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Document 61993CJ0435
Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 24 October 1996. # Francina Johanna Maria Dietz v Stichting Thuiszorg Rotterdam. # Reference for a preliminary ruling: Kantongerecht Rotterdam - Netherlands. # Equal pay for men and women - Right to join an occupational pension scheme - Right to payment of a retirement pension - Part-time workers. # Case C-435/93.
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 1996.
Francina Johanna Maria Dietz contre Stichting Thuiszorg Rotterdam.
Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Rotterdam - Pays-Bas.
Egalité de rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Droit à l'affiliation à un regime professionnel de retraite - Droit au versement d'une pension de retraite - Travailleurs à temps partiel.
Affaire C-435/93.
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 1996.
Francina Johanna Maria Dietz contre Stichting Thuiszorg Rotterdam.
Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Rotterdam - Pays-Bas.
Egalité de rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Droit à l'affiliation à un regime professionnel de retraite - Droit au versement d'une pension de retraite - Travailleurs à temps partiel.
Affaire C-435/93.
Recueil de jurisprudence 1996 I-05223
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1996:395
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 1996. - Francina Johanna Maria Dietz contre Stichting Thuiszorg Rotterdam. - Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Rotterdam - Pays-Bas. - Egalité de rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Droit à l'affiliation à un regime professionnel de retraite - Droit au versement d'une pension de retraite - Travailleurs à temps partiel. - Affaire C-435/93.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05223
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Article 119 du traité ° Champ d' application ° Droit à l' affiliation à un régime professionnel privé de pensions ° Inclusion
(Traité CEE, art. 119)
2. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Article 119 du traité ° Applicabilité au droit à l' affiliation à un régime professionnel privé de pensions et au droit de percevoir une retraite au titre d' un tel régime ° Constatation dans l' arrêt du 13 mai 1986, C-170/84 ° Limitation des effets dans le temps ° Absence ° Possibilité d' exiger rétroactivement l' égalité de traitement depuis la reconnaissance par la Cour de l' effet direct de l' article 119, le 8 avril 1976 ° Obligation de paiement des cotisations afférentes à la période d' affiliation concernée ° Application des règles nationales concernant les délais de recours ° Conditions
(Traité CEE, art. 119)
3. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Rémunération ° Notion ° Prestations servies par un régime professionnel privé de pensions ° Inclusion ° Régime géré par des administrateurs indépendants ° Défaut de pertinence ° Possibilité pour le travailleur discriminé de faire valoir ses droits à l' encontre des administrateurs
(Traité CEE, art. 119)
4. Politique sociale ° Travailleurs masculins et travailleurs féminins ° Égalité de rémunération ° Droit à l' affiliation à un régime professionnel privé de pensions et droit de percevoir une prestation au titre d' un tel régime ° Protocole n 2 sur l' article 119, annexé au traité sur l' Union européenne ° Absence d' incidence
(Traité CE, protocole n 2 sur l' art. 119)
1. Le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions entre dans le champ d' application de l' article 119 du traité et relève donc de l' interdiction de discrimination édictée à cet article. Cette interprétation ne dépend ni de la finalité de la législation nationale permettant de rendre obligatoire l' affiliation à un régime professionnel, ni de la circonstance que l' employeur ait présenté une réclamation contre la décision de rendre obligatoire ladite affiliation, ni de la réalisation éventuelle d' une enquête parmi les travailleurs en vue de la présentation d' une demande d' exemption à l' affiliation obligatoire.
2. La limitation dans le temps des effets de l' arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, ne s' applique pas au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, ni au droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un tel régime en violation de l' article 119 du traité. En effet, la limitation dans le temps des effets de cet arrêt ne concerne que les types de discrimination que, en raison des exceptions transitoires prévues par le droit communautaire susceptible d' être appliqué en matière de pensions professionnelles, les employeurs et les régimes de pensions ont pu raisonnablement considérer comme tolérées.
Or, n' en font partie ni la discrimination en matière d' affiliation aux régimes de pensions professionnels dont le caractère inadmissible au regard de l' article 119 du traité a été affirmé dans l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, qui lui-même ne comporte aucune limitation dans le temps de ses effets, ni les discriminations dans l' octroi de prestations au titre d' un tel régime, dont le même arrêt a mis en évidence qu' elles sont indissolublement liées à la précédente. En l' absence d' une limitation dans le temps des effets de cet arrêt, l' effet direct de l' article 119 peut être invoqué afin d' exiger rétroactivement l' égalité de traitement quant au droit à l' affiliation à un régime de pensions professionnel et quant au droit de percevoir une pension de retraite au titre d' un tel régime, et ce depuis le 8 avril 1976, date de l' arrêt Defrenne, 43/75, qui a reconnu pour la première fois l' effet direct dudit article.
Cependant, le fait pour un travailleur de pouvoir prétendre à l' affiliation rétroactive à un régime de pensions professionnel ne lui permet pas de se soustraire au paiement des cotisations afférentes à la période d' affiliation concernée.
Les règles nationales relatives aux délais de recours de droit interne sont opposables aux travailleurs qui font valoir leur droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ou au versement d' une pension de retraite, à condition qu' elles ne soient pas moins favorables pour ce type de recours que pour les recours similaires de droit interne et qu' elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire.
3. Bien qu' étrangers à la relation de travail, les administrateurs d' un régime de pensions professionnel sont appelés à servir des prestations qui constituent une rémunération au sens de l' article 119 du traité et sont, de ce fait, tenus, tout comme l' employeur, de respecter les dispositions dudit article, en faisant tout ce qui relève de leurs compétences pour assurer en la matière le respect du principe de l' égalité de traitement que les affiliés doivent pouvoir invoquer à leur encontre.
En effet, l' effet utile de l' article 119 serait considérablement amoindri et il serait sérieusement porté atteinte à la protection juridique qu' exige une égalité effective, si un travailleur ne pouvait invoquer cette disposition qu' à l' égard de l' employeur, à l' exclusion des administrateurs du régime expressément chargés d' exécuter les obligations de ce dernier.
4. Le protocole n 2 sur l' article 119 du traité, annexé au traité sur l' Union européenne, n' a aucune incidence sur le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ni sur le droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un régime professionnel en violation de l' article 119 du traité, droits qui demeurent régis par l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka, 170/84.
Dans l' affaire C-435/93,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Kantongerecht te Rotterdam (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Francina Johanna Maria Dietz
et
Stichting Thuiszorg Rotterdam,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 119 du traité CEE, ainsi que du protocole n 2 sur l' article 119 du traité instituant la Communauté européenne, annexé au traité sur l' Union européenne,
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, (rapporteur), J. L. Murray et P. J. G. Kapteyn, juges,
avocat général: M. G. Cosmas,
greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
° pour Stichting Thuiszorg Rotterdam, par Me E. Lutjens, avocat au barreau d' Utrecht,
° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent, assisté de M. N. Paines, barrister,
° pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Wolfcarius et M. B. J. Drijber, membres du service juridique, en qualité d' agents,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les observations orales de Mme Dietz, représentée par Me A. C. T. Hommes, avocat au barreau de Rotterdam, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. N. Paines, et de la Commission, représentée par M. B. J. Drijber, à l' audience du 18 mai 1995,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 13 juillet 1995,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 18 octobre 1993, parvenue à la Cour le 4 novembre suivant, le Kantongerecht te Rotterdam a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles sur l' interprétation de l' article 119 du traité CEE, ainsi que du protocole n 2 sur l' article 119 du traité instituant la Communauté européenne, annexé au traité sur l' Union européenne (ci-après le "protocole n 2").
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant Mme Dietz à la Stichting Thuiszorg Rotterdam (ci-après "Thuiszorg") au sujet de son affiliation au Pensioenfonds voor Gezondheids-, Geestelijke en Maatschappelijke Belangen (ci-après le "Fonds de pensions").
3 Aux Pays-Bas, la participation à un fonds professionnel de pensions est en principe volontaire pour les employeurs et les travailleurs de la branche professionnelle concernée.
4 En vertu de l' article 3, paragraphe 1, de la Wet betreffende verplichte deelneming in een bedrijfspensioensfonds (loi néerlandaise sur l' affiliation obligatoire à un fonds professionnel de pensions, ci-après la "loi BPF", Staatsblad J 121), telle que modifiée, le ministre des Affaires sociales et de l' Emploi (ci-après le "ministre") peut, à la demande d' une organisation professionnelle sectorielle qu' il estime suffisamment représentative, rendre obligatoire l' affiliation au fonds professionnel de pensions pour tous les travailleurs ou pour certaines catégories de travailleurs du secteur professionnel concerné. L' article 16 de ladite loi prévoit que des exemptions à l' affiliation obligatoire peuvent être accordées par décision du ministre ou en vertu d' une telle décision.
5 Conformément à l' article 4 de la même loi, toute demande visant à rendre obligatoire l' affiliation à un fonds professionnel de pensions fait l' objet d' un avis dans le Nederlandse Staatscourant, qui mentionne également le délai dans lequel des réclamations écrites peuvent être adressées au ministre.
6 Mme Dietz a été employée à temps partiel, à concurrence de sept heures par semaine, par Thuiszorg et par l' auteur de Thuiszorg, la Stichting Katholieke Maatschappelijke Gezinszorg, en qualité d' aide ménagère pour personnes âgées, du 11 décembre 1972 au 6 novembre 1990. A cette date, elle a atteint l' âge de 61 ans et a bénéficié d' un régime de départ volontaire anticipé, conformément à un accord intervenu avec Thuiszorg le 18 juillet 1990.
7 En vertu de la loi BPF, l' affiliation au Fonds de pensions a été rendue obligatoire pour les travailleurs de Thuiszorg.
8 Cependant, dans un premier temps, les travailleurs à temps partiel exerçant leur activité à concurrence de 40 % ou d' un pourcentage inférieur de l' horaire normal étaient exclus du Fonds de pensions. Cette restriction a été éliminée à compter du 1er janvier 1991, pour rendre le régime conforme aux exigences de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40). A l' occasion de ladite modification, un régime transitoire a été institué, qui prévoit, pour les travailleurs antérieurement exclus du Fonds de pensions, l' attribution d' un nombre fictif de périodes d' assurance en vue de la constitution d' une pension.
9 Le 2 décembre 1992, Mme Dietz a saisi le Kantongerecht te Rotterdam en faisant valoir que, lorsqu' elle avait convenu avec Thuiszorg de son départ volontaire, elle n' avait pas connaissance de la modification imminente du régime du Fonds de pensions et que, si tel avait été le cas, elle aurait différé son départ anticipé pour pouvoir bénéficier d' une pension au titre du régime transitoire. Thuiszorg, qui aurait été au courant de cette modification, aurait dû l' en informer. Par ailleurs, elle a invoqué l' article 119 du traité pour bénéficier d' une pension fondée sur ses périodes d' emploi à compter du 8 avril 1976, date de l' arrêt Defrenne (43/75, Rec. p. 455) ou, subsidiairement, à compter du 17 mai 1990, date de l' arrêt Barber (C-262/88, Rec. p. I-1889).
10 Le Kantongerecht te Rotterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles formulées par le Kantongerecht te Utrecht dans l' affaire qui a donné lieu à l' arrêt du 28 septembre 1994, Fisscher (C-128/93, Rec. p. I-4583), avec certains compléments. Le texte complet des questions ainsi posées est le suivant:
"1) Le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, tel que celui dont il est question en l' espèce, qui est imposé par l' autorité des pouvoirs publics, relève-t-il également du droit à la rémunération (à l' égalité de rémunération) visé à l' article 119 du traité CEE?
1a) Les éléments suivants incitent-ils à répondre d' une manière différente à la première question:
a) le fait que, outre des considérations de politique sociale (dans le cadre de la constitution, par branche professionnelle, du régime de pensions, les coûts sont supportés conjointement par toutes les entreprises relevant de la branche professionnelle), le motif déterminant de l' adoption de la loi BPF consistait à faire obstacle à la concurrence réciproque au sein de la branche professionnelle?
b) le fait que le projet initial de loi BPF prévoyait certes de rendre obligatoire d' office l' affiliation à un fonds professionnel de pensions, sans que, toutefois, pareille disposition ne se retrouve dans le texte final de la loi (Tweede Kamer 1948-1949 785, n 6)?
c) la question de savoir si la Stichting Thuiszorg Rotterdam n' a pas introduit de réclamation contre la mesure rendant obligatoire l' affiliation à un fonds professionnel de pensions ou a précisément introduit une telle réclamation (qui a été ignorée par le ministre)?
d) la question de savoir si la Stichting Thuiszorg a ou non effectué une enquête parmi les travailleurs qu' elle emploie, dont les résultats auraient pu fournir un motif pour demander l' exemption ou pour informer les travailleurs de la possibilité d' exemption?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, la limitation dans le temps que la Cour a instaurée dans l' arrêt Barber pour une mesure en matière de pensions telle que celle dont il était question dans l' arrêt Barber (' contracted out schemes' , régimes conventionnellement exclus) s' applique-t-elle également à un droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions tel que celui dont il est question en l' espèce et dont la demanderesse avait été exclue?
2a) En cas de réponse affirmative à la première question, la limitation dans le temps que la Cour a instaurée dans l' arrêt Barber pour une mesure en matière de pensions telle que celle dont il était question dans l' arrêt Barber (' contracted out schemes' , régimes conventionnellement exclus) s' applique-t-elle également au versement d' une pension de retraite?
3) Pour les cas où le régime de pensions en usage dans une entreprise est rendu obligatoire en vertu de la loi, l' organisme qui met en oeuvre ce régime et qui le gère (la caisse professionnelle de retraite) est-il tenu d' appliquer le principe de l' égalité de traitement inscrit à l' article 119 du traité CEE et le travailleur qui est désavantagé par le non-respect de cette règle peut-il citer directement la caisse de retraite comme s' il s' agissait de l' employeur?
Pour expliciter cette question, il peut être utile de relever que le Kantonrechter n' est pas compétent pour connaître d' une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, car l' importance de l' action dépasse les limites de sa compétence. Dans la présente procédure, il importe donc de savoir si, sur le fondement de son contrat de travail, la demanderesse peut citer la caisse de retraite.
4) Si, sur le fondement de l' article 119 du traité CEE, la demanderesse possède un droit à l' affiliation à la caisse professionnelle de retraite à partir d' une date antérieure au 1er janvier 1991, cela veut-il dès lors dire qu' elle n' est pas obligée de payer les cotisations qu' elle aurait dû payer si elle avait été auparavant admise par la caisse de retraite?
5) Le fait que la demanderesse n' ait pas réagi plus tôt afin d' exiger l' octroi des droits auxquels elle prétend à l' heure actuelle présente-t-il un intérêt en l' espèce?
6) Le protocole sur l' article 119 du traité CEE joint en annexe au traité de Maastricht (le 'protocole Barber' ) ainsi que l' article III comportant dispositions transitoires de la proposition de loi n 20 890 (la proposition de loi modifiant cet article), visant à mettre en oeuvre la quatrième directive, comportent-ils des conséquences aux fins de l' appréciation de la présente affaire, dont le Kantonrechter a été saisi par citation signifiée le 2 décembre 1992?"
Sur la première question
11 Par sa première question, la juridiction nationale demande en substance si le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions entre dans le champ d' application de l' article 119 du traité et relève donc de l' interdiction de discrimination édictée à cet article. Elle cherche en outre à savoir si la réponse à donner à cette question dépend de la finalité de la législation nationale permettant de rendre obligatoire l' affiliation à un tel régime professionnel, du fait que le projet de loi initial prévoyait la possibilité de rendre d' office ladite affiliation obligatoire, de la circonstance que l' employeur a introduit une réclamation à l' encontre de la décision de rendre obligatoire ladite affiliation ou encore de la réalisation éventuelle d' une enquête parmi les travailleurs en vue de la présentation d' une demande d' exemption à l' affiliation obligatoire.
12 Dans les arrêts du 28 septembre 1994, Vroege (C-57/93, Rec. p. I-4541), et Fisscher, précité, la Cour a dit pour droit que le droit à l' affiliation à un régime professionnel entre dans le champ d' application de l' article 119 du traité et relève donc de l' interdiction de discrimination édictée à cet article.
13 L' arrêt Fisscher concernait une situation semblable à celle de l' affaire au principal, dans laquelle l' affiliation au régime professionnel de pensions avait été rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Il convient donc de vérifier si les circonstances relevées par la juridiction de renvoi dans sa question sont susceptibles de conduire à une interprétation différente.
14 En premier lieu, le fait que la législation nationale permettant de rendre obligatoire l' affiliation aux régimes professionnels de pensions ne poursuit pas seulement une finalité de politique sociale, mais est surtout motivée par des considérations tenant aux conditions de concurrence au sein d' un secteur économique déterminé, est sans pertinence, dès lors que l' application de l' article 119 du traité à des régimes de sécurité sociale est fonction de critères objectifs, précisés notamment dans l' arrêt Barber, précité.
15 En deuxième lieu, la circonstance que le projet initial de ladite loi prévoyait de rendre d' office obligatoire l' affiliation à un régime professionnel de pensions n' a pas à être examinée, la juridiction nationale précisant elle-même que pareille disposition ne se retrouve pas dans le texte final de la loi.
16 En troisième lieu, la question de savoir si l' employeur concerné a introduit une réclamation à l' encontre de la mesure rendant obligatoire l' affiliation au régime professionnel de pensions ou s' il a effectué une enquête parmi les travailleurs en vue de la présentation d' une demande d' exemption à l' affiliation obligatoire n' a aucune incidence sur l' application de l' article 119. En effet, le comportement d' un employeur déterminé ne saurait affecter la nature d' un régime applicable à l' ensemble du secteur professionnel concerné.
17 Il y a lieu dès lors de répondre à la première question que le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions entre dans le champ d' application de l' article 119 et relève donc de l' interdiction de discrimination édictée à cet article. Cette interprétation ne dépend ni de la finalité de la législation nationale permettant de rendre obligatoire l' affiliation à un tel régime professionnel, ni de la circonstance que l' employeur a introduit une réclamation à l' encontre de la décision de rendre obligatoire ladite affiliation, ni de la réalisation éventuelle d' une enquête parmi les travailleurs en vue de la présentation d' une demande d' exemption à l' affiliation obligatoire.
Sur la deuxième question
18 Au vu de la réponse apportée à la première question, la deuxième question doit être comprise comme visant à savoir si la limitation des effets dans le temps de l' arrêt Barber s' applique, d' une part, au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, tel que celui en cause dans l' affaire au principal, et, d' autre part, au droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un tel régime en violation de l' article 119 du traité.
19 Dans les arrêts précités Vroege, points 20 à 27, et Fisscher, points 17 à 24, la Cour a considéré que la limitation des effets dans le temps de l' arrêt Barber ne concernait que les types de discriminations que, en raison des exceptions transitoires prévues par le droit communautaire susceptible d' être appliqué en matière de pensions professionnelles, et notamment de la directive 86/378, précitée, les employeurs et les régimes de pensions ont pu raisonnablement considérer comme tolérées.
20 En ce qui concerne le droit à l' affiliation aux régimes professionnels, elle a constaté qu' aucun élément ne permettait d' estimer que les milieux concernés avaient pu se méprendre quant à l' applicabilité de l' article 119. En effet, depuis l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka (170/84, Rec. p. 1607), il est évident qu' une violation de la règle d' égalité dans la reconnaissance dudit droit tombe sous le coup de l' article 119 (arrêts précités Vroege, points 28 et 29, et Fisscher, points 25 et 26).
21 La Cour a ajouté que, puisque l' arrêt Bilka n' avait prévu aucune limitation de ses effets dans le temps, l' effet direct de l' article 119 pouvait être invoqué afin d' exiger rétroactivement l' égalité de traitement quant au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, et ce depuis le 8 avril 1976, date de l' arrêt Defrenne, précité, qui a reconnu pour la première fois l' effet direct dudit article, tout en limitant les effets dans le temps de cette interprétation (arrêts précités Vroege, point 30, et Fisscher, point 27).
22 En conséquence, la Cour a dit pour droit que la limitation des effets dans le temps de l' arrêt Barber ne s' appliquait pas au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions (arrêts précités Vroege, point 32, et Fisscher, point 28).
23 S' agissant du droit de percevoir une pension de retraite au titre d' un régime professionnel, il convient de relever qu' il est indissolublement lié au droit à l' affiliation à un tel régime. Pour le travailleur, l' affiliation serait dépourvue de tout intérêt si elle ne lui conférait pas un droit à la perception des prestations fournies par le régime en question.
24 En effet, dans l' arrêt Bilka, précité, la Cour a constaté que les prestations servies aux salariés en vertu d' un régime professionnel de pensions constituaient un avantage payé par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier, au sens de l' article 119, deuxième alinéa (point 22), pour en déduire que des discriminations concernant l' affiliation à un tel régime relevaient également de l' article 119 (points 27 et 31).
25 Par conséquent, au moins depuis l' arrêt Bilka, précité, il est évident que l' article 119 interdit des discriminations dans l' octroi de prestations par un régime professionnel de pensions qui découlent de discriminations concernant le droit à l' affiliation audit régime et que, partant, les employeurs et les régimes de pensions n' ont pu raisonnablement considérer de telles discriminations comme tolérées. Il s' ensuit que les raisons qui ont conduit la Cour à limiter les effets dans le temps de l' arrêt Barber, précité, font défaut en l' espèce.
26 Il est vrai que, en raison de la limitation dans le temps des effets de l' arrêt Barber, précité, des travailleurs affiliés à des régimes professionnels de pensions se trouvent dans l' impossibilité de se prévaloir de l' article 119 du traité à l' encontre de certaines discriminations concernant le versement de prestations dues au titre de périodes d' emploi antérieures au 17 mai 1990. Cependant, une telle limitation ne saurait être justifiée lorsque la discrimination dans le versement desdites prestations est la conséquence d' une discrimination relative au droit à l' affiliation à un tel régime.
27 Il convient, en dernier lieu, de préciser que, puisque l' arrêt Bilka, précité, n' a prévu aucune limitation de ses effets dans le temps, l' effet direct de l' article 119 peut être invoqué rétroactivement par un travailleur qui a été victime d' une discrimination concernant le droit à l' accès à un régime professionnel de pensions pour obtenir le versement de prestations au titre de ce régime, et ce depuis le 8 avril 1976, date de l' arrêt Defrenne, précité.
28 Dès lors, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la limitation des effets dans le temps de l' arrêt Barber ne s' applique pas au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, tel que celui en cause au principal, ni au droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un tel régime en violation de l' article 119 du traité.
Sur la troisième question
29 Par la troisième question, la juridiction nationale demande si les administrateurs d' un régime professionnel de pensions sont tenus, comme l' employeur, de respecter les dispositions de l' article 119 du traité et si le travailleur discriminé peut faire valoir ses droits directement à l' encontre de ces administrateurs.
30 A cet égard, il y a lieu de rappeler d' une part que, dans l' arrêt Barber, précité, la Cour, après avoir constaté que les pensions versées par des régimes professionnels conventionnellement exclus relèvent du champ d' application de l' article 119, a considéré que cette conclusion reste valable même si le régime est constitué sous la forme d' un trust et géré par des trustees jouissant d' une indépendance formelle vis-à-vis de l' employeur, étant donné que l' article 119 vise également les avantages payés par l' employeur de manière indirecte (points 28 et 29).
31 D' autre part, dans l' arrêt Fisscher, précité, la Cour a considéré que les administrateurs d' un régime de pensions, qui sont appelés à servir des prestations qui constituent une rémunération au sens de l' article 119, sont tenus de respecter cette disposition en faisant tout ce qui relève de leurs compétences pour assurer le respect du principe de l' égalité de traitement en la matière et que les affiliés doivent pouvoir l' invoquer à leur encontre. L' effet utile de l' article 119 serait considérablement amoindri et il serait sérieusement porté atteinte à la protection juridique qu' exige une égalité effective, si un travailleur ne pouvait invoquer cette disposition qu' à l' égard de l' employeur, à l' exclusion des administrateurs du régime expressément chargés d' exécuter les obligations de ce dernier (point 31).
32 Il y a lieu dès lors de répondre à la troisième question que les administrateurs d' un régime professionnel de pensions sont tenus, tout comme l' employeur, de respecter les dispositions de l' article 119 du traité et que le travailleur discriminé peut faire valoir ses droits directement à l' encontre de ces administrateurs.
Sur la quatrième question
33 Par la quatrième question, il est demandé si le fait, pour un travailleur, de pouvoir prétendre à l' affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions lui permet de se soustraire au paiement des cotisations afférentes à la période d' affiliation concernée.
34 Ainsi que la Cour l' a dit pour droit dans l' arrêt Fisscher, précité, le fait, pour un travailleur, de pouvoir prétendre à l' affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions ne lui permet pas de se soustraire au paiement des cotisations afférentes à la période d' affiliation concernée.
Sur la cinquième question
35 Par la cinquième question, la juridiction nationale demande en substance si les règles nationales relatives aux délais de recours de droit interne sont opposables aux travailleurs qui font valoir leur droit à l' affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions ou au versement d' une pension de retraite.
36 Il suffit de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, en l' absence d' une réglementation communautaire en la matière, les règles nationales relatives aux délais de recours sont applicables également aux recours fondés sur le droit communautaire, à condition qu' elles ne soient pas moins favorables pour ces derniers que pour les recours similaires de droit interne et qu' elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 12).
37 Il y a lieu dès lors de répondre à la cinquième question que les règles nationales relatives aux délais de recours de droit interne sont opposables aux travailleurs qui font valoir leur droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ou au versement d' une pension de retraite, à condition qu' elles ne soient pas moins favorables pour ce type de recours que pour les recours similaires de droit interne et qu' elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire.
Sur la sixième question
38 Par la sixième question, la juridiction nationale demande en substance quelle incidence peuvent avoir, dans le contexte de la présente affaire, le projet de loi nationale visant à mettre en oeuvre la directive 86/378, précitée, d' une part, et le protocole n 2, d' autre part.
39 S' agissant du projet de loi nationale, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n' appartient pas à la Cour d' interpréter le droit national ni d' apprécier ses effets dans le cadre de la procédure de l' article 177 du traité (voir, notamment, arrêt du 3 février 1977, Benedetti, 52/76, Rec. p. 163, point 25). Une telle conclusion s' impose a fortiori s' agissant d' un simple projet de loi.
40 Quant au protocole n 2, la Cour a dit pour droit dans les arrêts Vroege et Fisscher, précités, qu' il n' a aucune incidence sur le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, qui demeure régi par l' arrêt Bilka, précité.
41 Pour les raisons indiquées dans le cadre de la réponse à la deuxième question, la même conclusion s' impose en ce qui concerne le droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un régime professionnel en violation de l' article 119 du traité.
42 Il y a lieu dès lors de répondre à la sixième question que le protocole n 2 n' a aucune incidence sur le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ni sur le droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un régime professionnel en violation de l' article 119 du traité, droits qui demeurent régis par l' arrêt Bilka.
Sur les dépens
43 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
statuant sur les questions à elle soumises par le Kantongerecht te Rotterdam, par ordonnance du 18 octobre 1993, dit pour droit:
1) Le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions entre dans le champ d' application de l' article 119 du traité CEE et relève donc de l' interdiction de discrimination édictée à cet article. Cette interprétation ne dépend ni de la finalité de la législation nationale permettant de rendre obligatoire l' affiliation à un tel régime professionnel, ni de la circonstance que l' employeur a introduit une réclamation à l' encontre de la décision de rendre obligatoire ladite affiliation, ni de la réalisation éventuelle d' une enquête parmi les travailleurs en vue de la présentation d' une demande d' exemption à l' affiliation obligatoire.
2) La limitation des effets dans le temps de l' arrêt du 17 mai 1990, Barber (C-262/88), ne s' applique pas au droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions, tel que celui en cause au principal, ni au droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un tel régime en violation de l' article 119 du traité.
3) Les administrateurs d' un régime professionnel de pensions sont tenus, tout comme l' employeur, de respecter les dispositions de l' article 119 du traité et le travailleur discriminé peut faire valoir ses droits directement à l' encontre de ces administrateurs.
4) Le fait, pour un travailleur, de pouvoir prétendre à l' affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions ne lui permet pas de se soustraire au paiement des cotisations afférentes à la période d' affiliation concernée.
5) Les règles nationales relatives aux délais de recours de droit interne sont opposables aux travailleurs qui font valoir leur droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ou au versement d' une pension de retraite, à condition qu' elles ne soient pas moins favorables pour ce type de recours que pour les recours similaires de droit interne et qu' elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire.
6) Le protocole n 2 sur l' article 119 du traité instituant la Communauté européenne, annexé au traité sur l' Union européenne, n' a aucune incidence sur le droit à l' affiliation à un régime professionnel de pensions ni sur le droit de percevoir une pension de retraite dans le cas d' un travailleur qui a été exclu de l' affiliation à un régime professionnel en violation de l' article 119 du traité, droits qui demeurent régis par l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka (170/84).