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Document 61993CC0156

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 18 mai 1995.
    Parlement européen contre Commission des Communautés européennes.
    Réglementation du mode de production biologique de produits agricoles - Compétences respectives du Conseil et de la Commission - Prérogatives du Parlement.
    Affaire C-156/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 I-02019

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1995:145

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. F. G. JACOBS

    présentées le 18 mai 1995 ( *1 )

    1. 

    La présente affaire concerne la question difficile et sensible de l'inclusion ou de l'exclusion de micro-organismes génétiquement modifiés (ci-après « MOGM ») dans des produits agricoles issus d'une production biologique. Le Parlement vise à obtenir l'annulation, en tout ou en partie, du règlement (CEE) no 207/93 de la Commission, du 29 janvier 1993 (ci-après le « règlement »), établissant le contenu de l'annexe VI du règlement (CEE) no 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires et fixant les modalités d'application des dispositions de l'article 5, paragraphe 4, de ce règlement ( 1 ).

    2. 

    Le Parlement allègue que, en adoptant le règlement, la Commission a ouvert la voie à l'utilisation de MOGM dans des produits agricoles issus d'une production biologique et qu'elle a agi en violation des prérogatives du Parlement.

    La réglementation communautaire pertinente

    a) La directive 90/219/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés ( 2 )

    3.

    Cette directive établit des mesures communes pour l'utilisation confinée des microorganismes génétiquement modifiés en vue de la protection de la santé humaine et de l'environnement (article 1er). Elle a été arrêtée par le Conseil sur le fondement de l'article 130 S du traité.

    4.

    La directive établit certaines règles et procédures à suivre par les utilisateurs de MOGM dans les opérations qui comportent l'utilisation ou la manipulation de ces micro-organismes. La directive n'établit pas de règles relatives aux types de produits, agricoles ou autres, dans lesquels les MOGM peuvent ou ne peuvent pas être incorporés. Elle n'est pertinente pour la présente affaire que dans la mesure où elle contient une définition des MOGM.

    5.

    L'article 2, sous a), définit le « microorganisme » comme étant « toute entité microbiologique, cellulaire ou non cellulaire, capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique ». L'article 2, sous b), définit le « micro-organisme génétiquement modifié » comme étant un « microorganisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne se produit pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». L'« utilisation confinée » est définie à l'article 2, sous c), comme étant « toute opération dans laquelle des micro-organismes sont génétiquement modifiés ou dans laquelle des microorganismes génétiquement modifiés sont cultivés, stockés, utilisés, transportés, détruits ou éliminés, et pour laquelle des barrières physiques, ou une combinaison de barrières physiques et de barrières chimiques et/ou biologiques, sont utilisées en vue de limiter le contact de ces micro-organismes avec l'ensemble de la population et l'environnement ».

    b) La directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, revive à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement ( 3 )

    6.

    Cette directive vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et à protéger la santé humaine et l'environnement en ce qui concerne la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement ou la mise sur le marché de produits consistant en organismes génétiquement modifiés ou en contenant, destinés ensuite à une dissémination volontaire dans l'environnement. Le fondement juridique de la directive est l'article 100 A du traité.

    7.

    Aux termes de l'article 2, point 1), de la directive, on entend par « organisme », « toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel biologique ». L'article 2, point 2), définit l'« organisme génétiquement modifié (OGM) » comme étant un « organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Cette directive a un champ d'application matériel plus étendu que la directive 90/219: cette dernière ne s'applique qu'aux micro-organismes, tandis que la première s'applique à la fois aux micro-organismes et aux organismes qui incluent des microorganismes.

    8.

    L'article 2, point 3), de la directive définit la « dissémination volontaire » comme étant « toute introduction intentionnelle dans l'environnement d'un OGM ou d'une combinaison d'OGM sans mesures de confinement telles que des barrières physiques ou une combinaison de barrières physiques et de barrières chimiques et/ou biologiques utilisées en vue de limiter le contact de ces organismes avec l'ensemble de la population et l'environnement ».

    9.

    L'article 4 dispose que les États membres veillent à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d'éviter les effets négatifs pour la santé humaine et l'environnement qui pourraient résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d'OGM. La partie B de la directive (articles 5 à 9) concerne la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement à des fins de recherche et de développement et à toute autre fin que leur mise sur le marché. Cette partie est sans rapport avec la présente affaire.

    10.

    Est pertinente en revanche la partie C (articles 10 à 18) qui concerne la mise sur le marché de produits contenant des OGM. La procédure suivant laquelle un fabricant ou un importateur dans la Communauté d'un OGM (ou d'une combinaison d'OGM) obtient l'autorisation de le mettre sur le marché peut être résumée comme suit:

    1)

    Le fabricant ou l'importateur dans la Communauté doit présenter une notification à l'autorité compétente de l'État membre où ce produit sera mis sur le marché pour la première fois (article 11, paragraphe 1). Le contenu de la notification est précisé à l'article 11 et aux annexes II et III. La demande contient, notamment, un projet d'étiquetage et d'emballage, qui doit comprendre au moins les spécifications énumérées à l'annexe III.

    2)

    L'autorité compétente de l'État membre concerné examine ensuite la notification. Elle peut, dans un délai de 90 jours après réception de la notification, informer le notifiant que la dissémination envisagée ne remplit pas les conditions énoncées dans la directive et qu'elle est rejetée [article 12, paragraphe 2, sous b)]. Ou, si l'autorité compétente ne rejette pas la demande, elle peut transmettre le dossier à la Commission avec avis favorable [article 12, paragraphe 2, sous a)].

    3)

    Dès la réception du dossier, la Commission le transmet aux autorités compétentes de tous les États membres. Si, dans un délai déterminé, l'autorité compétente concernée n'a pas reçu d'indication contraire de la part d'un autre État membre, elle donne son consentement par écrit à la notification de manière à permettre la mise sur le marché du produit et elle en informe les autres États membres et la Commission (article 13, paragraphes 1 et 2).

    4)

    L'autorité compétente d'un autre État membre peut émettre une objection dans le délai indiqué. Elle doit motiver son objection. Si les autorités compétentes concernées ne parviennent pas à un accord, la Commission prend une décision selon la procédure consultative prévue à l'article 21 ( 4 ) (article 13, paragraphe 3). La décision de la Commission peut être être favorable ou non.

    5)

    Selon l'article 13, paragraphe 4, lorsque la Commission a pris une décision favorable, l'autorité compétente qui a reçu la notification donne son consentement par écrit à la mise sur le marché du produit.

    6)

    Dès qu'un produit a fait l'objet d'un consentement, il peut être utilisé sans autre notification sur tout le territoire de la Communauté, pour autant que toutes les conditions imposées soient respectées (article 13, paragraphe 5).

    11.

    La procédure contient donc un certain nombre de garanties. Aucun produit contenant un OGM ne peut être mis sur le marché sans consentement. Les autorités compétentes de l'État membre qui reçoit la notification peuvent refuser l'autorisation de mise sur le marché du produit. Le consentement ne peut être donné que si la Commission et une majorité qualifiée des États membres marquent leur accord (sous réserve de la procédure du comité qui prévoit que le Conseil statue dans certaines circonstances). L'article 10 de la directive détermine les conditions de base qui doivent être remplies préalablement à l'obtention du consentement. L'article 16 de la directive prévoit une garantie supplémentaire. Lorsqu'un État membre a des raisons valables de considérer qu'un produit ayant fait l'objet d'un consentement présente un risque pour la santé humaine, il peut en limiter, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente.

    c) Le règlement (CEE) no 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires ( 5 )

    12.

    C'est ce règlement (ci-après le « règlement de base ») que le règlement litigieux vise à mettre en œuvre. Il a été arrêté par le Conseil sur le fondement de l'article 43 du traité. Le règlement établit certaines règles de production, d'étiquetage et de contrôle permettant de protéger l'agriculture biologique. Il vise à garantir des conditions de concurrence loyale entre les producteurs des produits portant les indications prescrites et à empêcher l'anonymat dans le marché des produits biologiques en assurant la transparence à chaque étape de la production et de la préparation. Il s'applique aux produits agricoles végétaux non transformés de production biologique ainsi qu'aux animaux et aux produits animaux non transformés dans certaines circonstances [article 1er, paragraphe 1, sous a)] et aux produits de production biologique destinés à l'alimentation humaine, composés essentiellement d'un ou de plusieurs ingrédients d'origine végétale, ou, dans certaines circonstances, de produits destinés à l'alimentation humaine contenant des ingrédients d'origine animale [article 1er, paragraphe 1, sous b)].

    13.

    L'article 3 prévoit que le règlement s'applique sans préjudice des autres dispositions communautaires régissant la production, la préparation, la commercialisation, l'étiquetage et le contrôle des produits visés à l'article 1er.

    14.

    Les articles 6 et 7 définissent les règles de production biologique. La production biologique implique en substance que les méthodes définies à l'annexe I du règlement de base soient respectées et que seules les substances énumérées à l'annexe II du règlement de base soient appliquées aux produits pendant leur culture. L'article 6, paragraphe 2, contient une dérogation suivant laquelle des semences traitées avec des substances ne figurant pas à l'annexe II peuvent être utilisées dans certaines circonstances.

    15.

    L'article 5 du règlement de base énumère les règles relatives à l'étiquetage et la publicité des produits biologiques. L'article 5, paragraphe 3, notamment, prévoit essentiellement:

    «3.

    Dans l'étiquetage ou la publicité d'un produit visé à l'article 1er, paragraphe 1 point b) [c'est-à-dire les produits destinés à l'alimentation humaine, composés essentiellement d'un ou de plusieurs ingrédients d'origine végétale ou, dans certaines circonstances, contenant des ingrédients d'origine animale], il ne peut être fait référence, dans la dénomination de vente du produit, au mode de production biologique que dans la mesure où:

    a)

    tous les ingrédients d'origine agricole du produit sont des produits ou proviennent de produits obtenus conformément aux règles énoncées aux articles 6 et 7 ou importés de pays tiers dans le cadre du régime prévu à l'article 11;

    b)

    le produit contient uniquement des substances figurant à l'annexe VI point A en tant qu'ingrédients d'origine non agricole;

    c)

    le produit ou ses ingrédients n'ont pas été soumis, au cours de la préparation, à des traitements au moyen de rayons ionisants ou de substances ne figurant pas à l'annexe VI point B;

    ... »

    16.

    En d'autres termes, l'annexe VI, point A, constitue une liste limitative des substances dont l'utilisation est autorisée. L'annexe VI, point B, constitue une liste limitative des auxiliaires technologiques. Les substances ne figurant pas sur la liste ne peuvent pas être utilisées dans la production biologique. Le règlement litigieux vise à établir le contenu de l'annexe VI du règlement de base.

    17.

    L'article 5 établit une distinction entre trois catégories de produits composés de plusieurs ingrédients. Si tous les ingrédients d'origine agricole ont été obtenus par le mode de production biologique, les indications se référant au mode de production biologique peuvent apparaître dans la dénomination de vente du produit conformément à l'article 5, paragraphe 3, sous a). Si au moins 50 % des ingrédients d'origine agricole ont été obtenus par le mode de production biologique, les indications se référant au mode de production biologique ne peuvent apparaître, conformément à l'article 5, paragraphe 6, que sur la liste des ingrédients figurant dans la directive 79/112/CEE. Lorsque moins de 50 % des ingrédients d'origine agricole ont été obtenus par le mode de production biologique, l'étiquetage ne peut contenir aucune indication se référant au mode de production biologique.

    18.

    L'article 5, paragraphe 7, prévoit que des règles détaillées concernant la mise en oeuvre dudit article peuvent être fixées selon la procédure prévue à l'article 14 qui autorise la Commission, assistée par un comité de réglementation, à arrêter les mesures concernées ( 6 ). L'article 13 prévoit en outre que les modifications à l'annexe VI sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 14.

    19.

    Des Ustes limitatives des substances et produits visés à l'article 5, paragraphe 3, sous b) et c), et aux premier et second tirets de l'article 5, paragraphe 4, doivent être établies à l'annexe VI conformément à la procédure prévue à l'article 14 (article 5, paragraphe 8).

    20.

    L'article 5, paragraphe 9, prévoit:

    « Avant le 1er juillet 1993, la Commission réexamine les dispositions du présent article, en particulier des paragraphes 5 et 6, et présente toute proposition appropriée en vue de sa révision éventuelle. »

    21.

    L'annexe VI du règlement de base contient trois intitulés de chapitres, mais ces derniers n'avaient pas de contenu. Les intitulés sont les suivants:

    «A.

    Substances permises en tant qu'ingrédients d'origine non agricole (article 5 paragraphe 3 point b)):

    B.

    Substances dont l'utilisation est permise au cours de la préparation (article 5 paragraphe 3 point c)):

    C.

    Ingrédients d'origine agricole (article 5 paragraphe 4) ».

    22.

    Le règlement de base, tel qu'il a été arrêté par le Conseil le 24 juin 1991, ne mentionne pas les MOGM. La proposition de règlement du Conseil concernant le mode de production biologique des produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires ( 7 ), présentée par la Commission, ne les mentionnait pas davantage. Le Parlement a approuvé la proposition de la Commission le 19 février 1991 mais a proposé un certain nombre d'amendements ( 8 ). Il a proposé, notamment, un amendement (amendement no 12) qui visait à donner une définition des MOGM ( 9 ). Il a également proposé deux amendements (amendements nos 15 et 60) aux termes desquels il ne peut être fait référence, dans l'étiquetage d'un produit, au mode de production biologique si des MOGM ont été introduits dans le produit, si le mode de production a comporté l'introduction de MOGM, ou si le produit ou ses ingrédients ont été soumis à un traitement par des MOGM ( 10 ). Le membre de la Commission avait signalé, la veille de l'adoption des amendements par le Parlement, que:

    « La Commission partage également les préoccupations exprimées dans les amendements nos 12, 60, 100 et 102, qui visent l'interdiction des organismes génétiquement modifiés dans la culture biologique. Ces organismes, cependant, ne sont pas encore commercialisés et, pour l'heure, leur utilisation n'a pas été autorisée même dans l'agriculture traditionnelle. Toutes dispositions prises dans ce domaine doivent être en harmonie avec d'autres dispositions communautaires pertinentes et méritent un examen technique approfondi. Je déplore, donc, de ne pouvoir approuver ces amendements en l'état actuel des choses, mais je puis assurer le Parlement que des études techniques seront engagées, de sorte qu'une décision appropriée puisse être envisagée et mise au point sur la culture biologique dans les plus brefs délais » ( 11 ).

    23.

    Par conséquent, la proposition modifiée de règlement du Conseil concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires ( 12 ), présentée par la Commission, ne mentionnait pas les MOGM.

    d) Le règlement (CEE) no 207/93 de la Commission, du 29 janvier 1993, établissant le contenu de l'annexe VI du règlement (CEE) no 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires et fixant les modalités d'application des dispositions de l'article 5, paragraphe 4, de ce règlement

    24.

    Il s'agit du règlement litigieux. Il a été arrêté par la Commission sur le fondement de l'article 5, paragraphes 7 et 8, du règlement de base. Le quatrième considérant du préambule précise que l'annexe VI devrait tenir compte du fait que les consommateurs s'attendent à ce que les produits transformés selon le mode de production biologique soient essentiellement composés d'ingrédients naturels. Toutefois, le cinquième considérant prévoit que d'autres ingrédients ou auxiliaires technologiques autorisés dans les denrées alimentaires transformées de manière traditionnelle, et de préférence naturels, peuvent figurer à l'annexe VI, à condition qu'il ait été établi qu'il est impossible de produire ou de conserver des denrées alimentaires biologiques sans avoir recours à de telles substances. Le sixième considérant déclare que, en ce qui concerne les enzymes dérivés de micro-organismes, il y a lieu d'établir si ces produits obtenus de MOGM au sens de la directive 90/220 peuvent être utilisés dans des denrées alimentaires dont l'étiquette indique un mode de production biologique et que cette question sera étudiée en détail lorsque l'utilisation de ces enzymes dans les denrées alimentaires aura été agréée conformément à la législation communautaire pertinente.

    25.

    L'article 1er du règlement prévoit qu'une annexe définit le contenu de l'annexe VI du règlement de base. Selon l'article 2, toute modification des parties A et B de l'annexe VI ne doit être adoptée que si certaines conditions sont remplies. L'annexe contient la liste des ingrédients et auxiliaires technologiques autorisés. Elle contient également une introduction qui énonce un certain nombre de principes généraux. L'un de ces principes est formulé comme suit:

    « La référence à un ingrédient des parties A et C ou à un auxiliaire technologique de la partie B n'exclut pas l'obligation de respecter la législation communautaire applicable en l'espèce et/ou la législation nationale relative aux denrées alimentaires, compatible avec le traité, ou, à défaut, les principes d'une bonne pratique en matière de fabrication de denrées alimentaires. En particulier, les additifs doivent être utilisés conformément aux dispositions de la directive 89/107/CEE et, le cas échéant, à celles d'une directive globale au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 89/107/CEE; les arômes doivent être utilisés conformément aux dispositions de la directive 88/388/CEE et les solvants conformément à celles de la directive 88/344/CEE du Conseil, du 13 juin 1988, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les solvants d'extraction utilisés dans la fabrication des denrées alimentaires et de leurs ingrédients. »

    26.

    La partie A de l'annexe VI contient un point A.4 ainsi libellé:

    « Préparations à base de micro-organismes

    i)

    Les préparations à base de microorganismes utilisées normalement dans la transformation des produits alimentaires, a l'exception des organismes modifiés génétiquement au sens de l'article 2 paragraphe 2 de la directive 90/220/CEE.

    ii)

    Les micro-organismes modifiés génétiquement au sens de l'article 2 paragraphe 2 de la directive 90/220/CEE pour antant qu'ils aient été retenus conformément à la procédure de décision de l'article 14.» (souligné par nous).

    27.

    La partie B de l'annexe VI contient le point suivant:

    « Préparations de micro-organismes et enzymes:

    i)

    toute préparation à base de microorganismes et préparation enzymatique utilisées normalement comme auxiliaires technologiques dans la transformation des produits alimentaires, a l'exception des micro-organismes modifiés génétiquement au sens de l'article 2 paragraphe 2 de la directive 90/220/CEE;

    ii)

    les micro-organismes modifiés génétiquement au sens de l'article 2 paragraphe 2 de la directive 90/220/CEE, pour autant qu'ils aient été retenus conformément a la procédure de décision de l'article 14.» (souligné par nous).

    28.

    La « procédure de décision de l'article 14 » à laquelle il est fait référence est la procédure du comité de réglementation établie à l'article 14 du règlement de base.

    29.

    Dans l'état actuel de la législation, l'utilisation de MOGM dans la transformation ou la production d'aliments biologiques n'est donc pas autorisée. Aucun MOGM n'est inscrit dans la liste des substances figurant à l'annexe VI, partie A, point A.4, ou à l'annexe VI, partie B. Bien que les MOGM soient mentionnés à l'annexe VI, partie A, point A.4, sous ii), et à l'annexe VI, partie B, sous ii), le règlement impose le respect de certaines conditions — procédurales et de fond — avant qu'un MOGM puisse être inclus dans les listes.

    30.

    Un MOGM ne peut être utilisé dans la transformation ou la production de produits biologiques que moyennant le respect de deux procédures cumulatives:

    1)

    pour procéder à la dissémination volontaire ou à la mise sur le marché de produits consistant en MOGM ou en contenant, il faut obtenir un consentement conformément à la directive 90/220, ainsi que cela a été expliqué plus haut;

    2)

    le MOGM particulier en cause doit faire l'objet d'une mesure arrêtée par la Commission conformément à l'article 14 du règlement de base [annexe VI, parties A, point A.4, sous ii) et B, sous ii)].

    31.

    L'article 3 du règlement de base (point 12 ci-dessus) précise que ces conditions sont cumulatives. L'article 5, paragraphe 8, indique qu'un État membre peut demander qu'un produit soit ajouté à l'annexe VI. En outre, par l'effet de l'article 3, si la production, la préparation, la commercialisation, l'étiquetage ou le contrôle d'un produit sont régis par d'autres dispositions communautaires, ces dispositions s'appliquent également. La commercialisation du produit peut ainsi se heurter à un troisième obstacle. Par exemple, si une disposition communautaire particulière régit l'utilisation des MOGM dans la production de froment, il convient de la respecter également.

    32.

    La Commission a établi les conditions de fond à l'article 2 du règlement litigieux. Toute insertion future d'un MOGM dans les listes figurant à l'annexe VI constituera une modification des parties A ou B de ladite annexe. Selon l'article 2, sous b), un MOGM ne sera inclus dans la liste des auxiliaires technologiques que si deux conditions sont remplies: il faut, premièrement, que le MOGM soit généralement accepté dans la transformation des produits alimentaires (non biologiques) et, deuxièmement, qu'il soit impossible de produire ces denrées alimentaires sans avoir recours à lui. L'article 2 ne concerne que les MOGM à inclure dans la partie B; il ne s'applique pas aux MOGM à inclure dans la partie A, point A.4, de l'annexe VI.

    e) La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires

    33.

    Le 7 juillet 1992, la Commission a adopté une proposition de règlement du Conseil relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires ( 13 ). La Commission a présenté une proposition modifiée le 1er décembre 1993 ( 14 ). Les deux propositions se référaient à l'article 100 A du traité en tant que base juridique pour l'adoption de l'acte. La proposition devra à présent être adoptée selon la procédure de codécision à la suite de la modification de l'article 100 A par le traité sur l'Union européenne. La proposition vise à réglementer la mise sur le marché d'aliments ou d'ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine est jusqu'ici restée négligeable et/ou qui ont été produits au moyen de procédés entraînant une modification sensible de leur composition, de leur valeur nutritive ou de leur utilisation prévue (article 1er). Les aliments et ingrédients alimentaires produits à partir d'OGM sont inclus. L'application du règlement proposé aux aliments biologiques n'est pas exclue par l'article 2. L'article 4 de la proposition modifiée (articles 5 et 6 de la proposition initiale) prévoit une procédure de consentement écrite qu'il convient d'observer avant la mise sur le marché de nouveaux aliments ou de nouveaux ingrédients alimentaires. L'article 5 de la proposition modifiée (article 7 de la proposition initiale) prévoit une procédure de consentement spéciale pour les ingrédients alimentaires qui contiennent des OGM au sens de la directive 90/220, ou sont constitués de tels organismes. En substance, l'article 5 rendrait inapplicable la procédure de consentement qui doit être suivie, conformément aux articles 11 à 18 de la directive 90/220, pour la mise sur le marché des OGM. L'article 10, paragraphe 2, de ladite directive le permet. Si la proposition est adoptée, la procédure de consentement visée aux articles 10 à 18 de la directive 90/220 sera remplacée par la procédure de l'article 5. Les grands principes sur la base desquels le consentement peut être accordé ou refusé sont semblables à ceux de la directive 90/220.

    Les moyens et arguments

    34.

    Le Parlement a invoqué trois moyens à l'appui de sa demande d'annulation du règlement. Ces moyens sont les suivants:

    a)

    En faisant figurer les MOGM à l'annexe du règlement, la Commission a outrepassé les pouvoirs que lui a conférés le Conseil, en violation de l'article 155, quatrième tiret, du traité, et de l'article 5, paragraphe 8, du règlement de base. Le Parlement allègue que la Commission a compromis les objectifs poursuivis par le règlement de base en sapant la confiance du consommateur dans le label biologique, en créant les conditions qui mettraient en péril, à l'avenir, la concurrence loyale et en ne respectant pas l'équilibre entre la production agricole et la protection de l'environnement. Le Parlement soutient qu'une disposition relative à la libre circulation des produits biologiques contenant des MOGM ne peut être adoptée que par le Conseil sur la base de l'article 100 A du traité.

    b)

    A titre subsidiaire, la Commission a détourné les pouvoirs qui lui sont conférés en laissant entendre, avec insistance, au Parlement que les MOGM ne seraient incorporés dans les produits alimentaires biologiques qu'après renvoi du problème au Parlement. Ce dernier allègue également que la base correcte pour l'autorisation de l'utilisation des MOGM dans la production biologique était la procédure prévue à l'article 5, paragraphe 9, du règlement de base.

    c)

    Troisièmement, en violation de l'article 190 du traité, la Commission n'a pas dûment motivé l'adoption du règlement qui autorise l'utilisation des MOGM. En outre, la proposition actuellement à l'examen concernant les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires a laissé entendre au Parlement que l'utilisation de MOGM dans la production de denrées alimentaires biologiques serait régie par la législation primaire: aucune déclaration dans le préambule du règlement ne vient ébranler cette conviction.

    35.

    Bien que le Parlement ait demandé à la Cour d'annuler le règlement dans sa totalité et, à titre subsidiaire seulement, d'annuler le cinquième considérant ainsi que le point A.4, sous ii), de la partie A et le point ii) de la partie B de l'annexe VI, tous ses arguments concernent les MOGM, et aucun ne se rapporte à une autre des substances énumérées à l'annexe. Le Parlement n'ayant avancé aucune argumentation pour étayer sa demande tendant à l'annulation du règlement dans sa totalité, il n'y a pas lieu d'examiner la question ( 15 ). Le recours est donc limité, au fond, à l'annulation du règlement en ce qu'il concerne les MOGM. Le Parlement a du reste précisé, dans sa requête, qu'il demandait l'annulation du règlement dans la mesure où celui-ci inclut des MOGM dans la liste des ingrédients pouvant entrer dans la composition des produits biologiques. C'est seulement dans la réplique que le Parlement suggère que le procédé, suivant lequel la Commission a décidé si les MOGM peuvent, ou ne peuvent pas, être autorisés dans les produits biologiques, viole ses prérogatives. Ainsi que nous le verrons, il n'est pas nécessaire d'examiner les conséquences procédurales pratiques de cette extension des moyens du Parlement, puisqu'elle n'affecte pas, à notre avis, la solution du litige.

    La recevabilité

    36.

    La Commission nourrit certains « doutes » quant à la recevabilité du présent recours. Bien qu'elle n'ait pas soulevé formellement un moyen d'irrecevabilité, la Commission se demande s'il est porté atteinte, dans cette affaire, aux prérogatives du Parlement.

    37.

    A notre avis, il convient de se demander si le recours est irrecevable au motif que, à l'égard des MOGM, le règlement ne produit pas les effets juridiques que le Parlement lui attribue. Il n'autorise pas l'utilisation des MOGM dans la production ou la transformation d'aliments biologiques. Les parties A, point A.4, sous i) et B, sous i) de l'annexe VI excluent les MOGM des listes des substances ou procédés autorisés.

    38.

    Ce que le Parlement conteste, au fond, c'est le fait que la Commission ait apporté des réserves à l'exclusion des MOGM à l'annexe VI, parties A, point A.4, sous i) et B, sous i), en incluant les parties A, point A.4, sous ii), et B, sous ii).

    39.

    Il s'agit donc de savoir si un effet juridique peut être attribué aux parties A, point A.4, sous ii), et B, sous ii). A l'audience, la Commission a admis que les parties A, point A.4, sous ii), et B, sous ii), étaient inconsistantes et avaient été ajoutées à la suite d'un compromis politique intervenu au comité de réglementation.

    40.

    La partie A, point A.4, sous ii), et la partie B, sous ii), de l'annexe VI précisent de nouveau la procédure à suivre pour modifier l'annexe VI. Cette procédure est déjà énoncée à l'article 14 du règlement de base. La Commission est obligée de la suivre si elle souhaite modifier l'annexe VI, que la procédure soit mentionnée ou non à l'annexe VI elle-même.

    41.

    En insérant les parties A, point A.4, sous ii), et B, sous ii), à l'annexe VI, la Commission a simplement annoncé son intention de suivre la procédure énoncée à l'article 14 du règlement de base dans l'hypothèse où elle souhaiterait, à l'avenir, autoriser les MOGM dans la fabrication de produits alimentaires biologiques. En d'autres termes, la Commission a annoncé son intention de suivre une procédure qui est, de toute façon, obligatoire pour modifier l'annexe VI.

    42.

    On pourrait considérer que le fait même de mentionner les MOGM dans le règlement produit les effets juridiques allégués par le Parlement parce que la Commission signale ainsi qu'elle ne les croit pas exclus, en tant que tels, de la production biologique. La Commission pense effectivement peut-être qu'il est possible, en principe, d'inclure les MOGM à l'annexe VI, mais une telle conviction ne produit pas d'effets juridiques. Même si la Commission avait cette conviction, celle-ci ne pourrait être traduite que dans un acte juridiquement contraignant, conformément à la procédure du comité de réglementation énoncée à l'article 14 du règlement de base. Le Parlement allègue toutefois que la violation de ses prérogatives produit des effets immédiats, qu'il faille ou non adopter des actes subséquents, et cite l'arrêt Luxembourg/Parlement ( 16 ) à l'appui de son allégation. Il s'agissait, dans cette affaire, d'une résolution du Parlement visant à répartir le personnel de son secrétariat général entre Bruxelles et Strasbourg. La Cour a déclaré que la résolution produisait des effets juridiques, même si elle devait être suivie de mesures d'exécution, parce qu'elle prévoyait une répartition permanente des services et du personnel entre ces deux villes ( 17 ). Les mesures subséquentes n'étaient nécessaires que pour exécuter une décision qui avait été prise. Dans la présente affaire, en revanche, la Commission a simplement annoncé aux parties A, point A.4, sous ii), et B, sous ii), de l'annexe VI qu'elle pourrait présenter des propositions visant à inclure les MO GM dans l'annexe VI au comité de réglementation prévu à l'article 14 du règlement de base: elle ne s'est pas engagée à présenter de telles propositions à l'avenir.

    43.

    Le Parlement peut sauvegarder ses prérogatives en formant un recours ayant pour objet l'annulation de toute modification future de l'annexe VI ajoutant les MOGM aux listes des ingrédients ou auxiliaires technologiques pouvant être utilisés dans la production biologique. Seule une modification de l'annexe VI produira, à notre avis, des effets juridiques.

    44.

    Ce n'est que si la Commission modifie l'annexe VI pour insérer les MOGM dans les listes que les questions de fond soulevées par le Parlement deviendront pertinentes. En l'absence d'une modification de ce genre, la Commission n'a pas arrêté, à l'égard des MOGM, de mesure produisant des effets juridiques et susceptible d'être annulée à la demande du Parlement.

    45.

    Bien que nous estimions le recours du Parlement irrecevable, nous examinerons néanmoins les questions de fond que ce dernier soulève.

    Le fond

    a) Le moyen tiré de l'incompétence

    46.

    Le Parlement soutient, à titre principal, que, en arrêtant le règlement litigieux, la Commission a excédé les pouvoirs que le Conseil lui a conférés dans le règlement de base.

    47.

    L'article 145 du traité prévoit expressément que le Conseil confère à la Commission les compétences d'exécution des règles qu'il établit et qu'il peut soumettre l'exercice de ces compétences déléguées à certaines modalités. Dans l'arrêt Rey Soda ( 18 ), la Cour a donné une interprétation large des compétences conférées par le Conseil à la Commission et elle a constaté que:

    « les limites de cette compétence doivent être appréciées à l'égard des objectifs généraux essentiels de l'organisation du marché et moins en fonction du sens littéral de l'habilitation ».

    48.

    Dans l'arrêt Allemagne/Commission ( 19 ), la Cour a déclaré que le Conseil n'est pas tenu de préciser les éléments essentiels des compétences déléguées et qu'une dispositionrédigée dans des termes généraux fournit une base d'habilitation suffisante. La Commission est toutefois tenue d'agir dans les limites qui peuvent être déduites de la finalité et du système de l'acte du Conseil ( 20 ).

    49.

    Les mesures arrêtées dans l'exercice des compétences déléguées ne sont pas invalides parce qu'elles sont adoptées selon une procédure différente de celle qui a été suivie lors de l'adoption de l'acte qui confère les compétences déléguées. La citation, par le Parlement, d'un passage de l'arrêt Romkes ( 21 ) est incorrecte. La Cour a constaté dans cet arrêt:

    « A cet égard, il convient de rappeler que ... on ne saurait exiger que tous les détails des règlements concernant la politique agricole commune soient établis par le Conseil selon la procédure de l'article 43 du traité, qu'il est satisfait à cette disposition dès lors que les éléments essentiels de la matière à régler ont été arrêtés conformément à la procédure qu'il prévoit, et que les dispositions d'exécution des règlements de base peuvent être arrêtées par le Conseil suivant une procédure différente de celle de l'article 43 du traité... Il convient de préciser, néanmoins, qu'un règlement d'exécution ... doit respecter les éléments essentiels de la matière qui ont été fixés dans le règlement de base après consultation du Parlement européen... »

    50.

    De même, la Commission peut adopter des mesures en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Conseil sans enfreindre les prérogatives du Parlement pourvu qu'elle respecte les éléments essentiels qui ont été fixés dans le règlement de base. Cette position a été confirmée récemment dans l'arrêt TACIS, à l'égard de mesures d'exécution adoptées par le Conseil lui-même ( 22 ).

    51.

    En l'espèce, un examen de la réglementation montre que la Commission n'a pas excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 5, paragraphe 8, du règlement de base. Premièrement, rien dans le règlement de base, tel qu'il a été arrêté par le Conseil, n'autorise ou n'interdit explicitement l'utilisation des MO GM dans la fabrication de produits alimentaires biologiques. Le règlement de base ne fait pas mention des MOGM. Dans la proposition initiale présentée par la Commission au Conseil, l'article 5, paragraphe 2, sous d), mentionnait deux types de substances ou procédés ne pouvant pas être utilisés lorsqu'il devait être fait référence au mode de production biologique dans l'étiquetage ou la publicité: il s'agissait des traitements au moyen de substances chimiques de synthèse (sous réserve de l'exception prévue à l'article 7) ou de rayons ionisants. Il convient de rappeler que l'article 5, paragraphe 3, sous c), du règlement de base, tel qu'il a été adopté par le Conseil, ne contient pas l'interdiction générale des traitements au moyen de substances chimiques de synthèse. La seule interdiction qui subsiste dans des termes généraux est celle de l'utilisation de rayons ionisants.

    52.

    Le Parlement avait proposé un amendement visant à interdire, en principe, l'utilisation des MOGM dans la fabrication des produits alimentaires biologiques. La Commission l'a rejeté et le Conseil ne l'a pas réintroduit, ainsi qu'il aurait pu le faire. Aucun terme de l'article 5 du règlement de base n'interdit donc expressément à la Commission d'inclure les MOGM à l'annexe VI. On ne saurait davantage déduire une telle interdiction de l'économie du règlement de base.

    53.

    Nous en venons ensuite à l'argument du Parlement selon lequel seul l'article 100 A du traité peut servir de base juridique à une disposition autorisant la libre circulation de certains types de produits agricoles dans le marché commun. A notre avis, cet argument ne concorde pas avec les termes du titre II du traité relatif à l'agriculture. En effet, l'article 38 du traité vise expressément l'établissement du marché commun pour les produits agricoles. L'emploi optimal des facteurs de production, visé à l'article 39, paragraphe 1, du traité, postule l'établissement d'un marché commun pour les produits agricoles. Rien, dans le titre II, n'empêche donc d'utiliser l'article 43 du traité comme base juridique d'un acte qui contient une disposition relative à la libre circulation, comme c'est généralement le cas des règlements relatifs aux organisations communes de marché. En tout état de cause, ce moyen est dirigé au fond contre l'article 12 du règlement de base, qui prévoit la libre circulation à l'intérieur de la Communauté, et pas contre le règlement litigieux. Ce dernier n'exige pas que les MOGM, en tant que tels, circulent librement. Une fois les MOGM autorisés, ils relèvent des dispositions sur la Ubre circulation dans la mesure où ils sont utilisés dans le cadre de la fabrication de produits alimentaires biologiques.

    54.

    Le Parlement a affirmé à l'audience que la Codex Alimentarais Commission, agissant sous les auspices de la Food and Agriculture Organization des Nations unies, avait décidé d'interdire l'utilisation des MOGM dans les denrées alimentaires biologiques lors de sa 23e session d'octobre 1994 à Ottawa. La Communauté faisant actuellement partie de la Food and Agriculture Organization, le Parlement en conclut qu'elle est tenue de prendre dûment en considération les décisions définitives adoptées par la Codex Alimentarius Commission. Un examen du rapport de la 23e session du Codex Committee on Food Labelling ( 23 ) montre qu'aucune décision définitive n'a été adoptée. De fait, le rapport conclut:

    « The Working Group considered that in view of the changing nature of organic food production techniques since the last meeting of the Committee and the need for much more time to consider the technical issues involved, the draft Guidelines should be returned to Step 6 of the procedure. » ( 24 )

    55.

    Il n'est donc pas nécessaire d'examiner quelles seraient les conséquences juridiques d'une décision définitive de la Codex Alimentarius Commission sur ce point, puisqu'il n'y en a pas eu.

    56.

    Finalement, l'adoption du règlement litigieux n'a, à notre avis, porté atteinte en aucune manière aux prérogatives du Parlement en ce qui concerne la procédure d'adoption de la proposition relative aux nouveaux aliments visée au point 32 ci-dessus. Un examen de la portée et des dispositions de cette proposition n'indique en rien comment les prérogatives du Parlement pourraient être affectées par l'adoption du règlement litigieux. La proposition relative aux nouveaux aliments n'est pas susceptible d'affecter les circonstances dans lesquelles les MOGM pourraient ou ne pourraient pas être utilisés dans la production biologique. La proposition, si elle est adoptée, introduirait simplement une nouvelle procédure pour l'approbation de l'utilisation d'OGM dans les denrées alimentaires en général, au lieu de celle qui existe dans la directive 90/220. Il convient, par ailleurs, de ne pas oublier que la proposition relative aux nouveaux aliments doit à présent être adoptée par le Parlement selon la procédure de codécision.

    b) Le moyen tiré du détournement de pouvoir

    57.

    Le Parlement fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a commis un détournement du pouvoir en arrêtant le règlement litigieux. Ce faisant, il s'appuie avec force sur son interprétation de la déclaration du membre de la Commission qui est reproduite au point 22 ci-dessus. Le Parlement prétend que le membre de la Commission « a laissé entendre, avec insistance, que ce problème (de l'utilisation des MOGM dans la production biologique) serait renvoyé au Parlement... ». Nous ne sommes pas d'accord avec cette interprétation de la déclaration. Le membre de la Commission a dit clairement que la Commission ne pouvait approuver l'amendement proposé par le Parlement qui aurait abouti à interdire, en principe, l'utilisation d'OGM dans la production biologique. Le membre de la Commission a déclaré également qu'il serait prématuré d'adopter, dans un sens ou un autre, une position définitive sur la question avant d'avoir procédé à d'autres études techniques. Ainsi, tout en refusant les amendements du Parlement, le membre de la Commission a affirmé que la « Commission partage également les préoccupations exprimées », ce qui indique qu'elle n'a pas encore pris de décision définitive au sujet des MOGM. Cette position est reflétée dans le règlement lui-même: bien que l'utilisation des MOGM ne soit pas libéralisée, elle peut être autorisée sous certaines conditions.

    58.

    Nous n'estimons pas davantage que la déclaration du membre de la Commission contienne une quelconque promesse de renvoyer le problème au Parlement. La déclaration ne se réfère pas expressément à une nouvelle consultation. Elle ne saurait davantage être considérée comme le support d'un engagement indirect d'utiliser la procédure prévue à l'article 5, paragraphe 9, du règlement de base plutôt que celle énoncée à l'article 5, paragraphes 7 et 8. En réalité, à l'époque où la déclaration a été faite, le 18 février 1991, la proposition de règlement de base ne contenait pas de disposition analogue à celle de l'article 5, paragraphe 9, qui a été adoptée. En conséquence, toute référence indirecte à l'article 5, paragraphe 9, ou à son équivalent, était impossible.

    59.

    Même si la déclaration du membre de la Commission pouvait être interprétée comme un engagement au sens que prétend lui donner le Parlement, nous sommes d'accord avec le Conseil pour affirmer qu'un tel engagement ne saurait produire les effets que le Parlement souhaiterait lui attribuer. La Commission ne pouvait se lier juridiquement sans rompre l'équilibre institutionnel établi par le traité et, en tout état de cause, elle ne pouvait le faire avant que le Conseil n'ait statué sur la proposition et ne lui ait conféré des compétences d'exécution.

    60.

    Le Parlement allègue également que la Commission a détourné les pouvoirs que lui confère l'article 5, paragraphe 8, du règlement de base en ne recourant pas à la procédure fixée à l'article 5, paragraphe 9, dudit règlement, qui aurait abouti à des propositions législatives au titre de l'article 43 du traité. Nous ne partageons pas ce point de vue. Selon l'article 5, paragraphe 9, la Commission doit réexaminer les dispositions de l'article 5, mais elle n'est pas obligée de présenter des propositions au titre de l'article 43 du traité. En effet, le libellé de l'article 5, paragraphe 9, réserve expressément le droit de la Commission de ne pas présenter des propositions législatives. L'article 5, paragraphe 8, du règlement de base est, en revanche, la disposition spécifiquement destinée à autoriser la Commission à établir des listes limitatives des substances et produits en cause. En recourant à cette disposition, la Commission n'a pas utilisé la procédure inappropriée ni commis un détournement de pouvoir.

    c) Le moyen tiré de Vinsuffisance des motifs

    61.

    Le Parlement allègue enfin que la Commission a enfreint l'article 190 du traité en ne motivant pas suffisamment le règlement litigieux. Il estime qu'il s'agit d'une question tellement sensible qu'on était en droit d'attendre une indication particulièrement claire et explicite des raisons qui justifient l'autorisation, donnée par la Commission, d'utiliser des MOGM dans la production alimentaire biologique. A notre avis, il n'est pas certain que le moyen avancé par le Parlement soit recevable. L'insuffisance des motifs n'enfreint pas les prérogatives du Parlement, et ce dernier ne peut se fonder que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci. De toute façon, le moyen est dépourvu de fondement. Ainsi qu'il ressort de l'analyse effectuée plus haut, la Commission n'a pas autorisé l'utilisation des MOGM dans la production alimentaire biologique. Même en considérant que le règlement litigieux envisage leur utilisation future dans des circonstances limitées, nous estimons cette autorisation conditionnelle suffisamment motivée aux quatrième et cinquième considérants du préambule du règlement litigieux, cités au point 23 ci-dessus. C'est spécialement vrai, puisque les règlements ultérieurs devront être adoptés suivant la procédure définie à l'article 14 du règlement de base et qu'ils devront indiquer les motifs justifiant l'utilisation des MOGM particuliers concernés.

    Conclusion

    62.

    Nous concluons que la Cour devrait rejeter le recours du Parlement. Ce dernier devrait, en conséquence, être condamné aux dépens de la Commission, conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure. Toutefois, en vertu de l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil doit, en tant que partie intervenante, supporter ses propres dépens.

    63.

    Nous suggérons, dès lors, à la Cour de:

    1)

    rejeter le recours;

    2)

    condamner le Parlement aux dépens de la Commission;

    3)

    condamner le Conseil à supporter ses propres dépens.


    ( *1 ) Langue originale: l'anglais.

    ( 1 ) JO L 25, p. 5.

    ( 2 ) JO L 117, p. 1.

    ( 3 ) JO L 117, p. 15.

    ( 4 ) La procédure du comité de réglementation, à savoir la procédure III, variante a), telle qu'elle est définie à l'article 2 de la décision 87/373/CEE du Conseil, du 13 juillet 1987, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 197, p. 33).

    ( 5 ) JO L 198, p. 1.

    ( 6 ) Voir la note 4 ci-dessus.

    ( 7 ) JO 1990, C 4, p. 4.

    ( 8 ) JO 1991, C 106, p. 27.

    ( 9 ) JO 1991, C 72, p. 43.

    ( 10 ) JO 1991, C 72, p. 44.

    ( 11 ) Débats du Parlement européen, annexe au JO no 3-401/21 du 18 février 1991.

    ( 12 ) JO 1991, C 101, p. 13.

    ( 13 ) COM(92)295 final —SYN 426 (JO 1992, C 190, p. 3).

    ( 14 ) JO 1994, C 16, p. 10.

    ( 15 ) Voir l'arrêt du 5 avril 1990, Commission/Grèce (C-132/88, Rec. p. I-1567, point 15).

    ( 16 ) Arrêt du 10 avril 1984 (108/83, Rec. p. 1945).

    ( 17 ) Ibid., point 21.

    ( 18 ) Arrêt du 30 octobre 1975 (23/75, Rec. p. 1279, points 13 et 14). Voir, également, l'arrêt du 17 décembre 1970, Einfuhrund Vorratsstelle für Getreide und Fettermittel (25/70, Rec. p. 1161, point 16).

    ( 19 ) Arrêt du 27 octobre 1992 (C-240/90, Rec. p. 5383, point 41).

    ( 20 ) Voir l'arrêt du 14 novembre 1989, Espagne et France/Commission (6/88 et 7/88, Rec. p. 3639, point 24).

    ( 21 ) Arrêt du 16 juin 1987 (46/86, Rec. p. 2671, point 16).

    ( 22 ) Arrêt du 10 mai 1995, Parlement/Conseil (C-417/93, Rec. p. I-1185, points 30 à 33).

    ( 23 ) Commission Codex Alimentarius, Ottawa, Canada, 24-28 octobre 1994, Alinorm 95/22, paragraphes 40, et 71 à 73.

    ( 24 ) Ibid., paragraphe 73.

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