de distribution mis en place par les requérantes sur le territoire allemand depuis de nombreuses années. Les décisions litigieuses retirent également aux accords d' exclusivité conclus par les requérantes avec leurs revendeurs respectifs le bénéfice de l' exemption par catégorie prévue dans le règlement n 1984/83 et refusent l' octroi d' une exemption individuelle aux accords notifiés par Schoeller, tout en interdisant, par ailleurs, la conclusion de nouveaux accords d' exclusivité jusqu' au 31 décembre 1997.

    38 Il convient, enfin, de rappeler que, ainsi que le président du Tribunal l' a déjà constaté dans son ordonnance du 16 juin 1992, précitée, les parties s' opposent fondamentalement quant à la définition du marché en cause et quant aux conditions réelles d' accès audit marché. L' analyse de tels éléments ne saurait, toutefois, être faite de façon approfondie dans le cadre du présent référé, alors surtout que la délimitation du marché en cause revêt une importance fondamentale en ce qui concerne le retrait du bénéfice de l' exemption par catégorie prévue dans le règlement n 1984/83 et que, s' agissant de l' appréciation de données économiques complexes, le juge des référés ne peut substituer son appréciation à celle de la Commission.

    39 Dans ces circonstances, le juge des référés ne saurait considérer que les moyens invoqués par les requérantes sont, à première vue, dépourvus de tout fondement et conclure ainsi au rejet des demandes de sursis à l' exécution de la décision litigieuse (voir notamment l' ordonnance du président du Tribunal Langnese et Schoeller/Commission, précitée).

    40 En ce qui concerne l' existence d' un risque de préjudice grave et irréparable, il convient de souligner que l' exécution immédiate des décisions litigieuses, en ce qu' elle implique la résiliation de tous les accords d' exclusivité d' achat, et partant la remise en cause de systèmes de distribution mis en place depuis de nombreuses années sur le marché allemand, est susceptible de créer sur celui-ci une évolution dont il existe des raisons sérieuses de croire qu' il serait très difficile, voire impossible, de la renverser ultérieurement au cas où il serait fait droit aux recours au principal (voir en dernier lieu, l' ordonnance du président du Tribunal, SPO, précitée, point 31). Cela est d' autant plus vrai qu' en l' espèce il ne s' agit plus d' ouvrir à un seul concurrent, à savoir Mars, l' accès à des points de vente liés par des accords d' exclusivité aux requérantes, comme c' était le cas lors de l' adoption des mesures conservatoires, mais également de les ouvrir à tous les concurrents, y compris à chacune des requérantes en ce qui concerne les points de vente exclusive de l' autre. Or, étant donné la position occupée tant par Langnese que par Schoeller sur le marché, on ne saurait exclure que, en cas d' exécution immédiate des décisions litigieuses, les modifications qui surviendraient sur le marché jusqu' à ce que le Tribunal statue sur le fond puissent compromettre de façon irréversible toute possibilité pour les requérantes de rétablir leurs systèmes de distribution si le Tribunal devait annuler les décisions litigieuses.

    41 Il faut toutefois relever que le sursis à l' exécution des décisions litigieuses est, en même temps, susceptible de contribuer à la consolidation de la structure actuelle du marché, permettant ainsi aux requérantes de rendre de plus en plus difficile l' accès à celui-ci, tant pour Mars, qui se voit empêchée d' exploiter pleinement l' avantage que pourrait lui procurer le transfert vers le secteur de la glace de consommation de la notoriété dont elle jouit pour ses produits à base de chocolat, que pour les autres entreprises établies sur le marché.

    42 A cet égard, il convient de constater que, de l' avis même des requérantes, l' accès de Mars aux points de vente exclusive des requérantes dans les stations-service n' a connu qu' un succès réduit. Les requérantes semblent d' ailleurs admettre que, vu la stratégie commerciale de Mars, leur position sur le marché ne serait, en pratique, pas menacée dans un proche avenir.

    43 En présence d' une telle situation de fait et de droit, il incombe au juge des référés de mettre en balance les intérêts des parties, y compris l' intérêt qu' a la Commission à mettre fin immédiatement à l' infraction aux règles de concurrence du traité qu' elle estime avoir constatée, de façon à éviter, tout à la fois, la création d' une situation irréversible et la survenance d' un préjudice grave et irréparable dans le chef d' une des parties au litige (voir, en dernier lieu, l' ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 38).

    44 Il convient de relever que l' analyse des éléments versés au dossier a fait apparaître que, au vu notamment des conditions de fonctionnement du marché, lequel présente une certaine rigidité, le risque imminent de préjudice grave et irréparable invoqué par les requérantes résulte surtout de l' ouverture réciproque de leurs points de vente exclusive respectifs, plutôt que de l' accès de Mars, seule ou avec d' autres concurrents tels que Warncke, Eismann ou Artigel, à ces mêmes points de vente qui, au demeurant, restent toujours, dans une large mesure, liés par les contrats d' exclusivité portant sur les surgélateurs mis à leur disposition par Langnese et Schoeller. Il y a lieu d' observer, également, que les requérantes n' ont pas établi l' existence d' un risque de préjudice grave et irréparable pouvant résulter de l' application immédiate de l' interdiction, imposée par les articles 4 des décisions litigieuses, de conclure des accords du type de ceux visés aux articles 1ers jusqu' au 31 décembre 1997, et que, par conséquent, le sursis à l' exécution desdites dispositions ne se justifie pas, du moins à ce stade.

    45 De l' ensemble de ce qui précède, il apparaît approprié d' ordonner des mesures provisoires dans la stricte mesure nécessaire à la limitation du risque de préjudice grave et irréparable qu' une exécution immédiate des décisions litigieuses pourrait avoir pour les requérantes. La protection des intérêts de chacune des requérantes pourra, à ce stade, être suffisamment assurée en leur permettant de faire valoir l' exclusivité de leurs points de vente respectifs l' une à l' encontre de l' autre.

    46 Il convient également de rappeler, à ce propos, qu' en vertu de l' article 108 du règlement de procédure une ordonnance de référé peut à tout moment, à la demande d' une partie, être modifiée ou rapportée par suite d' un changement de circonstances. Il appartiendra, le cas échéant, aux requérantes de s' adresser au Tribunal, en cas d' atteinte significative à leurs réseaux de distribution suite à l' ouverture de leurs points de vente exclusive à la concurrence.

    47 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d' ordonner, à titre de mesures provisoires, que Langnese et Schoeller pourront continuer à faire valoir, l' une vis-à-vis de l' autre, les clauses relatives à l' exclusivité de leurs points de vente, jusqu' à ce que le Tribunal ait statué sur les recours au principal. A cet effet, les communications prévues aux articles 3 des décisions litigieuses devront indiquer aux revendeurs, outre le libellé des articles 1ers et 2, qu' en application de la présente ordonnance les accords d' exclusivité d' achat pourront être invoqués à l' encontre de Langnese ou de Schoeller.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

    ordonne:

    1) Mars est admise à intervenir dans les affaires T-7/93 R et T-9/93 R au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

    2) Il y a lieu de faire droit, au stade de la procédure de référé, aux demandes de traitement confidentiel présentées par Langnese et par Schoeller pour certains éléments d' information contenus dans leurs demandes de sursis à l' exécution.

    3) Les affaires T-7/93 R et T-9/93 R sont jointes aux fins de la procédure de référé.

    4) Langnese et Schoeller pourront continuer à faire valoir, l' une vis-à-vis de l' autre, les clauses relatives à l' exclusivité de leurs points de vente, jusqu' à ce que le Tribunal ait statué sur les recours au principal.

    5) Les communications prévues aux articles 3 des décisions litigieuses devront indiquer aux revendeurs qu' en application de la présente ordonnance les accords d' exclusivité d' achat pourront être invoqués à l' encontre de Langnese ou de Schoeller.

    6) Les demandes de sursis à exécution sont rejetées pour le surplus.

    7) Les dépens sont réservés.

    Fait à Luxembourg, le 19 février 1993.

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