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Document 61991CJ0029

Arrêt de la Cour du 19 mai 1992.
Dr. Sophie Redmond Stichting contre Hendrikus Bartol et autres.
Demande de décision préjudicielle: Kantonrecht Groningen - Pays-Bas.
Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise.
Affaire C-29/91.

Recueil de jurisprudence 1992 I-03189

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:220

61991J0029

Arrêt de la Cour du 19 mai 1992. - Dr. Sophie Redmond Stichting contre Hendrikus Bartol et autres. - Demande de décision préjudicielle: Kantonrecht Groningen - Pays-Bas. - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise. - Affaire C-29/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-03189
édition spéciale suédoise page I-00087
édition spéciale finnoise page I-00131


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Politique sociale - Rapprochement des législations - Transferts d' entreprises - Maintien des droits des travailleurs - Directive 77/187 - Champ d' application - Cession conventionnelle - Notion - Transfert d' activités entre deux organismes subventionnés par les pouvoirs publics consécutif à une modification dans l' attribution des subventions - Inclusion

(Directive du Conseil 77/187, art. 1er, § 1)

2. Politique sociale - Rapprochement des législations - Transferts d' entreprises - Maintien des droits des travailleurs - Directive 77/187 - Transfert - Notion

(Directive du Conseil 77/187, art. 1er, § 1)

Sommaire


1. L' article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements doit être interprété en ce sens que la notion de "cession conventionnelle" trouve à s' appliquer dans une situation où une autorité publique décide de cesser d' accorder des subventions à une personne morale et provoque ainsi l' arrêt complet et définitif des activités de celle-ci pour les transférer à une autre personne morale poursuivant un but analogue.

2. La notion de "transfert d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements" contenue dans l' article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 vise l' hypothèse dans laquelle l' entité en question a gardé son identité. Pour établir l' existence ou non d' un transfert au sens indiqué, il convient d' apprécier, compte tenu de l' ensemble des circonstances de fait caractérisant l' opération en cause, si les fonctions exercées sont effectivement poursuivies ou reprises par la nouvelle personne morale avec les mêmes activités ou des activités analogues, étant précisé que les activités de nature particulière constituant des missions indépendantes peuvent, le cas échéant, être assimilées à des établissements ou parties d' établissements au sens de la directive.

Parties


Dans l' affaire C-29/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Kantongerecht te Groningen et visant à obtenir, dans le litige pendant entre

Dr. Sophie Redmond Stichting

et

Hendrikus Bartol e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissement ou de partie d' établissements (JO L 61, p. 26),

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, R. Joliet, F. A. Schockweiler et F. Grévisse, présidents de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, G. C. Rodríguez Iglesias et M. Díez de Velasco, juges,

avocat général: M. W. Van Gerven

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations présentées:

- pour Dr. Sophie Redmond Stichting, par Me R. Van Asperen, avocat au barreau de Groningen;

- pour Hendrikus Bartol e.a., par Mes T. Y. Miedema et G. W. Brouwer, avocats au barreau de Groningen;

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber et Mme K. Banks, membres du service juridique, en qualité d' agents;

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de Dr. Sophie Redmond Stichting et de la Commission, à l' audience du 12 février 1992,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 24 mars 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 21 janvier 1991, parvenue à la Cour le 28 janvier suivant, le Kantongerecht te Groningen a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, une série de questions préjudicielles relatives à l' interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements (JO L 61, p. 26, ci-après "directive").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d' un litige pendant entre, d' une part, la fondation Dr Sophie Redmond (Dr. Sophie Redmond Stichting) et, d' autre part, M. Hendrikus Bartol et huit autres personnes.

3 Il ressort du dossier que la requérante au principal est une fondation qui s' occupe notamment d' apporter une aide aux toxicomanes appartenant à certains milieux de la société néerlandaise. Les parties défenderesses sont des salariés de cette fondation, liés à elle par des contrats de travail auxquels s' appliquent les dispositions du code civil néerlandais.

4 La commune de Groningen, qui accordait à cette fondation des subventions qui constituaient ses seules ressources, a cessé l' octroi de ces subventions à compter du 1er janvier 1991 pour les transférer à une autre fondation active dans le domaine de l' aide aux toxicomanes, la fondation Sigma.

5 La fondation Dr Sophie Redmond, dépourvue désormais de toute ressource, a saisi le Kantongerecht te Groningen, sur le fondement de l' article 1639w du code civil, d' une demande de résiliation des contrats de travail existant entre elle et ceux des membres de son personnel qui n' étaient pas repris par la fondation Sigma.

6 Certaines des parties défenderesses au principal ayant invoqué les dispositions des articles 1639aa et suivants, insérés dans le code civil néerlandais pour transposer la directive en droit interne, le Kantongerecht, qui statue en premier et dernier ressort, a été amené à s' interroger sur l' interprétation de cette directive. Il a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée, à titre préjudiciel, sur les questions suivantes:

"a) La notion de 'transferts d' entreprises ... à un autre chef d' entreprise, résultant d' une cession conventionnelle ou d' une fusion' au sens de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements, concerne-t-elle également la situation dans laquelle l' autorité compétente pour l' octroi des subventions décide d' arrêter l' octroi des subventions à une personne morale, entraînant l' arrêt complet et définitif des activités de cette personne morale, et de les transférer, à partir de la même date, à une autre personne morale poursuivant le même but ou un but analogue, lorsque l' objectif et l' accord convenus entre les deux personnes morales et l' autorité compétente pour l' octroi des subventions ne se limitent pas, autant que possible, à 'transférer' les clients/patients de la première personne morale à la seconde personne morale, mais visent également à donner en location à la seconde personne morale l' immeuble qui était précédemment donné en location à la première personne morale par l' autorité compétente pour l' octroi des subventions et à utiliser, autant que possible (et que cela est souhaitable) les 'connaissances et les ressources (par exemple en personnel)' de la première personne morale?

b) La question qui précède appelle-t-elle une réponse différente pour le cas où l' opération susmentionnée ne comprend pas le transfert à la seconde personne morale des biens mobiliers de la première personne morale?

c) Le fait que les biens mobiliers qui n' ont pas été transférés consisteraient exclusivement en moyens destinés aux fonctions de rencontre et aux fonctions récréatives mentionnées ci-avant revêt-il une importance pour la réponse à ladite question?

d) Peut-on encore parler de maintien de l' identité de (la partie transférée de) l' entreprise pour le cas où le transfert ne concerne pas les fonctions de rencontre et les fonctions récréatives susmentionnées de la première personne morale, mais bien ses fonctions d' aide?

e) Cette dernière question appelle-t-elle une réponse différente selon que les activités de rencontre et les activités récréatives sont à considérer comme un but indépendant et exclusivement comme un moyen en vue d' une aide optimale?

f) Enfin, les questions qui précèdent appellent-elles encore une réponse différente pour le cas où le transfert (visé) des activités de la première personne morale à la seconde personne morale n' a pas pour cause première un accord conclu (des accords conclus) à cet effet entre l' autorité compétente pour l' octroi des subventions et les deux personnes morales, mais la décision fondée sur une modification de la politique de l' autorité publique compétente pour l' octroi des subventions d' arrêter l' octroi des subventions à la première personne morale et de les transférer à la seconde personne morale?"

7 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

8 Aux termes de l' article 1er, paragraphe 1, de la directive:

"La présente directive est applicable aux transferts d' entreprise, d' établissements ou de parties d' établissements à un autre chef d' entreprise, résultant d' une cession conventionnelle ou d' une fusion."

9 Les six questions préjudicielles posées par le Kantongerecht te Groningen portent, en réalité, sur deux aspects distincts du champ d' application de la directive, tel qu' il est défini par son article 1er. La première question, pour partie, et la sixième question portent sur l' interprétation de la notion de "cession conventionnelle", les autres sur celle de "transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements". Pour répondre au Kantongerecht, il convient d' examiner successivement les difficultés d' interprétation que peuvent présenter ces deux notions au regard des préoccupations exprimées par le juge national.

Sur la notion de "cession conventionnelle"

10 Il convient de rappeler que, dans l' arrêt du 7 février 1985, Abels, points 11 à 13 (135/83, Rec. p. 469), la Cour a constaté que la portée de la disposition litigieuse de la directive ne pouvait pas être appréciée sur la base de la seule interprétation textuelle, en raison des différences entre les versions linguistiques de cette disposition et des divergences entre les législations nationales sur la notion de cession contractuelle.

11 Elle a, en conséquence, donné de cette notion une interprétation suffisamment souple pour répondre à l' objectif de la directive, qui est de protéger les salariés en cas de transfert de leur entreprise, et jugé que cette directive était applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l' exploitation de l' entreprise, qui contracte les obligations d' employeur vis-à-vis des employés de l' entreprise (voir, en dernier lieu, l' arrêt du 15 juin 1988, Bork International, point 13 (101/87, Rec. p. 3057).

12 La Cour a notamment estimé qu' entraient dans le champ d' application de la directive la location d' un fonds suivie de la résiliation du bail puis de la reprise de l' exploitation par le propriétaire (arrêt du 17 décembre 1987, Ny Moelle Kro, 287/86, Rec. p. 5465), la location-gérance d' un restaurant, la résiliation du bail et la passation d' un nouveau contrat de location-gérance avec un nouvel exploitant (arrêt du 10 février 1988, Tellerup, dit "Daddy' s Dance Hall", 324/86, Rec. p. 739) et même, enfin, la cession d' un bar-discothèque en vertu d' une location-vente et la restitution de l' établissement à son propriétaire par une décision judiciaire (arrêt du 5 mai 1988, Berg, 144/87 et 145/87, Rec. p. 2559).

13 Comme le relève l' arrêt du 15 juin 1988, Bork International, précité, point 14, lorsqu' un locataire ayant la qualité de chef d' entreprise perd cette qualité au terme du contrat de bail et qu' un tiers l' acquiert ultérieurement en vertu d' un contrat de vente conclu avec le propriétaire, l' opération qui en résulte est susceptible d' entrer dans le champ d' application de la directive, tel que défini à son article 1er, paragraphe 1. Le fait que, dans un tel cas, le transfert s' effectue en deux phases en ce sens que l' entreprise est, dans un premier temps, restituée par le locataire au propriétaire, lequel la transfère ensuite au nouveau propriétaire, n' exclut pas l' applicabilité de la directive.

14 Telle qu' elle est décrite par l' ordonnance de renvoi, l' opération sur laquelle portent les questions préjudicielles posées par le Kantongerecht te Groningen répond à une logique comparable. Il s' agit, en effet, d' une situation dans laquelle une commune qui finance, par des subventions, les activités d' une fondation s' occupant d' apporter une aide aux toxicomanes, décide de cesser l' octroi de ces subventions, et provoque ainsi l' arrêt des activités de cette fondation, pour les transférer à un autre fondation poursuivant les mêmes activités.

15 Il est vrai que le juge de renvoi s' interroge, par sa sixième question, sur le point de savoir si la circonstance que la décision de transfert est prise de manière unilatérale par la collectivité publique et ne résulte pas d' un accord conclu par celle-ci avec les organismes subventionnés ne rend pas inapplicable en l' espèce la directive.

16 Cette question appelle une réponse négative.

17 D' une part, il y a décision unilatérale aussi bien lorsqu' un propriétaire décide de changer de locataire que lorsqu' une collectivité publique modifie sa politique de subvention. A cet égard, il n' y a pas lieu de prendre en compte la nature de la subvention, qui est accordée par un acte unilatéral assorti de certaines conditions dans certains États membres, par des contrats de subvention dans d' autres. Dans tous les cas, le changement du bénéficiaire de la subvention s' accomplit dans le cadre de relations contractuelles au sens de la directive et de la jurisprudence (arrêts du 5 mai 1988, Berg, précité, point 19, et du 15 juin 1988, Bork International, précité, points 13 et 14). Au surplus, bien que la fondation Redmond conteste, dans ses observations devant la Cour, que des accords aient été conclus, le Kantongerecht relève expressément dans les motifs de son ordonnance que "aussi bien la demanderesse que la fondation Sigma se sont déclarées prêtes à collaborer activement au 'transfert' des clients/patients de la demanderesse à la fondation Sigma, pour lequel un groupe de travail 'insertion des activités de la fondation Redmond dans la fondation Sigma' a, en outre, été créé".

18 D' autre part, comme le souligne, d' ailleurs, la Commission dans ses observations, la circonstance que, en l' espèce, l' opération a pour origine l' octroi de subventions à des fondations ou associations dont les services ne seraient pas rémunérés n' exclut pas cette opération du champ d' application de la directive. En effet, cette directive a, comme il a été rappelé, pour objet de garantir les droits des travailleurs et elle vise tous les travailleurs qui font l' objet d' une protection quelconque, même réduite, contre le licenciement au titre du droit national (arrêts du 11 juillet 1985, Danmols Inventar, point 27, 105/84, Rec. p. 2639, et du 15 avril 1986, Commission/Belgique, point 13, 237/84, Rec. p. 1247). Or, d' après l' ordonnance de renvoi, les travailleurs intéressés sont soumis au code civil néerlandais.

19 Au cours de l' audience, le conseil de la partie requérante au principal a fait valoir un autre argument, tiré de la circonstance que la fondation Dr Sophie Redmond se trouverait dans une situation comparable à celle de la faillite, situation expressément exclue du champ d' application de la directive par la jurisprudence de la Cour en raison du risque sérieux, en cas d' application de la directive à la faillite, d' une détérioration, au plan global, des conditions de vie et de travail de la main-d' oeuvre, contrairement aux objectifs sociaux du traité (arrêt du 7 février 1985, Abels, précité, point 23).

20 Cette argumentation nouvelle, qui n' a pas été présentée dans les observations écrites déposées devant la Cour et qui n' est étayée par aucun élément du dossier, ne peut être retenue. Il ressort, en effet, de l' arrêt Abels, précité, que l' exclusion du champ d' application de la directive ne porte que sur les transferts concernant des entreprises déclarées en état de faillite. A supposer même, ce qui n' est nullement établi, que la fondation Redmond se soit trouvée en difficulté pour honorer ses engagements à la date du transfert, cette seule circonstance ne suffirait donc pas à exclure ledit transfert du champ d' application de la directive (voir notamment l' arrêt du 11 juillet 1985, Danmols Inventar, précité, points 9 et 10).

21 Il y a donc lieu de répondre aux questions ou parties de questions préjudicielles portant sur l' interprétation de la notion de "cession conventionnelle" au sens de l' article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 que ce texte doit être interprété en ce sens que cette notion trouve à s' appliquer dans une situation où une autorité publique décide de cesser d' accorder des subventions à une personne morale, et provoque ainsi l' arrêt complet et définitif des activités de celle-ci, pour les transférer à une autre personne morale poursuivant un but analogue.

Sur la notion de transfert d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements

22 Dans l' arrêt du 18 mars 1986, Spijkers (24/85, Rec. p. 1119), la Cour a précisé les conditions dans lesquelles devaient être appréciées les circonstances de fait permettant de retenir la qualification de transfert d' entreprises au sens de la directive. Trois points doivent être rappelés à cet égard.

23 En premier lieu, le critère décisif pour établir l' existence d' un transfert au sens de la directive est de savoir si l' entité en question garde son identité, ce qui résulte notamment de la poursuite effective de l' exploitation ou de sa reprise (arrêt du 18 mars 1986, Spijkers, précité, points 11 et 12).

24 En second lieu, pour déterminer si ces conditions sont réunies, il y a lieu de prendre en considération l' ensemble des circonstances de fait caractérisant l' opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d' entreprise ou d' établissement dont il s' agit, le transfert ou non des éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l' essentiel des effectifs par le nouveau chef d' entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d' une éventuelle suspension de ces activités. Il convient, toutefois, de préciser que tous ces éléments ne sont que des aspects partiels de l' évaluation d' ensemble qui s' impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (arrêt du 18 mars 1986, Spijkers, précité, point 13).

25 Enfin, les appréciations de fait nécessaires en vue d' établir l' existence ou non d' un transfert au sens indiqué relèvent de la compétence de la juridiction nationale, compte tenu des éléments d' interprétation spécifiés par la Cour (arrêt du 18 mars 1986, Spijkers, précité, point 14).

26 En l' espèce, l' ordonnance du juge de renvoi relève que le transfert des subventions de l' une à l' autre des fondations présente les caractéristiques suivantes: la fondation Redmond cesse ses activités, les deux fondations poursuivent le même but ou un but analogue, la fondation Sigma absorbe partiellement la fondation Redmond, les deux fondations ont collaboré à la mise au point des opérations de transfert, il a été convenu un transfert à Sigma des connaissances et des ressources de Redmond, l' immeuble loué par Redmond est donné en location à Sigma, cette dernière a offert de nouveaux contrats de travail à certains anciens salariés de la première.

27 Tous ces faits sont essentiels sinon déterminants pour caractériser un transfert et peuvent être retenus pour l' interprétation et l' application de l' article 1er de la directive.

28 Dans ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième questions, le Kantongerecht te Groningen fait état de circonstances propres à certains biens et à certaines activités, dont il se demande si elles peuvent modifier les termes de la qualification à donner aux éléments déjà cités pour caractériser l' existence ou l' absence de transfert.

29 En ce qui concerne les biens mobiliers, dont l' absence de transfert ne semble pas à elle seule de nature à faire obstacle à l' applicabilité de la directive, il appartient au juge national d' apprécier leur importance en les replaçant dans l' évaluation d' ensemble qui s' impose, ainsi qu' il a été rappelé au point 24.

30 La même remarque vaut pour les activités de rencontre et les activités récréatives, étant précisé que la seule circonstance que ces activités auraient constitué une mission indépendante ne suffit pas à écarter l' application des dispositions précitées de la directive, prévues non seulement pour les transferts d' entreprises, mais aussi pour les transferts d' établissements ou de parties d' établissements, auxquels peuvent être assimilées des activités de nature particulière.

31 Il y a donc lieu de répondre aux questions préjudicielles portant sur l' interprétation de la notion de "transfert d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements" au sens de l' article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 que ce texte doit être interprété en ce sens que cette notion vise l' hypothèse dans laquelle l' entité en question a gardé son identité. Pour établir l' existence ou non d' un transfert au sens indiqué dans un cas tel que celui faisant l' objet du litige au principal, il convient d' apprécier, compte tenu de l' ensemble des circonstances de fait caractérisant l' opération en cause, si les fonctions exercées sont effectivement poursuivies ou reprises par la nouvelle personne morale avec les mêmes activités ou des activités analogues, étant précisé que les activités de nature particulière constituant des missions indépendantes peuvent, le cas échéant, être assimilées à des établissements ou parties d' établissements au sens de la directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

32 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Kantongerecht te Groningen, par ordonnance du 21 janvier 1991, dit pour droit:

1) L' article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements, doit être interprété en ce sens que la notion de "cession conventionnelle" trouve à s' appliquer dans une situation où une autorité publique décide de cesser d' accorder des subventions à une personne morale, et provoque ainsi l' arrêt complet et définitif des activités de celle-ci, pour les transférer à une autre personne morale poursuivant un but analogue.

2) La notion de "transfert d' entreprises, d' établissements ou de parties d' établissements" contenue dans le même texte vise l' hypothèse dans laquelle l' entité en question a gardé son identité. Pour établir l' existence ou non d' un transfert au sens indiqué dans un cas tel que celui faisant l' objet du litige au principal, il convient d' apprécier, compte tenu de l' ensemble des circonstances de fait caractérisant l' opération en cause, si les fonctions exercées sont effectivement poursuivies ou reprises par la nouvelle personne morale avec les mêmes activités ou des activités analogues, étant précisé que les activités de nature particulière constituant des missions indépendantes peuvent, le cas échéant, être assimilées à des établissements ou parties d' établissements au sens de la directive.

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