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Document 61991CC0067

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 10 juin 1992.
    Dirección General de Defensa de la Competencia contre Asociación Española de Banca Privada et autres.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal de Defensa de la Competencia - Espagne.
    Droit de la concurrence - Règlement n. 17 - Utilisation par les autorités nationales d'informations recueillies par la Commission.
    Affaire C-67/91.

    Recueil de jurisprudence 1992 I-04785

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:256

    61991C0067

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 10 juin 1992. - Dirección General de Defensa de la Competencia contre Asociación Española de Banca Privada et autres. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de Defensa de la Competencia - Espagne. - Droit de la concurrence - Règlement n. 17 - Utilisation par les autorités nationales d'informations recueillies par la Commission. - Affaire C-67/91.

    Recueil de jurisprudence 1992 page I-04785
    édition spéciale suédoise page I-00087
    édition spéciale finnoise page I-00087


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. Dans la présente affaire, le Tribunal de Defensa de la Competencia espagnol a invité la Cour à statuer à titre préjudiciel, en application de l' article 177 du traité CEE, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, les autorités compétentes en matière de concurrence dans un État membre peuvent utiliser les informations qui leur sont communiquées par la Commission dans le cadre du règlement n 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d' application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). L' article 86 n' est pas pertinent en l' espèce, mais l' article 85 interdit (en son paragraphe 1) et déclare nuls de plein droit (en son paragraphe 2) "tous accords entre entreprises, toutes décisions d' associations d' entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d' affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d' empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l' intérieur du marché commun ...".

    2. Dans la procédure au principal, un certain nombre d' établissements bancaires contestent l' ouverture d' une enquête sur leurs activités, qui a été engagée dans le cadre du droit espagnol de la concurrence par la Dirección General de Defensa de la Competencia ("DGDC"). Selon leurs dires, la décision d' ouvrir cette enquête était fondée sur des informations communiquées à la DGDC par la Commission, conformément aux dispositions du règlement n 17. Ils soutiennent que la DGDC n' est pas autorisée à utiliser ces informations à leur encontre aux fins d' établir une violation du droit espagnol de la concurrence.

    Les antécédents du litige

    3. Le point de départ du litige entre les parties au principal est une lettre du 3 mars 1987 par laquelle la Commission a informé les présidents d' un certain nombre de banques espagnoles qu' elle les soupçonnait de participation à certaines pratiques restrictives et dans laquelle elle leur demandait de lui fournir certains renseignements en application de l' article 11, paragraphe 1, du règlement n 17. Cette disposition est libellée comme suit:

    "Dans l' accomplissement des tâches qui lui sont assignées par l' article 89 et par les prescriptions arrêtées en application de l' article 87 du traité, la Commission peut recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des gouvernements et des autorités compétentes des États membres ainsi que des entreprises et associations d' entreprises."

    4. Le 16 décembre 1987, après d' autres échanges entre la Commission et les banques concernées, la Commission a écrit à l' Asociación Española de Banca Privada (ci-après "AEBP"), association qui représente huit des principales banques espagnoles, pour l' informer qu' il serait dans l' intérêt des membres de cette association de demander une attestation négative ou une exemption pour certains aspects de leurs pratiques. Elle avertissait l' AEBP qu' à défaut une enquête officielle sur les activités de ses membres pourrait être ouverte. Le 30 mars 1988, l' AEBP, agissant au nom de ses membres, a donc présenté à la Commission une demande d' attestation négative et une notification en vue d' obtenir une exemption, en utilisant le formulaire A/B, prescrit par l' article 4 du règlement n 27 de la Commission, du 3 mai 1962, premier règlement d' application du règlement n 17 du Conseil en date du 6 février 1962 (JO 1962, 35, p. 1118), modifié par le règlement (CEE) n 2526/85 de la Commission, du 5 août 1985 (JO L 240, p. 1).

    5. Aux termes de l' article 2 du règlement n 17, une attestation négative consiste en une attestation de la Commission constatant que "il n' y a pas lieu, pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d' intervenir à l' égard d' un accord, d' une décision ou d' une pratique en vertu des dispositions de l' article 85, paragraphe 1, ou de l' article 86 du traité". La Commission peut décider de délivrer une exemption à la suite de la notification de l' accord, de la décision ou de la pratique en cause, conformément aux articles 4 et 5 du règlement. Pareille décision de la Commission constitue une application de l' article 85, paragraphe 3, du traité, qui prévoit que l' article 85, paragraphe 1, peut être déclaré inapplicable aux accords, décisions ou pratiques qui satisfont à certaines conditions. Il résulte de l' article 9, paragraphe 1, du règlement que la Commission est seule compétente pour déclarer, sur la base de l' article 85, paragraphe 3, que l' article 85, paragraphe 1, est inapplicable.

    6. Conformément à l' article 10, paragraphe 1, du règlement n 17, la Commission a envoyé à la DGDC une copie du formulaire A/B déposé par l' AEBP. L' article 10 est intitulé "Liaison avec les autorités des États membres". Ses trois premiers paragraphes sont libellés comme suit:

    "1. La Commission transmet sans délai aux autorités compétentes des États membres copie des demandes et des notifications ainsi que des pièces les plus importantes qui lui sont adressées en vue de la constatation d' infractions aux dispositions de l' article 85 ou de l' article 86 du traité, de l' octroi d' une attestation négative ou d' une décision d' application de l' article 85, paragraphe 3.

    2. Elle mène les procédures visées au paragraphe 1 en liaison étroite et constante avec les autorités compétentes des États membres qui sont habilités à formuler toutes observations sur ces procédures.

    3. Un Comité consultatif en matière d' ententes et de positions dominantes est consulté préalablement à toute décision consécutive à une procédure visée au paragraphe 1 et à toute décision concernant le renouvellement, la modification ou la révocation d' une décision prise en application de l' article 85, paragraphe 3, du traité."

    Aux termes de l' article 10, paragraphe 4, le comité consultatif est composé de fonctionnaires compétents représentant les États membres. Les "demandes et notifications" visées à l' article 10, paragraphe 1, comprennent les demandes d' attestations négatives prévues à l' article 2 du règlement et les notifications prévues aux articles 4 et 5 tendant à l' obtention d' une exemption en vertu de l' article 85, paragraphe 3, du traité. Dans la version anglaise du règlement, les paragraphes 2 et 3 de l' article 10 contiennent respectivement les expressions "procedure set out in paragraph 1" et "a procedure under paragraph 1", mais il est clair qu' il s' agit des procédures auxquelles se réfère le paragraphe 1. Cela ressort de la version française desdits paragraphes 2 et 3, qui mentionnent respectivement les "procédures visées au paragraphe 1" et une "procédure visée au paragraphe 1". A ce stade, on peut relever que la Commission semble avoir présenté d' autres demandes de renseignements sur le fondement de l' article 11, paragraphe 1.

    7. En droit espagnol, la DGDC est chargée de la liaison avec la Commission pour l' application des règles communautaires de concurrence en Espagne ainsi que de l' instruction des affaires d' infractions aux règles nationales de la concurrence. La juridiction nationale mentionne que la DGDC a procédé, en 1987, à une enquête préalable sur les activités de quinze des principales banques espagnoles. Elle indique que cette enquête a conduit la DGDC à ouvrir, le 29 septembre 1988, une procédure officielle contre un certain nombre des banques concernées, en application des dispositions de la loi n 110 du 20 juillet 1963, relative aux pratiques restrictives de concurrence. Elle précise que les banques mises en cause sont celles au nom desquelles l' AEBP a présenté le formulaire A/B à la Commission. Les démarches tentées par l' AEBP en vue d' obtenir la suspension de la procédure engagée par la DGDC jusqu' à la décision de la Commission n' ont pas abouti pour le moment. La DGDC a conclu que les banques concernées étaient coupables de trois types de pratiques restrictives en matière de tarifs et commissions, mais elle a proposé d' autoriser l' une desdites pratiques. Elle a déposé une proposition en ce sens devant la juridiction nationale, qui est chargée d' arrêter la décision définitive dans les affaires de concurrence relevant du droit espagnol. On peut observer que la juridiction nationale est également chargée de l' application, en Espagne, des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité.

    Les questions déférées à la Cour

    8. Tant devant la DGDC que devant la juridiction nationale, l' AEBP et ses membres ont soutenu que la procédure engagée par la DGDC était fondée sur des informations contenues dans le formulaire A/B adressé à la Commission. Ils soulignent que des procédures officielles n' ont été engagées que contre les banques au nom desquelles ce formulaire a été déposé, alors que l' enquête préalable visait aussi un certain nombre d' autres banques. Ils soutiennent que l' utilisation de telles informations dans une procédure susceptible, comme en l' espèce, d' aboutir à une sanction est incompatible avec le règlement n 17.

    9. La juridiction nationale a donc invité la Cour à se prononcer à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

    "1) L' autorité nationale compétente pour l' application dans un État membre de l' article 85, paragraphe 1, et de l' article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne peut-elle, dans le cadre d' une procédure répressive engagée en vertu des articles précités, utiliser les informations obtenues par les services de la Commission

    a) en application de l' article 11 du règlement n 17 du Conseil?

    b) grâce à une notification volontaire effectuée par des entreprises établies dans ledit État membre conformément aux dispositions des articles 2, 4 et 5 du règlement n 17 du Conseil?

    2) Ladite autorité peut-elle utiliser les informations visées à la question 1, sous a) et b), dans une procédure répressive engagée en application conjointe de la réglementation communautaire et de la réglementation nationale en matière de concurrence?

    3) Ladite autorité peut-elle utiliser les informations visées à la question 1, sous a) et b), dans une procédure répressive engagée en application de la seule réglementation nationale de la concurrence?

    4) Ladite autorité peut-elle utiliser les informations visées à la question 1, sous a) et b), dans une procédure d' autorisation de pratiques restrictives de la concurrence engagée en application de sa seule réglementation nationale?"

    La compétence de la juridiction nationale pour saisir la Cour en application de l' article 177

    10. Avant d' aborder les aspects de fond des questions déférées à la Cour, il convient d' examiner brièvement le point de savoir si la juridiction de renvoi constitue une "juridiction d' un des États membres" au sens de l' article 177. La question se pose en l' espèce en raison de la circonstance qu' elle fait partie, du point de vue administratif, du ministère du Commerce espagnol.

    11. Selon l' ordonnance de renvoi, ses fonctions sont de nature judiciaire, et non administrative, et elle possède une compétence exclusive dans certains domaines. De plus, le droit espagnol prévoit qu' elle exerce ses fonctions en toute indépendance et que ses membres sont inamovibles. Elle traite les cas dont elle est saisie selon une procédure contradictoire et applique le droit espagnol de la concurrence.

    12. Compte tenu de ces caractéristiques, nous n' avons aucun doute quant au fait qu' elle doit être considérée comme une juridiction au sens de l' article 177 et que la demande de décision préjudicielle est donc recevable (voir arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Goebbels, 61/65, Rec. p. 377). Aucune des parties qui ont présenté des observations n' a contesté sa compétence pour saisir la Cour en application de l' article 177.

    Sur le fond

    13. Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement espagnol, par la Commission, par l' AEBP et par les banques concernées, dont deux ont fusionné à la fin de l' année 1988 et deux autres à la fin de l' année 1991, après la clôture de la procédure écrite. Il y a lieu de noter que l' exposé des faits présenté par la juridiction nationale est contesté par l' AEBP et par la quasi-totalité des banques. L' AEBP et les banques soutiennent qu' il est fallacieux de suggérer l' idée que la décision de la DGDC d' engager officiellement une procédure a été précédée d' une enquête préalable, dans la mesure où cela implique que cette procédure reposait sur les constatations résultant de l' enquête. Elles estiment que la décision d' engager des procédures officielles reposait, en réalité, sur les informations transmises à la DGDC par la Commission en application de l' article 10, paragraphe 1, du règlement n 17. Cette circonstance serait démontrée par le fait que les procédures concernent uniquement les banques au nom desquelles le formulaire A/B a été déposé auprès de la Commission, alors que la prétendue enquête préalable s' étendait aussi à un certain nombre d' autres banques.

    14. Selon nous, cette controverse n' affecte nullement les réponses qu' il convient de donner aux questions qui ont été déférées à la Cour. La question de savoir si la décision de la DGDC d' engager des procédures officielles reposait sur les informations qui lui avaient été fournies par la Commission ou sur les résultats de sa propre enquête est une pure question de fait. Les questions posées par la juridiction nationale visent manifestement l' hypothèse dans laquelle les actions engagées par la DGDC auraient été fondées, dans une mesure non négligeable, sur les informations qui lui avaient été communiquées par la Commission et c' est sur la base de cette hypothèse que ces questions doivent être traitées par la Cour. C' est à la juridiction nationale qu' il appartiendra d' appliquer les réponses de la Cour aux faits de la cause.

    15. Il résulte de l' ordonnance de renvoi que les procédures nationales ne concernent que l' application des règles de concurrence espagnoles. Or, les deux premières questions de la juridiction nationale portent, au moins partiellement, sur l' application, par les autorités nationales, des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité. De ce fait, un certain nombre de ceux qui ont déposé des observations ont avancé l' idée que la Cour n' était pas obligée de répondre à l' ensemble des questions déférées par la juridiction nationale. Dans la suite des présentes observations, nous nous concentrerons plus particulièrement sur les troisième et quatrième questions, étant donné qu' elles semblent correspondre plus étroitement aux faits de la cause. Toutefois, selon nous, il serait injustifié de ne pas traiter les deux premières questions posées par la juridiction nationale, de sorte que nous concluerons par quelques brèves remarques sur l' application, par les autorités nationales, des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité.

    a) L' application de la réglementation nationale de la concurrence

    16. La Cour a admis que "une même entente (pouvait), en principe, faire l' objet de procédures parallèles, l' une devant les autorités communautaires en application de l' article 85 du traité CEE, l' autre devant les autorités nationales en application du droit interne" (voir arrêt du 13 février 1969, Wilhelm, point 3, 14/68, Rec. p. 1). Elle a conclu en ce sens au motif que "le droit communautaire et le droit national en matière d' ententes considèrent celles-ci sous des aspects différents; alors que l' article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d' elles, considèrent les ententes dans ce seul cadre" (ibidem). La Cour a néanmoins précisé que "les conflits entre la règle communautaire et les règles nationales en matière d' ententes doivent être résolus par l' application du principe de la primauté de la règle communautaire" (attendu 6). Ainsi, comme elle l' a souligné dans l' arrêt du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain, point 16 (253/78 et 1/79 à 3/79, Rec. p. 2327), "une application parallèle du droit national de la concurrence ne saurait être admise que pour autant qu' elle ne porte pas préjudice à l' application uniforme, dans le marché commun, des règles communautaires en matière d' ententes et du plein effet des actes pris en application de ces règles".

    17. L' ordonnance de renvoi indique que la juridiction nationale connaît cette jurisprudence et qu' elle ne demande pas à la Cour de préciser dans quelle mesure le droit communautaire permet des procédures parallèles. Bien que l' une des banques ayant déposé des observations, la Banco Español de Crédito, ait invité la Cour à fournir des précisions supplémentaires sur cette question, cela ne nous paraît pas nécessaire.

    18. Tel est le contexte dans lequel nous abordons les deux premiers paragraphes de l' article 20 du règlement n 17, qui concernent respectivement l' utilisation et la divulgation des informations communiquées à la Commission dans le cadre d' autres dispositions de ce règlement. Ces deux paragraphes sont libellés comme suit:

    "1. Les informations recueillies en application des articles 11, 12, 13 et 14 ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées.

    2. Sans préjudice des dispositions des articles 19 et 21, la Commission et les autorités compétentes des États membres ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu' ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel."

    L' examen de l' effet de ces deux paragraphes de l' article 20 impose d' établir une distinction entre les informations recueillies en application des articles 2, 4 et 5 du règlement, d' une part, et celles recueillies en application de l' article 11, d' autre part.

    i) Informations recueillies en application des articles 2, 4 et 5 du règlement n 17

    19. Il y a lieu d' observer que l' article 20, paragraphe 1, vise les informations recueillies en application de certaines dispositions précises du règlement n 17, tandis que son paragraphe 2 concerne les informations recueillies en application de n' importe quelle disposition du règlement. Il pourrait sembler s' ensuivre que les informations recueillies sur la base de dispositions du règlement autres que les articles 11 à 14, telles que celles fournies à la Commission dans le formulaire A/B, peuvent être utilisées en vue de n' importe quel but, dès lors que l' obligation de secret professionnel est respectée.

    20. Toutefois, la Commission souligne qu' il résulte de l' article 15, paragraphe 5, du règlement n 17 qu' une demande d' exemption fait obstacle à ce qu' elle inflige des amendes pour des agissements qui se situent entre la date de la notification et celle de la décision qu' elle prend en application de l' article 85, paragraphe 3, et qui restent dans les limites de l' activité décrite dans la notification. Selon elle, autoriser les autorités nationales à utiliser des informations contenues dans un formulaire A/B à titre de preuve d' une infraction à leurs règles internes de concurrence compromettrait l' équilibre établi par le règlement entre les divers intérêts en jeu, dans la mesure où une entreprise demandant une exemption risquerait de s' exposer, de ce fait, à des poursuites de la part des autorités nationales, dans le cadre de leurs règles nationales de concurrence.

    21. On ne saurait, selon nous, interpréter l' article 20, paragraphe 1, comme s' étendant aux informations recueillies en application d' articles du règlement autres que ceux qu' il mentionne expressément, de sorte qu' il en limiterait donc aussi l' utilisation. Néanmoins, il n' y a pas lieu d' en faire une lecture impliquant que l' utilisation des informations fournies en application d' articles autres que ceux qu' il mentionne, tels que les articles 2, 4 et 5 du règlement, n' est soumise à aucune restriction dès lors que l' obligation de secret professionnel est respectée.

    22. Nous pensons qu' il serait erroné d' aller trop loin dans la différence entre le libellé du paragraphe 1 de l' article 20 et celui de son paragraphe 2, car ces paragraphes sont distincts. Bien que l' article 20 soit intitulé "Secret professionnel", seul son paragraphe 2 traite de ce sujet. Ce paragraphe a simplement pour effet d' étendre, aux autorités chargées de la concurrence dans les États membres, l' article 214 du traité, qui interdit à la Communauté et à ses agents de divulguer des informations couvertes par le secret professionnel (arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, point 26, 53/85, Rec. p. 1965). L' article 20, paragraphe 2, concerne donc uniquement la divulgation des informations acquises en raison de l' application du règlement. En revanche, le paragraphe 1 ne traite pas de la divulgation, mais de l' utilisation, des informations recueillies en application des articles 11 à 14 du règlement. Bien qu' il mentionne expressément ces articles, on ne saurait, selon nous, en déduire que les informations recueillies en application d' autres dispositions du règlement peuvent être utilisées dans n' importe quel but.

    23. Nous pensons que pareilles informations ne peuvent être utilisées que de manière conforme aux objectifs du règlement. Lesdits objectifs sont, notamment, d' encourager la notification des accords, décisions et pratiques et de faciliter, à titre général, les démarches des entreprises auprès de la Commission. Cela ressort du sixième considérant, qui est libellé comme suit: "Considérant ... que les entreprises peuvent avoir intérêt à savoir si des accords, décisions ou pratiques auxquels elles participent ou envisagent de participer sont susceptibles de donner lieu à l' intervention de la Commission en vertu de l' article 85, paragraphe 1, ou de l' article 86".

    24. L' efficacité du système établi par le règlement dépend, dans une large mesure, de la propension des entreprises à adresser de plein gré des notifications et demandes à la Commission. C' est la raison pour laquelle l' article 15, paragraphe 5, du règlement confère à celles qui déposent une notification une certaine immunité quant aux amendes. Il est vrai que l' article 15, paragraphe 6, prévoit que cette immunité ne s' étend pas aux entreprises qui ont été informées par la Commission que cette dernière, après examen provisoire, estime que les conditions de l' application de l' article 85, paragraphe 1, du traité sont remplies et qu' une application de l' article 85, paragraphe 3, ne se justifie pas. Toutefois, cette disposition, qui a très rarement été utilisée, vise simplement à éviter les abus et ne compromet pas l' objectif général, sous-jacent au règlement, d' encourager les entreprises à prendre volontairement contact avec la Commission. Bien que l' article 15, paragraphe 5, ne vise pas expressément les autorités compétentes des États membres, nous pensons qu' il serait incompatible avec la finalité de cette disposition de permettre à ces dernières d' infliger des amendes aux entreprises, dans le cadre de l' application de leurs règles nationales de concurrence, pour des agissements que l' article 15, paragraphe 5, met à l' abri des amendes de la Commission.

    25. Il est vrai que l' article 15, paragraphe 5, ne protège pas les entreprises qui ne demandent qu' une attestation négative, mais le système institué par le règlement serait compromis si les entreprises étaient dissuadées d' adresser de telles demandes à la Commission en raison du risque de s' exposer, de ce fait, à des sanctions de la part des autorités nationales. Il ne nous paraît donc pas opportun d' établir une distinction entre l' usage que les autorités nationales sont autorisées à faire d' informations contenues dans une notification tendant à obtenir une exemption et l' usage qu' elles sont autorisées à faire d' informations contenues dans une demande d' attestation négative.

    26. Nous admettons que, compte tenu de l' absence de restriction explicite de l' usage pouvant être fait par les autorités nationales de telles informations, toute restriction induite doit se limiter au strict nécessaire. Selon nous, il serait cependant incompatible avec l' orientation générale qui sous-tend le règlement n 17 dans son ensemble, et l' article 15, paragraphe 5, en particulier, d' autoriser les autorités nationales des États membres à utiliser des informations librement fournies à la Commission pour engager, sur cette base, des procédures nationales susceptibles d' aboutir à une sanction. Bien entendu, pareilles informations peuvent les alerter quant à des infractions éventuelles à leurs règles internes. Dans cette hypothèse, nous pensons que les autorités nationales ont le droit, comme l' AEBP semble l' admettre, de suivre l' affaire et même d' infliger en temps utile des sanctions aux entreprises concernées. Il serait matériellement impossible d' exiger que les autorités nationales, après avoir reçu les informations en question de la part de la Commission, les oublient ensuite lorsqu' elles déterminent s' il y a lieu d' appliquer leur droit national. Autoriser les autorités nationales à faire cette forme d' usage des informations qui leur sont transmises ne devrait pas plus dissuader les entreprises de s' adresser à la Commission que ne peut les en dissuader l' arrêt du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, Rec. p. 3137), dans lequel la Cour a déclaré, au point 19:

    "On ne saurait en conclure qu' il serait interdit à la Commission d' ouvrir une procédure d' enquête afin de vérifier l' exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d' une vérification antérieure, au cas où ces informations indiqueraient l' existence de comportements contraires aux règles de concurrence du traité."

    Les autorités nationales doivent cependant effectuer leur propre enquête et recueillir leurs propres preuves. Elles n' ont pas le droit de se contenter de s' appuyer sur les informations qui leur sont communiquées par la Commission et de les utiliser à titre de preuves dans une procédure nationale susceptible d' aboutir à infliger une sanction aux entreprises concernées.

    27. Cette solution nous paraît réaliser le bon équilibre entre les intérêts des entreprises qui fournissent de leur plein gré des informations à la Commission et les intérêts des autorités des États membres à l' application du droit national. De plus, elle est confortée par les termes de l' article 10, précédemment cités, qui incitent à penser que l' obligation imposée à la Commission par le paragraphe 1 de cet article vise à permettre aux autorités compétentes des États membres d' exprimer leur opinion sur la façon dont la Commission a lieu d' appliquer les articles 85 et 86 du traité, et non à leur permettre d' appliquer leur droit interne de la concurrence.

    28. Les objections formulées par le gouvernement espagnol contre cette optique n' emportent pas la conviction. A l' audience, le gouvernement espagnol a avancé l' idée que, au cas où les autorités nationales ne seraient pas libres d' utiliser comme elles le jugent souhaitable les informations qui leur sont communiquées par la Commission en application de l' article 10, paragraphe 1, les entreprises pourraient s' assurer une protection contre l' application des règles nationales de concurrence par simple notification d' un accord à la Commission. Toutefois, comme nous l' avons expliqué, pareille notification n' empêche pas les autorités nationales d' ouvrir leur propre enquête sur l' accord concerné. Au surplus, rien n' empêche les États membres de suivre l' exemple du règlement n 17 en encourageant la notification des accords à leurs autorités nationales. On ne saurait donc affirmer que la forme de limitation que nous proposons d' apporter à l' utilisation pouvant être faite par les autorités nationales des informations qui leur sont transmises fait indûment obstacle à l' application du droit national.

    29. Nous estimons donc que les informations figurant dans un formulaire A/B qui sont transmises par la Commission aux autorités compétentes des États membres ne peuvent pas être utilisées par ces dernières, dans le cadre de procédures susceptibles d' aboutir à une sanction, à titre de preuves d' infractions à leurs règles internes de concurrence. Lesdites autorités sont cependant libres d' ouvrir leur propre enquête sur la base de telles informations.

    30. Étant donné que le point de vue précédemment exposé résulte du système et de la finalité du règlement lui-même, il n' est pas absolument indispensable de rechercher s' il existe un principe général qui découle des droits des États membres et qui s' oppose à ce que les autorités nationales fassent usage, dans ces conditions, d' informations contenues dans un formulaire A/B ou encore de rechercher si un tel usage d' informations est incompatible avec les droits fondamentaux découlant des traditions constitutionnelles communes aux États membres et des traités internationaux auxquels ceux-ci ont collaboré ou dont ils sont signataires, comme la convention européenne des droits de l' homme (voir, par exemple, l' arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859). A supposer même qu' il soit nécessaire d' aborder cette question, il ne semble pas que, dans les droits des États membres, il existe des principes généraux dans des domaines analogues, par exemple des principes qui régiraient l' utilisation pouvant être faite par un ministère donné d' informations obtenues par un autre ministère, même s' il existe un certain nombre de règles de ce type applicables dans des domaines particuliers. En tout état de cause, il est douteux qu' il soit possible de trouver, dans les droits des États membres, une situation pouvant réellement être considérée comme analogue à la situation de l' espèce, qui fait intervenir l' application parallèle, par une institution supranationale et par une autorité nationale, de corps de règles distincts mais apparentés. Au surplus, il n' existe apparemment aucune disposition de la convention européenne des droits de l' homme ni aucune jurisprudence de la Cour européenne des droits de l' homme susceptibles d' étayer l' idée qu' il serait incompatible avec la convention que des informations contenues dans un formulaire A/B soient utilisées par les autorités compétentes des États membres aux fins de leur droit national. D' ailleurs, ceux qui ont déposé des observations en l' espèce n' ont pas soutenu que pareille utilisation était incompatible avec la convention.

    ii) Informations recueillies en application de l' article 11 du règlement n 17

    31. Nous abordons à présent la question de l' utilisation, par les autorités nationales, d' informations recueillies par la Commission dans l' exercice de son pouvoir d' exiger des informations au titre de l' article 11. L' article 10, paragraphe 1, n' exige pas expressément que ces informations soient transmises aux autorités compétentes des États membres, mais elles peuvent manifestement entrer dans la catégorie des "pièces les plus importantes" mentionnée dans cette disposition. En l' espèce, la Commission a expliqué que, lorsqu' elle qu' elle considère les informations comme suffisamment importantes, elle les transmet normalement aux autorités compétentes des États membres au moment de l' ouverture d' une procédure au sens de l' article 9, paragraphe 3, du règlement n 17. Elle souligne que cela n' est pas à confondre avec l' ouverture d' un dossier sur une question. Il nous a été dit à l' audience que la Commission, sans avoir encore engagé une procédure en l' espèce, avait effectivement transmis à l' autorité nationale compétente les réponses à deux demandes de renseignements au titre de l' article 11. Bien que la Commission fasse valoir que les parties demanderesses au principal ne contestent pas l' usage fait de ces informations, la Cour a manifestement lieu de traiter la question de savoir dans quelle mesure les autorités nationales sont autorisées à utiliser des informations recueillies sur le fondement de l' article 11, puisque la juridiction nationale a spécifiquement mentionné cette disposition.

    32. Nous rappellerons que l' article 11 est l' un des articles mentionnés à l' article 20, paragraphe 1, qui dispose que les informations visées "ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées". La Commission a examiné la portée de cette disposition dans le document IV/382/90 qu' elle a établi en vue de la 37e conférence des experts gouvernementaux des États membres sur la concurrence, qui s' est tenue à Bruxelles du 25 au 28 septembre 1990, et qu' elle a produit en réponse à une demande de la Cour. Dans ce document, elle indique que l' article 20, paragraphe 1, est susceptible, à cet égard, de trois interprétations. Selon la première, les termes utilisés en introduction de l' article 11, paragraphe 1 ("Dans l' accomplissement des tâches qui lui sont assignées par l' article 89 et par les prescriptions arrêtées en application de l' article 87 du traité, la Commission peut recueillir ..."), impliquent que les informations recueillies peuvent uniquement être utilisées par la Commission pour l' application des articles 85 et 86. Si on adopte ce point de vue, les autorités nationales ne sont pas autorisées à utiliser les informations recueillies à cette fin. Selon la deuxième interprétation, l' article 20, paragraphe 1, autorise les autorités nationales à utiliser ces informations pour l' application des articles 85, paragraphe 1, et 86. Selon la troisième interprétation, à laquelle se rallient en l' espèce le gouvernement espagnol et, semble-t-il, la juridiction nationale, la finalité d' une demande de renseignements au titre de l' article 11, paragraphe 1, est de contribuer à éviter que la concurrence ne soit faussée. Tel étant également l' objectif des règles nationales de concurrence, les informations recueillies en application de l' article 11, paragraphe 1, peuvent être utilisées par les autorités nationales pour l' application de leur droit interne de la concurrence.

    33. Selon nous, les premiers mots de l' article 11, paragraphe 1, précédemment cités, démontrent que cette disposition a pour objet de permettre à la Commission d' appliquer les articles 85 et 86 du traité. Il serait donc incompatible avec l' article 20, paragraphe 1, du règlement de permettre que des informations recueillies par la Commission en application de l' article 11 puissent être utilisées à titre de preuves dans des procédures engagées par les autorités compétentes des États membres dans le cadre de leurs règles internes de concurrence. Nous n' admettons en aucun cas l' idée, défendue par le gouvernement espagnol, que le droit interne de la concurrence et les règles de concurrence du traité poursuivent nécessairement les mêmes objectifs; comme la Cour l' a déclaré dans l' affaire Wilhelm, précitée, c' est précisément parce que les deux corps de règles abordent les problèmes de concurrence sous des aspects différents qu' une seule et même pratique restrictive peut faire l' objet de procédures parallèles. D' après les termes de l' article 11, paragraphe 1, il nous semble aussi que l' utilisation d' informations recueillies par la Commission sur le fondement de l' article 11 soit interdite dans toutes les procédures nationales, et pas seulement dans celles qui peuvent aboutir à une sanction. Cette extension du champ de l' interdiction peut se justifier, compte tenu des larges pouvoirs que l' article 11 confère à la Commission.

    34. Nous observerons en outre que, lorsque la Commission transmet, aux autorités compétentes des États membres, des informations qu' elle a recueillies en application de l' article 11, après avoir engagé une procédure au sens de l' article 9, paragraphe 3, cette disposition s' oppose à ce que les autorités nationales appliquent elles-mêmes les articles 85, paragraphe 1, et 86 à l' entreprise ou aux entreprises en cause. La pratique de la Commission en matière de communication de pareilles informations aux autorités nationales correspond donc à l' idée, précédemment exposée, que l' obligation imposée à la Commission par l' article 10, paragraphe 1, vise à permettre aux autorités nationales d' être informées de l' application, par la Commission, des articles 85 et 86 et à leur permettre de présenter leurs observations, mais non à leur permettre d' appliquer leur droit national de la concurrence. Ce point de vue fournit un élément supplémentaire en faveur de notre conclusion au sujet de l' interprétation qu' il convient de donner de l' article 20, paragraphe 1.

    35. Les informations qui sont recueillies par la Commission sur le fondement de l' article 11, paragraphe 1, du règlement et qui sont transmises aux autorités compétentes des États membres en application de l' article 10, paragraphe 1, ne peuvent donc pas être utilisées par ces autorités à titre de preuves d' une infraction à leur droit national. Néanmoins, nous ne pensons pas qu' il serait d' une quelconque utilité de tenter d' empêcher les autorités nationales d' ouvrir leur propre enquête sur la base de telles informations. Tout comme dans le cas où la Commission leur transmet des informations contenues dans un formulaire A/B (voir point 26 ci-avant), il serait matériellement impossible d' exiger que les autorités nationales, après avoir reçu les informations, s' abstiennent ensuite d' en tenir compte pour déterminer si elles ont lieu d' appliquer leur réglementation interne en matière de concurrence.

    b) L' application des articles 85, paragraphe 1, et 86 par les autorités nationales

    36. D' après l' article 9, paragraphe 3, du règlement n 17, tel qu' il a été interprété par la Cour dans les arrêts du 30 janvier 1974, Belgische Radio en Televisie (127/73, Rec. p. 51), et du 30 avril 1986, Asjes (209/84 à 213/84, Rec. p. 1425), aussi longtemps que la Commission n' a engagé aucune procédure, les autorités administratives des États membres chargées d' appliquer le droit interne de la concurrence, ou les juridictions auxquelles cette tâche a spécialement été confiée, demeurent compétentes pour appliquer les articles 85, paragraphe 1, et 86, conformément à l' article 88 du traité. Lorsque ces autorités et juridictions exercent la compétence qui leur est conférée par l' article 88, elles ne sont cependant pas habilitées par le droit communautaire à infliger des sanctions aux entreprises concernées, mais seulement à interdire un comportement incompatible avec les articles 85, paragraphe 1, ou 86. Lorsque leurs pouvoirs se limitent à ceux qui leur sont conférés par le droit communautaire, nous estimons donc qu' elles sont libres d' utiliser les informations contenues dans un formulaire A/B à titre de preuve d' une infraction aux articles 85, paragraphe 1, et 86. En revanche, lorsque les autorités nationales sont habilitées par le droit national à infliger des sanctions aux entreprises qui agissent en violation des articles 85, paragraphe 1, et 86, hypothèse apparemment posée par la première question de la juridiction nationale, elles n' ont pas le droit d' utiliser ces informations à cette fin; en effet, les autoriser à les utiliser dans ce but risquerait de dissuader les entreprises de s' adresser volontairement à la Commission. En outre, les autorités nationales ne sont jamais autorisées à utiliser des informations recueillies par la Commission sur le fondement de l' article 11 à titre de preuves d' une violation des articles 85, paragraphe 1, et 86, car l' article 20, paragraphe 1, l' interdit expressément, selon nous. Néanmoins, rien n' empêche lesdites autorités nationales d' ouvrir leur propre enquête en application des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité, sur la base des informations contenues dans un formulaire A/B ou recueillies sur le fondement de l' article 11, même lorsqu' elles n' ont pas le droit d' utiliser ces informations à titre de preuves d' infractions à ces dispositions du traité.

    37. Cette solution présente l' avantage d' imposer les mêmes limites à l' utilisation pouvant être faite par les autorités nationales des informations qui leur sont communiquées par la Commission, qu' il s' agisse d' affaires faisant intervenir l' application des articles 85, paragraphe 1, et 86 ou d' affaires faisant intervenir l' application du droit interne de la concurrence. L' application des règles de concurrence du traité sur la base de l' article 9, paragraphe 3, est cependant à distinguer de l' application de ces règles par les juridictions nationales ordinaires sur la base de la théorie de l' effet direct. Les pouvoirs que possèdent ces juridictions en pareil cas posent des problèmes différents, qu' il n' est pas nécessaire d' examiner en l' espèce.

    Conclusion

    38. Nous estimons donc qu' il y a lieu de répondre comme suit aux questions déférées à la Cour:

    "1) Les informations qui figurent dans une demande déposée en application de l' article 2 ou dans une notification en application des articles 4 ou 5 du règlement n 17 et qui sont communiquées par la Commission aux autorités compétentes des États membres conformément à l' article 10, paragraphe 1, de ce règlement ne peuvent pas être utilisées par lesdites autorités à titre de preuve d' une violation des règles de concurrence nationales dans des procédures susceptibles d' aboutir à infliger une sanction aux entreprises concernées. Il n' est cependant pas interdit aux autorités compétentes des États membres d' ouvrir leur propre enquête, dans le cadre desdites règles nationales, à la suite de la réception de telles informations.

    2) Les informations recueillies par la Commission sur le fondement de l' article 11 du règlement n 17 et transmises aux autorités compétentes des États membres conformément à l' article 10, paragraphe 1, de ce règlement ne peuvent pas être utilisées par lesdites autorités à titre de preuve d' une violation des règles de concurrence nationales. Il n' est cependant pas interdit aux autorités compétentes des États membres d' ouvrir leur propre enquête, dans le cadre desdites règles nationales, à la suite de la réception de telles informations.

    3) Lorsque les autorités nationales compétentes des États membres appliquent les articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité CEE conformément à l' article 88 dudit traité et à l' article 9, paragraphe 3, du règlement n 17, elles ne sont pas autorisées, dans les procédures susceptibles d' aboutir à infliger une sanction aux entreprises concernées, à utiliser des informations contenues dans une demande présentée au titre de l' article 2 ou dans une notification au titre des articles 4 ou 5 de ce règlement à titre de preuves d' infractions aux dispositions précitées du traité. Il ne leur est cependant pas interdit d' ouvrir leur propre enquête, en application de ces dispositions du traité, à la suite de la réception de telles informations.

    4) Les autorités compétentes des États membres n' ont pas le droit d' utiliser des informations recueillies par la Commission sur le fondement de l' article 11 du règlement n 17 à titre de preuves d' infractions aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité CEE. Il ne leur est cependant pas interdit d' ouvrir leur propre enquête, en application de ces dispositions du traité, à la suite de la réception de telles informations."

    (*) Langue originale: l' anglais.

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