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Document 61990TJ0005

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 25 septembre 1991.
Antonio Marcato contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Comptes rendus concernant des entretiens dans le cadre d'une procédure de notation - Recours en annulation et en indemnité - Irrecevabilité.
Affaire T-5/90.

Recueil de jurisprudence 1991 II-00731

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1991:50

61990A0005

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 25 septembre 1991. - Antonio Marcato contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Comptes rendus concernant des entretiens dans le cadre d'une procédure de notation - Recours en annulation et en indemnité - Irrecevabilité. - Affaire T-5/90.

Recueil de jurisprudence 1991 page II-00731


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Acte affectant directement la position juridique du requérant - Absence - Irrecevabilité

( Statut des fonctionnaires, art . 91, § 1 )

2 . Fonctionnaires - Recours - Recours en indemnité introduit en l' absence d' une procédure précontentieuse conforme au statut - Irrecevabilité

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

Parties


Dans l' affaire T-5/90,

Antonio Marcato, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Ph.-F . Lebrun et, lors de la procédure orale, par Me G . Vandersanden, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me V . Gillen, 13, rue Aldringen,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Joseph Griesmar, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d' une part, l' annulation de deux pièces, non communiquées au requérant ni versées à son dossier individuel, rendant compte d' entretiens avec ses supérieurs hiérarchiques dans le cadre d' une procédure de notation le concernant, et, d' autre part, la réparation du préjudice moral allégué par celui-ci,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

composé de MM . C . P . Briët, président, H . Kirschner et J . Biancarelli, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 27 juin 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Les faits à l' origine du recours

1 Le requérant, fonctionnaire de grade B 3 à la Commission, a été admis, sur sa demande, à la retraite avec effet au 1er mai 1990 .

2 Le 11 juillet 1988, le directeur général du personnel de la Commission et le directeur de l' Office des publications, agissant en leur qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") ont arrêté la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade B 2 au titre de l' exercice 1988 . Le nom du requérant ne figurant pas sur cette liste, ce dernier a introduit deux recours en annulation dirigés contre cette liste, enregistrés au greffe de la Cour, respectivement le 28 octobre 1988 et le 10 avril 1989 ( affaires 317/88 et 115/89 ).

3 En annexe à sa duplique dans l' affaire 317/88, la partie défenderesse a produit deux notes établies au cours de la procédure de notation du requérant pour la période de 1985 à 1987 . Il s' agissait de deux comptes rendus : le premier, daté du 10 avril 1989, se référait à une réunion du 7 avril 1989 entre M . Lemoine, chef de division du requérant, et ce dernier; le second, daté du 22 juin 1989, était relatif à un entretien du même jour entre M . Edsberg, notateur d' appel, et le requérant . Dans sa note, M . Lemoine, après avoir fait état de diverses déclarations du requérant, parvenait à la conclusion que le dialogue avec ce dernier était "très difficile ". M . Edsberg, pour sa part, indiquait que le requérant avait admis, au cours de leur entretien, que ses relations avec ses supérieurs n' étaient pas "tellement faciles ".

4 Par acte séparé du 16 août 1989, le requérant a demandé que ces pièces soient écartées des débats dans l' affaire 317/88 . Il a soutenu que leur dépôt contrevenait à l' article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), étant donné que ces pièces ne lui avaient pas été communiquées et qu' elles n' avaient pas été versées à son dossier individuel . La Commission ne s' est pas opposée à cette demande .

5 Par ordonnance de la Cour du 15 novembre 1989, les deux affaires ont été renvoyées devant le Tribunal, au greffe duquel elles ont été enregistrées respectivement sous les n s T-47/89 et T-82/89 . Par ordonnance du 6 décembre 1989, le Tribunal a ordonné que les documents litigieux soient écartés des débats, aux motifs qu' ils se référaient à des événements postérieurs à la décision alors attaquée, à savoir celle de ne pas inscrire le requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au titre de l' exercice 1988, et qu' ils n' apportaient aucun élément utile à la solution du litige .

6 Le 4 août 1989, le requérant a saisi la Commission d' une "réclamation" au titre de l' article 90, paragraphe 3, du statut, fondée sur une violation de l' article 26 du statut et dans laquelle il demandait son "dédommagement ". Le requérant faisait valoir qu' en constituant un second dossier individuel, secret et illégal, contenant les notes susvisées, la Commission avait violé l' article 26 du statut . Craignant que ses chances de promotion n' aient été compromises par des éléments contenus dans ce dossier secret, il demandait une promotion avec effet rétroactif afin de tenir compte de l' usage fautif et prolongé de documents illégaux, "sans préjuger les actions éventuelles qui pourraient être entreprises contre les responsables de diffamation, aux termes de l' article 24 du statut et des autres dispositions législatives applicables ".

7 Le 13 novembre 1989, la Commission a informé le requérant que sa "réclamation" serait traitée par un groupe interservices le 21 novembre 1989 . Cependant, n' ayant toujours pas reçu de réponse au mois de janvier 1990, le requérant a introduit, le 5 février 1990, le présent recours .

8 Par décision du 20 mars 1990, transmise par une lettre du directeur général du personnel du 26 mars 1990, la Commission s' est déclarée "dans l' impossibilité de réserver une suite favorable à la réclamation" du requérant . Elle a fait valoir que les deux notes litigieuses se trouvaient dans un dossier individuel du requérant, tenu au sein de la DG XIX dont il relevait à l' époque, dossier qui n' aurait pas été secret . Selon la Commission, il s' agissait d' un dossier interne à la DG XIX, qui ne remplaçait pas le dossier individuel proprement dit du requérant . Les deux notes, datant de 1989, n' auraient pas pu avoir d' influence sur les travaux du comité de promotion dans le cadre de la procédure de promotion au titre de l' exercice 1988, laquelle constituait déjà l' objet du litige dans les affaires susmentionnées T-47/89 et T-82/89 .

9 Par arrêt du 20 juin 1990, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours T-47/89 ( Rec . p . II-281 ). Dans l' arrêt du 5 décembre 1990, T-82/89, le Tribunal a annulé la décision de l' AIPN refusant au requérant son inscription sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade B 2 au titre de l' exercice 1988 . Les deux arrêts ont acquis force de chose jugée .

La procédure

10 C' est dans ces conditions que le requérant a introduit le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 5 février 1990, dans lequel il demande en substance l' annulation des deux notes susanalysées, datées respectivement du 10 avril et du 22 juin 1989, ainsi que l' allocation d' un écu symbolique en réparation du préjudice moral qu' il estime avoir subi .

11 Le requérant fonde ses conclusions en annulation des deux pièces litigieuses sur deux moyens tirés respectivement de la violation de l' article 26 du statut et de la violation du "principe fondamental de la contradiction ".

12 Quant au premier moyen, le requérant fait valoir que les deux documents en cause constituent ou bien des pièces intéressant sa situation administrative ou bien des rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement . Dès lors, en tout état de cause, ils auraient dû être versés à son dossier individuel . Il reproche à la Commission de ne pas l' avoir invité à présenter ses observations sur ces documents et de ne pas les lui avoir communiqués avant leur classement . Il considère comme illicite que de tels documents figurent dans un dossier individuel parallèle, tenu auprès de la DG XIX, qui, selon lui, a été utilisé dans le cadre d' une procédure de notation et dont le contenu, dès lors, a eu une influence sur sa situation administrative .

13 Quant au second moyen, le requérant fait valoir que les droits de la défense ont été manifestement méconnus du fait qu' il n' a pris connaissance des pièces litigieuses qu' au moment de la réception du mémoire en duplique dans l' affaire T-47/89 . En outre, il conteste l' exactitude des faits "tels qu' ils sont relatés unilatéralement" dans les deux documents .

14 A l' encontre de ces deux moyens, la Commission fait d' abord valoir que les documents en question étaient des documents de procédure, destinés à préparer l' établissement du rapport de notation du requérant ( pour la période 1985-1987 ), qui, à la différence du rapport lui-même, ne sauraient être analysés comme des rapports concernant la compétence, le rendement ou le comportement de ce dernier et qui ne constituent pas non plus des pièces intéressant sa situation administrative . La Commission conteste que les pièces litigieuses aient influencé le déroulement de la carrière du requérant . Elle en déduit qu' elle n' était pas obligée d' insérer dans le dossier individuel du requérant des documents consignant des constatations factuelles relatives à l' établissement de la notation d' appel, dans la mesure où il n' est pas prouvé qu' ils aient eu une influence sur la situation administrative ou le déroulement de la carrière du fonctionnaire . Elle estime que l' article 26 du statut n' a donc pas été méconnu .

15 La Commission fait en outre valoir qu' une annulation des deux notes violerait le principe de la proportionnalité . Elle se prévaut, à cet égard, des termes de l' article 26 du statut, qui ne prévoient pas la "nullité" des pièces visées sous a ) en tant que sanction de leur non-communication à l' intéressé . Elle soutient par ailleurs que l' irrégularité invoquée par le requérant étant postérieure à la rédaction des deux documents, elle n' affecte pas leur validité intrinsèque .

16 Enfin, la Commission déclare que, dans l' hypothèse où le Tribunal, statuant sur le fond, déciderait que les comptes rendus litigieux constituent des pièces ou rapports au sens de l' article 26 du statut, elle en assurerait le classement au dossier individuel du requérant . Il serait alors loisible à ce dernier de formuler à leur égard toutes observations qu' il estimerait utiles .

17 A l' appui de ses conclusions en indemnité, le requérant fait valoir que la Commission a commis plusieurs fautes de service . Tout d' abord, à l' occasion d' une procédure contentieuse, elle aurait produit des pièces jetant le discrédit sur sa personne . De façon fautive, ces pièces ne lui auraient pas été communiquées préalablement et la Commission aurait omis de les verser immédiatement à son dossier individuel, en méconnaissance de l' article 26 du statut . Le classement de ces notes dans un dossier parallèle aurait été destiné à conforter certaines attitudes hostiles à son égard, comme l' aurait démontré l' intervention de l' assistant du directeur général de la DG XIX au sein du comité paritaire de promotion au titre de l' exercice 1988 . Il serait dès lors illégal . Selon le requérant, la seule existence desdits documents, dans un dossier secret, suffit à démontrer que s' ils n' ont pas eu pour effet de porter atteinte à ses droits objectifs à la promotion, ils pouvaient néanmoins avoir un tel objet .

18 Le requérant soutient, en outre, que les pièces litigieuses ont porté atteinte à sa respectabilité et demande l' allocation d' un écu symbolique à titre de réparation du préjudice moral qu' il estime avoir ainsi subi . Il est d' avis qu' en admettant même que les notes en cause ne soient pas susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation, il n' en demeurerait pas moins que leur rédaction, la finalité poursuivie ainsi que le contexte dans lequel elles se sont inscrites pourraient être constitutifs de fautes engageant la responsabilité de la Commission et justifiant sa condamnation à lui verser un écu symbolique . Finalement, le requérant fait valoir que la Commission n' a répondu à sa réclamation que sept mois et demi après son introduction .

19 La Commission conteste avoir eu un comportement fautif . Elle fait valoir que la réunion du comité paritaire de promotion, en juin 1988, à laquelle se réfère le requérant, a eu lieu à une date antérieure à celle de l' établissement des documents litigieux . Lors de la réunion de ce comité en 1989, il n' en aurait pas été fait état . La production en justice desdits documents n' aurait pas porté préjudice au requérant, ceux-ci ayant été écartés des débats . Au demeurant, la Commission maintient qu' elle n' a pas eu un comportement illégal; selon elle, le recours en annulation et celui en indemnité devraient donc être rejetés ensemble, un comportement jugé licite dans le cadre d' un contentieux en annulation ne pouvant simultanément être qualifié de fautif et ouvrir droit à réparation .

20 Dans sa duplique, la Commission a contesté, en outre, que le requérant ait subi un préjudice moral dû aux documents litigieux . Subsidiairement, elle a déclaré que, si le Tribunal estimait que les notes auraient dû être classées au dossier individuel du requérant, elle procéderait aussitôt à ce classement, le requérant ayant ensuite toute latitude pour y joindre et faire annexer ses propres observations dans des conditions propres à lui assurer une réparation adéquate de son prétendu préjudice moral . Une réparation supplémentaire, même limitée à un écu, ne serait dès lors pas justifiée . Dans l' hypothèse où, en revanche, les notes litigieuses seraient annulées, le requérant trouverait de ce fait une réparation satisfaisante du préjudice moral qu' il invoque .

21 Devant le Tribunal, la Commission a soulevé, conformément à l' article 91 du règlement de procédure de la Cour, alors applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, une exception d' irrecevabilité qui a été jointe au fond par une ordonnance du Tribunal du 12 juillet 1990 .

22 Le requérant n' ayant pas déposé son mémoire en réplique dans le délai imparti par le président de chambre, la procédure écrite a pris fin le 15 novembre 1990 . Cependant, par ordonnance du 24 janvier 1991, le Tribunal a accueilli une demande de réouverture présentée par le requérant . La procédure écrite s' est ensuite déroulée normalement et s' est terminée par le dépôt du mémoire en duplique .

23 Dans sa requête, le requérant avait demandé la jonction de la présente affaire aux affaires T-47/89 et T-82/89 . Ces dernières ayant été entre temps plaidées devant le Tribunal, le requérant a renoncé à cette demande .

24 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l' audience du 27 juin 1991 . Sur questions du Tribunal, les parties ont notamment pris position sur la nature juridique du document, intitulé "réclamation", que le requérant a adressé à l' AIPN le 4 août 1989 . Le président a prononcé la clôture de la procédure orale à l' issue de l' audience .

25 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal

a ) déclarer le recours recevable et fondé,

b ) annuler les pièces portées pour la première fois à sa connaissance en annexes II et V au mémoire en duplique de la Commission dans l' affaire T-47/99,

c ) lui octroyer, en réparation du préjudice moral subi, un écu symbolique,

d ) condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens .

Dans son exception d' irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

a ) rejeter le recours comme irrecevable,

b ) statuer comme de droit sur les dépens .

Dans son mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

a ) rejeter le recours comme non fondé,

b ) statuer comme de droit sur les dépens .

En ce qui concerne l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission, le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

a ) rejeter la fin de non-recevoir opposée par la Commission,

b ) ordonner la poursuite de la procédure au fond,

c ) condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens .

Sur la recevabilité

Sur les conclusions aux fins d' annulation

26 La Commission invoque quatre moyens à l' encontre de la recevabilité de ce chef du recours .

27 En premier lieu, elle fait valoir que l' objet de ces conclusions, qui visent à l' annulation des deux comptes rendus, est différent de celui de la "réclamation", par laquelle le requérant a demandé à bénéficier d' une promotion rétroactive .

28 En second lieu, la Commission conteste l' existence d' un acte faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut . A ce sujet, elle fait d' abord valoir que la "non-communication" des deux notes au requérant et leur classement dans un second dossier, prétendument secret, ne sont que des faits matériels et non pas des actes juridiques à portée décisionnelle . Les notes elle-mêmes ne seraient que des comptes rendus ne revêtant aucun caractère décisionnel . Un simple acte matériel ne produisant pas d' effets juridiques ne serait pas susceptible d' un recours en annulation .

29 Dans une telle situation de fait, qu' il estime dommageable, il appartiendrait au fonctionnaire concerné d' adresser à l' AIPN une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Ainsi, le requérant aurait-il dû saisir l' AIPN d' une demande l' invitant à prendre une décision ordonnant le classement des documents en cause dans son dossier individuel ou prescrivant leur destruction ou leur réformation . A cet égard, la Commission se réfère à l' arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission ( 200/87, Rec . p . 1877, 1901 ), dans lequel celle-ci a jugé que c' est seulement contre le rejet d' une telle demande que l' intéressé peut saisir l' administration d' une réclamation conformément à l' article 90, paragraphe 2, du statut . Elle rappelle que c' est également selon ces principes que s' est déroulée la procédure précontentieuse jugée correcte par la Cour dans son arrêt du 5 octobre 1988, Hamill/Commission ( 180/87, Rec . p . 6141, 6143 ).

30 La Commission fait encore valoir que les comptes rendus litigieux n' étaient que des mesures intermédiaires dont l' objectif était de préparer l' établissement du rapport de notation du requérant pour la période 1985-1987 . De tels actes ne constitueraient pas des actes attaquables de manière autonome .

31 Dans son mémoire en défense, la Commission a encore ajouté qu' il n' est pas prouvé que ces comptes rendus ont pu influencer la situation administrative ou le déroulement de la carrière du requérant . Ce serait de manière gratuite et infondée que le requérant soutient que c' est sur la base de ces deux comptes rendus que l' assistant du directeur général de la DG XIX s' est opposé en octobre 1989 à sa promotion au titre de l' exercice 1989 . Cette affirmation du requérant serait contredite par le compte rendu de la réunion du comité paritaire de promotion du 16 et 17 octobre 1989, produit par la Commission .

32 En troisième lieu, dans son mémoire en duplique, la Commission met en doute l' intérêt à agir du requérant . Elle estime que ce dernier ne saurait justifier l' existence de son intérêt à l' annulation des documents en cause, au motif qu' il se trouvait, à la date de l' introduction de sa requête, à savoir le 5 février 1990, "dans une position lui permettant de revendiquer ses droits par rapport à une promotion ". Il convient, selon elle, de distinguer les différents exercices de promotion . Quant à l' exercice de promotion 1988, la Commission souligne que c' est sur cette période qu' ont porté les deux recours précédents dans les affaires T-47/89 et T-82/89, tandis que le présent recours concerne une situation factuelle postérieure . Elle considère que si le Tribunal a annulé, dans son arrêt du 5 décembre 1990, précité, la décision refusant au requérant son inscription sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, en vue d' une promotion au titre de l' exercice 1988, sans joindre le présent recours au recours précédent, c' est que la situation en cause dans le recours antérieur, à savoir l' exercice de promotion 1988, était sans rapport avec l' objet du présent litige . Quant à l' exercice de promotion 1989, la Commission observe que le requérant n' a contesté aucune des décisions concernant les promotions arrêtées au titre de cet exercice budgétaire . Il ne pourrait donc plus se prévaloir de sa vocation à une promotion en 1989, même s' il était inscrit rétroactivement sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants au titre de l' exercice 1988 . En effet, le point 9 des dispositions générales d' exécution relatives à la procédure de promotion à l' intérieur de la carrière dispose que les fonctionnaires inscrits sur une telle liste et non promus au cours de l' exercice correspondant ne jouissent pas d' un droit à figurer d' office sur les listes ultérieures . Quant à l' exercice de promotion 1990, la Commission attire l' attention sur le fait que le requérant ne prétend pas avoir vocation à une promotion au titre de cet exercice, au cours duquel il a été admis à la retraite .

33 Lors de l' audience, la Commission a invoqué un quatrième moyen d' irrecevabilité, tiré de ce que le présent chef de recours vise à l' annulation des notes litigieuses plutôt qu' à une déclaration de leur inopposabilité au requérant . A l' appui de ce moyen, elle a repris l' argument qu' elle avait déjà développé au cours de la procédure écrite quant au bien fondé des conclusions en annulation, selon lequel l' inopposabilité est la seule sanction attachée par le statut à la méconnaissance de son article 26, alors que la nullité n' y est pas prévue .

34 A l' encontre du premier moyen de la Commission, le requérant fait valoir que l' objet "final" de la réclamation qu' il a introduite le 4 août 1989 était de rétablir la légalité de sa situation administrative en vue de l' octroi d' une promotion . Un tel objet ne pourrait se concilier qu' avec la disparition - c' est-à-dire l' annulation - des deux notes qui, en octobre 1989, auraient servi à l' assistant du directeur général de la DG XIX pour s' opposer fermement, devant le comité paritaire de promotion, à son inscription sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade B 2 . L' objet "premier" de la réclamation aurait donc été l' annulation de ces deux notes . Le requérant ajoute que la Cour, selon une jurisprudence constante, ne se montre guère rigoureuse quant à la rédaction de la réclamation . Il suffirait que l' institution défenderesse ait pu prendre connaissance des prétentions de l' intéressé . En l' espèce, la Commission aurait pu prendre connaissance de l' objet "premier" de la réclamation et, dès lors, il n' y aurait pas discordance entre l' objet de la procédure précontentieuse et celui du recours .

35 Quant à la question de l' acte faisant grief, le requérant soutient que les notes contestées ont été "pensées" uniquement en vue d' influencer, dans un sens défavorable, la procédure de notation le concernant . Bien que ne présentant pas un caractère décisionnel par elles-mêmes, ces notes se rattacheraient étroitement à la procédure de promotion et ne seraient pas détachables de la décision de ne pas retenir le requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade B 2 en 1989 . De ce fait, elles devraient pouvoir faire l' objet d' un recours en annulation .

36 S' agissant du troisième moyen invoqué par la Commission, le requérant soutient que son intérêt à agir n' a pas disparu après son admission à la retraite . Une annulation des notes attaquées aurait un effet rétroactif et pourrait conduire à une "révision" de son cas, susceptible d' affecter le calcul du montant de sa pension . Le requérant fait encore valoir qu' il n' a pas "accepté" les résultats de la procédure de promotion concernant l' exercice 1989 . S' il devait être reconnu fondé que son nom devait figurer sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au titre de l' année 1988, il s' ensuivrait d' office, à son avis, que ce serait à tort que son nom n' a pas été retenu pour l' exercice 1989 .

37 S' agissant, enfin, du quatrième moyen d' irrecevabilité de la Commission, le requérant répond que les pièces litigieuses lui ont en fait été opposées par l' assistant du directeur général, dans le cadre de la procédure de promotion, et qu' elles ont été produites par la Commission dans le cadre d' un contentieux antérieur entre les mêmes parties . Il fait en outre valoir que la seule inopposabilité ne permet pas de résoudre le problème principal posé par le recours, à savoir celui de la suppression des dossiers parallèles tenus par les assistants des directeurs généraux .

38 Le Tribunal estime qu' il convient d' examiner avant tout si les deux comptes rendus dont le requérant demande l' annulation sont des actes faisant grief au sens de l' article 91, paragraphe 1, du statut . A cet égard, il y a lieu de relever que seuls font grief les actes susceptibles d' affecter directement la position juridique d' un fonctionnaire ( voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Grasselli/Commission, 32/68, Rec . p . 505, 511 ).

39 Dans les deux "notes pour le dossier" litigieuses, les deux supérieurs hiérarchiques du requérant ont consigné par écrit leur version du déroulement et du contenu de deux entretiens qu' ils ont eus avec celui-ci, en relation avec l' établissement de son rapport de notation pour la période de 1985 à 1987 . Ces comptes rendus se bornent à procéder à une description de certains faits . Au surplus, ils se réfèrent uniquement à des rapports internes de service, et plus particulièrement, aux relations personnelles du requérant avec ses supérieurs . Ne revêtant, dès lors, aucun caractère décisionnel, ils sont dépourvus d' effets juridiques présents ou futurs à l' égard du requérant ( voir l' ordonnance du Tribunal du 14 décembre 1989, Teissonnière/Commission, T-119/89, Rec . p . II-7 ).

40 Certes, ces deux notes étaient destinées à être portées à la connaissance d' un nombre restreint d' autres supérieurs hiérarchiques du requérant et elles ont été établies dans le cadre d' une procédure de notation devant aboutir, quant à elle, à un rapport susceptible de produire des effets juridiques à l' égard du requérant . Le point de savoir si ces notes ont, en outre, été utilisées dans le cadre de la procédure de promotion au titre de l' année 1989, pour étayer l' attitude négative de la DG XIX à l' égard d' une promotion du requérant, fait l' objet d' une controverse entre les parties . En tout état de cause, de tels comptes rendus ne constituent que des éléments à caractère factuel, pouvant éventuellement être pris en compte, à tort ou à raison, dans le cadre de l' élaboration de certaines décisions à l' égard du requérant, décisions susceptibles, quant à elles, de produire des effets juridiques . Or, dans une telle hypothèse, seules ces dernières décisions affecteraient la situation juridique du requérant . Il s' ensuit que les deux notes litigieuses ne constituent pas des actes faisant grief au sens de l' article 91, paragraphe 1, du statut .

41 Dans ces conditions, pour regrettable que soit la pratique consistant à ouvrir des dossiers parallèles et secrets concernant des fonctionnaires de la Communauté, et sans qu' il soit nécessaire d' examiner les autres moyens d' irrecevabilité soulevés par la Commission, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions tendant à l' annulation de ces notes .

Sur les conclusions aux fins d' indemnité

42 Selon la Commission, les conclusions visant à la réparation d' un préjudice moral sont également irrecevables, l' irrecevabilité d' une demande en annulation entraînant celle d' une demande en indemnité qui lui est étroitement liée ( voir l' arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec . p . 470, 480 ). Si tel n' était pas le cas, les fonctionnaires pourraient facilement tourner l' obstacle que constitue l' irrecevabilité de la demande en annulation en formant une action en indemnité .

43 En outre, le requérant n' aurait même pas, par une demande préalable, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, invité l' AIPN à prendre une décision à son égard concernant les faits qu' il dénonce . Selon la Commission, on voit mal comment le requérant pourrait se prévaloir, dans le cadre de ses conclusions indemnitaires, des prétendues fautes commises par la défenderesse au sujet desquelles l' AIPN n' a pas été invitée à prendre une décision .

44 En réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a toutefois déclaré qu' elle pouvait accepter une interprétation du document intitulé "réclamation", introduit par le requérant le 4 août 1989, selon laquelle ce document serait de nature "hybride" et contiendrait, d' une part, une réclamation dirigée contre les deux comptes rendus litigieux et, d' autre part, une demande tendant à obtenir une promotion rétroactive . Dans l' hypothèse et dans la mesure où ce document devrait être compris partiellement comme une demande, le requérant aurait néanmoins, en tout état de cause, omis de saisir l' AIPN d' une réclamation dans le délai de trois mois après le rejet implicite de ladite demande .

45 Le requérant souligne, pour sa part, que le contentieux de l' indemnité est indépendant du contentieux de la légalité . Il ne serait pas subsidiaire à l' annulation préalable d' un acte administratif . Par conséquent, la recevabilité d' un recours en indemnité s' apprécierait de manière indépendante, sauf dans le cas où son utilisation constituerait en réalité un détournement de procédure, l' intéressé cherchant à obtenir par le biais d' un recours en indemnité le même résultat que celui qu' il aurait obtenu au moyen d' une demande en annulation .

46 Selon le requérant, la demande tendant à la réparation du préjudice moral qu' il a subi pourrait parfaitement se concevoir en l' absence d' une annulation des deux notes en question . Par conséquent, il ne commettrait en l' espèce aucun détournement de procédure .

47 Le requérant ajoute que, dans sa réclamation, il s' est expressément référé au fait qu' il se réservait de demander réparation du préjudice subi aux auteurs des deux notes . La Commission était ainsi, selon lui, en mesure d' en déduire qu' il demanderait réparation de ce préjudice au cas où la procédure se poursuivrait en justice . La réclamation se trouvait donc dans la même ligne, en ce qui concerne cet objet, que le recours introduit ultérieurement .

48 En réponse à une question posée par le Tribunal, le représentant du requérant a reconnu que l' acte qualifié de "réclamation", introduit par le requérant le 4 août 1989, n' était pas très clair dans sa formulation, de sorte qu' une interprétation laissant une certaine ouverture à la notion de "demande" n' était pas incompatible avec la rédaction de ce texte . Il a cependant affirmé qu' il ne l' a pas compris dans le sens d' une demande, mais dans le sens d' une réclamation, à la suite de laquelle le présent recours a été introduit .

49 Le Tribunal estime qu' il y a lieu de distinguer deux cas de figure lorsqu' il s' agit d' apprécier la recevabilité d' un recours en indemnité . La première hypothèse - toutefois discutable en l' absence d' un acte faisant grief - est celle où les conclusions en indemnité sont étroitement liées à un recours en annulation . Si tel est le cas, comme le soutient la Commission, l' irrecevabilité du recours en annulation entraîne celle du recours en indemnité ( voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 14 juillet 1976, Hirschberg/Commission, 129/75, Rec . p . 1259, 1270, et du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec . p . 2141, 2158 ). La seconde hypothèse est celle où un tel lien étroit entre les deux recours fait défaut . Dans ce cas, comme le soutient le requérant, la recevabilité des conclusions en indemnité doit être appréciée indépendamment de celle du recours en annulation . A cet égard, il convient de rappeler que la recevabilité d' un tel recours est subordonnée au déroulement régulier de la procédure administrative préalable, prévue par les articles 90 et 91 du statut .

50 Lorsque, comme en l' espèce, le recours tend à la réparation d' un préjudice prétendument causé par des comportements qui, en raison de l' absence d' effets juridiques, ne peuvent pas être qualifiés d' actes faisant grief, la procédure administrative doit débuter, conformément à l' article 90, paragraphe 1, du statut, par une demande de l' intéressé invitant l' AIPN à réparer ce préjudice . C' est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l' intéressé peut saisir l' administration d' une réclamation, conformément au paragraphe 2, de cet article .

51 En l' espèce, la procédure administrative n' a pas suivi ce cours régulier impérativement prescrit par les dispositions du statut . En effet, le requérant n' a pas saisi l' AIPN d' une demande tendant à obtenir réparation du préjudice dont il se plaint . Ainsi qu' il a été confirmé à l' audience par le représentant du requérant, celui-ci n' entendait pas saisir l' AIPN d' une telle demande lorsqu' il a introduit, le 4 août 1989, le document intitulé "réclamation", bien que celui-ci ait eu pour objet, entre autres, le "dédommagement" du requérant . Par suite, une procédure précontentieuse conforme aux articles 90 et 91 du statut n' a pas eu lieu .

52 Il convient d' ajouter, subsidairement et en tout état de cause, qu' il en irait de même dans l' hypothèse où ledit document, qui mentionnait en objet un "dédommagement" du requérant, pourrait être qualifié de "demande" d' indemnisation au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, en dépit du fait que le requérant lui-même et la Commission, dans sa communication du 13 novembre 1989 et dans sa décision du 20 mars 1990, l' ont traité comme une réclamation . En effet, dans cette dernière hypothèse, une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, contre la décision implicite de rejet de la demande ferait défaut .

53 Dans ces conditions, et sans qu' il soit nécessaire de statuer sur la question de savoir si le présent recours en indemnité est ou non étroitement lié au recours en annulation dirigé contre les deux comptes rendus litigieux, il y a lieu de constater qu' en tout état de cause les conclusions tendant à l' indemnisation d' un préjudice moral sont irrecevables .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

54 Conformément à l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, en vertu de l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

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