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Document 61990CC0200

    Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 30 janvier 1992.
    Dansk Denkavit ApS et P. Poulsen Trading ApS, soutenues par Monsanto-Searle A/S contre Skatteministeriet.
    Demande de décision préjudicielle: Østre Landsret - Danemark.
    Article 33 de la sixième directive TVA - Effet direct - Taxe sur le chiffre d'affaires - Loi sur la contribution de soutien au marché de l'emploi.
    Affaire C-200/90.

    Recueil de jurisprudence 1992 I-02217

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:45

    61990C0200

    Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 30 janvier 1992. - Dansk Denkavit ApS et P. Poulsen Trading ApS, soutenues par Monsanto-Searle A/S contre Skatteministeriet. - Demande de décision préjudicielle: Østre Landsret - Danemark. - Article 33 de la sixième directive TVA - Effet direct - Taxe sur le chiffre d'affaires - Loi sur la contribution de soutien au marché de l'emploi. - Affaire C-200/90.

    Recueil de jurisprudence 1992 page I-02217
    édition spéciale suédoise page I-00013
    édition spéciale finnoise page I-00043


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. La juridiction nationale pose quatre questions préjudicielles relatives à l' interprétation de l' article 33 de la sixième directive TVA (1) ainsi que des articles 9 et suivants et 95 du traité.

    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' actions, introduites par deux entreprises danoises, visant à obtenir le remboursement de la contribution instituée par le royaume de Danemark par la loi n 840 du 18 décembre 1987.

    2. La contribution en question, dénommée "contribution de soutien au marché de l' emploi" (ci-après "contribution"), a été instaurée pour compenser la diminution de recettes découlant pour le budget de l' État de mesures de fiscalisation des charges sociales adoptées pour relancer la compétitivité - surtout extérieure - des entreprises danoises.

    Il ressort de l' ordonnance de renvoi que la contribution présente les caractéristiques suivantes.

    Elle s' applique aux cessions de biens et aux prestations de services soumises à la TVA ainsi qu' à une série d' activités exonérées de la TVA (parmi lesquelles, en particulier, les services des banques et des assurances).

    Pour les entreprises assujetties à la TVA, le calcul de l' assiette servant de base à la contribution est effectué selon les mêmes règles que celles prévues pour la TVA. Le principe de la déduction de la contribution payée en amont est donc applicable.

    Pour les entreprises exonérées de la TVA, l' assiette est déterminée, si possible, sur la valeur des ventes déduction faite de la valeur des achats; autrement, elle est définie selon un critère forfaitaire, en appliquant une majoration de 90 % à la masse salariale de l' entreprise.

    Le taux de la contribution est fixé à 2,5 % de l' assiette.

    A la différence de la TVA, la contribution n' est pas payée sur les importations, mais sur la commercialisation ultérieure effectuée par les entreprises importatrices. Du moment que les importations ne sont pas assujetties à la contribution, il n' est procédé à aucune déduction lors de la première commercialisation des marchandises importées.

    La contribution ne fait pas l' objet d' une facturation distincte.

    3. La première question posée par la juridiction nationale porte sur la compatibilité de la contribution en question avec l' article 33 de la sixième directive. Rappelons, incidemment, qu' un recours en manquement, ayant pour objet la même question, a été introduit par la Commission et est actuellement pendant devant la Cour (il s' agit de l' affaire C-234/91).

    4. L' article 33, qui fait partie du Titre XVIII, "Dispositions diverses", de la sixième directive, dispose que:

    "Sans préjudice d' autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l' introduction par un État membre de taxes sur les contrats d' assurance, sur les jeux et paris, d' accises, de droits d' enregistrement et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n' ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires."

    5. Il résulte du texte de la disposition que l' article 33, si, d' une part, il permet aux États membres, dans l' exercice de leur souveraineté fiscale, de cumuler la TVA avec d' autres impôts, droits ou taxes (voir arrêt du 8 juillet 1986, Kerrut, 73/85, Rec. p. 2219), interdit impérativement, d' autre part, l' institution d' impôts ayant le "caractère de taxe sur le chiffre d' affaires".

    Selon une jurisprudence constante (voir arrêts des 27 novembre 1985, Rousseau Wilmot, 295/84, Rec. p. 3759, et 13 juillet 1989, Wisselink, 93/88 et 94/88, Rec. p. 2671), la portée de cette interdiction doit être déterminée à la lumière de la fonction que l' article 33 remplit dans le cadre du système harmonisé de la taxe sur le chiffre d' affaires sous forme de système commun d' imposition sur la valeur ajoutée.

    Or, ainsi qu' il ressort déjà de la première directive TVA (2), l' harmonisation réalisée dans ce secteur s' était fixé pour objectif l' élimination des systèmes de taxes cumulatives à cascade et l' adoption, par tous les États membres, d' un système commun de taxe sur la valeur ajoutée (voir quatrième considérant). Ce régime harmonisé vise en particulier à assurer qu' une même transaction commerciale soit soumise à des dispositions fiscales uniformes, en ce qui concerne la taxe sur le chiffre d' affaires, quel que soit l' État membre où cette transaction est effectuée (voir arrêt du 3 mars 1988, Bergandi, 252/86, Rec. p. 1343).

    En vue de cet objectif, la première et la deuxième directive TVA (3) disposent que les États membres remplacent leur système de taxes sur le chiffre d' affaires par le système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

    Considéré dans ce contexte, l' article 33 vise précisément à garantir le fonctionnement correct du système commun, en interdisant expressément aux États membres, auxquels est simultanément reconnue la compétence d' instituer des taxes autres que la TVA, d' introduire ou de maintenir en vigueur, unilatéralement, des impositions qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA et qui, par conséquent, se superposent à cette dernière en altérant l' unité du système.

    Il résulte clairement de la jurisprudence de la Cour que telle est la ratio de l' article 33. Dans l' arrêt Rousseau Wilmot, précité, la Cour relève en effet que la disposition en question, en laissant la liberté aux États membres de maintenir ou d' introduire certaines taxes indirectes, telles les accises, à condition qu' il ne s' agisse pas de taxes ayant le "caractère de taxes sur le chiffre d' affaires", a pour but d' empêcher que le fonctionnement du système commun de TVA soit compromis par des mesures fiscales d' un État membre grevant la circulation des biens et des services et frappant les transactions commerciales d' une façon comparable à celle qui caractérise la TVA.

    La Cour s' est exprimée en termes semblables dans l' arrêt Bergandi, précité, où elle déclare que l' article 33 doit être interprété en ce sens que, à partir de l' introduction du système commun de TVA, les États membres ne sont plus en droit d' imposer sur les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations soumises à la TVA des impôts, droits ou taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires.

    6. En examinant maintenant la portée de l' article 33, il faut tout d' abord relever que cette disposition ne définit pas la notion d' impôt ayant le "caractère de taxe sur le chiffre d' affaires".

    Il va de soi que - comme la Cour l' a précisé dans l' arrêt Bergandi - la notion revêt un caractère communautaire du fait qu' elle intervient dans la réalisation de l' objectif poursuivi par l' article 33, qui est de garantir le plein effet du système commun de TVA.

    Or, le principe dont s' inspire ce système consiste, en vertu de l' article 2 de la première directive, à appliquer aux biens et aux services, jusqu' à la phase de la vente au détail, un impôt général de consommation exactement proportionnel aux prix des biens et des services, indépendamment du nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d' imposition. Toutefois, à chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée n' est exigible qu' après déduction préalable de la TVA qui a grevé directement le coût des différents éléments constitutifs du prix; le système des déductions est aménagé par l' article 17, paragraphe 2, de la sixième directive de telle sorte que les assujettis sont autorisés à déduire de la TVA dont ils sont redevables les montants de TVA qui ont déjà grevé les biens en amont (voir arrêts Rousseau Wilmot, Bergandi, et Wisselink, précités, et, en dernier lieu, du 19 mars 1991, Giant, C-109/90, Rec. p. I-1385).

    A la lumière de ce contexte normatif, la Cour a jusqu' à présent estimé que la notion d' impôt ayant le "caractère de taxe sur le chiffre d' affaires" doit être définie essentiellement en considération de trois éléments (voir arrêt Giant):

    - la généralité de la taxe, c' est-à-dire le fait qu' elle s' applique, en principe, à toutes les transactions ayant pour objet la cession de biens et la prestation de services;

    - la perception de la taxe à chaque stade du processus de production et de distribution;

    - son incidence sur la seule valeur ajoutée en vertu de la déduction de la taxe versée en amont.

    7. Or, la contribution litigieuse correspond parfaitement aux traits distinctifs tracés par la jurisprudence. En premier lieu, elle se présente, de toute évidence, comme une taxe générale perçue sur les cessions de biens et les prestations de services. Mieux, son champ d' application apparaît même plus vaste que celui de la TVA elle-même, dans la mesure où il s' étend à des secteurs exonérés de cette dernière. Le fait que les importations ne sont pas taxées est sans influence à cet égard, dans la mesure où les marchandises importées sont de toute façon assujetties à l' impôt à chaque stade ultérieur de commercialisation.

    En second lieu, la contribution constitue, selon les affirmations mêmes du gouvernement danois, une taxe "à cascade" sur le chiffre d' affaires, perçue à chaque stade de la chaîne de commercialisation et dont l' assiette, de façon analogue à ce qui est prévu pour la TVA, est déterminée à partir des bénéfices réalisés par les entreprises intéressées. Quant à la circonstance que, dans certains cas, la taxe est déterminée selon un critère forfaitaire (c' est-à-dire sur la base de la masse salariale augmentée d' un pourcentage déterminé), il faut relever que ce critère répond de toute façon à l' objectif de reconstruire le montant présumé des bénéfices des entreprises en question et que, comme la jurisprudence de la Cour l' a confirmé, en particulier dans l' arrêt Bergandi, la nature de taxe sur le chiffre d' affaires au sens de l' article 33 peut être reconnue à un impôt forfaitaire lorsque - comme cela se produit précisément dans le cas d' espèce - son montant est établi au moyen de l' évaluation objective des recettes prévisibles de l' entreprise.

    En troisième lieu, il est également évident que la contribution grève uniquement la valeur ajoutée au stade de chaque transaction, du moment que, à chaque opération, la taxe due est en principe calculée après déduction de la taxe versée en amont.

    A la lumière de ces considérations, il nous semble que la contribution litigieuse doive être qualifiée de taxe sur le chiffre d' affaires au sens de l' article 33 de la sixième directive.

    8. A notre avis, cette conclusion n' est pas infirmée par les arguments opposés par le gouvernement danois.

    Le premier de ces arguments concerne l' interprétation de l' article 33. Selon le gouvernement danois, la règle n' interdirait que les taxes qui provoquent une distorsion de la concurrence ou qui altèrent le système commun de TVA soit parce qu' elles remplacent, en tout ou en partie, la TVA, soit parce qu' elles exercent une influence sur ses modalités de fonctionnement. Par contre, l' article 33 n' interdirait pas la simple institution de taxes sur le chiffre d' affaires "à cascade" qui présentent des caractéristiques analogues au système TVA.

    Cet argument doit être repoussé, parce qu' il se fonde sur une interprétation erronée de l' article 33.

    En effet, la portée de l' interdiction établie par cette règle ne se limite pas aux seules taxes qui ont pour effet de provoquer une distorsion de la TVA ou qui la remplacent et qui, du reste, seraient de toute manière incompatibles avec le système commun même en l' absence de l' article 33. Au contraire, ainsi qu' il ressort clairement de la jurisprudence rappelée ci-avant - et en particulier des arrêts Rousseau Wilmot et Bergandi -, l' article 33 établit une interdiction absolue de cumul entre la TVA et les taxes nationales qui, comme la taxe litigieuse, "grèvent la circulation des biens et des services et frappent les transactions commerciales d' une façon comparable à celle qui caractérise la TVA".

    A cet égard, il faut relever également que la fonction de norme anticumul que l' article 33 assume dans le cadre du système commun est destinée à revêtir une importance croissante. En effet, au fur et à mesure que l' harmonisation des taux de TVA sera réalisée, le maintien de taxes nationales, substantiellement analogues à la TVA, impliquerait l' application d' un taux distinct s' ajoutant aux taux communs, permettant ainsi d' éluder le régime harmonisé.

    D' autre part, il faut également souligner que la contribution en question, tout en grevant les transactions de manière analogue à la TVA, est régie exclusivement par les règles nationales et que ces dernières ne coïncident pas avec celles du système commun en ce qui concerne, par exemple, le nombre des activités exonérées. Ces discordances possibles de régime entre deux taxes, l' une communautaire, l' autre nationale, qui ont cependant la même nature et qui sont destinées à avoir une incidence, selon les mêmes modalités, sur les mêmes transactions prouvent que la superposition entre TVA et taxes nationales analogues est loin d' être sans influence sur l' uniformité du fonctionnement du système commun.

    En second lieu, le gouvernement danois conteste que la contribution litigieuse présente des caractéristiques analogues à la TVA, compte tenu des différences de régime signalées entre les deux taxes.

    Nous avons déjà répondu à cette objection au point 7 de nos conclusions. Nous nous limiterons ici à ajouter schématiquement ce qui suit:

    - le gouvernement danois reconnaît que, au lieu de la contribution, on aurait pu simplement augmenter le taux de TVA; du reste, la veille de l' audience, il a présenté un projet de loi qui remplace la contribution par une augmentation de la TVA, et l' interchangeabilité entre les deux instruments confirme leur analogie;

    - seules des considérations économiques (consistant principalement en une incidence prétendument plus faible sur les prix d' une taxe non facturée de manière distincte) auraient déterminé, à l' époque, la préférence du gouvernement pour l' institution de la contribution, au lieu de l' augmentation de la TVA; toutefois, il est évident, et cela est du reste confirmé dans la jurisprudence de la Cour, que les "motifs et les circonstances de l' adoption d' une taxe nationale dans l' ordre juridique interne ne sauraient avoir une incidence sur sa nature au regard du droit communautaire" (voir arrêt Wisselink);

    - le fait que la contribution ne fasse pas l' objet d' une facturation distincte de celle relative du prix est un choix de technique comptable qui n' exerce pas d' influence sur la nature de la taxe, attendu que, comme nous l' avons relevé plus haut, la contribution constitue une taxe à cascade qui a une incidence sur la seule valeur ajoutée et qui grève, en définitive, le consommateur final (du point de vue pratique l' introduction de la contribution ne s' est pas traduite par une augmentation correspondante des prix uniquement parce que, en même temps qu' il instituait la contribution, le gouvernement avait réduit les charges sociales grevant les entreprises et par conséquent les coûts de production).

    9. A la lumière de ces considérations, nous estimons que l' article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu' il interdit d' instituer et de maintenir en vigueur une taxe telle que la "contribution de soutien au marché de l' emploi" qui fait l' objet des procédures principales.

    10. La seconde question préjudicielle porte sur l' effet direct de l' article 33. Nous avons déjà dit que cette disposition établit une interdiction absolue d' instituer et de maintenir en vigueur des taxes analogues à la TVA. Il s' agit donc d' une obligation négative, dont le contenu est précis et inconditionnel, et qui, en conséquence, produit des effets directs dans les rapports juridiques entre les États et les administrés.

    C' est en ce sens, du reste, que l' avocat général M. Mancini s' est déjà exprimé dans l' affaire Bergandi et la Cour - nous semble-t-il - a pleinement accueilli sa suggestion, en affirmant dans l' arrêt que "l' article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu' à partir de l' introduction du système commun de TVA les États membres ne sont plus en droit d' imposer sur les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations soumises à la TVA des impôts, droits ou taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires".

    11. L' interprétation soutenue ici de l' article 33 de la sixième directive rend inutile l' examen des troisième et quatrième questions formulées par la juridiction de renvoi, relatives à l' application des articles 9 et suivants et 95 du traité. Toutefois, pour le cas où la Cour pencherait en faveur d' une lecture différente de la disposition de la directive, nous nous limitons à exposer les observations suivantes.

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, les articles 9 et suivants et 95 ne s' appliquent pas cumulativement (voir, pour tous, arrêt du 22 mars 1977, Steinike, 78/76, Rec. p. 595). L' élément fondamental de distinction entre les taxes d' effet équivalent et les taxes internes discriminatoires consiste en ce que les premières frappent exclusivement les produits importés, tandis que les secondes frappent à la fois les produits importés et les produits nationaux (voir arrêt Steinike, précité).

    Comme nous l' avons souligné plusieurs fois, la contribution en question grève tant les produits nationaux que les produits importés. Elle doit donc être appréciée exclusivement à la lumière des dispositions de l' article 95 du traité.

    A cet égard, les requérantes dans les procédures principales soutiennent que la contribution litigieuse aurait des effets discriminatoires à l' égard des produits importés, étant donné que, pour ces derniers, l' assiette de la contribution est calculée selon des modalités partiellement différentes de celles prévues pour les produits de fabrication nationale.

    La Cour a déjà déclaré qu' il y a violation de l' article 95, "lorsque l' imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé" (voir arrêt du 17 février 1976, Rewe, 45/75, Rec. p. 181).

    Il s' ensuit qu' un régime fiscal ne peut être considéré comme compatible avec l' article 95 que s' il est prouvé que sa structure est telle qu' il est exclu en toute hypothèse que les produits importés puissent faire l' objet d' une discrimination. En outre, la Cour a affirmé, à propos de régimes fiscaux qui prévoient l' application de critères différents aux produits nationaux et aux produits importés, que, lorsque les modalités d' application ne sont pas transparentes, il incombe à l' État qui a institué ce régime d' apporter la preuve qu' il ne comporte en aucun cas des effets discriminatoires (voir arrêt du 26 juin 1991, Commission/Luxembourg, C-152/89, Rec. p. I-0000). Nous estimons que cette présomption juris tantum s' impose également dans le cadre d' une affaire nationale relative à l' application de l' article 95.

    C' est à la lumière de ces principes qu' il appartient à la juridiction nationale de vérifier in concreto si la réglementation de la contribution litigieuse est telle qu' elle exclut dans tous les cas une discrimination du produit importé. Cette vérification doit être effectuée en se référant à l' incidence fiscale tant de la contribution en soi que d' autres taxes, en particulier la TVA, dont l' incidence peut varier en raison de l' existence de la contribution.

    12. Il reste, enfin, un dernier point qui n' est pas évoqué dans l' ordonnance de renvoi.

    Le gouvernement danois demande à la Cour de limiter les effets dans le temps de son arrêt dans le cas où elle déclarerait que la contribution litigieuse est incompatible avec le droit communautaire.

    A cet égard, nous rappelons ce que nous avons déjà eu l' occasion d' observer dans l' arrêt du 30 mai 1991, Karella et Karellas (C-19/90 et C-20/90, Rec. p. I-2691), en répétant que, selon la jurisprudence de la Cour, l' interprétation que, dans l' exercice de la compétence que lui confère l' article 177, la Cour donne d' une règle de droit communautaire, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu' elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l' arrêt statuant sur la demande d' interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l' application de ladite règle se trouvent réunies (voir arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61/79, Rec. p. 1205, et Salumi, 66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237).

    Eu égard à ces principes, l' éventualité d' une limitation des effets de l' arrêt d' interprétation est absolument exceptionnelle (voir arrêts Denkavit italiana et Salumi, précités). La Cour y a recouru en présence de circonstances bien précises, c' est-à-dire un risque de répercussions économiques graves, dû en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur, ainsi que la considération que les particuliers et les autorités nationales avaient été induits à un comportement non conforme à la réglementation communautaire en raison d' une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d' autres États membres ou par la Commission (voir arrêts du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, Rec. p. 1889; du 2 février 1988, Blaizot, 24/86, Rec. p. 379, et du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455).

    Cela dit, nous estimons que, dans le cas d' espèce, la limitation des effets de l' arrêt doit être catégoriquement exclue.

    L' interprétation de l' article 33 est claire et est étayée par une jurisprudence abondante et univoque. Aucune incertitude objective ne pouvait donc subsister quant au fait que la contribution était interdite selon cette disposition.

    D' autre part, la Commission a fait savoir au gouvernement danois qu' elle estimait que la contribution litigieuse était incompatible avec l' article 33, quelques jours déjà après son institution, en intentant ultérieurement un recours en manquement sur la base de l' article 169.

    Quant aux conséquences financières qui pourraient découler pour le gouvernement danois d' une déclaration d' illégalité de la contribution, il faut relever que, par lui-même, cet élément ne justifie absolument pas une limitation de l' efficacité de l' arrêt de la Cour. S' il n' en était pas ainsi, on courrait le risque de traiter plus favorablement précisément les violations les plus graves, du moment que ce sont elles qui peuvent avoir des implications financières plus importantes pour les États membres: solution aberrante et manifestement inacceptable.

    Ajoutons que, par ailleurs, les affaires ayant pour objet la légalité communautaire de taxes nationales peuvent souvent avoir d' importantes implications financières sur le plan de la répétition de l' indu fiscal. Le fait par conséquent d' accorder une limitation des effets de l' arrêt en considération uniquement de l' ampleur de ces implications, outre qu' il serait en contradiction avec la jurisprudence précédente (voir par exemple l' arrêt du 25 mai 1989, Maxi-Di, 15/88, Rec. p. 1391, relatif à une taxe dont l' importance financière était loin d' être négligeable), constituerait un précédent dangereux, dans la mesure où il pourrait aboutir à une réduction substantielle de la protection juridictionnelle des droits que les contribuables tirent de la réglementation fiscale communautaire.

    13. Nous concluons donc en proposant de répondre à la juridiction nationale de la manière suivante:

    "1) L' article 33 de la sixième directive TVA fait obstacle à l' institution et au maintien en vigueur d' une taxe nationale telle que la 'contribution de soutien au marché de l' emploi' introduite par la loi danoise n 840 du 18 décembre 1987.

    2) L' article 33 de la sixième directive TVA, en interdisant l' institution et le maintien en vigueur d' impositions ayant le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires, attribue aux particuliers des droits qu' ils peuvent faire valoir devant les juridictions nationales.

    3) Une taxe nationale, telle que la contribution litigieuse, grevant simultanément les produits nationaux et les produits importés n' entre pas dans le champ d' application des articles 9 et suivants du traité.

    4) Un régime fiscal national ne peut être considéré comme compatible avec l' article 95 du traité que s' il est prouvé que sa structure est telle qu' il est exclu, en toute hypothèse, que les produits importés puissent faire l' objet d' une discrimination. Il appartient à la juridiction nationale de constater si la réglementation de la contribution litigieuse est telle qu' elle exclut dans tous les cas une discrimination du produit importé."

    (*) Langue originale: l' italien.

    (1) Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

    (2) Première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires (JO 1967, 71, p. 1301).

    (3) Deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967 (JO 1967, 71, p. 1303).

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