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Document 61992CJ0305

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 28 avril 1994.
    Albert Hoorn contre Landesversicherungsanstalt Westfalen.
    Demande de décision préjudicielle: Sozialgericht Münster - Allemagne.
    Pension de vieillesse au titre du travail obligatoire effectué en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale.
    Affaire C-305/92.

    Recueil de jurisprudence 1994 I-01525

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1994:175

    61992J0305

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 28 avril 1994. - Albert Hoorn contre Landesversicherungsanstalt Westfalen. - Demande de décision préjudicielle: Sozialgericht Münster - Allemagne. - Pension de vieillesse au titre du travail obligatoire effectué en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale. - Affaire C-305/92.

    Recueil de jurisprudence 1994 page I-01525


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    Sécurité sociale des travailleurs migrants - Égalité de traitement - Prise en charge, au titre de l' assurance vieillesse, par le régime néerlandais, en vertu d' une convention bilatérale de sécurité sociale, des périodes accomplies en Allemagne par les ressortissants néerlandais en qualité de travailleurs astreints au travail obligatoire - Prestation néerlandaise inférieure à la prestation versée en Allemagne aux nationaux ayant été soumis au même traitement - Discrimination en raison de la nationalité - Absence

    (Traité CEE, art. 7, al. 1; Règlement du Conseil n 1408/71, art. 3, § 1, 7, § 2, c), et annexe III)

    Sommaire


    Le droit communautaire, et plus particulièrement l' article 7, premier alinéa, du traité et l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1408/71, ne s' oppose pas à ce que, en application de l' article 2 du quatrième accord complémentaire entre la République fédérale d' Allemagne et le royaume des Pays-Bas, relatif au règlement des droits acquis par les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 sous le régime de l' assurance sociale allemande, lequel figure à l' annexe III du règlement parmi les conventions internationales qui, aux termes de l' article 7, paragraphe 2, sous c), du même règlement, restent applicables nonobstant les dispositions de ce dernier, le travail obligatoire accompli par les ressortissants néerlandais en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale n' ouvre droit à aucune prestation à la charge du régime allemand d' assurance vieillesse, mais soit comptabilisé dans le régime néerlandais comme s' il avait été fourni aux Pays-Bas.

    En effet, la différence entre les montants des pensions auxquelles ont droit les ressortissants néerlandais et les ressortissants allemands ayant été astreints au travail obligatoire, à la charge de leurs régimes d' assurance vieillesse respectifs, ne découle pas de l' accord lui-même, lequel se limite à déterminer la loi applicable aux travailleurs concernés, sans préciser l' étendue des prestations, mais provient plutôt du fait que le législateur néerlandais a fixé, pour les pensions dont il a la charge en vertu de l' accord, un montant différent de celui fixé par le régime allemand d' assurance vieillesse pour les pensions qu' il lui appartient de liquider. Or, en l' état actuel du droit communautaire, chaque État membre détermine librement le montant des pensions servies par lui, à condition que ce montant n' implique aucune discrimination fondée sur la nationalité. La loi néerlandaise ne traitant pas différemment, en fonction de leur nationalité, diverses catégories de citoyens communautaires ayant été astreints au travail obligatoire, on ne saurait conclure qu' elle opère une discrimination en raison de la nationalité.

    Parties


    Dans l' affaire C-305/92,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Sozialgericht Muenster (République fédérale d' Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Albert Hoorn

    et

    Landesversicherungsanstalt Westfalen,

    une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation du droit communautaire en relation avec l' article 2 du quatrième accord complémentaire entre la République fédérale d' Allemagne et le royaume des Pays-Bas, relatif au règlement des droits acquis par les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 sous le régime de l' assurance sociale allemande, signé à La Haye le 21 décembre 1956 ("United Nations Treaty Series", vol. 591, p. 374),

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de MM. C. N. Kakouris, faisant fonction de président de chambre, F. A. Schockweiler et J. L. Murray (rapporteur), juges,

    avocat général: M. G. Tesauro,

    greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal,

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour M. A. Hoorn, par lui-même et par Me Ch. Schaeder, avocat au barreau de Moers (Allemagne),

    - pour le gouvernement allemand, par M. E. Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, en qualité d' agent,

    - pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,

    - pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Gouloussis, conseiller juridique, et R. Hayder, membre du service juridique, en qualité d' agents,

    vu le rapport d' audience,

    ayant entendu les observations orales de M. A. Hoorn, du gouvernement allemand, du gouvernement néerlandais, représenté par M. T. Heukels, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, et de la Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Gouloussis, assisté de M. H. Kreppel, fonctionnaire allemand détaché auprès du service juridique de la Commission, en qualité d' agents, à l' audience du 24 juin 1993,

    ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 14 juillet 1993,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 19 juin 1992, parvenue à la Cour le 20 juillet suivant, le Sozialgericht Muenster (République fédérale d' Allemagne, ci-après "Sozialgericht") a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l' interprétation du droit communautaire en relation avec l' article 2 du quatrième accord complémentaire entre la République fédérale d' Allemagne et le royaume des Pays-Bas, relatif au règlement des droits acquis par les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 sous le régime de l' assurance sociale allemande, signé à La Haye le 21 décembre 1956 ("United Nations Treaty Series", vol. 591, p. 374, ci-après "accord").

    2 Cette question a été posée dans le cadre d' un litige opposant M. Hoorn, ressortissant néerlandais, à la Landesversicherungsanstalt, organisme public d' assurance du Land de Westfalen, en Allemagne, auquel M. Hoorn a demandé le versement d' une pension de vieillesse au titre du travail obligatoire effectué dans ce pays au cours de la Seconde Guerre mondiale.

    3 Cette demande a été rejetée sur le fondement de l' article 2, paragraphes 1 et 3, de l' accord, lequel dispose:

    "1. Les périodes d' assurance qui ont été accomplies par des ressortissants néerlandais sous le régime allemand de l' assurance pensions des ouvriers ou de l' assurance pensions des employés entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 du fait qu' ils occupaient un emploi salarié, sont considérées comme ayant été accomplies sous le régime de l' assurance néerlandaise contre les conséquences pécuniaires de l' invalidité, de la vieillesse et du décès si le travailleur a quitté son emploi avant le 1er septembre 1945 et a regagné les Pays-Bas avant le 31 décembre 1945 au plus tard.

    ...

    3. Les périodes d' assurance qui, conformément au paragraphe 1, sont considérées comme ayant été accomplies sous le régime de l' assurance néerlandaise contre les conséquences pécuniaires de l' invalidité, de la vieillesse et du décès n' ouvrent droit à aucune prestation au titre du régime allemand de l' assurance pensions des ouvriers et de l' assurance pensions des employés..."

    4 M. Hoorn a introduit un recours contre la décision de rejet devant le Sozialgericht, qui a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    "L' article 2 de l' accord complémentaire n 4 à la convention du 29 mars 1951 entre la République fédérale d' Allemagne et le royaume des Pays-Bas portant sur le règlement des droits acquis dans le régime allemand d' assurance sociale pour les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 est-il valide, avec pour conséquence que les néerlandais tel le demandeur qui, astreints au service du travail obligatoire en Allemagne, ont travaillé dans ce pays entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945, sont rentrés aux Pays-Bas avant le 31 décembre 1945 et étaient affiliés, selon le droit allemand applicable, au régime d' invalidité vieillesse, ne peuvent faire valoir vis-à-vis du régime allemand d' assurance pensions aucun droit découlant desdites périodes d' assurance?"

    5 Par sa question, le Sozialgericht vise à savoir si le droit communautaire s' oppose à ce que, en application de l' article 2 de l' accord, le travail obligatoire accompli par des ressortissants néerlandais en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale n' ouvre droit à aucune prestation à la charge du régime allemand d' assurance vieillesse, mais soit comptabilisé dans le régime néerlandais comme s' il avait été accompli aux Pays-Bas.

    6 M. Hoorn considère que l' accord opère, en violation du droit communautaire, une discrimination entre les ressortissants néerlandais et les ressortissants allemands astreints au travail obligatoire, ainsi qu' une discrimination entre deux catégories spécifiques de travailleurs néerlandais. Par ailleurs, il estime que l' accord contrevient à l' article 8 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté (JO 1983, L 230, p. 6, et JO 1992, C 325, p. 1 -version consolidée -), lequel définit les conditions auxquelles les États membres peuvent conclure entre eux des conventions en matière de sécurité sociale.

    Sur la discrimination entre les ressortissants néerlandais et les ressortissants allemands astreints au travail obligatoire

    7 M. Hoorn fait valoir que l' accord opère une discrimination à l' encontre des ressortissants néerlandais, au motif que la pension perçue par ces derniers au titre de la législation néerlandaise serait moins élevée que celle versée par le régime allemand d' assurance vieillesse à ses propres nationaux ayant été également soumis au travail obligatoire en Allemagne pendant la guerre. Cette discrimination serait contraire à l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1408/71, précité, aux termes duquel:

    "Les personnes qui résident sur le territoire de l' un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement."

    8 A ce propos, il importe de relever que l' interdiction de discrimination énoncée par l' article 3 s' applique, selon le libellé même de ce dernier, "sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement".

    9 Il convient par ailleurs de constater qu' aux termes de l' article 7, paragraphe 2, sous c), du même règlement, les dispositions de conventions internationales en matière de sécurité sociale énumérées à l' annexe III, restent applicables nonobstant les dispositions du règlement. Or, l' accord précité figure parmi les conventions citées dans cette annexe.

    "Article 7

    2. Nonobstant les dispositions de l' article 6, restent applicables:

    c) les dispositions de conventions de sécurité sociale mentionnées à l' annexe III.

    Annexe III

    A. Dispositions de conventions de sécurité sociale qui restent applicables nonobstant l' article 6 du règlement [article 7 paragraphe 2 point c) du règlement]

    28. ALLEMAGNE-PAYS-BAS

    b) Articles 2 et 3 de l' accord complémentaire n 4 du 21 décembre 1956 à la convention du 29 mars 1951 (règlement des droits acquis dans le régime allemand d' assurance sociale par les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945)."

    10 De la combinaison de ces dispositions, il résulte que l' accord demeure pleinement applicable en dépit de l' adoption du règlement n 1408/71, et qu' il continue à produire ses effets à l' égard de toutes les situations qu' il vise, notamment celle du requérant au principal.

    11 M. Hoorn fait également valoir que la différence entre les montants des pensions auxquelles ont droit les ressortissants néerlandais et les ressortissants allemands astreints au travail obligatoire, à la charge de leurs régimes d' assurance vieillesse respectifs, est source d' une discrimination contraire à l' article 7, paragraphe 1, du traité, aux termes duquel:

    "Dans le domaine d' application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu' il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité."

    12 A cet égard, il y a lieu de relever que la différence de traitement alléguée ne découle pas de l' accord lui-même, qui se limite à déterminer la loi applicable aux travailleurs concernés, sans préciser l' étendue des prestations. Elle provient plutôt du fait que le législateur néerlandais a fixé, pour les pensions dont il a la charge en vertu de l' accord, un montant différent de celui fixé par le régime allemand d' assurance vieillesse pour les pensions qu' il appartient à ce dernier de liquider.

    13 Or, en l' état actuel du droit communautaire, chaque État membre détermine librement le montant des pensions servies par lui, à condition que ce montant n' implique aucune discrimination fondée sur la nationalité. En l' occurrence, la loi néerlandaise ne traite pas différemment, en fonction de leur nationalité, diverses catégories de citoyens communautaires astreints au travail obligatoire. On ne saurait donc conclure qu' elle opère une discrimination en raison de la nationalité.

    Sur la discrimination entre deux catégories de ressortissants néerlandais

    14 M. Hoorn soutient encore que l' accord opère, en violation des dispositions précitées, une discrimination entre deux catégories de travailleurs néerlandais astreints au travail obligatoire, à savoir

    - d' une part, ceux soumis à l' article 2 de l' accord , dont la pension est prise en charge par le régime néerlandais d' assurance vieillesse et,

    - d' autre part, les travailleurs ayant continué leur activité professionnelle en Allemagne après le 1er septembre 1945 ou étant restés dans ce pays après le 31 décembre suivant.

    15 Il souligne que, en application de l' article 2, paragraphe 1, in fine, de l' accord (voir point 3 ci-dessus), ces derniers travailleurs sont exclus du champ d' application de l' accord et peuvent donc prétendre, à la différence des travailleurs de la première catégorie, à une pension à la charge du régime allemand d' assurance vieillesse.

    16 A cet égard, comme l' a fait valoir à juste titre la Commission, il suffit de relever que le droit communautaire, en son état actuel, n' interdit pas aux États membres de prévoir, dans le cadre de leur législation ou des conventions conclues avec d' autres États, des régimes différents de pension pour diverses catégories de leur population. Une telle différence de traitement ne tombe pas sous le coup de la prohibition prévue à l' article 7 du traité, dont l' objet spécifique est d' interdire les discriminations fondées sur la nationalité.

    Sur l' article 8 du règlement n 1408/71

    17 M. Hoorn fait encore valoir que l' accord contrevient à l' article 8 du règlement n 1408/71, lequel dispose:

    "1. Deux ou plusieurs États membres peuvent conclure entre eux, en tant que de besoin, des conventions fondées sur les principes et l' esprit du présent règlement.

    2. Chaque État membre notifie, conformément aux dispositions de l' article 97 paragraphe 1, toute convention conclue entre lui et un autre État membre en vertu des dispositions du paragraphe 1."

    18 En l' occurrence, la contrariété avec l' article 8 découlerait du fait que l' accord prévoit la comptabilisation, dans un État membre, du travail effectué dans un autre État membre, alors que le règlement repose sur le principe qu' un droit à pension naît dans chaque État membre où l' intéressé a travaillé.

    19 A cet égard, il suffit de relever qu' il résulte d' une lecture des dispositions combinées des articles 6, 7 et 8 du règlement nº 1408/71, ainsi que de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 2 août 1993, Grana-Novoa, C-23/92, Rec. p. I- 4505, point 22), que l' article 8 ne concerne que les conventions conclues entre les États membres après l' entrée en vigueur du règlement et ne s' applique dès lors pas à l' accord.

    20 De l' ensemble de ces considérations, il résulte qu' il y a lieu de répondre à la question posée par le juge de renvoi que le droit communautaire ne s' oppose pas à ce que, en application de l' article 2 de l' accord, le travail obligatoire accompli par des ressortissants néerlandais en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale n' ouvre droit à aucune prestation à la charge du régime allemand d' assurance vieillesse, mais soit comptabilisé dans le régime néerlandais comme s' il avait été fourni aux Pays-Bas.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    21 Les frais exposés par les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre),

    statuant sur la question à elle soumise par le Sozialgericht Muenster, par ordonnance du 19 juin 1992, dit pour droit:

    Le droit communautaire ne s' oppose pas à ce que, en application de l' article 2 du quatrième accord complémentaire entre la République fédérale d' Allemagne et le royaume des Pays-Bas, relatif au règlement des droits acquis par les travailleurs néerlandais entre le 13 mai 1940 et le 1er septembre 1945 sous le régime de l' assurance sociale allemande, signé à La Haye le 21 décembre 1956, le travail obligatoire accompli par des ressortissants néerlandais en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale n' ouvre droit à aucune prestation à la charge du régime allemand d' assurance vieillesse, mais soit comptabilisé dans le régime néerlandais comme s' il avait été fourni aux Pays-Bas.

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