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Document 61992TJ0044

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 3 mars 1993.
Claudia Delloye et autres contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Avis de concours - Condition d'admissibilité aux épreuves orales - Erreur manifeste de motivation - Devoir de sollicitude.
Affaire T-44/92.

Recueil de jurisprudence 1993 II-00221

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1993:18

61992A0044

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 3 mars 1993. - Claudia Delloye et autres contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Avis de concours - Condition d'admissibilité aux épreuves orales - Erreur manifeste de motivation - Devoir de sollicitude. - Affaire T-44/92.

Recueil de jurisprudence 1993 page II-00221


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Fonctionnaires - Concours - Concours sur épreuves - Admission à l' épreuve orale subordonnée à l' obtention d' un résultat minimal aux épreuves écrites - Obligations du jury - Respect des termes de l' avis de concours

(Statut des fonctionnaires, annexe III)

2. Fonctionnaires - Concours - Jury - Indépendance - Limites - Adoption de décisions illégales - Obligations de l' autorité investie du pouvoir de nomination

3. Fonctionnaires - Concours - Concours sur épreuves - Ambiguïté de l' avis de concours quant aux résultats exigés lors des épreuves écrites pour être admis à l' épreuve orale - Irrégularité de procédure sans incidence sur la légalité de la décision du jury arrêtant, conformément à une interprétation correcte de l' avis de concours, la liste des candidats admis à l' épreuve orale

Sommaire


1. Si l' autorité investie du pouvoir de nomination dispose d' un large pouvoir d' appréciation pour fixer les conditions d' un concours, le jury est, quant à lui, lié par le texte de l' avis de concours tel qu' il a été publié. Il ne saurait s' écarter de l' interprétation exacte de ce dernier pour admettre à l' épreuve orale des candidats n' ayant pas obtenu, lors des épreuves écrites, le minimum de points requis à cet effet par l' avis de concours, car, ce faisant, il modifierait substantiellement les conditions du concours.

2. Compte tenu de l' indépendance des jurys de concours, l' administration ne dispose pas du pouvoir de modifier ou d' annuler leurs décisions. Si elle estime que le jury a illégalement écarté certains candidats de la participation à une épreuve, il lui appartient de constater cette situation par une décision motivée et de recommencer entièrement la procédure en publiant un nouvel avis de concours. Elle ne saurait en aucun cas donner suite à la réclamation des intéressés en les admettant à participer à ladite épreuve.

3. L' ambiguïté d' un avis de concours au niveau des conditions exigées, en ce qui concerne les notes obtenues aux épreuves écrites, pour l' admission à l' épreuve orale n' est pas de nature à vicier la décision du jury sur cette admission, arrêtée sur la base d' une interprétation correcte dudit avis, dès lors que rien ne permet d' affirmer qu' en l' absence de cette ambiguïté les candidats auraient fourni de meilleures prestations dans les épreuves écrites. En effet, une irrégularité de procédure n' est de nature à vicier un acte que s' il est établi qu' en son absence la décision aurait pu avoir un résultat différent.

Parties


Dans l' affaire T-44/92,

Claudia Delloye, Stavros Karafillakis, Antonio Loddo, Carla Rinaldin et Mariangela Tavola, respectivement agent et fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, demeurant en Belgique, représentés par Me G. Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me A. Schmitt, 62, avenue Guillaume,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Valsesia, conseiller juridique principal, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. R. Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision communiquée aux requérants le 9 juillet 1991, par laquelle le jury du concours général EUR21 a refusé de les admettre à l' épreuve orale dudit concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, A. Saggio et C. P. Briët, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 20 janvier 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Faits et procédure

1 Les requérants, respectivement agent et fonctionnaires de la Commission, ont fait acte de candidature au concours général sur épreuves EUR21, pour la constitution d' une liste de réserve de recrutement d' assistants adjoints. Après avoir passé avec succès les épreuves éliminatoires, ils ont été admis à l' unique épreuve rédactionnelle ((épreuve d) )), conditionnant l' admission à l' épreuve orale.

2 Par lettres du 9 août 1991, la Commission a informé les requérants qu' ils n' avaient pas obtenu un total de 24 points à l' épreuve d) du concours et que le jury n' avait, dès lors, pas pu les admettre à l' épreuve orale. Les notes attribuées aux intéressés à l' épreuve d) leur ont été communiquées à leur demande. Mme Delloye avait obtenu 21,75 points, M. Karafillakis 23,50 points, M. Loddo 21,50 points, Mme Rinaldin 22,50 points et Mme Tavola 23,25 points.

3 L' avis de concours général EUR21, précité, définissait les modalités de la notation des épreuves écrites, les conditions d' admission à l' épreuve orale ainsi que les conditions d' inscription sur la liste d' aptitude de la manière suivante:

"V. NATURE, DURÉE ET NOTATION DES ÉPREUVES ÉCRITES

...

3. Notation

Épreuves éliminatoires

Épreuve a): notée de 0 à 20 points (minimum requis 10).

Épreuve b): notée de 0 à 10 points (minimum requis 5).

Épreuve c): notée de 0 à 10 points (minimum requis 5).

Autres épreuves écrites

Épreuve d): notée de 0 à 40 points (minimum requis 20).

Les épreuves a), b) et c) sont corrigées en premier lieu. Ensuite, il est procédé à la correction de l' épreuve d) des candidats qui ont obtenu le minimum requis respectivement aux épreuves a), b) et c).

VI. ADMISSION A L' ÉPREUVE ORALE - NATURE DE L' ÉPREUVE - NOTATION

1. Admission

Sont admis à participer à l' épreuve orale les candidats qui, à l' épreuve écrite d) ont obtenu un total d' au moins 24 points.

Les candidats sont informés individuellement, par lettre, des conclusions du jury concernant leur admission à l' épreuve orale.

...

3. Notation

L' épreuve orale est notée de 0 à 60 points (minimum requis 30).

VII. INSCRIPTION SUR LA LISTE D' APTITUDE

A l' issue du concours, le jury inscrit sur la liste d' aptitude les candidats qui, au total, ont obtenu un minimum de 60 points pour les épreuves écrites d) et pour l' épreuve orale, étant entendu que les candidats doivent avoir obtenu le minimum requis pour chacune des épreuves."

4 Le 31 octobre 1991, les requérants ont introduit une réclamation contre la décision du 9 août 1991, précitée. Cette réclamation n' a pas donné lieu à une réponse explicite de la part de la Commission. Il ressort des pièces du dossier que, le 9 avril 1992, le directeur général du personnel et de l' administration, M. De Koster, a informé deux des requérants, M. Karafillakis et Mme Tavola, que, "conscient des ambiguïtés de l' avis de concours en cause, (il avait) demandé au jury de reconsidérer (leur) situation dans un esprit positif". Par lettres du 21 mai 1992, M. De Koster a communiqué aux requérants que le jury avait maintenu sa décision de ne pas les admettre à l' épreuve orale du concours. Il a ajouté que ses services examinaient, en liaison avec le service juridique, les conséquences à tirer de cette prise de position.

5 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 1992, les requérants ont demandé l' annulation de la décision du 9 août 1991, précitée. La procédure écrite s' est déroulée normalement. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans mesures d' instruction préalables. La procédure orale s' est déroulée le 20 janvier 1993.

Conclusions des parties

6 Les parties requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

- annuler la décision de la Commission du 9 août 1991 refusant aux requérants le droit de participer à l' épreuve orale du concours EUR21;

- condamner la Commission à l' ensemble des dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- statuer sur les dépens comme de droit.

Sur le fond

7 Les requérants invoquent deux moyens, tirés respectivement de l' erreur manifeste de motivation et de la méconnaissance du devoir de sollicitude.

Sur le moyen tiré de l' erreur manifeste de motivation

Arguments des parties

8 Dans le cadre de ce premier moyen, les requérants font valoir que, en refusant de les admettre à l' épreuve orale au motif qu' ils n' avaient pas obtenu un total de 24 points à l' épreuve rédactionnelle d), comme l' exigeait le point VI.1 de l' avis de concours EUR21, le jury s' est fondé sur une interprétation erronée de cet avis, en contradiction avec son texte même.

9 Les requérants se fondent, en particulier, sur le fait que l' avis de concours, précité, prévoyait expressément, en son point V.3, relatif à la notation des épreuves écrites, que le minimum requis à l' épreuve d), notée de 0 à 40 points, était de 20 points. Cette disposition aurait dû être interprétée, selon les intéressés, en relation avec le point VII, premier alinéa, de l' avis de concours, aux termes duquel "le jury inscrit sur la liste d' aptitude les candidats qui, au total, ont obtenu un minimum de 60 points pour les épreuves écrites d) et pour l' épreuve orale, étant entendu que les candidats doivent avoir obtenu le minimum requis pour chacune de ces épreuves". Ils en déduisent que, compte tenu de l' agencement des conditions régissant l' accès à l' épreuve orale et l' inscription sur la liste d' aptitude, laquelle correspondait à une phase ultérieure de la sélection, il suffisait, en toute logique, d' obtenir le "minimum requis" de 20 points à l' épreuve d) pour être admis à l' épreuve orale.

10 Dans ces conditions, les requérants soutiennent que, en exigeant une note au moins égale à 24 points sur 40 à l' épreuve rédactionnelle d), en vue de l' admission à l' épreuve orale, le point VI.1 de l' avis de concours comportait une "erreur matérielle", qui ne saurait leur être opposée, en raison de sa contradiction avec les dispositions des points V et VII, précitées. Cette erreur matérielle serait d' autant moins étonnante que l' avis de concours en question aurait comporté d' autres inexactitudes flagrantes. Les requérants relèvent, en particulier, que la description de l' une des épreuves éliminatoires destinée, aux termes du point V.1, sous a), de l' avis de vacance, "à évaluer les connaissances spécifiques dans le domaine juridique" était en contradiction avec la nature des fonctions dans les domaines de la comptabilité, des finances publiques et des assurances, de l' audit comptable et des statistiques, définies au point I.1 de l' avis de concours. En outre, le point VIII de l' avis de concours aurait fait référence, par erreur, à l' établissement d' une réserve de recrutement d' "administrateurs" portant sur la "carrière 5/4 de la catégorie B".

11 A l' appui de leur analyse, les requérants relèvent, en outre, que l' avis de concours devait faire l' objet d' une interprétation littérale, dans la mesure où il constituait la seule base de référence valable pour les candidats, d' autant plus qu' il s' agissait d' un concours général, également ouvert à des candidats extérieurs. La pratique alléguée par la défenderesse, selon laquelle seuls les candidats ayant obtenu au moins 60 % des points aux épreuves écrites seraient admissibles aux épreuves orales, ne saurait, dès lors, leur être opposée. De plus, les requérants ont contesté, lors de l' audience, le caractère constant de cette pratique.

12 La défenderesse soutient, pour sa part, que la décision attaquée se fonde sur une application exacte des conditions d' admission à l' épreuve orale énoncées dans l' avis de concours en cause. Elle fait valoir que, conformément à une pratique constante en matière de concours externes sur épreuves organisés par la Commission, le point VI.1 de l' avis de concours, seul pertinent à cet égard, exigeait de manière claire et explicite un total de 24 points à l' épreuve écrite d) en vue de l' admission à l' épreuve orale.

Appréciation du Tribunal

13 En ce qui concerne ce premier moyen, tiré de l' erreur manifeste de motivation, le Tribunal constate que, en refusant d' admettre les requérants à participer à l' épreuve orale au motif qu' ils n' avaient pas obtenu un total de 24 points à l' épreuve rédactionnelle d), le jury a fait une exacte application des conditions d' admissibilité à cette épreuve, qui sont énoncées de manière claire et précise au point VI.1 de l' avis de concours.

14 En effet, le point VI.1 de cet avis, exigeant de manière explicite, sous l' intitulé "admission à l' épreuve orale", une note minimale de 24 points sur 40 à l' épreuve d), en vue de l' admission à participer à l' épreuve orale, visait spécifiquement les conditions d' admissibilité à cette épreuve. Il ne pouvait, dès lors, être privé d' effet par la mention, au point V.3 de l' avis de concours, d' un "minimum requis" de 20 points en ce qui concerne l' épreuve d). Cette dernière mention, sous l' intitulé "notation (des épreuves écrites)", précédait logiquement la rubrique consacrée aux conditions d' admissibilité à l' épreuve orale. Elle n' avait donc en aucun cas pour objet d' énoncer les conditions présidant à l' admissibilité à l' épreuve orale.

15 Cette analyse n' est pas en contradiction avec l' interprétation des dispositions précitées en relation avec le point VII de l' avis de concours. Aux termes de cette dernière disposition, le jury inscrit sur la liste d' aptitude "les candidats qui, au total, ont obtenu un minimum de 60 points pour les épreuves écrites d) et pour l' épreuve orale, étant entendu que les candidats doivent avoir obtenu le minimum requis pour chacune des épreuves". Régissant la phase ultime de la procédure de sélection, le point VII de l' avis de concours avait vocation à s' appliquer exclusivement aux candidats ayant déjà été admis à participer à l' ensemble des épreuves du concours, ce qui signifie nécessairement qu' ils avaient préalablement satisfait au critère d' admissibilité à l' épreuve orale. Dans l' économie du concours, le point VII ne pouvait donc logiquement plus faire référence aux conditions d' admissibilité à cette épreuve orale, lesquelles étaient spécialement énoncées au point VI.1 de l' avis de concours.

Or, comme l' avis de concours ne prévoyait qu' une seule épreuve écrite, l' épreuve d), l' exigence d' un "minimum requis" de 20 points au point V.3 était, en pratique, privée de toute signification en ce qui concerne la notation obtenue à ladite épreuve d). Cette mention, dès lors erronée, d' un "minimum requis" de 20 points s' expliquait, ainsi que le relève la Commission, par le fait que l' avis de concours en cause était calqué sur le schéma propre à un concours comportant plusieurs épreuves écrites conditionnant l' admission à participer aux épreuves orales. En attestait, notamment, l' utilisation du pluriel au point VII visant les "épreuves écrites d)". Dans ces circonstances, le Tribunal constate que l' on ne doit tenir aucun compte de l' inclusion erronée de ces mots au point V.3 pour arriver à l' interprétation correcte de l' avis. Il en résulte que la référence au "minimum requis" audit point VII se rapportait, concrètement, à la seule notation obtenue à l' épreuve orale.

16 Il s' ensuit que le premier moyen n' est pas fondé.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude

Arguments des parties

17 Dans le cadre de ce second moyen, les requérants rappellent que le devoir de sollicitude, découlant de l' article 24 du statut, impose à l' autorité publique, lorsqu' elle statue à propos de la situation d' un fonctionnaire, de prendre en considération non seulement l' intérêt du service, mais aussi celui du fonctionnaire concerné (arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, point 27).

18 Les requérants estiment qu' en l' espèce le refus de les admettre à l' épreuve orale méconnaissait ce devoir de sollicitude, dans la mesure où il ne tenait pas compte de leur bonne foi. Ils soulignent qu' ils avaient légitimement interprété le texte de l' avis de concours dans le sens que l' obtention d' un "minimum requis" de 20 points à l' épreuve d) entraînait l' admission à l' épreuve orale. Il font valoir que la rédaction de l' avis de concours pouvait, à tout le moins, sérieusement prêter à confusion, comme l' avait elle-même admis la défenderesse, dans sa note du 9 avril 1992, précitée, à M. Karafillakis et à Mme Tavola.

19 Les requérants admettent que le jury de concours était lié par l' ensemble des dispositions de l' avis de concours, y compris le point VI.1 de cet avis, exigeant un total de 24 points à l' épreuve écrite d) pour l' admission à l' épreuve orale. Ils soutiennent qu' il incombait alors à la Commission, responsable de la rédaction de l' avis de concours en cause, d' accorder le bénéfice du doute aux intéressés et de les admettre à l' épreuve orale en rectifiant cette condition ambiguë, à la suite de leur réclamation.

20 La défenderesse estime, pour sa part, que le devoir de sollicitude n' a pas été méconnu en l' espèce. Elle fait valoir que, compte tenu de l' indépendance des jurys de concours, elle était liée, en l' espèce, par la décision du jury de ne pas admettre les requérants à l' épreuve orale. Elle ajoute que ce n' est que dans l' hypothèse où elle aurait constaté que l' ensemble des opérations du concours était vicié par la décision prétendument illégale du jury que l' autorité investie du pouvoir de nomination aurait eu le devoir de constater cette situation par une décision motivée. Elle aurait alors été tenue de reprendre entièrement la procédure de concours après un nouvel avis et la désignation éventuelle d' un nouveau jury.

Appréciation du Tribunal

21 En ce qui concerne ce second moyen, le Tribunal constate, en premier lieu, que, à supposer même que l' on admette le caractère ambigu de l' avis de concours, ni le jury de concours ni la Commission n' étaient habilités à admettre les requérants à l' épreuve orale, à la suite de leur réclamation.

22 En ce qui concerne le jury, il suffit de rappeler que, si l' autorité investie du pouvoir de nomination dispose d' un large pouvoir d' appréciation pour fixer les conditions d' un concours, le jury est lié par le texte de l' avis de concours tel qu' il a été publié (voir les arrêts de la Cour du 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 9, et du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement, 289/81, Rec. p. 1731, point 21).

Or, dans la présente espèce, même si l' on admettait l' ambiguïté alléguée par les requérants, il n' en demeurerait pas moins que cette ambiguïté ne faisait pas obstacle à une exacte interprétation de l' avis de concours. Partant, le jury n' aurait pu admettre les requérants à participer à l' épreuve orale sans altérer les conditions énoncées dans l' avis de concours. En effet, en écartant, en faveur des candidats ayant obtenu à l' épreuve rédactionnelle d) une note égale ou supérieure à 20 points, la condition plus restrictive édictée au point VI.1 de l' avis de concours, lequel exigeait un total d' au moins 24 points, le jury aurait substantiellement modifié les conditions du concours.

23 Pour ce qui est de la Commission, le Tribunal rappelle qu' elle n' avait pas davantage le pouvoir d' admettre les requérants à l' épreuve orale, à la suite de leur réclamation. En effet, selon une jurisprudence constante fondée sur le respect de l' indépendance des jurys de concours, l' administration ne dispose pas du pouvoir de modifier ou d' annuler leurs décisions (voir notamment les arrêts de la Cour du 14 juin 1972, Marcato/Commission, 44/71, Rec. p. 427, point 5, et du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, Rec. p. 3199, point 11). Si la Commission avait estimé que la décision du jury refusant d' admettre les requérants à l' épreuve orale était viciée par une irrégularité, en raison de l' erreur dans laquelle ils allèguent avoir été induits par la rédaction prétendument ambiguë de l' avis de concours, l' institution défenderesse aurait uniquement disposé de la possibilité de constater cette situation par une décision motivée et de recommencer entièrement la procédure de concours, en publiant un nouvel avis de concours, exempt d' ambiguïté (voir l' arrêt de la Cour Schwiering/Cour des comptes, précité, point 13). Or, il y a lieu de constater que, dans la présente espèce, les requérants n' ont, à aucun moment de la procédure administrative ou judiciaire, demandé l' annulation de l' avis de concours lui-même. Ils concluent uniquement à l' annulation de la décision les excluant de l' épreuve orale de ce concours.

24 A cet égard, le Tribunal rappelle, en second lieu, que, à supposer même que les intéressés aient légitimement été induits en erreur par la rédaction prétendument ambiguë de l' avis de concours, il est de principe qu' une irrégularité de procédure n' est de nature à vicier un acte que s' il est établi qu' en l' absence de cette irrégularité la décision aurait pu avoir un contenu différent (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28, et du 10 décembre 1987, Del Plato/Commission, 181/86 à 184/86, Rec. p. 4991, point 36).

Or, il y a lieu de constater que, dans la présente espèce, l' ambiguïté de l' avis de concours alléguée par les requérants n' était pas susceptible d' avoir une incidence sur la qualité de l' épreuve écrite d) et, par conséquent, sur leurs résultats et leur exclusion de l' épreuve orale. Pour affirmer le contraire, il faudrait établir que les requérants avaient "dosé" leurs efforts en vue d' obtenir une note tout juste supérieure à 20 points afin de satisfaire à la condition régissant, selon eux, l' admission à l' épreuve orale. Aucun élément ne permet d' établir que les requérants aient adopté une telle conduite et eux-mêmes ne prétendent pas avoir agi ainsi. Dans ces conditions, l' ambiguïté de l' avis de concours, invoquée par les requérants à l' appui de leur demande en annulation de la décision du jury refusant de les admettre à l' épreuve orale, n' a eu aucune incidence sur ladite décision et ne saurait, dès lors, la vicier.

25 Il résulte de l' ensemble de ces motifs que le second moyen n' est pas fondé. Le présent recours doit donc être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

26 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

27 En outre, selon l' article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l' autre partie les frais qu' elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

28 A cet égard, le Tribunal constate que la défenderesse a admis que l' avis de concours comportait un certain nombre d' erreurs, notamment lorsqu' il mentionne un "minimum requis" de 20 points en ce qui concerne l' unique épreuve écrite d). En outre, dans sa note, précitée, adressée le 9 avril 1992 à deux des requérants, le directeur général du personnel et de l' administration a explicitement reconnu les "ambiguïtés de l' avis de concours" et a informé les intéressés qu' il avait "demandé au jury de reconsidérer (leur) situation dans un esprit positif".

29 Par son attitude, la défenderesse a donc induit les requérants à croire au bien-fondé de leur prétention à être admis à l' épreuve orale, en raison des ambiguïtés alléguées de l' avis de concours, et à engager une action en justice. Dans ces circonstances, il est équitable de faire supporter à la Commission, outre ses propres dépens, les dépens des requérants.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission est condamnée aux dépens.

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