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Document 61993CC0151

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 24 mars 1994.
Procédure pénale contre M. Voogd Vleesimport en -export BV.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Gravenhage - Pays-Bas.
Politique agricole commune - Restritutions à l'exportation - Nomenclature des restitutions - Viande de volaille - Classement.
Affaire C-151/93.

Recueil de jurisprudence 1994 I-04915

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1994:124

61993C0151

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 24 mars 1994. - Procédure pénale contre M. Voogd Vleesimport en -export BV. - Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Gravenhage - Pays-Bas. - Politique agricole commune - Restritutions à l'exportation - Nomenclature des restitutions - Viande de volaille - Classement. - Affaire C-151/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-04915


Conclusions de l'avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A ° Introduction

1. La présente affaire offre à la Cour l' occasion de se pencher dans les détails sur l' anatomie du poulet (Gallus gallus domesticus).

2. La société M. Voogd Vleesimport en -export (ci-après "Voogd") a exporté au cours des années 1987/1988 différents lots de viande de volaille vers des pays tiers, réclamant de ce fait des restitutions à l' exportation. Selon les indications fournies dans l' ordonnance de renvoi, les produits en cause étaient, d' une part, des cuisses de poulet avec (une partie du) dos (sans les croupions) et, d' autre part, des parties de dos avant avec les ailes provenant (principalement) de fournisseurs italiens, qui les désignent notamment sous le nom de "pipistrelli". Pour plus de simplicité, nous utiliserons ci-après pour ces produits les expressions "cuisses avec une partie du dos" et "ailes avec une partie du dos".

3. Il semble que dans ses demandes de restitutions à l' exportation la société Voogd ait dénommé les produits précités respectivement "cuisses" et "ailes" et réclamé les restitutions à l' exportation fixées dans leur cas. Les autorités compétentes pour l' octroi de ces restitutions aux Pays-Bas sont d' avis qu' elle a donc fourni de fausses indications. La société Voogd a de ce fait été l' objet de poursuites pénales, dont le Gerechtshof Den Haag se trouve saisi.

4. Le Gerechtshof a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1.1) Que faut-il entendre exactement au sens des annexes aux règlements de la Commission cités ci-après par les désignations de produits de volaille figurant aux points a) à f) ci-après et relevant des positions tarifaires pour les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande de volaille indiquées en marge:

a) Désignation: B. Parties de volaille (autres que les abats):

II. non désossées:

e) cuisses et morceaux de cuisses:

3. d' autres volailles

position tarifaire: 02.02. B.II e) 3)

Règlements: (CEE) nº 1151/87 de la Commission, du 27 avril 1987 (JO L 111, p. 21), entré en vigueur le 1er mai 1987 et

(CEE) nº 2800/87 de la Commission, du 18 septembre 1987 (JO L 268, p. 47), entré en vigueur le 21 septembre 1987;

b) Désignation: B. Parties de volailles (autres que les abats):

II. non désossées:

a) Demis ou quarts:

1. de coqs, poules et poulets

position tarifaire: 02.02. B. II a) 1

Règlement: (CEE) nº 1151/87 et

(CEE) nº 2800/87;

c) Désignation: B. Parties de volaille (autres que les abats):

II. non désossées

g) autres

position tarifaire: 02.02. B. II ex g

Règlements: (CEE) nº 1151/87 et

(CEE) nº 2800/87;

d) Désignation: Morceaux et abats de volaille autres que les foies, congelés: de coqs ou de poules

Morceaux non désossés:

cuisses et morceaux de cuisses

position tarifaire: 0207.41.51.000

Règlements: (CEE) nº 3846/87 de la Commission, du 17 décembre 1987 (JO L 366, p. 1), entré en vigueur le 1er janvier 1988;

e) Désignation: Morceaux et abats de volaille autres que les

foies, congelés: de coqs ou de poules:

Morceaux non désossés:

autres: ° Demis ou quarts, sans les croupions

position tarifaire: 0207.41.71.100

Règlement: (CEE) nº 3846/87;

f) Désignation: Morceaux et abats de volaille autres que les foies, congelés: de coqs ou de poules:

Morceaux non désossés:

autres: - autres

position tarifaire: 0207.41.71.900

Règlement: (CEE) nº 3846/87;

1.2) Sous quelle position tarifaire faut-il classer les cuisses de poulet avec (une partie du) dos (sans les croupions),

° pendant la période allant du 1er mai 1987 au 1er novembre 1987?

° pendant la période allant du 1er janvier 1988 au 1er octobre 1988?

1.3) Si la réponse à cette question générale n' est pas possible, mais dépend de la grandeur de la partie du dos:

Quelle grandeur doit avoir ce morceau et à quel endroit ou de quelle façon doit-il être découpé pour que la cuisse de poulet avec (cette partie du) dos (sans les croupions) puisse être classée sous l' une ou l' autre des positions tarifaires citées au point 1.1, sous a) à f) (applicables pendant les périodes visées plus haut)?

2.1) Que faut-il entendre exactement au sens des annexes aux règlements de la Commission cités ci-après par les désignations de produits de volaille figurant aux points a) et b) ci-après et relevant des positions tarifaires pour les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande de volaille indiquées en marge:

a) Désignation: B. Parties de volaille (autres que les abats):

II. non désossées:

b) ailes entières, même sans la pointe

position tarifaire: 02.02.B. II. b

Règlements: (CEE) nº 267/87 de la Commission, du 28 janvier 1987 (JO L 26, p. 33), entré en vigueur le 1er février 1987 et

(CEE) nº 1151/87;

b) Désignation: Morceaux et abats de volaille autres que les foies, congelés: de coqs ou de poules:

Morceaux:

non désossés:

ailes entières, même sans la pointe

Position tarifaire: 0207.41.21.000

Règlement: (CEE) nº 3846/87?

2.2) Sous laquelle des positions tarifaires mentionnées au point 2.1, sous a) ou b), ou au point 1.1, sous c), faut-il classer les parties de dos avant avec ailes de coqs ou de poules,

° pendant la période allant du 1er février 1987 au 1er novembre 1987?

° pendant la période allant du 1er janvier 1988 au 1er septembre 1988?

2.3) Si la réponse à cette question générale n' est pas possible, mais dépend de la façon dont le morceau concerné a été découpé:

comment doit être cette découpe pour que des ailes avec une partie du dos puissent être classées sous l' une ou l' autre des positions tarifaires citées au point 2.1, sous a) et b), et au point 1.1, sous c), (applicable pendant les périodes visées plus haut)?"

B ° Prise de position

5. Nous sommes d' accord avec la Commission pour dire que les questions préjudicielles doivent être reformulées. Répondre aux questions 1.1 et 2.1 signifierait que la portée et le contenu des positions tarifaires qui y sont citées devraient être interprétés par la Cour de manière purement abstraite et tout à fait générale. Une telle mission ne saurait incomber à la Cour. Toutefois, il ressort d' emblée du contexte des questions préjudicielles que la juridiction de renvoi désire au fond savoir sous laquelle des positions tarifaires citées il convient de classer une cuisse avec une partie du dos et des ailes avec une partie du dos. Pour le cas où la réponse à ces questions dépendrait de la taille de la partie du dos et/ou de la découpe, la juridiction de renvoi demande également des précisions à ce sujet à la Cour.

6. Dans ses questions 1.2 et 2.2, la juridiction de renvoi cherche à savoir sous laquelle des positions tarifaires citées il convient de classer les produits visés entre le 1er mai 1987 et le 1er novembre 1987 ainsi qu' entre le 1er janvier 1988 et le 1er octobre 1988 pour le premier (cuisse avec une partie du dos), et entre le 1er février 1987 et le 1er novembre 1987 ainsi qu' entre le 1er janvier 1988 et le 1er septembre 1988 pour le second (aile avec une partie du dos).

Pour plus de clarté, nous citerons d' abord, par ordre chronologique et avec indication de leur date d' entrée en vigueur, les règlements de la Commission fixant les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande de volaille, qui étaient applicables au cours des périodes litigieuses:

° règlement (CEE) nº 267/87 : 1er février 1987;

° règlement (CEE) nº 1151/87 : 1er mai 1987;

° règlement (CEE) nº 2303/87 (1) : 1er août 1987;

° règlement (CEE) nº 2800/87 : 21 septembre 1987;

° règlement (CEE) nº 3205/87 (2) : 1er novembre 1987

° règlement (CEE) nº 3865/87 (3) : 1er janvier 1988;

° règlement (CEE) nº 158/88 (4) : 23 janvier 1988;

° règlement (CEE) nº 717/88 (5) : 21 mars 1988;

° règlement (CEE) nº 1792/88 (6) : 1er juillet 1988;

° règlement (CEE) nº 2882/88 (7) : 1er octobre 1988.

Les questions préjudicielles ne font pas mention du règlement nº 2303/87. Cependant, comme les positions tarifaires citées dans l' annexe de ce règlement concordent ° pour ce qui intéresse l' espèce ° avec celles des règlements nos 267/87, 1151/87 et 2800/87, il n' est pas nécessaire d' examiner ce règlement de manière séparée. Il en va de même en ce qui concerne les questions posées sous 2 pour les règlements nos 2303/87 et 2800/87, qui ne sont pas mentionnés bien que s' appliquant à la période à laquelle se rapporte la question 2.2.

Pour ce qui a trait aux règlements en vigueur au cours de la période allant du 1er janvier 1988 au 1er septembre (ou 1er octobre) 1988, toutes ces dispositions utilisent la nomenclature introduite par le règlement (CEE) nº 3846/87 de la Comission, du 17 décembre 1987, établissant la nomenclature des produits agricoles pour les restitutions à l' exportation (JO L 366, p.1). Ce règlement n' ayant pas été modifié au cours de la période citée ° en ce qui concerne les produits en cause °, il n' est pas nécessaire d' examiner plus en détail les différents règlements portant fixation des restitutions à l' exportation pour l' année 1988.

Le classement d' une cuisse avec une partie du dos

7. De l' examen de la première question, il ressort que la juridiction de renvoi demande si une cuisse avec une partie du dos relève d' une des trois positions tarifaires qu' on peut résumer comme suit : quarts, cuisses et autres.

Il n' a pas été contesté qu' aucune de ces positions tarifaires n' est définie dans les règlements à examiner en l' espèce, à savoir les règlements nos 1151/87, 2800/87 et 3846/87.

8. Dans ces circonstances, il paraît naturel de recourir aux dispositions en matière douanière. En effet, conformément à l' article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 2777/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille (8) ° sur lequel reposent les règlements précités de la Commission °, les règles générales pour l' interprétation du tarif douanier et les règles particulières pour son application sont applicables pour la classification des produits relevant de ce règlement.

9. Ces dispositions de la réglementation douanière ne fournissent, certes, pas d' éclaircissements sur la manière d' interpréter les positions tarifaires visées "cuisses (et morceaux de cuisses)" ainsi que "autres". Elles comportent toutefois ° comme l' a admis la Commission au cours de la procédure orale ° des indications pour l' interprétation des notions de "demis" et de "quarts". Dans les notes explicatives du tarif douanier commun (9), il est dit à cet égard qu' il y a lieu d' entendre par "demis" les parties gauche et droite de la volaille "séparées longitudinalement selon le plan de symétrie". Font partie des "quarts", selon ces notes les

"quarts arrières composés du pilon, de la cuisse, de la partie postérieure du dos et du croupion ainsi que les quarts avant consistant essentiellement en une moitié de poitrine avec l' aile y adhérente".

10. Selon les indications de la juridiction de renvoi, le produit concerné ne comporte pas de croupion. Il en résulte que cette cuisse ne constitue pas un "quart" et ne relève donc pas de la sous-position tarifaire 02.02.B.II. a) 1. des règlements nos 1151/87 et 2800/87. Le représentant de la société Voogd a, il est vrai, souligné au cours de la procédure orale que le croupion d' un poulet constitue une toute petite partie, qui par comparaison aux autres n' est pas significative. On ne saurait pour autant faire abstraction du fait qu' un quart arrière doit aussi avoir un croupion. Il faudrait pour cela que la réglementation fournisse des éléments allant dans ce sens, lesquels font ici défaut. Étant donné les dispositions du règlement nº 3846/87, il y a également lieu d' admettre que la présence du croupion est importante pour la question des restitutions à l' exportation.

11. La sous-position 0207.41.71.100 du règlement nº 3846/87 concerne par contre les demis et quarts "sans croupion". Ce n' est pas un hasard, puisqu' il est vrai qu' il existe dans le même règlement une autre position tarifaire (0207.41.11.000) pour les "demis et quarts". La différence entre ces deux positions réside d' après cela dans la présence dans le second cas du croupion (ou d' une partie de celui-ci) et dans son absence dans le premier cas. La cuisse avec une partie du dos ici concernée pourrait donc être classée sous la position tarifaire 0207.41.71.100 du règlement nº 3846/87. Cela suppose que le produit litigieux constitue un "quart arrière, composé du pilon, de la cuisse" et de la "partie postérieure du dos"(10).

Il appartiendra à la juridiction nationale de déterminer si tel est le cas. En l' absence de dispositions plus précises du droit communautaire, il lui faudra à cet effet se reporter aux traditions et usages nationaux en matière de découpe d' un quart arrière. Les notes explicatives précitées n' apportent à notre avis rien de plus à cet égard. S' il est vrai qu' elles contiennent une description de la manière dont un demi doit être découpé, elles ne disent pas qu' un "quart arrière" devrait obligatoirement être découpé sur une des moitiés ainsi obtenues (11).

12. Passons maintenant à la question de savoir si une cuisse avec une partie du dos constitue une "cuisse" ou rentre dans la catégorie "autres" au sens des règlements cités. Quant à la période postérieure à l' entrée en vigueur du règlement nº 3846/87, la question ne se pose naturellement que si la juridiction nationale devait arriver à la conclusion que le produit litigieux ne constitue pas un "quart" au sens précité.

13. Dans ses observations écrites, la Commission a fait référence dans ce contexte à la réglementation désormais en vigueur sur la commercialisation des volailles. Si cette dernière était applicable, elle permettrait effectivement de répondre d' emblée à la question qui nous occupe. L' article 1er, point 2, du règlement nº 1538/91 (12) dispose, sous le titre "Découpes de volailles":

"e) cuisse : le fémur, le tibia et le péroné avec la masse musculaire les enveloppant. Les deux découpes doivent être pratiquées aux articulations;

f) cuisse de poulet avec une portion du dos attachée: le poids de cette dernière ne pouvant excéder 25 % du poids du morceau".

Il convient de souligner que le règlement nº 3846/87 a entre-temps lui aussi été modifié en ce sens. Il contient maintenant une sous-position tarifaire 0207.41.71.200 "Morceaux et abats de volailles autres que les foies, congelés: de coqs ou de poules: morceaux: non désossés: autres: parties comprenant une cuisse entière ou un morceau de cuisse et un morceau de dos n' excédant pas 25 % du poids total" (13).

Il semble que, comme l' a exposé le représentant de la société Voogd au cours de la procédure orale, ces dispositions aient précisément été adoptées pour mettre fin aux imprécisions mises en avant dans des cas semblables à la présente espèce. Il va de soi que ces dispositions adoptées après la période litigieuse (1987/1988) ne doivent pas influencer l' interprétation des textes en vigueur lors des événements pertinents (14).

14. La question est donc de savoir comment interpréter la position tarifaire "cuisse" pendant la période litigieuse. A l' audience, le représentant de la Commission a formulé ainsi le point essentiel: une "cuisse" n' est-elle plus une "cuisse" lorsqu' elle est accompagnée d' une partie du dos?

La Commission a souligné à juste titre à l' audience qu' en cas de découpe à la machine ° qui devrait constituer la règle ° il est difficile d' éviter qu' un petit bout du dos reste après la cuisse. La documentation spécialisée que nous avons consultée le confirme aussi (15). En vertu du règlement nº 1538/91, pour une cuisse la découpe doit être pratiquée "aux articulations". Bien que ° comme nous l' avons déjà dit ° ce règlement ne soit pas applicable ici, nous pouvons néanmoins en tirer quelques indications pour le cas d' espèce. En effet, son article 1er, point 2, in fine, dispose que jusqu' au 31 décembre 1991, dans le cas de certains produits (dont les cuisses), les découpes peuvent être pratiquées "près des articulations". On peut en déduire qu' à l' époque de l' adoption de ce règlement cette "cuisse", selon l' opinion qui prédominait dans les États membres, ne devait pas nécessairement être limitée à la cuisse en tant que telle (16). Il est donc vraisemblablement exact que, comme l' a exposé la société Voogd dans une réponse à une question écrite de la Cour, aux Pays-Bas la notion de "cuisse de poulet" ne se limite pas à la cuisse anatomique, mais comprend toujours "quelque chose" en plus.

15. La Commission a avancé que la réponse à la question de la délimitation des deux positions tarifaires peut tout simplement être déduite de la réglementation en matière de commercialisation des volailles. L' organisation commune du marché dans le secteur de la viande de volaille a pour base le règlement nº 2777/75. En vertu de son article 5, paragraphe 1, les prélèvements sur les découpes de volaille sont calculés en fonction du rapport existant entre le poids des différents produits (17). Ces coefficients servent également à la fixation des restitutions à l' exportation (18). Classer un produit sous une certaine position tarifaire, alors qu' il comprend d' autres parties de volaille, bouleverserait le rapport sur lequel repose le calcul des restitutions à l' exportation.

16. Cette argumentation de la Commission est difficilement contestable. Aussi longtemps que le droit communautaire prévoit des restitutions à l' exportation avec des montants distincts pour les différents parties d' un poulet, il faut clairement distinguer ces morceaux. Sinon on laisserait le champ libre aux abus (19).

Il nous semble toutefois en même temps qu' on ne peut utiliser cette argumentation dans le cas d' espèce. En effet, la Commission n' explique pas comment cette délimitation doit concrètement être opérée. Elle se demande à vrai dire d' abord si dans l' hypothèse où une petite partie du dos serait attachée à la cuisse on ne pourrait pas la considérer quand même encore comme une "cuisse" au sens des règlements visés. Si toutefois la partie du dos représentait plus de 25 % du poids total, cette tolérance serait certainement dépassée. La Commission arrive cependant à la conclusion qu' une cuisse avec une partie du dos relève de la position tarifaire "autres". Cette opinion repose manifestement sur l' idée (précisée par le représentant de la Commission à l' audience) selon laquelle on ne doit entendre par "cuisse" que la cuisse anatomique et que l' adjonction d' une partie du dos fait en tout état de cause rentrer cette cuisse dans la position tarifaire "autres".

Cette opinion a pour elle l' avantage de la clarté et devrait aussi correspondre à la situation juridique actuelle. Elle n' est toutefois pas applicable à la période considérée, car, conformément aux considérations que nous venons d' exposer (20), une cuisse avec une petite partie du dos pouvait parfaitement relever de la position tarifaire "cuisse" dans les années 1987/1988.

17. On ne trouve pas davantage de réponse à la question examinée dans les considérations philologiques développées par le représentant de la société Voogd à l' audience sur la signification du terme "cuisse". Il n' est pas nécessaire de trancher la question de savoir si en néerlandais il existe une distinction entre les termes "poot" et "dij" dans le présent contexte. Même s' il en était ainsi, cela ne réglerait pas la question de savoir comment traiter une cuisse avec une partie du dos aux fins de l' octroi de restitutions à l' exportation.

18. Dans son arrêt Ekro, la Cour a déclaré qu' il découle tant du principe de l' interprétation uniforme du droit communautaire que du principe d' égalité qu' une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doit "normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme" (21). Il s' est toutefois avéré que, même en tenant compte du contexte de la disposition et de l' objectif poursuivi par la réglementation en cause, il était impossible de déterminer la délimitation anatomique précise de la notion de "cuisse" à utiliser.

Comme dans l' affaire Ekro, faute de disposition en ce sens (du type de celle contenue dans le règlement nº 1538/91), il n' y a pas lieu d' admettre que dans la réglementation sur les restitutions à l' exportation le législateur communautaire a voulu entreprendre une harmonisation ou une uniformisation des méthodes de découpe (22). La réglementation communautaire fait donc dans cette mesure un renvoi "implicite" aux méthodes en usage dans les États membres. En conséquence, il appartient à la juridiction nationale de déterminer, sur la base des usages en cours dans l' État membre ou la région concernés, la délimitation anatomique précise de cette partie de volaille appelée "cuisse" (23).

19. On peut quand même présumer ° sans vouloir préjuger en cela de la décision de la juridiction nationale ° que cet examen conduira tout au plus à conclure qu' un morceau de volaille peut encore être considéré comme une cuisse lorsqu' il est lié à une petite partie du dos. Or, dans le cas d' espèce, c' est selon toute apparence une partie relativement importante du dos qui est attachée à la cuisse. La question se pose alors nécessairement de savoir si un morceau de poulet, qui de l' avis de la juridiction nationale serait à considérer comme une "cuisse" au sens indiqué, conserve cette qualité même lorsqu' il est rattaché à une (ou le cas échéant à une autre) partie du dos.

20. A notre avis, la réponse à cette question est à rechercher dans les règles générales d' interprétation du tarif douanier commun, comme l' a déjà fait la Cour dans son arrêt Ekro (24). Il s' agissait là de restitutions à l' exportation de viande bovine. Dans la définition de la position tarifaire pertinente, il était question de morceaux à "l' exception du flanchet et du jarret". La question se posait donc entre autres de savoir si un morceau, qui comportait aussi du flanchet, continuait à relever ce cette position tarifaire. L' exportateur concerné avait défendu l' idée qu' une proportion de flanchet allant jusqu' à 20 % ne jouait dans cette mesure aucun rôle.

La Cour s' est par contre fondée sur la règle générale A 3 b) pour l' interprétation de la nomenclature du tarif douanier commun (25). Selon cette règle, "les produits mélangés ... doivent être classés d' après la matière ou l' article qui leur confère leur caractère essentiel" (26). Selon l' arrêt de la Cour, le caractère essentiel d' un tel morceau de viande ne dépend pas d' un pourcentage fixe, "mais doit être déterminé conformément aux habitudes des consommateurs et du commerce et aux méthodes normalement utilisées pour découper et pour désosser la viande bovine dans l' État membre ou la région concernée. Cette appréciation appartient à la juridiction nationale" (27).

21. Il y a également lieu de partir de ce principe dans le cas d' espèce. Il appartient donc à la juridiction nationale d' établir si le morceau de dos, qui est attaché à la cuisse (28), a de telles proportions qu' il a un caractère essentiel pour la partie de volaille concernée. Dans ce cas seulement, cette partie de volaille doit être classée sous la position tarifaire "autres" (29). Bien que dans ce cadre il ne faille pas partir d' un pourcentage fixe, à notre avis la juridiction nationale peut parfaitement tenir compte du fait que la société Voogd a elle-même affirmé (dans sa réponse à une question écrite de la Cour) qu' il ne s' agit plus d' une "cuisse" lorsque la partie de dos supplémentaire représente plus de 25 % du poids total.

22. Il faut bien reconnaître que cette solution permet à un opérateur économique astucieux de demander des restitutions à l' exportation (ou des restitutions plus élevées) pour des morceaux de volaille pour lesquels le législateur ne voulait pas en prévoir. Cela paraît néanmoins acceptable pour deux raisons: d' une part le législateur aurait pu l' en empêcher par une définition claire des morceaux litigieux; d' autre part la solution ici défendue ne vaut que pour le passé puisque entre-temps le législateur a mis fin à cette imprécision. Nous nous permettons en outre de faire remarquer ° sans vouloir préjuger en cela de la décision de la juridiction néerlandaise ° qu' il nous paraît très douteux dans le cas d' espèce qu' on puisse, au vu des incertitudes et imprécisions décrites, reprocher à la société Voogd un comportement fautif.

Le classement des ailes avec une partie du dos

23. En ce qui concerne le classement des ailes avec une partie du dos, la question se pose de savoir si ces produits doivent être considérés comme des "ailes entières, même sans la pointe" au sens des règlements nos 1151/87 et 3846/87 ou s' ils rentrent dans la rubrique "autres" (30). Nous pouvons renvoyer ici

° mutatis mutandis ° dans une large mesure aux considérations que nous avons déjà développées.

24. La définition d' une aile ne figure pas non plus dans les règlements à examiner. Dans ce cas aussi, il faut pour être complet signaler que la réglementation aujourd' hui en vigueur a comblé cette lacune. Dans l' article 1er, point 2, du règlement nº 1538/91 (31), on peut lire sous le titre "Découpes de volailles" :

"i) aile: l' humérus, le radius et le cubitus, avec la masse musculaire les enveloppant ... Les découpes doivent être pratiquées aux articulations;

j) ailes non séparées: les deux ailes réunies par une portion du dos, le poids de cette dernière ne pouvant excéder 45 % de celui du morceau".

Le règlement nº 3846/87 contient désormais une sous-position tarifaire 0207.41.71.400 ainsi libellée: "Morceaux et abats de volailles autres que les foies, congelés: de coqs ou de poules: morceaux: non désossés: autres: parties comprenant les deux ailes et un morceau de dos n' excédant pas 45 % du poids total" (32).

Ces dispositions sont néanmoins sans incidence sur la période à prendre en considération (1987/1988).

25. Ici aussi il incombe, pour les raisons qu' on vient d' exposer (33), à la juridiction de renvoi de déterminer la délimitation anatomique précise des "ailes" pour la période pertinente. Il lui appartient également de décider si la partie du dos attachée aux ailes a une taille qui leur confère un caractère essentiel. Notre opinion personnelle est qu' en l' espèce nombreux sont en fait les éléments qui plaident en faveur d' un classement sous la position "autres". C' est bien sûr à la juridiction de renvoi qu' il reviendra de trancher définitivement cette question.

C ° Conclusion

26. En conséquence, nous vous proposons donc de répondre comme suit aux questions préjudicielles :

"1.1) Une cuisse de poulet avec (une partie du) dos (sans croupion) ne constitue pas un quart au sens de la sous-position tarifaire 02.02.B.II. a) 1 des annexes aux règlements (CEE) nº 1151/87 de la Commission, du 27 avril 1987, (CEE) n 2303/87 de la Commission, du 30 juillet 1987, (CEE) n 2800/87 de la Commission, du 18 septembre 1987.

1.2) Un tel produit est ° en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 1988 au 1er octobre 1988 ° un quart, sans croupion au sens de la sous-position tarifaire 0207.41.71.100 de l' annexe au règlement (CEE) nº 3846/87 de la Commission, du 17 décembre 1987, s' il peut être considéré comme un quart arrière composé du pilon, de la cuisse et de la partie postérieure du dos. Il appartient à la juridiction nationale d' établir si le produit litigieux correspond à cette définition.

1.3) Il incombe à la juridiction nationale de préciser, sur la base des méthodes en usage dans l' État membre concerné pour la découpe de carcasses de poulets, la délimitation anatomique de la partie du poulet qualifiée de cuisses et morceaux de cuisses dans la sous-position tarifaire 02.02.B.II.e) 3 des annexes aux règlements cités dans la réponse à la question 1.1 et dans la sous-position 0207.41.51.000 de l' annexe au règlement (CEE) nº 3846/87 (dans sa version en vigueur jusqu' au 1er octobre 1988).

1.4) Si la juridiction nationale parvient à la conclusion qu' une cuisse de poulet avec (une partie du) dos (sans croupion) ne constitue pas un quart au sens de la réponse donnée sous 1.2, mais une cuisse ou un morceau de cuisse, au sens de la réponse donnée sous 1.3, à laquelle est attachée une partie du dos, le produit concerné relève alors des positions tarifaires indiquées sous 1.3, lorsque le pourcentage de cette partie de dos par rapport à l' ensemble du produit n' a pas un caractère essentiel pour le produit, compte tenu des habitudes des consommateurs et du commerce ainsi que des méthodes en usage dans l' État membre ou la région concernés pour la découpe d' un poulet.

Toutefois, si la partie du dos confère un caractère essentiel à l' ensemble du produit, il convient de classer ce produit sous la position 02.02.B.II. ex g) (autres) des annexes aux règlements cités au point 1.1 de la présente réponse ou sous la position 0207.41.71.900 (autres) du règlement (CEE) nº 3846/87 ° dans sa version en vigueur jusqu' au 1er octobre 1988.

2.1) Il appartient à la juridiction nationale de préciser, en se fondant sur les méthodes de découpe de carcasses de poulets en usage dans l' État membre concerné, la délimitation anatomique de la partie du poulet qui est qualifiée d' 'ailes entières, même sans la pointe' dans la sous-position tarifaire 02.02.B.II.b) dans les annexes aux règlements (CEE) nos 267/87, 1151/87, 2303/87 et 2800/87 et dans la sous-position tarifaire 0207.41.21.000 dans l' annexe au règlement (CEE) nº 3846/87 (dans sa version en vigueur jusqu' au 1er septembre 1988).

2.2) Si la juridiction nationale parvient à la conclusion que des parties du dos avant avec l' aile constituent des 'ailes entières, même sans la pointe' , au sens de la réponse donnée sous 2.1, auxquelles est attachée une partie du dos, le produit concerné relève des positions tarifaires citées sous 2.1, lorsque la proportion que représente cette partie de dos par rapport à l' ensemble du produit ne lui confère pas son caractère essentiel, compte tenu des habitudes des consommateurs et du commerce ainsi que des méthodes en usage dans l' État membre ou la région concernés pour la découpe d' un poulet.

Si toutefois la partie du dos confère un caractère essentiel à l' ensemble du produit, ce dernier est à classer sous la position 02.02.B.II. ex g) (autres) des annexes aux règlements cités au point 2.1 de la présente réponse ou sous la position 0207.41.71.900 (autres) du règlement (CEE) nº 3846/87 ° dans sa version en vigueur jusqu' au 1er septembre 1988."

(*) Langue originale: l' allemand.

(1) - Du 30 juillet 1987 (JO L 209, p. 56).

(2) - Du 27 octobre 1987 (JO L 306, p. 7).

(3) - Du 22 décembre 1987 (JO L 363, p. 40).

(4) - Du 20 janvier 1988 ( JO L 18, p. 12).

(5) - Du 18 mars 1988 (JO L 74, p. 37).

(6) - Du 24 juin 1988 (JO L 158, p. 24).

(7) - Du 19 septembre 1988 (JO L 260, p. 37).

(8) - JO L 282, p. 77.

(9) - Avant le 1er janvier 1988, c' étaient les notes explicatives de la nomenclature CCD (nomenclature du conseil de coopération douanière) qui s' appliquaient. Depuis l' introduction au 1er janvier 1988 de la nomenclature combinée, ce sont les notes explicatives de la nomenclature combinée qui sont pertinentes. Pour la période litigieuse (1987/1988), les deux textes concordent sur la question considérée.

(10) - Voir ci-avant, point 9 in fine.

(11) - Cette question est éclaircie par la réglementation qui s' applique désormais à la commercialisation de viande de volaille. Le règlement (CEE) nº 1906/90 du Conseil, du 26 juin 1990 (JO L 173, p. 1), a établi des normes de commercialisation pour les volailles. Les modalités d' application de ce règlement figurent dans le règlement (CEE) nº 1538/91 de la Commission, du 5 juin 1991 (JO L 143, p. 11). Dans l' article 1er, paragraphe 2, sous a), un demi est défini comme une moitié d' une carcasse résultant d' une découpe longitudinale dans le plan formé par le bréchet et l' échine; un quart est une moitié divisée en deux [paragraphe 2, sous b)]. Ces dispositions n' ont toutefois été arrêtées qu' après la période litigieuse, de sorte qu' il n' est pas possible d' y recourir (voir point 13 ci-après).

(12) - Voir ci-avant, note 11.

(13) - Voir règlement (CEE) nº 3567/93 de la Commission, du 21 décembre 1993, modifiant le règlement nº 3846/87 (JO L 327, p. 1).

(14) - Arrêt du 18 janvier 1984, Ekro (327/82, Rec. p. 107, point 22).

(15) - Voir Scholtyssek, S.: Gefluegel, Stuttgart 1987, p. 91 (avec illustrations sous forme de schémas). Cette oeuvre a été aimablement mise à notre disposition par le lycée technique agricole d' Ettelbrueck.

(16) - Nous utilisons cette expression ici (sans prétentions scientifiques) pour qualifier une cuisse dont la découpe est pratiquée aux articulations.

(17) - Au besoin, ce calcul est effectué sur la base du rapport moyen entre leurs valeurs commerciales. Ces coefficients ont été fixés par le règlement (CEE) nº 3011/79 de la Commission, du 20 décembre 1979 (JO L 337, p. 65).

(18) - Article 2, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 2779/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, établissant, dans le secteur de la viande de volaille, les règles générales relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et les critères de fixation de leur montant (JO L 282, p. 90).

(19) - Il y a lieu de souligner que le représentant de la Commission a défendu à l' audience l' opinion selon laquelle les produits exportés par la société Voogd ont été sciemment découpés de manière à comporter une partie du dos.

(20) - Voir ci-avant point 14.

(21) - Précité (note 14), point 11.

(22) - Précitée (note 14), point 13.

(23) - Loc. cit. (note 14), point 15.

(24) - Précité.

(25) - Loc. cit. (note 14), point 20.

(26) - La formule citée est tirée de la version du tarif douanier commun en vigueur pour l' année 1987, telle qu' elle résulte du règlement (CEE) nº 3618/86 du Conseil, du 24 novembre 1986 (JO L 345, p. 1). Dans le règlement (CEE) nº 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987 (JO L 256, p. 1), entré en vigueur le 1er janvier 1988, qui a introduit la nomenclature combinée précitée, le passage correspondant est formulé différemment: Les produits mélangés ... sont classés d' après la matière ou l' article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu' il est possible d' opérer cette détermination . Il ne semble cependant pas qu' il faille voir là une différence de fond.

(27) - Loc. cit. (note 14), point 24.

(28) - Il convient de rappeler une fois de plus que c' est à la juridiction nationale qu' il incombe de définir les limites anatomiques précises d' une cuisse en ce sens (voir ci-avant point 18).

(29) - Il convient de renvoyer encore à la règle générale d' interprétation du tarif douanier commun (ou à la règle générale pour l' interprétation de la nomenclature combinée) A 3 c): dans le cas où la règle A 3 b) ne permet pas d' effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d' être valablement prises en considération.

(30) - Il est vrai que les questions préjudicielles 2.2 et 2.3 ne renvoient, en ce qui concerne la position tarifaire citée en dernier lieu, qu' au point 1.1, sous c) des questions, et donc seulement aux règlements nos 1151/87 et 2800/87. Il convient toutefois d' admettre que la juridiction de renvoi avait aussi en vue la position tarifaire correspondante, qui est utilisée dans le règlement nº 3846/87. Il ne devrait donc s' agir que d' un oubli ° qui n' est pas étonnant étant donné l' ampleur des questions préjudicielles °, de sorte que dans notre exposé nous ferons également référence au dernier règlement cité. Cela ne fait d' ailleurs en soi aucune différence.

(31) - Voir ci-avant note 11.

(32) - Voir ci-avant note 13.

(33) - Voir ci-avant point 18.

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