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Document 61992CC0320

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 15 décembre 1993.
Società Finanziaria Siderurgica Finsider SpA (in liquidazione) contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi CECA - Quota d'acier pouvant être produit et livré sur le marché commun - Dépassement.
Affaire C-320/92 P.

Recueil de jurisprudence 1994 I-05697

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1993:934

61992C0320

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 15 décembre 1993. - Società Finanziaria Siderurgica Finsider SpA (in liquidazione) contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi CECA - Quota d'acier pouvant être produit et livré sur le marché commun - Dépassement. - Affaire C-320/92 P.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-05697


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La Haute Autorité tient de l' article 58, paragraphe 1, du traité CECA le pouvoir d' instaurer un régime de quotas en matière de production d' acier.

2. Institué par la décision n 2794/80/CECA de la Commission du 31 octobre 1980 (1), le régime de quotas de production de certains produits sidérurgiques a été prorogé pour les années 1986 et 1987 par la décision n 3485/85/CECA de la Commission du 27 novembre 1985 (2) et, pour les six premiers mois de l' année 1988, par la décision n 194/88/CECA de la Commission du 6 janvier 1988 (3), qui dispose, à son article 11, paragraphe 3, sous e), que

"Au cas où une entreprise ne compte pas réaliser ses quotas pendant le trimestre auquel ils se réfèrent, la Commission peut ... permettre à l' entreprise une anticipation sur les quotas du trimestre suivant d' un montant égal à 20 % maximum des quotas du trimestre en cours."

3. Se prévalant de cet article, Finsider a demandé, le 9 juin 1988, une anticipation au second trimestre de l' année 1988 des quotas de production du troisième trimestre, à concurrence d' un plafond de 20 %.

4. Bien que cette demande n' ait jamais fait l' objet d' une réponse explicite, la production de Finsider a excédé, au cours du second trimestre 1988, les quotas qui lui étaient alloués.

5. En se fondant sur les articles 58, paragraphe 4, et 92 du traité CECA et sur l' article 12 de la décision n 194/88 précitée (4), la Commission a, par décision du 21 mars 1990, constaté que Finsider avait dépassé, au cours du second trimestre 1988, les parts de quotas de production pouvant être livrées sur le marché commun de 50 359 tonnes dans la catégorie Ia et de 64 497 tonnes dans la catégorie Ib et lui a infligé une amende de 2 153 550 écus.

6. Par arrêt du 5 juin 1992, le Tribunal de première instance a rejeté le recours dirigé contre cette décision (5).

7. Par requête du 28 juillet 1992, Finsider a formé pourvoi contre l' arrêt du Tribunal, conclu à l' annulation de la décision de la Commission et, subsidiairement, à la réduction du montant de l' amende. Elle a, en outre, demandé que soit ordonnée la production d' une lettre à titre de mesure d' instruction (6).

8. Cette production a été refusée par le Tribunal (7). Or pareille décision ne figure pas au nombre de celles contre lesquelles, aux termes de l' article 49 du statut CECA de la Cour, un pourvoi peut être formé. Il y a donc irrecevabilité de ce chef.

9. Finsider invoque quatre moyens au soutien de son pourvoi.

10. Le premier critique l' attitude de la Commission, suite à la demande d' anticipation de quotas.

11. Le second se fonde sur l' absence de base juridique de la décision attaquée compte tenu de votre arrêt Hoogovens Groep e.a./Commission du 14 juin 1989 (8), qui, en annulant les articles 5 et 17 de la décision n 194/88, aurait fait disparaître rétroactivement les critères permettant d' apprécier d' éventuels dépassements de quotas.

12. Le troisième s' appuie sur le principe des droits de la défense, tel qu' il résulte de l' article 36, premier alinéa, du traité CECA.

13. Selon le quatrième, la décision du Tribunal serait insuffisamment motivée quant à la demande de réduction de l' amende.

14. Le premier moyen (voir points 67 à 103 de l' arrêt du Tribunal de première instance) se subdivise en trois branches: (i) la Commission n' aurait pas répondu de manière formelle et motivée à la demande d' anticipation des quotas, (ii) si la décision attaquée devait laisser présupposer un rejet implicite de la demande d' anticipation, il y aurait violation de l' article 11, paragraphe 3, sous e), de la décision n 194/88, (iii), enfin, compte tenu de la pratique observée par la Commission jusque là, il y aurait violation du principe de la confiance légitime.

15. Le silence de la Commission peut-il, en vertu du traité CECA, valoir acceptation implicite d' une demande d' anticipation de quotas?

16. Vous avez déjà eu à répondre à ce type de question par votre arrêt Boël/Commission (9). Vous y avez jugé que

"... le régime de limitation de la production des entreprises sidérurgiques ne permet qu' à titre exceptionnel une adaptation des quotas individuels accordés à certaines entreprises, et requiert à cet effet nécessairement une décision positive d' octroi de quotas supplémentaires. Le silence de la Commission - aussi regrettable soit-il - ne peut donc être assimilé qu' à une décision implicite de rejet et non à un consentement tacite de celle-ci" (10).

17. Plus récemment, s' agissant de la réglementation des quotas d' acier en vigueur au deuxième trimestre de 1983, vous avez considéré qu' une demande d' attribution de production de références annuelles supplémentaires, à laquelle la Commission n' avait pas explicitement répondu, devait être considérée comme ayant été implicitement rejetée par la première décision fixant les quotas de production, intervenue après cette demande et sans en tenir compte. Et vous avez précisé que seule cette dernière décision était susceptible de faire grief (11).

18. Il en résulte d' une part que la modification d' un quota doit faire l' objet d' une décision expresse, d' autre part qu' une décision constatant un dépassement de quotas pour une période donnée et infligeant une amende à l' entreprise sidérurgique concernée peut, le cas échéant, impliquer un refus implicite d' une demande d' augmentation de quotas pour cette période, présentée antérieurement par l' entreprise considérée.

19. Et c' est en vain que la requérante vient soutenir (12) que l' article 15 du traité CECA sur l' obligation de motivation ne laisserait pas place à des décisions "implicites". Il suffira, ici, de constater que l' article 35, paragraphe 3, de ce traité mentionne expressément de telles décisions dont il organise, d' ailleurs, le régime juridique.

20. Pour déclarer que les motivations de ce refus avaient été fournies à Finsider, l' arrêt du Tribunal s' est, à bon droit, référé aux considérants de la décision attaquée (13) qui relèvent, notamment, que "le système des quotas est trimestriel et obligatoire et ne donne automatiquement aucun droit aux anticipations" et qu' au cours d' une réunion qui a eu lieu le 24 mai 1989 entre les représentants des parties, il a été souligné que l' anticipation des quotas n' était plus possible au cours du dernier trimestre d' application du système des quotas. L' arrêt a également pris en compte le contexte dans lequel la décision a été adoptée (14), notamment, une lettre du 2 août 1988 par laquelle la Commission expliquait à Finsider les raisons de son refus d' accorder des anticipations de quotas pour le deuxième trimestre de l' année 1988 et le télex par lequel Eurofer informait ses membres, le 6 avril 1988, qu' il ne serait pas accordé d' anticipations de quotas du troisième pour le deuxième trimestre de l' année 1988, compte tenu de ce que le régime des quotas prendrait fin le 30 juin 1988.

21. Il résulte, sans équivoque possible, de ces documents que Finsider a été informée des motifs du refus d' accorder les anticipations, de telle manière qu' une juridiction pouvait exercer son contrôle sur la légalité de cette décision et que l' intéressée disposait d' une indication suffisante pour savoir si la décision était bien fondée ou si elle était éventuellement entachée d' un vice permettant d' en contester la validité (15).

22. S' agissant de la prétendue erreur d' interprétation, par le Tribunal, de l' article 11, paragraphe 3, sous e), de la décision n 194/88, nous ferons les observations suivantes.

23. Comme l' a bien montré le Tribunal, l' économie de l' article 11 suppose que "... le dépassement de quotas opéré durant un trimestre puisse être compensé par le non-épuisement du quota au cours du trimestre suivant" (16). Dès lors, Finsider ne pouvait prétendre à une quelconque anticipation de quotas postérieurs au 30 juin 1988 puisque, comme on l' a rappelé, il avait été mis fin, à compter du troisième trimestre de cette année, au régime des quotas.

24. Finsider n' en soutient pas moins devant vous que les conditions d' obtention de l' anticipation sont réunies, dès lors que celle-ci est compensée par une réduction effective des quantités de production ou de livraison au cours du trimestre suivant celui pour lequel l' anticipation a été accordée, même si les quotas ont été supprimés (17).

25. Un tel argument conduit, selon nous, à une aporie. Comment anticiper des quotas qui n' existeront pas? Plus concrètement, comment prendre en compte des quotas par référence à une période au cours de laquelle le marché est totalement libéré et la production cesse d' être soumise au pouvoir de surveillance et de sanction de la Commission?

26. Finsider fait également valoir que l' interprétation, retenue par le Tribunal, de l' article 11, paragraphe 3, sous e), aurait pour effet de rendre le système des anticipations inapplicable pour la moitié de la durée de validité de la décision n 194/88 (18).

27. Rappelons, ici, d' une part que l' anticipation n' est pas un droit automatiquement accordé aux entreprises, d' autre part qu' un quota ne peut être "déplacé" d' un trimestre à un autre que si ces deux périodes sont soumises au système des quotas. Ainsi, le report - opération inverse de l' anticipation - au premier trimestre de 1988 des quotas du quatrième trimestre de 1987 n' a été possible que parce que les quotas existaient pour cette dernière période (voir l' article 11, paragraphe 3, sous b), de la décision n 194/88 et l' article 18, paragraphe 2, de la décision n 3485/85, précitée).

28. Quant à la troisième branche du moyen, Finsider ne saurait invoquer la violation du principe de confiance légitime alors que la fin du système des quotas ne permettait plus l' octroi d' anticipations, que cette fin était parfaitement prévisible compte tenu du libellé même de la décision n 194/88 (19) et que le Tribunal a souverainement considéré qu' il n' était nullement établi que la Commission avait eu une pratique antérieure contraire.

29. Il s' ensuit que le premier moyen, pris en ses trois branches, doit être rejeté.

30. Le deuxième moyen se fonde sur l' arrêt Hoogovens du 14 juin 1989, par lequel la Cour a annulé les articles 5 et 17 de la décision n 194/88 (ci-après "l' article 5" et "l' article 17"). Le premier donnait à la Commission le pouvoir de fixer trimestriellement par entreprise les quotas de production et la partie de ces quotas pouvant être livrée sur le marché commun. Le second autorisait les entreprises, dans des conditions déterminées, à transformer, chaque trimestre, dans un rapport de 1/0,85 - appelé rapport I:P - (20), une partie de la différence entre leurs quotas de production et leurs quotas de livraison dans la Communauté en quotas pouvant être livrés à l' intérieur du marché commun et leur permettait, par conséquent, d' augmenter leurs livraisons sur ce marché.

31. Ce moyen (voir points 42 à 66 de l' arrêt entrepris) se divise en deux branches.

32. Par la première, la requérante soutient que l' arrêt du 14 juin 1989 a fait disparaître avec effet rétroactif les critères permettant d' identifier et d' apprécier d' éventuels dépassements de quotas. Tout dépassement serait donc "radicalement exclu" (21). L' article 5 ayant été annulé, il ne pourrait être enfreint. La décision litigieuse de la Commission serait dès lors dépourvue de base juridique.

33. Le seul motif d' annulation de l' article 5 donné par l' arrêt du 14 juin 1989 est le suivant:

"L' article 5 de la décision n 194/88/CECA reprend la teneur de l' article 5 de la décision n 3485/85/CECA. En conséquence, il doit être annulé pour les mêmes motifs qui ont entraîné l' annulation de cette disposition dans l' arrêt du 14 juillet 1988" (22).

34. Il s' ensuit que, ainsi que le relève à juste titre le Tribunal (23), pour déterminer la portée de l' arrêt du 14 juin 1989, il faut se référer aux motifs de l' arrêt Peine-Salzgitter e.a./Commission du 14 juillet 1988 (24).

35. Or vous y avez jugé que

"L' article 5 de la décision n 3485/85/CECA ... est annulé pour autant qu' il ne permet pas d' établir des quotas de livraison sur une base que la Commission considère comme étant équitable pour les entreprises dont les rapports entre le quota de production et le quota de livraison sont sensiblement inférieurs à la moyenne communautaire" (25).

36. Dès lors que le seul motif de l' annulation de l' article 5 de la décision n 194/88 retenu dans l' arrêt du 14 juin 1989 renvoie aux motifs de l' arrêt du 14 juillet 1988, c' est à bon droit que le Tribunal a pu considérer que l' annulation prononcée en dernier lieu ne pouvait être plus étendue que celle intervenue antérieurement (26) et que "... la Cour n' a pas annulé l' article 5 en tant qu' il constitue la base juridique du pouvoir de la Commission de fixer trimestriellement les quotas des entreprises sidérurgiques, mais uniquement pour autant que les références qu' il utilise pour fixer ces quotas ne permettent pas d' établir des quotas de livraison sur une base que la Commission considère comme étant équitable pour les entreprises dont les rapports I:P sont sensiblement inférieurs à la moyenne communautaire" (27).

37. Cette interprétation est, au demeurant, corroborée par le fait que l' article 6 de la décision n 194/88 n' a pas été annulé. Or cet article n' est pas détachable de l' article 5 dont il précise les conditions d' application. Celui-ci subsiste donc nécessairement "... en tant que base juridique permettant à la Commission de fixer les quotas" (28).

38. Dès lors que la requérante ne relève pas de la catégorie des entreprises dont les rapports I:P sont sensiblement inférieurs à la moyenne communautaire (29), elle ne peut se prévaloir de l' annulation - à portée limitée, nous l' avons vu - de l' article 5 et la Commission n' est tenue à son égard "... ni de redéfinir dans une décision générale des paramètres de fixation des quotas ni d' adopter de nouvelles décisions individuelles" (30) par application de l' article 34 du traité CECA.

39. Les décisions individuelles qui fixaient les quotas de la requérante pour le deuxième trimestre de 1988 restaient donc valables et pouvaient "... servir de référence aux calculs des dépassements de quotas retenus par la Commission à la charge de la requérante" (31).

40. Par la seconde branche du moyen, Finsider soutient qu' elle a été victime de l' application de l' article 17 et que le dépassement qui lui est reproché doit être compensé pour tenir compte de la réduction de ses quotas de livraison provoquée par l' application de cet article au cours de la période du 1er janvier 1987 au 30 juin 1988 (32). Elle ajoute que toutes les conséquences de l' annulation de l' article 17 doivent être tirées également pour d' autres produits sidérurgiques que ceux visés par la décision attaquée.

41. L' application de l' article 17 a eu pour effet que les quantités pouvant être livrées sur le marché communautaire ont été augmentées au détriment des entreprises dont la production était, pour l' essentiel, écoulée sur celui-ci (33), et, notamment, au détriment de Finsider.

42. Par l' arrêt précité Hoogovens, vous avez considéré que l' adaptation du rapport I:P telle qu' elle résultait de l' article 17 de la décision n 194/88 - qui ne fait que reprendre les dispositions de l' article 1er de la décision n 1433/87/CECA - n' assurait pas la répartition équitable des quotas requise par l' article 58, paragraphe 2, du traité CECA et vous avez annulé l' article 17.

43. L' amende a été infligée à Finsider pour dépassement de quotas au cours du deuxième trimestre 1988. Il est constant que pour cette période et pour la catégorie de produits visés par la décision "... la Commission a tiré les conséquences de cette annulation favorables à la requérante, en diminuant pour les deux catégories de produits concernés les dépassements initialement calculés" (34).

44. La Commission devait-elle tenir compte des conséquences favorables à la requérante de l' annulation de l' article 17 pour la période allant du 1er janvier 1987 au 31 mars 1988 et pour des catégories de produits autres que les catégories Ia et Ib?

45. Levons, ici, deux préalables: d' une part on ne saurait, s' agissant d' une question de pur fait, rediscuter devant vous du calcul des quotas comme Finsider vous y invite (35). D' autre part la requérante procède à une analyse juridiquement incorrecte en soutenant que le Tribunal aurait statué ultra petita (36), au motif qu' il se serait fondé sur une "motivation tout à fait nouvelle", c' est-à-dire non invoquée par les parties.

46. L' argumentation de la requérante se résume, ici, à trois points:

- la compensation doit avoir lieu entre les effets de l' annulation de l' article 17 et le dépassement de quotas constaté au deuxième trimestre 1988 (37);

- le dépassement ne pouvait être constaté que moyennant une appréciation globale des quotas pendant toute la période de crise (38);

- l' arrêt attaqué relève, de manière inexacte, que les produits visés par le dépassement de quotas seraient différents de ceux pour lesquels l' article 17 a été annulé (39).

47. Ce dernier point suppose une appréciation de fait échappant à votre compétence. Limitons-nous donc à l' examen des deux autres.

48. S' agissant du premier, les deux procédures qui sont au centre du débat ne doivent pas être confondues.

49. La décision infligeant une amende se réfère à un dépassement de quotas pendant le deuxième trimestre de 1988 (40), étant précisé que l' effet de l' annulation de l' article 17 pour cette période (et donc le rétablissement de certains quotas en faveur de Finsider) a été pris en compte par la Commission (41).

50. Par ailleurs, par application de l' article 34, paragraphe 1, du traité CECA, il appartenait à la Commission seule de prendre les mesures que comportait l' exécution de l' arrêt du 14 juin 1989 annulant l' article 17.

51. Il résulte, en effet, de l' article 34 précité que le juge communautaire ne saurait dicter à la Commission, dont émane l' acte annulé, les mesures qu' elle doit prendre.

52. Ainsi, dans l' arrêt du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité (42), après avoir rappelé les termes de l' article 34 du traité CECA, vous avez jugé que

"... il n' appartiendrait pas à la Cour, dans le cas où elle accueillerait le recours, de dicter à la Haute Autorité les décisions que l' arrêt d' annulation devrait entraîner, mais ... elle devrait se borner à renvoyer l' affaire devant la Haute Autorité" (43).

53. Il est clair que si le Tribunal, comme Finsider le lui avait demandé, avait compensé le dépassement de quota du second trimestre 1988 par les quotas rétablis pour des trimestres antérieurs en faveur de Finsider, suite à l' arrêt de la Cour annulant l' article 17 de la décision n 194/88, il aurait exercé une compétence que l' article 34 du traité CECA lui dénie.

54. C' est donc à juste titre qu' il a refusé de procéder à cette compensation (44).

55. Enfin, sur le second point, c' est à tort que Finsider soutient que la Commission aurait dû prendre en compte les quotas "pendant toute la période de crise" avant de constater un dépassement. En effet, le régime des quotas impose le respect de ceux-ci trimestre par trimestre (45) sauf report, anticipation ou attribution exceptionnelle de quotas supplémentaires.

56. Par son troisième moyen (voir points 104 à 111 de l' arrêt), Finsider invoque la violation des articles 36, premier alinéa, et 34, premier alinéa, du traité CECA et soutient qu' elle n' a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur les comptes auxquels la Commission a procédé avant de décider de lui infliger une amende pour dépassement de quotas.

57. Il résulte de votre jurisprudence constante que "... le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d' aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé, même s' il s' agit d' une procédure de caractère administratif" (46).

58. Dans l' arrêt Belgique/Commission du 10 juillet 1986 (47), vous avez précisé que "(ce principe) exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l' appui de son allégation quant à l' existence d' une violation du droit communautaire".

59. Par une appréciation de fait qui ne saurait être remise en cause devant vous, le Tribunal de première instance a souverainement considéré que 1) la Commission avait, par sa lettre du 23 février 1989, mis la société requérante en mesure de présenter ses observations sur le dépassement allégué, 2) cette dernière avait, à plusieurs reprises, effectivement, pu présenter ses observations (48).

60. Il est certes constant que les derniers calculs pris en compte dans l' évaluation du dépassement de quotas ont été évoqués au cours d' une réunion entre les parties sans être communiqués de manière formelle à la requérante (49).

61. Ce défaut de communication serait de nature à constituer une violation des droits de la défense susceptible d' entraîner l' annulation de l' acte s' il était établi qu' en l' absence de cette irrégularité la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (50).

62. Or, Finsider a reconnu à l' audience devant le Tribunal de première instance que les calculs permettant de déterminer l' importance des quotas dont elle a été privée du fait de l' article 17 étaient exacts et n' a fait valoir aucune raison de douter de l' exactitude des calculs permettant d' établir son dépassement de quota (51).

63. Le Tribunal a donc pu valablement considérer que l' article 36, premier alinéa, du traité CECA n' avait pas été violé "... même s' il eût été préférable de communiquer de manière formelle à la requérante ces derniers calculs ..." (52).

64. Par un dernier moyen (voir points 112 à 116 de l' arrêt), Finsider soutient, qu' en ce qu' il rejette la demande de réduction du montant de l' amende, l' arrêt est insuffisamment motivé.

65. Par arrêt du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission (53), vous avez admis comme moyen de pourvoi celui tiré de la violation par le premier juge de l' obligation de motiver ses décisions (54).

66. Pour refuser de réduire le montant de l' amende, le Tribunal constate d' une part que la requérante n' a pu contester les affirmations de la Commission selon lesquelles elle a tiré de l' illégalité de l' article 5 un bénéfice allant "... à l' encontre d' une répartition équitable entre les entreprises de la charge de la crise" (55), d' autre part que le montant de l' amende infligée était "largement inférieur" à la norme fixée par l' article 12 de la décision n 194/88 (56).

67. Selon la requérante, le Tribunal aurait dû prendre en compte, dans la motivation de la décision, le principe de la confiance légitime et la pratique suivie antérieurement (57).

68. Or, outre qu' il a été démontré à suffisance par le Tribunal (58) qu' aucune atteinte n' avait été portée à ce principe, la requérante n' explique pas pourquoi la référence à ce principe aurait dû figurer dans la motivation de la décision refusant de réduire le montant de l' amende.

69. Il s' ensuit que le Tribunal n' était nullement tenu de s' expliquer sur ce principe. Il a fourni à Finsider une indication suffisante pour apprécier si sa décision était bien fondée ou si elle était éventuellement entachée d' un vice permettant d' en contester la validité et a permis à la Cour d' exercer son contrôle sur sa légalité.

70. A titre subsidiaire, Finsider vous demande de réduire le montant de l' amende.

71. Il ne vous appartient pas, ici, en l' absence d' erreur de droit commise à cet égard en première instance, de substituer votre appréciation à celle du Tribunal.

72. Nous concluons donc à ce que vous rejetiez le pourvoi et que vous condamniez la requérante aux dépens de l' instance devant la Cour.

(*) Langue originale: le français.

(1) - Décision instaurant un régime de quotas de production d' acier pour les entreprises de l' industrie sidérurgique (JO L 291, p. 1).

(2) - Décision prorogeant le système de surveillance et de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l' industrie sidérurgique (JO L 340, p. 5). Voir notamment l' article 18, paragraphe 2.

(3) - Décision prorogeant le système de surveillance et de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l' industrie sidérurgique (JO L 25, p. 1). Voir notamment l' article 18, paragraphe 2.

(4) - Article attribuant à la Commission le pouvoir d' infliger des amendes en cas de dépassement des quotas de production.

(5) - T-26/90 (Rec. p. II-1789).

(6) - Pourvoi, p. 45 de la traduction française.

(7) - Point 103 de l' arrêt attaqué.

(8) - 218/87, 223/87, 72/88 et 92/88, Rec. p. 1711.

(9) - Arrêt du 16 février 1984 (76/83, Rec. p. 859) rendu sous l' empire du régime de quotas instauré par la décision n 1831/81/CECA de la Commission, du 24 juin 1981, instaurant un régime de surveillance et un nouveau régime de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l' industrie sidérurgique (JO L 180, p. 1).

(10) - Point 11, souligné par nous.

(11) - Point 21 de l' arrêt du 10 juin 1986, Usinor/Commission (81/85 et 119/85, Rec. p. 1777).

(12) - p. 13 de la traduction française du pourvoi.

(13) - Point 71 de l' arrêt attaqué.

(14) - Point 72 de l' arrêt attaqué.

(15) - Voir, en ce sens, l' arrêt du 4 juin 1992, Consorgan/Commission (C-181/90, Rec. p. I-3557, point 14).

(16) - Point 83 de l' arrêt attaqué.

(17) - Voir p. 17 de la traduction française du pourvoi.

(18) - Réplique, p. 9 de la traduction française.

(19) - Voir considérant, point 1, et article 18, paragraphe 2, ainsi que le point 97 de l' arrêt du Tribunal de première instance.

(20) - Rapport entre quotas de production et quotas de livraison.

(21) - Pourvoi, p. 29 de la traduction française.

(22) - Point 26, cité par l' arrêt du Tribunal de première instance au point 53.

(23) - Point 53 de l' arrêt attaqué.

(24) - 33/86, 44/86, 110/86, 226/86 et 285/86 (Rec. p. 4309).

(25) - Point 1 du dispositif, souligné par nous. Voir également le point 28 des motifs.

(26) - Point 55 de l' arrêt attaqué.

(27) - Point 57 de l' arrêt attaqué, souligné par nous.

(28) - Point 56 de l' arrêt attaqué.

(29) - Point 58 de l' arrêt attaqué.

(30) - Point 59 de l' arrêt attaqué.

(31) - Point 62 de l' arrêt attaqué.

(32) - Voir le point 46 de l' arrêt attaqué.

(33) - Voir, en ce sens, le point 18 de l' arrêt Hoogovens, précité note 8.

(34) - Point 65 de l' arrêt attaqué.

(35) - Pourvoi, p. 34 et 35 de la traduction française.

(36) - Ibidem, p. 36.

(37) - Ibidem, p. 37.

(38) - Ibidem, p. 38.

(39) - Ibidem, p. 39.

(40) - Article 1er de la décision.

(41) - Voir supra, point 43, et le point 65, avant-dernière phrase, de l' arrêt attaqué, ainsi que le troisième considérant de la décision du 21 mars 1990.

(42) - 30/59, Rec. p. 1.

(43) - p. 36. Votre jurisprudence sur l' article 176 du traité CEE - qui est le pendant de l' article 34 du traité CECA - est constante en ce sens. Voir, par exemple, l' arrêt du 20 juin 1985, De Compte/Parlement (141/84, Rec. p. 1951, point 22), et l' arrêt Hoogovens, précité, point 21.

(44) - Point 65 de l' arrêt attaqué.

(45) - Article 5, paragraphe 1, de la décision n 194/88.

(46) - Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, point 9, 14). Voir également l' arrêt du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461).

(47) - 234/84 (Rec. p. 2263, point 27).

(48) - Point 108 de l' arrêt attaqué.

(49) - Point 109 de l' arrêt attaqué.

(50) - Voir, en ce sens, le point 48 de l' arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission (C-142/87, Rec. p. I-959).

(51) - Point 110 de l' arrêt attaqué.

(52) - Point 109 de l' arrêt attaqué.

(53) - C-283/90 P, Rec. p. I-4339.

(54) - Point 29.

(55) - Point 114 de l' arrêt attaqué.

(56) - Point 115 de l' arrêt attaqué.

(57) - Voir p. 44, troisième alinéa, de la traduction française du pourvoi.

(58) - Voir supra, point 28.

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