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Document 61992CC0199

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 15 juillet 1997.
Hüls AG contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Règlement de procédure du Tribunal - Réouverture de la procédure orale - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Notions d'accord et de pratique concertée - Principes et règles applicables en matière de preuve - Présomption d'innocence - Amende.
Affaire C-199/92 P.

Recueil de jurisprudence 1999 I-04287

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:358

61992C0199

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 15 juillet 1997. - Hüls AG contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Règlement de procédure du Tribunal - Réouverture de la procédure orale - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Notions d'accord et de pratique concertée - Principes et règles applicables en matière de preuve - Présomption d'innocence - Amende. - Affaire C-199/92 P.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-04287


Conclusions de l'avocat général


Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur le pourvoi formé par la société Hüls AG (ci-après «Hüls») au titre de l'article 49 du statut CEE de la Cour de justice, tendant à l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 (1). L'arrêt qui fait l'objet du pourvoi a rejeté le recours en annulation, formé par la requérante au titre de l'article 173 du traité CEE (ci-après le «traité»), de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986 (2) (ci-après la «décision polypropylène»). Cette décision concernait l'application de l'article 85 du traité dans le secteur de la production de polypropylène (3).

I - Faits et déroulement de la procédure devant le Tribunal de première instance

1 En ce qui concerne les faits du litige et le déroulement de la procédure devant le Tribunal, l'arrêt attaqué fait apparaître les éléments suivants:

Avant 1977, le marché ouest-européen du polypropylène était approvisionné presque exclusivement par dix producteurs, parmi lesquels figurait Hüls, dont la part de marché oscillait entre 4,5 et 6,5 % environ. Après 1977, à la suite de l$expiration des brevets de Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus sur le marché, dotés d'une forte capacité de production. Leur venue sur le marché ne s'étant pas accompagnée d'un accroissement correspondant de la demande, il n'y eut pas d'équilibre entre l'offre et la demande, du moins jusqu'en 1982. De manière générale, le marché du polypropylène se caractérisait, au cours de la majeure partie de la période 1977-1983, par une rentabilité faible et/ou des pertes importantes.

2 Les 13 et 14 octobre 1983, des agents de la Commission, agissant en vertu des pouvoirs que leur confère l'article 14, paragraphe 3, du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962 (4) (ci-après le «règlement n_ 17»), ont procédé à des vérifications simultanées dans les locaux d'une série d'entreprises actives dans le secteur de la production de polypropylène. A la suite de ces vérifications, des demandes de renseignements ont été adressées par la Commission, au titre de l'article 11 du règlement n_ 17, aux entreprises précitées ainsi qu'à d'autres sociétés ayant un objet connexe. Les informations collectées dans le cadre de ces vérifications et des demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu$entre 1977 et 1983, certains producteurs, dont Hüls, avaient agi en violation de l$article 85 du traité. Le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 et a communiqué par écrit ses griefs aux entreprises concernées.

3 Au terme de cette procédure, la Commission a, le 23 avril 1986, arrêté la décision précitée, dont le dispositif est le suivant:

«Article premier

[Les entreprises] ... Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG) ... ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant:

...

- pour Basf, DSM et Hüls, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins;

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun:

a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;

b) ont fixé périodiquement des prix `cibles' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'`account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un `quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).

...

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:

...

vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 Écus, soit 5 898 447,50 DM ...».

4 Sur les quinze entreprises destinataires de la décision en question, quatorze - dont la requérante au pourvoi - ont formé un recours en annulation de la décision précitée de la Commission. Lors de l'audience tenue devant le Tribunal, du 10 au 15 décembre 1990, les parties ont exposé leurs arguments et ont répondu aux questions posées par le Tribunal.

5 Par mémoire séparé du 4 mars 1992, et, ainsi que nous l'avons vu, après la clôture tant de la procédure orale que de la procédure écrite, mais avant que l'arrêt ne soit rendu, Hüls a demandé au Tribunal la réouverture de la procédure orale. A l'appui de sa demande, elle a invoqué un certain nombre d'éléments de fait dont, ainsi qu'elle le soutient, elle n'a eu connaissance qu'après la clôture de la procédure orale et plus particulièrement après qu'eut été rendu l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (5) (ci-après les «affaires PVC»). Hüls a fait valoir qu'il résultait de ces éléments que la décision attaquée de la Commission était entachée de vices de forme substantiels, dont l'examen requérait de nouvelles mesures d'instruction (6).

Le Tribunal, après avoir entendu à nouveau l'avocat général sur la question soulevée, a rejeté, dans son arrêt du 10 mars 1992, précité, la demande de réouverture de la procédure orale ainsi que le recours dans son ensemble.

6 Hüls a formé un pourvoi devant la Cour à l'encontre de cet arrêt de rejet: elle demande l'annulation de l'arrêt rendu par le Tribunal et elle demande à la Cour de déclarer inexistante ou, à titre subsidiaire, de déclarer nulle et non avenue la décision de la Commission, ou encore, à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal. La requérante demande également à la Cour de condamner la Commission aux dépens.

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

La société DSM NV est intervenue dans l'affaire pendante, à l'appui des conclusions de Hüls.

II - Recevabilité du pourvoi

7 Dans son mémoire en réponse, la Commission demande d'abord à la Cour de rejeter le pourvoi comme irrecevable. Elle fait valoir à cette fin un certain nombre de moyens d'irrecevabilité qui se réfèrent à la deuxième catégorie de moyens précédemment invoqués par la requérante, c'est-à-dire ceux qui ont trait à la violation des règles du droit communautaire matériel de la concurrence. Pour sa part, la requérante soutient que ces moyens sont dénués de fondement et ne sauraient conduire au rejet de l'ensemble du pourvoi pour cause d'irrecevabilité.

8 Dans un premier temps, il convient de rappeler que, conformément à l'article 51 du statut CEE de la Cour de justice, le pourvoi «est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du tribunal, d'irrégularités de procédure devant le tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire par le tribunal». Par ailleurs, les dispositions des articles 113, paragraphe 2, et 116, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour interdisent aux parties de modifier, dans leur pourvoi ou dans leur mémoire en réponse, l'objet du litige devant le Tribunal. En outre, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable, la Cour peut, à tout moment et en vertu de l'article 119 du même règlement de procédure, rejeter le pourvoi par voie d'ordonnance motivée.

Pour qu'un pourvoi soit irrecevable dans sa totalité, il faut qu'aucun des moyens invoqués ne soit recevable et il convient donc, avant de conclure à l'irrecevabilité du pourvoi, d'examiner l'ensemble des moyens invoqués et de constater l'irrecevabilité de chacun d'entre eux (7).

9 A cet égard, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission est dénuée de pertinence: en effet, elle n'énonce de griefs qu'à l'encontre de la deuxième série de moyens invoqués par Hüls dans son pourvoi, à savoir ceux qui ont trait à d'éventuelles violations du droit communautaire matériel de la concurrence, sans soulever l'irrecevabilité des autres moyens, soit ceux qui relèvent de la première série de moyens énoncés dans le pourvoi. Ces derniers moyens font état d'irrégularités dans la procédure devant le Tribunal. En conséquence, à supposer même que la Cour admette les affirmations de la Commission (ce que nous examinerons par la suite, conjointement avec les arguments en réponse soulevés par la requérante dans le cadre de l'examen de chaque moyen d'annulation, séparément), il ne serait pas possible d'en conclure au rejet du pourvoi dans son ensemble, pour cause d'irrecevabilité.

III - Recevabilité de l'intervention

10 Dans son intervention, DSM concentre son intérêt sur la légalité formelle de la décision polypropylène. DSM soutient, d'une part, que c'est à la Commission qu'il incombait de prouver qu'elle a suivi les règles de procédure applicables à l'adoption de la décision polypropylène et, d'autre part, que le Tribunal aurait dû, soit d'office, soit à la demande de la requérante en première instance, examiner dans quelle mesure la décision attaquée présentait des vices de forme substantiels et bien déterminés. Pour corroborer ses allégations, la demanderesse en intervention se prévaut des éléments de fait et de la solution qui a été donnée dans les arrêts «carbonate de soude» (8) et «PEBD» (9) du Tribunal. Enfin, elle demande à la Cour d'accueillir le pourvoi, d'annuler l'arrêt litigieux du Tribunal et de déclarer inexistante ou d'annuler la décision polypropylène. Selon DSM, l'accueil du pourvoi et la constatation de l'inexistence ou de la nullité de la décision polypropylène ne bénéficieraient pas seulement à la partie requérante, mais aussi à la partie intervenante elle-même. C'est la raison pour laquelle, ainsi qu'elle le soutient, DSM possède un intérêt légitime à intervenir en l'espèce.

Ces affirmations seront étudiées quant au fond par la suite, après que nous aurons examiné la question de la recevabilité de l'intervention.

11 Dans ses observations sur l'intervention de DSM, déposées devant la Cour le 20 juin 1995, la Commission soulève une exception d'irrecevabilité de ladite intervention, motivée de la façon suivante: dans son arrêt concernant les affaires PVC (10), la Cour a considéré que certains vices de forme entachant des actes de la Commission, semblables ou équivalents à ceux invoqués par la partie intervenante, n'entraînaient que l'annulation de l'acte en question et pas la constatation de son inexistence. Par conséquent, dans la mesure où l'annulation d'un acte individuel ne peut produire d'effets qu'à l'égard de ceux qui ont formé un recours pour l'obtenir, la partie intervenante ne pourrait pas tirer parti d'un éventuel arrêt d'annulation de la Cour. Cet arrêt ne produirait pas d'effets erga omnes; il ne concernerait qu'une partie de la décision polypropylène, celle par laquelle certaines mesures et sanctions ont été imposées à la requérante, en l'occurrence la société Hüls. En tant que tiers, la société DSM n'aurait par conséquent pas d'intérêt légitime à intervenir.

La Commission fait également remarquer que, par son intervention, DSM ne chercherait qu'à réparer son omission d'user de la voie de recours du pourvoi contre l'arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991 (11), qui avait rejeté son recours en annulation de l'acte précité de la Commission, pour la partie qui la concernait. En d'autres termes, la partie intervenante s'efforcerait de se dérober aux conséquences négatives de son inaction jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi, en éludant le caractère contraignant dudit délai.

Enfin, la Commission s'oppose à la recevabilité de la conclusion de la demande d'intervention énonçant que l'arrêt de la Cour devrait comporter des dispositions déclarant inexistante ou annulant la décision polypropylène de la Commission pour tous les destinataires de cette décision. En effet, la requête de la partie requérante ne formule pas pareille demande. Par conséquent, en formulant une telle demande, la partie intervenante se place au-delà de ce qu'elle peut attendre dans le cadre du présent litige, en ce que ladite demande est tout à fait incompatible avec le caractère accessoire de l'intervention.

12 Il convient d'emblée de préciser que l'examen de la recevabilité de l'intervention ne va pas à l'encontre de l'appréciation préalable de la Cour, formulée dans l'ordonnance du 30 septembre 1992, qui a autorisé la société DSM à intervenir dans la procédure. La question de la recevabilité avait alors été examinée prima facie, dans le cadre de cette ordonnance, sous l'angle de l'autorisation donnée ou non à l'intervenante de participer à la procédure écrite et à la procédure orale dans la présente affaire. L'appréciation portée par la Cour dans cette ordonnance quant à la recevabilité de l'intervention était, pensons-nous, provisoire, et n'a pas revêtu une force de chose jugée qui exclue l'examen de la question au présent stade de la procédure. Ce point de vue est étayé aussi bien par l'interprétation, tant littérale que téléologique, des dispositions de procédure applicables (12), que par la jurisprudence de la Cour (13).

13 L'article 37, deuxième alinéa, du statut CEE de la Cour de justice prévoit que le droit d'intervenir aux litiges soumis à la Cour appartient (outre le droit d'intervenir des États membres et des institutions de la Communauté, visé au premier alinéa de ce même article 37) à toute personne justifiant d'un intérêt à la solution d'un litige. Cet intérêt légitime doit être direct et actuel. L'intervention ne peut avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. Il s'agit donc d'une intervention accessoire et non principale.

14 La question des conditions de la recevabilité de l'intervention formée pour la première fois au stade du pourvoi n'a pas donné lieu à une jurisprudence abondante. Toutefois, un certain nombre d'ordonnances de la Cour (même si, comme on l'a signalé, ces ordonnances n'ont pas l'effet contraignant d'un arrêt) fournissent des indications claires et utiles. Ainsi, le fait que l'intervenant avait le droit de faire usage d'une voie de recours ou d'une voie de droit autonome ne suffit pas pour le priver ipso facto du droit d'intervenir (14). La Cour ne semble pas attacher une conséquence aussi extrême au fait de ne pas avoir usé d'une voie de droit ou de recours autonome en raison de l'expiration du délai et d'un autre empêchement d'ordre procédural. Au contraire, le fait que l'intervenant eût pu agir de manière autonome, acquérant de ce fait la qualité de partie, est regardé comme un élément rendant vraisemblable l'existence d'un intérêt légitime à intervenir (15).

15 Il convient donc de se poser la question de savoir si une personne n'ayant pas fait usage d'un droit de recours ou d'une voie de recours autonomes contre un acte déterminé justifie d'un intérêt légitime à intervenir dans un litige en instance, dans lequel une autre personne, ayant la qualité de partie, attaque ce même acte (16). L'existence d'un intérêt légitime direct et actuel est appréciée sur la base des demandes de la partie en faveur de laquelle l'intervention est formée (17). S'il est plus facile d'apporter la preuve d'un intérêt légitime lorsqu'on demande l'annulation d'un acte réglementaire - précisément parce que cette annulation produit des effets erga omnes -, il n'en va pas de même lorsque le litige est lié, comme en l'espèce, à la légalité d'un acte individuel. Dans ce dernier cas, seule l'éventuelle constatation de l'inexistence de l'acte, entaché de vices substantiels, ou de l'inexistence d'un instrumentum de l'acte, produit des effets à l'égard de tous (18). Si l'acte individuel est annulé pour illégalité de forme ou de fond, cette annulation n'agit qu'au bénéfice de la partie qui l'emporte (19). Partant, l'intervenant ne recueille de cette annulation aucun intérêt légitime direct, qui consisterait dans l'annulation ou à tout le moins dans le fait d'avoir rendu cet acte individuel inopérant pour la partie qui le concerne. Une telle justification indirecte, découlant, le cas échéant, pour l'intervenant, de la preuve de l'existence de vices qui affectent la légalité de l'acte en cause ne suffit pas à justifier sa participation à la procédure en instance (20).

16 Eu égard à ce qui précède, nous sommes à présent invités à examiner - en tout et en partie - la recevabilité de l'intervention de la société DSM dans la présente procédure. Cette recevabilité est soumise à deux conditions juridiques déterminantes: il convient, d'une part, que l'intervenant démontre son intérêt légitime direct et actuel à la solution du litige et, d'autre part, qu'il n'ait pas formulé de demandes autonomes, c'est-à-dire de demandes allant au-delà de celles qui avaient été formulées par la partie en faveur de laquelle l'intervention a été formée (21). Dans la procédure examinée, les conclusions formulées par la requérante au pourvoi, à l'appui desquelles l'intervention a été formée, sont de trois ordres:

La requérante demande dans tous les cas l'annulation de l'arrêt rendu en première instance et, éventuellement, le renvoi de l'affaire devant le Tribunal aux fins d'un nouvel examen. Cette demande ne saurait, en tant que telle, créer un intérêt légitime direct au bénéfice de l'intervenante, dans la mesure où l'annulation de l'arrêt rendu en première instance concernant la société Hüls n'influence en aucune manière la position juridique de la société DSM. A supposer même que, parallèlement à l'annulation de l'arrêt rendu en première instance, il soit conclu au renvoi de l'affaire devant le Tribunal, le bénéfice éventuel qui en résulterait pour l'intervenante - qui résiderait, dans le meilleur des cas, dans l'espérance d'entendre le Tribunal, après qu'il eut réexaminé l'affaire, constater l'inexistence de la décision polypropylène - ne serait constitutif que d'un intérêt légitime hypothétique, indirect et futur, qui n'est pas suffisant pour fonder la recevabilité de l'intervention.

En revanche, pour autant que la requérante demande que, après l'annulation de l'arrêt rendu en première instance, la Cour examine l'affaire au fond et constate l'inexistence de la décision polypropylène en raison de vices substantiels affectant l'instrumentum de l'acte ou en raison de l'inexistence d'un instrumentum de l'acte qui lui soit propre, l'accueil éventuel de cette demande profite également à la partie intervenante: en effet, comme nous l'avons relevé, la constatation de l'inexistence produit des effets erga omnes. Dans cette perspective, la société DSM justifie d'un intérêt légitime direct et actuel à intervenir dans la présente procédure de pourvoi.

En outre, lorsque la requérante demande que, après l'annulation de l'arrêt rendu en première instance, la Cour examine l'affaire au fond et déclare que la décision polypropylène est nulle, pour motif d'irrégularité de forme ou de fond, il n'en résulte pas que l'annulation éventuelle de cet acte produise des effets à l'égard de tous; elle ne produirait d'effets qu'au bénéfice de la requérante. Aussi l'intervenante ne peut-elle se prévaloir d'un intérêt légitime résultant de l'éventuelle annulation de la décision polypropylène.

Au surplus, la requérante ne demande pas - et ne pourrait du reste pas le faire - que les effets de l'annulation de l'acte précité soient étendus à tous les producteurs de polypropylène qui en sont les destinataires (22). C'est pour ce motif que ladite demande de la partie intervenante est irrecevable.

17 Il résulte de ce qui précède que l'intervention de la société DSM n'est qu'en partie recevable: elle n'est recevable que pour la partie dans laquelle l'intervenante se rallie à la conclusion de la requérante demandant à la Cour, après l'annulation de l'arrêt rendu en première instance, de déclarer inexistante la décision polypropylène, conformément à ce que nous avons exposé ci-dessus (23). Il n'y a pas lieu d'examiner le bien-fondé des autres demandes de la partie intervenante ou des arguments que celle-ci invoque au soutien d'autres demandes de la requérante au pourvoi, pour cause d'irrecevabilité.

IV - Les moyens d'annulation

A - Les moyens relatifs à certains vices de forme de la décision de la Commission

18 Hüls estime que la décision polypropylène de la Commission, contre laquelle est dirigé le recours formé devant le Tribunal, est entachée de vices de forme substantiels qui la rendent inexistante ou nulle et non avenue. Elle avait fait état de ces vices, ou à tout le moins d'indices clairs et suffisants de leur existence, dans un mémoire déposé avant le prononcé de l'arrêt rendu en première instance. Selon la requérante, le Tribunal aurait enfreint un certain nombre de règles de procédure en refusant d'examiner ces éléments plus avant, bien qu'il ait été invité à le faire par mémoire du 4 mars 1992. En outre, ce refus reposerait sur une motivation erronée: le Tribunal aurait interprété erronément les notions d'acte inexistant et de présomption de légalité.

Nous examinerons ci-après tout d'abord le moyen d'annulation ayant trait à l'interprétation de ces principes et ensuite la question des vices de procédure allégués.

1) Les dispositions pertinentes et la jurisprudence «PVC» de la Cour

a) Les dispositions applicables

19 Conformément à l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance:

«La production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.»

Selon les dispositions des articles 60 et 61, paragraphe 2, de ce même règlement:

«Lorsque dans une affaire un avocat général n'a pas été désigné, le président prononce la clôture de la procédure orale à la fin des débats ...

Après le prononcé ou le dépôt des conclusions de l'avocat général, le président déclare la procédure orale close.»

L'article 62 de ce même règlement dispose:

«Le Tribunal, l'avocat général entendu, peut ordonner la réouverture de la procédure orale.»

L'article 64, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement dispose:

«Chaque partie peut, à tout stade de la procédure, proposer l'adoption ou la modification de mesures d'organisation de la procédure. Dans ce cas, les autres parties sont entendues avant que ces mesures ne soient ordonnées.»

La mention des dispositions régissant l'exercice de la voie de recours de la révision est particulièrement utile.

L'article 41 du statut CEE de la Cour de justice, qui s'applique également à la procédure devant le Tribunal, dispose:

«La révision de l'arrêt ne peut être demandée à la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision.»

L'article 125 du règlement de procédure du Tribunal complète cette disposition:

«Sans préjudice du délai de dix ans prévu aux articles 38, troisième alinéa, du statut CECA, 41, troisième alinéa, du statut CEE et 42, troisième alinéa, du statut CEEA, la révision est demandée au plus tard dans un délai de trois mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est fondée.»

b) L'arrêt PVC de la Cour

20 Cet arrêt de la Cour (24) revêt une importance toute particulière pour le règlement des questions qui se posent dans la présente affaire. Il a permis d'examiner, dans le cadre du pourvoi contre l'arrêt PVC rendu par le Tribunal le 27 février 1992, la question des effets juridiques de l'inexistence d'un original authentifié d'un acte de la Commission signé par son président et son secrétaire exécutif conformément aux dispositions de l'article 12 de son règlement intérieur (25).

21 Dans un premier temps, la Cour a jugé que ce vice de forme ne rendait pas l'acte inexistant. Cette appréciation se fondait sur les considérations suivantes (26): les actes des institutions communautaires jouissent en principe d'une présomption de légalité. Toutefois, par dérogation à ce principe, les actes entachés d'une irrégularité «dont la gravité est si évidente qu'elle ne peut être tolérée par l'ordre juridique communautaire» ne produisent pas d'effet juridique, ne bénéficient donc pas de la présomption de légalité et doivent être regardés comme «juridiquement inexistants». Toutefois, la constatation de l'inexistence d'un acte doit, pour des raisons de sécurité juridique, être réservée à «des hypothèses tout à fait extrêmes». S'agissant maintenant des vices de forme en cause, la Cour a reconnu ce qui suit: «Par ailleurs, qu'elles soient considérées isolément ou même dans leur ensemble, les irrégularités de compétence et de forme relevées par le Tribunal, qui concernent la procédure d'adoption de la décision de la Commission, n'apparaissent pas d'une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante».

22 Après avoir réfuté l'appréciation d'inexistence formulée par le Tribunal, statuant au fond, la Cour a examiné le point de savoir si les mêmes vices de forme fournissaient un autre moyen d'annulation de la décision (27). Elle a tenu compte, à cet effet, de trois éléments importants: en premier lieu, la Cour a souligné le caractère fondamental du principe de collégialité qui régit l'action de la Commission (28). Le respect de ce principe intéresse indéniablement les sujets de droit, en particulier lorsque les décisions de la Commission constatant des infractions à l'article 85 du traité adressent des injonctions et infligent des sanctions aux entreprises impliquées. En deuxième lieu, la Cour s'est attachée à l'obligation de motiver ces décisions de la Commission, conformément à l'article 190 du traité. Par suite de cette obligation, «le dispositif et la motivation d'une décision constituant dès lors un tout indivisible, c'est uniquement au collège qu'il appartient, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la fois l'un et l'autre». En troisième lieu, la Cour mentionne la règle selon laquelle en particulier les décisions de la Commission constatant une infraction à l'article 85 ne peuvent faire l'objet d'une habilitation en faveur du commissaire responsable de la politique de la concurrence.

23 Il en résulte l'obligation, pour la Commission, «entre autres, de prendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes adoptés par le collège». C'est dans le cadre de cette obligation qu'a été instaurée la règle de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission. Par conséquent, «loin de n'être, comme le prétend la Commission, qu'une simple formalité destinée à assurer sa mémoire, l'authentification des actes prévue audit article 12, premier alinéa, a pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège. Elle permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec ce dernier et, par là même, avec la volonté de leur auteur. Il en découle que l'authentification des actes ... constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité CEE, dont la violation peut donner lieu à un recours en annulation».

24 Il résulte de l'arrêt précité de la Cour que l'inexistence d'un original authentifié conformément aux dispositions susmentionnées constitue en soi une violation d'une forme substantielle de la procédure, mais non une cause d'inexistence de l'acte (29).

2) L'arrêt attaqué

25 Le Tribunal de première instance a rejeté les demandes formulées par la requérante dans son mémoire du 4 mars 1992 (30) par la motivation suivante, énoncée aux points 384 et 385 de l'arrêt attaqué:

«Il convient, tout d'abord, de relever que l'arrêt précité du 27 février 1992 ne justifie pas, en soi, une réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En outre, à la différence de l'argumentation qu'elle a développée dans les affaires PVC (voir l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, point 13), la requérante n'a pas, dans la présente affaire, jusqu'à la fin de la procédure orale, fait valoir, même sous forme d'allusion, que la décision attaquée serait inexistante en raison des vices allégués. Il y a donc déjà lieu de se demander si la requérante a suffisamment justifié pourquoi, dans la présente affaire, à la différence des affaires PVC, elle ne s'est pas prévalue plus tôt de ces prétendus vices, qui, en tout état de cause, devraient avoir été antérieurs à l'introduction du recours. Même s'il appartient au juge communautaire d'examiner d'office, dans le cadre d'un recours en annulation au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, la question de l'existence de l'acte attaqué, cela ne signifie toutefois pas que, dans chaque recours fondé sur l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, il y ait lieu de procéder d'office à des investigations concernant une éventuelle inexistence de l'acte attaqué. Ce n'est que dans la mesure où les parties avancent des indices suffisants pour suggérer une inexistence de l'acte attaqué que le juge est tenu de vérifier cette question d'office. En l'espèce, l'argumentation développée par la requérante ne fournit pas d'indices suffisants pour suggérer une telle inexistence de la décision. Sous le titre I, point 2 de son mémoire, la requérante s'est prévalue d'une prétendue violation du régime linguistique prévu par le règlement intérieur de la Commission. Une telle violation ne peut cependant entraîner l'inexistence de l'acte attaqué, mais seulement - après avoir été invoquée en temps utile - son annulation. La requérante a, en outre, fait valoir sous le titre I, point 3 de son mémoire que, compte tenu des circonstances dans lesquelles s'est déroulée la procédure PVC, il existe une présomption de fait que la Commission a également apporté, sans y être habilitée, des modifications a posteriori à ses décisions polypropylène. La requérante n'a cependant pas expliqué pourquoi la Commission aurait également apporté des modifications a posteriori à la décision en 1986, c'est-à-dire dans une situation normale se distinguant sensiblement des circonstances particulières de la procédure PVC, caractérisées par le fait que la Commission parvenait, en janvier 1989, à l'expiration de son mandat. La simple référence au `défaut de conscience d'avoir commis une faute' n'est pas suffisante à cet égard. La présomption globale avancée à ce sujet par la requérante ne constitue pas un motif suffisant pour justifier que des mesures d'instruction soient ordonnées après une réouverture de la procédure orale.

Enfin, il convient d'interpréter l'argumentation développée par la requérante sous le titre I, point 1 de son mémoire comme affirmant, sur la base des déclarations faites par les agents de la Commission dans les affaires PVC, qu'un original de la décision attaquée, authentifié par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif, fait défaut. Ce prétendu vice, à supposer qu'il existe, ne conduirait cependant pas à lui seul à l'inexistence de la décision attaquée. Dans la présente affaire, à la différence des affaires PVC, précédemment citées à plusieurs reprises, la requérante n'a en effet avancé aucun indice concret de nature à suggérer qu'une violation du principe de l'intangibilité de l'acte arrêté serait intervenue après l'adoption de la décision attaquée et que celle-ci aurait ainsi perdu, au bénéfice de la requérante, la présomption de légalité dont elle bénéficiait de par son apparence. En un tel cas, la seule circonstance qu'un original dûment authentifié fasse défaut n'entraîne pas, à elle seule, l'inexistence de l'acte attaqué. Il n'y avait donc pas lieu non plus pour ce motif de rouvrir la procédure orale afin de procéder à de nouvelles mesures d'instruction. Dans la mesure où l'argumentation de la requérante ne pourrait justifier une demande en révision, il n'y avait pas lieu de donner suite à sa suggestion de rouvrir la procédure orale.»

3) Examen des moyens d'annulation

a) Quant aux limites des pouvoirs du juge du pourvoi

26 Il nous semble utile de répondre tout d'abord à une question soulevée par Hüls, qui porte sur les limites des pouvoirs du juge du pourvoi.

La requérante demande à la Cour d'ordonner, si elle le juge nécessaire, des mesures d'instruction complémentaires portant sur l'existence de vices de forme entachant la décision polypropylène. Ces vices sont énoncés dans la requête introductive du pourvoi. Selon la requérante, même au stade du pourvoi, le pouvoir d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires est étroitement lié à l'obligation, incombant à chaque instance juridictionnelle communautaire, d'examiner intégralement et d'office l'existence éventuelle de vices entachant le déroulement antérieur de la procédure administrative et de la procédure judiciaire.

27 Sur la question de savoir si la Cour peut ordonner des mesures d'instruction au stade du pourvoi afin de constater les vices de forme dont serait entaché l'acte attaqué de la Commission, il convient de formuler l'observation suivante: il résulte de la nature du contrôle exercé par le juge du pourvoi, tel que l'entendent les systèmes procéduraux des États membres et tel qu'il est décrit dans les dispositions pertinentes du statut CEE de la Cour de justice et du règlement de procédure de la Cour, que ce contrôle se limite à la constatation de la légalité de la décision de la juridiction du fond, c'est-à-dire qu'il vise à apprécier en droit le raisonnement juridique de cette dernière, sur la base des faits relevés par le juge. En revanche, le juge du pourvoi ne peut apprécier des preuves que lorsqu'est soulevé un moyen tiré de la dénaturation des faits (31). Aussi l'adoption de mesures d'instruction complémentaires est-elle inconcevable au stade du pourvoi (32).

Il convient donc, eu égard aux éléments qui précèdent, de rejeter la demande de mesures d'instruction complémentaires, présentée à la Cour par la requérante, concernant les irrégularités alléguées de la décision polypropylène de la Commission.

b) Quant à l'interprétation erronée par le Tribunal des notions d'acte inexistant et de présomption de légalité

- Les arguments des parties

28 La requérante soutient que l'arrêt attaqué doit être annulé au motif que le Tribunal interprète et applique de façon erronée les notions juridiques d'acte «inexistant» et de «présomption de légalité».

Plus particulièrement, selon Hüls, le Tribunal aurait considéré à tort qu'un acte qui n'a pas été dûment signé n'est pas inexistant de plein droit mais est couvert par la présomption de légalité. Cette appréciation violerait les principes généralement admis concernant l'inexistence des actes, tels qu'ils ont été consacrés par la jurisprudence (33). En outre, pour fonder son point de vue en la matière, le Tribunal donnerait une interprétation erronée de la notion de présomption de légalité et de la théorie de l'apparence. Selon la requérante, des vices de forme aussi fondamentaux et visibles que ceux immanents à la décision polypropylène de la Commission ne sauraient être couverts par la théorie de l'apparence. Par ailleurs, selon Hüls, le recours à la présomption de légalité en tant que critère de l'existence d'un acte serait incohérent et reviendrait à mettre la charrue avant les boeufs.

Hüls soutient que les griefs ainsi formulés n'ont pas été ébranlés par l'arrêt PVC de la Cour; simplement, au lieu d'être inexistant, l'acte attaqué devait être annulé pour violation d'une forme substantielle.

29 Pour réfuter ces arguments, la Commission renvoie à la solution donnée par la Cour dans les affaires PVC. Selon la Commission, la question de l'inexistence des actes entachés des vices décrits par la requérante ne se poserait plus après l'arrêt PVC. Par ailleurs, soutient la Commission, c'est à bon droit que le Tribunal n'a pas prononcé la nullité de la décision polypropylène: en effet, il n'existerait pas de preuves suffisantes de l'existence des vices et irrégularités invoqués par Hüls (34).

- La réponse aux moyens précités

i) Sur l'étendue du contrôle de la juridiction du pourvoi sur les questions examinées d'office

30 Il convient, sur ce point, de rechercher si la nature d'un moyen d'annulation appelé à être contrôlé d'office par la juridiction du fond (Tribunal de première instance), influence la manière dont l'appréciation de ce moyen en première instance sera contrôlée dans le cadre du pourvoi (35). Le fait qu'un moyen relève de la catégorie de ceux qui sont examinés d'office n'implique pas ipso facto qu'il puisse être invoqué et examiné pour la première fois au stade du pourvoi, ni que le contrôle opéré par le juge du pourvoi s'étendra à des questions qui n'avaient pas été soulevées et qui n'avaient pas été traitées en première instance. Le juge du pourvoi ne saurait, même en ce qui concerne les questions examinées d'office, se muer en un deuxième degré de juridiction du fond qui procéderait à un examen des faits. Il a pour seule mission de déceler les erreurs de droit éventuelles entachant l'arrêt rendu en première instance, conformément à l'article 51, paragraphe 1, du statut CEE de la Cour de justice. Par conséquent, lorsque la Cour examine la question de savoir si la décision polypropylène litigieuse présente des vices de forme substantiels, elle doit se limiter, d'une part, à rechercher si la juridiction du fond a qualifié correctement les éléments de fait constatés en fonction de la règle de droit pertinente et, d'autre part, dans la mesure où une demande en ce sens est formulée dans le pourvoi, à vérifier si la juridiction du fond n'a pas omis d'examiner des allégations de fait analogues qui lui avaient été présentées valablement.

31 Comme nous l'avons exposé ci-dessus, il convient de rejeter les autres moyens soulevés par la requérante, par lesquels celle-ci s'efforce de compléter son mémoire du 4 mars 1992 et qui débordent les limites du contrôle du juge du pourvoi (36).

ii) Sur l'existence de vices de forme dûment établis entachant la décision attaquée

32 Eu égard aux développements qui précèdent, nous constatons que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit liée à l'identification et à l'appréciation d'éléments dont résulterait l'existence de vices de forme substantiels affectant la décision polypropylène. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que le juge du fond disposait d'éléments d'une telle nature ou d'une telle importance ni, a fortiori, qu'il les ait incorrectement appréciés.

33 Précisons que, parmi les vices de forme invoqués ci-dessus, il convient de reconnaître une importance décisive au vice de forme attaché à l'inexistence d'un original authentifié de l'acte de la Commission, conformément à l'article 12 de son règlement intérieur. L'importance particulière de ce vice ressort clairement de l'arrêt PVC précité de la Cour. Dans cet arrêt (37), la Cour a considéré que l'authentification des actes constituait une forme substantielle, dont le respect permet d'identifier avec certitude le contenu, la langue et la motivation de l'acte examiné. En outre, il ressort des motifs de cet arrêt que le défaut d'authentification se traduit automatiquement par l'annulation de l'acte entaché du vice, sans qu'il soit besoin d'établir que son contenu a été modifié par la suite ou que le régime linguistique n'a pas été respecté.

34 Or, dans l'affaire en cause, force est de constater que le Tribunal n'a pas relevé l'absence de l'original dûment authentifié de l'acte litigieux polypropylène, pas plus que la requérante n'a fait valoir qu'elle aurait, de manière claire et concrète, invoqué un tel moyen ou des éléments dûment établis dont résulteraient ces irrégularités. Aussi le Tribunal n'a-t-il commis aucune erreur de droit parce qu'il a n'a pas estimé que l'acte litigieux de la Commission présentait des vices de forme substantiels.

iii) Quant à l'exactitude du point 385 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi

35 Après avoir apporté ces éclaircissements, il convient à présent d'examiner le bien-fondé du moyen d'annulation invoqué, selon lequel le Tribunal aurait mal interprété et appliqué les notions juridiques d'acte «inexistant» et de «présomption de légalité».

36 Effectivement, il ne nous semble pas que le raisonnement juridique formulé au point 385 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi soit correct. Ses défauts résident dans la motivation qu'il énonce pour motiver la constatation qu'il n'y a pas lieu de déclarer inexistant l'acte attaqué devant le Tribunal. Nous pensons que cette motivation ne laisse pas de soulever certains doutes quant à son exactitude (38). En premier lieu, l'utilisation de la présomption de légalité en vue de réfuter l'inexistence de l'acte est, à notre avis, juridiquement erronée. En outre, comme le relève la requérante et ainsi qu'il ressort de l'analyse précitée effectuée par la Cour dans les affaires PVC, l'appréciation de l'existence d'un acte précède, logiquement, celle des éléments constitutifs de la présomption de légalité, dont elle constitue une condition sine qua non. Ensuite, - et cet aspect de la question revêt une plus grande importance, car il couvre les cas pour lesquels la violation de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission entraîne l'annulation et non l'inexistence de l'acte entaché par cette irrégularité - on ne saurait se prévaloir de la présomption de légalité d'un acte ayant fait l'objet d'un recours pour réfuter les arguments et les moyens invoqués par les parties qui attaquent cet acte. En d'autres termes, il n'est pas possible de réfuter un moyen tiré d'un vice de forme de l'acte attaqué en faisant valoir qu'il est couvert par la présomption de légalité: en effet, cette présomption n'empêche pas le contrôle juridictionnel.

37 En outre, l'obligation de produire des «indices concrets» afin de renverser la présomption de légalité, exigés par le Tribunal pour admettre l'inexistence de l'acte, suscite des doutes du point de vue de sa conformité aux règles relatives à la charge de la preuve (39).

38 En dépit de ces défauts, nous estimons que l'arrêt du Tribunal ne doit pas être annulé: en effet, la solution à laquelle il aboutit, en réponse aux allégations de Hüls relatives à l'inexistence de l'acte litigieux, est correcte, indépendamment des motifs plus particuliers avancés par l'arrêt sur ce point. Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal considère que, même s'ils existaient, les éventuels vices de la décision polypropylène ne rendraient pas l'acte inexistant. Ce point de vue a été confirmé par l'arrêt PVC de la Cour, dans un raisonnement que nous avons décrit précédemment dans les présentes conclusions (40). Conformément à la jurisprudence, si la Cour admet que, bien que les motifs de l'arrêt attaqué soient erronés, les conclusions auxquelles aboutit le Tribunal dans son dispositif sont fondées, il convient de rejeter le moyen d'annulation invoqué par Hüls de même que l'intervention de la société DSM, dans son ensemble (41).

c) Quant à l'existence éventuelle de vices de forme substantiels affectant l'acte attaqué

39 Si les éléments soumis à l'appréciation du Tribunal ne nous permettent pas de conclure que l'auteur de l'acte attaqué aurait commis des irrégularités substantielles, il reste à examiner dans quelle mesure ces éléments étaient de nature à justifier la réouverture de la procédure orale afin que soient ordonnées de nouvelles mesures d'organisation de la procédure.

- Les arguments des parties

40 La requérante soutient que, en rejetant la demande de réouverture de la procédure orale, le Tribunal a enfreint le droit communautaire, appliquant de façon erronée les articles 62 et 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal ainsi que l'article 21 du statut CEE de la Cour de justice. A cet égard, elle souligne la place particulière qu'occupent ces dispositions dans l'économie de la protection juridictionnelle communautaire. Elle précise en outre que ces dispositions offrent les garanties juridictionnelles nécessaires à la sauvegarde des droits de la défense des parties.

41 Selon Hüls, le Tribunal ne dispose pas d$un pouvoir discrétionnaire pour ordonner la réouverture de la procédure orale. Il convient d'interpréter l'article 62 du règlement de procédure du Tribunal en ce sens qu'il oblige celui-ci à procéder à la réouverture de la procédure orale chaque fois qu'une demande en ce sens est soumise par l'une des parties, pour autant que cette demande soit fondée sur des faits décisifs pour le règlement du litige, que la partie intéressée ne connaissait pas et ne pouvait dès lors pas faire valoir avant la fin de la procédure orale (42). La requérante voit de tels faits dans ceux qui ont été révélés le 10 décembre 1991 par les agents de la Commission, dans le cadre des affaires PVC: en raison de leur importance et de leur caractère général, ces faits dépasseraient les limites de cette dernière affaire et concerneraient directement la décision polypropylène, examinée dans la présente affaire. Selon ces révélations, la Commission n'aurait pas respecté, en premier lieu, l'obligation d'authentifier l'original de ses décisions, conformément à l'article 12 de son règlement intérieur, ensuite, les règles relatives au régime linguistique de ses décisions et enfin la règle interdisant de modifier a posteriori le contenu de l'acte adopté. La requérante soutient que, avant les révélations apparues le 10 décembre 1991, elle n'était pas en mesure de connaître ces faits, car elle ne disposait d'aucune indication au sujet de leur survenance. Elle souligne également que ces faits sont de nature à ébranler la présomption de légalité de la décision polypropylène de la Commission. Il s'agit par conséquent de faits «décisifs» pour le règlement du litige soumis au Tribunal. Dans l'arrêt PVC, la Cour a considéré que l'inexistence d'un original dûment authentifié, en particulier, constituait une violation d'une forme substantielle, conduisant, sans qu'il soit nécessaire de fournir d'autres preuves, à l'annulation de l'acte attaqué. En ce qui concerne la question de savoir si sa demande de réouverture de la procédure orale a été présentée dans les délais, Hüls fait observer qu'elle n'a pris connaissance desdits faits décisifs que le 10 décembre 1991. En tout état de cause, le dépôt de sa demande de réouverture de la procédure orale ne serait soumis à aucun délai de forclusion. Le délai de trois mois fixé par l'article 125 du règlement de procédure du Tribunal ne concernerait que la demande en révision en tant que voie de recours et, dans la mesure où il apporte une restriction à un droit procédural, ce délai ne saurait s'appliquer par analogie à la demande de réouverture de la procédure.

42 Dans un raisonnement à peu près identique, la requérante soutient que l'arrêt du Tribunal enfreint également les dispositions de l'article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, telles qu'elles doivent être interprétées en liaison avec les dispositions de l'article 64, paragraphe 1, dudit règlement et avec l'article 21 du statut CEE de la Cour. Selon Hüls, dans le cadre de son obligation de recueillir les éléments de preuve nécessaires pour le règlement du litige, le Tribunal doit ordonner des mesures d'instruction lorsque les conditions suivantes sont toutes trois réunies: il faut tout d'abord que les faits à prouver aient trait à un argument des parties exerçant une influence décisive sur le règlement du litige; en deuxième lieu, il faut que le juge communautaire ne puisse pas se prononcer précisément parce qu'il ignore si ces faits sont établis ou non et, enfin, il faut que des mesures d'instruction complémentaires soient nécessaires pour établir l$exactitude de ces faits. Lorsque toutes ces conditions sont remplies, le juge communautaire est tenu d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires. La requérante invoque à cet égard les conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt Société anonyme des laminoirs, hauts fourneaux, forges, fonderies et usines de la Providence e.a./Haute Autorité de la CECA (43) ainsi que la position adoptée par la Cour dans l'affaire Nölle (44). Selon la requérante, sa demande du 4 mars 1992 remplissait toutes les conditions précitées et devait par conséquent mener à la réouverture de la procédure orale. Cette demande présente comme vraisemblable l'inexistence de la décision polypropylène. La réponse apportée à ce moyen ne peut que revêtir une importance déterminante pour la solution du litige. La requérante s'appuie également sur des éléments de fait (inexistence d'un original, violation du régime linguistique, modifications a posteriori du contenu de l'acte) et en étaye la probabilité. Pour vérifier ces éléments, il eût été nécessaire d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires et surtout d'inviter la Commission à produire les pièces en sa possession. Dès lors, selon la requérante, le Tribunal était tenu de faire droit à la demande de nouvelles mesures d'instruction (telle qu'elle avait été formulée dans sa demande de réouverture de la procédure orale). Cette demande ne serait pas frappée de forclusion et ne serait dès lors pas soumise au délai visé à l'article 125 du règlement de procédure du Tribunal, qui ne concerne que la demande en révision, en tant que voie de recours. Le Tribunal aurait donc dû faire droit à cette demande, comme il l'avait fait dans un cas similaire dans le cadre de l'examen des affaires PVC. Enfin, Hüls considère que, en jugeant dans son arrêt que la requérante n'avait pas produit d'indices suffisants et concrets de nature à étayer sa demande de mesures d'instruction complémentaires, le Tribunal aurait enfreint les règles relatives à la charge de la preuve.

43 De son côté, la Commission relève, à titre liminaire, que c'est à tort que la requérante soutient que le Tribunal était tenu d'ordonner la réouverture de la procédure, car cette mesure n'était pas indispensable dans l'affaire en cause. Selon la Commission, la demande de réouverture de la procédure orale déposée par la requérante ne s'appuyait pas sur des éléments présentant un intérêt significatif aux fins de la solution du litige et avait du reste été présentée en dehors des délais. Pour la Commission, c'est à juste titre que le Tribunal a repoussé les moyens tirés de l'infraction au régime linguistique s'appliquant à l'acte ou à l'inexistence d'un original dûment authentifié de l'acte attaqué: en effet, ainsi que l'a jugé par la suite l'arrêt PVC de la Cour, à supposer qu'elles soient bien réelles, ces irrégularités n'entraînent pas l'inexistence de l'acte. S'agissant de ce que la requérante présente comme faits nouveaux, la Commission relève ce qui suit: dans la mesure où de tels faits sont liés à l'arrêt PVC du Tribunal, ils ne sauraient être invoqués au soutien d'une demande de réouverture de la procédure orale; les juridictions communautaires ont considéré que le contenu d'une décision judiciaire ne pouvait justifier la réouverture de la procédure orale dans une autre instance (45). Si l'on considère que les faits nouveaux consistent dans les révélations faites à l'audience par les agents de la Commission, sur lesquelles s'est fondé l'arrêt PVC du Tribunal, c'est alors tardivement que ces révélations ont été invoquées par Hüls dans sa demande du 4 mars 1992. Par analogie avec les dispositions applicables à la demande de révision, prévues par l'article 125 du règlement de procédure de la Cour, cette demande aurait dû être introduite dans un délai de trois mois à compter du jour où l'auteur de la demande a pris connaissance des faits qu'il invoque. La Commission fait valoir que, dès l'après-midi du 22 novembre 1991, un de ses agents avait reconnu, dans le cadre de l'audience «PVC», que la procédure prévue par l'article 12 du règlement intérieur de la Commission était tombée en désuétude. Donc, depuis ce jour-là, conformément à ce qui a été exposé par la défenderesse, Hüls avait déjà connaissance des éléments qu'elle a invoqués dans sa demande de réouverture de la procédure orale.

44 La Commission soutient en outre que c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que Hüls n'avait pas avancé, dans sa demande, les indices suffisants indispensables aux fins de l'accueil de sa demande de réouverture de la procédure. La position adoptée par le Tribunal demeurerait fondée quand bien même le mémoire de Hüls du 4 mars 1992 serait interprété en ce sens qu'il invoquerait la nullité formelle et non l'inexistence de la décision polypropylène litigieuse. A cet égard, la Commission précise que c'est à la requérante et non à la Commission qu'incombe la charge de la preuve de l'existence des irrégularités formelles en cause. L'interprétation contraire, que soutient la requérante, se heurte, selon la Commission, à la présomption de légalité dont jouissent les actes des institutions communautaires selon la jurisprudence (46). En outre, Hüls ne pouvait pas se contenter d'invoquer l'éventuel non-respect de la procédure prévue à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission. Elle devait se prévaloir d'indices concrets dont il résulte que la décision polypropylène a subi des modifications de son contenu postérieurement à son adoption. Cette interprétation, que le Tribunal a adoptée dans l'affaire en cause, est étayée, toujours selon la Commission, par l'arrêt Lestelle/Commission (47). En tout état de cause, l'éventuelle nullité formelle de la décision polypropylène devait, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, être soulevée dès la requête introductive d'instance et, de toute façon, elle ne pouvait plus être soulevée après la clôture de la procédure orale. A titre subsidiaire, la défenderesse allègue qu'il appartient entièrement au Tribunal de juger de la nécessité d'ordonner la réouverture de la procédure (48).

45 S'agissant de l'interprétation des dispositions de l'article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, la Commission relève que ces dispositions, ni d'ailleurs aucune autre règle de procédure, ne comportent de conditions dont la réunion obligerait le juge communautaire à accueillir une demande d'adoption de mesures d'organisation de la procédure. Aussi n'est-il pas fondé de soutenir que le Tribunal est tenu de recueillir des informations couvrant les faits invoqués par les parties tardivement ou de manière générale et vague. En revanche, la défenderesse se prévaut des dispositions de l'article 173 du traité, de l'article 19, premier alinéa, du statut CEE de la Cour de justice et des articles 44, paragraphe 1, sous c) et e), et 48, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal, dont elle tire le principe de l'obligation, pour le demandeur, de présenter dans les délais prévus ses conclusions ainsi que les éléments de preuve sur lesquels elles s'appuient. Les mesures d'organisation de la procédure ne visent pas à réparer les omissions commises par les parties qui oublient de présenter leurs arguments en temps utile et dans les conditions légales. Qui plus est, la Commission fait remarquer que l'allégation de la requérante relative à l'existence d'une contradiction entre la jurisprudence PVC et la présente affaire sur la question en cause est formulée pour la première fois dans le mémoire en réplique et est dès lors irrecevable. Enfin, la jurisprudence Nölle, dont se prévaut Hüls, ne concerne pas les organes juridictionnels communautaires et n'interprète ni n'applique aucune règle de procédure utile aux fins du règlement du présent litige.

46 Pour les observations et les arguments formulés par la partie intervenante, nous renvoyons aux points 10 et suivants de nos conclusions, auxquels il convient de se référer.

- Notre réponse aux questions précitées

47 Au vu de ce qui précède se pose la question du bien-fondé du rejet, par le Tribunal, de la demande de réouverture de la procédure, directement liée à l'existence éventuelle de vices de forme substantiels affectant la décision polypropylène de la Commission.

i) Les pouvoirs du juge communautaire en matière d'organisation et de déroulement de la procédure

48 Ni l'interprétation littérale et téléologique des dispositions des articles 42, 62 et 64 du règlement de procédure du Tribunal (49), ni toute autre règle de procédure ne permettent de conclure à l'obligation, pour le juge communautaire, de faire droit à une demande de réouverture de la procédure orale présentée par les parties ou d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires. Le Tribunal a simplement la faculté de le faire, comme l'impose le principe général du droit de la procédure selon lequel le juge est maître tant de la procédure que de l'instruction. Les pouvoirs ainsi conférés au juge sont reconnus par le système communautaire de protection juridictionnelle comme par les systèmes correspondants des États membres. Il n'est pas possible de considérer qu'ils porteraient atteinte au droit, pour les parties, de bénéficier d'une protection juridique.

49 Il n'en demeure pas moins qu'il existe certaines limites à l'exercice des pouvoirs précités, imposées par deux autres principes fondamentaux du droit de la procédure qui régissent l'action de la justice. Il s'agit, d'une part, du principe imposant au juge le respect des règles de la charge de la preuve et, d'autre part, du principe interdisant au juge tout déni de justice qui l'oblige à répondre par des motifs légaux et suffisants aux allégations qui sont valablement soumises à son appréciation. C'est à la lumière de ces principes qu'il y a lieu d'examiner ci-après la validité du refus opposé par le Tribunal à la demande de réouverture de la procédure.

ii) La décision de rejet du Tribunal à la lumière des règles relatives à la charge de la preuve

50 Dans la présente affaire, en première instance, après la clôture de la procédure orale, la partie requérante a soulevé l'existence éventuelle de vices de forme substantiels qui, à son avis, affectent l'acte qu'elle attaque et le rendent inexistant. Aussi a-t-elle demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale et d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction. Le Tribunal a rejeté cette demande, considérant que la requérante ne fournissait pas d'«indices suffisants» de l'inexistence de l'acte attaqué. Plus particulièrement - et à l'exception du moyen tiré de la violation du régime linguistique de l'acte, dont l'arrêt attaqué mentionne qu'il aurait été soulevé tardivement - le Tribunal a jugé que la requérante n'avait pas expliqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle estimait qu'il était probable que la Commission avait apporté des modifications a posteriori à la décision polypropylène, pas plus qu'elle n'avait avancé d'«indices concrets» de nature à suggérer que cet acte aurait perdu au bénéfice de la requérante la présomption de légalité dont il bénéficiait. En d'autres termes, le Tribunal a jugé que, pour corroborer son allégation relative à l'existence éventuelle de vices de forme conduisant à la constatation de l'inexistence de l'acte attaqué et justifiant la réouverture de la procédure, il incombait à la requérante de motiver et de dûment prouver cette allégation.

51 En premier lieu, le Tribunal n'a pas eu tort lorsqu'il a considéré que, même si la Commission avait commis les irrégularités alléguées, celles-ci ne sauraient impliquer l'inexistence de l'acte (50). Toutefois, comme nous l'avons indiqué précédemment dans notre analyse, ce fait ne saurait à lui seul justifier le rejet du pourvoi. L'élément décisif invoqué par la requérante en première instance ne réside pas dans l'inexistence supposée de l'acte attaqué, mais dans l'éventualité de vices consistant dans l'inexistence d'un original authentifié, dans la modification a posteriori du contenu de l'acte et dans la violation de son régime linguistique. Pour le juge, ce n'est pas la qualification juridique que les parties confèrent aux faits qui importe, mais les faits mêmes dont elles se prévalent: il en est ainsi, en particulier, lorsque, bien que leur constatation ne rende pas l'acte inexistant, lesdits faits n'en constituent pas moins une violation d'une forme substantielle de la procédure d'adoption de l'acte; cette violation, soulevée d'office, conduit à son annulation.

Ainsi que nous l'avons déjà mentionné (51), l'élément décisif qui a été porté à la connaissance du Tribunal par le mémoire du 4 mars 1992 porte sur l'inexistence supposée d'un original dûment authentifié de l'acte. La preuve de cette allégation mènerait à l'annulation de l'acte. Aussi le Tribunal ne pouvait-il pas répondre à la requérante que le vice en question, à supposer qu'il existe, n'était pas pertinent, au seul motif que la requérante s'était prévalue de l'inexistence et non de la nullité de l'acte.

52 Nous nous trouvons désormais au coeur du problème, qui se résume à la question suivante: Quitte à admettre l'éventuelle violation d'une forme substantielle, le Tribunal était-il tenu, par une quelconque règle du droit communautaire, d'ordonner la réouverture de la procédure et de nouvelles mesures d'instruction?

53 Conformément au raisonnement du Tribunal, que la Commission soutient en ses arguments, la demande de la requérante a été examinée au fond et a été rejetée au motif que la requérante n'avait avancé aucun indice «suffisant» et «concret» à l'appui de ses allégations. Que les allégations aient visé l'inexistence - à laquelle se réfère le Tribunal - ou la nullité de l'acte - comme elles auraient dû le faire -, il est constant que le Tribunal les a rejetées, jugeant les éléments invoqués insuffisants.

54 Nous ne pensons pas que cette attitude soit fondée: en effet, elle enfreint les règles régissant la charge de la preuve. Comme nous l'avons indiqué au point précédent, si le juge communautaire est maître de la procédure et de l'instruction, il doit toutefois exercer ses pouvoirs dans le respect des règles relatives à la charge de la preuve. En principe, la charge de la preuve des allégations de fait incombe à toute partie qui les invoque. Toutefois, cette règle connaît des exceptions, lorsque les éléments de preuve sont en possession exclusive de la partie adverse (52) ou que celle-ci a, par son comportement, rendu impossible l'accès auxdits éléments (53). Dans ces cas-là, à notre sens, les obligations suivantes incombent à la partie qui formule les allégations concernées: d'une part, présenter des «indices» de nature à établir que les éléments dont elle n'a pas eu connaissance auraient été «pertinents à sa défense» (54) et, d'autre part, produire ne fût-ce qu'un «commencement de preuve» pour les soupçons qui, de son point de vue, découlent des éléments auxquels elle n'a pas accès (55).

55 En ce qui concerne l'affaire en cause, nous pouvons distinguer deux éléments décisifs: en premier lieu, la requérante se prévaut de l'inexistence d'un original dûment authentifié de l'acte, qu'elle présume d'un certain nombre d'indices. En deuxième lieu, s'il existe, le vice dont se prévaut la requérante entraîne immanquablement la nullité de l'acte attaqué. Eu égard à ce qui précède, le Tribunal devait admettre que la requérante s'était conformée aux règles régissant la charge de la preuve, en d'autres termes qu'elle avait présenté dans son mémoire tous les éléments qu'elle pouvait et devait présenter. Bien entendu, ces éléments ne constituaient pas une preuve complète, ni même des indices «circonstanciés» que l'irrégularité a été commise. Les règles relatives à la charge de la preuve - toujours dans le cadre de la même question - impliquaient toutefois l'obligation pour Hüls d'offrir un «commencement de preuve» étayant ses soupçons relatifs à l'infraction et non des éléments qui constituent une preuve complète ou des indices suffisants de cette infraction.

56 Il en découle que, en acceptant d'examiner au fond ledit mémoire, le Tribunal ne pouvait pas, sans enfreindre les règles relatives à la charge de la preuve, rejeter la demande de réouverture de la procédure orale présentée par la requérante au motif que les éléments étayant cette demande n'étaient pas suffisants pour justifier son appréciation.

iii) Examen des moyens invoqués après la clôture de la procédure orale

57 Les constatations qui précèdent ne sont toutefois pas suffisantes pour en conclure que le pourvoi doit être accueilli. Ainsi que nous l'avons souligné à maintes reprises, c'est après la clôture de la procédure orale que la requérante en première instance a allégué l'existence d'irrégularités de forme affectant l'acte attaqué. Il convient donc d'examiner dans quelle mesure cet élément justifiait le rejet de la demande de réouverture de la procédure orale et plus généralement le refus d'examiner le mémoire.

iii) 1. L'interdiction de produire de nouveaux moyens après la clôture de la procédure orale

58 Les textes régissant la procédure devant les juridictions communautaires imposent aux parties des règles et des délais s'appliquant à la présentation de leurs moyens et de leurs conclusions. L'instauration d'un certain nombre de contraintes quant au mode de participation des parties au déroulement de l'instance est indispensable eu égard au souci d'une administration de la justice meilleure, plus rapide et plus rationnelle. Ces contraintes découlent des principes fondamentaux de sécurité juridique et de bonne administration de la justice.

59 Nous trouvons une contrainte de ce type dans l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Selon cette disposition, «la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure». Le paragraphe 1 de ce même article précise que «les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l'appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique. Elles motivent le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve». Ces dispositions sont reprises dans le chapitre du règlement de procédure relatif à la procédure écrite. On remarque donc qu'au début de l'instance, dès le stade de la procédure écrite, les parties sont invitées à présenter en temps utile et aussi vite que possible leurs moyens ainsi que les éléments de preuve sur lesquels ceux-ci s'appuient. Le juge communautaire ne pardonne pas les retards injustifiés. Dans le système judiciaire communautaire, tous les moyens soulevés concernant aussi bien les éléments de fait que de droit doivent figurer, fût-ce sommairement, dans la requête introductive d'instance (56). Ils peuvent au demeurant être développés et précisés au cours des procédures écrite et orale. Par ailleurs, l'instruction se déroule dans le cadre des moyens et allégations que les parties ont présentés et sur la base des preuves fournies et invoquées en cours d'instance.

60 En conséquence, si l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit certes la possibilité de présenter des moyens nouveaux fondés sur des éléments qui se sont révélés tardivement, il n'en demeure pas moins qu'en raison de son caractère exceptionnel, cette possibilité doit être interprétée de manière restrictive. Il ne faut pas perdre de vue, en tout cas, que la possibilité pour les parties de présenter des moyens et des allégations, de soumettre des demandes ou d'invoquer des faits ne vaut en principe qu'au plus tard jusqu'à la clôture de la procédure orale (57). Tel est le sens des articles 60 et 61, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, qui prévoient le moment où le président prononce la clôture de la procédure orale. Ainsi, la clôture de la procédure orale a pour effet d'exclure toute possibilité pour les parties de modifier les éléments de droit et de fait de l'affaire en instance.

61 Par ailleurs, même lorsqu'il est amené à examiner un élément ou un moyen présentés tardivement, mais dans les délais de la procédure écrite, le Tribunal apprécie si ce retard est de nature à empêcher la partie adverse de défendre effectivement ses intérêts, considération liée au principe d'égalité des parties, ou à entraver le juge dans l'exercice de son contrôle juridictionnel (58). Si tel est le cas, le Tribunal ne procède pas à leur examen. En transposant ce raisonnement aux cas de présentation de moyens ou d'éléments postérieure à la clôture de la procédure orale, nous observerons que cette présentation est susceptible de porter préjudice aux droits de la défense de la partie adverse et, en tout état de cause, entrave par définition la mission du juge. Dans pareil cas, celui-ci est appelé à statuer sur une affaire dont les éléments de droit et de fait changent constamment.

62 Il en résulte que, après la clôture de la procédure orale, les parties ne sont en principe plus autorisées à présenter moyens ou éléments de fait (59). Cette interdiction doit assurément être interprétée de manière encore plus stricte que l'interdiction de la production de moyens nouveaux dans la réplique et la duplique, soit à un stade de la procédure antérieur à la clôture de la procédure écrite.

iii) 2. Les exceptions à l'interdiction de soulever des moyens après la clôture de la procédure orale

63 Toutefois, la règle que nous venons de présenter est, à notre sens, susceptible d'exceptions. Il existe deux motifs justifiant des dérogations à l'interdiction de faire valoir des moyens nouveaux après la clôture de la procédure orale. Premièrement, une dérogation est possible lorsque la question sur laquelle porte un moyen soulevé tardivement par la partie concernée relève de celles qui sont examinées d'office par l'organe juridictionnel: cette hypothèse ne constitue pas un réel renversement de l'interdiction, mais relativise ses effets; nous l'analyserons ultérieurement dans les présentes conclusions (60). Ensuite, une dérogation peut se justifier lorsque les faits sur lesquels se fonde le moyen soulevé tardivement par la partie n'étaient pas connus antérieurement, à un moment qui lui aurait permis d'en faire état en temps opportun.

iii) 2.1. Sur la question de savoir si les éléments présentés tardivement n'ont été connus qu'après la fin de la procédure orale

64 Le droit procédural communautaire doit admettre une dérogation à l'interdiction d'invoquer tardivement des éléments ou des moyens nouveaux, en particulier lorsque la partie concernée n'en avait pas connaissance avant la clôture de la procédure orale. Cela ressort d'abord de la formulation générale de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal; quoique faisant partie, dans l'économie du texte, du chapitre consacré à la procédure écrite, cette disposition se réfère de manière générale à la production de moyens nouveaux «en cours d'instance» et, ainsi que l'admet la jurisprudence (61), concerne donc également la possibilité de faire valoir des moyens nouveaux après la clôture de la procédure orale (62). Cette interprétation se déduit également du principe fondamental de protection judiciaire et du principe de bonne administration de la justice, tels qu'ils sont appliqués dans le système judiciaire communautaire et dans les systèmes correspondants des États membres.

65 Une autre remarque nous paraît particulièrement opportune: les moyens qui pourraient justifier la réouverture de la procédure orale sont ceux-là mêmes qui, a fortiori, justifient la remise en cause de l'autorité de force jugée dans le cadre de la voie de recours que constitue la demande en révision. La parenté entre la question de droit que nous examinons en l'occurrence et celle à laquelle donne lieu le dépôt d'une demande en révision est réellement étroite et particulièrement utile aux fins de la compréhension et de la solution du présent litige.

66 Conformément aux dispositions déjà citées de l'article 41 du statut CEE de la Cour de justice et de l'article 125 du règlement de procédure du Tribunal, la demande en révision doit se fonder sur un fait qui réponde aux conditions suivantes:

- il doit être de nature à exercer une influence décisive sur la solution du litige;

- il doit, avant le prononcé de l'arrêt, avoir été inconnu de la partie qui demande la révision et de la juridiction concernée;

- il doit s'agir d'un fait dont la partie qui demande la révision a eu connaissance au plus tôt dans les trois mois précédant le dépôt de ladite demande.

67 Nous pensons qu'il convient d'accueillir une demande de réouverture de la procédure orale qui répond à des conditions correspondant à celles qui sont requises pour faire droit à une demande en révision. Autrement, nous aboutirions à un non-sens juridique: la partie prenant connaissance d'un élément décisif après la clôture de la procédure orale non seulement ne pourrait pas le faire valoir avant le prononcé de l'arrêt, mais encore perdrait le droit de former une demande en révision au motif qu'elle aurait pris connaissance de cet élément avant le prononcé de l'arrêt définitif de la juridiction saisie.

68 Aussi la partie concernée devrait-elle avoir la faculté de demander au juge communautaire d'ordonner la réouverture de la procédure orale, dès lors qu'un fait d'une importance décisive, qui était inconnu de la juridiction concernée et de la partie qui demande la réouverture, se révèle après la clôture de la procédure orale. Reste à examiner la question de savoir si, par analogie avec les dispositions de l'article 125 du règlement de procédure du Tribunal, relatif à la demande en révision, la demande de réouverture de la procédure orale doit être introduite dans un délai de trois mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait. L'interprétation par analogie d'une disposition procédurale - et qui plus est d'un délai restreignant l'exercice d'un droit - ne paraît pas compatible avec les principes de droit généralement admis dans l'ordre juridique communautaire. Il serait toutefois contraire aux principes fondamentaux imposant une administration de la justice aussi rapide et bonne que possible, de donner à une partie une totale liberté quant au choix du moment de présentation de sa demande de réouverture de la procédure. Cette demande devra être présentée non seulement dans un délai raisonnable à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait décisif (délai qui, à notre sens, cesse d'être raisonnable au bout de trois mois), mais encore sur le champ, afin d'éviter tout retard supplémentaire dans le prononcé de l'arrêt.

69 S'agissant des éléments propres à l'affaire que nous examinons, nous estimons tout d'abord qu'un fait qui, s'il est établi, suffit à entraîner l'annulation de l'acte attaqué pour violation d'une forme substantielle présente les caractéristiques d'un fait «de nature à exercer une influence décisive» et, partant, justifie la réouverture de la procédure orale, comme il justifierait également la révision de l'arrêt rendu (63). Il reste donc à examiner le moment où la requérante en a pris connaissance, afin de déterminer si ce fait était resté inconnu de la partie requérante jusqu'à la clôture de la procédure orale devant le Tribunal de première instance et s'il a été présenté au Tribunal dans un délai raisonnable. Ce qui nous intéresse, dans le cas d'espèce, c'est de connaître le moment où la requérante a eu connaissance d'éléments susceptibles de l'amener à contester la légalité formelle de l'acte attaqué de la Commission et à demander, pour ce motif, des mesures d'instruction complémentaires.

70 Il convient, à notre sens, de formuler un certain nombre d'observations liminaires.

71 Tout d'abord, nous estimons que, en tant que condition préalable à la production de moyens nouveaux, le défaut de connaissance des faits concernés doit être interprété de manière restrictive (64). Dans la mesure où elle a entrepris de s'attaquer en justice à un acte, la partie qui demande la réouverture de la procédure est tenue de montrer toute diligence dans la collecte des éléments de preuve utiles à l'appui de ses arguments. Constituent des éléments de preuve de cette nature non seulement ceux qui prouvent de façon indéniable l'existence d'un vice affectant l'acte attaqué, propres à conduire à son annulation, mais aussi ceux qui engendrent ne fût-ce que le simple soupçon qu'un examen plus attentif pourrait éventuellement révéler un motif valable de nullité de l'acte. Si la partie concernée a ignoré de tels éléments de preuve tout au cours de la procédure orale, de la procédure écrite et de l'instruction, elle ne saurait, pour obtenir la réouverture de la procédure, se prévaloir d'autres éléments, qui renforceraient et compléteraient les soupçons qu'auraient dû susciter les éléments initiaux.

72 Dans la présente affaire, le moment où la partie a eu connaissance d'un fait de nature à exercer une influence décisive, dont dépend la question de savoir si la demande de réouverture de la procédure a été présentée dans les délais, coïncide avec le moment où le demandeur disposait de suffisamment d'éléments dont résultent des soupçons de l'existence de certains vices de forme affectant l'acte attaqué. En d'autres termes, le moment décisif n'est pas celui de la confirmation ou de la concrétisation des soupçons de la partie qui demande la réouverture de la procédure orale, mais celui où existaient déjà des éléments de preuve pouvant engendrer ces soupçons. Lorsque le «fait de nature à exercer une influence décisive» consiste dans des soupçons portant sur la légalité d'un acte, qui appellent un plus ample examen, la partie concernée est présumée avoir eu connaissance de ce fait au moment où elle accède à des éléments qui font naître ces doutes, fût-ce en germe. Si elle ignore ou sous-estime ces éléments, elle perd le droit de les faire valoir tardivement, quand les délais de procédure ont expiré. En d'autres termes, il convient de déterminer non seulement le moment où la partie qui se prévaut du fait a pris connaissance de celui-ci, mais aussi le moment où elle aurait dû, le cas échéant, en prendre connaissance si elle avait fait preuve de la diligence requise (65).

73 En l'espèce, s'agissant en particulier de la question de l'existence ou non d'un original dûment authentifié de la décision polypropylène de la Commission - question qui, comme nous l'avons précédemment indiqué, est la question décisive - nous formulerons la conclusion suivante: la requérante soutient qu'elle n'a eu connaissance, au plus tôt, des éléments à l'origine des doutes relatifs à l'existence d'un original authentifié qu'à l'occasion des déclarations des agents de la Commission, dans le cadre de l'audience dans les affaires PVC. Conformément à ces révélations, qui ont été faites le 10 décembre 1991, l'application de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission ainsi que d'autres règles relatives à la forme et à la procédure d'adoption de ses actes était tombée en désuétude depuis longtemps et cette formalité n'a pas été respectée non seulement pour la décision PVC, mais aussi dans d'autres cas connexes.

74 En fait, ces éléments revêtent une importance dans la mesure où ils ont trait à l'éventualité d'une violation d'une forme substantielle lors de l'adoption de la décision polypropylène litigieuse. Mais ils ne constituent pas des «faits inconnus de nature à exercer une influence décisive», en ce sens qu'ils ne créent pas pour la première fois des doutes quant à la légalité formelle de l'acte attaqué; ils ne font que renforcer les soupçons qui ressortaient déjà des éléments du dossier, dont la partie concernée disposait dès avant le début du procès. Le devoir de diligence imposait à celle-ci de relever la possibilité de l'inexistence d'un original authentifié dès le moment de l'introduction du recours, ou à tout le moins avant la clôture de la procédure orale (66).

75 Par ailleurs, le dossier de l'affaire doit être complet et accessible aux parties, de manière à ce qu'elles puissent contrôler les pièces qu'il contient et constater l'inexistence d'autres éléments importants. C'est l'unique façon de garantir l'égalité des armes entre les parties, en leur offrant la possibilité de constater l'existence ou non d'un document et de déterminer s'il a été adopté suivant les formes légalement imposées et, notamment, si l'organe qui a arrêté l'acte concerné est l'organe compétent, s'il a été réuni légalement (lorsqu'il s'agit d'organes collégiaux) ou si sa composition était valide, etc. En conséquence, conformément aux précisions que nous avons précédemment apportées sur ce point et conformément aux règles relatives à la charge de la preuve, il suffisait que la requérante soulève en temps utile la question de l'éventuelle absence d'un original de l'acte pour que le Tribunal ordonne des mesures d'instruction complémentaires et, concrètement, enjoigne à la Commission de produire les éléments qu'elle détenait et qui établissaient l'existence ou l'inexistence dudit original.

76 Ainsi, le fait qui suscite pour la première fois des doutes quant au respect des conditions formelles d'adoption par la Commission de la décision polypropylène réside dans l'absence, dans le dossier de l'affaire, des éléments qui permettraient d'inférer avec certitude le respect desdites conditions formelles (67). Cette absence datait de bien avant la clôture de la procédure orale. C'est pourquoi nous estimons qu'il n'y a pas eu connaissance a posteriori, par la requérante, d'un fait de nature à exercer une influence décisive qui excuse le dépôt en dehors des délais de la demande de réouverture de la procédure orale (68).

iii) 2.2. Sur la question de savoir si un moyen produit tardivement doit obligatoirement être examiné d'office par le juge

77 Il convient enfin de savoir si l'on peut remédier aux conséquences de la production tardive d'un moyen lorsque celui-ci peut faire l'objet d'un examen d'office par la juridiction saisie. En effet, ainsi que nous l'avons précédemment indiqué, l'absence d'original dûment authentifié des décisions de la Commission constitue une violation d'une forme procédurale substantielle et peut faire l'objet d'un examen d'office par le juge communautaire (69). Il y a donc lieu de se demander si, s'agissant de la constatation de l'existence d'un éventuel vice de forme, le Tribunal aurait dû procéder à l'examen des moyens produits tardivement par les parties et annuler l'acte attaqué, ou à tout le moins ordonner des mesures d'instruction.

78 Pour répondre à cette question, il est nécessaire d'examiner les limites du contrôle juridictionnel d'office (70). Lorsqu'un moyen d'annulation est examiné d'office, le juge peut, en l'absence de toute demande, examiner de sa propre initiative les éléments du dossier pour vérifier la pertinence d'un tel moyen. Dès lors que ce moyen porte sur la partie en fait de l'affaire, l'examen d'office du juge se limite en principe aux éléments du dossier qui ont été soumis à son appréciation. Ce n'est que si ces éléments font apparaître qu'un acte a été arrêté en violation d'une forme procédurale substantielle que la juridiction est tenue d'annuler l'acte concerné. Bien entendu, le juge a toujours la faculté de ne pas s'en tenir uniquement aux indications données par le dossier et d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires, mais il s'agit là d'une possibilité, non d'une obligation. Le seul fait que, en se fondant sur certaines indications fournies par les éléments de preuve existants relatifs à des questions examinées d'office, le juge puisse faire un pas supplémentaire et le cas échéant constater que l'acte attaqué est illégal, ne suffit pas à rendre l'arrêt annulable au motif qu'il aurait été rendu en violation des règles relatives au pouvoir de contrôle d'office des juges.

79 Dans la présente affaire, aucun fait pleinement vérifié établissant l'existence d'un vice de forme substantiel affectant l'acte attaqué, qui aurait dû être relevé d'office par le Tribunal, n'a été mentionné dans l'arrêt attaqué ou invoqué par les parties en première instance. En outre, on ne saurait prétendre que le Tribunal a enfreint les règles relatives au contrôle d'office au seul motif qu'il n'a pas examiné en profondeur la question de savoir si les conditions de forme et de procédure requises avaient été ou non respectées lors de l'adoption par la Commission de la décision polypropylène litigieuse. Le motif énoncé dans l'arrêt attaqué, selon lequel «... même s'il appartient au juge communautaire d'examiner d'office, dans le cadre d'un recours en annulation au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, la question de l'existence de l'acte attaqué, cela ne signifie toutefois pas que, dans chaque recours fondé sur l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, il y ait lieu de procéder d'office à des investigations concernant une éventuelle inexistence de l'acte attaqué...», est exact (71).

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté la demande de réouverture de la procédure présentée par la requérante avant que le Tribunal de première instance ne statue. En outre, tous les moyens d'annulation tendant à soutenir le contraire sont dénués de fondement et doivent être rejetés.

B - Les moyens tirés de la constatation, par le Tribunal, d'infractions à l'article 85 du traité

80 Dans la deuxième partie de son pourvoi, la société requérante au pourvoi, Hüls, invoque un certain nombre d'erreurs qu'aurait commises le Tribunal lors de l'examen et de la constatation des éléments de faits décisifs dans la présente affaire.

81 C'est à juste titre que la Commission fait observer que se pose la question de savoir si et dans quelles conditions la manière dont la juridiction du fond a constaté les faits, d'une part, et la portée de ses constatations, d'autre part, constituent des questions de droit au sens de l'article 51 du statut CEE de la Cour de justice et relèvent donc du contrôle du juge du pourvoi.

La question de la recevabilité sera examinée dans le cadre de l'examen des différents moyens soulevés par la requérante. L'interprétation correcte des requêtes déposées par Hüls montre que celle-ci s'en prend aux constatations formulées par le Tribunal sur trois questions plus particulières: sa participation, primo, aux réunions périodiques des producteurs de polypropylène, secundo aux initiatives de prix, et tertio aux mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix.

1) L'argumentation des parties

a) Sur la participation aux réunions périodiques

82 Selon la requérante, la conclusion à laquelle aboutit le Tribunal, lorsqu'il estime que la société a participé aux réunions de producteurs de polypropylène à partir de la fin de l'année 1978 et du début de l'année 1979, enfreint les règles de preuve du droit communautaire. Concrètement, selon Hüls, le Tribunal se serait fondé d'abord sur une réponse donnée par la société concurrente ICI à une question posée par la Commission, qui ne dit mot de la durée de la participation de Hüls à ces réunions, et ensuite sur divers tableaux en possession des sociétés ICI, ATO et Hercules qui, toutefois, toujours selon Hüls, constituent un moyen de preuve éminemment suspect: en effet, les points de vue divergent quant à la manière dont ces tableaux ont été établis et la requérante estime qu'ils ne permettent pas de tirer des conclusions quant à la durée de la participation auxdites réunions. Le Tribunal se serait fondé, enfin, sur la réponse de Hüls à la demande de renseignements adressée par la Commission. Contre toute logique selon Hüls, le Tribunal a conclu de ce dernier élément, combiné avec la participation de Hüls aux réunions au cours des années 1982 et 1983, que cette société participait «régulièrement» à des réunions antérieures (voir points 114 à 118 de l'arrêt attaqué). En conséquence, prétend Hüls, le Tribunal aurait fondé ses conclusions sur des éléments dénués de valeur probante et, essentiellement, sur les seuls renseignements fournis par la société concurrente ICI. La requérante invoque à cet égard l'arrêt Duraffour/Conseil (72).

Par ailleurs, Hüls soutient que, en lui demandant de fournir des indices de nature à établir que sa participation aux réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel (point 126 de l'arrêt attaqué), le Tribunal a méconnu les règles relatives à la charge de la preuve ainsi que la présomption d'innocence de l'accusé, et ce d'autant plus qu'en substance, le Tribunal a exigé de la requérante la preuve d'un fait négatif, à savoir sa non-participation à un comportement anticoncurrentiel. La requérante renvoie à cet égard aux conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission (73). Elle fait également valoir que, en concluant à sa participation régulière aux réunions des producteurs de polypropylène alors qu'il n'existait pas d'éléments suffisants dans ce sens, le Tribunal crée en substance une présomption dont, au mépris des règles relatives à la charge de la preuve, le renversement incombe à la requérante.

83 La Commission considère que l'argumentation développée par Hüls met en question l'appréciation des faits effectuée par le Tribunal et que le moyen concerné doit dès lors être rejeté comme irrecevable. A titre subsidiaire, elle souligne que le Tribunal n'aurait pas fondé ses constatations en matière de limite de temps en ce qui concerne la participation de Hüls aux réunions des producteurs de polypropylène sur les seuls renseignements fournis par ICI (point 114 de l'arrêt attaqué), mais aussi sur le contenu des tableaux mentionnés au point 115 de l'arrêt attaqué. Parallèlement, la Commission estime que les points 116 et 117 de cet arrêt servent à réfuter les données fournies par Hüls et dissipent ainsi les doutes concernant la justesse des conclusions tirées aux points 114 et 115. Dans ces conditions, estime la Commission, on ne saurait parler de renversement de la charge de la preuve. Il n'est pas non plus possible d'admettre qu'il y ait un tel renversement eu égard, toujours selon la Commission, au point 126 de l'arrêt attaqué. Dans ce point des motifs de son arrêt, le Tribunal considère que c'était à Hüls d'établir les raisons pour lesquelles sa participation à ces évaluations, dont le contenu était illégal, ne contrevenait pas pour autant aux règles du droit de la concurrence. On ne saurait considérer que cette exigence énoncée par le Tribunal est contraire aux règles qui régissent la répartition de la charge de la preuve ou viole la présomption d'innocence.

b) Quant aux initiatives de prix

84 Dans cette branche de son argumentation, la requérante conteste les constatations du Tribunal lorsque celui-ci considère qu'elle a participé aux réunions périodiques des producteurs de polypropylène ayant pour but la fixation de prix cibles et aurait souscrit à ces initiatives (points 167 et 168 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi). Hüls soutient que sa participation n'a été établie que pour un nombre limité de réunions. En outre, Hüls estime que le Tribunal renverse la charge de la preuve et enfreint la présomption d'innocence lorsqu'il déduit de cette participation que la requérante aurait souscrit aux initiatives de prix et qu'il exige de celle-ci, si tel n'était pas le cas, de fournir des indices de nature à corroborer ce point de vue (point 168 de l'arrêt attaqué). Il en est d'autant plus ainsi que, selon Hüls, elle n'a que rarement suivi les prix cibles et que les instructions de prix qu'elle a données dans ce cadre revêtaient un caractère purement interne, propre à l'entreprise. D'ailleurs, toujours selon Hüls, tout le problème trouverait son origine dans une méprise de la Commission quant à la notion de pratique concertée: selon Hüls, pour qu'il y ait pratique concertée, il faut que ce qui faisait l'objet des négociations ait été mis en pratique. Il demeure, selon la requérante, que sa participation à l'ensemble des initiatives en matière de prix n'a pas été établie et que, partant, la constatation délibérément imprécise du Tribunal à cet égard (point 173 de l'arrêt attaqué) est en contradiction avec les faits constatés et enfreint l'article 190 du traité. Parallèlement, Hüls conteste la force probante de la réponse d'ICI aux questions posées par la Commission (voir point 174 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi), en rapport avec la participation de la requérante aux initiatives de prix, qui remonterait de surcroît à 1979. Enfin, elle conteste, eu égard aux observations précédemment formulées, l'appréciation du Tribunal, en ce que celui-ci en conclut à la responsabilité de Hüls pour participation aux initiatives en matière de prix (point 177 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi).

85 Selon la Commission, dans la présente affaire, l'obligation de produire des indices concrets à l'appui du moyen selon lequel la participation de la requérante aux réunions des producteurs de polypropylène n'impliquait pas qu'elle ait souscrit aux initiatives de prix qui ont fait l'objet de ces réunions (point 168 de l'arrêt attaqué) ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve. Parallèlement, la Commission estime que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que les instructions de prix données par Hüls ne revêtaient pas uniquement un caractère exclusivement interne (point 173 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi). Enfin, pour la Commission, le fait d'invoquer l'article 190 du traité, en liaison avec la motivation de l'arrêt du Tribunal, serait dépourvu de sens en droit. La Commission souligne également que la mise en cause de la force probante des informations fournies par ICI constitue un grief irrecevable, en ce qu'il est dirigé contre l'appréciation des éléments de preuve par la juridiction du fond.

c) Sur les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix

86 Dans cette branche de son argumentation, la requérante s'en prend d'abord à la constatation du Tribunal selon laquelle, en participant aux réunions au cours desquelles a été adopté un ensemble de mesures destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, Hüls aurait souscrit à cet ensemble de mesures puisqu'elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire (point 190 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi). Selon la requérante, ce genre de raisonnement, consistant à faire état d'un «ensemble de mesures» qui ne sont pas autrement précisées, en ignorant l'argumentation en droit et les éléments invoqués par Hüls en première instance, ne satisfait nullement aux exigences d$une motivation au sens de l$article 190 du traité, pas plus qu'aux règles relatives à l'appréciation correcte des éléments de preuve.

87 En ce qui concerne plus particulièrement le système d'«account leadership», la requérante fait observer ce qui suit: d'une part, jamais un tel système n'a été adopté; il a simplement fait l'objet de discussions et de propositions (contrairement à ce qu'affirme le point 191 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi); d'autre part, Hüls n'a jamais été elle-même «leader» au sens de ce système, même si elle a été fournisseur dans des cas isolés. Ce système n'aurait jamais été mis en oeuvre, ainsi qu'il ressort de la formulation du point 192 de l'arrêt attaqué, qui mentionne que certains producteurs «ont essayé» et d'un comportement qui «[n'] aurait [pas] dû» être adopté.

88 Pour ce qui concerne enfin les tonnages cibles et les quotas, Hüls observe que le Tribunal la rend responsable en se fondant sur la constatation, erronée, de sa participation régulière aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène (point 231 de l'arrêt qui fait l'objet du pourvoi). En outre, le fait, pour le Tribunal, d'invoquer la mention du nom de Hüls dans certains tableaux comme un indice supplémentaire (point 232) semble donner l'impression qu'il existerait toute une série d'indices de la participation de la société à ce volet de l'infraction. Dans les griefs précédemment mentionnés, la requérante expose que ces tableaux ne constituent toutefois pas une source sûre, pas plus qu'ils ne permettent d'énoncer les conclusions qu'en tire le Tribunal.

89 La Commission observe d'abord, au sujet de la critique formulée par la requérante à propos du point 190 de l'arrêt attaqué, que celle-ci se fonde sur une lecture fragmentaire de l'arrêt du Tribunal. Par ailleurs, toujours selon la Commission, les griefs de Hüls se rapportant au système d$«account leadership» méconnaissent la constatation formulée par le Tribunal (aux points 192 et 193 de l'arrêt attaqué), dont il résulte que ce système a en tout cas fonctionné partiellement pendant deux mois, même si les intéressés n$étaient pas satisfaits des résultats obtenus.

90 En ce qui concerne les tonnages cibles et les quotas, la critique formulée par Hüls récuse les constatations du Tribunal énoncées aux points 231 et 232, méconnaissant ainsi aussi bien les éléments de preuve existants que le contenu précis des tableaux, tel qu'il ressort du point 233 de l'arrêt attaqué. En conséquence, estime la Commission, dans la mesure où elle s'en prend à l'appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve, l'argumentation de la requérante est irrecevable.

2) Appréciation juridique des moyens soulevés a) Quant à la recevabilité

91 Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, conformément aux articles 168 A du traité CE et 51 du statut CEE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Il en découle, selon une jurisprudence constante, que le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. En d'autres termes, le juge du pourvoi ne contrôle l'appréciation des preuves faite par la juridiction du fond que lorsque la partie requérante soulève valablement un moyen tiré de la dénaturation des éléments de preuve. Conformément à l'article 168 A, précité, du traité CE, la Cour est compétente pour examiner la qualification juridique des faits constatés par le Tribunal, ainsi que les conséquences qu'il en a fait découler en droit (74). Ainsi, pas plus qu'elle n'est compétente pour constater les faits, la Cour n'a de compétence, en principe, pour exercer un contrôle sur les éléments de preuve que le Tribunal a retenus à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été produites et invoquées régulièrement, que les règles et les principes généraux du droit en matière de charge de la preuve ont été respectés de même que les règles de procédure en matière d'administration de la preuve, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (75).

92 Partant de ces éléments, on observera que l'axe fondamental de l'argumentation de la requérante concerne l'appréciation des éléments de preuve existants opérée par le Tribunal en présentant, en substance, une interprétation différente de la portée de ces éléments. La requérante conteste ainsi la force probante de divers éléments, tels que ceux fournis par ICI (voir les points 114 et 174 de l'arrêt), ceux qui résultent de divers tableaux (voir les points 115 et 232 de l'arrêt) ou ceux qui figurent dans des comptes rendus des réunions des producteurs de polypropylène (voir les points 191 et 192 de l'arrêt). Selon la requérante, ces éléments de preuve ne permettent pas de fonder les conclusions auxquelles le Tribunal aboutit et qui ont trait à la participation de Hüls aux réunions des producteurs de polypropylène, pour toute la période qui lui est imputée, ainsi qu'à sa participation aux différentes initiatives qui ont été prises dans le cadre de ces réunions. Ce faisant, la requérante conteste l'appréciation au fond des preuves formulée par le Tribunal, sans faire valoir ou établir que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve: il en résulte que les griefs correspondants sont irrecevables et doivent être rejetés (76). Ce n'est que lorsqu'elle invoque le renversement de la charge de la preuve par le Tribunal et en déduit la violation de la présomption d'innocence dont elle bénéficie que Hüls reproche à l'arrêt rendu en première instance une irrégularité qui relève du contrôle du juge du pourvoi (77).

b) Quant au bien-fondé

93 A notre sens, le Tribunal n'a, dans son arrêt, enfreint ni les règles relatives à la charge de la preuve ni le principe général de respect de la présomption d'innocence de l'accusé. Nous renvoyons, pour ces questions, à l'analyse développée aux points pertinents de nos conclusions dans les affaires Enichem/Commission et Montecatini/Commission (78).

V - Conclusion

94 Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour:

- de rejeter dans son ensemble le pourvoi de la société Hüls AG;

- de rejeter l'intervention formée;

- d'ordonner que l'intervenante supporte ses propres dépens;

- de condamner la requérante au pourvoi aux dépens.

(1) - Arrêt Hüls/Commission (T-9/89, Rec. p. II-499).

(2) - Décision relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149 - Polypropylène) (JO L 230, p. 1).

(3) - L'intérêt majeur de la présente affaire, ainsi que des autres pourvois (dix au total) qui sont pendants devant la Cour et ont trait à la même décision polypropylène, réside dans la question de la légalité de la procédure suivie lors de l'adoption de l'acte litigieux et dans la mesure dans laquelle celui-ci présente des vices de forme substantiels qui auraient dû être décelés ou examinés de manière plus approfondie dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Il convient de signaler que, si les moyens invoqués par les sociétés requérantes dans toutes ces affaires présentent des similitudes importantes, ils ne sont pas pour autant identiques, dès lors que les éléments de fait propres à ces affaires ne sont pas toujours les mêmes. Il n'en demeure pas moins que, à maints égards, la question de droit soulevée se rapporte à une problématique commune, posée en termes spécifiques dans le cas des six sociétés, au nombre desquelles figure la requérante, qui ont introduit les recours sur lesquels le Tribunal a statué par six arrêts datés du 10 mars 1992. Dans l'intervalle compris entre le 27 février 1992, date du prononcé de l'arrêt «PVC» du Tribunal, et le 10 mars 1992, ces sociétés ont saisi le Tribunal d'une demande de réouverture de la procédure orale afin de déterminer, au vu des éléments qui étaient apparus dans le cadre des affaires PVC - affaires concomitantes et dont l'objet est analogue - dans quelle mesure l'ensemble des conditions de forme et de procédure avaient été respectées lors de l'adoption de la décision polypropylène litigieuse. Le Tribunal a rejeté toutes ces demandes.

Dans un souci d'organisation, il y a lieu d'examiner en premier lieu les affaires Hüls/Commission (C-199/92 P), Enichem/Commission (C-49/92 P) et Montecatini/Commission (C-235/92 P). La plupart des questions qui se posent dans la série d'affaires examinées sont analysées dans ces trois affaires, auxquelles il est renvoyé afin d'éviter autant que faire se peut les répétitions.

(4) - Premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

(5) - T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315.

(6) - La requérante fait valoir dans son mémoire que les explications fournies par la Commission dans les affaires PVC font présumer l'existence, dans la présente affaire, du même vice de procédure, examiné d'office. Il conviendrait par conséquent, de son point de vue, d'ordonner des mesures d'instruction, fût-ce à ce stade de l'instance, et notamment d'obliger la Commission à produire une copie de l'original de la décision polypropylène, authentifiée par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif, ainsi que toute une série d'autres documents, de manière à déterminer, en premier lieu, si la décision polypropylène a été arrêtée dans les langues prévues par les règles communautaires pertinentes en ce qui concerne la décision attaquée, et en deuxième lieu si des modifications a posteriori ont été apportées à la décision initiale.

(7) - Le pourvoi doit être examiné, sous l'angle de sa recevabilité, de manière exhaustive et globale. Il résulte de plusieurs ordonnances de la Cour que, pour qu'un pourvoi soit irrecevable, il convient d'examiner tous les moyens invoqués et de constater l'irrecevabilité de chacun d'entre eux, avant de prononcer l'irrecevabilité du pourvoi dans son ensemble. Voir les ordonnances de la Cour du 17 septembre 1996, San Marco/Commission (C-19/95 P, Rec. p. I-4435); du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission (C-137/95 P, Rec. p. I-1611); du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil (C-87/95 P, Rec. p. I-2003), et du 11 juillet 1996, Goldstein/Commission (C-148/96 P, Rec. p. I-3885). Voir également l'arrêt de la Cour du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C-53/92 P, Rec. p. I-667).

(8) - Arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775), Solvay/Commission (T-31/91, Rec. p. II-1821), Solvay/Commission (T-32/91, Rec. p. II-1825), ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847), et ICI/Commission (T-37/91, Rec. p. II-1901).

(9) - Arrêt du 6 avril 1995, BASF e.a./Commission (T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89, T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89 et T-112/89, Rec. p. II-729).

(10) - Arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., (C-137/92 P, Rec. p. I-2555), voir ci-après, points 20 et suiv.

(11) - Arrêt DSM/Commission (T-8/89, Rec. p. II-1833).

(12) - Tant dans sa version antérieure que dans sa version postérieure à la modification de 1993, l'article 93 du règlement de procédure dispose:

«Paragraphe 2

...

Le président statue sur la demande d'intervention par voie d'ordonnance ou défère la demande à la Cour.

...

Paragraphe 3

Si le président admet l'intervention, l'intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties ...».

Il ressort de ces dispositions que le but de cette procédure particulière réside dans l'examen, à titre liminaire, de la question de savoir s'il convient d'admettre la participation d'une tierce personne à un litige en instance, et non d'examiner en dernier ressort si les allégations et moyens invoqués par cette personne sont recevables dans leur ensemble.

(13) - Voir les conclusions de l'avocat général M. Reischl sous l'arrêt du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil (138/79, Rec. p. 3333), en ce qui concerne la recevabilité de l'intervention du Parlement dans le litige en cause, qui ont finalement été suivies par la Cour:

«Selon nous, les réserves que nous venons de mentionner (concernant la recevabilité de l'intervention) ne peuvent être levées en renvoyant purement et simplement à l'ordonnance précitée (qui a admis la participation du Parlement à la procédure). Une telle ordonnance n'ouvre l'accès à la procédure que provisoirement; en revanche, c'est l'arrêt qui décide le cas échéant de la recevabilité de l'intervention, comme on peut le déduire clairement de la jurisprudence antérieure. A ce sujet, nous renvoyons à l'arrêt rendu dans l'affaire 9/61 (Gouvernement du Royaume des Pays-Bas/Haute Autorité de la CECA, arrêt du 12 juillet 1962, Recueil 1962, p. 447)».

(14) - Voir les ordonnances du 15 novembre 1993, Scaramuzza/Commission [C-76/93 P, Rec. p. I-5715 et I-5721 (deux affaires)]. Dans l'affaire Scaramuzza/Commission, si la Cour prend en considération le fait que le demandeur de l'intervention n'a pas, comme il en avait la possibilité, formé de recours autonome, elle n'a pas jugé sa demande d'intervention irrecevable pour cette raison, mais parce que le demandeur ne pouvait pas se prévaloir d'un intérêt légitime direct, qui apparaîtrait si les conclusions du bénéficiaire de l'intervention étaient accueillies.

(15) - C'est ce qui semble découler du libellé de l'ordonnance récente du 14 février 1996, Commission/NTN Corporation et Koyo Seiko (C-245/95 P, Rec. p. I-553, en particulier les points 8 et 9). Le fait que le demandeur de l'intervention n'ait pas fait usage d'un droit de recours autonome a simplement pour conséquence négative que ses droits doivent être limités au soutien des conclusions de la partie en faveur de laquelle il intervient. Voir également l'ordonnance du 28 novembre 1991, Eurosport Consortium/Commission (T-35/91, Rec. p. II-1359).

(16) - Il convient de relever que, lorsqu'un acte individuel, c'est-à-dire un acte qui ne comporte pas des règles de droit générales et abstraites, régit la situation juridique de plus d'une personnes, il s'agit en réalité du cumul de plusieurs actes individuels réunis au sein d'un seul texte. Il en va ainsi dans le cas de la décision polypropylène, dont le texte prononce quinze peines administratives, autant que le nombre de sociétés concernées. Ce fait revêt une importance cruciale pour la manière dont sera apprécié l'intérêt légitime de l'intervenante. En réalité, celle-ci cherche à participer à un litige ayant pour objet non pas l'acte individuel qui la concerne, mais un autre acte individuel, contenu dans le même texte que celui qui la concerne.

(17) - Voir les ordonnances, précitées, Commission/NTN Corporation et Koyo Seiko (note 15) et Scaramuzza/Commission (note 14).

(18) - Précisément parce que l'on constate qu'il n'existe pas un instrumentum de l'acte comprenant aussi bien l'acte individuel concernant la partie en faveur de laquelle l'intervention est formée que l'acte individuel qui concerne l'intervenant. Suivant ce raisonnement, si la partie principale parvient à établir l'inexistence d'un instrumentum de l'acte, la partie intervenante en bénéficie, elle aussi, directement.

(19) - Ainsi, même en cas de réunion en un même document de plusieurs actes individuels, comme en l'espèce, l'annulation bénéficiant à l'un des intéressés ne produit aucun effet positif direct au bénéfice des autres. Il en est ainsi même si l'annulation se fondait sur un vice de forme de l'acte qui apparaît nécessairement dans les autres actes individuels réunis. Ce point de vue, qui repose pleinement sur la logique du contrôle de l'annulation, ne devrait pas surprendre; il est d'ailleurs admis par les juridictions des États membres chargées du contentieux de l'annulation.

(20) - La Cour a admis ce point de vue dans l'ordonnance Scaramuzza/Commission précitée à la note 14 (points 7 et suiv.).

(21) - Voir, à cet égard, l'arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission (C-225/91, Rec. p. I-3203, points 11 et 12).

(22) - Il n'est pas possible d'interpréter en ce sens la conclusion par laquelle la partie requérante au pourvoi demande à la Cour de «déclarer nulle et non avenue» la décision attaquée. La partie requérante au pourvoi peut uniquement demander l'annulation de cette décision pour la partie qui la concerne. En outre, hors le cas de constatation d'inexistence, les organes juridictionnels de la Communauté ne sauraient, parallèlement, reconnaître la nullité générale d'un acte qui concentre plusieurs actes individuels.

(23) - Dans la mesure où elle se fonde sur l'appréciation portée par la Cour dans les affaires PVC (voir ci-dessus, note 10, et ci-après, points 20 et suiv.) sur le point de savoir si certains vices de forme substantiels d'un acte le rendent inexistant ou simplement susceptible d'annulation, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission n'est pas fondée, car elle ignore les limites de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt en question. Le fait que, dans les affaires PVC, la Cour n'ait pas admis l'inexistence de l'acte concerné n'exclut pas, en dépit des similitudes que présentent ces deux affaires, que l'inexistence soit admise dans la présente affaire.

(24) - Voir ci-dessus, note 10.

(25) - Dans les affaires PVC, l'inexistence d'un original authentifié et, partant, la violation de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, ont été constatées judiciairement et ne sont pas contestées par la Commission. Dès lors, contrairement aux éléments de fait de l'affaire polypropylène, la Cour devait se limiter à déterminer les effets juridiques qu'entraîne la violation, précédemment constatée, de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission.

(26) - Points 48 à 54.

(27) - Points 61 à 78 de l'arrêt.

(28) - La Cour invoque l'arrêt du 23 septembre 1986, AKZO Chemie/Commission (5/85, Rec. p. 2585).

(29) - On pourrait éventuellement objecter à la jurisprudence précitée que cette solution ne permet pas de traiter avec la sévérité qui s'impose une irrégularité de la Commission aussi grave que celle consistant dans la violation de l'article 12 du règlement intérieur. Le juriste au fait des dispositions de droit public applicables dans certains États membres peut s'étonner qu'un acte en fait non signé ne soit pas déclaré inexistant. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, pour arriver à cette conclusion, la Cour a tenu compte des particularités de l'action «administrative» des institutions communautaires et a jugé - selon notre point de vue personnel - qu'en qualifiant cette infraction de «vice de forme substantiel», qui entraîne la nullité de l'acte, elle protégeait au mieux aussi bien le fonctionnement harmonieux des institutions communautaires que les intérêts légitimes des particuliers concernés. Pour cette raison et en dépit des doutes formulés quant au point de savoir si la sanction de l'infraction commise par la Commission dans les affaires PVC a été suffisamment sévère, nous estimons que la même solution jurisprudentielle peut être admise dans les affaires présentement examinées.

(30) - Voir ci-dessus, point 5.

(31) - Ainsi que dispose l'arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 49), «le Tribunal est donc seul compétent pour constater les faits sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui a été soumis».

(32) - L'interdiction d'ordonner des mesures d'instruction vaut aussi bien avant que le juge au pourvoi ne statue sur le bien-fondé du pourvoi que lorsque le pourvoi est admis et que se pose la question du renvoi ou non de l'affaire devant la juridiction du fond pour qu'elle statue. S'agissant du stade antérieur au pourvoi, l'interdiction s'appuie sur le principe selon lequel on ne saurait fonder l'existence de vices du raisonnement juridique de la juridiction du fond sur la base d'un élément de fait dont cette juridiction n'avait pas connaissance. S'agissant du stade consécutif au pourvoi, l'article 54 du statut CEE de la Cour de justice prévoit que la Cour peut statuer définitivement sur le litige, «lorsque celui-ci est en état d'être jugé». Lorsque des mesures d'instruction complémentaires sont nécessaires, cela signifie que l'affaire n'est pas «en état» d'être tranchée.

(33) - Arrêt du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA (7/56, 3/57, 4/57, 5/57, 6/57 et 7/57, Rec. p. 81). Selon la requérante, cet arrêt s'inscrit dans le cadre des principes communément admis par les droits nationaux des États membres et qualifie d'inexistant tout acte entaché de vices particulièrement graves et évidents. Elle infère de la jurisprudence de la Cour que l'absence de signature de l'acte est constitutive d'un tel vice grave et évident. Elle renvoie sur ce point aux conclusions présentées par l'avocat général M. Trabucchi sous l'arrêt du 21 février 1974, Kortner-Schots e.a./Conseil, Commission et Parlement (15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73, 135/73, 136/73 et 137/73, Rec. p. 177) ainsi qu'aux conclusions présentées par l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission (15/87, Rec. p. 1005). Selon Hüls, l'absence des signatures requises dans la décision polypropylène saute aux yeux. Dans le même ordre d'idées, la requérante soutient que son mémoire du 4 mars 1992 montrait qu'elle présumait l'existence d'un autre vice particulièrement grave et évident, ayant trait à la modification du contenu de la décision polypropylène, postérieurement à son adoption. Dans la mesure où le Tribunal n'aurait pas déclaré l'acte en question inexistant dès l'origine, il aurait donné de la notion d'acte «inexistant» une interprétation contraire au droit communautaire.

(34) - Sur la nécessité de prouver pleinement de tels vices de forme, la Commission renvoie à l'arrêt PVC, précité; aux arrêts du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T-43/92, Rec. p. II-441), et du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission (T-34/95, Rec. p. II-905), et Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957).

(35) - Aussi bien l'inexistence que les vices de forme substantiels invoqués par Hüls relèvent de la catégorie des questions examinées d'office. Voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 21 décembre 1954, France/Haute Autorité de la CECA (1/54, Rec. p. 7); Italie/Haute Autorité de la CECA (2/54, Rec. p. 73); du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité de la CECA (18/57, Rec. p. 89), et les arrêts du 7 mai 1991, Interhotel/Commission (C-291/89, Rec. p. I-2257, point 14), et Oliveira/Commission (C-304/89, Rec. p. I-2283, point 18).

(36) - Nous ne saurions reconnaître le bien-fondé du point de vue selon lequel tous les vices qui résultent directement du texte même de l'acte attaqué, tel qu'il figure dans le dossier sur la base duquel le Tribunal a statué, peuvent être invoqués pour la première fois au cours de la procédure de pourvoi. L'acte litigieux ne constituant pas un document de procédure en première instance, il ne saurait constituer l'élément de base de la formulation de moyens d'annulation de l'arrêt du Tribunal. Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, la logique et la position du contrôle du juge du pourvoi dans l'économie du système procédural de l'ordre juridique communautaire imposent, comme principe fondamental, de limiter les moyens d'annulation invoqués aux seules erreurs de droit entachant l'appréciation donnée en première instance, lesquelles peuvent ressortir du texte de l'arrêt attaqué et des autres pièces de procédure. Ce principe implique le rejet des moyens d'annulation se rapportant au contenu de l'acte attaqué en première instance. L'acte attaqué ne constitue qu'un élément de preuve, dont l'appréciation appartient au seul juge du fond, c'est-à-dire au Tribunal.

(37) - Précité à la note 10, points 73 et 76.

(38) - Sur ce point, voir ci-après.

(39) - Voir ci-après, points 50 et suiv.

(40) - Voir ci-dessus, points 20 et suiv.

(41) - Arrêt du 19 mai 1994, SEP/Commission (C-36/92 P, Rec. p. I-1911, point 33).

(42) - A cet égard, la requérante renvoie aux arrêts du 14 décembre 1962, Commission/Luxembourg et Belgique (2/62 et 3/62, Rec. p. 813), et du 26 novembre 1981, Michel/Parlement (195/80, Rec. p. 2861).

(43) - Arrêt du 9 décembre 1965 (29/63, 31/63, 36/63, 39/63 à 47/63, 50/63 et 51/63, Rec. p. 1123).

(44) - Arrêt du 22 octobre 1991 (C-16/90, Rec. p. I-5163).

(45) - La Commission se réfère à l'ordonnance du 26 mars 1992, BASF/Commission (T-4/89 Rév., Rec. p. II-1591) et à l'arrêt du 19 mars 1991, Ferrandi/Commission (C-403/85 Rév., Rec. p. I-1215).

(46) - Voir les arrêts Dunlop Slazenger/Commission, Fiatagri et New Holland/Commission et Deere/Commission, précités à la note 35.

(47) - Arrêt du 9 juin 1992 (C-30/91 P, Rec. p. I-3755).

(48) - La Commission s'appuie sur l'arrêt du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes (T-33/91, Rec. p. II-2499, point 31).

(49) - Il s'agit des articles correspondant aux articles 61 et 45 du règlement de procédure de la Cour.

(50) - A cet égard, il y a lieu de se référer à l'arrêt PVC de la Cour, précité, ainsi qu'à nos observations relatives à la qualification juridique du vice consistant dans l'absence d'un original dûment authentifié. Voir les points 20 et suiv. et 38 des présentes conclusions.

(51) - Voir ci-dessus, point 33 des présentes conclusions.

(52) - Voir l'arrêt de la Cour du 1er décembre 1965, Commission/Italie (45/64, Rec. p. 1057), ainsi que les conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt Société anonyme des laminoirs, hauts fourneaux, forges, fonderies et usines de la Providence (voir ci-dessus, note 43).

(53) - Arrêt de la Cour du 28 avril 1966, Ferriere e Acciaierie Napoletane/Haute Autorité de la CECA (49/65, Rec. p. 103).

(54) - Voir également l'arrêt du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission (T-145/89, Rec. p. II-987, point 34).

(55) - Arrêt du 28 avril 1966, ILFO/Haute Autorité de la CECA (51/65, Rec. p. 125). Il convient de faire observer que ladite partie n'est pas exonérée de toute obligation en matière de procédure lorsqu'elle présente son allégation; si tel n'était pas le cas, il se créerait à son bénéfice une présomption de l'existence réelle desdits vices. Elle est tenue - afin de convaincre finalement le juge d'examiner plus avant son allégation et d'ordonner le cas échéant des mesures d'instruction complémentaire - d'offrir un «commencement de preuve» des allégations qu'elle invoque. Bien entendu, le «commencement de preuve» varie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et ne saurait équivaloir à une preuve complète.

Il serait du reste excessif de demander à quelqu'un de produire devant un organe juridictionnel des preuves complètes sur des questions dont il ne peut avoir pleine connaissance, a fortiori lorsqu'on invite une partie - qui, précisément parce qu'elle n'a pas accès à certains éléments, demande à une juridiction d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires - de produire des «indices suffisants» des irrégularités dont elle suppose qu'elles se révéleront après la mise en oeuvre de ces mesures d'instruction complémentaires.

(56) - Voir l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

(57) - Cette contrainte se retrouve dans tous les systèmes judiciaires nationaux et est liée au principe fondamental de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice.

(58) - Voir arrêt du 14 mai 1975, CNTA/Commission (74/74, Rec. p. 533, point 4). Voir également arrêt du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice (T-109/92, Rec. p. II-105, point 67).

(59) - Telle est précisément la différence existant entre l'affaire que nous examinons et les affaires PVC, PEBD et carbonate de soude, dont l'objet est similaire. Dans ces dernières affaires, les moyens que les parties ont tirés de l'existence éventuelle de vices de forme entachant les actes attaqués ont sans doute été soulevés tardivement, mais dans tous les cas avant la clôture de la procédure orale.

(60) - Voir ci-après, points 77 et suiv.

(61) - Voir l'arrêt du 16 juin 1971, Prelle/Commission (77/70, Rec. p. 561, point 7).

(62) - Il convient de relever que l'article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que «chaque partie peut, à tout stade de la procédure, proposer l'adoption ou la modification de mesures d'organisation de la procédure ...». Cette demande peut le cas échéant s'appuyer sur l'existence ou sur le caractère probable de nouveaux éléments de fait.

(63) - On pourrait faire valoir que les révélations faites par les agents de la Commission dans les affaires PVC, sur lesquelles s'était fondé le mémoire de la requérante, ne constituent pas des «faits» mais une façon indirecte de faire valoir de manière voilée toute une série de moyens d'annulation de la décision polypropylène. De ce point de vue, les moyens en question sont produits hors délai et sont par conséquent irrecevables. Nous pensons qu'il ne convient pas de souscrire à une telle interprétation du mémoire, bien qu'elle ne soit pas dépourvue de logique. Les moyens de droit avancés par la requérante présupposent un élément de fait: la Commission aurait commis des irrégularités lors de l'adoption de la décision polypropylène. L'important est de déterminer le moment où la requérante en première instance a pris connaissance ou aurait dû prendre connaissance de ces irrégularités.

(64) - Tel est le point de vue adopté par la Cour lorsqu'elle examine la recevabilité d'une demande en révision. Il ressort clairement de la jurisprudence que, en raison de son caractère exceptionnel, la demande en révision est soumise à des conditions de recevabilité particulièrement strictes. Il faut qu'il y ait «ignorance absolue» du fait qui fonde la demande en révision; cette exigence n'est pas remplie lorsque ce fait était susceptible d'être connu au cours de la procédure en première instance. Voir l'arrêt du 10 janvier 1980, Bellintani e.a./Commission (116/78 Rév., Rec. p. 23).

(65) - Il convient de relever que la partie qui, par sa propre négligence, n'a pas pris connaissance d'un fait en temps utile, ne saurait se prévaloir de son information tardive pour obtenir la réouverture de la procédure orale. Cette solution a été admise par la Cour dans son arrêt du 21 janvier 1971, Mandelli/Commission (56/70, Rec. p. 1) dans le cadre de l'examen de la recevabilité d'une demande de révision. La partie demandant la révision a invoqué un rapport des autorités italiennes dont elle n'aurait pris connaissance qu'après la clôture de l'instance initiale. La Cour a toutefois jugé que la requérante ne pouvait ignorer l'existence de ce rapport et que rien ne l'empêchait «... de proposer à la Cour ... une mesure d'instruction visant à la production du document en cause et de toutes autres informations pertinentes, détenues éventuellement par l'administration italienne». Sur ces motifs, la Cour a rejeté la demande de révision.

La Cour rejette la demande d'instruction complémentaire présentée après la clôture de la procédure orale, lorsque la partie concernée a la possibilité de présenter cette demande avant cette clôture (arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 54).

(66) - En d'autres termes, la requérante ne pouvait plus faire valoir lesdits vices de forme substantiels après la clôture de la procédure orale. En effet, soit les éléments du dossier faisaient apparaître avec certitude les irrégularités commises par la Commission, auquel cas ces irrégularités auraient dû être invoquées au plus tard dans le mémoire en réplique, soit le dossier faisait naître de simples doutes quant au respect ou non d'une forme substantielle, et dans ce cas la requérante aurait dû formuler ces doutes en temps utile, en demandant au Tribunal, pour sa part, d'ordonner des mesures d'instruction sur ce point.

(67) - On pourrait avancer que les premiers soupçons sont nés dès la notification à la requérante de la décision polypropylène: en effet, le texte notifié ne permet pas de déduire que la condition formelle prévue à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission a été respectée.

(68) - Quoique paraissant au premier abord sévère pour la partie qui soulève ledit moyen, l'analyse à laquelle nous venons de procéder nous semble la plus indiquée. En revanche, nous ne souscrirons pas au point de vue défendu par le Tribunal dans les affaires carbonate de soude et PEBD précitées (loc. cit.; voir, respectivement, les notes 8 et 9), selon lequel ce serait à bon droit que les requérantes ont attendu la décision finale dans les affaires PVC avant de proposer des moyens de fait respectifs se rapportant à leurs affaires. Que les révélations faites lors du déroulement de la procédure dans les affaires PVC aient ou non été connues des parties à d'autres instances, celles-ci étaient tenues, dans tous les cas, d'examiner attentivement la légalité formelle des actes qui les concernaient, ne fût-ce qu'en vérifiant le dossier de l'affaire. Les révélations a posteriori ne font que confirmer les soupçons relatifs à d'éventuelles irrégularités commises par la Commission.

En outre, la requérante ne saurait invoquer la présomption de légalité de l'acte attaqué pour justifier n'avoir pas pu imaginer que derrière l'apparence de la perfection se cachaient des vices importants. A partir du moment où une personne attaque en justice un acte d'une institution communautaire, la présomption de légalité cesse de jouer, que ce soit au détriment ou au bénéfice de cette personne. Comme nous l'avons déjà fait observer (voir au point 36), la présomption de légalité ne saurait être invoquée pour réfuter une allégation en vertu de laquelle la partie requérante soulève valablement un moyen tiré de l'illégalité. Pour sa part, la partie requérante ne saurait se prévaloir de cette présomption pour justifier son omission de relever en temps utile un vice juridique affectant l'acte attaqué.

(69) - Voir ci-dessus, note 36.

(70) - Voir ci-dessus nos considérations relatives au contrôle juridictionnel d'office.

(71) - On pourrait faire observer que l'obligation inhérente au contrôle juridictionnel d'office est moins impérative que le devoir de diligence incombant aux parties, lequel, ainsi que nous l'avons vu, les oblige à relever et à faire valoir en temps utile ne fût-ce que les éléments dont on peut inférer d'éventuelles irrégularités formelles de l'acte attaqué. Ce constat ne devrait pas surprendre. Le contrôle d'office auquel procède le juge de l'annulation n'a pas été institué pour remédier aux négligences des parties. Il vise à sauvegarder l'ordre juridique, par la constatation et la condamnation des irrégularités graves et flagrantes affectant les actes adoptés par les institutions communautaires. Lorsque ces irrégularités ne ressortent pas des éléments du dossier, le juge communautaire n'est pas tenu d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires. Il a la faculté, non le devoir, de franchir une étape supplémentaire dans son examen.

(72) - Arrêt de la Cour du 16 juin 1971 (18/70, Rec. p. 515).

(73) - Arrêt de la Cour du 7 juin 1983 (100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825).

(74) - Voir l'arrêt récent de la Cour Commission/Brazzelli Lualdi e.a., loc. cit. note 31 (points 48 et 49) ainsi que l'ordonnance San Marco/Commission, loc. cit. note 7 (point 39).

(75) - Voir les arrêts Commission/Brazzelli Lualdi e.a., loc. cit. note 31 (point 66) et San Marco/Commission, loc. cit. note 7 (point 40).

(76) - Il est vrai que dans toute son argumentation, en liaison avec le contenu en droit de la deuxième partie de son pourvoi, la requérante demande en réalité l'élargissement du contrôle du juge du pourvoi effectué au titre de l'article 51 du statut CEE de la Cour de justice. En outre, il convient de rappeler que le pourvoi doit contenir entre autres, conformément à l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, «les moyens et arguments de droit invoqués». En s'en tenant à la lettre stricte de cette disposition, on pourrait, peut-être, eu égard aux éléments qui précèdent, en conclure, tout comme la Commission, que l'ensemble des arguments figurant dans la deuxième partie du pourvoi doivent être rejetés comme irrecevables, pour défaut de clarté. Nous estimons toutefois qu'il convient de réserver une telle attitude aux requêtes qui ne laissent pas de marge d'appréciation juridique dans le cadre du pourvoi. Dans le cas contraire, et en dépit de toute la latitude qu'il faudrait laisser au juge sur ce point, le souci d'une administration de la justice aussi entière que possible dicte une approche interprétative qui, en suivant les règles grammaticales et les règles logiques, donne corps aux moyens de droit énoncés dans la requête, sans pour autant en découvrir là où il n'y en a pas.

(77) - Il est permis de se demander, s'agissant de l'interprétation à donner au pourvoi, si celui-ci n'invoque pas, essentiellement, une motivation déficiente de l'arrêt attaqué. C'est une déduction de ce type qui pourrait être faite au départ, par exemple, de l'allégation de Hüls selon laquelle le Tribunal ne fonderait sa conclusion quant à la participation aux réunions de producteurs de polypropylène fin 1978, début 1979, que sur la réponse d'ICI à la demande de renseignements. Nous ne croyons toutefois pas que la critique de la requérante soit dirigée contre la motivation de l'arrêt en tant que telle, eu égard au fait que la requérante elle-même admet que le Tribunal invoque également d'autres éléments de preuve (les tableaux cités au point 115, mais voir également le point 116), dont la requérante rejette simplement la force probante. Ce faisant, elle se limite au moyen tiré de l'appréciation des éléments de fait existants.

(78) - Voir les points 50 et suiv. de nos conclusions dans l'affaire Commission/Enichem, (C-49/92 P), présentées ce jour, ainsi que les points 53 à 68 de nos conclusions dans l'affaire Montecatini/Commission, (C-235/92 P), également présentées ce jour.

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