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Document 61993CJ0345

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 9 mars 1995.
    Fazenda Pública et Ministério Público contre Américo João Nunes Tadeu.
    Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal.
    Taxe automobile - Imposition intérieure - Discrimination.
    Affaire C-345/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 I-00479

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1995:66

    Arrêt de la Cour

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
    9 mars 1995 (1)


    «Taxe automobile – Imposition intérieure – Discrimination»

    Dans l'affaire C-345/93,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par la section du contentieux fiscal du Supremo Tribunal Administrativo et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Fazenda Pública, Ministério Público

    et

    Américo João Nunes Tadeu,

    une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CEE,

    LA COUR (cinquième chambre),,



    composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, juge, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward et J.-P. Puissochet (rapporteur), juges,

    avocat général: M. F. G. Jacobs,
    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

    considérant les observations écrites présentées:

    par M. Américo João Nunes Tadeu, avocat;

    pour le gouvernement portugais, par M. Luis Fernandes, directeur du service juridique de la direction générale des Communautés européennes du ministère des Affaires étrangères, et M me Maria Luisa Duarte, conseiller juridique à la même direction, en qualité d'agents;

    pour le gouvernement hellénique, par MM. Nikolaos Mavrikas, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l'État, et Dimitrios Anastassopoulos, mandataire judiciaire au Conseil juridique de l'État, en qualité d'agents;

    pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent;

    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Enrico Traversa et Francisco de Sousa Fialho, membres du service juridique, en qualité d'agents,

    vu le rapport d'audience,

    ayant entendu les observations orales du gouvernement portugais, du gouvernement hellénique, représenté par M. Panagiotis Kamarineas, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l'État, en qualité d'agent, et de la Commission, à l'audience du 17 novembre 1994,

    ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 décembre 1994,

    rend le présent



    Arrêt



    1
    Par arrêt du 26 mai 1993, parvenu à la Cour le 6 juillet suivant, le Supremo Tribunal Administrativo a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CEE.

    2
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Nunes Tadeu aux autorités fiscales portugaises (la Fazenda Pública), lequel réclame le remboursement d'une taxe automobile qu'il a acquittée lors de l'importation au Portugal d'une voiture d'occasion en provenance d'un autre État membre.

    3
    Le 10 août 1990, M. Nunes Tadeu a acheté en Belgique un véhicule automobile d'occasion de marque Peugeot, modèle 205 XS, pour un montant de 200 000 BFR. La première immatriculation du véhicule a eu lieu en Belgique le 11 février 1987. Le 20 août 1990, M. Nunes Tadeu est rentré au Portugal avec ce véhicule sous le couvert d'une immatriculation de transit et a procédé aux formalités relatives à son importation définitive.

    4
    En mai 1991, le bureau des douanes de Porto a réclamé à M. Nunes Tadeu le paiement d'une somme de 271 665 ESC, représentant le montant de la taxe automobile calculée conformément à l'article 1 er du Decreto-lei n° 152/89, du 10 mai 1989 ( Díario da República , série I, n° 107, du 10 mai 1989, p. 1858, ci-après le décret-loi), qui, dans sa version modifiée, disposait, à l'époque des faits:

    1.
    La taxe automobile (TA) est une taxe intérieure grevant les véhicules automobiles légers destinés au transport de passagers, importés neufs ou d'occasion, ou montés ou fabriqués au Portugal, et qui sont immatriculés.

    2.
    ...

    3.
    La taxe a un caractère spécifique; elle est applicable à un seul stade de la chaîne de commercialisation et son taux est variable en fonction de la cylindrée, conformément au barème annexé au présent texte, dont il fait partie intégrante.

    4.
    Une réduction de 10 % sur le montant résultant de la mise en oeuvre du barème visé au paragraphe antérieur est appliquée aux automobiles d'occasion importées et dont la première immatriculation remonte à plus de deux ans.

    5
    M. Nunes Tadeu a payé la taxe mais en a demandé, en décembre 1991, le remboursement devant le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto. Il a fait valoir que cette taxe était contraire aux articles 5, 85 et 95 du traité CEE, dans la mesure où elle s'appliquait aux véhicules d'occasion importés. Le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto ayant, par jugement du 3 avril 1992, fait droit aux prétentions de M. Nunes Tadeu, les autorités fiscales portugaises (la Fazenda Pública), soutenues par le ministère public portugais, ont interjeté appel de cette décision devant le Supremo Tribunal Administrativo qui a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    1)
    Le fait qu'au Portugal la taxe automobile aux caractéristiques décrites ci-dessus vient grever l'importation de véhicules automobiles légers d'occasion en provenance de Belgique alors qu'elle ne s'applique pas aux autres véhicules d'occasion, qu'ils aient été importés neufs ou montés ou fabriqués au Portugal, contrevient-il aux dispositions de l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité de Rome?

    2)
    La même imposition peut-elle être considérée comme une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, interdite par les articles 9 et 12 du traité?

    6
    A titre liminaire, il convient de relever que la taxe en question, dont la Cour a déjà eu à connaître dans le cadre de son arrêt du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673, points 53 et 54), s'applique sans distinction aussi bien aux véhicules montés et fabriqués au Portugal qu'à ceux importés, tant neufs que d'occasion, et fait partie d'un système général de taxes internes qui grèvent des catégories de produits en vertu d'un critère objectif, en l'espèce la cylindrée. Une telle taxe revêt le caractère d'une imposition intérieure au sens de l'article 95 du traité CEE.

    7
    Il y a donc lieu de répondre dès l'abord à la seconde question qu'une taxe automobile qui s'applique sans distinction aux véhicules montés ou fabriqués dans l'État membre où elle est perçue et aux véhicules importés, tant neufs que d'occasion, ne peut être qualifiée de droit de douane ou de taxe d'effet équivalent au sens des articles 9 et 12 du traité.

    8
    Par la première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la perception par un État membre d'une taxe sur les voitures d'occasion en provenance d'un autre État membre, alors qu'une telle taxe ne frappe pas les voitures d'occasion achetées sur le territoire national, est compatible avec l'article 95 du traité.

    9
    Le requérant au principal estime que cette différence de traitement est contraire à l'article 95 du traité au motif que la taxe litigieuse aurait pour effet de renchérir les véhicules d'occasion importés et, en conséquence, de favoriser le marché national des véhicules d'occasion.

    10
    Ainsi qu'il a été constaté, la taxe litigieuse frappe systématiquement sans distinction et selon des critères objectifs aussi bien les véhicules montés et fabriqués au Portugal que ceux importés, tant neufs que d'occasion. La taxe automobile ne s'applique pas aux transactions intérieures portant sur des voitures d'occasion puisqu'elle n'est perçue qu'une seule fois, lors de la première immatriculation du véhicule sur le territoire national, et qu'une part de cette taxe reste incorporée dans la valeur des voitures d'occasion déjà immatriculées et achetées sur le marché portugais.

    11
    Il y a lieu d'ajouter que, en l'état actuel, le droit communautaire ne comporte aucune règle qui empêche un État membre d'établir un régime général d'imposition intérieure grevant, selon des critères objectifs, une catégorie de marchandises déterminées, telle que celle en l'espèce.

    12
    Toutefois, pour l'application de l'article 95 et, en particulier, pour les besoins de la comparaison entre le régime de taxation des voitures d'occasion importées et celui des voitures d'occasion qui sont achetées sur place, lesquelles constituent des produits similaires ou concurrents, il y a lieu de prendre en considération, ainsi que la Cour l'a notamment jugé dans son arrêt du 11 décembre 1990, Commission/Danemark (C-47/88, Rec. p. I-4509, point 18), non seulement le taux de l'imposition intérieure frappant directement ou indirectement les produits nationaux et les produits importés, mais également l'assiette et les modalités de ladite taxe.

    13
    A cet égard, il est constant que pour les véhicules d'occasion importés, quels que soient leur ancienneté ou leur état d'utilisation, la taxe perçue au titre du décret-loi ne peut jamais être inférieure à 90 % de la taxe perçue sur une voiture neuve, alors que la part résiduelle de la taxe incorporée dans la valeur d'une voiture d'occasion achetée sur le territoire national peut être inférieure à ce montant dès lors que la valeur résiduelle de la taxe diminue proportionnellement à la dépréciation du véhicule.

    14
    Il en résulte que la perception d'une taxe automobile sur les voitures d'occasion importées, dont le montant est d'au moins 90 % du montant de la taxe grevant les voitures neuves, constitue généralement une surtaxation manifeste de ces véhicules par rapport à la part résiduelle de la taxe pour les voitures d'occasion préalablement immatriculées, achetées sur le marché portugais.

    15
    En conséquence, il y a lieu de constater qu'une règle, telle que celle contenue à l'article 1 er , paragraphe 4, du décret-loi, limitant à 10 % la réduction du montant de la taxe perçue sur les voitures neuves, sans prise en compte de la dépréciation réelle du véhicule, entraîne une taxation discriminatoire des voitures d'occasion importées.

    16
    Cette conclusion n'est pas affectée par la circonstance que, comme le relève le gouvernement néerlandais, la taxe automobile est calculée non pas sur la base d'une valeur taxable forfaitaire, mais en fonction de la cylindrée de la voiture. En effet, il demeure que la part résiduelle de la taxe incorporée dans la valeur d'une voiture d'occasion, achetée sur le territoire portugais, diminue automatiquement avec la dépréciation du véhicule, à la différence du montant de la taxe perçue sur les voitures d'occasion importées, laquelle, comme indiqué ci-dessus, ne peut jamais être inférieure à 90 % du montant de la taxe perçue sur les voitures neuves.

    17
    Le gouvernement portugais fait valoir que ce régime fiscal vise seulement à garantir une égalité de principe entre la valeur commerciale des automobiles d'occasion nationales et celle des automobiles d'occasion importées. Il ne saurait, selon le gouvernement portugais, avoir un effet discriminatoire ou protecteur dans la mesure où le prix d'un véhicule d'occasion importé, même après l'ajout de la taxe automobile, est inférieur au prix d'un véhicule d'occasion national équivalent.

    18
    Cette argumentation ne saurait être retenue. Un régime fiscal national qui tendrait à éliminer un avantage concurrentiel des produits importés par rapport aux produits nationaux serait manifestement contraire à l'article 95, qui vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés (voir arrêt Commission/Danemark, précité, point 9).

    19
    Enfin, le gouvernement portugais a évoqué certaines difficultés pratiques liées à l'estimation de la valeur marchande réelle des véhicules d'occasion aux fins du calcul de la taxe litigieuse. A supposer que leur existence soit établie, de telles difficultés ne sauraient être de nature à justifier l'application d'impositions intérieures discriminatoires à l'égard des produits originaires d'autres États membres, contraires à l'article 95 du traité.

    20
    Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la première question que la perception par un État membre d'une taxe sur les voitures d'occasion en provenance d'un autre État membre est contraire à l'article 95 du traité CEE lorsque le montant de la taxe, calculé sans prise en compte de la dépréciation réelle du véhicule, excède le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur des véhicules automobiles d'occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national.


    Sur les dépens

    21
    Les frais exposés par les gouvernements portugais, hellénique et néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre),

    statuant sur les questions à elle soumises par la section du contentieux fiscal du Supremo Tribunal Administrativo, par arrêt du 26 mai 1993, dit pour droit:

    1)
    Une taxe automobile qui s'applique sans distinction aux véhicules montés ou fabriqués dans l'État membre où elle est perçue et aux véhicules importés, tant neufs que d'occasion, ne peut être qualifiée de droit de douane ou de taxe d'effet équivalent au sens des articles 9 et 12 du traité CEE.

    2)
    La perception par un État membre d'une taxe sur les voitures d'occasion en provenance d'un autre État membre est contraire à l'article 95 du traité CEE lorsque le montant de la taxe, calculé sans prise en compte de la dépréciation réelle du véhicule, excède le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur des véhicules automobiles d'occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national.

    Moitinho de Almeida

    Edward

    Puissochet

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 1995.

    Le greffier

    Le président de chambre faisant fonction

    R. Grass

    J. C. Moitinho de Almeida


    1
    Langue de procédure: le portugais.

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