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Document 61991TJ0020
Judgment of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 17 December 1992. # Helmut Holtbecker v Commission of the European Communities. # Officials - Joint sickness insurance scheme - Spouse covered by member's insurance. # Case T-20/91.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 17 décembre 1992.
Helmut Holtbecker contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Régime commun d'assurance maladie - Conjoint assuré du chef de l'affilié.
Affaire T-20/91.
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 17 décembre 1992.
Helmut Holtbecker contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Régime commun d'assurance maladie - Conjoint assuré du chef de l'affilié.
Affaire T-20/91.
Recueil de jurisprudence 1992 II-02599
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1992:119
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
17 décembre 1992 ( *1 )
Dans l'affaire T-20/91,
Helmut Holtbecker, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Ispra (Italie), représenté par Me Giuseppe Marchesini, avocat près la Cour de cassation d'Italie, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision du bureau liquidateur d'Ispra du 10 juillet 1990, refusant le remboursement des dépenses médicales exposées par l'épouse du requérant, la constatation de l'illégalité des dispositions de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes et la condamnation de la Commission des Communautés européennes à rembourser au requérant les dépenses médicales exposées par son épouse ou, à titre subsidiaire, à réparer, jusqu'à concurrence du montant des dépenses exposées, le préjudice que le requérant estime avoir subi,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de MM. R. Garcia-Valdecasas, président, R. Schintgen et C. P. Briët, juges,
greffier: M. J. C. Wiwinius, référendaire
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 21 mai 1992,
rend le présent
Arrêt
Les faits à l'origine du recours
1 |
Le requérant, M. Helmut Holtbecker, est fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes (ci-après « Commission ») et est affecté au Centre commun de recherche d'Ispra (ci-après « CCR d'Ispra »), ville où il est domicilié. L'épouse du requérant, Mme Ursula Holtbecker, a fixé sa résidence à Zurich depuis le 1er mai 1987 et a commencé à y exercer une activité professionnelle. Elle ne s'est affiliée à aucun régime d'assurance maladie. |
2 |
Le 11 mai 1988, le chef de la division «administration et personnel» du CCR d'Ispra a délivré au requérant, à la demande de celui-ci, une attestation certifiant que Mme Ursula Holtbecker était affiliée (« angeschlossen ») au régime d'assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (ci-après « régime commun ») applicable à son mari. |
3 |
Le requérant a demandé à diverses reprises, au cours des années 1987 à 1990, le remboursement de dépenses médicales d'un montant relativement modeste, exposées par son épouse. Ces remboursements ont été accordés, sans contestation, par l'administration. |
4 |
En revanche, en 1990, le bureau liquidateur du CCR d'Ispra a rejeté deux demandes présentées par le requérant, concernant le remboursement de frais médicaux devant être exposés ou déjà exposés par Mme Holtbecker. La première demande, introduite le 28 mars 1990, était une demande d'autorisation préalable de cure, prescrite le 26 mars 1990 et devant être effectuée, du 28 mars au 18 avril 1990, dans une clinique de Leukerbad (Suisse). Cette autorisation a été refusée le 8 mai 1990 au motif suivant: « Demande non présentée à temps. Il manque également les pièces justificatives de la caisse primaire d'assurance maladie ». |
5 |
La seconde demande, introduite le 26 mai 1990, concernait le remboursement de frais relatifs à l'hospitalisation de Mme Holtbecker, du 8 au 17 mai 1990, dans une clinique de Varèse (Italie). Par note du 10 juillet 1990, le responsable du bureau liquidateur du CCR d'Ispra a informé le requérant que cette demande avait été rejetée au motif suivant: « Selon les dispositions des articles 3 et 6 de la réglementation relative à l'article 72 du statut, avant de pouvoir demander le remboursement d'une dépense médicale quelconque, même au titre du régime complémentaire, (Mme Holtbecker) aurait dû être affiliée à un autre régime public et, en outre, aurait dû demander en priorité à son régime le remboursement des dépenses médicales ou les prestations couvertes par lui ». |
6 |
Par note enregistrée le 22 août 1990 par l'administration, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 10 juillet 1990. Après avoir souligné que, depuis que sa femme travaillait en Suisse, il avait toujours fourni à l'administration les pièces justificatives qui lui avaient été demandées, il faisait observer que personne ne l'avait jamais informé de la nécessité, pour sa femme, d'être couverte par un autre régime public d'assurance maladie et que ses précédentes demandes de remboursement de frais médicaux concernant sa femme avaient toujours été réglées sans contestation au cours des dernières années, ce qui ne lui avait laissé aucun doute quant à la régularité de la situation. En outre, le requérant faisait valoir que les dispositions invoquées par le responsable du bureau liquidateur ne prenaient pas en considération la situation en vigueur en Suisse, où sa femme ne pourrait s'affilier à un régime public d'assurance maladie, du fait qu'il n'existe dans ce pays que des caisses privées d'assurance maladie, qui, au demeurant, n'offrent qu'une couverture partielle. Il demandait donc l'annulation de la décision portée à sa connaissance par la note du 10 juillet 1990 du responsable du bureau liquidateur (ci-après « décision du 10 juillet 1990»). |
7 |
Cette réclamation n'a pas fait l'objet d'une réponse explicite de la part de l'administration. |
La procédure
8 |
C'est dans ces conditions que, par requête déposée le 25 mars 1991 au greffe du Tribunal, le requérant a introduit le présent recours visant à obtenir l'annulation de la décision du 10 juillet 1990, la constatation de l'illégalité des dispositions de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après « réglementation de couverture »), la condamnation de la Commission à rembourser les dépenses médicales litigieuses et, à titre subsidiaire, la condamnation de la Commission à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi. |
9 |
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, par lettre de son greffier du 1er avril 1992, le Tribunal a invité la défenderesse à produire différents documents, notamment le texte des dispositions légales en vertu desquelles Mme Holtbecker aurait eu la possibilité de s'affilier à une caisse d'assurance maladie, et à répondre à une question tendant à préciser les demandes de remboursement visées dans la décision du 10 juillet 1990. |
10 |
La procédure orale s'est déroulée le 21 mai 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal. Le Tribunal a invité la défenderesse à produire des documents établissant la possibilité, pour Mme Holtbecker, de s'affilier à une caisse d'assurance maladie dans le canton de Zurich. |
11 |
Les 15 et 19 juin 1992, la défenderesse a produit divers documents, dont deux notes des caisses de maladie Helvetia et Winterthur, dans lesquelles celles-ci déclarent que toute personne domiciliée en Suisse et n'ayant pas atteint l'âge de 65 ans peut s'affilier auprès d'elles. |
12 |
Dans ses observations déposées, ensemble avec d'autres documents, le 30 juin 1992, le requérant a fait valoir au sujet des notes précitées que les caisses Helvetia et Winterthur ne peuvent couvrir qu'à titre d'assurance volontaire de droit privé les risques de maladie des personnes non soumises à l'assurance obligatoire. |
13 |
Par décision du 17 septembre 1992, le président de la quatrième chambre a prononcé la clôture de la procédure orale. |
14 |
Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
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15 |
La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
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16 |
Au cours de l'audience du 21 mai 1992, le requérant a précisé que son recours ne vise l'annulation de la décision du 10 juillet 1990 que pour autant que celle-ci rejette la demande de remboursement du 26 mai 1990, concernant les frais d'hospitalisation de son épouse dans la clinique « La Quiete » de Varese. |
Sur le fond
Sur les conclusions en annulation
17 |
A l'appui de son recours, le requérant invoque trois moyens, à savoir, en premier lieu, la violation de l'article 72 du statut, en second lieu, l'existence d'une injustice manifeste constituant une violation du principe de non-discrimination et, en troisième lieu, la violation du principe de protection de la confiance légitime. |
18 |
II convient de rappeler, tout d'abord, les dispositions qui constituent le cadre juridique du présent litige. |
19 |
L'article 72, paragraphe 1, du statut se lit comme suit: «Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d'une réglementation établie d'un commun accord par les institutions des Communautés après avis du Comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires, ses enfants et les autres personnes à sa charge au sens de l'article 2 de l'annexe VII sont couverts contre les risques de maladie. » |
20 |
L'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, tel qu'il était en vigueur à l'époque des faits litigieux, disposait: « Les personnes assurées du chef de l'affilié sont:
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21 |
L'article 6, paragraphe 1, de la réglementation de couverture dispose:
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— Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 72 du statut
Arguments des parties
22 |
Le requérant soutient que, conformément aux dispositions imperatives de l'article 72 du statut, son épouse est couverte contre les risques de maladie au titre du régime commun, du fait qu'elle ne peut bénéficier de « prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires ». Il estime que cette notion fait référence aux régimes publics d'assurance maladie auxquels l'affiliation est rendue obligatoire en vertu de dispositions légales ou réglementaires, tels qu'ils existent dans la majorité des États membres des Communautés. Selon le requérant, le seul critère de l'existence de dispositions légales ne serait pas concluant en soi, puisque tous les régimes d'assurance — qu'ils soient publics ou privés — tirent des législations nationales non seulement leurs règles, mais aussi un système public de contrôle et de garantie en faveur de l'assuré. Cette interprétation serait corroborée par les « Dispositions d'interprétation de la réglementation de couverture »(voir Informations administratives, numéro spécial interinstitutions du 31. 12. 1990), qui, à propos de l'article 3, paragraphe 1, disposent sous leur point d) : « Les bureaux liquidateurs sont en possession de la liste des régimes d'assurance maladie publics existant dans les pays de la Communauté. L'élément déterminant qui caractérise un tel régime est l'obligation d'assurance». |
23 |
Pour prouver que son épouse n'est assujettie à aucun régime d'assurance obligatoire en Suisse, le requérant produit une attestation établie par le chef du « Amt für Sozialversicherung der Stadt Zürich » (service de sécurité sociale de la ville de Zurich) le 15 octobre 1990 et certifiant que, d'après les dispositions de la « Verordnung über die obligatorische Krankenpflegeversicherung » de la ville de Zurich (arrêté relatif à l'assurance maladie obligatoire), Mme Holtbecker n'est soumise à aucune obligation d'assurance et, partant, n'est pas tenue de s'affilier à un régime d'assurance maladie obligatoire. Le requérant précise que son épouse ne pourrait même pas être affiliée, sur sa demande, à un tel régime d'assurance, cette faculté étant réservée aux seules personnes ayant atteint, respectivement, l'âge de 60 ou 65 ans et se trouvant dans des situations déterminées. |
24 |
Il ajoute que son épouse, qui est de nationalité allemande, n'est pas davantage assujettie à un régime public d'assurance maladie en Allemagne, dans la mesure où elle exerce son activité professionnelle en Suisse. |
25 |
Le requérant expose encore que l'article 72 du statut ne saurait être interprété comme imposant au conjoint du fonctionnaire de contracter une assurance privée volontaire. Il renvoie, à ce sujet, à l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Olbrechts/Commission (58/88, Rec. p. 2661), dans lequel celle-ci a jugé que, pour pouvoir bénéficier de la couverture du régime commun du chef d'un fonctionnaire affilié, le conjoint n'est pas tenu de rechercher en toutes circonstances une couverture sociale en vertu d'autres dispositions légales. |
26 |
Le requérant estime que, compte tenu de la portée qu'il convient de donner à l'article 72 du statut, l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture est entaché d'illégalité dans la mesure où, pris à la lettre, il a pour effet d'exclure de la couverture du régime commun le conjoint d'un affilié qui ne peut faire valoir de droit à des prestations correspondantes au titre d'un autre régime obligatoire. Or, l'article 3 de la réglementation de couverture, ne constituant qu'une disposition d'application de l'article 72 du statut, ne saurait aller à l'encontre de cet article. |
27 |
La défenderesse expose que les articles 72, paragraphe 1, du statut et 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture visent à offrir, d'une part, au conjoint du fonctionnaire qui n'exerce pas d'activité lucrative et, d'autre part, sous certaines conditions, au conjoint qui exerce une telle activité une couverture contre les risques de maladie équivalente à celle assurée au fonctionnaire. Ces conditions sont, précise la défenderesse, que l'activité en cause ne donne pas lieu à un revenu supérieur à un certain montant et que le conjoint soit couvert contre les mêmes risques « en application d'autres dispositions légales ou réglementaires ». Les dispositions visées seraient celles de la législation de l'État dans lequel l'intéressé exerce son activité professionnelle. La Commission interprète la notion de « dispositions légales ou réglementaires » comme impliquant, lato sensu, l'existence de dispositions émanant d'une autorité publique et n'étant donc pas de nature contractuelle. Il serait donc nécessaire que l'intéressé ait la possibilité de se couvrir contre les risques de maladie sur la base d'un régime d'assurance trouvant sa source primaire dans des dispositions législatives ou réglementaires, et non pas seulement dans un contrat de droit privé. Cette règle aurait pour but d'éviter qu'un conjoint qui a la possibilité de bénéficier d'un régime d'assurance maladie, en application des dispositions législatives ou réglementaires d'un État, ne fasse pas usage de cette possibilité et demeure uniquement à la charge du régime communautaire. |
28 |
Se référant à l'arrêt Olbrechts/Commission, précité, la défenderesse souligne que, en énonçant que la couverture, du chef de l'affilié, du conjoint par le régime commun ne dépend pas de l'impossibilité absolue pour ce dernier de bénéficier, en application d'autres dispositions, de prestations de même nature et de même niveau, la Cour n'a pas entendu éliminer l'obligation, pour l'intéressé, de se couvrir contre les risques de maladie en application de « toutes autres dispositions légales ou réglementaires », mais seulement préciser la portée de cette obligation, laquelle n'existerait que dans les limites du raisonnable. |
29 |
En ce qui concerne l'argument tiré par le requérant des dispositions d'interprétation de la réglementation de couverture, en particulier de celle selon laquelle l'élément caractéristique d'un régime public d'assurance maladie serait l'obligation d'assurance, la défenderesse fait observer que cette disposition ne concerne que les régimes publics d'assurance maladie existant dans les États membres de la Communauté. Elle ne serait, par conséquent, pas pertinente dans le cas présent, Mme Holtbecker travaillant en Suisse. |
30 |
Dans ce contexte, la défenderesse soutient que, en vertu des dispositions en vigueur à Zurich, Mme Holtbecker aurait pu s'affilier sans difficulté à un des nombreux régimes d'assurance maladie agréés par les autorités helvétiques, même si, sur la base de ces mêmes dispositions, elle n'était pas tenue de le faire. L'affiliation à une de ces caisses, qui ne sont pas de simples compagnies d'assurance de droit privé, mais des organismes contrôlés et subventionnés par l'État et tenus de respecter des obligations légales précises, n'aurait nécessité aucun effort d'information particulier de la part de l'épouse du requérant et aurait constitué un cas de figure normal. |
31 |
La défenderesse explique que, dans ces conditions, elle n'exige pas que, pour bénéficier de la couverture complémentaire du régime commun, l'épouse de l'affilié souscrive un contrat d'assurance de droit privé, mais qu'elle s'affilie à un régime d'assurance maladie, facultatif ou obligatoire, fondé sur des dispositions légales ou réglementaires, c'est-à-dire réglementé intégralement ou partiellement par des dispositions de droit public. |
32 |
Par conséquent, la défenderesse estime que Mme Holtbecker n'a pas satisfait aux exigences requises, pour se prévaloir de la couverture du régime commun, par les dispositions combinées des articles 72, paragraphe 1, du statut et 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, lequel, selon la défenderesse, est conforme aux dispositions de l'article 72, paragraphe 1, du statut, telles que ces dernières doivent être interprétées. |
Appréciation du Tribunal
33 |
Il convient de rappeler liminairement que, selon l'article 72, paragraphe 1, du statut, le conjoint d'un fonctionnaire qui ne peut pas bénéficier, en application d'autres dispositions légales ou réglementaires, de prestations de même nature et de même niveau que celles auxquelles peut prétendre un fonctionnaire est couvert, dans des conditions à préciser par une réglementation commune, contre les risques de maladie par le régime commun d'assurance maladie. |
34 |
L'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture précise que le bénéfice du régime commun d'assurance maladie n'est accordé au conjoint de l'affilié, au cas où il exerce une activité professionnelle, qu'à la condition qu'il soit couvert, en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires, contre les mêmes risques et qu'il ne tire pas de son activité professionnelle des revenus annuels dépassant un certain seuil. |
35 |
Aussi bien l'article 72 du statut que l'article 3 de la réglementation de couverture procèdent de l'idée que, dans la mesure du possible, le conjoint d'un fonctionnaire qui exerce une activité professionnelle rémunérée doit demander le remboursement de ses dépenses médicales dans le cadre du régime d'assurance contre les risques de maladie qui lui assure, en raison de sa propre activité professionnelle, une couverture contre les risques de maladie, celle du régime commun ne lui étant assurée qu'à titre complémentaire. |
36 |
Ni l'article 72, paragraphe 1, du statut ni l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture ne subordonnent la couverture du conjoint par le régime commun, dans le cas où ce dernier exerce une activité professionnelle, à la condition qu'une couverture obligatoire contre les mêmes risques lui soit assurée, en application d'autres dispositions légales ou réglementaires, du fait même de l'activité en cause. Au contraire, l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture doit être interprété comme visant aussi bien le cas où l'activité professionnelle exercée par le conjoint fait naître dans son chef, en vertu de dispositions légales ou réglementaires, une obligation d'assurance contre les risques de maladie que le cas où son activité professionnelle lui ouvre le droit de bénéficier, en vertu de dispositions légales ou réglementaires, d'une assurance volontaire contre ces mêmes risques. |
37 |
Il découle de ces constatations que non seulement les articles 72 du statut et 3 de la réglementation de couverture ne se contredisent pas, mais que, poursuivant un même objectif, ils se complètent mutuellement. |
38 |
Il découle de ce qui précède qu'il incombe au Tribunal de vérifier si, en l'espèce, l'activité professionnelle exercée par Mme Holtbecker à Zurich a fait naître, dans son chef, en vertu des dispositions légales ou réglementaires en vigueur au lieu de son emploi, une obligation d'assurance contre les risques de maladie ou le droit de bénéficier d'une assurance volontaire contre ces mêmes risques. |
39 |
A cet égard, le Tribunal constate, tout d'abord, qu'il ressort de l'attestation établie le 15 octobre 1990 par le chef du service de sécurité sociale de la ville de Zurich, produite par le requérant et dont le contenu n'a pas été contesté par la partie défenderesse, que Mme Holtbecker, pour autant qu'elle exerce une activité professionnelle rémunérée à Zurich, n'est pas soumise de ce fait à un régime obligatoire d'assurance maladie. |
40 |
Le Tribunal constate, ensuite, au vu des pièces versées par la défenderesse à la demande du Tribunal, et notamment du fascicule n° 2, daté d'avril 1970 et intitulé « Assurance maladie, Jurisprudence et pratique administrative », édité par l'Office fédéral des assurances sociales de Berne, que l'article 5, premier alinéa, de la loi fédérale sur l'assurance maladie (LAMA) du 13 juin 1911, qui confère à tout citoyen suisse le droit de s'affilier à une caisse dont il remplit les conditions statutaires d'admission, est également appliqué aux étrangers, par analogie, selon une pratique constante. |
41 |
Le Tribunal constate encore que les caisses de maladie Helvetia et Winterthur, reconnues par les autorités helvétiques et soumises aux dispositions de la législation fédérale sur l'assurance maladie, ont confirmé dans leurs notes, datées respectivement des 4 juin et 9 juin 1992, adressées à la Commission et produites par celle-ci, que toute personne domiciliée ou séjournant durablement en Suisse et n'ayant pas atteint ľage de 65 ans peut s'affilier auprès d'elles. Il ressort de ces attestations que toute personne se trouvant dans une situation identique à celle de Mme Holtbecker remplit les conditions statutaires d'admission requises par ces caisses et que, si elle demande à être affiliée, sa demande ne peut être refusée. |
42 |
Le Tribunal en déduit que Mme Holtbecker avait, de par son activité professionnelle et en vertu des dispositions légales et réglementaires en vigueur au lieu de son emploi, le droit de bénéficier, sans faire preuve de diligence particulière, d'une couverture sociale contre les risques de maladie. |
43 |
II découle de ce qui précède que le moyen doit être rejeté comme non fondé. |
— Sur le deuxième moyen, tiré d'une injustice manifeste constituant une violation du principe de non-discrimination
Arguments des parties
44 |
Le requérant soutient que l'interprétation de l'article 3 de la réglementation de couverture retenue par le bureau liquidateur conduit à une injustice manifeste. En effet, le conjoint d'un fonctionnaire communautaire qui exerce une activité professionnelle et ne peut être affilié à un régime national obligatoire en vertu de dispositions légales ou réglementaires serait privé de toute couverture sociale, que ce soit au titre de la législation nationale ou de la réglementation communautaire, tandis que le conjoint affilié à un régime d'assurance national obligatoire bénéficierait, en outre, de la couverture complémentaire du régime commun pour la partie des dépenses non remboursée dans le régime national. |
45 |
Selon le requérant, cette interprétation est également discriminatoire dans la mesure où elle fait dépendre le bénéfice de la couverture du régime commun de l'existence, dans les législations nationales, d'un régime d'assurance obligatoire. De la sorte, son épouse subirait une grave discrimination par rapport au conjoint d'un autre fonctionnaire qui, exerçant par exemple une activité en Italie, serait affilié d'office à un régime légal dans cet État et bénéficierait ainsi concurremment des deux systèmes de protection sociale. |
46 |
La défenderesse, qui répète que Mme Holtbecker, pour bénéficier de la couverture du régime commun, aurait dû s'affilier à un des régimes prévus par la législation helvétique, expose que, si Mme Holtbecker avait travaillé en Italie, elle aurait également dû s'affilier au régime d'assurance maladie prévu par la législation italienne. Dans les deux cas, aucune obligation d'affiliation n'aurait été imposée à Mme Holtbecker par la législation nationale en vigueur dans ces États, les régimes italien et suisse prévoyant uniquement une faculté, et non pas une obligation, pour les étrangers résidents de s'affilier à une caisse de maladie, de sorte qu'il ne saurait être question de discrimination. Au contraire, il y aurait discrimination dans l'hypothèse où un conjoint dans la situation de Mme Holtbecker ne serait pas tenu de s'affilier à un régime national d'assurance maladie. En effet, dans cette hypothèse, il se trouverait avantagé sur le plan économique par rapport, par exemple, à un conjoint de nationalité italienne exerçant son activité en Italie. En effet, ce dernier serait tenu, de par la loi, de s'affilier au régime national d'assurance maladie et d'en acquitter les cotisations. |
Appréciation du Tribunal
47 |
Le Tribunal constate que les arguments développés par le requérant à l'appui du deuxième moyen reposent sur l'idée, déjà à la base du premier moyen, selon laquelle le conjoint d'un fonctionnaire communautaire qui exerce une activité professionnelle ne peut bénéficier de la couverture du régime commun d'assurance maladie que s'il existe, au lieu où il exerce son activité, un régime obligatoire d'assurance. Or, le Tribunal a jugé, en réponse au premier moyen, que l'extension au conjoint exerçant une activité professionnelle de la couverture du régime commun d'assurance maladie ne suppose pas nécessairement que celui-ci soit affilié à un régime obligatoire, mais seulement qu'il ait, en vertu de dispositions légales ou réglementaires, le droit de s'affilier à un régime d'assurance le couvrant contre les risques de maladie. Il s'ensuit que le conjoint d'un fonctionnaire, qui a le droit de s'affilier à un tel régime, bénéficie à la fois de la couverture du régime d'assurance prévu par la législation nationale et, au surplus, à titre complémentaire, de celle du régime commun. Dans ces conditions, il ne saurait être question d'injustice manifeste constituant une violation du principe de non-discrimination et le présent moyen doit être rejeté. |
— Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime
Arguments des parties
48 |
Le requérant expose, en premier lieu, que jusqu'à la décision de refus de remboursement qui fait l'objet du présent recours l'administration avait remboursé tous les frais médicaux exposés par son épouse, et ce en pleine connaissance de cause, du fait qu'elle exerçait une activité professionnelle rémunérée, ainsi qu'il ressortait des déclarations annuelles qu'il avait faites à ce sujet à l'administration. Cette attitude de l'administration l'aurait conforté dans sa conviction que son épouse bénéficiait de la couverture du régime commun, d'autant plus que tous les remboursements antérieurs avaient été accordés au titre de l'assurance primaire et non pas complémentaire. Dans ces conditions, il aurait été en droit d'estimer que l'administration, confrontée au cas limite de son épouse, avait voulu faire prévaloir la norme statutaire que constitue l'article 72, qui impose, selon lui, que le conjoint qui ne peut être couvert par un autre régime obligatoire bénéficie de la couverture du régime commun. Le requérant souligne que, en tout état de cause, l'administration aurait dû l'aviser en temps utile de son attitude, afin de lui donner la possibilité de souscrire une assurance privée et d'éviter le dommage résultant du refus de remboursement. |
49 |
Le requérant se prévaut, en second lieu, de l'attestation délivrée à sa demande par le chef de la division « administration et personnel » du CCR d'Ispra le 11 mai 1988, certifiant que son épouse était affiliée au régime commun. Cette attestation aurait été signée en toute connaissance de cause et sans aucune réserve par le chef de l'administration, de sorte qu'il pourrait affirmer avoir été convaincu de sa véracité. |
50 |
En ce qui concerne le premier argument, ayant trait aux remboursements des frais médicaux exposés antérieurement à ceux qui font l'objet du présent recours, la défenderesse répond qu'ils ont été effectués à tort par le bureau liquidateur, lequel aurait supposé que Mme Holtbecker était couverte par un régime national d'assurance maladie. Ce ne serait que lorsque la demande de remboursement a porté sur des sommes plus importantes que l'administration aurait estimé utile d'exiger la présentation des pièces justificatives requises par le statut et ce ne serait qu'à cette occasion qu'elle se serait rendue compte que Mme Holtbecker ne relevait d'aucun régime national d'assurance. |
51 |
La défenderesse conteste que son attitude ait pu créer la confiance dans le chef du requérant, compte tenu de la position qu'il occupe. En tant que fonctionnaire de grade A 2, chef d'une unité de 350 personnes, il aurait dû, selon elle, avoir une certaine connaissance des dispositions applicables en la matière. |
52 |
En ce qui concerne le second argument, se rapportant à l'attestation du chef de l'unité « administration et personnel » de l'établissement d'Ispra, la défenderesse fait valoir que cette déclaration n'apporte aucune précision sur la situation concrète de Mme Holtbecker. Dans ces conditions, il aurait appartenu au requérant lui-même de faire preuve de diligence et de demander à la caisse de maladie des informations plus détaillées et une déclaration plus explicite. Au surplus, la défenderesse fait observer que, selon la jurisprudence du Tribunal (voir arrêt du 27 mars 1990, Chomel/Commission, points 26 à 30, T-123/89, Rec. p. II-131), à supposer même qu'un fonctionnaire obtienne de l'administration une confirmation erronée des droits qu'il revendique, un tel engagement ne peut créer, en soi, une situation de confiance légitime. |
Appréciation du Tribunal
53 |
En ce qui concerne le premier argument, tiré du remboursement des dépenses médicales exposées antérieurement à celles qui font l'objet du présent litige, il convient de noter que, conformément à une jurisprudence constante (voir notamment l'arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, précité), le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître dans son chef des espérances fondées. En revanche, aucun fonctionnaire ne peut invoquer une violation du principe de la confiance légitime, en l'absence d'assurances précises que lui aurait fourni l'administration. Or, en l'espèce, le seul fait que, dans le passé, certains frais médicaux d'un montant relativement modeste aient été remboursés sans réserve ne saurait être considéré comme suffisant pour avoir pu faire naître dans le chef du requérant une certitude quant à l'affiliation effective de son épouse au régime commun d'assurance maladie ni comme constitutif d'une faute dans le chef de l'administration. |
54 |
En ce qui concerne le second argument, se rapportant à l'attestation du chef de la division «administration et personnel» du CCR d'Ispra du 11 mai 1988, et à supposer que ce responsable ait été au courant de la situation exacte de Mme Holtbecker au moment où il a rédigé cette attestation, il convient de noter que, même si le requérant a obtenu des services de la Commission confirmation des droits qu'il revendiquait, un tel engagement n'a pu créer une situation de confiance légitime,, aucun fonctionnaire d'une institution communautaire ne pouvant valablement s'engager à ne pas appliquer le droit communautaire. En effet, des promesses qui ne tiennent pas compte des dispositions statutaires ne sauraient créer une confiance légitime dans le chef de celui auquel elles s'adressent (voir l'arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, précité). |
55 |
Par conséquent, le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être accueilli. |
56 |
Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 10 juillet 1990 doivent être rejetées comme non fondées. |
Sur les conclusions aux fins pécuniaires
57 |
Les conclusions en annulation présentées par le requérant ayant été rejetées comme non fondées, la demande de remboursement des frais exposés par l'épouse du requérant doit également être rejetée. |
58 |
L'examen des faits par le Tribunal ayant fait apparaître que la Commission n'a pas commis de faute, il s'ensuit que la demande subsidiaire en réparation du préjudice allégué par le requérant doit aussi être rejetée. |
Sur les dépens
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Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (quatrième chambre) déclare et arrête: |
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García-Valdecasas Schintgen Briët Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 1992. Le greffier H. Jung Le président de la quatrième chambre R. Garcia-Valdecasas |
( *1 ) Langue de procédure: l'italien.